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LE MARCHE DES CAPITAUX ISLAMIQUES :

LES SUKUK
PROFESSEUR : Omar El KETTANI

Cours de finance alternative


ISCAE
Année universitaire 2021-2022

Dossier 8
Plan
• I)Définition des Sukuk
• II) Les conditions de légitimité
• III)Le mécanisme général d’émission
• IV)Le travail par étape de l’organe d’émission (SPV)
• V)Les différents types de sukuk
• 1) Les sukuk basés sur les contrats de participation
• 2) Les sukuk basés sur les contrats de vente
• VI) Les phases marquantes de leur évolution
• VII) Les réalisations en matière de Sukuk sur le marché international
• VIII) La notation internationale des Sukuk
• IX ) Les risques liés à la gestion des Sukuk
Le marché des capitaux islamiques fait appel aux sukuk;
aux fonds d’investissement
aux fonds des assurances takaful et
aux indices boursiers
Le marché des capitaux islamiques répond aux besoins classiques d’un marché des
capitaux :
- Pour financer les grands projets trop couteux pour les banques (marché
primaire) ;
- Pour répondre aux besoins de financement des entreprises (marché
secondaire en particulier);
- Pour optimiser l’allocation du facteur capital en accentuant sa mobilité;
- Pour rendre productif les liquidités excédentaires des agents
économiques;
- Pour motiver le développement de l’épargne.
Comment répondre à ces objectifs en supprimant un instrument de motivation
capital : le taux d’intérêt ?
Réponse : Sukuk et fonds d’investissement islamiques
I)Définition des Sukuk

Les Sukuks : sont une ingénierie financière islamique de financement


obligataire. Le contrat sukuk correspond à une obligation islamique adossée à
un actif tangible.En réalité loin d’être des obligations ils s’identifient plutôt à
des ABS (asset-backed-securities) titres adossés à des actifs.
Les sukuks représentent un droit de créance pendant une période définie. Le
risque et le rendement associé sont prédéfinis, mais non assurés.
Les contrats sukuk sont liés au fonds d’investissement.
Le propriétaire du sakk reçoit une part du profit attaché au rendement de l’actif
sous-jacent et non un intérêt fixe.
Les produits sous-jacents des sukuks peuvent être représentés par des contrats
comme les ijarah, moucharaka ou moudharaba.

On distingue les émissions de type souverain par un État (La majorité)et celles de
type corporate par une société ou une banque.
II) Les conditions de légitimité

• A la différence des obligations les sukuk ne sont pas considérés


comme des créances par leurs porteurs pour les raisons
suivantes:
• -Ils doivent être justifiés par le besoin d’un investissement;
• Un portefeuille d’actifs éligibles pour une titrisation doit être
composé de créances ne portant pas d’intérêt.
• cédés à leur valeur faciale.
• leur montant ne dépasse pas 49% de la valeur totale du
portefeuille cédé.
• Les actifs titrisés doivent être couverts à hauteur de 51 %
d’actifs tangibles.
• Ces raisons justifient le droit légitime qu’ils fassent l’objet d’une titrisation négociable
sur un marché secondaire.
• La relation entre le détenteur et l’émetteur est une relation de participation et non de
créance.
• En cas de liquidation du projet le détenteur du sakk bénéficie de sa part nette après
remboursement de toutes les charges.

• En février 2008 l’AAOIFI annonce en détails les conditions :


• La possession réelle des actifs par les porteurs de ces actifs
• au moins 30 % de l’investissement doit être réalisé avec la certitude que l’investisseur
est confiant à 100% de l’achèvement du projet avant que les Sukuk ne soient émis 
• En résumé leurs caractéristiques sont :
• Ce sont des titres à valeurs égales lancés par le propriétaire d’un actif
tangible pour justifier la passation par cet acte d’un droit de propriété.
• Ils sont négociables sur le marché
• Ils donnent droit comme pour les actions à un partage des profits et des
risques.
• Les fonds de la souscription doivent être affectés à l’investissement dans
des projets ou des activités lucratives conformes à la Charia.
• La titrisation est basée sur un contrat légitime qui encadre la relation entre
toutes les parties.
• Le gérant des sukuk (SPV) ne doit en aucun cas garantir les bénéfices
(moudarib, mandataire ou associé
IV)Le travail par étape de l’organe d’émission (SPV)

• - La détermination de la taille des actifs d’investissement à financer


• - L’évaluation des coûts d’investissement de ces actifs
• - Le transfert des actifs en sukuk selon la taille , la maturité et les
conditions de financement appropriées.
• - La répartition des sukuk obtenus en catégories , échéances et
conditions d’émission convenables aux épargnants ciblés.
• Le lancement des sukuk à la souscription.
Le propriétaire peut-il apporter des liquidités pour soutenir les versements périodiques ou le
remboursement du principal ?
• l’agence de notation Standard & Poor’s distingue au niveau de la qualité des crédits trois
niveaux :
• Les Sukuk fortement sécurisés, comprenant des mécanismes de rehaussement complet de
crédit. Le porteur des Sukuk est dans ce cas soutenu par le propriétaire des actifs servant de
sous jacent. La notation de ces Sukuk est une notation du sponsor et donc de l’émetteur.

• Les Sukuk sans mécanisme de rehaussement de crédit, considérés comme des opérations de
titrisation. Leur seule couverture : les actifs sous jacents qui permettent de payer les coupons
et de rembourser le principal.
• Les Sukuk avec un mécanisme de rehaussement partiel de crédits. Le sponsor intervient . La
notation dans ce cas se fait en deux temps : d’abord sur la qualité de fonctionnement de la
structure, et ensuite le fonctionnement des mécanismes de rehaussement.
• Seul le deuxième type de Sukuk semble répondre aux critères de la Charia puisqu’il préserve
d’une manière directe le principe du partage du risque.
La légitimité effective
• Les Sukuk les plus conformes à la Charia sont celles qui ont pour actifs
sous jacent un contrat Ijara . Le contrat d’Ijara ressemble à celui de crédit
bail avec la particularité qu’un retard de paiement n’est pas sanctionné par
une pénalité (Riba) mais une exigibilité anticipée mettant fin au contrat.
Dans l’Ijara le cédant transfert le droit de propriété de l’actif sous jacent et
conclu avec ce dernier un contrat de location
• En dehors de la Ijara les autres formes ont introduit contrairement au
principe islamique du partage des pertes et profits plusieurs garanties
sécuritaires ce qui les rapproche du modèle asset backed, et les éloigne du
modèle islamique.
• Certains jurisconsultes n’acceptent la rémunération des Sukuk que par des
coupons qui reflètent la performance des sous-jacents.
V)Les différents types de sukuk

• En tant que moyen de financement les sukuk accompagnent à la fois les contrats de participation
et les contrat de vente

1) Les sukuk basés sur les contrats de participation

• L’émetteur est le Moudarib ou le gérant qui détient le savoir faire.


• Le (ou les souscripteurs) est le Rab Al Mal qui apporte les fonds et qui est considéré propriétaire.
• Les sukuk Moudaraba
• Les souscripteurs représentent les propriétaires des actifs de la société et ont ainsi droit à une
part des bénéfices négociés préalablement.
• En cas de pertes la part des pertes est totalement assurée par Rab Al Mal, le moudarib ayant
perdu son travail.
1) Les sukuk Moucharaka

• Titres de participation qui représentent des projets gérés en moucharaka en


désignant l’un des associés ou un tiers pour la gestion.
• Elle est similaire à une joint venture
• L’apport en capital est défini en % préalablement.
• L’émetteur est celui qui lance l’appel à souscription
• Les souscripteurs sont les associés
• Les profits sont définis selon les ratios négociés au départ
• Les pertes sont toujours réparties au prorata de la participation au capital.
Les sukuk Muzara’a ou Mugharasa

• Emis dans le but de financer un projet agricole


• les détenteurs de Sukuk deviendront propriétaires de la récolte, selon les
parts spécifiées dans le contrat.
• On évalue en % le prix d’acquisition du terrain et le coût du travail agricole.
• Les instruments agricoles donnent lieu à une émission par le propriétaire
du terrain, et les agriculteurs (propriétaires du travail) souscrivent
conformément au contrat agricole,
• Le produit de la souscription est utilisé pour financer la ferme (en termes
de coûts impliqués dans la mise en œuvre du projet ou de l'activité)
• Les porteurs des Sukuk sont propriétaires de la part définie dans le
contrat du terrain et des arbres ou de la récolte.
2) Les sukuk basés sur les contrats de vente

• Les sukuk Salam


• Ils financent le coût de production de la marchandise
• L’émetteur est le vendeur de la marchandise objet du contrat
• Les souscripteurs sont les acheteurs de la marchandise, donc deviennent les
propriétaires de celle-ci.
• Le montant versé représente le prix d’achat soit les fonds propres du contrat
Salam.

• En cas de contrat de Salam parallèle ,le vendeur s'engage à livrer un article décrit dans
l’accord, conformément à ses spécifications, en échange du produit qu'il a acheté dans
le premier contrat de Salam afin de remplir son engagement, sans aucun engagement
financier.
Sukuk al Mourabaha
• Une société veut acquérir un actif.
• Elle crée un SPV-mudaraba dont elle est agent.
• Le SPV-mudaraba émet des obligations (sukuk) qui lui permettent d’acquérir le
bien en question.
• En tant qu’agent, la société prend livraison du bien directement livré par le
vendeur.
• Le mandat d’agent prend fin et un contrat de vente à paiement différé (BBA-
murabaha) est mis sur pied dans lequel la société acquiert le bien vendu par le
SPV-mudaraba avec un profit fixé dès le départ.
• Le prix de vente incluant le profit est versé par la société au SPV-mudaraba selon
un échéancier arrêté dans le contrat.
• Les sommes ainsi recueillies peuvent être utilisées par le SPV pour payer les
coupons aux investisseurs(porteurs de Sukuk) selon un échéancier prévisible.
Les sukuk de l’Istisna’a
• L’istisna est un contrat de construction aux termes duquel un Client
demande à un tiers chargé de la construction, appelé « le Fabricant »,
de lui construire un ouvrage mobilier ou immobilier moyennant un prix
payable d’avance, de manière fractionnée, à terme ou encore à
tempérament.
• Le contrat prévoit que la propriété du bien construit est transférée au
Client à l’achèvement.
•  Le SPV-mudaraba qui émet les sukuk al-istisna se charge de faire
construire le sous-jacent, tâche qu’il confie à un sous-traitant.
• La réalisation progressive du bien permet d’établir différentes
échéances correspondant à des maturités successives du sukuk al-
istisna telles que prévues au départ
3)Les autres formes de Sukuk
• Les sukuk de la Wakala d’investissement
(Acquisition et gestion d’actifs)
Ce sont des titres qui représentent des projet ou des activités gérés par wakala en
désignant le wakil des porteurs de Sukuk pour leur gestion
• L’émetteur est le wakil ou mandataire du projet
• Les souscripteurs sont les mandants qui sont les clients
• Le montant collecté fait l’objet du mandat d’Investissements
• Les sukukholders ont droit aux résultats
• Très souvent la rémunération du wakil est indexée sur le résultat.
• Le wakil sera rémunéré par un excès du ratio de revenu prévu en tant que
rémunération de superformance.
Les sukuk de propriété d’actifs loués
Sukuk de droit d’usufruit de location
• Titres émis par le propriétaire (ou un intermédiaire financier le
représentant) d’actifs loués ou destinés à la location.
• Leur émission vise de vendre les actifs et de recouvrer le prix de de
vente à travers les souscriptions.
• L’émetteur est le vendeur d’actifs loués ou destinés à la location
• Les souscripteurs sont les acheteurs des actifs
• Le montant souscrit est le prix d’achat
• Les porteurs des sukuk disposent de la propriété indivise des actifs, en
partageant profits et risques.
Les sukuk de jouissance d’actifs existants : 2 types
• Les titres émis par le propriétaire (ou son représentant) d’un actif
existant dans le but de céder la jouissance de son bien et de recouvrer
en contrepartie une rémunération en collectant le montant de leur
souscription
• Les titres émis par l’usufruit ou le locataire d’un actif existant,
directement ou par un intermédiaire financier le représentant .
• Le but est de donner en location ou en sous location l’actif concerné et
de recouvrer un loyer en collectant le montant des souscriptions.
• L’émetteur est le vendeur du droit portant sur l’actif existant
• Les souscripteurs sont les acquéreurs du droit cédé
• Les Sukuk de droit d’usufruit ou de location d’actifs à produire
• Titres émis dans le but de louer des actifs à fabriquer/à produire et de
recouvrer leurs loyers en collectant le montant des souscriptions

• Sukuk de services : 2types


• Les sukuk de services fournis par une partie désignée
• Emis dans le but d’offrir un service fourni par une partie désignée (nommée) et d’en
recouvrer les revenus en collectant le montant des souscriptions.

• Les sukuk de propriété de services d’une partie décrite et non désignée


• Emis dans le but d’offrir un service fourni par une partie décrite (mais non nommée)
et d’en recouvrer les revenus en collectant le montant des souscriptions
• Les Sukuk de droit d’usufruit ou de location d’actifs à produire
• Titres émis dans le but de louer des actifs à fabriquer/à produire et de
recouvrer leurs loyers en collectant le montant des souscriptions

• Sukuk de services : 2types


• Les sukuk de services fournis par une partie désignée
• Emis dans le but d’offrir un service fourni par une partie désignée (nommée) et d’en
recouvrer les revenus en collectant le montant des souscriptions.

• Les sukuk de propriété de services d’une partie décrite et non désignée


• Emis dans le but d’offrir un service fourni par une partie décrite (mais non nommée) et
d’en recouvrer les revenus en collectant le montant des souscriptions
VI) Les phases marquantes de leur évolution
• La 1ère émission fut réalisée par le groupe financier Saoudien Al Baraka en 1998.
• Dow Jones et Citigroup ont lancé le 2 avril 2006 le Dow Jones Citigroup Sukuk index,
indice de performance de ces certificats, pour les investissements supérieurs à 250
millions $.
• Ils ont atteint 95 milliards de $ en 2008 soit 10% des actifs de la FI
• Les land allemands de Saxe-Anhalt a été le 1er emprunteur non musulman
• Ces Sukuk ont été cotés au Luxembourg Stock exchange.
VII) Les réalisations en matière de Sukuk sur le marché international

• le volume des Sukuk émis est passé de zéro en l’an 1997 à 97,3 milliards de dollars US
en 2007
• Le nombre des fonds Sukuk est passé de 47 en 1998 à plus de 600 en 2008
• Les pays leader en matière d’émission des Sukuk sont la Malaisie, le Bahreïn, le Qatar,
les Emirats Arabes Unis, l’Arabie Saoudite et le Pakistan.
• Le secteur financier a bénéficié de 31 % du volume des émissions suivit du secteur
immobilier (25%) et de l’énergie (12%).
• Les Sukuk souverains s’orientent plutôt vers les projets d’infrastructures, tandis que les
Sukuk émis par des entreprises financent des projets immobiliers ou industriels
VIII) La notation internationale des Sukuk

• Les Sukuk soufrent de deux problèmes majeurs :


• l’absence d’un cadre juridique unifié pour les pays musulmans
• L’absence d’un modèle de référence qui répond aux normes internationales d’une
titrisation sécurisée.
• Ces deux problèmes empêchent à priori la notation de ces certificats sur le marché
international. La notation sert à évaluer la valeur de ces certificats, à faciliter leur
rémunération et à accélérer leur circulation.
IX) Les risques liés à la gestion des Sukuk
• Les lois dans beaucoup de pays musulmans sont considérées inadaptées aux critères
juridiques internationaux d’une titrisation sécurisée.

• Les risques selon un rapport de Ficht sont liés aux conséquences d’une faillite du
cédant ou d’une faillite de l’émetteur postérieurement à une opération de titrisation.

• Il y a aussi des risques d’illégalité juridique au nom de la Charia,

• des risques de non reconnaissance des jugements rendus par les tribunaux étrangers,

• et des risques d’inadaptabilité des législations des pays arabes (Arabie Saoudite par
exemple).
Conclusion
Selon Mathieu Vasseux du cabinet conseil Oliver Wyman « la plupart des
banques islamiques souffrent de déséquilibres au niveau de leur structure de
bilan, déséquilibre difficile à combler par manque de passifs de long terme 

Ces produits financiers islamiques, de création récente, font face à leur première
crise de croissance en 2008 suite à la grande crise financière de la société
Nakheel à Dubaï

Mais comme la demande est forte, elle devrait selon certains experts occasionner
un fort taux de croissance surtout au niveau des sukuks souverains.

L’étude des sukuks permet d’expliquer la théorie générale du recours à la dette


du point de vue islamique.

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