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-‫املركسالجامعي عبد هللا مرسلي –ثيبازة‬

‫معهد العلوم الاقتصادية والعلوم التجارية وعلوم التسيير‬


‫مخبرالدراسات في املالية إلاسالمية والتنمية املستدامة‬
:‫امللتقى العلمي الوطين حول‬

‫املعامالت املالية املعاصرة في ظل ثوجه الجزائر نحو‬


‫الصيرفة إلاسالمية‬
‫بتقنية التحاضر عن بعد‬
2021 ‫ ماي‬30 ‫يوم‬

La finance islamique et les atouts à faire valoir auprès des PME en Algérie

Dr. BEZTOUH Djaber


Maître de conférences - HDR
Laboratoire Economie de Développement
Faculté SEGC
Université de Bejaia, 06000 Bejaia - Algérie
djaber.beztouh@univ-bejaia.dz

Dr. BOULAHOUAT Mahdia


Maître de conférences
Département des Sciences Commerciales
Université de Bejaia, 06000 Bejaia - Algérie
mahdia.boulahouat@univ-bejaia.dz

Résumé
En Algérie, le système bancaire est caractérisé par une faible couverture de la demande de
services et incapable de répondre aux besoins de financement du développement du pays. Dans le
contexte de rationnement de crédit aux PME, et face à la grande dépendance de ces dernières vis-à-
vis de l’endettement bancaire, les avantages des financements participatifs sont très attendus.
L’objectif de notre travail est de se demander quel est le rôle de la finance islamique en Algérie
et quelle contribution peuvent apporter les institutions financières islamiques dans le financement des
PME.
Mots clés : Finance Islamiques, Produits financiers islamiques, Développent durable,
intégration sociale.

1
Introduction
L’intermédiation financière islamique présente des caractéristiques distinctives. Elle combine
des particularités aussi bien au niveau de la collecte de fonds qu’au niveau de leur affectation. En
fait, cette intermédiation ne se limite pas à de simples relations prêteurs-emprunteurs, mais elle
développe une double relation d’agence entre la banque et le déposant d’une part et la banque et
l’entrepreneur d’autre part. Dans cet esprit, la banque islamique joue un rôle essentiel de débouchés
d’épargne et de concepteur d’investissement (Patel, 2013) tout en étant un partenaire.
La finance islamique est présente dans plus de 60 pays et son industrie permet de
proposer aujourd’hui de nouveaux produits aux particuliers et aux entreprises. Notamment les
Sukuk ont connu une forte croissance d’environ 20% (Bessedik, 2013).
En Algérie, la finance islamique a fait ses débuts dès 1991 avec la création de la première
envisagent elles aussi d’adopter des fenêtres islamiques à leurs produits financiers.banque islamique
en Algérie. Deux banques (Al Baraka, Al Salam) se partage le marché de la finance islamique.
D’autres banques privées telles que (AGB et Housing Bank) essaient de rattraper le retard dans ce
secteur qui semble avoir beaux jours devant lui.Les banques d’Etat Algériennes se mettent à
contempler un lancement dans les crédits islamiques.Ainsi BADR, la CNEP et la BDL
Il est montré que l’activité de ces banques est peu développée et accuse des retards par rapport
aux autres pays arabes notamment les pays du Golfe.Les données disponibles indiquent que l’actif
bancaire islamique ne représente, encore en Algérie que 2% à 3% de l’actif bancaire total.
Les institutions financières islamiques en Algérie peuvent contribuer à la création d’opportunités
d’emplois en favorisant la création de petites et moyennes entreprises, des projets de développement
local, à travers l’activation des produits financiers islamiques les plus adéquats aux besoins des
entreprises, entre autres Al Mushāraka et Al Mudāraba. Ces institutions peuvent faire la collecte de la
Zakât (Sandouk al-zakât), des aumônes, des dons et Waqfs pour redistribuer les richesses et augmenter
les chances de création des microentreprises par les chômeurs.
1. Essor de la finance islamique dans le monde Les musulmans ont pratiqué ce type de finance
durant les premières années de l’Islam, entre le 6ème et le 12ème siècle. Bien que la pratique
actuelle de la finance islamique diffère de celle pratiquée
autrefois, à cause notamment du changement de contexte économique et l’accentuation de la
concurrence avec les banques conventionnelles, les principes qui régissent cette finance sont les
mêmes qu’il y a 1437 ans (Korbi, 2016).
La finance islamique représente aujourd’hui une manne considérable. Les spécialistes
l’évaluent à 2500 milliards de dollars sur le marché mondial en 2015. Le développement de ce
secteur a été ressenti dans les centres traditionnels de la finance islamique et dans un certain nombre
d’autres marchés. Un nombre important de nouvelles institutions financières islamiques (IFI) a été
mis en place rapidement dans les marchés traditionnels de cette industrie plus précisément dans les
pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG).
La finance islamique est également en croissance dans de nouveaux marchés tels que la Syrie,
le Liban, et elle s’exporte aux Etats-Unis, en Europe, la Turquie et le Canada suite à la très forte
augmentation du prix du pétrole ces dernières années et l’excès de liquidités en provenance des
pays du Golfe qui afflué, en partie, vers les grandes places financières mondiales, suscitant ainsi un
intérêt croissant pour cette finance islamique.
En Europe, le Royaume-Uni fait figure de pionnier avec l’adoption rapide de mesures juridiques et
économiques destinées à favoriser l’émergence de la finance islamique. A ce titre, la place
londonienne propose des services et des produits compatibles avec l’esprit de la finance islamique
(ouverture de la première banque islamique en Europe en 2004), (Fadhlaoui, 2009). De même, en
Allemagne, la prise en compte de ce marché est effective comme le démontrent les initiatives prises
2
sur le marché des « Sukuk » (produit obligataire islamique). Prenant pleinement conscience de ces
phénomènes, un grand nombre de pays européens examinent les opportunités de la finance
islamique dans les pays industrialisés.
Figure N° 1: Répartition des actifs islamiques dans le monde (année 2016)

Source : Islamic Financial Services Board. (2017). Islamic Financial Services Industry Stability Report 2017.En ligne:
https://www.ifsb.org/docs/IFSB%20IFSI%20Stability%20Report%202017.pdf, p.9.(Consulté le 01/11/2019).

L’essentiel de ce marché reste encore très concentré géographiquement : près de deux tiers
des actifs financiers islamiques se situent dans les pays de Golfe et plus de 20% en Asie de Sud-Est.
Ces chiffres montrent une avance de l’Iran qui s’explique par l’importance de la population et
l’islamisation de l’économie à partir de la Révolution de 1979 (Bessedik, 2013).Les deux
grands centres de la Finance Islamique, l’Arabie Saoudite et la Malaisie, qui sont à origine de la
création respectivement de 25% et 23% des produits islamiques, demeurent les principaux moteurs
de croissance de ce marché. Le poids relatifs des actifs islamiques en dehors de ces deux régions
reste très faible (Beztouh et Touati, 2012).
Cette évolution a généré un grand intérêt de la part des acteurs mondiaux de la finance
conventionnelle dans les économies développées qui ont essayé d’augmenter leurs participations
dans les marchés financiers islamiques. Avec la libéralisation accrue, le système financier islamique
est devenu plus diversifié et a gagné de plus en plus de profondeur.
La part des banques purement islamiques est de : 86% en Iran, 86% à Bahreïn , 71% au
Qatar, 47% au Koweït, 41% aux Emirats , 30% en Malaisie, 29% au Pakistan , 22% en Arabie
Saoudite , 2% en Indonésie (Bessedik, 2013).
Le graphique suivant montre l’évolution de la taille du marché de la finance islamique dans le
monde.
Figure N° 2 : Taille du marché de la Finance Islamique (Total des actifs, milliards de dollars)

Source : International Shari’ah Academy for Islamic Finance.

3
2. Les principaux produits de la finance islamique
Une fois que les fonds sont collectés, la banque islamique a une deuxième et importante
mission qui est celle de l’utilisation de ces fonds dans des projets viables. Sa position
d’intermédiaire financière fait d’elle un bailleur de fonds appelé à financer différents secteurs de
l’économie. En effet, la mobilisation des fonds et des capitaux dans la finance islamique s’appuie
sur des concepts juridiques différents de ceux des banques traditionnelles (Majidi, 2016).
Les modes de financement qui ont été adoptés par la finance islamique peuvent être classés en
deux grandes catégories : ceux qui entraînent le partage des profits et parfois des pertes entre
l’investisseur et l’entrepreneur (l’association entre les apporteurs de capitaux et les autres parties
prenantes engagées dans une entreprise commune (al-Ghunm bi al-Ghurm) (Allard et Benchabane,
2010) et ceux pour lesquels un tel partage n’existe pas (les instruments de financements basés sur
un actif) (Martens, 2001).
Tableau 1: Les principaux modes de financement islamique
Type Description Commentaires

1. Partage des profits et (parfois) des pertes


Mudāraba Capital entièrement fourni par la banque Du côté du passif de la banque, le contrat entre la
pour le financement du projet. Partage banque et le déposant est du type mudāraba
des profits du projet entre la banque et illimité, le déposant acceptant que la banque
l’entrepreneur selon un ratio
utilise librement les fonds déposés dans le
prédéterminé. Pertes du projet
supportées par la banque, sauf s.il y a financement d’une longue liste de projets et
négligence de l’entrepreneur. espérant en retour une part du profit total de la
banque. Du côté de l’actif, le contrat entre la
banque et l’entrepreneur est du type mudāraba
limité, la banque n’acceptant que de financer un
projet bien défini.

Mushāraka Capital procuré par la banque et deux ou Toutes les parties ont un droit de regard sur la
plusieurs partenaires auxquels elle s’est gestion du projet.
associée. Profits et pertes distribués au
prorata des contributions respectives en
capital.

Muzāra’a Variante traditionnelle de la


mudārabaappliquée à l’agriculture. La
banque, qui peut apporter des fonds ou
des terres de culture, partage la récolte
avec l’entrepreneur.
Musaka Variante traditionnelle de la
mushārakaappliquée à la production
des vergers. La récolte est partagée entre
la banque et ses partenaires selon leurs
contributions respectives.
2. Absence du partage des profits et des pertes
Kardhasan Prêt sans intérêt, à caractère charitable.
La banque peut exiger le paiement de
frais administratifs à condition que leur
montant ne soit pas lié à la période de
maturité du prêt.

4
Bay’mu’ajjal Vente à paiement différé, effectué en
versements unique ou échelonnés, sans
frais supplémentaires.

Bay’as-salām Vente à livraison différée. L’acheteur S’applique surtout à des biens agricoles et
ou paie comptant au vendeur le prix manufacturés dont la qualité et la quantité
bay’as-salaf négocié avec promesse du vendeur de peuvent être spécifiées sans ambiguïté.
livrer le bien à terme.

Ijāra Location ou location avec acquisition. S’applique principalement à des biens


Un bien est loué pour une période d’équipement et du matériel de transport
ou déterminée. Le coût de location est
ijārawaiktinā échelonné sur la période. À terme, celui
qui a loué peut acquérir le bien.

Murābaha Le vendeur informe l’acheteur du coût Financement surtout de court terme.


d’acquisition du bien et négocie avec lui
une marge de profit. Prix, marge
incluse, habituellement payé en
versements échelonnés.
Source : MARTENS A., 2001, La finance islamique : Fondements, Théorie et réalité, Centre de recherche et
développement en économique, Université de Montréal, Cahier 20-2001, Septembre 2001, P.13.

Les spécialistes admettent que la Mudārabaet la Mushārakasont les produits idéaux de la


finance islamique, qui peuvent notamment apporter des bénéfices socioéconomiques. Les IFIs
devraient alors tenir compte de ces produits. La Mudārabaest l’un des moyens les plus populaires
du microcrédit islamique, il s’agit d’un contrat de partenariat entre deux parties. Une partie
contribue par le capital appelée rabb al-mal, et l’autre gère le projet en utilisant ses forces et ses
compétences entrepreneuriales, et appelée Mudārib. En cas de profit, les deux parties partagent les
bénéfices. Cependant, la perte est prise en charge seulement par le propriétaire du capital.
Mushārakaest aussi un contrat de partenariat d'équité entre les deux partenaires qui implique une
prise de participation dans un projet. Les profits ou les pertes résultantes de l’activité seront
partagés entre les parties concernées selon un ratio préétabli. Les IMFIs peuvent aussi fournir des
crédits sans intérêt (Kard Hasan)où l’emprunteur n’est censé que de rembourser le montant
principal du prêt sans aucune majoration.
D’autres produits peuvent être aussi intégrés par les IFIs à savoir Zakat et Waqfqui sont
considérés comme étant une accumulation des fonds de bienfaisance islamiques. ces deux
instruments ont joué un rôle clé dans la réduction de la pauvreté. Entant qu’un devoir religieux pour
les musulmans riches, Zakat et Waqfpeuvent être considérés comme des outils efficaces dans le
programme de la lutte contre la pauvreté. Ils permettent la circulation de la richesse des nantis à
celles des nécessiteux, ce qui permettent ces derniers de posséder les moyens non seulement pour la
consommation mais aussi pour entreprendre.
3. Etat des lieux de la finance islamique en Algérie
La finance islamique s’exerce depuis 1991 avec le premier établissement bancaire à capitaux
mixtes (publics et privés) à voir le jour en Algérie, la Banque Al Baraka d'Algérie est également la
première banque algérienne autorisée à effectuer toutes ses opérations en conformité avec la Charia.
Les responsables algériens ont préféré autoriser l'offre de produits islamiques aux particuliers plutôt
que de voir ce secteur passer dans l'informel.
Les banques islamiques en Algérie ne détiennent, en termes de collecte de ressources, qu’une
parttrèsminime en la comparant au total ressources, soit une part de 1.06% en 2006 contre1.69% en
2014 (Sami, 2017).

5
Ces banques ne détiennent, en terme de financement, qu’une part très petite évaluée à 2,40% en
2006 et 2,05% en 2014. Le seuil maximum atteint c’était en 2008 et 2009 avec, respectivement, une
part de 3,10% et 3,11%. Ces pics ont été réalisés par Al Baraka banque, étant donné que Al Salam
banque a commencé son activité en fin 2008.
Le réseau du groupe des banques islamiques est constitué seulement de 31 agences ouvertes,
dont 25 agences d’Al Baraka Banque, contre 1092 agences pour les banques publiques et 218 pour
les banques privées conventionnelles (Sami, 2017).
Al Baraka détient 15% des parts détenues par les banques privées en Algérie, soit 2% du marché
global. De 2000 à 2010, l’activité de la banque Al Baraka Algérie a connu une croissance soutenue.
Le rendement sur fonds propres est estimé à 30% alors que la moyenne internationale est de 15 %.
Pour le seul produit Murābaha, la banque avait réalisé un chiffre d’affaires de 6697 millions de
dinars durant 2010, soit une hausse de 15% par rapport à la même période de l’année 2009 1. En
dépit des performances réalisées, la banque Al Baraka Algérie demeure en marge de l’industrie
bancaire en Algérie et loin des attentes des Petites et moyennes entreprises.
Les experts pensent que le financement islamique aurait pu se développer plus rapidement en
Algérie, surtout dans l'immobilier où la spéculation est importante, si le système bancaire algérien,
hérité de 30 années de socialisme, n'était pas lui-même faiblement développé.
Al Salam Bank est le second établissement islamique à voir le jour en Algérie. Ayant reçu
l'agrément des autorités le 17 octobre 2006, la banque n'a démarré officiellement ses activités que
début octobre 2008. Elle compte parmi ses actionnaires le groupe immobilier émirati E'maar, une
banque libano-canadienne et une société d'assurances émiratie, Salam
IslamicArabInsuranceCompany, premier fournisseur au monde de garanties d'assurance et de
réassurance reposant sur les principes de la Charia.
Depuis 2017, les conditions d'exercice des opérations bancaires relevant de la “finance
participative” par les banques et les établissements financiers ont été fixées par un règlement publié
au Journal officiel n° 73. Ce règlement indique que sont considérées des opérations de banque
relevant de la finance participative, les “opérations de réception des fonds, de placement, de
financement et d’investissement, qui ne donnent pas lieu à la perception ou au versement
d’intérêts”. Selon ce texte, ces opérations concernent notamment la Mourabaha, la Moucharaka, la
Moudaraba, l’Ijara, l’Istisna’a, le Salam, ainsi que les dépôts en comptes d’investissement.
Pour mettre en place des produits de finance participative, la banque ou l’établissement
financier doit obtenir une autorisation préalable de la Banque d’Algérie. Ces institutions financières
doivent dans ce cadre se doter préalablement d’un “guichet finance participative”. Ce département
doit être financièrement indépendant par rapport aux autres services et branches de la banque et de
l'établissement financier. L’autonomie du “guichet finance participative” est assurée par une
organisation et un personnel exclusivement dédiés à ces prestations, explique le règlement. Cette
séparation comptable est concrétisée par l’indépendance des comptes clients du “guichet finance
participative” par rapport au reste des comptes de leur clientèle.
L’existence d’une section comptable ou d’un département financier propre au “guichet finance
participative” a pour principal objectif l’établissement des états financiers dédiés, y compris
l’établissement d’un bilan faisant apparaître l’actif et le passif de ce guichet ainsi qu’un état détaillé
des revenus et des dépenses y afférents. À ce titre, la demande adressée à la Banque d’Algérie doit
être appuyée par l’avis du responsable du contrôle de la conformité de la banque ou l’établissement
financier ainsi que la procédure à suivre pour assurer l’indépendance administrative et financière du
“guichet finance participative” par rapport au reste des activités de ces structures financières.
Après obtention de l’autorisation préalable de la Banque d’Algérie, les banques et les
établissements financiers agréés, désireux d’obtenir pour leurs produits une certification de
1
Rapport annuel de la banque Al Baraka, Année 2010.

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conformité aux préceptes de la charia, doivent soumettre lesdits produits à l’appréciation de
l’organe national dûment habilité, selon le règlement.
Les banques et les établissements financiers ayant reçu l’autorisation préalable pour commercialiser
ces produits doivent informer leur clientèle des barèmes et des conditions minimales et maximales
qui leur sont applicables. Ils doivent également informer les déposants, en particulier ceux titulaires
des comptes d’investissement, sur la nature de leurs comptes. Les dépôts en compte
d’investissement sont soumis à un accord écrit conclu avec le client, autorisant la banque à fructifier
ses dépôts dans le portefeuille des projets et opérations du “guichet finance participative” que la
banque accepte de financer. Le déposant ouvre droit à une part des bénéfices dégagés par le
“guichet finance participative” et supporte une part des pertes éventuelles enregistrées dans les
financements engagés par la banque, note encore le même texte.

4. Contraintes entravant le développement de la finance islamique en Algérie


4.1. Contraintes liées au cadre institutionnel
Les problèmes juridiques ne permettent pas à la finance islamique de se développer dans les
pays où la législation ne convient pas aux principes de cette finance basée sur les préceptes de la
Charia. La conformité des opérations d'une banque à la réglementation qui les gère leur donne un
caractère légal et garantit à la banque ses droits en cas de litige. Les principes de fonctionnement
des banques islamiques confèrent à leurs produits quelques particularités.
L’Algérie est l’un des rares pays musulmans au monde à ne pas encore disposer d’une
légalisation spécifique à même de développer la finance islamique. C’est ce qu’ont affirmé, avec
regret, des participants au 1er Salon national de la finance islamique, tenu du 26 au 28 février 2018
à Boumerdès.
La finance islamique est un domaine très vaste qui doit être régi par une loi spécifique, car le mode
de collecte de fonds et leur utilisation sont différents que ceux du système classique». Les banques
islamiques en Algérie sont soumises à la même réglementation que celle qui régit le système
financier classique et les autres banques». Vu la diversité et l’attractivité des produits et offres
proposés par les banques islamiques, ce mode de financement pourrait contribuer grandement à la
relance de l’économie à travers la mobilisation des ressources et épargnes qui, à présent, sont hors
circuit bancaire en raison de l’absence d’instruments répondant aux convictions de leurs détenteurs.
L’ordonnance du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit ne prévoit pas de «dispositions
particulières pour les activités bancaires régies par la Chari’a ». Le texte «gagnerait à être revu pour
intégrer des dispositions permettant à ces opérations de banques l’ancrage légal dont elles sont
dépourvues».
L'article 66 de l'ordonnance 03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit indique que
"Les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit
ainsi que la mise à disposition de la clientèle des moyens de paiement et la gestion de ceux-ci".
L’analyse des articles définissant l’activité de mobilisation et d’affectations de fonds montre
l’incompatibilité du banking islamique avec cette réglementation de nature conventionnelle.

Les financements participatifs, Mudāraba et la Mushāraka, entrainent la banque directement


dans le financement par capital en s'engageant avec ses propres fonds ou ceux des clients qui leur
ont confié la tâche. Cet aspect de l'activité dans les banques est autorisé par l'article 73 sus cité.
Cependant, au sens de l'article 75 , elle ne peut pas être exercée à titre habituel. Celle-ci ne doit
représenter qu'une infime partie dans les financements qu'opèrent les banques. Portant, l’originalité
du financement islamique réside dans les financements participatifs
Les montages de financements islamiques sont généralement structurées de telle manière
que plusieurs transferts de propriété sont nécessaires (la banque ou sa filiale achète un bien qu’elle
revend avec une marge ou loue avec une option d’achat), chaque transfert de propriété supposant un
droit de mutation (une taxation). Mais Le cadre juridique marocain actuel n’est pas encore adapté
7
aux montages de la finance islamique. Ce problème de la double taxation peut se traduire
concrètement soit par le paiement double de la TVA (vente de biens), ou des droits de mutation
(foncier) ou encore des droits d’enregistrement16 dans le cas de cession de parts.
En Tunisie, la nouvelle loi des finances 2012 a répondu à la question de la double imposition, par
contre en Algérie et au Maroc le problème reste posé.
La présentation des états comptables officiels doit être conforme à celle définie par la
Banque Centrale dans son règlement concernant la publication des comptes individuels des
banques. Dans ce volet les contraintes se situent à plusieurs endroits.
-La conversion de l'ensemble de ses charges et produits sous forme de réception ou de
paiement de marge ou de profits à des produits en termes de taux d'intérêt. Ici la banque doit faire
elle-même des analogies entre ses produits et les produits conventionnels ;
-L'application des formules de calcul de certains agrégats tels que le Produit Net Bancaire
(PNB) qui utilise surtout les taux débiteurs et créditeurs appliqués par les banques;
-Le compte de produits à liquider est un compte interne. Les produits qu'il contient en
termes de taux d'intérêts reçus lors des refinancements accordés aux autres banques, ou à titre des
réserves obligatoires ou même en termes de pénalités de retard sont réintégrés dans les produits de
la banque dans ses comptes officiels. Bien sûr, sachant que ces produits ne font en aucun cas partie
du produit réel que la banque réalise, cela va fausser les ratios d'appréciation de la rentabilité de
celle-ci.
La première conséquence directe, est que cette pratique oblige la banque à gérer deux formes
de comptabilités et donc de comptes. Ce qui impose d'un côté des coûts supplémentaires en terme
de temps et de main d'œuvre, et augmente, de l'autre, les risques de détournements et de
dissimulation. Ensuite, aux yeux du public la spécificité essentielle de la banque disparaît. En effet,
ce dernier aura du mal à distinguer le caractère islamique de cette banque. Donc, afin de retrouver
les produits islamiques et leurs spécificités, celui-ci devrait faire des efforts particuliers, alors qu'en
principe les documents comptables doivent être transparents, clairs et précis. Cela joue
essentiellement sur l'image de la banque et son état informationnel.
4.2. Modèle bancaire adopté ne répond pas aux attentes des populations
Les frais de transactions et le coût fiscal supplémentaire pèsent lourd sur le coût de produits
financiers islamiques et les pénalisent sur le plan concurrentiel en matière de prix. Ainsi s’ajoute la
rémunération du risque que supportent les banques islamiques. En outre, le modèle bancaire adopté
par les banques islamique installées au Maghreb, axé sur les modes de financement à revenu fixe,
ne répond pas aux attentes des agents économiques.
a) Prédominance du produit de financement Murābaha
Le financement Murābaha constitue sans doute la vente la plus populaire et la plus utilisée
par les banques islamiques. Cette popularité ressort parfaitement des statistiques tenues par les
différentes banques islamiques dans leur rapport annuel (Majidi, 2016).
Le rapport de la Banque Africaine de développement de 2011 indique que le modèle
bancaire islamique de détail qui a été couronné de succès dans les pays du Golf n’est pas reproduit
dans les pays Maghrebin et l’essentielle des modes financement sont basés sur la formule
Murābaha.Les premiers défenseurs de la finance islamique se déclarent souvent déçus par le fait
que les banques islamiques apportent très peu de financement de type Mudāraba, mettant l’accent
plutôt sur le financement du commerce à court terme (Murābaha) qui n’est qu’une simple
reproduction des activités des banques classiques.
En Algérie, les modes de financement participatif qui constituent l’originalité de la finance
islamique sont presque inappliqués et ne figure même pas sur la liste des produits de certaines
agences. Les analystes déplorentla dépendance excessive d’Al Baraka Algérie de
Murābaha(Benamraoui, 2008).

8
En effet, selon les données fournies par la Banque Al Baraka Algérie, les emplois à moyen
terme sont constitués principalement par la Murābaha, soit 96,5% du total des emplois.Quant au
financement à long terme, il est entièrement réalisé avec les formules Istsna’a et Ijāra (leasing) la
Mushāraka et la Mudāraba ne sont pas du tout appliquées.
b) Le coût de financement élevé des produits islamiques
Le rapport de la Banque Africaine de développement (2011) indique que les coûts de
financement imposés par les banques islamiques sont souvent plus élevés que ceux des banques
classiques, ce qui favorise le sentiment que la finance islamique est onéreuse. Il existe,
naturellement, le coût du respect de la Charia, auquel s’ajoutent les honoraires d’avocat liés à la
structuration des produits qui augmentent les frais généraux. En outre, étant donné que le marché de
la finance islamique est un segment différent du marché financier global, il existe moins de
concurrence, le marché étant dominé souvent par une ou deux banques, tandis que dans le
financement classique, il existe de nombreuses institutions qui sont en concurrence.
Les coûts liés à la réglementation sont souvent plus élevés pour les banques islamiques, car
si elles sont tenues d’émettre des bons du Trésor classiques au titre des exigences de liquidité de la
banque centrale, elles doivent soit renoncer aux intérêts soit les accepter, mais les « purifier » en les
reversant sous forme de don à des œuvres caritatives.
c) Le manque de personnel qualifié
Les banques islamiques en Algérie connaissent un manque flagrant en matière de
qualification de leur personnel. En effet, la majeure partie de celui-ci est issue d'une formation
conventionnelle en banking. Cependant, ces qualifications ne peuvent être acquises sans une
formation spécialisée suivant des programmes bien établis.
d) Absence de services de microfinance islamique
Il a été rapporté que c'est le Prophète Mohamed qui a été le premier pionnier du micro crédit,
en donnant un jour 2 dirhams à un fidèle : 1 dirham pour se nourrir, et 1 autre dirham pour acheter
un outil de travail afin d'exercer une activité génératrice de revenus permettant à ce dernier de se
prendre en charge durablement (Meliani et Aghrout , 2009).
L’offre de microfinance islamique se concentre dans quelques pays. L’Indonésie, le
Bangladesh et l’Afghanistan représentent 80% de l’ensemble de la microfinance mondiale. Dans
quelques pays du Golf, les banques commerciales islamiques ont commencé à offrir des services de
microfinance islamique.
En Algérie, l’activité de micro-crédit est exercée essentiellement par les structures étatiques,
Sandouk Al Zakât, n’étant pas structuré en véritable institution financière capable d’allouer
efficacement les ressources collectées aux jeunes chômeurs, ne contribue que timidement dans le
financement des pauvres. Ces derniers se tournent ainsi aux services de l’ANSEJ, l’ANGEM,
CANAC qui leurs servent des prêts à 1%, interprété par les grandes Fatoua comme étant des
commissions de services et non pas d’intérêt.
Une enquête du CGAP, a révélé que 70% des opérations en microfinance islamique étaient
faites sous forme de Murābaha, et que 80% des crédits étaient octroyés en Indonésie, au
Bangladesh ou en Afghanistan. La même enquête rapporte que la demande sur les produits de
microfinance islamique est forte dans des pays comme la Palestine, la Syrie, la Jordanie ou
l'Algérie. L'expérience dans ces pays a aussi montré que les emprunteurs avaient tendance à préférer
les produits islamiques dès que ceux-ci étaient disponibles(El Hyani , 2008).
4.3. La confusion apparente entre finance islamique et terrorisme
Depuis le 11 septembre 2001, la finance islamique a connue de grands obstacles à cause de
l’amalgame entre, Islam ou finance islamique et terrorisme ou extrémisme religieux. Le
rapatriement des fonds islamiques après le 11 septembre 2001 sont le résultat des obstacles et de
mécompréhension de sa nature. Quelques années plus tard, on voit les pays développés font appel à
9
la finance islamique et ses fonds « La stigmatisation de l’islam post-11 septembre a apporté sa
pierre à l’édifice, suscitant un rapatriement massif de liquidité vers le monde musulman »(Pastré et
Gechva, 2008).
Jérôme Lasserre Capdeville montre, dans son article, que la finance islamique est une
finance éthique dont les fonds investis par son intermédiaire demeurent soumis aux dispositions
légales régissant la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Elle ne
doit pas être vue comme une finance entretenant des liens étroits avec l’illégalité ou, pire, avec le
monde du terrorisme. Elle n’a aucunement vocation à la commission ou à la dissimulation
d’infractions.
Le rapport des MM. Jouini et Pastré indique que « la méconnaissance du sujet – de la
finance islamique – permet certaines confusions autrement plus troublantes que la précédente.
Ainsi est-on parfois confronté à un amalgame entre, d’une part, la Finance Islamique et, d’autre
part, l’intégrisme religieux et le financement du terrorisme. Or, rien, ni dans la théorie, ni dans la
pratique, ne permet d’établir un lien quelconque entre ces deux phénomènes »2.
4.4. Sous-développement des services d’assurances Takaful
L'assurance islamique est née au Soudan au début des années 80 et s'est développée
rapidement dans l'Asie du Sud-Est et dans le Golfe.L’assurance takaful est considérée comme étant
un substitut à l’assurance classique, un facteur incontournable de développement de l’assurance vie
dans les sociétés musulmanes et un catalyseur des progrès de la bancassurance. L'industrie
mondiale de l’assurance Takaful poursuit sa trajectoire de croissance avec plus de 195 opérateurs
dans le monde et une évolution de 18% en 2009, cette évolution était dynamisée par un renouveau
religieux qui intervient dans un contexte économique favorable.
Les assurances Takafulen Algérie ont enregistré un taux de croissance annuel moyen (période
2007-2010) très important de 170%. Ces produits Takaful (notamment Takaful-Family) répondent
aux besoins d’un segment du marché qui estime que les produits classiques ne répondent pas à ses
attentes, notamment religieuses, pourront jouer un rôle important dans la vulgarisation de
l’assurance en général et le développement des assurances de personnes en particulier.
Depuis le lancement des produits Takaful, le taux de croissance enregistré a été très élevé et sa
part dans le portefeuille des assurances de personnes de la société Salam Assurances a dépassé les
32% en 2010 (contre 34% en 2009). L’amélioration du cadre réglementaire et prudentiel de ce type
de produit pourra donner un coup d’accélérateur aux assurances de personnes en Algérie.
5. Avantages du financement islamique pour la PME
De façon générale, les problèmes liés au financement bancaire des PME restent similaires d’une
institution à l’autre, qu’elle soit classique ou islamique. Toutefois, il ressort que les produits offerts par
les banques islamiques pourraient être particulièrement adaptés aux besoins des petites et moyennes
entreprises, et ce, pour quatre raisons (Benzha, 2008) :
- La faiblesse des PME en fonds propres est bien connue et constitue un obstacle majeur à l’accès au
crédit bancaire ; or, le financement islamique peut contourner le problème de l’apport en fonds propres
puisque la banque islamique intervient en tant que partenaire et non en tant
que bailleur de fonds.
- L’endettement excessif résultant de cette faiblesse en fonds propres entraîne des frais financiers
importants et met en péril l’équilibre financier de la PME ; or le financement islamique basé sur le
principe du partage des pertes et des profits ne permet pas l’imposition d’intérêts fixes.
- Au niveau bancaire, la gestion de bon nombrede PME est loin de créer la confiance ; or

2
Enjeux et opportunités du développement de la finance islamique pour la place de Paris, Rapport remis à Paris
Europlace par ElyèsJouiny et Olivier Pastré, novembre 2008, p. 17. Rapport disponible sur le site de Paris Europlace à
l’adresse suivante : http://paris-europlace.net/links/doc063972_fr.htm.
10
lefinancement islamique conçoit la relation Banque– PME plutôt à long terme, dans unpartenariat
avec notamment un rôle actif de labanque dans la gestion de l’affaire.
- Au niveau du suivi et du recouvrement, lesbanques islamiques sont supposées disposer destructures
de suivi pour contrôler les travauxrelatifs à la réalisation de l’investissement, d’une part, et à
l’exploitation proprement ditede la PME, d’autre part.
Outre les réponses qu’elles peuvent apporter aux besoins financiers desentreprises, les IFI ont
un effet sur la moralisation des pratiques commercialesdans leur environnement. Fondant leur action
sur le principe de partage durisque, elles peuvent en définitive contribuer à atténuer les risques
particuliersqui caractérisent les conjonctures économiques des pays(Haddab et Traimond, 1992).
Nous avons réalisé une enquête de terrain auprès d’un échantillon de PME où on s’est
intéressé aux intentions de financement pour l’avenir et diversification des modes de financement
des PME. On a examiné d’abord la culture financière des entrepreneurs et à quel degré ils sont
informés sur l’existence de certaines voies de financement, entre autres les modalités de
financement islamiques, pouvant contribuer à la diversification de leurs choix financiers et à quels
degrés ils sont prédisposés à recourir à ces modes de financement.
Il a été demandé aux entreprises interrogées d’indiquer dans quelle mesure elles sont
informées de l’existence des modalités de financement islamique. Outre la connaissance de ces
modes de financement, des questions étaient également posées sur une éventuelle utilisation de
celles-ci par les entreprises dans le futur.
Les modalités de financement islamiques sont mal connues des PME. La proportion de répondants
ayant déclaré connaître ces modalités de financement ne dépasse pas 34 %. Près d’un répondant sur
quatre (24,5%) rapporte ne pas savoir qu’il existe des banques islamiques en Algérie. Ces résultats
indiquent un manque de connaissance à ce propos.
A la question : Seriez-vous intéressé si votre banque actuelle vous propose des produits
financiers compatibles avec les principes de la finance islamique ?Environ 65,6 % rapportent
qu’elles sont intéressées que leurs banques actuelles leur proposent des produits financiers
compatibles avec les principes de la finance islamique.
Si les entreprises ont donné comme réponse qu'elles avaient connaissance de l’existence de banques
islamiques en Algérie (75,5 %) et qu’elles sont intéressées que leur banque actuelle leur propose des
produits financiers compatibles avec les principes de la finance islamique (65,6 %), elles ont été
interrogées sur les modalités qui les intéressaient.
Tout en intégrant les objectifs de rentabilité et d’efficacité, la finance islamique se distingue
par ses dimensions morales. Le système bancaire islamique adopte le concept de participation aux
risques financiers de l'entreprise, conformément aux principes qui veulent que ceux qui réalisent des
profits doivent être à même de subir des pertes.
Pour assumer sa vocation de vecteur de développement dans une logique de partage des
bénéfices et des pertes, la finance islamique moderne a perfectionné des instruments participatifs
tels que la Mushāraka et la Mudāraba(Benbayer et Rari-Medjaoui). Basés sur la moralité du client,
la relation de confiance et la rentabilité du projet, ces financements participatifs supposent une
connaissance parfaite du marché et des clients futurs associés.
Le système bancaire algérien, comme souligné par la Banque Africaine de Développement
(2011) dans son rapport sur les services bancaires et finance islamique en Afrique du nord, compte
deux banques islamiques (la Banque Al Baraka d’Algérie installée depuis 1991 et Al Salam Bank
d’Algérie, installée en octobre 2008) qui peuvent contribuer au financement des projets de
développement local, à travers l’activation des produits financiers islamiques les plus adéquats aux
besoins des PME. En plus de ces deux banques, deux autres demandes d’agrément ont été déposées

11
auprès des autorités monétaires algériennes; Abou Dhabi Islamic Bank (ADIB) et Koweït Finance
House (KFH) (Abdelmalek, 2012).
Figure 3 : Modalités de financement islamique intéressant les PME

Mushāraka 36,1 %
Murābaha 27,8 %
Mudāraba 58,3 %
Ijāra 43,1 %
Istisna’a 26,4 %
Autres modes 1,4 %

0 20 40 60 80

Source : Réalisé à partir des données de l’enquête.


Les PME interrogées sont relativement intéressées par la Mudāraba à raison de 58 % et par la
Mushāraka à raison de 36 %. Concernant le recours futur à ces modes de financement islamiques,
une part importante de répondants, soit 63,5 %, compte y recourir. Et les raisons principales sont
présentées dans la figure suivante :
Figure 4 : Raisons principales incitant la volonté de recourir aux modalités de financement
islamique
Conformité au droit musulman 39,1 %

Transparence de gestion 6,3 %

Volonté de diversifier les sources de financement 46,9 %

Souplesse de remboursement 7,8 %

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Source : Réalisé à partir des données de l’enquête.

La volonté de diversifier les sources de financement de l’entreprise semble être l'élément le


plus important incitant la volonté de recours aux modalités de financement islamique.
En finance islamique, l’intermédiation participative apparaît comme une solution aux
problèmes des inégalités informationnelles entre les détenteurs des projets et les investisseurs.
Les engagements de la banque islamique lors d’un partenariat actif ou passif, en l’occurrence la
Mushārakaet la Mudāraba, constituent d’importants signauxet indicateurs informationnels de la
réalité de l’entreprise qui met en jeu sa réputation (Patel, 2013). De plus, le partenariat entre ces
agents offre des signaux plus forts et plus crédibles que les financements de court ou moyen terme,
ou encore ceux négociés sur les marchés.
Les financements de long terme basés sur le principe de partage des pertes et des profits (4P)
conduisent la banque à produire l’information étant donné les impératifs d’une bonne évaluation et
de sélection des projets (l’activité d’origination). En effet, le rendement d’une opération de
financement de la banque est directement lié à la qualité du projet financé.
Dès lors, le choix des projets affecte non seulement la rentabilité de la banque, mais aussi les
rémunérations de ses déposants-investisseurs dans la mesure où en cas de faibles rendements de
leurs dépôts d’investissement, ces derniers risquent de quitter la banque pour une autre banque
concurrente.
De plus, contrairement aux techniques d’évaluation du «creditscoring» qui ont connu une
grande standardisation, les financements 4P offrent un lot d’informations plus important que le
financement par dette et exigent toujours des évaluations complexes et spécifiques à chaque cas. Ils
12
s’inscrivent par ailleurs dans la durée et renforcent l’avantage informationnel des banques
islamiques. Non seulement, les agents seront fortement incités à révéler leurs informations, mais
aussi, l’expérience des banques et leur forte implication dans le monde réel (étant donné le principe
du lien direct entre les transactions financières et les actifs réels), leur confèrent un savoir
spécifique du monde des affaires.
Par ailleurs, la surveillance (« monitoring ») constitue une partie intégrante de l’intermédiation
participative. Elle permet de surmonter les problèmes d’asymétries d’information postérieures à la
transaction entre les agents économiques. La banque islamique exploite des rendements d'échelle
croissants dans la mesure où le coût de surveillance des emprunteurs croît moins vite
proportionnellement aux sommes prêtées.
Les institutions financières islamiques ont une double vocation commerciale et financière.
Loin de se cantonner dans la mission classique d’intermédiation financière, elles interviennent dans
les activités de création, de transformation et de commercialisation des richesses en tant que parties
prenantes à part entière. Cette double vocation est illustrée sur le plan juridique par l’existence de
deux types de clauses dans les contrats de financement régissant la relation entre la banque et ses
partenaires :
- des clauses financières fixant le montant, la durée et les conditions générales d’utilisation et
de renouvellement de la ligne de financement;
- des clauses commerciales, fixant les modalités de la transaction et/ou de l’opération effectuée
dans le cadre de la ligne de financement précitée.
L’approche du marché des PME par les institutions financières islamiques peut être analysée
selon trois critères : l’investissement, la rentabilité et le risque (Benzha, 2008).
L’investissement. La banque islamique exige de tout promoteur d’un projet la présentation d’une
étude de faisabilité qui doit, en principe, fournir des renseignements sur les aspectsfinancier,
économique, commercial, technique et organisationnel. Comme les dossiers présentés renferment
rarement tous ces éléments, les banques islamiques se sont dotées de départements d’étude de
projets et de suivi.
La rentabilité. C’est l’élément primordial en finance islamique. En effet, pour une banque
islamique, ce qui importe le plus, c’est la rentabilité de la PME à financer dans la mesure où la
rémunération de la banque dépend quasi exclusivement de cette rentabilité. Le partage des profits
entre la PME et la banque traduit le fait que le bénéfice n’est que le fruit de la symbiose du travail et
du capital.
Le risque. L’octroi de crédits aux des PME est généralement assorti d’un risque élevé, en raison
notamment du risque d’insolvabilité et du caractère fragile des garanties offertes par les PME. Au
niveau des banques islamiques, le problème des garanties se pose toutefois avec moins d’acuité que
pour les banques classiques.

Conclusion

De façon générale, les problèmes liés au financement bancaire des PME restent similaires d’une
institution à l’autre, qu’elle soit classique ou islamique. Toutefois, il ressort que les produits offerts par
les banques islamiques pourraient être particulièrement adaptés aux besoins des petites et moyennes
entreprises, et ce, pour quatre raisons (Benzha, 2008) :
- La faiblesse des PME en fonds propres est bien connue et constitue un obstacle majeur à l’accès au
crédit bancaire ; or, le financement islamique peut contourner le problème de l’apport en fonds propres
puisque la banque islamique intervient en tant que partenaire et non en tant
13
que bailleur de fonds.
- L’endettement excessif résultant de cette faiblesse en fonds propres entraîne des frais financiers
importants et met en péril l’équilibre financier de la PME ; or le financement islamique basé sur le
principe du partage des pertes et des profits ne permet pas l’imposition d’intérêts fixes.
- Au niveau bancaire, la gestion de bon nombre de PME est loin de créer la confiance ; or le
financement islamique conçoit la relation Banque – PME plutôt à long terme, dans un partenariat avec
notamment un rôle actif de la banque dans la gestion de l’affaire.
- Au niveau du suivi et du recouvrement, les banques islamiques sont supposées disposer de structures
de suivi pour contrôler les travaux relatifs à la réalisation de l’investissement, d’une part, et à
l’exploitation proprement dite de la PME, d’autre part.
Outre les réponses qu’elles peuvent apporter aux besoins financiers des entreprises, les IFI ont
un effet sur la moralisation des pratiques commerciales dans leur environnement. Fondant leur action
sur le principe de partage du risque, elles peuvent contribuer à atténuer les risques particuliers qui
caractérisent les conjonctures économiques des pays (Haddab et Traimond, 1992).
Malheureusement, deux banques privées seulement fournissentdes produits de la finance
dite islamique en Algérie, se sont El BarakaBank et la Banque El Salem. La loi les oblige à déposer
l’essentiel de leurs fonds au trésor public en contrepartie d’un intérêt. Elles sont réglementées par les
mêmes réglementations que les banques conventionnelles.Le marché boursier des Sukuks n’a pas
pu démarrer en Algérie. Il y a même un problème de refinancement pour ces deux banques.
Le refinancement se fait à la Banque Centrale uniquement à base des taux d’intérêts que ces
dernièresne pratiquent pas.Il n’y a pas un marché de l’assurance islamique, dans notre pays,Il y a
seulement une seule compagnied’assurance islamiqueTakaful:Salama assurance.Il n’y a pas jusqu’à
présent une loi spécifique au Takaful, il n’y a aucune compagnie de Retakaful(Amirou, 2018).Le
conseil national de supervision sharia n’existe pas encore.
Les employés exerçant dans la finance dite islamique n’ont pas reçus des formations
spécialisées. Ce sont des employés de la finance conventionnelle qui se sont retrouvés dans la finance
et l’assurance islamiques. Jusqu’à présent, il n’existe pas des instituts ou écoles formant aux
métiers de la finance islamique.

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