Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
T. Dréano, P. Siret
Les pédicules vasculaires des doigts longs étant représentés par les deux artères
digitales palmaires propres (dites « collatérales »), il est théoriquement possible
de lever un lambeau sur l’un ou l’autre des pédicules, voire les deux. Néan-
moins, nous déconseillons les lambeaux d’avancement bipédiculés au niveau
des doigts longs, car la peau dorsale distale est vascularisée par des branches
dorsales issues de ces mêmes artères collatérales ; le sacrifice obligé de ces
branches, pour obtenir l’avancement souhaité, peut entraîner une nécrose de
la peau dorsale. Les lambeaux à dissection pédiculaire des doigts longs seront
donc des lambeaux unipédiculés sur ces artères collatérales. Ils ont des carac-
téristiques communes :
– il s’agit de lambeaux en îlot vasculaire ou plus souvent neurovasculaires
(donc sensibles) ;
– ils nécessitent l’intégrité des deux artères collatérales : il faut prendre garde
à une séquelle traumatique ou à des antécédents de chirurgie au niveau du
doigt concerné, et réaliser un test d’Allen digital préopératoire ;
– la dissection du pédicule vasculaire est toujours réalisée au large, pour
conserver les veinules assurant le retour veineux. Il faut, dans la réalisation de
ces lambeaux, s’aider de moyens grossissants, et réaliser une hémostase soi-
gneuse ;
– le site donneur est soit laissé en cicatrisation dirigée, soit greffé en peau
épaisse ;
– tous ces lambeaux ont un risque postopératoire d’engorgement veineux
qui régresse en quelques jours ;
– ils peuvent être levés à flux antérograde (forme la plus fréquente) ou à
flux rétrograde.
Variantes
Il existe des variations au niveau du dessin du
lambeau. Ces variations du dessin permettent
de répondre aux problèmes de couverture de
pertes de substance plus étendues :
– le lambeau peut être pulpaire, avec un
tracé le plus simple possible, rectangulaire,
Fig. 4 – Lambeau VSS en place. tracé qui dépend en fait du défect. Le tracé
de ce lambeau peut dépasser la ligne
médiane sur la pulpe. Il porte alors le nom
de lambeau pulpaire en îlot homodactyle (figs. 5, 6) ;
– le lambeau peut être dorsolatéral, avec une zone de prélèvement de l’îlot
cutané qui déborde largement la face dorsale. Il s’agit du lambeau de Joshi (3)
(fig. 7). La peau dorsale est vascularisée par les branches artériolaires prove-
nant de l’artère collatérale.
Soins postopératoires
Ces lambeaux présentent un risque d’engorgement veineux qui régresse en
quelques jours. Il existe une hypersensibilité au niveau de la zone de l’îlot trans-
posé, accessible aux techniques de désensitivation.
Le problème essentiel de ce type de lambeau est le flessum IPP. Nous
conseillons la mise en place d’une orthèse dynamique d’extension à partir du
quinzième jour post opératoire, une fois l’autonomisation du lambeau obtenue.
a b
Indications
Ces lambeaux sont utilisés pour couvrir les défects cutanés pulpaires :
– l’utilisation la plus simple est la plastie d’échange pulpaire, indiquée dans
les pertes de substance de la pulpe dominante (fig. 8) ;
Avantages
Ces lambeaux sont fiables. Ils sont prélevés au niveau du doigt traumatisé.
Les qualités mécaniques pulpaires sont préservées.
Inconvénients
Ces lambeaux nécessitent la mise en flexion de l’IPP pour obtenir un avan-
cement satisfaisant, avec en contrepartie le risque de raideur. Leur taille et
leur avancement reste limités. Si l’on choisit une voie d’abord médiolatérale,
celle-ci doit rester parfaitement latérale car la cicatrice a une forte tendance
à la rétraction et à la médialisation, pérennisant ainsi le flessum IPP.
a b
d
c
e f
g h
Fig. 9a-h – Lambeau de Littler. a) Dissection anatomique ; b-d) Dissection et levée du lambeau
pulpaire sur son pédicule ; e) Préparation d’un tunnel sous-cutané ; f) Greffe de peau totale sur
le site donneur ; g) Résultat à trois jours ; h) Résultat chez un autre patient à un mois. (Figs b-h :
Collection D. Le Nen.)
140 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
Au total, ces deux lambeaux sont indiqués dans les défects étendus du
pouce, quand il existe une contre-indication à la réalisation d’un transfert
prélevé aux dépens du gros orteil. En pratique, si le premier est encore utilisé,
le second l’est rarement.
Bases anatomiques
Ce lambeau est vascularisé en flux rétrograde par une artère digitale palmaire
propre (dite « collatérale »). Entre les deux artères collatérales, il existe trois
arcades anastomotiques constantes décrites par Brooks : une anastomose proxi-
male au niveau de la plaque palmaire de l’IPP ; une anastomose moyenne au
niveau de la plaque palmaire de l’IPD ; et enfin une anastomose distale au
niveau de la pulpe. Ces anastomoses suffisent à assurer la vascularisation d’un
doigt par une seule artère collatérale (fig. 11). C’est l’anastomose moyenne
qui assure la vascularisation de ces lambeaux a contrario (fig. 12).
Dessin du lambeau
Le lambeau est prélevé au niveau de la face palmaire de la phalange proxi-
male, de préférence du côté du doigt correspondant au pédicule non domi-
nant. Le dessin prend la forme d’un rectangle qui peut s’étendre jusqu’au bord
latéral de l’IPP et qui mesure en moyenne 3 cm sur 2 cm (fig. 13).
Technique de prélèvement
On réalise une contre-incision proximale à la zone de prélèvement du lambeau
pour contrôler le pédicule (fig. 14). Dans la forme artérielle pure du lambeau,
l’artère est ligaturée à ce niveau, alors que le nerf est laissé intact. En aval, on
142 Couverture des pertes de substance cutanée de la main et des doigts
réalise soit une voie d’abord en hémi Bruner, soit une voie d’abord médio-laté-
rale. La dissection va de proximal à distal. Dans la forme artérielle pure, on dis-
sèque au ras du nerf collatéral. La dissection va en profondeur jusqu’à la gaine
des tendons fléchisseurs en avant, jusqu’au plan des extenseurs en arrière, en res-
pectant le péritendon. Cette dissection s’arrête au milieu de la phalange moyenne
pour ménager l’arcade anastomotique de l’interphalangienne distale (fig. 15).
Variantes
Soins postopératoires
La zone donneuse est couverte par une greffe de peau totale, qui nécessite les
soins habituels. On déconseille la mise en place d’un bourdonnet, car il existe
des risques de compression. Ce lambeau présente une stase veineuse postopéra-
toire habituelle, qui régresse en quelques jours car le drainage veineux de ce
lambeau est faible.
Indications
Il peut être proposé dans les larges pertes de substance pulpaire des doigts
longs, de 2 cm sur 2,5 cm, ou 2,5 cm sur 3 cm. On l’utilise alors dans sa forme
resensibilisée.
Il peut aussi être utilisé pour des pertes de substance dorsale des doigts,
depuis la phalange moyenne jusqu’à la base de l’ongle. On l’utilise alors pré-
férentiellement dans sa forme artérielle pure.
Avantages
Inconvénients
Lambeau de Rose
Dessin du lambeau
Le lambeau est losangique, à cheval sur le pédicule collatéral, formé pour une
moitié de peau dorsale et pour l’autre moitié de peau palmaire. Il s’agit d’un
lambeau artériel pur, n’incluant pas le nerf collatéral. Ce lambeau a un arc de
rotation étendu. La dissection est possible indifféremment d’un côté ou de
l’autre du doigt.
Inconvénients
Ce lambeau sacrifie une artère collatérale digitale et ne doit être utilisé que
lorsqu’aucune autre solution n’est possible.
Lambeaux avec dissection pédiculaire des doigts longs 145
Conclusion
Nous utilisons de manière préférentielle les lambeaux à dissection pédiculaire
des doigts longs dans leur forme homodigitale, à flux antérograde et rétro-
grade.
Il faut toujours, dans le dessin du lambeau, surdimensionner la taille de la
palette par rapport à la perte de substance, et s’aider d’un patron taillé dans
une compresse.
Dans les pertes de substance transversales ou à biseau dorsal, le lambeau
pulpaire en îlot est parfaitement indiqué. Il reste possible si le biseau palmaire
est limité. Dans les biseaux obliques, il demeure possible, mais le côté de la
perte de substance conditionne le choix du pédicule.
Lorsque la perte de substance intéresse toute la pulpe, le lambeau a contrario
apporte une solution fiable.
Références
1. Venkataswami DR, Subramanian N (1980) Oblique triangular flap: a new method of repair
for oblique amputations of the fingertip and thumb. Plast Reconstr Surg 66: 296-300
2. Merle M, Dautel G (1992) La main traumatique. Tome 1 : L’urgence. Masson, Paris
3. Joshi BB (1974) A dorsal island flap for restoration of sensation after avulsion injury of
finger-tip pulp. Plat Reconstr Surg 54: 175-82
4. Gilbert A, Masquelet AC, Hentz RV (1990) Les lambeaux artériels pédiculés du membre
supérieur. Expansion Scientifique Française, Paris
5. Littler JW (1953) The neurovascular pedicled method of digital transposition for recons-
truction of the hand. Plast Reconstr Surg 12: 303-19
6. Büchler U, Frey HP (1990) Lambeau dorsal de la phalange moyenne. In: Les lambeaux
artériels pédiculés du membre supérieur. Gilbert A, Masquelet AC, Hentz RV. Expansion
Scientifique Française, Paris, p 116-20
7. Lai CS, Lin SD, Yang CC (1989) The reverse digital artery flap for fingertip reconstruc-
tion. Ann Plast Surg 22: 495-500
8. Brunelli F, Mathoulin C (1990) Lambeaux digitaux en îlot. In: Les lambeaux artériels pédi-
culés du membre supérieur. Gilbert A, Masquelet AC, Hentz RV (eds). Expansion
Scientifique Française, Paris, p 132-8
9. Rose E (1990) Lambeaux digitaux artérialisés en îlot en chirurgie réparatrice de la main.
In: Les lambeaux artériels pédiculés du membre supérieur. Gilbert A, Masquelet AC, Hentz
RV. Expansion Scientifique Française, Paris, p 110-5