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Le processus cicatriciel est un phénomène extrêmement complexe faisant intervenir de multiples acteurs,
cellules circulantes ou du tissu lésé, composants matriciels et facteurs solubles, selon une dynamique
spatiotemporelle interactive encore mal élucidée. Le minutage est très précis et plusieurs phases sont
décrites, successives par un souci didactique, mais en fait intriquées dans le temps. La première phase, qui
débute immédiatement après une blessure, est une phase d’hémostase, inflammatoire et
vasculodétersive. Le caillot de fibrine formé permet la fermeture de la plaie et sert de matrice provisoire.
Les plaquettes libèrent leur contenu et attirent des neutrophiles qui vont éliminer les bactéries. Des
cytokines et des facteurs de croissance sont libérés en cascade. La deuxième phase est proliférative, tout
d’abord dermique, avec angiogenèse conduisant à la formation du tissu de granulation et à l’acquisition
de spécificités morphologiques et biochimiques de cellules musculaires lisses par les fibroblastes, alors
appelés myofibroblastes. Cette deuxième phase est également épidermique avec réépidermisation et
rétablissement de la fonction barrière de la peau. Ces deux phases se déroulent durant les 2 à 3 premières
semaines de cicatrisation. Enfin, la troisième phase est une phase de remodelage, tardive, prolongée sur
au moins 18 mois. Elle doit normalement permettre au tissu de retrouver ses propriétés fonctionnelles
initiales, en particulier les propriétés mécaniques pour la peau. Chaque étape est sous la dépendance de
nombreux signaux échangés par les différents types de cellules entre elles et avec le milieu environnant. La
défaillance de ces processus interactifs et dynamiques peut conduire à des cicatrisations excessives,
hypertrophiques, voire chéloïdes, ou à l’inverse à des retards de cicatrisation.
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Plan cicatrisation (Fig. 1), puis nous détaillons les acteurs cellulaires
et certains acteurs moléculaires locaux et sériques représentatifs
des mécanismes intervenant lors de la cicatrisation. Enfin, nous
¶ Introduction 1
abordons certains désordres de la cicatrisation en nous
¶ Dynamique de la cicatrisation 1 appuyant sur la pathogénie des cicatrices hypertrophiques et des
Première phase : hémostatique et vasculo-détersivo-inflammatoire chéloïdes, puis en décrivant certaines causes conduisant à des
(48 h) 1 retards de cicatrisation.
Deuxième phase : tissu de granulation (j3 à j21-42) 2
Phase de remodelage 3
¶ Acteurs de la cicatrisation 3 ■ Dynamique de la cicatrisation [3]
Cellulaires 3
Facteurs solubles : facteurs de croissance et cytokines 5 Première phase : hémostatique
Matrice extracellulaire et enzymes de dégradation 6 et vasculo-détersivo-inflammatoire (48 h)
¶ Cicatrices hypertrophiques et chéloïdes 6 L’organisme prévient naturellement la perte sanguine et
En histologie 6 l’exposition aux pathogènes en formant rapidement un caillot
Du point de vue physiopathologique 6 sanguin riche en fibrine et en fibronectine et par la mise en jeu
¶ Facteurs influençant la cicatrisation 7 de divers processus : vasoconstriction, cascade des deux voies de
¶ Conclusion et perspectives 7 la coagulation, activation du système du complément, etc. Ce
caillot d’hémostase va également servir de matrice provisoire
pour la migration cellulaire. En effet, les plaquettes activées
vont dégranuler et libérer des bolus de facteurs de croissance et
■ Introduction de cytokines qui vont agir en synergie pour recruter en quelques
heures divers types cellulaires. Des leucocytes qui vont assurer
Le processus cicatriciel est un phénomène extrêmement leur rôle de détersion puis sont phagocytés eux-mêmes par des
complexe faisant intervenir de multiples acteurs, cellules, macrophages ou des fibroblastes ayant infiltré la plaie. Des
circulantes ou du tissu lésé, composants matriciels et facteurs macrophages qui proviennent de la différenciation et de
solubles [1, 2]. Nous décrivons tout d’abord la dynamique de la l’activation de monocytes circulants attirés sur le lieu de la plaie
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50-040-A-10 ¶ Physiologie de la cicatrisation cutanée
Hémostase
Inflammation
Migration / prolifération
Remodelage
Nombre relatif
Plaquettes
de cellules
Neutrophiles
Macrophages
Fibroblastes
Lymphocytes
2 4 6 8 10 12 14 16 Jours Années
Figure 1. Recrutement cellulaire et dynamique temporelle après blessure cutanée (d’après [2]).
en 1 à 2 jours. Ces macrophages stimulent également la inhibiteurs, appelés inhibiteurs tissulaires des métalloprotéases
prolifération lymphocytaire et sécrètent pléthore de facteurs de (TIMP). Ces enzymes (MMP) sont nécessaires pour la progres-
croissance qui recrutent eux-mêmes des fibroblastes et des sion des cellules à travers la matrice extracellulaire mais elles
cellules endothéliales pour les phases prolifératives suivantes. peuvent devenir délétères et contribuer au développement de
Les principaux facteurs de croissance à cette phase sont au plaies chroniques.
départ le transforming growth factor b1 (TGF-b1) et le platelet Parallèlement à cette fibroplasie dermique, la réépidermisa-
derived growth factor (PDGF) puis, en cascade, toutes les molécu- tion va débuter sur la matrice à partir des berges de la plaie et
les nécessaires aux phases prolifératives : familles des fibroblast des annexes (follicules pileux, glandes). La différenciation du
growth factor (FGF) et des epidermal growth factor (EGF), vascular nouvel épiderme permet alors le rétablissement de la fonction
endothelial growth factor (VEGF), PDGF, nerve growth factor (NGF), barrière de la peau.
TGF-a, TGF-b1, hepatocyte growth factor (HGF), connective tissue À ce stade, les interactions cellules-cellules et cellules-matrice
growth factor (CTGF), TNF-a1, interleukine 6 (IL6), granulocyte sont multiples et impliquent les cytokines et facteurs de
colony stimulating factor (GCSF), granulocyte macrophage colony croissance. Par exemple si l’on s’intéresse aux FGF, la cicatrisa-
stimulating factor (GM-CSF), etc. tion va entraîner l’expression des FGF-1, -2, -5 et -7 qui
augmentent in vivo et in vitro la croissance et la migration des
Deuxième phase : tissu de granulation fibroblastes et des kératinocytes.
Normalement, les stimulus angiogéniques s’arrêtent et les
(j3 à j21-42) capillaires régressent par plusieurs voies : apoptose, nécrose,
ingestion par les macrophages et adhésion plaquettaire aux
Tissu de granulation : fibroplasie
cellules endothéliales en voie de dégénérescence et les stimulus
et néo-angiogenèse fibroblastiques s’arrêtent aussi.
Des fibroblastes et des cellules endothéliales sont donc
recrutés et activés. De nouveaux vaisseaux se forment, ce qui est Réépithélialisation
essentiel pour la réorganisation du tissu lésé et l’apport de Elle est indispensable à l’organisme pour retrouver rapide-
nutriments et d’oxygène. Les cellules fibroblastiques attirées ment la fonction barrière que joue l’épiderme, et plus particu-
vont coloniser la matrice provisoire et synthétiser tous les lièrement la couche cornée. Ceci est vital pour conserver
composants de la matrice extracellulaire (MEC) pour former le l’équilibre hydrique de l’organisme et le protéger des agressions
tissu de granulation qui va remplacer progressivement la externes, en particulier l’agression bactérienne. Cette épithélia-
matrice extracellulaire provisoire. lisation débute, sur la matrice provisoire, en quelques heures (18
Un grand nombre de fibroblastes vont acquérir la morpholo- à 24 h) à partir des bords de la plaie et dans les cas les plus
gie et les caractéristiques biochimiques de cellules musculaires graves, met en jeu des cellules souches épidermiques des
lisses et évoluer vers le phénotype myofibroblastique, enfin leur follicules pileux [6, 7] . Les intégrines, récepteurs de surface
nombre va augmenter. Les myofibroblastes sont considérés transmembranaires a-b hétérodimériques qui assurent la liaison
comme le principal type cellulaire responsable du dépôt de des kératinocytes basaux à la membrane basale jouent un rôle
matrice extracellulaire à ce stade et participent également au important puisque la dissociation des hémidesmosomes est
remaniement de la plaie du fait de leurs propriétés contractiles. indispensable à la migration des kératinocytes. Il en existe de
Il existe plusieurs populations de myofibroblastes présentant multiples isoformes. Après séparation des intégrines de leurs
différents profils d’expression protéiques [4]. Leur différenciation ligands matriciels, de multiples signaux intrakératinocytaires
est sous la dépendance de nombreuses molécules, cytokines et sont déclenchés qui vont promouvoir l’expression et l’organisa-
facteurs de croissance (TGF-b1 [5], PDGF, TNF-a1, interféron tion d’autres récepteurs transmembranaires, notamment pour la
gamma [IFNc]) mais aussi des molécules de la matrice provisoire laminine-5 puis la fibronectine, facilitant la migration. Par
comme la fibronectine ou l’héparine. Les composants de la ailleurs, les travaux in vitro sur cultures cellulaires ont permis
matrice contribuent largement au processus de fibroplasie en de mieux connaître les interactions dermoépidermiques et ont
facilitant la migration et l’infiltration des cellules et modulent montré que les fibroblastes, en plus de leurs fonctions bien
aussi les fonctions de synthèse fibroblastique. Certains facteurs, connues sur la synthèse de la matrice et le remodelage, partici-
comme le TGF-b1, sont stockés dans la matrice sous forme paient également activement à la croissance et à la différencia-
latente et lorsqu’ils sont libérés vont influer aussi sur la tion des kératinocytes [8-10]. L’expression par les fibroblastes du
différenciation myofibroblastique. La matrice est donc un FGF-7 [11, 12], encore appelé KGF-1 (keratinocyte growth factor-1),
environnement dynamique avec des interactions cellulaires est augmentée d’environ 150 fois en 24 heures, entraînant une
multiples. Ces processus mettent également en jeu des enzymes activation des kératinocytes. D’autres facteurs de croissance sont
protéolytiques variées appelées métalloprotéases matricielles importants : l’EGF, le TGF-a et l’heparin binding-epidermal growth
(MMP : collagénase, gélatinase, stromélysine, etc.) et leurs factor (HB-EGF) (en synergie avec l’insulin-like growth factor
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Physiologie de la cicatrisation cutanée ¶ 50-040-A-10
Tableau 1.
Facteurs de croissance, composants de la MEC, intégrines et métalloprotéases impliquées dans la migration et la prolifération kératinocytaire (d’après [10]).
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50-040-A-10 ¶ Physiologie de la cicatrisation cutanée
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Physiologie de la cicatrisation cutanée ¶ 50-040-A-10
Récepteur Cytokine
transmembranaire Cellule source
spécifique
Cellule cible
mRNA
Cytokine
Répression
Autre cellule
Prolifération
Figure 4. Mode d’action en cascade d’une cytokine. FGF : fibroblast growth factor ; mRNA : acide ribonucléique messager.
présence de laminine (jonction dermoépidermique) est respon- chimiotactisme, libération de TGF-b, rôle/cellules endothéliales,
sable de l’arrêt de la migration et du passage à la phase de synthèse de fibronectine et d’acide hyaluronique, production de
prolifération et de différenciation des kératinocytes. Leur métalloprotéases, etc.
migration est aussi régulée par : l’humidité de l’environnement, Attention : pas d’action sur les cellules épithéliales ou
certains facteurs de croissance (EGF, TGF-b) [30], l’expression de endothéliales (pas de récepteur).
certaines intégrines dont le rôle essentiel, dans l’épiderme
intact, est d’assurer l’attachement des kératinocytes basaux à la TGF-b [36, 37]
membrane basale. Leur prolifération également est régulée par
Il existe plusieurs sous-types de ligands : b1, b2, b3.
des molécules diverses : facteurs de croissance (EGF, TGF-b), INF
Synthèse : plaquettes (bolus de TGF-b1), macrophages activés,
et TNF-a, et le monoxyde d’azote (inhibiteur qui perd progres-
lymphocytes, fibroblastes, cellules endothéliales, kératinocytes.
sivement sa prédominance au profit de l’EGF stimulant). Après
réépithélialisation et fermeture de la plaie, les kératinocytes Favorisée par : TGF, IL6, corticoïdes, rétinoïdes, analogues
entrent dans leur dernière phase dite de « maturation » épider- vitamine D, certains composants de la MEC.
mique avec réapparition progressive des différents marqueurs de Actions multiples, à toutes les étapes, paradoxales et variables
différenciation : kératinosomes, filaggrine et lectine. suivant les stades : pro-inflammatoire, prolifération puis
synthèses fibroblastiques, synthèse de toutes les molécules de la
MEC, inhibition des enzymes de dégradation de la MEC (MMP/
Facteurs solubles : facteurs de croissance TIMP) migration des kératinocytes mais aussi inhibition de leur
et cytokines [31-33] prolifération, inducteur d’apoptose, involution des néovais-
seaux, etc. Il a également des rôles importants dans d’autres
Des acteurs solubles sont également extrêmement nombreux domaines que la cicatrisation : tumoral (suppresseur et promo-
et variés, nous n’en décrivons que quelques-uns. Les cytokines teur), angiogenèse (migration, invasion et survie des cellules
sont de petites molécules, glycoprotéiques, qui vont servir endothéliales), immunosuppresseur potentiel.
d’informatrices pour les interactions cellulaires. Elles agissent en
cascade sur des modes variés paracrines, autocrines (Fig. 4). Les GM-CSF [38]
facteurs de croissance sont produits par différentes cellu-
les (essentiellement : polynucléaires neutrophiles [PNN], PQ, Synthèse : la plupart des cellules (lymphocytes, macrophages,
macrophages et fibroblastes). Ils exercent, sur le site de la cellules endothéliales, fibroblastes et kératinocytes).
cicatrisation, en cascade eux aussi et avec induction réciproque, Favorisée par : IL1, TNF-a.
divers effets biologiques : chémoattraction, activation, inhibi- Actions multiples : stimulation PNN et macrophages, prolifé-
tion, angiogenèse, prolifération, acquisition de nouvelles ration et différenciation des kératinocytes, synthèse de colla-
propriétés, mise en apoptose, etc. Leurs cellules cibles sont en gène, stimulation de la néo-angiogenèse, bactéricidie,
priorité bien sûr les acteurs cellulaires de la cicatrisation : les recrutement de cellules de Langerhans, stimulation d’autres
PNN, macrophages, fibroblastes, cellules endothéliales et cytokines : TNF-a, IL1, -2 et -6, IFN, M-CSF.
kératinocytes. Pour certains, il s’agit de « familles » entières (FGF
et EGF par exemple). Les plus impliqués dans la cicatrisation
semblent être : PDGF, TGF-a, TGF-b (1, 2, 3), EGF, FGF 1, 2, FGF et leurs récepteurs
VEGF, KGF-1 (FGF-7), IGF-1, TNF-a, IL1, GM-CSF, NGF, HGF.
Neuf membres sont identifiés dans cette famille ainsi qu’un
PDGF [34, 35] grand nombre de récepteurs. Cela conduit une fois de plus à un
réseau extrêmement complexe d’interactions et d’effets cellulai-
Il existe plusieurs isoformes avec des rôles différents. res spécifiques. Il y a une grande variété de récepteurs aux FGF
Synthèse : plaquettes, macrophages activés, cellules endothé- (quatre complexes distincts d’isoformes, corécepteurs glycosa-
liales, cellules musculaires lisses vasculaires, fibroblastes. minoglycanes, récepteurs solubles antagonistes, etc.), protéines
Actions : inflammation et réparation dermique, avec action de liaison aux récepteurs (héparane sulfate-like), systèmes de
mitogène pour les fibroblastes et les cellules musculaires lisses, transduction (tyrosines kinases), et de possibles localisations
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50-040-A-10 ¶ Physiologie de la cicatrisation cutanée
Tableau 2.
Exemples de production et fonctions biologiques des fibroblasts growth factors (FGF).
FGF Production Fonction biologique principale
FGF-1 Cellules musculaires squelettiques, cellules endothéliales, neurones, Cicatrisation (fibroplasie et réépithélialisation)
fibroblastes, hépatocytes, macrophages, kératinocytes
FGF-2 Cellules rétiniennes, cellules T, plaquettes, kératinocyte, fibroblaste, cellu- Hématopoïèse
les musculaires striées, macrophages, cellules endothéliales, neurones, Cellules des stromas
astrocytes, mésoderme et ectoderme de l’embryon
Cicatrisation (fibroplasie et réépithélialisation)
Angiogenèse tumorale
FGF-3 Tissu embryonnaire, cancer du sein Embryogenèse
FGF-4 Tissu embryonnaire Embryogenèse
FGF-5 Tissu embryonnaire, muscle adulte, cellules du sarcome de Kaposi Ectoderme de l’embryon
FGF-6 Muscle squelettique Développement des muscles squelettiques
FGF-7 Fibroblastes (sous-épidermiques), cellules musculaires squelettiques, Prolifération kératinocytes
cellules mésenchymateuses embryonnaires Interaction avec le FGF-2
FGF-8 Ectoderme de l’embryon (souris uniquement) Prolifération du mésenchyme
FGF-9 Lignée cellulaire gliomateuse
nucléaires. Les FGF vont jouer un rôle majeur dans un grand de régulation pour les cicatrices hypertrophiques, durable sans
nombre de fonctions : hématopoïèse, embryogenèse, cicatrisa- tendance à la régression pour les cicatrices chéloïdes. Les
tion, angiogenèse tumorale, etc. et leur dénomination est cicatrices hypertrophiques sont limitées à la zone de la plaie,
impropre. Même si certains FGF initient la prolifération fibro- rouges et prurigineuses, les chéloïdes débordent des limites
blastique, ils induisent également la prolifération de beaucoup initiales de la plaie et sont douloureuses, récidivantes même
d’autres cellules et ont également d’autres fonctions (Tableau 2). après chirurgie [40, 41].
Les FGF dont le taux d’expression augmente durant la cicatrisa-
tion sont essentiellement les FGF-1, -2, -5 et -7. Certains En histologie
augmentent la croissance et la migration des kératinocytes
(activation kératinocytaire × 150 par le FGF-7) et d’autres celles Les chéloïdes et les cicatrices hypertrophiques diffèrent
des fibroblastes (le « basic FGF » est mitogène, mais inhibe aussi essentiellement de la peau normale et des cicatrices matures par
la production de collagène). l’augmentation de la cellularité, la richesse de la vascularisation,
la présence d’un infiltrat inflammatoire et ne sont pas toujours
distinguables en histologie. L’épiderme peut être normal, épaissi
Matrice extracellulaire et enzymes ou plus fin. Dans les cicatrices hypertrophiques, on observe
de dégradation surtout une augmentation de myofibroblastes « actifs », d’aspect
La matrice extracellulaire est constituée de macromolécules étoilé en microscopie électronique. Dans les chéloïdes, ces
protéiques de structure « noyées » dans un gel de polysacchari- myofibroblastes sont généralement absents et la cellularité est
des. Ces macromolécules de structure sont le collagène, la moins importante [42]. On retrouve quelques macrophages, des
fibrilline, l’élastine et l’acide hyaluronique (charpente, hydrata- lymphocytes et des éosinophiles. Dans les deux cas le collagène
tion+++). Les protéoglycans sont organisés en réseau réticulé est organisé en tourbillons. Dans les cicatrices hypertrophiques
croisant les fibres de collagène. Elle comporte également des on retrouve toujours des structures nodulaires composées de
molécules plus fonctionnelles que de structure comme la fibroblastes, petits vaisseaux et de fibres de collagène. Ces
fibronectine ou la ténascine qui favorisent durant les processus structures nodulaires sont plus rares dans les chéloïdes mais les
de cicatrisation le chimiotactisme puis le support cellulaire, amas de collagène plus épais. Le phénotype des cellules endo-
l’opsonisation des débris, etc. théliales composant les microvaisseaux des chéloïdes est plus
Cette MEC, contrairement à ce qui est donc souvent admis, proche de celui des cellules endothéliales des cicatrices matures
n’est pas inerte. Elle participe à part entière aux interactions que de celui des cicatrices hypertrophiques.
cellulaires avec des fonctions de chémoattraction, de facilitation
de la migration, etc. et régule l’activité cellulaire [9, 17]. Son Du point de vue physiopathologique
remodelage dépend bien sûr de processus de synthèse, en
Les synthèses de collagène et de protéoglycanes sont aug-
particulier par les fibroblastes, mais également de processus de
mentées dans les deux types de cicatrisation excessive. La
dégradation mettant en jeu des MMP et des inhibiteurs tissulai-
dégradation du collagène semble normale mais les synthèses de
res de ces enzymes (TIMP). De nombreuses enzymes sont
différents types de collagène (I et III) sont augmentées. De
maintenant caractérisées parmi les MMP, notamment : MMP-1,
nombreux facteurs de croissance, cytokines et autres molécules
collagénase ; MMP-2, gélatinase ; MMP-3, stromélysine, etc. Ce
ont été étudiés in vitro. Globalement, les fibroblastes des
sont des acteurs importants du processus cicatriciel déjà évoqués
chéloïdes et des cicatrices hypertrophiques semblent trop
ci-dessus [39].
sensibles aux effets du TGF-b [43, 44] et du PDGF avec un turn-
over accéléré. Ont également été étudiés [45] : le taux d’expres-
■ Cicatrices hypertrophiques sion et la distribution du FAS antigène modifiés dans les
cicatrices hypertrophiques, différents facteurs de résistance à
et chéloïdes l’apoptose (gènes p53, p63, TGF-b2), des facteurs angiogéniques
et les récepteurs de ces cytokines, la sécrétion autocrine de
La multiplicité et la complexité des mécanismes et des PDGF, la composition des protéoglycanes, l’expression de
interactions mises en jeu pour le bon déroulement de la fibrilline et d’élastine [46]. Pour certains, les cicatrices excessives
cicatrisation permettent aisément de concevoir la vulnérabilité contiennent des populations hétérogènes de fibroblastes avec
de ces systèmes et les possibilités d’erreurs. Les cicatrices des expressions variables, notamment de certaines intégrines,
chéloïdes et hypertrophiques sont deux types de cicatrisation dépendantes du milieu (perte de l’hétérogénéité phénotypique
excessive dont on peut penser qu’elles sont dues à la persistance si l’on cultive ces cellules en série) plus que des cellules elles-
de signaux de cicatrisation ou à un défaut des signaux d’arrêt mêmes [47]. Pour d’autres ce sont des anomalies du contrôle
de cicatrisation durant la phase de remodelage. Elles diffèrent kératinocytaire paracrine sur les fibroblastes qui prédominent
essentiellement par leur évolution, temporaire avec possibilité avec modification des propriétés de contraction de lattices de
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Physiologie de la cicatrisation cutanée ¶ 50-040-A-10
Tableau 4.
Principales causes de retards de cicatrisation (liste non exhaustive).
Causes générales Causes locales
Tabagisme Altérations vasculaires (veineuses ou artérielles) ou lymphatiques
Diabète Contexte anatomique (arthrodèse de cheville, curage ganglionnaire,
Malnutrition radiochimionécrose, etc.)
Médicamenteuses (corticostéroïdes, immunosuppresseurs, anticancéreux, Contexte neurotrophique
etc.) Infection ou colonisation critique
Vieillissement Erreur de traitement local (pansements occlusifs sur plaie infectée, notam-
Neurologiques (SEP, AVC, diabète, etc.) ment à pyocyanique, milieu humide sur artériopathie stade IV, etc.)
Métaboliques (dénutrition, déficits protéiques, vitaminiques [C ou A surtout], Infection à germe spécifique ou atypique (tuberculose, leishmaniose,
en fer ou en zinc, hyperuricémie, etc.) mycobactérioses, etc.)
Endocriniennes (diabète, hypercorticisme, déficit en GH, etc.) Ostéite sous-jacente
Hématologiques (anémies et maladies des globules rouges, leucémies, Corps étranger
dysprotéinémies, syndromes myéloprolifératifs, troubles de la coagulation) Néoplasie
Anomalies cardiovasculaires ou respiratoires chroniques
Connectivites et vascularites, panniculites
Pathomimie
SEP : sclérose en plaques ; AVC : accident vasculaire cérébral ; GH : growth hormone.
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50-040-A-10 ¶ Physiologie de la cicatrisation cutanée
Plaie cutanée
TGF-β
PDGF
Neutrophiles
Macrophages Fibroblastes Kératinocytes
Lymphocytes Cellules endothéliales
(Matrice extracellulaire)
FGF Intégrines
EGF KGF
Détersion VEGF EGF
PDGF TGF-∝
NGF GM-CSF
TGF-∝ Lamines
TGF-β Collagène
CTGF MMP / TIMP
IFN-∝
IL6
Tissu de GCSF
granulation GM-CSF
Épithélialisation
Contraction
Remodelage
Apoptose
Nécrose
Phagocytose
MMP / TIMMP
Figure 5. Les différentes phases et principaux acteurs de la cicatrisation. TGF : transforming growth factor ; PDGF : platelet derived growth factor ;
FGF : fibroblast growth factor ; EGF : epidermal growth factor ; VEGF : vascular endothelial growth factor ; CTGF : connective tissue growth factor ; IFN : interféron ;
GCSF : granulocyte colony stimulating factor ; GM-CSF : granulocyte macrophage colony stimulating factor ; KGF : keratinocyte growth factor ; MMP : métallo-
protéases matricielles ; TIMP : inhibiteurs tissulaires des métalloprotéases ; NGF : nerve growth factor.
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Physiologie de la cicatrisation cutanée ¶ 50-040-A-10
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Dermatologie, Hôpital Privé Clairval, 317, boulevard du Redon, 13009 Marseille, France.
B. Coulomb.
INSERM U849, Université Paris Descartes, Faculté de médecine de Necker, 156, rue de Vaugirard, 75730 Paris cedex 15, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Le Pillouer-Prost A., Coulomb B. Physiologie de la cicatrisation cutanée. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Cosmétologie et Dermatologie esthétique, 50-040-A-10, 2009.
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