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QUE SAIS-JE ?
La marque
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BENOÎT HEILBRUNN
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Professeur de marketing
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6e mille
978-2-13-060991-9
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Sommaire
Page de titre
Page de Copyright
Introduction
Chapitre I – Histoire et fonctions des marques
La marque et ses parties prenantes
Chapitre II – Qu’est-ce qu’une marque ?
I. – Les différents types de marques
II. – La marque-produit ou service
III. – Les marques-familles
IV. – La marque-corporate et la logique de cautionnement
V. – La trifonctionnalité des marques M
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VI. – Les composantes identitaires d’une marque
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Introduction
Que serait une vie sans marque ? Même les auteurs de science-fiction les plus hardis ne se sont
pas hasardés à une telle hypothèse, tant les marques sont omniprésentes à chaque moment de notre
vie : nous consacrons de plus en plus de temps à des activités dites de consommation et
pratiquement tous les produits sont marqués. Des fruits et légumes sur les étals des marchés au nom
des villes (Saint-Tropez, Chambord)1 ou des pays, la marque a étendu son emprise hors du domaine
des produits et des services, pour toucher des entités aussi différentes que des artistes (Ben
Vautrier), des designers (Philippe Starck, Ora Ito), des partis politiques, des clubs de football
(certains clubs comme Manchester United sont par exemple cotés en Bourse), des sportifs (Éric
Cantona a déposé son nom ainsi que certaines de ses expressions fétiches), des institutions (le
Moma, le Louvre, la Sorbonne). Notre civilisation semble ainsi avoir pratiquement exclu les objets
non marqués. Ainsi, même l’enseigne japonaise Muji (Mujirushi Ryohin signifie « produit de
qualité sans marque » en japonais) est-elle devenue une marque : la marque serait-elle le signe
indépassable de la société de consommation ? De façon générale, on peut considérer que les
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marques sont devenues des médiateurs essentiels entre les individus et leur environnement
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quotidien (entreprises, villes, régions). De signe de différenciation, la marque devient, au sein
d’une société régie par le marketing, une entité dont les retentissements sur les acteurs sociaux et
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leurs interactions sont innombrables. C’est sur cet objet proprement sociétal que le présent ouvrage
se propose de réfléchir.
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Chapitre I
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marque. Elle avait avant tout valeur de signature : marquer un produit signifiait alors l’indication
symbolique d’une origine, ou l’authentification d’un savoir-faire. Une loi anglaise datant de 1266
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impose aux boulangers d’apposer leur marque sur la moindre miche de pain vendue afin qu’il soit
possible de retrouver le fautif en cas d’erreur sur le poids de la miche. Ainsi la marque assure la
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traçabilité du produit depuis son lieu d’origine : c’est sa fonction de labellisation. Il en est de même
pour les orfèvres et les argentiers à qui l’on impose également l’apposition d’une marque associant
leur signature à un symbole personnel assurant la qualité du métal.
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Mais on peut en fait considérer que le véritable usage économique de la marque date du XVe
siècle, époque à laquelle apparaît en français le terme « marque » (1456). Son
étymologie–« marque » dérive de l’ancien français « merchier » – désigne un signe mis
intentionnellement sur un objet pour le rendre reconnaissable et en assurer la propriété5. La marque
va rapidement se diffuser comme un signe permettant de distinguer les artisans les uns des autres.
Ainsi, en 1597, deux orfèvres accusés d’apposer de fausses marques sur leur marchandise furent
cloués au pilori par les oreilles, illustrant la lourdeur de la sanction en cas de contrefaçon6. Ce
n’est en fait qu’au XVIIe siècle que la marque en vient à s’appliquer à une pratique professionnelle.
Pendant l’Ancien Régime, de nombreux règlements corporatistes tentent de limiter une production
déjà restreinte du fait des techniques manuelles de production. Le rôle du droit de jurande est alors
de limiter la concurrence et la production en grande quantité en interdisant par exemple aux artisans
de posséder plusieurs ateliers ou en les obligeant à n’employer qu’un nombre restreint de
compagnons. L’organisation corporatiste vise alors à limiter toute forme de concurrence dans un
univers commercial qui assigne à l’artisan la double fonction de producteur et de marchand. La
marque, très prégnante, permet d’assurer au client final le respect de règlements de fabrication en
même temps qu’elle offre une sorte de garantie policée des monopoles et privilèges corporatistes7.
La Révolution de 1789, en supprimant les jurandes, établit la liberté du commerce.
À partir du XVIIIe siècle, l’importance de la marque s’accroît de façon significative dans la
majorité des pays occidentaux du fait de la coexistence d’un certain nombre de phénomènes.
L’évolution des techniques de production, de transport et du machinisme conduit à une substitution
progressive de la grande industrie aux artisans, ce qui entraîne notamment une spécialisation de la
production. Les progrès significatifs réalisés par les systèmes de communication et de transport
permettent bientôt la distribution des biens à un niveau régional, national et international. Les
produits frais font notamment l’objet de marquage parce qu’ils sont périssables. Parallèlement, les
progrès dans les processus de production permettent une certaine uniformisation de la production :
la marque indique alors une reproductibilité des produits ainsi que la production de grandes
quantités de produits à prix réduits. Enfin, l’amélioration des modes de conditionnement permet de
proposer au client final des conditionnements fractionnables et individualisables (le premier tube
de dentifrice apparaît en 1890, le premier bouchon de canette en 1892, etc.), de même que des
progrès dans les modes d’impression permettant l’identification de la source du produit. La marque
devient notamment par l’entremise du packaging un « vendeur silencieux », selon l’expression de
Vance Packard, chargé de séduire le consommateur dans une économie de plus en plus intermédiée.
Par ailleurs, le marché se fragmente avec la séparation de l’activité de fabrication de celle de la
vente. Un système commercial autonome se met en place qui opère notamment un transfert de
responsabilité du produit de l’industriel vers le commerçant, désormais seul en contact avec le
client final. Ce sont alors les commerçants qui cautionnent les produits qu’ils vendent. D’ailleurs,
l’essor des grands magasins et du petit commerce en général tend à favoriser les dépenses des
consommateurs.
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Ce morcellement des acteurs du marché contribue également à renforcer le pouvoir du
distributeur. La marque se dote d’une nouvelle valeur de lien : elle permet à l’industriel de retisser
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un lien avec le client.
Parallèlement se met en place tant en Europe qu’au États-Unis un système de protection légale
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avec l’apparition des premières lois assurant la protection industrielle ; la loi française du 23 juin
1857 sur les marques de fabrique et de commerce concrétise l’existence juridique de la marque : la
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propriété d’une marque s’acquiert et se conserve par l’usage et elle est perpétuelle, à la différence
des brevets.
Enfin, le développement de la marque est inextricablement lié à l’essor de la publicité qui
représente dès lors une facette importante de la stratégie de communication et de valorisation d’une
marque. Elle devient au XIXe siècle une source crédible d’information et une manne financière non
négligeable des quotidiens et magazines. À la fin du XIXe siècle, face à la multiplication des
nouveautés (ampoules électriques, radio, phonographe, automobiles), il incombe aux publicitaires
la tâche d’insérer ces produits dans des schèmes de consommation courante. Le rôle de la
communication publicitaire est alors d’informer les consommateurs de l’existence de nouvelles
inventions et de les convaincre que leur vie serait nettement améliorée s’ils utilisaient la voiture à
la place du train, le téléphone à la place du courrier ou bien encore les lampes électriques à la
place des lampes à pétrole. Les noms de marque que portent ces produits – dont certains existent
encore aujourd’hui8 – sont la plupart du temps accidentels. Ce sont les produits qui par leur
nouveauté sont porteurs de messages.
Les produits dotés d’une véritable stratégie de marque apparaissent à la même époque du fait du
développement de la sérialisation des produits. La marque caractérise un savoir-faire et doit
communiquer la légitimité, le prestige et la pérennité de l’industriel ; il s’agit alors d’éduquer le
consommateur sur la proposition de valeur basique du produit et éventuellement d’induire de
nouveaux usages de consommation. Cette idéologie repose notamment sur une segmentation des
marchés en termes de bénéfice, chaque marque tâchant dans une économie de plus en plus
concurrentielle de s’approprier une légitimité sur un type particulier de bénéfice (l’USP : Unique
Selling Proposition) sur son marché.
Mais rapidement le développement des marques s’appuie sur une sorte d’inflation des promesses
jusqu’à la revendication de bénéfices spectaculaires, voire surnaturels et qui conduit notamment à
la réglementation de la réclame en France et à la naissance de la publicité moderne. Alors que les
réclames communiquaient soit sur des bénéfices fonctionnels soit sur des effets miraculeux des
produits, la publicité introduit un nouveau style de communication : les produits commencent à
incorporer des idéaux sociétaux liés aux aspirations des individus (concernant leur famille, leur
place dans la société, leur masculinité ou féminité, etc.) qui n’ont plus qu’un lien extrêmement ténu
avec leurs bénéfices fonctionnels. À travers des métaphores et des allégories, les marques sont
progressivement transformées par la publicité en êtres mystérieux capables d’incarner des
propriétés psychologiques ou sociales. C’est ce que l’on peut appeler le tournant symbolique des
marques. Le symbole est un signe (ou un ensemble de signes) qui est conventionnel ; en cela, il
opère un décrochage entre la valeur fonctionnelle des produits et la valeur aspirationnelle d’image
des marques. Plutôt que de polariser le message publicitaire sur les bénéfices produits, une
nouvelle génération de publicitaires (au nombre desquels Leo Burnett et David Ogilvy) officie au
développement d’une véritable méthodologie publicitaire fondée sur une échelle de liens entre les
attributs concrets des produits et un ensemble de caractéristiques psychosociologiques
représentatives de la « bonne vie moderne ».
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Les marques commencent à développer un discours qui déborde largement et de plus en plus leur
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univers de produits pour intégrer des discours paternalistes et prescriptifs sur le sens de la vie ou
les clés et chemins d’une vie harmonieuse et réussie.
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Les marketers et les publicitaires ont d’ailleurs été aidés dans cette démarche par le
développement de méthodes d’investigation à caractère scientifique qui leur ont permis d’accroître
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le pouvoir des messages. Ainsi, la théorie fondée sur le rôle des émotions dans l’élaboration des
stimuli développée par le béhavioriste James Watson a connu un succès considérable jusqu’aux
années 1960 dans le milieu publicitaire américain. De même, le recours aux théories de la
motivation élaborées notamment par Ernst Dichter a influencé de nombreuses entreprises qui ont
commandé des études de psychologie clinique pour mettre à jour les structures inconscientes des
consommateurs et les magnétiser grâce à l’utilisation d’images archétypales.
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aussi sur la fonction latente des marques, souvent réduite par les actionnaires peu scrupuleux au
rôle de « cash-machine ». La financiarisation de l’économie des marques signifie que la stratégie
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de marque peut parfois dépendre de l’actionnaire susceptible d’exiger des stratégies de croissance
qui ne sont pas toujours en phase avec le projet identitaire et humain de ladite marque. La marque
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est donc souvent une source de tension entre, d’une part, les actionnaires qui exigent qu’elle dégage
le maximum de marge (logique financière) et, d’autre part, les consommateurs qui lui demandent
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Chapitre II
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I. – Les différents types de marques
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Contrairement à une idée reçue véhiculée par une idéologie managériale souvent paresseuse, et
parfois arrogante, disposer d’un nom de marque déposé ne signifie pas que l’on détient une marque
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au sens d’un outil stratégique de création de valeur. Il faut donc distinguer le simple identifiant
commercial qui est certes protégé, mais n’est associé dans l’esprit des consommateurs cibles à
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aucun imaginaire spécifique, et la marque qui articule, comme on va le voir, des niveaux de
contenu, de récit et d’expression. N’en déplaise à certaines entreprises, les trois quarts des noms de
marques qui existent sur les marchés des produits de grande consommation ne sont pas des marques
à part entière mais de simples identifiants commerciaux. Il faut d’abord du temps pour construire
une marque (la règle des vingt-cinq ans semble empreinte de bon sens et de justesse car elle
signifie la capacité de la marque à avoir traversé trois générations), de même que la règle des cinq
associations minimales. On peut en effet penser que si des individus pris au hasard dans le marché
cible ne peuvent citer cinq associations suffisamment précises, différentes et différenciantes que
leur évoque un nom de marque, nous sommes davantage en présence d’un identifiant commercial
que d’une marque. À ce titre Cristalline, Corail Theoz, voire Lipton sont peut-être davantage des
identifiants commerciaux que des marques même si leur force d’impact est indéniable.
Il faut ensuite distinguer la marque-entreprise, dite corporate, de la marque commerciale. Ainsi
gdfsuez et Renault sont des marques-corporate qui sont utilisées comme telles pour cautionner des
marques commerciales filles telles que Dolce Vita, Provalys ou Megane, Clio, Twingo.
Par ailleurs, il est important de bien distinguer le label de la marque. Certes une marque peut être
dotée d’une fonction de labellisation qui vise à adjoindre à l’objet manufacturé des coordonnées
spatio-temporelles précises et une traçabilité propre à rassurer le consommateur quant au processus
d’élaboration ou aux ingrédients d’un produit ou service. Mais une marque qui se réduirait à cette
unique fonction d’authentification ne serait pas à proprement parler une marque parce qu’elle ne
véhiculerait que des valeurs fonctionnelles propres au label. Il nous faut donc réserver le terme de
« label » pour des signes transversaux garants d’un niveau de qualité ou d’un mode de production.
Signalons également le cas des marques ingrédientielles telles qu’Intel, Lycra ou Nylon qui sont
en fait des marques de composants. Ils viennent souvent légitimer les marques de produits qui les
intègrent. D’où la tentation pour certaines de ces marques d’acquérir de la visibilité auprès du
consommateur final par des stratégies dites d’inside out.
La marque-produit est une marque attachée de façon étroite, exclusive et durable à un produit.
Une entreprise comme Mars commercialise différents produits, chacun étant vendu sous une marque
spécifique : Mars, Bounty, Twix, Milky-way. De même, Procter & Gamble couvre le marché
français de la lessive avec pas moins de quatre marques : Ariel, Dash, Bonux, Gama, chacune
d’elles étant liée à une promesse spécifique et bénéficiant d’une stratégie de communication
particulière. Toute marque est quasi originellement une marque-produit. Que l’on pense à la
fameuse boîte bleue de Nivéa, à Nesquik ou bien encore à Coca-Cola qui a été une marque
monoproduit jusqu’en 1975. La marque-produit permet de pourvoir la marque d’une identité forte et
distincte, de personnaliser la communication publicitaire tout en isolant le socionyme de
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l’entreprise. Le recours à des marques-produits permet la plupart du temps à une entreprise
d’adopter une approche multimarque en couvrant un même segment de marché avec plusieurs noms
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de marques indépendantes. Une telle stratégie permet aussi à une entreprise de s’orienter vers des
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marchés qui ne sont pas forcément liés à son activité originelle : ainsi des entreprises comme
Procter & Gamble ou Unilever sont présentes sur des marchés aussi distincts que le savon, la
lessive, les couches, le shampoing et le snacking. Elles ont recours à des stratégies multimarques
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qui permettent de jouer sur une segmentation plus fine du marché en créant un effet d’opacité entre
les différentes marques qui sont perçues par le consommateur comme indépendantes les unes des
autres.
Cependant, la marque-produit pose à l’entreprise de nombreuses contraintes liées à la nécessité
d’investissements promotionnels et publicitaires élevés du fait de l’existence de seuils minimaux
d’efficacité publicitaire ; par ailleurs, la marque-produit induit un phénomène de déperdition
stratégique, puisqu’elle ne peut bénéficier de synergie (de notoriété, d’image ou de facilité de
référencement) avec d’autres marques du portefeuille de l’entreprise. En d’autres termes
l’utilisation d’une marque-produit ne permet pas de capitaliser sur la confiance accumulée dans
l’entreprise ou la marque mère (via une stratégie d’extension) au cours du temps.
Un cas particulier de la marque-produit est le branduit, amalgame de brand et produit, c’est-à-
dire la marque qui est devenue par usage le nom générique désignant la catégorie de produits ainsi
que l’illustrent des marques telles que Lego, Coca-Cola, Scotch, Post-it, Suze, Schweppes, Google,
etc. L’avantage du produit est sa très forte notoriété, quoique celle-ci puisse varier d’un pays à
l’autre. Ainsi des marques telles que Caprice des dieux ou Suze sont des branduits uniquement sur
le marché français tandis qu’une marque comme Xerox fonctionne comme un branduit sur le marché
américain où elle est devenue le synonyme de photocopier. L’inconvénient majeur du branduit est la
confusion entre la marque et le produit. Beaucoup d’entre nous sont encore persuadés d’avoir
acheté récemment du Sopalin alors que la marque n’existe plus depuis plusieurs années. Ce risque
de générisation de la marque explique pourquoi une marque comme Google a obstinément refusé
d’entrer dans l’Oxford Dictionary fin 2006. Un branduit est difficilement étirable hors de son
territoire d’origine car il est justement perçu par les consommateurs comme très typique de sa
catégorie. Une entreprise comme 3M a par exemple dû attendre de nombreuses années pour étendre
la marque Scotch en dehors de sa catégorie de produit originelle (ruban adhésif) et l’emmener vers
de nouveaux territoires (cassette audio, cassette, vidéo, etc.) ; dans le même ordre d’idées, il
apparaît très difficile de tirer la marque Post-it vers d’autres univers de produits.
hydratantes, les déodorants, et plus récemment les capillaires avec une promesse liée à
l’hydratation et justifiée par un attribut du produit (le quart de lait hydratant). Le développement de
cette marque-gamme est intéressant parce qu’il illustre la question du transfert d’une promesse d’un
univers de produit à l’autre, en l’occurrence du soin de la peau au soin capillaire. En effet, si le
bénéfice de l’hydratation apparaît comme évident pour les consommateurs dans les univers de
l’hygiène, la stratégie de Dove est de construire la pertinence et la légitimité de ce bénéfice dans le
secteur capillaire en rendant cet attribut plus saillant, c’est-à-dire en travaillant sa visibilité et sa
prise en compte par le consommateur. De la même façon, partant d’un savoir-faire dans le domaine
de la farine, la marque Francine a développé une gamme de produits pour la préparation des
gaufres, des brownies, de la fougasse, des crêpes, des muffins, des brioches, du pain, etc. La
marque-gamme permet donc à l’entreprise de capitaliser sur une image de marque cohérente et
facilite tant la distribution que le lancement de nouveaux produits en s’appuyant sur la forte
notoriété du nom de marque.
ses produits (eaux, yaourts, etc.) sont empreints des mêmes valeurs que celles défendues par
l’entreprise, à savoir l’enfance, la nature et la santé. De même, une marque comme Renault est une
véritable marque-corporate dotée d’une signature (« des voitures à vivre », puis « Créateur
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d’automobiles », puis…) qui cautionne l’ensemble des modèles du constructeur, ainsi que le font
d’ailleurs tous les acteurs du secteur car on imagine mal une voiture ne bénéficiant pas de
l’engagement (et donc de la signature) d’un constructeur dans une catégorie de produits présentant
un important niveau de risque perçu. La marque-caution est donc essentiellement une signature de
l’entreprise qui vient en supplément d’une autre marque (produit, ligne ou gamme) pour cautionner
ses produits et en authentifier l’origine en établissant une relation de transparence entre le produit et
le socionyme de l’entreprise. Ainsi, tous les produits vendus par Kellogg’s sont cautionnés par le
nom de l’entreprise de la façon suivante : Kellogg’s Corn-Flakes, Kellogg’s Fruit’n Fibre,
Kellogg’s All-Brand, Kellogg’s Country Store, Kellogg’s Cracky Nut, etc.
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Les différents types de marques
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La marque-caution repose sur une approche systémique du portefeuille de marque dans lequel
chaque élément participe à la constitution de l’ensemble du système par des effets de rétroaction
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permanents. Le cautionnement peut donc mener à des logiques vertueuses lorsque chaque élément
bénéficie de la contribution des autres. Il peut aussi s’avérer dangereux si l’une des marques du
système se retrouve en péril, que ce soit la marque-corporate ou l’une des marques du portefeuille.
La marque-caution présente de nombreux avantages. Elle permet tout d’abord de bénéficier
d’effets de synergie entre la marque-entreprise et les différentes marques (produit ou famille) du
fait de la mise en place possible de boucles de rétroaction. La marque fonctionne à la façon d’une
galaxie de marques qui interagissent entre elles. Par ailleurs, la marque-caution peut nourrir la
marque mère de nouvelles associations qui permettent d’étendre son domaine d’expertise perçue,
ainsi que ses traits d’image9 et ses différentes cibles.
En revanche, la marque-caution n’est pas exempte d’un certain nombre de risques au nombre
desquels :
– un fort risque de dilution de l’image de la marque-entreprise dans un territoire trop large et
perçu comme non légitime car trop éloigné des racines de la marque ;
– une concurrence possible entre la marque-caution et la marque-produit ou famille qui peut
limiter le champ d’action de la marque-caution à terme ;
– une phénomène de rétroaction négatif si l’une des marques produits est en péril ou si au
contraire la marque-entreprise est mise en danger.
V. – La trifonctionnalité des marques
La marque est un dispositif qui emblématise les trois fonctions mises en évidence par
l’anthropologue Georges Dumézil10 comme structurant les sociétés indo-européennes et
correspondant aux figures symboliques du prêtre, de guerrier et l’agriculteur, à savoir :
– la fonction de souveraineté : la marque est d’abord dépositaire d’un savoir-faire d’où le fait
que les grandes marques s’enracinent généralement dans un produit icône porteur d’une
invention ou d’un savoir-faire inédit. C’est pourquoi les premières marques furent
essentiellement des marques patronymiques reprenant la plupart du temps le nom du
créateur, comme il est encore légion dans le domaine de la mode et du luxe11. La conception
occidentale de la marque est donc essentiellement prométhéenne, dans la mesure où la
marque peut être conçue comme une sorte d’objet magique susceptible, comme nous allons
le voir, de créer des transformations (d’un objet naturel en objet culturel, d’un objet lointain
en un objet proche, d’un objet passé en objet présent, etc.) et d’octroyer du pouvoir
(rapidité, omniscience, sécurité, confort, etc.) aux consommateurs. D’où une logique
inhérente d’hypervisibilité de l’effet participant à la fois du « pas comme les autres » et de
l’« en-plus ». La fonction de souveraineté renvoie à la fonction de signature de la marque en
mettant en évidence l’origine du produit, un facteur très important pour les produits liés à un
fort risque perçu par l’utilisateur ou bien encore pour les entreprises (comme Danone ou
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Nestlé) qui cautionnent leurs marques pour garantir l’origine et la qualité de fabrication des
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produits et ainsi rassurer les consommateurs ;
– une fonction guerrière qui correspond au balisage et à la défense d’un territoire symbolique ;
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ainsi que le rappelle Marie-Claude Sicard, « la marque est un morceau d’espace » comme
en témoigne l’étymologie du mot français qui, d’après le linguiste Claude Hagège vient du
germanique markjan, terme issu d’un dialecte mosellan et signifiant « territoire que l’on
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délimite et par lequel on s’identifie » 12. La marque s’inscrit dans l’interface et le rapport à
l’autre ; la fonction guerrière vise à définir et capitaliser sur des éléments mentaux, verbaux
et visuels (les identifiants de la marque), qui vont lui être à terme attachés de façon
« naturelle » par ses différents publics, comme si ceux-ci lui étaient consubstantiels. Ainsi
les consommateurs associent de façon spontanée le code coloriel rouge et blanc à Coca-
Cola ou une coquille jaune et rouge à Shell. Ce rôle de médiation est aussi accru par la
concurrence entre les marques. Le nombre moyen de marques auxquelles est exposé un
individu vivant en milieu urbain excède largement ses capacités d’attention et de
mémorisation ; cette surabondance informationnelle sur le marché des signes de nature
commerciale justifie le fait que les marques, soumises à une âpre concurrence, se dotent de
signes de reconnaissance simples, frappants et identifiants. Un consommateur dans un
hypermarché est exposé à plusieurs dizaines de milliers de produits pendant près de trente à
quarante-cinq minutes et le tête-à-tête entre chaque consommateur et chaque produit ne dure
que quelques secondes. Dans une catégorie de produits comme la lessive, un client ne
consacre guère plus de huit secondes à réaliser son achat. La vitesse est donc la règle de
conduite essentielle dans le milieu de la grande distribution, d’où l’absolue nécessité pour
les marques de grande consommation de développer de véritables systèmes d’identification
visuelle, permettant la reconnaissance immédiate d’un produit dans un linéaire ou sur une
aire d’autoroute. Les divers modes de rationalité managériale occidentaux se sont d’ailleurs
construits sur un modèle stratégique qui cloisonne les espaces et renvoie à une structure
d’ordre qui permet de baliser le marché ; cette structure d’ordre conduit implicitement à une
hypertrophie des fonctions de souveraineté et guerrière pour reprendre l’idéologie
trifonctionnelle de Georges Dumézil ; l’on parle de « chef de produit », de « territoire de
marque », de compétition, etc., en recourant à des métaphores essentiellement spatiales et
conquérantes du marché. Le fondement économique de la marque réside ainsi dans sa
capacité à créer de la préférence (aux dépens d’autres marques), de la part de marché et de
la part d’esprit imposant une position différentielle dans l’esprit de ses consommateurs
actuels et potentiels. Cette fonction a été hypertrophiée par le marketing qui existe
essentiellement à travers des dispositifs guerriers. La marque définit un territoire notamment
à travers un positionnement, c’est-à-dire l’espace mental qu’elle tente de se forger dans
l’esprit des consommateurs cibles. Ce positionnement est relayé par des éléments de
reconnaissance au nombre desquels le choix d’une typographie, d’éléments textuels
d’identité (nom de marque, signature, etc.), d’un code coloriel, d’un ou plusieurs symboles
(la pomme pour Apple, le swoosh de Nike, l’écureuil de la Caisse d’Épargne), d’un
personnage (le Bidendum de Michelin, la mascotte Quicky de Nestlé, etc.). Elle s’inscrit
dans l’interface et le rapport à l’autre et correspond à un registre de différenciation ; il
s’agit de capitaliser sur des éléments visuels qui vont être, à terme, attachés de façon
« naturelle » à la marque par ses différents publics. Ce rôle de médiation est aussi accru par
la concurrence entre les marques ;
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– une fonction de reproduction qui vise à disséminer sa présence dans les dimensions de
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l’espace et du temps. La fonction de reproduction est fondée sur un principe d’ubiquité,
propriété essentielle de la marque qui, comme signe d’identité, a l’essentielle propriété
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d’être reproductible à l’infini. Ainsi que l’écrit Jacques Derrida, « pour fonctionner, c’est-
à-dire pour être lisible, une signature doit avoir une forme répétable, itérable, imitable ; elle
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fondamentale. Ces marques qui sont de forts miroirs d’identification concernent
essentiellement les produits de styles de vie. Des marques comme Coca-Cola, Nike ou
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Apple font évidemment partie de cette catégorie.
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Source : Adapté de D. Holt, How Brands become Icons. The Principles of Cultural Branding, Harvard
Business School Press, 2004.
Une marque existe essentiellement dans l’esprit des consommateurs du fait de sa capacité à
évoquer des valeurs esthétiques, émotionnelles et affectives qui excédent sa seule valeur
fonctionnelle. Les consommateurs n’achètent pas une bouteille d’eau minérale pour se désaltérer
mais un produit dont on leur promet qu’il préservera l’équilibre et la santé de leur corps.
L’automobiliste n’acquiert plus guère une auto pour se déplacer d’un point A à un point B, mais une
« voiture à vivre », « une voiture pour toute la famille », ou encore « une modalité de redécouverte
de l’espace urbain ». La marque permet aux objets de devenir consommables et donc désirables par
la transformation d’une substance matérielle en substance signifiante dont les niveaux de
communication sont multiples (produit, logo, packaging, discours publicitaire, etc.). La marque est
donc un dispositif qui permet d’associer deux univers a priori disjoints, en créant une passerelle
(fictive et donc fictionnelle) entre des mondes matériels et immatériels. La marque est donc un
essentiel vecteur de sémantisation. Elle enrobe les objets d’une valeur de signe qui dépasse leur
seule valeur d’usage (ce à quoi ils servent) pour les transformer en instance signifiante. Cela veut
dire qu’une marque articule en permanence deux niveaux : un niveau dit de l’expression ou du
signifiant qui renvoie aux différentes émanations matérielles de la marque et un niveau du contenu
ou du signifié qui correspond aux différentes significations véhiculées par la marque. Gérer une
marque ne consiste donc pas à organiser les éléments matériels et directement préhensibles par les
sens, mais aussi à enrichir en permanence les valeurs et l’imaginaire auxquels on désire la voir
associée. La marque joint de façon indissociable un plan du contenu et un plan de l’expression,
selon la hiérarchisation qu’opère la sémiotique des différents plans et niveaux que l’on peut
reconnaître dans tout langage (verbal ou non verbal). Ainsi, les consommateurs associent
McDonald’s à des éléments aussi divers que des produits (frites, hamburgers, etc.), des marques de
produits commercialisés par l’enseigne (Chicken McNuggets, Country potatoes, etc.), des marques
distribuées par l’enseigne (Coca-Cola, Orangina en France, etc.), des représentants de la marque
(Ronald McDonald’s), des couleurs (rouge, jaune), un symbole (les fameuses arches dorées), des
valeurs (praticité, rapidité, propreté, etc.).
Une appellation dépourvue de contenu ne peut d’ailleurs prétendre être une marque à part entière.
Il est nécessaire de se départir d’une vision de type « produit-plus » de la marque dans laquelle on
réduit la marque à un nom de marque surajouté à un ensemble de prestations matérielles (produits)
et immatérielles (services liés). On peut véritablement considérer la marque comme une force
expressive, un « moteur sémiotique » pour reprendre l’expression d’Andréa Semprini14 chargé de
produire des valeurs et du sens. De façon générale et comme nous allons maintenant le voir, une
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marque est un dispositif qui articule une éthique (une façon de voir le monde et de se comporter,
« ce à quoi elle marche » pour reprendre l’expression de Jean-Marie Floch15) et une esthétique (les
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éléments figuratifs qui la rendent reconnaissable) selon un processus d’enrichissement progressif
partant d’un niveau abstrait (le programme de la marque) mis en scène dans un récit puis mis en
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chaînes de distribution passablement vieillottes. En introduisant pour la première fois le concept de
mode dans le mobilier et en l’étendant jusqu’aux ustensiles de cuisine, Habitat s’affiche vraiment
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comme un précurseur17. De même que Cervantes, Dostoïevski, Proust ou Beckett ont opéré une
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césure définitive dans le tissu littéraire, des marques comme Nike, Apple, Alessi, ont opéré de
véritables disruptions sur leur marché : Nike en transformant la chaussure de sport en accessoire de
la quotidienneté urbaine branchée, Apple en reconfigurant l’idée d’ordinateur à travers l’émergence
BY
2. La mise en récit. – Les principes axiologiques que nous venons d’énoncer et qui fondent
l’essentiel d’une plate-forme de marque n’ont de sens qu’à partir du moment où ils peuvent être
matérialisés et ainsi passer d’un niveau abstrait à un niveau concret et donc préhensible par le
consommateur. La procédure qui permet de transformer ces éléments abstraits en unités signifiantes
pour le consommateur est en fait une mise en récit qui consiste à incarner les valeurs, la vision et la
mission de la marque à travers une histoire qui fasse sens pour le consommateur. Ainsi Marlboro ne
peut se contenter de parler de façon abstraite de valeurs telles que l’endurance, la liberté et la
solitude : elles sont incarnées dans un récit, en l’occurrence celui de la conquête de l’Ouest
américain.
Mais comment construire un récit pour un produit d’apparence banale comme l’eau minérale
gazéifiée ? Une marque comme Badoit peut raconter plusieurs types d’histoires à ses
consommateurs selon qu’elle privilégie son origine géographique (« l’eau des sources de Saint-
M
Galmier »), sa pureté (« une eau infiniment pure »), sa durabilité (« conditionnée depuis… »), sa
composition (« une eau riche en sels minéraux »), le type d’effet qu’elle peut avoir sur le corps
SI
(« une eau qui défatigue », « une eau qui maintient en forme »), ses bénéfices diététiques (« une eau
qui aide à perdre du poids ») ou bucco-dentaires (« une eau anticaries »), les plaisirs qu’elle
AS
procure (« une eau qui redonne le plaisir de reboire de l’eau »), les valeurs sociales qu’elle permet
de véhiculer (« le champagne des eaux de table »), les moments de consommation qu’elle suscite
BY
(« l’eau des pique-niques entre amis »), etc. Il est donc nécessaire de déterminer un point d’ancrage
(driver) qui va permettre de structurer le récit de marque.
Or, qui dit récit dit intrigue, c’est-à-dire l’identification d’un problème à résoudre. La marque se
donne à lire comme un récit dans la mesure où elle permet de résoudre une intrigue, c’est-à-dire de
répondre à un problème rencontré par le consommateur en lui proposant un objet de désir. Le récit
est un processus par lequel un sujet part en quête d’un objet de désir. L’intrigue du récit de marque
est donc fondée sur une situation de consommation problématique, à savoir un décalage entre ce
qu’a l’individu et ce qu’il désire. La promesse de marque (autrement appelée contrat de marque)
découle de cette mise en évidence du problème que rencontre le consommateur dans une catégorie
de produits donnée. Ce problème peut être la saleté du linge, les kilos superflus, le machisme, la
solitude. Ce n’est qu’à partir du moment où la marque a cerné les dimensions du problème
expérimenté par le consommateur qu’elle peut véritablement mettre en œuvre à la fois ses
compétences, sa vision et ses valeurs à travers le contrat de marque. La notion de contrat est
d’autant plus importante dans le cadre d’une marque-corporate, c’est-à-dire d’une entreprise qui
décide de s’engager derrière ses produits et ses marques.
On mesure ici à quel point une marque est avant tout une parole, une parole adressée à ses
publics (consommateurs, partenaires commerciaux, actionnaires, etc.), une parole verbale, cela va
de soi, mais aussi non verbale. L’une des définitions les plus justes de la marque est la notion de
« contrat de confiance » inventée par Darty. Le contrat de marque renvoie donc à la relation de
fiducie qui fonde toute marque, en posant les termes de l’engagement qui lie implicitement la
marque à ses consommateurs actuels et potentiels : Contrex s’engage à l’égard de ses
consommatrices à travers un « contrat minceur », Moulinex propose des produits astucieux qui
permettent à l’individu de consacrer son temps à d’autres activités que les seules activités
ménagères tandis qu’Axe promet aux adolescents imberbes et boutonneux l’« objet magique » qui
leur permettra de ne pas rentrer bredouille de leur soirée en discothèque ; la crème anti-âge Roc
promet « 10 ans de moins » tandis que Prince de Lu s’engage à « donne(r) de l’énergie tout au long
de la journée » grâce au principe de l’énergie à diffusion progressive. Le contrat de marque doit,
pour être valide, articuler une dimension fonctionnelle liée à des valeurs d’usage (« zéro tracas,
zéro blabla » de MMA) et une dimension émotionnelle, liée à des valeurs dites de vie (« Sheba, pour
dire je t’aime »). Si le contrat n’embraye que des valeurs fonctionnelles, la marque n’est qu’un
identifiant commercial ou un label.
En revanche, le risque existe d’un décrochage entre les deux registres ; il conduit à un décalage
possible entre l’usage et l’image et est préjudiciable à la marque. Cette dernière ne devient qu’un
être de discours. C’est ce qui guette des marques comme Nike et a failli conduire à la ruine Levi’s,
avant que la marque ne se ressource avec des innovations produits (jeans à coutures tournantes,
tissu qui ne se repasse pas, etc.).
Le contrat de marque n’est donc valable qu’à la mesure d’une mise en évidence des compétences
requises. Les compétences assoient un dispositif de preuves mis en œuvre par la marque pour
M
justifier sa capacité à remplir son contrat. Ainsi le Mach III propose-t-il un rasage avec moins de
passages et moins d’irritations parce qu’il dispose de trois lames et de l’investissement
SI
technologique de Gillette. De même, Actimel promet de protéger des agressions de la vie
quotidienne grâce à un ferment lactique particulier (le L caséi) conjugué à l’important
AS
investissement du groupe Danone dans le domaine de la santé depuis les années 1990 (qui se
manifeste d’ailleurs par une signature corporate : « faire de l’alimentation votre alliée santé »).
BY
Cette étape du récit correspond à une logique de justification du contrat de marque. Elle est validée
lors d’une phase de performance qui correspond à l’épreuve de réalité et à la confrontation du
consommateur avec le produit ou le service tangible. C’est une forme de moment de vérité au cours
duquel le consommateur va expérimenter de façon concrète les performances de la marque. Qu’en
est-il par exemple de l’éradication de la tache, du respect des couleurs ou encore de la forme du
vêtement après avoir fait sa lessive avec Ariel qui nous promet l’impeccabilité ? Qu’en est-il de
mon sentiment de bien-être après une consommation régulière d’Actimel ou une semaine passée au
Club Med ?
La double dimension du contrat de marque
Le récit s’achève par une prise (ou non) de bénéfices par le consommateur. La marque est donc
sanctionnée positivement (rachat, prescription, etc.) dans le cas où elle remplit son contrat et
négativement (abandon, bouche à oreille négatif) dans le cas inverse.
On peut alors distinguer trois niveaux de bénéfices selon un axe qui va du monde concret et
matériel au monde abstrait19 :
M
– le niveau sensoriel du bénéfice : la fraîcheur ou le pétillant d’un cola, la douceur d’une
SI
crème de soins, etc. ;
AS
– le niveau des valeurs profondes (« Le paradis sur terre » de Caprice des dieux ou « Sheba
pour dire je t’aime »).
3. Les éléments figuratifs de la marque. – La structure narrative propre à toute marque doit
nécessairement s’exprimer par des identifiants, c’est-à-dire des signes qui permettent à une marque
d’être à la fois reconnaissable et spécifique. Il s’agit du troisième niveau qui représente la mise en
signe du récit au travers d’éléments figuratifs tels que les matériaux utilisés dans la conception des
produits, les couleurs, les formes des objets, mais aussi les représentants de la marque, etc. Les
identifiants d’une marque renvoient à une sorte de caractère de la marque, une force de perpétuation
qui lui permet de se faire identifier et reconnaître au cours du temps ; ces identifiants sont d’autant
plus stratégiques pour des marques-produits comme Nesquik, Danette ou Carambar. En effet,
contrairement aux marques-corporate qui disposent d’éléments tangibles de représentation (un siège
social, un dirigeant, etc.), elles n’ont en réalité d’existence que lorsqu’elles sont représentées par
des produits, des publicités, c’est-à-dire à travers des dispositifs matériels qui assurent leur
reconnaissance. Ces identifiants sont d’ailleurs déterminants dans l’établissement d’un dispositif de
protection juridique de la marque car ils sont les actifs protégeables de la marque. Les identifiants
de la marque sont les marques énonciatives qui la caractérisent dans la durée. Ils doivent
alternativement jouer sur deux registres : l’impact et le contenu. L’impact renvoie à des dimensions
telles que la reconnaissance, la mémorisation et l’attribution. Pour optimiser l’impact d’un
identifiant, celui-ci doit être simple, facilement reconnaissable, différenciant et répétitif. Le contenu
correspond à la richesse d’évocation de l’identifiant, à sa capacité à raconter une histoire. Il
dépend donc de la complexité du signe, car un minimum de contenu nécessite un minimum de
complexité.
On peut alors envisager plusieurs types d’identifiants :
– le nom de marque qui peut être un chiffre (1664), un sigle (BP ), un acronyme (Fnac), un
patronyme (Christian Dior), un mot composé (Carte d’Or), une expression (La Vache Qui
Rit), un descriptif de l’effet du produit (Frissonade), un nom géographique (Evian), un nom
arbitraire (Schweppes) ou sans signification (Vivendi, Vivarte, etc.) ;
– un attribut du produit icône : la cire de Babybel, le packaging aluminium cubique des
apéricubes, le design de l’Ipod. Ainsi l’échec du Crystal Coke lancé par Coca-Cola il y a
quelques années est explicable en partie parce qu’en commercialisant sous son nom un
produit translucide Coca-Cola reniait une aspérité essentielle de son identité : la dimension
transgressive, mystérieuse et secrète incarnée par la couleur qui fait son succès auprès des
adolescents puisque c’est la couleur noire de la boisson qui donne au produit cette image
d’interdit et de mystère ;
– un code coloriel : le rouge/blanc de Coca-Cola (par opposition au bleu de Pepsi), Kit Kat,
Virgin, SFR, l’opposition orange/noir de la marque Orange, le violet de la marque Whiskas,
etc. ; M
SI
– un symbole : la pomme pour Apple, le swoosh de Nike, l’écureuil de la Caisse d’Épargne,
les arches dorées de McDonald’s20 ;
AS
– un personnage de marque qui incarne la marque de façon durable (le géant vert, le Bidendum
de Michelin, la mascotte Quicky de Nestlé, etc.) ;
– un personnage publicitaire qui représente la marque un temps donné dans des messages
BY
publicitaires ;
– une signature de marque dont la principale fonction est d’incarner la promesse de la marque
et de renforcer la valeur ajoutée de la marque signifiée par le nom de marque : « Just do it »
(Nike), « Assureur militant » (Maif), « La bière qui fait aimer la bière » (Heineken), etc.
Par ailleurs, le développement du marketing dit polysensoriel, c’est-à-dire d’un marketing qui ne
touche plus exclusivement les consommateurs par le biais du sens visuel ou auditif, nécessite
d’étendre la notion d’identifiant aux sphères tactiles, olfactives et gustatives. Pour autant, la culture
occidentale ayant privilégié le sens de la vue au détriment des autres, les identifiants de marque
sont encore aujourd’hui essentiellement visuels. Seule l’identité sonore, qui regroupe l’ensemble
des identifiants sonores attribuables à une marque, a pour l’instant fait l’objet de développements
conséquents. Elle renvoie par exemple au bruit du produit (le bruit du moteur d’une Ferrari, le
briquet Dupont, le claquement de porte d’une automobile, le bruit de la rencontre du lait et des
céréales Frosties, le bruit de compactage de la bouteille d’Evian, etc.), au jingle, jusqu’à la
bandeson d’un point de vente (voir par exemple la série de musiques composées par Claude Chale
pour des endroits tels que le Buddha bar, le Byblos bar, etc.). Il est donc possible d’étendre la
notion d’identifiants à des éléments tels que l’olfaction (le logolf est la signature olfactive d’une
marque) ou tactiles (le toucher des ballons Kipsta de Décathlon).
L’ensemble des éléments fondamentaux de la marque est alors recensé dans une plateforme de
marque, dont nous reprenons les principales rubriques dans le tableau ci-après.
de valoriser des objets au-delà de leur seule valeur d’usage et surtout au-delà de biens concurrents
considérés comme très similaires. Une enquête menée dans les années 1980 avait ainsi mis en
évidence un écart de prix moyen de l’ordre de 30 % en Europe entre les BMW et des modèles
concurrents comparables.
M
pousse à l’extension et à l’ombrellisation des marques : la marque fédère souvent des systèmes
d’offre qui peuvent être très disparates. Ainsi, une marque comme Virgin est présente dans des
SI
univers aussi différents que la production musicale, le soft-drink, l’assurance, la loterie, le
transport aérien, etc., ce qui n’est pas sans poser un problème de consistance identitaire.
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M
SI
AS
BY
On peut alors envisager deux modalités d’extension verticale : d’une part les extensions
verticales vers le haut ainsi que l’illustre le cas de Volkswagen avec la Phaeton qui entendait
montrer la légitimité de la marque à investir le segment des berlines à plus de 100 000 € ou encore
le lancement de l’Avantime par Renault qui procédait du même type d’objectif stratégique ; d’autre
part, on peut envisager les extensions verticales vers le bas qu’illustrent des exemples aussi
différents que la Mercedes Class A, les Must de Cartier ou encore la gamme Kenzo Jungle qui
propose des vêtements prêt à porter 60 % moins cher que la gamme Kenzo21.
2. L’extension de cible. – Une marque est souvent conduite à faire évoluer sa cible du fait d’une
saturation de son marché de base ou d’un vieillissement de sa cible naturelle ainsi que l’illustrent
des exemples aussi différents que Gap avec Gap Kid, la Fnac avec la création de la Fnac junior
visant à conquérir une clientèle de jeunes enfants et de futurs clients de l’enseigne ou que Kinder
ayant développé une gamme de produits spécifiques aux adultes afin de couvrir les attentes des
consommateurs de tout âge. Une marque comme Gillette pourtant ancrée dans l’univers masculin
(qui sert de base à sa signature publicitaire) s’est étendue avec succès dans des gammes de produits
de rasage à destination des femmes (avec la gamme Venus) ; inversement la marque Babyliss tente
de séduire une cible plus masculine avec des produits spécifiquement dédiés à la coupe des
cheveux. La marque Ricard s’est donnée pour objectif majeur de séduire les femmes et notamment
les 18-35 ans parce que la population masculine est surreprésentée parmi les consommateurs de la
catégorie de produits.
Dans un autre univers de produits, la marque Louis Vuitton a déployé de nouvelles gammes de
cuirs et de bagages à travers la mise en œuvre d’une véritable grammaire de marque qui lui permet
de décliner la promesse de la marque (« l’âme du voyage ») selon différentes marques filles liées à
des matières (le cuir épi, la toile monogramme, le cuir Taïga) ; le cuir Taïga assure pour exemple
une promesse de discrétion (le grain est peu reconnaissable de loin, le branding est léger, etc.), il
s’adresse davantage à des hommes avec une promesse de fonctionnalité alors que la gamme
monogramme va s’adresser davantage à une clientèle en quête d’ostentation par un affichage
M
spectaculaire par lequel le nom de marque devient lui-même motif de la marque.
SI
AS
3. L’extension des moments de consommation. – La marque Prince qui est à l’origine une
marque-produit liée à un biscuit au chocolat est devenue une marque-gamme qui suit le
consommateur à chaque instant à travers une promesse qui est de fournir de l’énergie à tous les
BY
moments de la journée. La ligne de produits « Les matins Taillefine » permet à la marque Taillefine
de conquérir le moment du petit déjeuner, etc. De même Nutella vise à sortir du cadre strict du petit
déjeuner ou du goûter en proposant des kits de repas. La Vache Qui Rit en lançant des gammes de
produits comme Apéricube ou Pick & Crock a réussi à conquérir avec succès deux nouveaux
moments de consommation (l’apéritif et le snacking), ce qui a notamment permis de désenclaver la
marque du seul univers du repas. Evian Nomad est un bon exemple de déclinaison de gamme
permettant de toucher à la fois de nouvelles cibles, de nouveaux réseaux de distribution et de
promouvoir la consommation hors domicile de la marque.
M
pression des forces d’adaptation locale est forte (les produits alimentaires ultra frais, la
charcuterie). Entre ces deux situations, on trouve un très grand nombre de secteurs « mixtes » :
SI
certains sont plutôt « multidomestiques », parce que l’ensemble des facteurs exercent une pression
AS
faible ; d’autres sont plutôt « transnationaux », parce que l’ensemble des facteurs exerce des
pressions fortes. On peut alors distinguer trois grandes approches stratégiques :
– une approche locale qui consiste à considérer la gestion de la marque par pays en l’adaptant
BY
pour répondre au mieux aux conditions de marché et aux facteurs culturels, soit parce que la
marque n’existe que dans un seul pays ou groupe de pays (exemple de la crème dessert
Mont-Blanc ou de la chicorée Ricorée qui ne trouvent grâce qu’aux yeux des
consommateurs français), soit parce que l’entreprise ne dispose pas d’une organisation,
d’une taille ou d’une volonté stratégique pour procéder autrement ; ainsi, la marque
Hollywood Chewing-Gum qui possède apparemment tous les atouts pour s’imposer sur la
scène internationale reste néanmoins confinée dans les frontières du marché français tant les
coûts d’entrée sur d’autres marchés sont élevés ;
– une approche multidomestique (encore appelée glocale) qui vise à développer une position
stratégique et une structure organisationnelle permettant une grande sensibilité et une forte
capacité de réaction à l’égard des différences d’environnements nationaux. La gestion
européenne d’une marque comme Ovomaltine dont le positionnement diffère selon que l’on
se trouve en France (boisson pour les enfants), au Royaume-Uni (boisson chocolatée du
soir), ou en Allemagne (boisson énergisante pour les sportifs) illustre une telle stratégie ;
une marque glocale standardise certains éléments de sa stratégie de marque (nom de
marque, packaging, distribution par exemple) et en adapte d’autres (offre produit, publicité,
promotion des ventes, etc.) ; des marques comme McDonald’s ou Coca-Cola illustrent
également de telles approches ;
– une approche globale ou mondiale qui procède d’une vision standardisée et uniforme de la
stratégie de marque appliquée à l’ensemble des pays en faisant fi le plus possible des
différences culturelles et des conditions locales de marché. Cette approche repose sur
l’idée que la position concurrentielle dans un pays est largement influencée par la position
concurrentielle dans d’autres pays et vise de ce fait à considérer le marché mondial comme
un seul ensemble intégré en construisant des avantages fondés sur les coûts par des
opérations à l’échelle mondiale et centralisées. Des marques aussi différentes que Gillette
ou Swatch illustrent une telle approche. La prise en compte de l’interdépendance entre les
pays, et la volonté de rationaliser la stratégie dans une perspective mondiale s’accompagne
alors des décisions suivantes :
une offre standardisée et une communication standardisée fondées sur l’idée que les
attentes des clients sont homogènes, ou homogénéisables, quel que soit le territoire
géographique considéré. American Express ou Nespresso exploitent une idée et
développent donc une stratégie mondiale pour leur marque ;
un engagement significatif dans tous les marchés nationaux majeurs pour obtenir des
volumes et des synergies. Un tel engagement permet à l’entreprise de s’appuyer sur
les tendances de consommation et/ou les changements technologiques qui traversent
la diversité des situations géographiques ;
une concentration des activités créatrices de valeur dans quelques sites
géographiques (la recherche et développement, la fabrication, les campagnes
M
publicitaires), de manière à obtenir des économies d’échelles et/ou bénéficier des
SI
avantages d’une localisation particulière ;
la construction cohérente d’un avantage concurrentiel significatif et durable pour
AS
distinguer l’extension de marque des autres modes de diversification d’une marque. Par exemple,
l’extension de gamme a lieu lorsque le produit nouveau complète une gamme existante en lui
ajoutant un produit complémentaire qui a une fonction identique et une nature différente, ou qui a
une fonction différente et une nature identique.
On peut alors représenter les trois principales strates de développement d’une marque.
Il faut donc distinguer :
– le complément de gamme qui consiste à proposer le produit sous un autre conditionnement
sans affecter l’essence du produit (Coca-Cola ou Perrier en cannette vs en bouteille de
verre) ;
– l’extension de ligne qui consiste à diversifier l’offre autour d’un produit cœur (exemple la
ligne Nivea Visage ou la ligne Nivea solaire) ;
– l’extension de gamme qui consiste à diversifier les usages du produit, soit en proposant de
nouveaux usages, soit en « étendant la cible » (exemple d’extension de Kinder vers Kinder
Pingui ou Kinder Bueno pour toucher une cible adultes) ;
– l’extension de marque qui consiste pour la marque à sortir de sa catégorie d’origine. Il est
possible d’envisager plusieurs modalités qui peuvent d’ailleurs se conjoindre :
l’extension via des produits périphériques qui sont complémentaires en usage du
produit référent de la marque : lancement des lingettes cuisine et sol Monsieur
Propre, lancement d’une mousse à raser Gillette ou de brosses à dents Colgate ;
des extensions essentiellement technologiques qui consistent à étendre le territoire
de compétences de la marque dans un autre univers de produits. On peut alors
envisager deux types d’utilisation des technologies de la marque : une extension de
type continue par laquelle les technologies originelles de la marque mère sont
préservées : ainsi Kodak et Minolta ont transféré leur savoir-faire en matière
d’optique au marché de la photocopie, Michelin a transféré son savoir-faire dans le
domaine du caoutchouc au domaine des chaussures de tennis (en association avec la
marque Babolat) et Baccarat a investi le domaine du bijou en cristal ; une extension
de type discontinue correspond, quant à elle, à une extension du domaine d’expertise
et de compétences de la marque comme l’illustre le cas de Virgin passé de la
production musicale au domaine du transport aérien, du cola ou des assurances ou
encore celui de la Fnac passé du développement photographique à la vente de
produits culturels et à la vente de produits de vacances ;
des extensions d’image notamment avec des stratégies d’associations ainsi que
l’illustrent l’ensemble des marques de mode ou de luxe qui se sont étendues dans le
parfum ou dans l’accessorisation (lunettes, joaillerie, etc.). La plupart des
extensions de marque sont d’ailleurs des extensions fondées sur l’image, dans
lesquelles la marque essaie d’emmener ses valeurs et son imaginaire dans un autre
territoire-produit. Ainsi en est-il par exemple de la diversification de Mont-Blanc
M
vers la maroquinerie, de celle de Louis Vuitton vers les chaussures, les vêtements et
les instruments d’écriture.
SI
AS
BY
M
SI
AS
Il existe néanmoins deux types de risques liés à une extension de marque : l’affaiblissement du
capital de la marque d’une part, les risques d’échec de l’extension d’autre part. Dans le premier
cas, c’est l’extension de marque qui a un impact négatif sur la marque mère et qui altère donc son
capital tandis que dans le deuxième cas, l’échec de l’extension est dû à la marque mère.
La décision d’extension de marque est d’importance stratégique pour celle-ci dans la mesure où
un échec de l’extension peut avoir des conséquences néfastes sur le capital de la marque. En effet,
le piège le plus grave de cette pratique d’extension est la vision à court terme que les décideurs
semblent privilégier. Il est souvent reproché aux entreprises de favoriser les critères économiques
de l’extension au détriment de la vision à long terme de l’opération qui prend en compte la
préservation du capital de la marque. Le caractère extensif de la marque, c’est-à-dire sa capacité à
être étendue, doit être analysé avant de prendre la décision d’extension. Un élargissement trop
important ou trop rapide du positionnement de la marque risquerait de porter préjudice au capital
de la marque et d’endommager la marque mère. Le risque est de voir une dilution, à long terme, du
capital de la marque ou encore la création d’une image négative pour la marque mère. Ainsi en a-t-
il été de la marque Tati qui s’est diversifiée trop rapidement et dans trop de directions (lunettes,
optique, bonbons, robes de mariées, voyages, etc.).
N’oublions pas que l’extension de marque se dit en anglais brand stretching, rappelant par là le
caractère élastique de la marque : la marque est comme le caoutchouc ; elle peut s’étirer, mais elle
rompt si l’on tire trop fort ou trop rapidement. Le sage chinois ne dit-il pas : « Inutile de tirer sur la
plante, elle ne poussera pas plus vite… » ?
L’extension nécessite donc du temps et surtout un lien sensible entre la marque mère et le produit
issu de l’extension. La première cause d’échec d’une extension est souvent attribuable au fait que la
marque mère ne permet pas de crédibiliser le produit issu de l’extension, soit parce que la notoriété
n’est pas suffisante pour faire « décoller » le produit, soit parce que celui-ci est trop éloigné de la
marque mère pour bénéficier de sa crédibilité, soit parce qu’encore la marque mère projette sur le
nouveau produit des associations inappropriées. À titre d’exemple, l’on peut citer l’échec des
parfums Bic pour lequel l’image de la marque Bic était trop éloignée du monde du parfum mais
aussi l’échec des téléphones Tefal, des machines à laver Mercedes Benz ou des couches Kleenex.
M
la marque pourra alors s’étendre sans perdre ses acquis.
Le processus d’extension doit donc nécessairement procéder par étapes en considérant les
SI
différentes formes de développement possible de la marque, à savoir23 :
AS
– la zone interdite.
Zones et frontières de la marque Nutella
M
Le schéma précédent montre les différentes strates d’extension possibles pour la marque Nutella
SI
qui est restée jusqu’à aujourd’hui une marque essentiellement mono-produit.
AS
La marque est devenue un capital qu’il s’agit de développer via notamment des stratégies
d’extension tous azimuts. Cette stratégie paraît lucrative car elle génère du chiffre d’affaires à court
terme et de la marge auprès de clients captifs mais l’on peut penser qu’une stratégie de ce type peut
être dommageable à terme dans la mesure où 1/ elle n’est pas fondée sur un vrai savoir-faire de la
marque et 2/ le lien entre la marque mère et les produits issus de l’extension ne sont pas légitimés et
3/ elle repose sur un schéma très ostentatoire de la marque qui la réduit à être un signe de
valorisation personnelle et sociale. Ainsi les stratégies d’extension à outrance de certaines marques
de prestige posent le problème à terme de leur pérennité. Il convient à ce titre de distinguer les
opérations de badging des stratégies d’extension. Le badging consiste à apposer sa marque sur des
produits sans lien d’expertise ou perceptuel avec la marque dans le cadre de stratégies de milkage
qui consistent à considérer la marque comme une cash machine en n’accordant d’importance qu’à la
rentabilité immédiate. Des marques comme Lacoste ou Ferrari se contentent souvent, dans leur
logique d’extension, d’apposer leur marque sur des produits fabriqués par des sous-traitants
(exemples des parfums et des lunettes Lacoste ou encore des vêtements siglés Ferrari qui manquent
de spécificité). Tel est également le cas de marques ayant recours à la sous-traitance pour
rentabiliser leur marque dans des catégories éloignées des sphères de métiers et de compétences
d’origine de la marque. C’est le phénomène de « cardinisation » de la marque synonyme de
l’épuisement de la marque qui perd son sens du fait de la multiplicité des extensions dans des
catégories de produits très diverses (fers à repasser, par exemple) sans lien avec l’identité de la
marque. La marque Cardin pâlit aujourd’hui une image négative en raison de l’incohérence qui
existait entre certaines extensions et la marque mère.
Dimension
Plan de l’expression logo, (signature, Articulation cohérente du plan de
prégnante de
couleurs d’identité visuelle) l’expression et du plan du contenu
la marque
BY
Une autre forme de développement d’une mar-que consiste à s’allier avec une autre marque pour
élargir son portefeuille d’offres. Le développement de telles alliances de marques illustre le fait,
qu’une fois encore, la marque n’est plus la résultante unique du succès d’une entreprise : elle est
coconstruite par un ensemble d’acteurs. Une modalité particulière de ce type d’alliances est le
cobranding ou alliance entre plusieurs marques (généralement deux) qui consiste à les réunir de
manière visible ou non sur un même support24. Chacune des marques s’appuie ainsi sur les
compétences et/ou l’image des marques partenaires, et leur conjonction assure à l’entreprise
commune des chances de succès accrues. Il existe plusieurs façons pour deux ou plusieurs marques
de s’associer selon leurs objectifs, leur notoriété, leur image, leurs moyens financiers et leur
implication dans l’association.
Le comarquage recouvre les collaborations entre deux ou plusieurs marques fondées sur la
codéfinition et sur la cosignature du produit ou service par les marques partenaires qui cherchent
des effets de synergie. C’est le cas lorsque Nestlé et Disney lancent la confiserie au chocolat
Disney Family, réponse à l’œuf Kinder Surprise, en jouant sur la caution donnée par Nestlé dans le
registre du chocolat et sur la caution ludique donnée par Disney. De même, lorsque Häagen Dazs
s’associe à des marques telles que Bailey’s, Malibu ou Cointreau pour faire évoluer sa gamme de
produits.
On peut alors distinguer le comarquage fonctionnel ou marquage ingrédientiel et le comarquage
symbolique. Le comarquage fonctionnel consiste pour la marque invitante à aller chercher la
caution technique de la marque invitée : ainsi en est-il des associations Coca-Cola/Nutrasweet, de
Dim et de Lycra, d’Intel avec la quasi-totalité des fabricants d’ordinateurs. Le comarquage de type
symbolique consiste quant à lui à apposer une marque invitée, génératrice d’attributs symboliques
additionnels, sur le produit cosigné avec la marque invitante. La dénomination du produit est alors
constituée de l’association des deux marques. Cette stratégie est très souvent utilisée dans
l’automobile : AX/K-Way, Twingo/Benetton, Twingo/Kenzo, Saxo/Bic, etc.
On parle de codéveloppement lorsque deux ou plusieurs marques mettent leur travail en commun
dans le cadre de la conception ou de la fabrication d’un produit. Le produit issu de l’alliance peut
M
être endossé par l’une des marques (la Renault Espace développée par Renault et Matra, Evian
Affinity, la gamme de soin élaboré avec Johnson & Johnson), ou bien encore faire l’objet de la
SI
création d’une nouvelle marque (la Smart résultant de l’association de Swatch et Mercedes, Inneov
résultant de l’association dans le domaine de la cosmétique active de Nestlé et de L’Oréal,
AS
produit comarqué en termes de bénéfices consommateur (pour éviter une forme de co-badging), la
complémentarité d’image et/ou de cible entre les marques partenaires, la légitimité des marques
alliées dans les catégories de produits investies et la cohérence entre le produit comarqué et
chacune des marques.
commune assignée aux différents produits (exemple de BMW), soit d’une stratégie de
différenciation des identités par univers de produits (exemple de Virgin) ou par zones
géographiques (la marque Levi’s n’a pas la même identité aux États-Unis et en Europe parce
BY
M
SI
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de sport, les jeans, les jouets, et les fast-foods. Ils peuvent même indiquer la marque de lessive de
leur mère ou les marques de dentifrice. Comme le rappelle Joël Brée27, les jouets sont à ce titre un
SI
bon vecteur d’information pour apprendre aux enfants les noms de marque et pour opérer la relation
auxquels elles correspondent. Ainsi quand un enfant demande à ses parents une voiture miniature, il
AS
demande généralement une marque précise (Twingo, Peugeot 106, BMW, etc.). De même, les
échoppes pour jouer au marchand ou bien encore les accessoires de poupées contiennent très
souvent des reproductions de produits existant réellement comme la poudre chocolatée Banania, la
BY
soupe Royco, ou encore les céréales Kellog’s. La poupée Barbie est même désormais dotée d’une
carte Visa… !
M
tribaux concourt au développement de communautés de marques qui peuvent se comprendre comme
un ensemble structuré de relations sociales entre les utilisateurs d’une marque dont l’affinité, la
SI
culture et l’histoire dérivent de la consommation de cette marque.
De ce fait la marque est une pourvoyeuse d’expériences pour le consommateur en lui faisant
AS
vivre des émotions personnelles ou collectives, soit à travers des produits (l’Ipod, l’Iphone, la
console de jeu Playstation, etc.) soit à travers des lieux de vente dits expérientiels (les Nike towns,
BY
l’Atelier Renault, le cristal Room de Baccarat, etc.) qui sont souvent des magasins pavillonnaires
dédiés au culte de la marque. Enfin, la marque a un rôle psychologique de placebo très important
qui guide nos croyances et oriente nos choix de consommation. En effet, le poids de marché d’une
marque est très souvent lié à un fort impact psychologique de celle-ci sur les processus de décision
des consommateurs. L’apposition d’une marque sur un produit a une très nette influence sur la
perception qu’ont les consommateurs de ce produit, ce que confirme clairement la conduite de tests
aveugles. Beaucoup de consommateurs sont convaincus qu’Evian est meilleure pour notre
organisme que Cristalline ou que Coca-Cola a meilleur goût qu’un cola à marque de distributeur ;
ces croyances sont d’autant plus ancrées pour les produits que les consommateurs ont du mal à
évaluer, soit parce qu’ils n’ont pas les compétences requises, soit parce qu’ils font montre d’une
faible habileté gustative discriminatoire ; ce pouvoir psychologique du nom de marque joue par
exemple sur l’efficacité perçue d’un médicament comme l’aspirine qui dépend pour au moins 30 %
du nom de marque28.
La marque est bien souvent un compagnon symbolique qui rassure. Des marques de confiserie
comme M&M’s ou Milka développent depuis peu des produits dérivés (réveille-matin, trousse,
cartable, peluche) qui leur permettent de devenir un véritable partenaire de l’enfant ou de
l’adolescent consommateur. La marque devient un doudou qui réconforte et qu’on ne peut plus
lâcher. D’où, par exemple, la volonté pour les marques d’entrer le plus tôt possible dans la vie des
enfants, comme en témoigne le développement massif du marketing scolaire pour, avec des moyens
de communication classiques (publicité, packaging attrayants, personnages de marque, etc.), toucher
les enfants avec la caution de l’enseignant et les mettre en contact avec l’univers de la marque, que
ce soit par la distribution de petits déjeuners ou de goûters, l’explicitation des principes clés de
l’hygiène bucco-dentaire (Signal) ou bien encore de distribution d’échantillons assortie de sorties
scolaires.
une erreur de choix telle qu’elle est estimée par l’acheteur ; le risque perçu est donc
également lié à la difficulté du choix ressentie par l’acheteur dans la catégorie de produits
ainsi qu’à sa compétence perçue. Dans un sens, on peut postuler que le degré de risque va
BY
M
consommateur qui serait fidèle aux marques quelle que soit la catégorie de produits. La fidélité à la
marque est spécifique à une catégorie de produits. Par ailleurs, des variables comme l’âge, le sexe
SI
et les caractéristiques psychologiques ou de revenus ne sont que très faiblement prédictives de la
fidélité. En revanche, la fréquence d’achat et le prix relatif du produit dans le budget du ménage
AS
sont tous deux corrélés avec la fidélité. Ainsi, une fréquence d’achat élevée et donc la répétition de
l’achat d’un produit seront statistiquement associées à des scores de fidélité plus élevés. De même,
BY
le niveau de prix et l’importance relative de la marque dans le budget du ménage influent sur la
fidélité, ce qui montre clairement le rôle de la marque comme réducteur de risque. La fidélité est
également plus importante pour les classes de produits à forte pénétration, du fait de l’augmentation
des occasions de contact. Enfin, la fidélité est plus importante pour des produits de consommation
familiale et moindre pour des produits dits ostentatoires. Les autres résultats sur la fidélité
concernent généralement des données agrégées sur les liens existant entre la part de marché et le
taux de fidélisation de la marque. Ehrenberg a montré avec son double jeopardy effect que les
marques à faible part de marché disposaient généralement d’un faible taux de fidélisation et
qu’inversement les marques à forte part de marché bénéficiaient de taux de fidélité plus élevés.
M
l’insu du fabricant : la marque a des attraits perçus bien réels, c’est la marque la moins chère (forte
sensibilité au prix), la marque a une part de linéaire bien supérieure aux autres marques sur le point
SI
de vente habituel, il y a très peu de références, il s’agit d’un comportement fortement empreint
d’inertie (loi du moindre effort), le consommateur est fidèle à son point de vente ; des études ont en
AS
effet montré un lien existant entre la fidélité à l’enseigne de distribution et la fidélité à un panier de
marques donné.
BY
Cela étant posé, la fidélité d’un consommateur est difficile à évaluer dans la mesure où,
contrairement à une culture occidentale monogame qui envisage la fidélité selon le critère unique de
l’exclusivité, il n’y a aucune raison a priori pour qu’un consommateur ait un comportement de
fidélité inconditionnelle à l’égard d’une marque dans une catégorie de produit donnée. Il faut donc
considérer plusieurs types de scenarios et donc plusieurs types de fidélité :
– la fidélité exclusive : elle correspond au rachat systématique d’une seule marque à
l’intérieur d’une catégorie de produits donnée. Trois types de scénarios sont envisageables
pour comprendre ce type de comportement d’achat :
une fidélité routinière qui renvoie davantage à un processus automatique de
décision. Dans ce cas de figure, la marque est achetée parce qu’elle est disponible
et facilement accessible. Il s’agit essentiellement d’un achat routinier qui traduit une
relation désaffectivée dans une catégorie de produits peu impliquante : le
consommateur rachète la même marque par effet d’habitude et par souci de
commodité, pour se simplifier la vie ;
une fidélité raisonnée largement fondée sur des motifs fonctionnels d’exigence,
d’« insistance intransigeante » ou de rapport qualité prix. Après avoir essayé
plusieurs marques, le consommateur est persuadé que la marque représente le
meilleur rapport qualité prix ou que la marque est nettement supérieure aux autres
marques de sa catégorie. Il s’agit donc d’un comportement de fidélité qui renvoie à
une logique d’optimisation de l’utilité dans un contexte de forte sensibilité ;
une fidélité inconditionnelle qui renvoie à l’étymologie de la fidélité personnelle, à
savoir « la liaison qui s’établit entre un homme qui détient l’autorité et celui qui lui
est soumis par engagement personnel » 31. Une relation affective extrêmement forte
s’est tissée au cours du temps entre le consommateur et la marque. La marque est
devenue un partenaire incontournable dans la vie du consommateur qui ne peut s’en
passer et n’envisage pas de lui trouver un substitut. De tels comportements sont
observables pour des produits visibles à forte résonance identitaire (parfum,
vêtements, équipement sportif) ; ce type de fidélité résulte généralement d’un très
fort attachement à la marque ;
– la fidélité partagée qui signifie que le consommateur achète de façon régulière deux ou
plusieurs marques dans la même catégorie de produits. Ce scénario, que l’on dénomme
aussi panachage réfléchi, peut renvoyer à plusieurs types de situations :
le cas de produits à usages liés : shampoing, après-shampoing, dentifrice pour la
prévention de la carie, dentifrice pour la fraîcheur de l’haleine ou la blancheur des
dents ;
les préférences différenciées des membres du foyer pour des marques dans l’univers
M
de produits ; ainsi les fabricants de céréales segmentent finement leur offre et l’on
voit sur les tables de petits déjeuners coexister plusieurs marques de céréales qui
SI
renvoient à plusieurs types de produits et de positionnements ;
AS
– le changement de marque qui consiste à changer de marque soit de façon ponctuelle lors d’un
schéma de fidélité long terme, soit de façon permanente. Les raisons invocables sont de
plusieurs ordres :
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une lassitude d’une marque consommée pendant plusieurs années sans discontinuité ;
une déception à l’égard de la marque couramment achetée (mauvaise expérience,
baisse de qualité – pour exemple les cigares Davidoff qui n’ont pas communiqué
explicitement à leurs consommateurs le changement de provenance des
approvisionnements) ;
l’irruption d’une marque innovante sur le marché ou d’une innovation perçue comme
radicale qui vient bouleverser les attentes et les habitudes (exemple des produits
deux en un) ;
un changement significatif dans le cycle de vie familial : la mise en couple est
souvent liée à des changements dans les habitudes de consommation et à des
répercussions sur les types de marques choisies ;
un changement radical de mode de vie (lieu d’habitation par exemple) ou de niveau
de vie ;
l’indisponibilité de la marque soit pour une raison de rupture de stock, soit pour un
déréférencement ; il y a alors un arbitrage à faire entre la fidélité à l’enseigne et la
fidélité à la marque ; l’attachement du consommateur à la marque peut le conduire à
changer de magasin ou à reporter son achat plutôt qu’à porter son choix sur une
marque de substitution ;
une offre promotionnelle alléchante portant sur une marque concurrente qui va
pousser le consommateur à essayer une nouvelle marque, voire à la racheter de
façon régulière. Les études montrent que les consommateurs achetant par erreur une
contremarque (c’est-à-dire des marques qui plagient les produits et les codes
visuels de marques leader ont tendance à la racheter de façon régulière s’ils sont
satisfaits de leur première expérience de consommation ;
– l’infidélité chronique qui correspond à des logiques opportunistes d’insensibilité totale à la
marque pour lesquelles on ne peut distinguer de récurrence et qui sont souvent le jeu de
consommateurs promophiles.
La limite des approches comportementales de la fidélité incite à se tourner vers des approches
liées à l’attitude. Ainsi en est-il de l’attachement à la marque qui tâche d’envisager pourquoi nous
sommes susceptibles d’aimer une marque en dehors de toute considération fonctionnelle.
L’attachement des consommateurs à la marque peut se comprendre comme l’intensité du lien
émotionnel et affectif qu’un consommateur entretient à l’égard d’une marque. En effet, la relation à
une marque ne se réduit pas à une série de transactions entre un sujet et un objet. Elle peut dans
certains cas se comparer à une relation de type interpersonnelle. L’attachement recouvre en fait
plusieurs facettes, à savoir : M
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– une facette de stimulation hédonique qui renvoie à la capacité de la marque à fournir une
expérience de consommation riche et plaisante ;
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– une facette de stabilisation émotionnelle qui renvoie à la création d’un univers de marque
rassurant pour le consommateur ;
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SI
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Chapitre V
M
marque qui ne sont pas spécifiques à une enseigne de distribution particulière et que les
consommateurs peuvent donc retrouver chez la plupart des distributeurs sans modifications de leurs
SI
caractéristiques d’un point de vente à l’autre, et d’autre part les marques de distributeurs (MDD) qui
sont des marques appartenant à une entreprise commerciale de vente au détail, ou en gros, et
AS
recouvrant une ligne ou un univers de produits distribués exclusivement par cette dernière sous son
contrôle.
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Les marques de fabricant sont dotées d’un certain nombre de fonctions pour le distributeur que
nous allons maintenant passer en revue.
Tout d’abord, mis à part les enseignes qui ne fonctionnent qu’en marque propre (Leader Price) ou
quasi exclusivement avec leurs marques propres (Décathlon), force est de constater que la marque
nationale est tout d’abord un levier éminent pour attirer les chalands dans un point de vente. À ce
titre, la marque nationale a une fonction de création de trafic et de réduction du risque commercial.
La marque nationale représente une valeur de marché (notoriété, image) qui, d’une part, réduit
considérablement l’effort commercial du distributeur, et d’autre part, est un facteur de valorisation
de l’enseigne. C’est pour cette raison que les enseignes ne peuvent généralement se passer des
marques leader de leur catégorie (Evian, Ariel, Pamper’s, Coca-Cola) au risque de se délégitimer
aux yeux des consommateurs qui viennent aussi dans leur magasin pour trouver leurs marques
préférées. Par ailleurs, les marques nationales participent activement à l’animation de la catégorie
de produits dans la mesure où une marque leader va déployer des efforts d’innovation et de
promotion qui vont contribuer à valoriser le rayon du distributeur.
La marque nationale signe un transfert de risque de l’enseigne vers le fabricant dans la mesure où
elle est liée à une promesse qui recouvre un engagement de l’industriel à l’égard du consommateur
final et contribue à dégager la responsabilité du distributeur en cas de problème lié au produit ; le
développement des numéros d’appel consommateurs facilite d’ailleurs le lien entre l’industriel et le
consommateur final mais accroît d’autant plus la responsabilité de l’industriel aux dépens de celle
du distributeur.
La marque nationale a également un rôle indéniable de fidélisation de la clientèle parce que l’on
sait qu’il existe un lien fort entre la fidélité à l’égard d’une enseigne et la fidélité à l’égard d’un
panier de marques, ce qui pose la question de la « propriété » du consommateur : le chaland vient-
il dans une surface commerciale pour l’attraction que représente ladite surface ou vient-il pour
retrouver des marques qui lui sont chères et découvrir des innovations issues de ces marques ?
La marque nationale a également un rôle de booster de marge commerciale dans la mesure où une
partie de la survaleur dégagée par la marque fabricant bénéficie en partie au distributeur. Au-delà
de la marge commerciale classique (appelée marge avant), il faut ici intégrer la notion de marge
arrière (qui peut aller jusqu’à 40 %) qui constitue aujourd’hui le principal levier de développement
et de marge de la grande distribution en France33. D’ailleurs, même si cela peut sembler paradoxal
au premier abord, la marge dégagée par certaines marques nationales dotées d’un fort premium est
parfois plus importante que la marge dégagée par les marques propres du distributeur.
Outre l’importance des marques nationales pour les enseignes, les distributeurs se préoccupent
depuis le milieu des années 1970 de développer leurs propres marques également appelées MDD.
M
Ainsi, les trente dernières années ont illustré une évolution du poids, des fonctions et du statut des
marques de distributeurs, évolution due notamment à des phénomènes tels que la concentration des
SI
centrales d’achat, le pouvoir accru des distributeurs vis-à-vis tant des fabricants que des
AS
justement l’interface commerciale qui permet au fabricant de recréer une sorte de lien avec le
consommateur. Les marques de distributeurs se sont donc essentiellement développées dans des
pays où la concentration de la distribution était importante. Il faut en effet une masse critique de
points de vente pour justifier la création d’une marque propre, d’où le développement graduel des
MDD parallèlement à un mouvement de concentration de la distribution. Créées en 1869 en Grande-
Bretagne par Sainsbury, les MDD se sont développées au XIXe siècle lorsque le commerce
succursaliste et coopératif s’est orienté vers une politique d’intégration vers l’amont pour tenter de
s’affranchir autant que possible des fabricants et offrir au consommateur des produits moins chers,
allant parfois jusqu’à prendre en charge la fabrication de certaines matières premières. En 1901,
Casino, propriétaire d’usines, appose sa marque sur des produits d’épicerie confiserie, de
charcuterie, de parfumerie, de droguerie ou encore de liqueurs, sirops et limonades, afin d’affirmer
de façon concrète sa politique de qualité.
En 1963, Carrefour ouvre le premier hypermarché, une innovation française, et marque ainsi les
débuts du commerce moderne en réunissant sous un même toit l’alimentaire et le non-alimentaire,
dans des magasins de grandes surfaces situés à la périphérie des villes (pratique déjà courante aux
États-Unis).
Bien que les distributeurs recherchent en premier lieu des prix bas, les marques de distributeurs
n’entrent pas dans la stratégie des distributeurs pendant la « période pionnière ». En effet, seuls
quelques distributeurs avaient déjà réussi à faire de leurs marques de distributeurs un véritable
avantage compétitif, comme Marks & Spencer au Royaume-Uni ou Migros en Suisse. Mais,
globalement, la logique de développement des hypermarchés était alors peu compatible avec la
forte complexification des organisations et de l’alourdissement des coûts fixes impliqués par
l’élaboration de MDD.
1. La première génération de MDD. – Jusqu’au milieu des années 1970 en France, les
distributeurs suivent une logique de volume, et de conquête fondée sur le cercle vertueux « petites
marges/prix bas/gros volumes ». Leur orientation est alors davantage commerciale que marketing :
à l’aide d’un marketing concret, engagé, voire consumériste ; les grandes surfaces s’« allient » au
consommateur pour une offre rationalisée et moins chère. Elles s’adressent d’ailleurs davantage au
consommateur qu’au shopper (client en magasin), privilégiant la transaction commerciale et
l’accroissement du panier moyen plutôt que la construction d’un véritable marketing d’enseigne.
C’est à cette époque que Carrefour révolutionne le concept de MDD avec le lancement, en 1976,
de ses « produits libres », une cinquantaine de produits d’entrée de gamme vendus de l’ordre de
30 % moins cher que les produits de marque car dépourvus de marques et au conditionnement
rudimentaire. Étienne Thil, alors directeur marketing de Carrefour, constate que si la marque
nationale « leader » est presque toujours leader dans sa catégorie de produits, des marques très peu
connues mais ayant un rapport qualité/prix avantageux prennent souvent la deuxième ou la troisième
place34.
M
L’opération des « produits libres » relève d’une idéologie consumériste, c’est-à-dire d’une
SI
approche essentiellement critique de la consommation qui vise à saper la prétention des marques de
fabricants à survaloriser leur produit par un enrobage de discours à la fois verbal (messages
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publicitaires, packaging, etc.) et non verbal (marchandisage, promotion, etc.). Carrefour dénonce
une sorte d’abus dont auraient fait preuve les fabricants en constituant un nuage de « falbalas » et de
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« fioritures » autour du produit. C’est ce qu’expriment des slogans publicitaires tels que « Voici la
confiture confiture » ou bien « Aimons le café pour le café ». La marque de fabricant ne serait rien
d’autre qu’une couche de discours et d’images venant se surimposer à cette réalité originelle et
élémentaire qu’est le produit (le café, la lessive ou la confiture). Cette critique de la valeur ajoutée
prétendument illégitime que proposent les marques de fabricants est en fait essentiellement une
sévère critique de la société de consommation fondée sur un phénomène inévitable de sémantisation
de l’offre. La stratégie des « produits libres » développée par Carrefour donne lieu à de
nombreuses réactions puisque rapidement nombre d’enseignes (sauf Leclerc) s’en sont inspirées.
3. La troisième génération de MDD. – Se pose alors la question pour les enseignes de s’engager
ou pas sur leurs marques, d’où le déploiement de deux stratégies fort différentes, avec d’une part
des enseignes qui misent leur offre MDD sur des quasi-marques et d’autre part des enseignes qui
envisagent des logiques de marque univers cautionnée par le nom de l’enseigne.
Au début des années 1980, les produits sans marque et bas de gamme laissent rapidement la
place dans les linéaires à une troisième génération de MDD. Pour éviter la confusion des
consommateurs sur la légitimité des marques, les distributeurs décident d’engager le nom de leur
enseigne sur leurs produits. C’est l’apparition des mdd reprenant le nom de l’enseigne dites
marques d’enseigne. Cette stratégie de différenciation est imputable tout d’abord à la prolifération
de MDD quasi équivalentes aux yeux des consommateurs, mais aussi à l’arrivée des hard-
M
discounters allemands (Aldi, Lidl, Norma) en France dont l’avantage compétitif repose sur la
compression des frais d’exploitation (assortiment étroit, aucun stock à supporter, logistique tendue),
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la nature même de l’assortiment étant constituée de produits sans marque, dépouillés, achetés en
très grande quantité et vendus avec un profit minimum.
AS
d’image de l’enseigne et d’enrichir en retour le contenu et l’image de l’enseigne par la MDD. Ainsi
des enseignes comme Carrefour, Casino, Champion décident assez tôt d’engager le nom de
l’enseigne sur des gammes relativement transversales, couvrant l’alimentaire puis peu à peu le non-
alimentaire (bazar, hygiène-beauté, etc.). Une enseigne comme Leclerc choisit de ne pas engager le
nom de l’enseigne en ayant recours à la marque « Repère », bien qu’il s’agisse là d’une forme de
cautionnement implicite puisque les consommateurs comprennent assez vite que cette marque est
liée de façon exclusive à l’enseigne.
Se pose également la question de la transversalité du positionnement de la marque enseigne.
Certaines marques d’enseigne (Auchan, Casino) sont gérées comme des marques-gammes avec une
promesse unique (qui est souvent le meilleur rapport qualité prix dans la catégorie de produits),
alors que d’autres sont gérées comme des marques-ombrelles. La marque Carrefour recouvre une
vaste étendue de produits, des légumes surgelés aux yaourts en passant par l’huile automobile et les
corn-flakes et n’a pas la même fonction selon la catégorie de produits. Ainsi, dans des univers
comme le filtre à café ou les piles électriques, elle représente la marque la moins chère, alors que
dans le pneumatique, elle est la marque de meilleur rapport qualité-prix.
– l’extension hors du seul domaine alimentaire : la MDD est par exemple un élément essentiel
de la stratégie de spécialistes comme Zara (Trafaluc) ou H&M (Big Mana) et peut même
devenir une marque internationale pour des produits relativement homogènes entre marchés
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Pour gérer leurs portefeuilles de marque, les distributeurs mettent en œuvre des stratégies
d’architecture de marque qui sont tout à fait comparables à celles mises en œuvres par les
industriels pour leurs marques nationales. On peut distinguer cinq grandes logiques de marquage :
1. la logique monolithique qui recouvre le cas d’une unique marque portant les couleurs de
l’enseigne et couvrant l’ensemble des produits de façon transversale. Leader Price est
emblématique de ce type de stratégie qu’avait également initié Décathlon avant de décliner
ses marques par univers ;
2. la logique de sous-marquage qui fonctionne sur le principe de déclinaison de la marque
mère pour créer des marques univers. Dans ce cas soit la marque mère est utilisée comme
racine (driver) principale du nom de marque à laquelle on adjoint un qualificatif (J’M,
Daily Monop, Cora Bio, etc.), soit la marque fille est construite en rapport d’équivalence
avec la marque mère (Monoprix Gourmet) ;
3. la logique d’endossement qui renvoie au cas des entreprises qui engagent leur nom
d’enseigne sur les produits. On retrouve ici l’ensemble des marques enseigne (Casino,
Carrefour, Auchan, etc.) mais aussi le cas des gammes de produits qui utilisent le nom de
l’enseigne comme caution (« Grande Sélection Cora ») ;
4. la logique de caution implicite qui renvoie aux marques qui sont attribuées par les
consommateurs à l’enseigne même si leur nom ne fait pas référence explicitement au nom
d’enseigne. On trouve ici le cas des marques enseignes déguisées (la marque « Repère » de
Leclerc), les marques premiers prix (Éco +, Top Budget, Winny), les marques univers (Tex,
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Tissaïa, Topbike), les marques qui s’adressent à une cible particulière (Kido chez Cora,
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Bout’Chou chez Monoprix) et les marques transversales (Reflets de France, Nos régions ont
du talent, Savoir des Saveurs de Système U, etc.) ;
AS
Le poids des MDD dépend de plusieurs facteurs économiques et culturels, des facteurs liés à la
stratégie des enseignes, et des facteurs liés à la catégorie de produits. Peu de variables de type
sociodémographiques, économiques ou psychographiques permettent d’expliquer l’achat de
produits génériques, à l’exception de la recherche d’économies. En ce qui concerne le secteur de
l’alimentaire la part de marché des MDD est plus élevée dans certains pays d’Europe, en particulier
en Grande-Bretagne, leur pays d’origine, et en Suisse, pays dans lesquels la grande distribution est
très concentrée. Les grands distributeurs de ces pays ont accordé une importance prépondérante à
leurs propres marques. Ainsi en Suisse, la première enseigne Migros, ne vend pratiquement que des
produits à sa marque. Certains distributeurs comme Marks & Spencer (avec sa marque Saint-
Michael’s) vont même jusqu’à utiliser l’expression d’« industriels sans usine » pour définir leur
activité. L’autre acteur explicatif du succès des MDD est l’accès direct et permanent au client : le
distributeur est au cœur du marché car il est au contact avec les industriels mais aussi et surtout
avec les consommateurs ; la MDD bénéficie du fait que le distributeur choisit dans une certaine
mesure l’implantation des marques en rayon et décide de la place qu’il accorde à ses propres
marques. Cela étant dit, la présence des MDD varie selon le circuit de distribution. Les
supermarchés (surface inférieure à 1 500 m2) possèdent une offre en marques nationales plus courte
que les hypermarchés, les marques de distributeurs y sont de ce fait soumises à une concurrence
moindre et bénéficient d’une meilleure visibilité. L’accès privilégié aux magasins dont bénéficient
les marques de distributeurs procure un avantage important sur les coûts et en particulier sur les
coûts commerciaux et marketing. Contrairement aux marques nationales, les marques de
distributeurs n’ont pas à supporter l’ensemble des coûts marketing des marques nationales. Même si
les MDD ont aujourd’hui accès à la publicité et à la promotion (depuis le 1er janvier 2007, les
enseignes de distribution peuvent apparaître à la télévision en France), les coûts de référencement
ou de force de vente resteront toujours absents du compte de résultat des distributeurs. S’étant dotés
de structures marketing comme les industriels, les distributeurs ont souvent fait de leurs MDD des
marques à part entière. Celles-ci ayant désormais accès à la communication télévisée peuvent
envisager de développer une puissance de feu médiatique égale à celle des marques nationales. En
Angleterre, Sainsbury’s et Safeway figurent déjà parmi les premiers annonceurs britanniques.
Intermarché a mené plusieurs campagnes sur ses marques les plus connues et sur le fait que
l’enseigne, contrairement à ses concurrentes en France, disposait de forces productives (usines,
bateaux de pêche, etc.). On ne compte plus aujourd’hui le nombre d’émissions télévisées parrainées
par des marques d’enseigne.
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Le développement des MDD dépend également de la catégorie de produits et des stratégies de
fabricants. Certains rayons comme le rayon DPH (Droguerie parfumerie hygiène) accusent un retard
SI
par rapport à l’alimentaire. C’est également le cas sur les marchés dont les caractéristiques des
produits sont les suivantes :
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– les produits à très forte valeur sociale comme le champagne ou le pastis par exemple ;
– les marchés qui font l’objet de dépenses de communication importantes (lessive, shampoing,
chocolat, bière, etc.) ;
– les marchés qui, trop petits, n’ont pas la taille critique pour développer des MDD.
La montée en puissance des MDD remet en cause d’une part la légitimité tous azimuts des
industriels détenteurs de marques ancestrales mais aussi le diktat du premium. Ainsi, une majorité
de consommateurs se déclare prête à continuer à acheter des MDD même si elles sont au même prix
que les marques nationales.
On peut tout d’abord identifier les principaux facteurs explicatifs du développement des MDD
dans une catégorie de produits :
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– la sensibilité au prix et l’élasticité de la demande en fonction du prix qui est un facteur
important dans la mesure où le prix est spontanément une raison majeure d’achat des MDD ;
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– le nombre de magasins offreurs qui est bien évidemment le premier levier de pénétration.
Ainsi, la forte progression de la marque Reflets de France s’explique aussi simplement par
AS
M
pénétration des MDD par catégorie de produit. D’où l’importance pour les industriels de mettre en
œuvre des opérations promotionnelles stratégiques, c’est-à-dire qui sont susceptibles d’accroître
SI
de façon structurelle la demande pour leurs marques. Ainsi le Bingo des marques organisé chaque
année par le groupe Danone permet aux consommateurs de bénéficier de cadeaux en échange de
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bons d’achat et d’accroître de façon structurelle les ventes de certaines marques du groupe tout en
faisant essayer aux consommateurs de nouveaux produits. De même, par son magazine
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consommateur Danone et vous, Danone renforce sa notoriété et touche ses consommateurs d’une
façon originale par un discours sur l’alimentation et la santé qui déborde très largement le cadre
d’un discours commercial.
Chapitre VI
comme des actifs autonomes de l’entité économique et juridique qui les a créées et développées.
Pour autant, la valeur d’une marque n’est pas la même si l’on se place du point de vue de
l’actionnaire (qui a comme attente le retour sur investissement), l’industriel (qui peut avoir des
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attentes liées à la rentabilité de l’activité, à la prise de part de marché, à l’impact d’image, etc.) ou
du consommateur.
La valeur de marque, qui résulte du capital de confiance que la marque a su acquérir dans le
temps auprès des différents acteurs du marché, est bien représentée par la notion anglo-saxonne de
goodwill (survaleur) qui renvoie à la différence comptable entre le prix payé pour le rachat d’une
marque et la valeur comptable de l’entreprise.
Le capital de marque demeure une notion complexe qui pose le problème des variables à prendre
en compte dans son évaluation. Il n’existe pas à l’heure actuelle de consensus pour mesurer la
valeur du capital de marque. Les approches existantes diffèrent essentiellement sur trois aspects
majeurs : la perspective adoptée, l’horizon temporel et la nature des indicateurs utilisés.
La gestion stratégique du capital de marque est devenue l’un des axes majeurs de la stratégie
globale des entreprises.
Les méthodes d’évaluation varient considérablement selon que l’on adopte une perspective
comptable, financière ou marketing. La perspective adoptée est pourtant déterminante car une
marque n’a pas une valeur mais des valeurs selon le contexte d’évaluation : valeur liquidative en
cas de vente forcée, valeur comptable pour les comptes sociaux, valeur pour apprécier les
préjudices et les atteintes à la valeur de marque, valeur pour estimer le prix des licences, valeur en
cas de fusions ou d’acquisitions, etc. La valeur d’une marque dépend donc très étroitement du
contexte d’évaluation. Par ailleurs, la perspective adoptée influe bien évidemment sur les outils de
mesure proposés. Pour ce qui est de l’horizon temporel, certaines approches proposent une mesure
instantanée de la valeur de marque, d’autres une approche dynamique et évolutive qui considère la
marque dans son passé (en prenant en compte les investissements réalisés) et son futur (en prenant
en considération le potentiel de diversification de la marque). En ce qui concerne la nature des
indicateurs utilisés, certaines méthodes visent à définir un indice de la valeur de marque (approche
unidimensionnelle de la valeur de marque) tandis que d’autres méthodes envisagent la valeur de
marque comme un construit multidimensionnel formé de multiples indicateurs. De plus, certaines
méthodes sont fondées sur l’utilisation d’indicateurs comptables ou financiers (revenus attribuables
à la marque, investissements dus à la marque, etc.), alors que d’autres approches reposent
essentiellement sur des variables marketing (notoriété, image, etc.).
Du fait de la divergence extrême des méthodes d’évaluation, il est recommandé, lors d’une
opération d’évaluation, de ne pas s’attacher à une méthode exclusive, mais d’opérer des
recoupements entre les résultats de plusieurs méthodes.
La marque ne peut pas être considérée comme un actif complètement indépendant de l’activité
sur laquelle elle s’est développée. Il semble par conséquent difficile d’admettre qu’il puisse exister
M
un marché des marques comme il existe un marché d’actions, d’obligations, ou d’autres produits
financiers.
SI
Il est en effet difficile de considérer qu’une marque soit utilisée dans un contexte très différent de
AS
son activité « racine », et ce malgré les stratégies d’extension tendant à des politiques de
diversification des produits abrités sous une même enseigne. Qu’une marque comme Renault
permette de vendre des voitures et des produits financiers conjointement est un fait, mais il est
BY
difficile d’imaginer que la Société Générale puisse tirer valeur du rachat d’une marque comme
Renault pour étendre et valoriser ses activités financières.
La marque est donc un actif lié, pour partie, non pas à une entité juridique, mais à un domaine
d’activité à partir duquel se développent son image, sa notoriété et son potentiel de croissance. Ce
point est fondamental, notamment pour envisager ensuite des méthodes de valorisations fondées sur
les approches financières, donc prévisionnelles.
La marque s’apparente donc bien plus à un produit dérivé, comme les options, qu’à un actif
primaire (actions, obligations, matières premières, etc.). La marque est pour partie liée à son
domaine d’activité et au potentiel de ce domaine, tout comme une option (au sens financier) est
assise sur un actif sous-jacent. À la différence, cependant, qu’il est peut-être possible de
développer la valeur d’une marque complémentairement à la valeur de l’activité elle-même,
notamment en jouant sur des phénomènes de perception, irrationnels mais réels, ou bien sur les
comportements individuels ou collectifs de consommation. La marque n’existe donc pas sans une
référence minimum à un domaine d’activité.
M
programmes de recherche et développement. Rappelons cependant que les normes comptables IFRS
actuelles n’autorisent pas la comptabilisation des marques créées en interne, alors qu’elles offrent
SI
une grande liberté dans l’évaluation des marques acquises.
Il est important de souligner quelques principes fondamentaux issus des règles comptables :
AS
1. la valorisation, sur la base de transactions réelles, doit être effectuée au coût historique,
elle correspond donc aux achats effectués pour développer l’actif immatériel ;
BY
2. l’entreprise doit être capable d’identifier un lien direct entre les dépenses et l’actif ;
3. il faut démontrer que l’actif est susceptible de dégager es revenus ;
4. il est nécessaire de vérifier la valeur potentielle de l’actif via une validation par le marché
afin d’éviter de faire apparaître à l’actif du bilan un actif fictif.
Ces règles, issues de l’application des principes comptables, sont évidemment applicables aux
marques, à la différence près qu’il faut aussi prévoir dans quelle mesure la valeur de marque sera
soutenue par un programme marketing cohérent dans les années à venir. Pour que la valeur de la
marque (au sens défini précédemment) perdure à travers le temps, il faut enfin que le dirigeant de
l’entreprise réalise une « déclaration d’intention » visant à mettre en œuvre les moyens nécessaires
à la conservation de la valeur figurant au bilan. Cette méthode manque évidemment de souplesse et
ne laisse guère la possibilité d’intégrer dans la valorisation la création de valeur qu’une stratégie
marketing bien établie est susceptible d’engendrer.
Par ailleurs, force est de constater que pour les marques anciennes il est bien difficile de définir
quels moyens ont permis, au fil du temps, de développer la valeur actuelle de la marque.
La méthode de la valeur de remplacement permet quant à elle d’éliminer le problème de la durée
d’étude ; elle consiste à reconstituer les moyens marketing qu’il faudrait aujourd’hui mettre en
œuvre afin d’obtenir une marque d’une notoriété équivalente à celle détenue par l’entreprise. C’est
donc fondamentalement une méthode de simulation chiffrée, liée à une stratégie de marque fictive
devant permettre de reconstruire la réalité actuelle de la marque de l’entreprise en termes d’image,
de notoriété et de « force de marque ». Sur le plan conceptuel, et sous réserve que l’on admette les
principes comptables fondamentaux, cette méthode est beaucoup plus satisfaisante que la
précédente car assise sur des données correspondantes aux données actuelles du marché.
Elle reste cependant fondée sur une évaluation de la marque par les coûts de production. Elle ne
peut par conséquent intégrer des éléments comme le premium (la prime de marque). De plus, elle
reste contrainte par les mêmes règles que celles énoncées pour la méthode du coût historique.
Enfin, se pose à nouveau le problème du maintien de la valeur de marque au-delà de l’horizon
d’une stratégie donnée. Comment garantir, à terme, le maintien de la valeur de marque ?
Les comparables et les multiples sont utilisés dans tous les domaines de l’évaluation, depuis
l’évaluation du fonds de commerce jusqu’à l’évaluation d’entreprise. Qui n’a jamais entendu dire
qu’une entreprise était vendue un an de chiffre d’affaires, ou cinq années de résultats nets
comptables ? Les multiples réconfortent généralement les évaluateurs dans la mesure où ils sont
assis sur des transactions réelles donc des prix. Ils permettent ainsi de nuancer les évaluations
faites par le biais d’autres méthodes, notamment prévisionnelles. Ils permettent enfin de faire
M
comprendre aux acteurs (acheteurs ou vendeurs potentiels) qu’une valorisation ne peut être par trop
éloignée du prix moyen sur le marché. Les comparables (ou les multiples, selon les unités de
SI
mesure) vont ainsi souvent s’ériger en norme pour les futures transactions.
AS
l’entreprise ont été retenues et étudiées. D’une certaine façon, les principales méthodes de
l’évaluation en entreprise sont assises sur une perception « microéconomique » de la valeur de
l’actif, alors que la méthode dite des comparables s’inscrit bien plus dans une logique de
reconstitution d’un marché « extérieur », donc dans une logique macroéconomique.
Cette méthode pose cependant le délicat problème du choix des transactions « comparables ». En
matière d’évaluation d’entreprise par exemple, le choix d’une comparaison avec des transactions
ayant eu lieu dans le même secteur d’activité est souvent retenu. Cependant, ce choix se fait souvent
au détriment relatif de la vérification de comparaisons possibles sur des variables économiques
fondamentales (croissance, structure de coût, internationalisation ou non du marché, taux de
rentabilité, etc.). Appliquer au domaine des marques, pour lequel les transactions sont déjà assez
peu nombreuses, une priorité donnée à l’approche sectorielle pourrait se traduire par une sous-
estimation de variables telles que la notoriété, l’image de la marque, les comportements de
consommation qui lui sont liés (fidélisation par exemple), mais aussi le potentiel d’évolution
(diversification des services ou produits, etc.).
M
Les méthodologies financières reposent sur le principe de la valorisation de revenus futurs liés à
un actif. Elles utilisent d’une part la technique dite de l’actualisation des revenus futurs. Cette
SI
méthode consiste à évaluer la marque en fonction des revenus qui lui sont attribuables. Il est donc
AS
nécessaire, dans un premier temps, d’estimer les revenus directement imputables à la marque et,
dans un second temps, de capitaliser ces flux de revenus pour calculer la valeur financière de la
marque.
BY
Se pose tout d’abord la question de la séparabilité, puisqu’il s’agit d’isoler les revenus
attribuables à la marque des revenus générés par les autres actifs incorporels. Or il est bien souvent
impossible d’isoler les revenus attribuables à la marque seule, si bien que l’évaluation financière
de la marque englobe de façon quasi systématique l’ensemble des autres actifs incorporels (brevets,
savoir-faire, etc.) avec lesquels la marque interagit en permanence pour créer de la valeur.
En second lieu, il s’agit de trouver le ou les critères pertinents pour déterminer les bénéfices que
l’entreprise tire de la marque. La méthode la plus courante se fonde sur la prime de marque, en
considérant que tous les actifs du capital de marque (notoriété, fidélité, image, etc.) permettent
parfois de vendre celle-ci plus cher que des produits concurrents ; la méthode consiste alors à
mesurer cette prime de marque, c’est-à-dire l’écart entre le prix de la marque et le prix d’un produit
équivalent générique ou non marqué, et à multiplier cette plus-value (encore appelée premium
price) par le volume des ventes de la marque. Le problème essentiel inhérent à cette méthode est le
fait que beaucoup de produits n’ayant pas d’équivalents (exemple de la barre chocolatée Mars), il
n’est pas toujours possible de définir une prime de marque.
Une fois estimés les revenus attribuables à la marque, il convient de capitaliser les flux de
revenus, ce qui suppose tout d’abord de déterminer les taux, la période d’actualisation et ensuite de
définir une méthode de capitalisation. Ainsi est-il possible de déterminer la valeur financière de la
marque à partir des revenus attribuables à celle-ci ; soit en fonction des flux prévisionnels par le
calcul de la valeur actuelle des flux futurs ; la valeur de la marque est alors évaluée par une
capitalisation de ces revenus ; cette méthode repose sur des anticipations portant à la fois sur les
flux générés par la marque, les taux d’actualisation et les durées d’existence économique (horizon
d’actualisation) ; soit en fonction des flux actuels de revenus attribuables à la marque par
application d’un multiple à ces flux de revenus36.
La méthode des options, déjà éprouvées pour la valorisation des programmes de recherche et
développement, ou pour la valorisation des start-up (biotechnologies, Internet, etc.), peut permettre
de compléter les analyses financières et comptables traditionnelles. Elle crée aussi l’opportunité de
faire un lien direct entre les leviers stratégiques de gestion de la marque et sa valeur financière.
Puisque les marketers proposent des méthodes d’étude et d’analyse des marques fondées sur la
« prime de marque », il peut paraître judicieux de proposer une méthode d’évaluation en parfaite
correspondance avec cette approche, valorisant un premium (au sens financier du terme cette fois),
donc une méthode par les options réelles.
Cette méthode peut apparaître comme complémentaire à celle des flux futurs. Elle peut aussi
s’avérer être un outil précieux d’aide à la décision dans le cadre du lancement d’une nouvelle
marque, en fonction du potentiel de valeur de cette dernière, et en fonction des stratégies voulues
par les dirigeants.
M
Elle peut être utile dans le cadre de négociations avec des tiers, notamment pour le calcul des
SI
redevances dues par ceux qui utiliseront la marque, car sa valeur sera alors fort différente selon les
AS
elle sera alors comparable aux méthodes classiques préconisées habituellement pour l’analyse des
choix d’investissement, comme le calcul de valeur actuelle nette (VAN).
Avant d’envisager en guise de synthèse une typologie des sources de valeur d’une marque,
rappelons que les deux principaux leviers de création de valeur restent, d’un point de vue
marketing, la notoriété et l’image.
1. La notoriété. – C’est une mesure quantitative visant à évaluer le degré de présence d’une
marque, quel que soit d’ailleurs ce type de marque, à l’esprit des consommateurs. Elle peut se
définir comme le degré de connaissance de la marque par les consommateurs et s’exprime de ce fait
sous la forme d’un score : le taux de notoriété.
Il faut donc bien distinguer la notoriété et l’image dans la mesure où la notoriété est une mesure
quantitative qui répond à la question « Combien de consommateurs connaissent cette marque ? »
alors que l’image est une mesure qualitative qui répond à la question « Comment la marque est-elle
perçue ? ». Outre la distinction qu’il convient d’opérer entre ces deux types de mesures, il faut
également rappeler qu’il n’y a pas de lien systématique entre la notoriété et l’image. En effet, une
marque peut disposer d’un excellent score de notoriété et d’une piètre image (exemple des marques
Aeroflot et Sabena), tout comme il est possible d’envisager un faible score de notoriété pour une
marque disposant d’une très bonne image (exemple des marques spécialisées dans certains univers
M
de produits comme la marque Schimano pour la pêche).
Il faut envisager trois approches de la notoriété :
SI
– la notoriété spontanée qui correspond au fait que la marque est citée spontanément par le
AS
consommateur sans aide extérieure (en réponse à la question : « Citez-moi l’ensemble des
marques de shampoings que vous connaissez ») ;
– le top of mind qui mesure la place de la marque dans la série de marques précitées. On
BY
regarde ici selon les cas si la marque est citée dans les trois ou cinq premières marques ;
– la notoriété assistée qui mesure la reconnaissance de la marque par un répondant auquel on a
cité une liste de marques (en réponse à la question : « Parmi ces marques de shampoings,
quelles sont celles que vous connaissez ? »). Cet indicateur présente un inconvénient de
fiabilité dans la mesure où il n’est pas possible d’établir avec certitude qu’un répondant
connaît effectivement les marques qu’on lui cite et qu’il dit connaître. Cet indicateur sert
essentiellement pour les marques disposant d’une notoriété spontanée très faible et donc
d’un top of mind quasi nul ; il est dans ce cas le seul indicateur véritablement sensible
permettant de suivre l’évolution de la notoriété de la marque.
2. L’image. – Alors que la notoriété est un indicateur quantitatif lié à l’impact de la marque,
l’image de marque est un indicateur qualitatif lié au contenu de la marque et à sa perception par un
public cible. Les composantes de l’image témoignent donc de l’impact des traits identifiants de la
marque. Il y a différents niveaux d’analyse de l’image de marque et notamment :
– la nature des associations qui rend compte du degré abstrait vs concret, fonctionnel vs
émotionnel et du type d’imaginaire véhiculé par la marque. Certaines marques sont
essentiellement définies par un contenu fonctionnel alors que d’autres sont davantage liées à
des valeurs émotionnelles (le café Carte noir), ludiques (La Vache Qui Rit), ou à
l’articulation de valeurs fonctionnelles et ludiques (Kinder Surprise) ;
– la richesse des associations qui renvoie au nombre d’axes signifiants pour le consommateur ;
il s’agit ici de prendre en compte la diversité des traits d’image pour mettre en évidence
l’étendue du territoire mental et imaginaire de la marque dans l’esprit des consommateurs ;
– la proximité des traits d’image : l’image de la marque est d’autant plus proche que les
consommateurs évoquent spontanément un ensemble de représentations que leur évoque la
marque. Il s’agit ici de se demander dans quelle mesure les traits d’image « parlent » aux
consommateurs, c’est-à-dire sont spécifiques et liés à leur préoccupation ;
– la netteté des traits d’image qui renvoie à la précision avec laquelle les consommateurs vont
citer des produits liés à la marque ou bien des associations en termes de valeurs. Ainsi dire
d’une marque qu’elle est « jeune » ne dénote pas d’une représentation très nette, alors que
des associations telles que la « rapidité », l’« esprit d’entreprise », l’« innovativité », etc.,
sont des traits qui supposent une représentation plus claire et plus tranchée de la marque.
3. Les autres indicateurs de la force d’une marque. – Les indicateurs d’impact et de contenu
que sont respectivement la notoriété et l’image doivent, dans le cadre d’une évaluation multicritère
de la valeur de marque, être complétés par d’autres indicateurs qui sont respectivement :
M
Le pouvoir de marché de la marque : ces indicateurs tiennent compte de la capacité de la marque
à asseoir et défendre une position économique souveraine sur le marché. Il s’agit donc de sa
SI
longévité, de la taille de ses budgets de marketing et de communication, du montant de ses
investissements en recherche et développement. Il faut également considérer sa capacité à capter de
AS
la valeur sur le marché à travers l’évolution de sa notoriété, de sa part de marché, son contrôle des
circuits de distribution ainsi que des éléments liés à la spécificité de son positionnement.
BY
sphère d’autorité en proposant des modes de consommation, de pensée et donc de vie. Ainsi la
coca-colonisation ou la macdonaldisation du monde ne signifie pas seulement une préemption de
l’espace économique par des marques dites globales, mais surtout la prétention de ces marques à
BY
devenir des structures idéologiques qui façonnent nos manières d’être et de faire et qui imposent
une vision du monde. Une grande marque propose en effet, toujours à travers sa promesse de
marque, une sorte de contrat de confiance qui présuppose une façon de voir le monde et qui se
manifeste dans l’ensemble de ses dispositifs communicationnels : design, produit, packaging,
rhétorique publicitaire, dispositifs promotionnels, choix de ses endosseurs (les personnes choisies
pour représenter la marque), etc. La marque Apple nous enjoint par exemple à penser différemment
(Think different), sous-entendant comme par ricochet « sentez différemment », « regardez
différemment », et donc en définitive « vivez différemment ». Les marques contribuent par la
puissance de leur discours à modifier notre rapport au monde, le rapport à notre corps, le rapport
aux autres. Ainsi, des marques comme Danone, Renault, Carrefour, Auchan ou encore L’Oréal ne
nous parlent pas tant de la praticité ou de la qualité des produits que de valeurs de vie. Castorama
se positionne comme « le partenaire du bonheur » en proposant à ses consommateurs de prendre en
charge l’ensemble des événements importants de la vie (mariage, déménagement, naissance), tandis
que le Club Med développe depuis plusieurs années une rhétorique confortant une sorte
d’hédonisme permissif autour de slogans tels que « le bonheur couché », « le bonheur debout » ou
encore « le bonheur si je veux ». Le pouvoir des marques se fonde sur leur capacité à orchestrer un
véritable programme visant le bien commun comme l’illustre à merveille la signature d’Auchan :
« La vie, la vraie » …
De fait, la marque, en tant qu’elle est avant tout un système symbolique, semble renvoyer à une
organisation trinitaire articulant trois versants, à savoir :
un versant physique essentiellement lié aux dimensions sensorielles de la marque, à ses
aspects tangibles et directement préhensibles par le consommateur au moyen de ses sens
(couleur et odeur des produits, effet de matière, etc.). L’attraction que certaines marques
exercent sur les consommateurs s’exprime souvent à travers les dimensions matérielles de
la marque. La marque de biscuit Pim’s a par exemple revu intégralement ses codes produits,
pour pouvoir se défendre contre la montée en puissance des marques de distributeur par une
mise en évidence de la polysensorialité d’un produit qui associe trois couches et autant
d’expériences gustatives (le craquant du chocolat, le moelleux de la génoise et l’onctuosité
de la confiture) et une requalification qualitative de chacune des couches du produit
(densification de la coque en chocolat, travail sur la provenance des ingrédients et la
contenance en fruits) ;
un versant rhétorique lié à la dimension persuasive et discursive de la marque. La marque
Pim’s a assuré son relancement par une signature permettant d’exprimer l’extase sensorielle
(« recherche personne majeure pour partager volupté »). La marque Petit Déjeuner lancée
par Lu constitue un très bel exemple d’innovation idéologique, en ce sens que la marque
tâche par un discours très technique de déconstruire la croyance répandue selon laquelle il
est nutritionnellement bon de manger des corn-flakes le matin. La dimension rhétorique des
marques a pour fonction de façonner, ou de modifier des systèmes d’attitudes (par la
M
création de forts modèles identificatoires) et de comportements ;
SI
un versant pragmatique qui renvoie à la capacité de la marque à faire agir le consommateur
(essayer, acheter, prescrire, etc.) et qui s’orchestre notamment à travers la faculté de
AS
M
SI
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Notes
1
La ville de Saint-Tropez fut l’une des premières marques urbaines déposées en France pour des
raisons que l’on comprend aisément.
2
Le premier cas avéré d’utilisation d’une marque commerciale remonte à la Chine de 2700 avant J.-
C. : il s’agit de poteries qui indiquent le nom de l’Empereur ou celui de l’artisan. Voir à ce sujet A.
Beltran, et al., Des brevets et des marques, Fayard, 2001.
3
Exemple cité dans Claude Sodet, et al., Les marques de distributeurs jouent dans la cour des grands,
Éditions d’Organisation, 2002, p. 17.
4
Ces deux fonctions ressortent dans la définition que donnent la plupart des dictionnaires, à savoir
un « signe ou symbole qui identifie un objet et permet de le différencier d’objets concurrents ».
5 M
SI
Selon le Dictionnaire historique de la langue française (Le Robert), la marque se rapporte
successivement à une tache de naissance chez un homme ou un animal (1538), à la trace laissée sur
AS
un corps par des doigts (1553), au signe infamant en forme de fleur de lys que l’on imprime à même
la peau du condamné (1531) et à l’ornement distinctif d’une dignité.
BY
6
K. Lane Keller, Strategic Brand Management, Prentice-Hall, 1998, p. 27.
7
Voir à ce sujet Ph. Malaval, Stratégie et gestion de la marque industrielle, Publi-Union, 1998, p. 11.
8
Rappelons la date d’apparition de quelques grandes marques : Schweppes (1798), Levi’s (1850),
Heineken (1864), Coca-Cola (1886), Philips (1893), Gillette (1905).
9
Voir conclusion.
10
G. Dumézil, Mythe et épopée, Gallimard, 1968.
11
Ce qui pose le problème de la continuité du savoir-faire après la disparition du créateur.
12
M.-C. Sicard, Ce que marque veut dire, Éditions d’Organisation, 2001, p. 176.
13
Jacques Derrida, Marges de la philosophie, Éditions de Minuit, 1972, p. 392.
14
A. Semprini, La marque, PUF, « Que sais-je ? », 1995.
15
J.-M. Floch, Identités visuelles, PUF, 1995.
16
Nous suivons ici le principe du parcours génératif de la signification propre à la sémiotique
structurale initiée par l’École de Paris et notamment par A.-J. Greimas.
17
N. Pénicaut, « Ikéa doute d’Habitat », Libération, mardi 13 août 2002, p. 14.
18
Exemples tirés de N. Klein, No logo. La tyrannie des marques, Actes Sud, 2001, p. 49.
19
Selon l’approche des chaînages moyens-fins chargés d’assurer un lien perceptuel ou du moins
conceptuel entre les différents niveaux de l’échelle Attributs (concrets, abstraits). Conséquences
(fonctionnelles et psychologiques) et Valeurs (instrumentales et terminales). Pour une bonne
synthèse de ces notions, voir notamment P. Valette-Florence, « Introduction à l’analyse des
M
chaînages cognitifs », Recherche et applications en marketing, vol. 9, n° 1, p. 93-117.
SI
20
AS
Nous ne nous étendons pas sur le logo qui est un identifiant essentiel de la marque et renvoyons le
lecteur au « Que sais-je ? » Le Logo.
21
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34
É. Thil, C. Baroux, Un pavé dans la marque, Flammarion, 1983.
BY
35
Je tiens à remercier Loïc Mahérault du cabinet Altidiem, spécialisé dans la valorisation des
marques, pour son aide concernant les aspects financiers et comptables de ce chapitre.
36
Ce principe du multiple repose en fait sur l’application à la marque du price/earning ratio, qui
s’applique habituellement à une entreprise, pour exprimer le rapport existant entre sa capitalisation
boursière et ses bénéfices nets.
37
Rappelons qu’un individu est soumis en moyenne à plus de 1500 messages de nature publicitaire
par jour.
38
L. Verlet, Chimères et paradoxes, Le Cerf, 2007.
39
E. Morin, S. Naïr, Une politique de la civilisation, Arléa, 1997, p. 183.
www.quesais-je.com
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