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Correspondance : Ch. Penna, Service de chirurgie digestive et oncologique, Hôpital Ambroise Paré, F 92104 Boulogne Cedex.
Résumé/Abstract Introduction
Comité de rédaction
Rédacteur en chef
F. Lacaine (Paris) La polypose adénomateuse familiale
Prise en charge chirurgicale de la polypose adénomateuse familiale
J.-P. Bail (Brest)
J. Belghiti (Clichy)
J. Chipponi (Clermont-Ferrand) (PAF) est une maladie héréditaire de
B. Dousset (Paris)
Ch. Penna H. Mosnier (Paris)
S. Msika (Colombes)
C. Vons (Clamart)
transmission autosomique dominante
Conseil scientifique
J.-P. Arnaud (Angers), J.-G. Balique (Saint-Etienne), J. Baulieux (Lyon), H. Bismuth (Villejuif), J.-P. Campion (Rennes), M. Carretier (Poitiers), G. Champault (Bondy), D. Cherqui
La polypose adénomateuse familiale est une maladie héréditaire, autosomique dominante,
(Créteil), L. De Calan (Tours), B. Descottes (Limoges), J.-J. Duron (Paris), D. Elias (Villejuif), J. Escat (Toulouse), P.-L. Fagniez (Créteil), G. Fourtanier (Toulouse), D. Franco (Cla-
dont l’incidence est estimée à 1/7 000
mart), A. Gainant (Limoges), J.-L. Gouzi (Toulouse), J. Gugenheim (Nice), J.-M. Hay (Colombes), D. Houssin (Paris), C. Huguet (Monaco), D. Jaeck (Strasbourg), P.-A. Lehur (Nan-
caractérisée par l’apparition dans l’enfance de centaines d’adénomes colorectaux dont la trans-
tes), C. Letoublon (Grenoble), Y.-P. Le Treu (Marseille), G. Mantion (Besançon), J. Marescaux (Strasbourg), F. Michot (Rouen), B. Millat (Montpellier), J. Mouiel (Nice), R. Parc
(Paris), C. Partensky (Lyon), J.-L. Peix (Lyon), D. Pezet (Clermont-Ferrand), P. Quandalle (Lille), G. Samama (Caen), B. Sastre (Marseille), A. Sauvaunet (Clichy), P. Segol (Caen),
naissances soit une prévalence de l’or-
A. Sezeur (Paris), P. Tenière (Rouen), J.-P. Triboulet (Lille), P. Valleur (Paris)
formation cancéreuse est inéluctable. Elle s’accompagne de manifestations extra coliques dont
Masson périodiques
Édition
dre de 1/25 000 habitants.
certaines peuvent menacer le pronostic vital. La colectomie prophylactique ne doit pas être dif-
F. Weise
Tél. : 01 40 46 62 80 Elle est caractérisée par l’apparition,
Fax : 01 40 46 62 31
férée au-delà de la vingtième année, hormis dans les rares cas de forme atténuée de la maladie
Abonnements
SESJM en général à la puberté, de centaines
BP 22 - 41354 Vineuil
(AAPC). Tarifs 1998
France : 710 FF d’adénomes disséminés sur le colon et le
La colectomie totale avec anastomose iléo-rectale est une intervention peu morbide qui donne
Internes et chefs de clinique : 355 FF
(sur justificatif)
Institution : 1 200 FF
des résultats fonctionnels acceptables mais le risque de proctectomie ultérieure est de l’ordre de
Autres pays : 1 440 FF
rectum. La transformation cancéreuse
Tél. : 02 54 50 46 12
Fax : 02 54 50 46 11
30 % à 20 ans et le risque de cancer rectal de l’ordre de 10 % à 20 ans malgré une surveillance
Prix de vente du numéro : 265 FF
de ces polypes est inéluctable et la PAF
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étroite. L’anastomose iléo-anale est donc l’intervention de choix car elle élimine le risque de
M.C. Ribeyre
Tél. : 01 44 46 62 30
serait responsable d’environ 1 % des
Fax : 01 40 46 62 21
cancer colorectal au prix d’une morbidité non négligeable et de résultats fonctionnels parfois
Directeur de la publication cancers colorectaux. Le cancer colorec-
260 imparfaits.
C. Binnendyk
© Masson, Éditeur, Paris, 2001
Commission paritaire : 54175 tal peut être prévenu par la réalisation
Imprimé en France par Bialec s.a.
Les tumeurs desmoïdes sont la 1re cause de décès chez les patients colectomisés. Le traitement
54012 Nancy
Indexé dans : Current Contents (Clinical Medicine), EMBASE (Excerpta Medica), Medline (Index Medicus), Pascal (INIST-CNRS), SCI Search, Research Alert. d’une colectomie dite prophylactique.
repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens, le tamoxifène, la chimiothérapie et dans
JCHIR De nombreuses affections extra coli-
quelques cas10 seulement sur la chirurgie.
Les adénomes
2002Vol.139 ;n° 5
Bialec duodénaux sont présents chez près de 100 % des patients et le risque relatif de
ques existent dans cette maladie, réali-
© Masson,
cancer duodénal Paris,
est 200 fois 2002
supérieur à celui de la population générale. sant des associations lésionnelles varia-
Une surveillance endoscopique du duodénum est indispensable. Un traitement chirurgical pro- bles d’un patient à l’autre. Il peut s’agir
phylactique peut se discuter en cas de polypose duodénale sévère. de polypes en d’autres localisations du
Mots-clés : Côlon. Traitement. Polypose adénomateuse familiale. Anastomose iléo-anale. Tu- tube digestif notamment gastriques ou
meur desmoïde. Adénomes duodénaux. duodénaux, d’anomalies dentaires, de
J Chir 2002;139:260-267 © Masson, Paris, 2002 kystes cutanés, de tumeurs bénignes
(tumeurs desmoïdes, gliomes) ou mali-
Management of familial polyposis coli gnes (tumeurs hépatobiliaires, cancers
Ch. Penna de la thyroïde ou du système nerveux
central). La prévalence de ces manifes-
Familial Multiple Polyposis Coli is an autosomal dominant hereditary illness characterized by
the appearance in childhood of hundreds of colorectal polyps which inexorably undergo malig-
tations extra coliques dans la PAF est re-
nant transformation. It is accompanied by extracolonic manifestations some of which may also présentée sur le tableau 1. Ces manifes-
be life-threatening. Total colectomy should not be postponed beyond age 20 except in rare cases tations grèvent le pronostic fonctionnel
of an attenuated form of the disease (AAPC). et vital des patients atteints de PAF et re-
Subtotal Colectomy with ileorectal anastomosis is a well-tolerated procedure with quite accept- quièrent parfois un traitement chirurgi-
able funtional results, but the need for eventual proctectomy is about 30% at 20 years and the cal (figures 1 et 3). Les principaux pro-
risk of rectal cancer is about 10% at 20 years even with close endoscopic surveillance. blèmes posés au chirurgien digestif
Total colectomy with ileal pouch-anal anastomosis is therefore the intervention of choice since
it eliminates the risk of late rectal carcinoma albeit with more serious morbidity and less good
concernent la prise en charge de la poly-
functional results. pose colique, le traitement des tumeurs
Desmoid tumors are the leading cause of death in patients who have undergone total colec- desmoïdes et la conduite à tenir devant
tomy. NSAID’s, tamoxifen, and chemotherapy are used preventively and therapeutically; surgi- la polypose duodénale.
cal excision is sometimes required.
Duodenal adenomas are present in almost 100% of these patients post-colectomy and the risk
of duodenal cancer is 200 times higher than in the general population. Génétique
Endoscopic surveillance of the duodenum is essential and prophylactic duodenal resection
should be considered when duodenal polyposis is extensive. La PAF est due à la mutation du gène
Key words: Colon. Treatment. Familial poplyposis. Ileonal anastomosis. Desmoid tumor. Duo-
FAP localisé sur le bras long du
denal adenoma. chromosome 5. Il s’agit d’un gène sup-
presseur de tumeur qui régule négative-
J. CHIR., 2002, 139, N° 5
© MASSON, PARIS, 2002 Mise au point
Figure 5 : Pièce de colectomie d’une forme profuse de polypose. Les Figure 6 : Pièce de proctectomie où coexistent des adénomes et
innombrables polypes confluents réalisent l’aspect de « tapis à haute 2 adénocarcinomes, illustrant les difficultés de la surveillance endo-
laine ». scopique au cours de la Polypose Adénomateuse Familiale.
J. CHIR., 2002, 139, N° 5
© MASSON, PARIS, 2002 Mise au point
qu’à côté du délai écoulé depuis l’AIR, néal, en supposant que le moindre trau- de résultats fonctionnels acceptables
l’âge des patients est également étroite- matisme du sphincter interne dans près de 90 % des cas [9]. On peut,
ment associé au risque de cancer rectal. permettrait d’obtenir de meilleurs résul- dans certains cas sélectionnés, si l’on est
En effet, quel que soit le délai écoulé de- tats fonctionnels notamment en ce qui absolument certain que le patient se
puis l’AIR, la grande majorité des can- concerne la continence nocturne. Cela soumettra à une surveillance régulière
cers rectaux étaient diagnostiqués après n’a pas été confirmé par des études com- et continue, proposer une colectomie
l’âge de 50 ans. La prescription d’anti- parant AIA manuelle et mécanique. totale avec AIR en sachant que le risque
inflammatoire (notamment d’anti Dans la mesure où l’AIA mécanique lais- de cancer persiste malgré la surveillance
cox 2) après AIR dans le but de retarder se de la muqueuse glandulaire avec un et qu’une proctectomie ultérieure sera
le développement d’adénomes rectaux risque de cancer [8], il paraît raisonna- toujours nécessaire.
ou leur transformation cancéreuse est ble de plutôt proposer des AIA manuel-
en cours d’évaluation. les. En dehors de centres experts réali- TRANSFORMATION D’AIR EN AIA
L’anastomose iléo-anale (AIA) avec sant un grand nombre d’AIA, la
réservoir iléal est une intervention com- protection de l’anastomose par une il- Après AIR, si la polypose rectale devient
plexe dont la morbidité avoisine les éostomie latérale paraît souhaitable. difficilement contrôlable, il convient
25 % mais qui enlève toute la muqueuse Dans certains cas très sélectionnés, d’envisager l’ablation du rectum. Il est
glandulaire et prévient le risque de can- l’omission de l’iléostomie latérale est ce- alors préférable, même en l’absence de
cer colorectal. Quelques points techni- pendant possible sans augmentation de cancer diagnostiqué, de réaliser la proc-
ques doivent être respectés pour en li- morbidité et avec une diminution des tectomie avec une exérèse du mésorec-
miter les séquelles et en améliorer les complications occlusives. tum. Une AIA est presque toujours
résultats. Après une colectomie préser- Les complications postopératoires réalisable ce d’autant plus que l’AIR a
vant l’artère iléo-caeco-colo-appendi- sont fréquentes mais les complications favorisé l’allongement du mésentère.
culaire et la récurrente iléale, toutes les spécifiques (sténoses et fistules anasto- Les résultats des AIA après transforma-
manœuvres d’allongement du mésentè- motiques) sont rares et, convenable- tion sont superposables à ceux des AIA
re doivent être réalisées pour assurer ment traitées elles ne retentissent le d’emblée [14].
une descente sans tension de l’extrémité plus souvent pas sur le fonctionnement
du réservoir à l’anus. L’abaissement est à long terme de l’anastomose [9]. La POLYPOSE ADÉNOMATEUSE
possible si la pointe du réservoir des- fonction intestinale s’améliore au cours ATTÉNUÉE (AAPC)
des mois postopératoires et ne semble 263
cend au moins 2 cm sous le pubis. En cas Dans les formes dites atténuées, l’appa-
d’impossibilité d’abaissement sans ten- pas se dégrader au cours du temps ou
rition des adénomes coliques est plus
sion, liée par exemple à l’adiposité des avec le vieillissement [10]. Le nombre
tardive et surtout le rectum est relative-
mésos ou à une mésentérite rétractile, il de selles est de l’ordre de 3 à 5 par 24 h,
ment épargné et donc sa surveillance
est préférable de réaliser une AIR qui les incontinences sont rares et les envies
endoscopique est plus facile. Il est alors
pourra 6 à 12 mois plus tard être trans- impérieuses exceptionnelles. L’appari-
tout à fait licite, lorsque le diagnostic de
formée en AIA plutôt qu’être dans tion d’adénomes dans des réservoirs il-
polypose atténuée est confirmé par les
l’obligation en fin d’intervention, proc- éaux plusieurs années après des AIA a
résultats de l’enquête génétique, de
tectomie faite, d’aboucher le réservoir été rapportée mais aucun cas de cancer
proposer au patient une colectomie to-
déjà confectionné en stomie car le réta- sur réservoir n’est survenu avec un re-
tale avec AIR [12].
blissement ultérieur sera difficile et la cul de plus de 20 ans et plusieurs mil-
fonction intestinale altérée. liers d’interventions.
PAF AVEC CANCER COLORECTAL
Plusieurs types de réservoirs iléaux Plusieurs études ont comparé les ré-
ont été décrits. Le type de réservoir iléal sultats des AIR et des AIA dans la PAF En cas de cancer colorectal confirmé par
importe peu (en J, S, W, H) pourvu que [11-13]. La morbidité et les taux de les données de l’examen histologique
la capacité soit supérieure à 300 ml [6]. réintervention pour complication pré-opératoire, la colectomie doit bien
Le réservoir en J est le plus utilisé car le étaient semblables après AIR et AIA. La sûr être carcinologique, c’est-à-dire fai-
plus simple à réaliser. Les jambages doi- fonction intestinale était plutôt te avec une ligature des pédicules vascu-
vent mesurer au moins 18 cm. En l’ab- meilleure après AIR, notamment en ce laires à l’origine et, en cas de cancer du
sence de doute sur un cancer rectal, la qui concernait le nombre de selles et les moyen ou du bas rectum, une exérèse
proctectomie doit être réalisée au ras de incontinences nocturnes, mais les en- complète du mésorectum. En raison de
la musculeuse rectale pour préserver vies impérieuses étaient plutôt plus fré- la forte prévalence des cancers synchro-
l’innervation sympathique et parasym- quentes après AIR qu’après AIA. Les nes il semble préférable d’être carcino-
pathique et éviter les complications gé- taux de proctectomie secondaire après logique sur tous les segments du colon.
nito-urinaires. L’anastomose est réalisée AIR pour cancer ou polypose incontrô- En cas de cancer colique opéré à visée
à la ligne pectinée à la base des colonnes lable étaient de l’ordre de 40 %. curative, une AIA est recommandée en
de Morgagni, après une mucosectomie En résumé, devant une polypose pro- raison du risque élevé de cancer rectal
enlevant toute la muqueuse colorectale fuse chez un patient jeune la coloproc- synchrone ou métachrone à court ter-
glandulaire du canal anal [7]. Certains tectomie avec AIA manuelle est, pour la me. Si le cancer colique s’accompagne
ont proposé des AIA mécaniques trans- majorité des auteurs, l’intervention de de métastases non résécables il faut évi-
suturaires sur le très bas rectum, plus ra- choix car elle prévient complètement le ter les inconvénients inutiles de la proc-
pides à réaliser car évitant le temps péri- risque de cancer et permet l’obtention tectomie et faire une AIR. La prise en
Prise en charge chirurgicale de la polypose adénomateuse familiale Ch. Penna
charge d’un cancer rectal compliquant mes de faible grade (figure 7). Très rares 20 % à 60 %, les exérèses incomplètes
une PAF est identique à celle des autres d a n s l a p o p u l a t i o n gé n é r a l e ( 2 / sont fréquentes et les taux de récidive
cancers du rectum (c’est-à-dire pour ce 1 million) elles sont observées chez près très élevés, souvent supérieurs à 60 %
qui est de la radiothérapie ou radio chi- de 10 % des patients ayant une PAF et [18, 19].
miothérapie pré-opératoire de l’exérèse 30 % des familles de PAF. Dans la PAF, Parmi les traitements non chirurgi-
du mésorectum, de la préservation ner- elles sont préférentiellement localisées caux on peut faire appel aux anti-in-
veuse) à cela près qu’il faut associer une dans le mésentère et la paroi abdomina- flammatoires non stéroïdiens (Sulin-
colectomie totale à la proctectomie. Si le antérieure. Bien qu’ayant une évolu- dac), aux anti-œstrogènes et à la
une préservation sphinctérienne est en- tion strictement locale, sans métastase, chimiothérapie. La radiothérapie exter-
visageable, une AIA doit être réalisée elles peuvent comprimer ou envahir les ne à des doses de 50 à 60 Gy est souvent
[15], sinon une amputation abdomino- tissus adjacents et sont actuellement la très efficace sur les TD et semble dimi-
périnéale avec iléostomie définitive doit première cause de mortalité chez les pa- nuer le risque de récidive locale après
être réalisée. Ultérieurement, si le pro- tients atteints de PAF et ayant eu une résection chirurgicale [20]. Cependant
nostic carcinologique est bon et que le 5
colectomie prophylactique [17]. L’éva- les doses utilisées limitent son utilisa-
patient le souhaite, l’iléostomie termi- luation de l’efficacité des différents trai- tion aux TD extra digestives. Le Sulin-
nale pourra être transformée en iléosto- tements est difficile à évaluer en raison dac, habituellement prescrit à la dose de
mie continente selon la technique de de la rareté de cette pathologie, de son 300 mg/j, entraîne des stabilisations ou
Koch. mode de présentation très proteïforme des régressions tumorales dans environ
et d’une histoire naturelle imprévisible 50 % des cas [21]. La plupart des ré-
PAF AVEC TUMEURS DESMOÏDES avec des possibilités de stabilisation ponses sont observées après 1 à 3 mois
ABDOMINALES pendant de très nombreuses années, de traitement dans un certains nombre
voire de régression spontanée. de cas qu’il est toutefois difficile de pré-
Si une AIA est techniquement faisable, Le traitement chirurgical a longtemps ciser. La prévalence plus élevée chez les
sans nécessiter de dissection ou d’exérè- été considéré comme le traitement de femmes, la croissance de certaines lé-
se incomplète des tumeurs desmoïdes, première intention. Il repose sur l’exé- sions pendant la grossesse et des cas de
elle semble préférable à une AIR. En ef- rèse complète de la ou des tumeurs. En régression à la ménopause, ainsi que la
fet les laparotomies semblent favoriser effet, toute exérèse partielle est à pros- présence fréquente de récepteurs aux
le développement des tumeurs desmoï- crire car elle est à l’origine d’une aug- œstrogènes dans les TD ont suggéré la
264 des, et il est donc souhaitable d’éviter de mentation de taille rapide des lésions possibilité d’un effet thérapeutique des
devoir réaliser ultérieurement une résiduelles. La résection complète anti-œstrogènes. Le tamoxifène pres-
proctectomie. De plus, la proctectomie d’une lésion, développée dans les mus- crit à la dose de 180 mg/j a été associé à
peut s’avérer ultérieurement impossi- cles de la paroi abdominale, est souvent des stabilisations voire à des régressions
ble en raison du développement de tu- possible mais la réparation pariétale tumorales dans près de 50 % des cas
meurs desmoïdes d’où un risque de rend souvent nécessaire l’utilisation de [22]. Des résultats encourageants ont
mortalité par cancer rectal [16]. prothèses. Même en cas de résection été obtenus avec des chimiothérapies
complète le taux de récidive locale est systémiques utilisant des associations
Tumeurs desmoïdes supérieur à 40 %. La résection des de cisplatine et de dacarbazine ou de
lésions intra-abdominales est en revan- vincristine et de doxorubicine. L’effet
Les tumeurs desmoïdes (TD) sont des che souvent impossible car elles sont le sur la réduction tumorale est observé
tumeurs bénignes d’aspect blanchâtre, plus souvent multiples et envahissent dans plus de 2/3 des cas avec des cas de
dures, encapsulées, constituées d’amas l’axe mésentérique supérieur. La mor- disparition complète. Cependant, la
de fibroblastes en fuseaux sécrétant du talité des interventions d’exérèse de TD contrepartie de l’efficacité thérapeuti-
collagène et assimilées à des fibrosarco- intra-abdominales est de l’ordre de que est parfois la nécrose tumorale avec
abcédation ou fistulisation.
De façon synthétique et assez consen-
suelle on peut résumer la prise en char-
ge des TD dans la PAF de la façon sui-
vante [17]. Après un bilan pré-
thérapeutique, avec un scanner, soit on
observe l’évolution sans traitement, soit
on propose du sulindac pour une durée
de 2 mois. En cas de mauvaise tolérance
le sulindac est remplacé par le tamoxifè-
ne. En cas d’inefficacité on prescrit l’as-
sociation sulindac et tamoxifène. En cas
de progression sous traitement ou de
symptômes il est souhaitable d’obtenir
une Imagerie par Résonance Magnéti-
que, qui précise mieux les lésions et leur
Figure 7 : Tumeur desmoïde intramésentérique. degré de fibrose. Une chimiothérapie
J. CHIR., 2002, 139, N° 5
© MASSON, PARIS, 2002 Mise au point
peut alors être proposée. Le traitement
chirurgical est discuté en cas de tumeurs Tableau 2
Stadification de Spigelman de la polypose duodénale.
pariétales, si une résection R0 est envisa-
geable et en cas de découverte fortuite de Caractère des polypes 1 point 2 points 3 points
TD lors de la colectomie, si une résection Nombre 1-4 5-20 > 20
R0 est possible sans sacrifier trop d’in- Taille du plus gros 1-4 mm 5-10 mm > 10 mm
testin grêle. En cas de syndrome occlusif Type histologique tubuleux tubulo-villeux villeux
menaçant le pronostic vital une chirur-
Dysplasie minime modérée sévère
gie palliative de dérivation est proposée.
Stade : 0 points = stade 0, 1-4 points = stade I, 5-6 points = stade II, 7-8 points = stade III, ≥ 9 points = stade IV.
Polypes gastroduodénaux
polypes (ou biopsies systématiques de tomie des volumineux adénomes, as-
Dans l’estomac, le type histologique la région ampullaire en l’absence de po- sociée à la coagulation des petits poly-
des polypes varie en fonction de leur lo- lypes) est réalisé dans le bilan précédant pes, a également des résultats
calisation. Au niveau du fundus il s’agit la colectomie prophylactique. L’exa- décevants avec une récidive constante
de polypes hamartomateux ou hyper- men est répété tous les 3 ans environ en de la polypose dans un délai de
plasiques réalisant une dystrophie glan- cas de polypose modérée. En cas de 13 mois [27]. L’ampullectomie peut
dulokystique. Ces polypes sont stade III ou IV il paraît souhaitable de traiter efficacement des lésions péri
multiples, petits, en général inférieurs à répéter l’examen tous les ans. Parmi les ampullaires en dysplasie sévère, mais à
6 mm, présents chez presque tous les traitements médicaux susceptibles de sa morbidité non négligeable s’ajoute
patients et ne présentent pas de risque freiner l’évolution de la polypose duo- le risque de récidive et la nécessité de
de transformation cancéreuse. Dans dénale, les anti-inflammatoires non poursuivre la surveillance endoscopi-
l’antre gastrique, des polypes sont rare- stéroïdiens et l’aspirine n’ont pas fait la que au même rythme, en raison du
ment présents mais il s’agit alors le plus preuve de leur efficacité [26] et les anti risque presque constant de survenue
souvent d’adénomes, dont le risque de Cox II sont en cours d’évaluation. d’adénomes sur le reste du duodénum
transformation cancéreuse existe mais La question du traitement se pose en [28]. La duodénopancréatectomie cé-
ne peut être évalué au vu des données cas de polype volumineux, de dyspla- phalique peut être considérée comme
de la littérature. sie sévère persistante ou de polypose une intervention majeure avec un ris- 265
Dans le duodénum, les polypes sont de stade III-IV progressant très rapi- que de complication élevé qui n’a
des adénomes. Des adénomes duodé- dement au cours du suivi. L’exérèse donc pas sa place en terme de traite-
naux se développent chez tous les pa- endoscopique est le plus souvent im- ment préventif. D’un autre côté, lors-
tients atteints de PAF, mais leur mise en possible ou dangereuse. Les polypes, le que l’intervention est réalisée en cas
évidence nécessite un examen endosco- plus souvent sessiles, ne peuvent être de cancer avéré, le pronostic carcino-
pique soigneux avec un appareil à vi- retirés à l’anse en raison du risque de logique est mauvais avec une médiane
sion latérale et des biopsies systémati- perforation, quand à l’électrocoagula- de survie de l’ordre de 42 à 57 mois
ques de la papille même si elle apparaît tion elle risque d’entraîner une scléro- en l’absence de métastase ganglionnai-
macroscopiquement normale [23]. La se périampullaire et une obstruction re et de 6 à 16 mois en cas de gan-
gravité de polypose duodénale est éva- biliaire. Des procédés de photocoagu- glions envahis. Durant la dernière dé-
luée selon la classification de Spigelman lation dynamique au laser permettant cennie, la mortalité après résection
[24] qui tient compte du nombre, de la de détruire sélectivement les cellules pancréatique a beaucoup diminué et
taille et de l’histologie des polypes dysplasiques ayant intégré un psorallè- plusieurs séries de duodénopancréa-
(tableau 2). Les adénomes sont surtout ne ingéré sont actuellement en cours tectomies céphaliques sans mortalité
présents autour de la papille (figure 8). d’évaluation. L’exérèse par duodéno- ont été rapportées.
De nombreux arguments suggèrent
une séquence adénome/carcinome dans
le duodénum comme cela est observé
dans le côlon [25]. Dans la PAF, le cancer
duodénal est le cancer le plus fréquent
après le cancer colorectal avec un risque
relatif de 200 à 300 par rapport à la popu-
lation générale. Ce cancer représente la
troisième cause de mortalité après les
cancers colorectaux et les tumeurs des-
moïdes. Il survient à un âge moyen de
50 ans, dans un délai moyen de 22 ans
après la colectomie prophylactique [24].
Le risque de cancer du duodénum
justifie une surveillance endoscopique. Figure 8 : Pièce de duodénopancréatectomie céphalique ouverte :
Un premier examen avec un appareil à multiples adénomes duodénaux avec un aspect de nappe villeuse
vision latérale et biopsies des plus gros autour de la papille centrée par le stylet.
Prise en charge chirurgicale de la polypose adénomateuse familiale Ch. Penna
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