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LA COMPÉTITIVITÉ : DÉFINITIONS, P9

INDICATEURS ET DÉTERMINANTS

DOSSIER
Jean-Louis MUCHIELLI
(1)

La compétitivité est souvent un terme utilisé vis à vis de l'étranger. Nos produits sont com-
pétitifs à l'exportation, notre territoire est attractif et donc compétitif vis-à-vis des investis-
sements directs étrangers, etc. L'inconvénient est que les exportations ne représentent que
10 ou 15% de la production intérieure brute et que les investissements étrangers ne repré-
sentent vers la fn des années quatre vingt dix environ que 15% de l'investissement inté-
rieur d'un pays comme la France. Même si l'ouverture des économies européennes est plus
grandes que cela, entre 20 et 30% lorsque l'on rapporte la somme des exportations et
importations à la production nationale, il n'en reste pas moins que la compétitivité est
initialement un concept à considérer dans le cadre d'une économie nationale. Par ailleurs,
le terme de compétitivité est initialement un concept d'entreprise qui a ensuite été
transposé au plan macro-économique. Il est bon de regarder comment ce concept se défnit
et s'appréhende au niveau de l'entreprise (I) pour voir ensuite son utilisation au niveau
d'un pays ou d'un territoire (II). Ce glissement entre ces deux niveaux peut d'ailleurs être
contestable, car il revient trop à considérer que l'économie d'un pays s'appréhende comme
la stratégie d'une grande frme, ce qui prête à de fortes controverses (III).

I - LACOMPÉTITIVITÉDE la compétitivité est un domaine bles croissance/part de marché.


L' ENTREPRISE convenant naturellement à la pra-
tique de l'étalonnage des perfor- Ainsi par exemple, le fabricant
1 - Défnition
mances car les analyses sur la d'ordinateurs Dell a vu ses ventes
a) La compétitivité globale et compétitivité d'une entreprise ont en unités progresser de 15% en
avantages compétitifs de l'entre- été largement utilisées pour aider 2001 alors que le marché mon-
prise les entreprises à en concurrencer dial des PC baissait de 5%. Dans
d'autres dans le même secteur. le même temps, sa part de marché
La compétitivité de l'entreprise est aux Etats-Unis passait de 19% en
d'abord un concept devant expri- En termes relatifs, on peut définir 2000 à 25% en 2001 et attei-
mer les performances à long terme la compétitivité d'une entreprise gnait 14% sur le marché mondial.
de l'entreprise, c'est à dire essen- comme sa capacité de réaliser des Le constructeur dont le succès est
tiellement sa croissance. La com- performances supérieures à la directement lié à une stratégie de
pétitivité de l'entreprise peut être moyenne. A plus court terme, la vente directe à coûts réduits
reliée alors à ses produits, ses compétitivité va s'entendre souvent
prix, son positionnement. On comme une lutte pour les parts de (1) Professeur à lUniversité de Paris I et à lESCP-
revient alors au triptyque marché, l'entreprise compétitive EAP. Nous remercions Alain Nurbel chercheur au
CERESUR de l'Université de la Réunion, pour
prix/qualité/coût. Du fait de cette sera alors celle qui obtient de bons l'aide documentaire qu'il a bien voulu nous
origine d'entreprise, l'analyse de résultats pour un couple de varia- apporter.
devient ainsi le numéro un mon- une demande. Ces deux éléments un autre indicateur de compétiti-
dial (2). Autre exemple, en France, font appel aux notions de gamme vité qui mesure le rendement du
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où dans un marché national en et à celle de nouveau produit. La capital investi par l'actionnaire
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croissance de 5,7% en 2001 par compétitivité hors-prix ou hors-coût majoritaire.


rapport à 2000 en termes d'im- résulte alors de caractéristiques
matriculations, PSA progresse propres à des produits, qui vont • Quelques indicateurs de compé-
pour sa part de 16% et prend la les rendre différenciables par rap- titivité
première place sur le marché fran- port à des produits étrangers com-
çais avec 34% de part de mar- parables. Un certain nombre de ratios pour-
ché devant Renault (27%)(3). raient être calculés comme la ren-
La compétitivité hors-prix qui diffé- tabilité économique, ou taux de
La compétitivité pourra également rencie certains produits vis à vis profit (Excédent brut global/ Capi-
s'analyser à d'autres niveaux d'a- de produits des concurrents doit tal engagé), la productivité appa-
grégation que celui de l'entreprise les rendre peu substituables. Le rente du travail (Valeur ajoutée glo-
dans sa totalité surtout si cette der- pouvoir de monopole, dont béné- bale/effectifs salariés), le taux de
nière est multi-produits et multi- ficient ainsi des producteurs reflète marge (excédent brut d'exploita-
fonctionnelle. Les différents leur avantage hors-prix et peut tion/ valeur ajoutée globale), le
niveaux seront : le produit, la être apprécié par le degré de sub- taux d'autofinancement, les parts
gamme de produits, le segment stituabilité des produits. A une fai- de marché, etc. Ces indicateurs
de marché, le domaine d'activité ble substituabilité correspondra un permettront de classer les entrepri-
stratégique (DAS), le secteur d'ac- fort degré de différenciation. ses les unes par rapport aux autres
tivité. La représentation straté- ou de comparer la compétitivité de
gique de la position compétitive On peut considérer que la compé- deux ou plusieurs groupes homo-
de l'entreprise pourra par exem- titivité-prix contribue à expliquer gènes entre eux.
ple utiliser des dérivés et perfec- les évolutions à court terme des
tionnements des premières matri- parts de marchés. Dans ce cadre, Dans une étude de l'Observatoire
ces développées par le Boston la compétitivité hors-prix fera plus des entreprises de la Banque de
Consulting Group au sein des- référence à des explications struc- France, Paranque, examine la
quelles le couple part de marché turelles des performances. Les situation d'un peu plus de 10000
et croissance est positionné pour investissements en recherche et entreprises françaises (4)
. Il distingue
l'entreprise et pour les entreprises développement ainsi que les inves- alors plusieurs catégories de per-
concurrentes du même secteur. tissement en capital physique et formance (dont la catégorie très
humain permettront d'expliquer bonne et la catégorie faible) ; puis
b) La compétitivité-prix et hors-prix une partie de ces performances en fonction d'un nombre de ratios
d'un produit de long terme. plus considérables (25) qui lui per-
met de distinguer cinq profil d'en-
Dans le cadre de la concurrence c) Les indicateurs de la compétiti- treprises parmi lesquels les profils
entre entreprises sur un même seg- vité de l'entreprise " d'entreprise rentable " et " d'en-
ment, on se retrouvera dans une treprise en difficulté ".
configuration essentiellement de L'analyse des indicateurs de part
produits relativement substitua- de marché d'une entreprise devra Pour l'auteur, la rentabilité des
bles. Deux entreprises comme HP être soutenue par l'examen de entreprises appartenant à la caté-
et Dell ou IBM se feront concur- ratios plus précis concernant sa gorie " très bonne " résulte d'une
rence sur le même créneau ou rentabilité, sa productivité et sa forte productivité du travail, cor-
marché , celui de l'ordinateur per- profitabilité. Par exemple, comme respondant à une forte intensité
sonnel. Pour un produit, on pourra indicateurs, les taux de marges capitalistique, permettant de déga-
distinguer la compétitivité hors- permettent de mesurer : 1/ la ger un taux de marge élevé.
prix. La compétitivité-prix ne fait capacité d'une entreprise à
pas l'ensemble de la compétitivité contrôler ses coûts et à fixer ses
d'un produit. Un produit cher peut prix, 2/ l'excellence de ses pro-
(2) La Tribune, " Dell veut mieux faire que le mar-
être demandé, soit parce qu'il cessus de production (qualité, fia- ché", 15/02/02 et "Dell recadre sa stratégie
sera de meilleure qualité qu'un bilité, flexibilité, sécurité etc.), pour améliorer ses marges", 03/04/02.
(3) Sessi, ministère de l'industrie, Note de
produit comparable mais moins 3/ ses compétences en matière de conjoncture industrielle, mars 2002.
cher, soit parce qu'il n'existera gestion des ressources humaines. (4) R. Paranque, " Compétitivité et rentabilité des
entreprises françaises ", Observatoire des entre-
pas d'équivalent pour satisfaire La rentabilité financière constitue prises de la Banque de France, 1995.
Tableau 1 - Profls dentreprises rentables et
• Entreprises rentables et entrepri- dentreprises en diffculté

RR
ses en difficulté Très bonne Faible Ensemble P 11

IIEE
Rentabilité économique 18% 8% 11,5%

OOSS
Par la suite, avec des indicateurs

SS
de compétitivité plus élaborés, Taux de marge 49% 9% 20%

DD
Paranque, dans sa typologie Productivité du travail 510 206 266
retient six classes d'entreprises. La Source : Paranque, 1995
classe des entreprises dites " ren-
tables " appuient leur compétiti-
vité sur l'enchaînement d'un cercle Au delà des indicateurs mention- tions de l'entreprise à
" vertueux " : forte productivité de nés, le concept de compétitivité "étalonner", identifier les entre-
la main d'uvre et efficacité doit être mis en perspectives avec prises sur-performantes dans cette
moyenne du capital allant de pair celui de " capacités de l'entre- fonction (comme la logistique par
avec un taux de marge important. prise", les ressources disponibles exemple), analyser les écarts entre
Cet enchaînement s'appuie sur un ou potentielle, d'ordre matériel, sa propre entreprise et l'étalon de
taux de dépenses immatériels très humain, financier et technolo- référence et ensuite mettre au
fort et soutenu. gique (6). L'examen de l'état de point les stratégies de rapproche-
compétitivité reposera alors sur ment de ses propres résultats vers
Les entreprises dites "en difficulté" l'évaluation de chacune de ces les résultats de l'entreprise étalon.
ont une charge de la dette qui est capacités ainsi que sur les rela-
dans un rapport de 5 à 1 par rap- tions entre ces capacités. II - LACOMPÉTITIVITÉD' UNE
port au reste de l'échantillon. N ATION
Chute de l'activité et recul de L'étude des facteurs clés de succès
l'emploi se conjuguent avec des reposera alors sur l'analyse des Le groupe consultatif de la Com-
rentabilités négatives, une effica- avantages concurrentiels ou com- mission européenne sur la compé-
cité du capital et une productivité pétitifs (avantages de coûts, de dif- titivité définit la compétitivité d'une
du travail insuffisantes. férenciation ou de technologie) et région ou d'un pays " comme l'en-
sur les fameuses cinq forces à la semble des facteurs essentiels à
3 - Les déterminants de la Porter , 1/ la concurrence à l'in- une réussite économique à long
compétitivité de l'entreprise térieur du secteur, 2/ les entrants terme "(7). Comme pour la compéti-
potentiels, 3/ les produits substi- tivité de l'entreprise, on peut reve-
Au delà des ratios ex post, pour- tuables, 4/ les fournisseurs et 5/ nir sur les définitions et les indica-
quoi des entreprises arrivent-elles les clients, qui replacent la compé- teurs.
à dépasser les performances titivité de l'entreprise dans une
moyennes d'un ensemble d'entre- stratégie globale au sein du sec- 1 - Les défnitions
prises de référence, et à maintenir teur vis-à-vis des concurrents et de
ces " sur-performances " ?. ses relations amont et aval. a) La compétitivité globale d'un
pays
La recherche des déterminants de b) Les stratégies de benchmarking
la compétitivité devient alors multi- Une nation est en effet compétitive
dimensionnelle. Elle reprendra les L'examen des forces et des faibles- que si elle parvient à accroître
problèmes de prix, de qualité, ses de l'entreprise va alors être durablement le bien-être de ses
mais aussi de design, de marke- considéré comme un domaine habitants. Pour y parvenir, il n'y a
ting, de management. Covin (5) convenant naturellement à la pra- pas d'autres choix que de cher-
applique ainsi une analyse avec tique de l'étalonnage des perfor- cher à accroître la productivité des
12 facteurs essentiels pour mesu- mances, ce que l'on peut appeler facteurs de production(8)".
rer la compétitivité globale d'une le benchmarkingqui permet d'a-
entreprise incluant la structure de nalyser les comportements des (5) Covin J.G., Covin T.J., "Competitive Aggressi-
l'entreprise, sa culture, ses res- entreprises qui sont les meilleures veness, Environment Context and Small Firm Per-
formance ", Entrepreneurship Thoery Practice,
sources humaines, son développe- dans son secteur ou dans d'autres 1990.
(6) Cf. Marchesnay M., R. Perez, R. Reix, Com-
ment produit/service etc. secteurs et de copier leurs meilleu- pétitivité, système de gestion et politique indus-
res pratiques. Le benchmarkingest trielle", in R. Percerou, Entreprise, gestion et com-
pétitivité, Economica, 1984.
a) Les éléments constitutifs de l'a- alors un processus au cours (7) In Economie Europeéenne, supplément A,
vantage compétitif duquel on va identifier les fonc- juillet 1998, p. 4.
En fait la compétitivité d'un pays peut également s'examiner au tra- 1985 nous montre que peu de
devrait être l'expression de son vers de sa croissance. Celle-ci pays rattrapent le niveau des Etats-
P 12
bien-être et de l'évolution de celui- sera la fruit de deux tendances, la Unis. Ce fut le cas pour Singapour
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ci. Se pose alors la question de première étant l'entrée et la sortie avec la crise asiatique ou du
l'existence d'un indicateur capa- de firmes et la seconde étant la Japon avant 1992 ou de la Corée
ble de résumer cette compétitivité croissance ou décroissance de la du Sud et de l'Irlande. Par contre,
ou cet indice de " bonheur brut ". taille des entreprises dans le sec- la France, l'Italie ou la Grande-
L'art est difficile bien qu'il ait déjà teur. La croissance étant relative, Bretagne ne convergent pas vers le
été tenté dans les années soixante elle se comparera avec les évolu- niveau américain et restent aux
dix lorsque les tenants de la tions des autres secteurs de l'éco- alentours de 70 % du PNB/hab
croissance zéro mettaient en nomie ou avec les mêmes secteurs américain après l'interruption du
contradiction les indicateurs de d'autres économies. processus de rattrapage de 1992.
croissance économique avec ceux
de la préservation de notre pla- " A court terme, la compétitivité Les raisons de ce non rattrapage
nète. d'une industrie nationale donnée seront alors à rechercher dans les
se mesure par l'accroissement de facteurs de la croissance écono-
" Toute analyse de la compétitivité ses parts de marché dans le mique : productivité du travail,
nationale doit par conséquent monde , qui résulte à la fois de la investissement, technologie, etc.
tenir compte des divers facteurs conjoncture dans les pays parte- Par exemple, depuis 1985, la pro-
qui déterminent le niveau de vie naires les plus proches et de sa ductivité apparente du travail
de la population, à savoir la crois- compétitivité prix (10) ". Dans ce (Valeur ajoutée brute en prix cons-
sance, l'emploi et la répartition du cadre alors, les notions de parts tants par travailleur), dans l'indus-
revenu ". La compétitivité constitue de marché réapparaissent afin de trie manufacturière des Etats-Unis a
par conséquent une notion essen- comparer un secteur par rapport à augmenté à un taux moyen de
tiellement interne. Ses détermi- un autre. 3,9% alors que pour l'Europe le
nants sont des facteurs endogènes taux de croissance est de 3,1% et
de l'économie nationale étudiée… 2 - Les indicateurs de la celui du Japon de 2,3% (11). Mais
Mais considérée dans la durée, la compétitivité d'autres indicateurs pourraient être
croissance est le résultat de l'inte- pris en compte comme par exem-
raction entre des phénomènes a) Les indicateurs de la compétiti- ple la capacité d'une économie à
endogènes et des rapports écono- vité globale d'un pays créer de l'emploi. Ainsi, entre
miques internationaux(9)" 1992 et 1998 l'emploi a aug-
Si un indice composite socio-éco- menté de 11% aux Etats-Unis
b) La compétitivité et l'attractivité nomique peut être difficile à éta- contre 0,7% dans l'Union euro-
d'un territoire blir, l'économiste peut tout de péenne(12).
même mettre en avant une série
La compétitivité d'un territoire est d'indicateurs qui pourra rappeler • Les parts de marchés à l'étran-
liée à son attractivité et donc à sa le fameux carré magique de la ger
faculté à attirer sur son sol des croissance économique : faible
activités mais aussi sa capacité à inflation, faible chômage, équili- Certains verront dans les parts de
contribuer à l'amélioration du bre extérieur et croissance du PIB. marché à l'étranger, l'indicateur
bien être de sa population. La En fait, ce carré magique peut lui révélateur de la compétitivité d'un
grande différence avec un pays même être décliné en de nom- pays. Cet indicateur est particuliè-
en fait est lié aux contraintes géo- breux indicateurs qui constitueront rement utilisé pour comparer les
graphique. Le territoire est déter- la recherche des déterminants des performances à l'exportation. Il
miné par son espace, sa localisa- ces grands équilibres. permet de calculer la part des pro-
tion, sa densité, etc. Au sein d'un duits exportés d'un pays dans l'en-
pays, un territoire pourra être • La recherche d'un indicateur semble de la demande mondiale.
compétitif ou pas selon les carac- unique La part de marché, dans ce cadre,
téristiques de sa géographie éco-
(8) La compétitivité des Nations, CEPII, 1999,
nomique et humaine. Le PNB/habitant et son évolution p.3
peut être cet indicateur unique. (9) Economie Européenne, art. cit. p. 3
(10) CEPII, op. cit. p. 3
c) La compétitivité sectorielle Par exemple, la simple analyse (11) Cf. Economie européenne, " la compétitivité
des PNB par habitant rapportés à européenne dans la triade : aspects macroécono-
miques et structurels ", juillet 1998, p.11.
La compétitivité d'une industrie la base 100 pour les Etats-Unis en (12) idem p. 5
Graphique 1 - PIB par habitant pour les principaux
est le rapport des exportations à pays industrialisés

RR
la demande mondiale. Mais pour
P 13

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des raisons de statistiques, il est PIB par habitant, en %

OOSS
impossible de calculer une somme

SS
Etats-Unis
mondiale des demandes intérieu- 100 100

DD
Singapour
res. On calcule alors en général Japon
80 France 80
une part de marché relative repré- Italie
Royaume - Uni
sentant la part des exportations 60 60
Israël
d'un pays dans les exportations 40 40
Irlande
des huit ou neuf grands pays de Corée du sud
l'OCDE représentant 75% du 20 20
commerce mondial. Il s'exprime 0 0
comme suit : 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98

Source : US competitiveness report 2001


exportations
exportations des 9 principaux pays de lOCDE
Graphique 2 - Part de marché en volume pour les produits
manufacturés (en %)
Les parts de marché qui peuvent
être directement calculées sont des 11
en %
21
parts de marché en valeur mesu-
rées dans une monnaie commune, Allemagne (échelle de droite)
en général le dollar. Mais les mou- 9 16
vements brutaux de taux de
change peuvent perturber la com- <- France
pétitivité relative entre pays. D'où
7 11
la nécessité de calculer aussi des <- Italie
parts de marché en volume. Leur <- Royaume - Uni
élaboration consiste à déflater à
5 6
partir d'une année de base les 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 00 01
valeurs exportées par les prix des
exportations(13). Source : MINEFI, DP, Questions de politiques économiques, 2002,
p.163
Par exemple, le graphique 2 mon-
tre que la France a une part de Tableau 2 - Evolution de la compétitivité prix par rapport
marché en volume qui est resté aux partenaires de lOCDE en %
relativement stable ces dix derniè- 1990-2001 1997-2001
res années. A la différence toute- France 15,3 8,5
fois de celles de l'Allemagne, la Allemagne 3,4 4,7
Grande-Bretagne et l'Italie qui ont Italie 3,5 - 4,3
connu des baisses de leur part de Royaume-Uni - 2,8 - 5,6
marché. Source : MINEFI, DP, Questions de politique économique, 2002, p. 163

Là aussi, les raisons de ces évolu- des exportations de la Triade ont sites
tions seront à rechercher dans la relativement peu changé sur le
compétitivité-prix, hors-prix, mais moyen terme. Ainsi, en 1998, la • L'appréciation quantitative
aussi l'adéquation de l'offre natio- part de marché de l'Union euro-
nale à la demande mondiale, au péenne dans les exportations de Dans la recherche de classement
fluctuations de change etc. Par la Triade était de 43%, celle des international et de comparaison
rapport à ses partenaires euro- Etats-Unis de 39% et celle du de performances, certains pays
péens, la France a connu entre Japon de 18%. En 1981 ces font des classements à l'aide d'in-
1990 et 2001 une évolution posi- mêmes parts étaient respective- dicateurs quantitatifs recueillis
tive de la compétitivité-prix ment de 43%, 36% et 21%. dans les statistiques internationa-

(13) cf. J.L. Mucchielli ., Le commerce extérieur


Cependant, les parts de marchés b) La recherche d'indicateurs de la France, A. Colin, 1999, pour des dévelop-
des grands pays dans l'ensemble quantitatifs ou qualitative compo- pements plus approfondis
Tableau 3 - Classement par indicateurs de compétitivité des pays

Pays WEF CCI WEF GCI Pays WEF CCI WEF GCI
P 14
Etats-Unis 2 1 Canada 11 7
DOSSIER

Singapour 9 2 Danemark 6 14
Finlande 1 6 Australie 10 12
Pays-Bas 4 4 Hong Kong 16 8
Suisse 5 10 Grande-Bretagne 8 9
Luxembourg nd 3 Norvège 20 16
Irlande 22 5 Japon 14 21
Allemagne 3 15 Autriche 13 18
Suède 7 13 France 15 22
Islande 17 24
Source : WEF 2000, et IMD 2000, Lall, 2002.

les qui font ensuite l'objet de pon- Graphique 3 - Score indicateur de compétitivité :
dération puis de notation globale performance générale 2000 (notation de 1 à 10)
sur dix.
8 8
7 7
Ainsi la commission de la compé-
6 6
titivité irlandaise dans son rapport
5 5
annuel de 2001 prend-t-elle 11
4 4
critères globaux de compétitivité ,
3 3
1/ les performances générales, 2 2
2/ l'internationalisation de l'éco- 1 1
k
nomie, 3/ le capital, 4/ l'éduca- d e d e Ba s d a ma r U n i s d e g n e g n e q u e c e c h e g e g a l g n e èc e o n a e
0 an n an a
n e a s Su è e
a pa g an v è u ma G
i r A u ri N o r o r t e r ap li 0
ys - C a
l a n - B r t Es B e l F t J It
tion, 5/ la productivité du travail, rl
I Fi P Da E t
t e
d -
P A
l l
G an
6/ les coûts hors-travail, 7/ la fis- r

calité, 8/ la science et technolo-


gie, 9/ l'information et l'industrie Source : Ireland, National Competitiveness Council, Annual
de l'information et de la communi- Competitiveness Report 2001.
cation, 10/ l'infrastructure de
transport, 11/ la protection de
l'environnement. critères, elle obtient de moins bon- La technique qualitative est beau-
nes positions : seconde place coup plus utilisée par des instituts
Pour le premier indicateur global pour l'indicateur d'internationali- comme le World Economic Forum
(performance générale de l'éco- sation de l'économie mais 12ème (WEF), dont les travaux sont soute-
nomie) , pas moins de 34 indica- place pour la science et la techno- nus par deux équipes d'Harvard,
teurs de base sont retenus , logie, et 14ième place pour le rôle M. Porter pour la micro-économie,
concernant 7 secteurs 1/ la pro- des NTCI (nouvelles techniques de et J. Sachs pour les aspects macro-
duction (5 indicateurs ou données la communication et de l'informa- économiques. Ces travaux don-
brutes), 2/ l'investissement et l'é- tique) dans l'économie. nent lieu à une publication
pargne (4 indicateurs), 3/ les per- annuelle médiatisée lors des ren-
formances à l'exportation (2 indi- Même si on peut rester réservé sur contres de Davos. C'est sans doute
cateurs), 4/ la balance des la pondération et le choix des dans cet exercice que le rappro-
paiements courants (2 indica- variables par rapport à d'autres, il chement entre la compétitivité des
teurs), 5/ l'inflation (5 indica- n'en demeure pas moins que ce entreprises et celles des pays est le
teurs), 6/ l'emploi (12 indica- genre de classement permet de plus proche puisque M. Porter est
teurs), 7/ les dépenses réaliser une photographie de la à l'origine de nombreux dévelop-
gouvernementales (4 indicateurs). situation d'un pays par rapport à pement sur ces deux dimensions (14)
.
Le résultat est décrit dans le gra- ses partenaires et cela pour de
phique 3. nombreux indicateurs macro-éco-
nomique importants. (14) cf. M.E. Porter, The Competitive Advantage
of Nations, Londres, Macmillan, 1990.
Si l'Irlande apparaît à la première (15) cf. S. Lall, " Comparing National Competitive
Performance: An Economic Analysis of World
place pour ce premier indicateur • L'appréciation qualitative de la Economic Forum's Competitiveness Index", wor-
global, pour les 10 autres grands compétitivité globale king paper n°61, QEH, 2000.
Couvrant plus d'une cinquantane c) La compétitivité d'un territoire et fondamentaux régionaux ou
de pays, le World Economic l'attractivité relative de ce territoire
locaux comme l'accessibilité de la

RR
P 15

IIEE
Forumexploite deux types d'indi- région, et les phénomènes d'ag-

OOSS
cateurs synthétiques : l'un appelé • La compétitivité territoriale glomération (de clusters) qui

SS
l'indice CCI (Current competitive- jouent un rôle important dans l'at-

DD
ness index) et l'autre appelé le Cette compétitivité se résume trop tractivité territoriale du fait des
GCI (Growth competitiveness souvent à l'attractivité de ce terri- externalités positives qu'ils déga-
index). L'indice CCI est alors la toire vis à vis d'activités aussi bien gent. Des travaux récents ont mon-
résultante de 64 variables(15). nationales qu'internationales. Une tré la part primordiale de ces
hausse des investissements sortant effets d'agglomération dans la
Dans son Global competitiveness alliée à une baisse des investisse- localisation territoriale des entre-
report, le World economic forum ments entrants indiquerait une prises multinationales(19).
considère 8 indicateurs composi- baisse de l'attractivité nationale
tes de compétitivité : 1/ L'ouver- dans la mesure où les entreprises d) Les indicateurs de la compétiti-
ture, 2/ Le gouvernement, 3/ la françaises s'expatrieraient soit vité internationale sectorielle
finance, 4/ les infrastructures, vers des pays à bas salaires, soit
5/la technologie, 6/ le manage- vers des pays à faible fiscalité ou • Compétitivité inter-sectorielle
ment, 7/ le travail, 8/ les institu- à fort potentiel technologique et
tions. On aboutit à 173 variables les entreprises étrangères par La compétitivité, si on veut la rap-
dont 38 quantitatives et 135 qua- ailleurs ne chercheraient pas ou procher de la spécialisation inter-
litatives, chaque groupe ayant une peu à s'implanter sur le territoire. nationale, doit se faire au niveau
pondération entre 16,7% et L'Allemagne a connu ce phéno- des secteurs et montrer des élé-
5,5% dans le total. mène avec inquiétude et a créé ments d'avantages comparatifs
une mission spéciale de Standort (un pays ne pouvant pas être com-
Les variables qualitatives provien- (localisation, site) . (17)
pétitif internationalement dans tous
nent de résultats de questionnaire les secteurs ou tous les produits à
auprès de 4000 entreprises. Ces Ici, il pourra y avoir des opposi- la fois). Ses avantages compara-
variables qualitatives sont basées tions de territoire comme celles tifs seront soit fonctions des grands
sur une échelle de valeur allant du entre deux grands centres urbains fondamentaux inter-sectoriels
fortement en accord à fortement dans l'attractivité de sièges comme la disponibilité de travail
en désaccord sociaux (Londres ou Bruxelles) non qualifié ou qualifié, de capi-
tal, et de technologie. Un pays
Certains résultats apparaissent Les territoires seront comparés abondant en technologie aura par
comme contestables dans la entre eux et pourront être en exemple des avantages compara-
mesure où l'échantillon n'est pas concurrence pour des types com- tifs dans les produits intensifs en
forcement représentatif et aussi du parables d'activité, par exemple technologie etc. Les fondamentaux
fait de forts biais que peuvent Toyota et PSA après avoir com- des spécialisation intra-industriel-
revêtir la formulation et la compré- paré les avantages et inconvé- les seront également les mêmes
hension même des questions. nients de la Pologne, la Répu- avec de plus des éléments d'éco-
Ainsi. par exemple, pour la varia- blique Tchèque et la Hongrie, nomie d'échelle, de différenciation
ble technologie on trouvera des examinent in finetrois sites en et de structure imparfaite des mar-
questions comme suit : Pologne et république Tchèque chés à prendre en compte, diffé-
pour leur usine commune (18)
. Si par renciation, agglomération, etc.
1/ Votre pays est un leader mon- exemple Paris ne se trouvera pas
(16) cf. Lall S., " Competitiveness Indices and
dial dans la technologie ? oui en concurrence avec le Pays de Developing Countries, an Economic Evaluation of
non 2/ Les organismes de recher- Galles, il se retrouvera tout de the Global Competitiveness Report ", World Deve-
lopment, n° 9, 2001.
che scientifique dans votre pays même en concurrence avec (17) Commissariat général du Plan, Compétitivité
sont de réputation mondiale ? 3/ Londres, et le Pays de Galles peut globale, une perspective franco-allemande, Rap-
port du groupe franco-allemand sur la compétiti-
Les entreprises dans votre pays être avec la Bretagne. vité, Paris, 2000.
dépensent beaucoup en R&D etc.. (18) La Tribune, 12/10/2001, " PSA et Toyota
examinent trois sites en Pologne pour leur usine
L'attractivité relative du territoire commune ".
De fortes évolutions sont à consta- aura alors à la fois des fondamen- (19) cf. Mayer T., J.L. Mucchielli, " Hierarchical
Location Choice and the Multinational Strategy, a
ter dans les classements d'une taux nationaux tels l'imposition sur Nested Logic Applied on Investment in Europe", in
année sur l'autre pour un certain les sociétés, le coût du travail et la Dunning J. & J.L. Mucchielli eds, Multinational
Firms, the Global-Local Dilemma, Routledge,
nombre de pays (16)
demande locale, mais aussi des 2002.
Les indicateurs de spécialisation exploiter le goût pour la variété serait alors celui de l'évolution de
remplaceront quelque peu ceux des consommateurs. la productivité des facteurs à long
P 16
de compétitivité, ces derniers terme comme on l'a déjà indiqué.
DOSSIER

pourront toujours être des indica- Dans le commerce français, des


teurs de part de marchés et de travaux récents ont montré que a) la course concurrentielle entre
compétitivité-prix et hors-prix. Les prés de 70% des échanges croi- pays et le jeu à somme nulle
premiers seront des indicateurs sés de produits comparables au
d'avantages comparatifs révélés, sein des mêmes branches entre D'après Krugman (23) , les hommes
de contribution au solde extérieur partenaires européens étaient du politiques aiment bien expliquer
etc. commerce de gamme(21). Dans ce que les racines des déséquilibres
cadre, il peut être important de comme par exemple le chômage
Ainsi, si on regarde les secteurs connaître le positionnement sont liés à un manque de compéti-
français, on voit bien qu'en termes respectif en matière de gamme tivité vis à vis des pays étrangers.
de production par exemple sur pour les produits inductriels des Ainsi Jacques Delors en 1993,
l'année 2001, la production différents pays. alors président de la commission
baisse fortement dans le textile, européenne, indiquait que les raci-
dans la maille, dans l'habillement, Ainsi, sur une analyse de 10 000 nes du chômage en Europe
dans le cuir et la chaussure, la produits échangés entre les pays étaient un manque de compétitivité
sidérurgie, les métaux non-ferreux, européens et à partir d'un ratio de avec les Etats-Unis et le Japon et
les appareils domestiques, le son contribution au solde, on trouve que les solutions étaient un pro-
et l'image ; tous ces secteurs que la France est plutôt concurren- gramme d'investissement dans les
connaissent de plus des baisses tielle dans le haut de gamme et le infrastructures et la haute technolo-
d'exportations et des hausse d'im- moyen de gamme des produits gie.
portations. Par contre, les secteurs d'agro-alimentaire, de mécanique
en croissance seront la pharma- et de chimie et dans le moyen de Tout se passe comme si la percep-
cie, l'aéronautique, l'automobile gamme pour les véhicules automo- tion de l'économie internationale
etc(20). C'est dans ces secteurs que biles, alors que l'Allemagne est se réduisait à un combat entre
la France réalise également de très fortement compétitive dans le pays qui amènerait une situation
forts excédents extérieur. haut de gamme des produits de la dite de jeu à somme nulle, à savoir
mécanique, des véhicules et de la que ce qu'un pays gagnerait dans
• Compétitivité et spécialisation chimie. Par opposition, l'Italie est les échanges internationaux, l'au-
intra-industrielles compétitive dans le haut de tre pays (son partenaire) le per-
gamme des produits textiles et le drait. On serait en présence d'un
Pour les indicateurs de l'intra- bas et moyen de gamme des pro- combat perdant-gagnant.
industriel, les analyses se penche- duits mécaniques(22).
ront à un niveau fin de désagré- La montée de l'anti-mondialisation
gation des produits sur la III - COMPÉTITIVITÉGLOBALE traduit cette croyance selon
comparaison des valeurs unitaires VERSUSCOMPETITIVITÉDE laquelle, dans l'échange interna-
des produits importés et exportés L•ENTREPRISE : LESRAPPROCHE - tional, il y a un perdant et un
pour une même industrie afin MENTSETLESMÉPRISES gagnant et que si on ne peut pas
d'observer si les échanges croisés gagner alors il faut refuser d'é-
de produits appartenant à une 1 - Les méprises à propos de changer. Il faut de ce fait inciter les
même industrie sont des échanges la compétitivité pays en voie de développement à
de gamme (produits n'ayant pas refuser d'échanger car ils se
les mêmes valeurs unitaires) ou de De nombreux commentateurs feraient exploiter. En même temps,
variétés (produits avec des valeurs développent l'idée d'une lutte il faudrait refuser pour les pays
unitaires comparables). Dans les entre pays pour analyser le phé- développés d'importer en prove-
échanges de gamme, les détermi- nomène de compétitivité, le nance de ces mêmes pays, car ces
nants technologiques, de savoir- concept lui même s'y prête aisé-
faire ou de travail qualifiés joue- ment, mais pour Krugman, " La (20) cf. SESSI , Conjoncture industrielle, mars
2002.
ront un grand rôle. Dans les compétitivité ne serait que le mot (21) Cf. Fontagné L. & M. Freudenberg, " Marché
échanges de variétés, on sera plu- poétique pour exprimer la produc- unique et développement des échanges ", Econo-
mie et statistiques, N°326-327, 1999.
tôt en présence de stratégies oli- tivité d'un pays " et a donc peu à (22) Idem, p. 46.
(23) P. Krugman , " Competitiveness : A Dange-
gopolistiques des firmes et de dif- voir avec une lutte pour les parts rous Obsession ", Foreign Affairs, mars/avril
férenciation des produits pour de marché. L'indicateur idéal 1994.
derniers auraient des pratiques de des deux, passe par une analyse avec une bonne gouvernance de

RR
dumping social ou monétaire des performances relatives des l'Etat. La démocratie et l'absence
P 17

IIEE
déloyaux et leurs coûts seraient tel- marchés ou de la planification de corruption deviendraient ainsi

OOSS
lement bas que les pays dévelop- comme mode d'allocations des les éléments clés de la compétiti-

SS
pés ne pourraient jamais être com- ressources rares en vue d'attein- vité d'un pays. On s'aperçoit alors

DD
pétitifs par rapport à eux. dre le plus grand bien être de sa que les pays qui assurent le moins
population. Certaines leçons peu- de croissance et d'augmentation
Les deux positions reviennent- vent déjà être tirées de l'histoire à de bien être à l'ensemble de leur
draient au même : ne pas com- ce sujet. population sont aussi ceux qui sont
mercer avec des pays où on serait le plus souvent en guerre, où lon
sûr d'être perdant sauf à la seule Enfin le troisième oubli concerne constate une absence de démo-
différence que selon les commen- les conséquences de l'échange cratie, et où la corruption est très
tateurs, ce seraient tantôt les pays international. Dans la mesure où développée.
développés qui perdraient, tantôt le commerce permet aux pays
des pays en développement. (aux groupes, etc.) d'échanger c) Avantages comparatifs et com-
compétences, connaissances etc., pétitifs : le pays comparé à une
b) Avantages comparatifs et les il est préférable au "non- grande entreprise
trois oublis échange". Cependant dans le pro-
cessus d'échange, ceux qui fabri- Pour l'ancien président Clinton,
Ces positions vis à vis de la com- quent les biens substituts des chaque nation " est comme une
pétitivité internationale oublient importations sont menacés par la grande firme en concurrence sur le
deux choses importantes. concurrence internationale (la marché mondial ". Les Etats-Unis,
compétitivité de l'autre pays) et l'Europe et le Japon seraient par
D'abord, il faut prendre en ceux qui fabriquent les biens exemple des concurrents au même
compte les théories du commerce exportés font au contraire un gain. sens que Coca-Cola et Pepsi-Cola.
international dans ce domaine. En clair, l'industrie du textile, ses
Or, la théorie de l'avantage com- régions, ses ouvriers, seront mis à Or comme le rappelle Krugman, il
paratifs découverte par Ricardo et mal par les importations chinoises est clair que cela n'a rien à voir
Torrens en 1815, montre, entre et ces secteurs vont diminuer d'im- pour plusieurs raisons :
autres, que l'échange internatio- portance entraînant de difficiles
nal au niveau des Nations est un problèmes de reconversion d'hom- Une entreprise par définition vend
jeu gagnant-gagnant. mes et de régions. Par contre, l'in- tout ou quasiment à l'extérieur de
dustrie automobile embauchera et son organisation : ses salariés
La seconde confusion est encore fera prospérer les régions d'im- consomment pour leur part relati-
plus commune puisqu'on pense à plantations et le pays. vement peu du produit fabriqué
tord que cette théorie est une par l'entreprise. La situation est
" doctrine " qui plus est, libérale, L'analyse économique montre très différente pour un pays où
qui serait une justification du tout alors que, pour que le gain soit entre 60 et 90% de ce qui est pro-
marché et du " laissez-faire, lais- partagé par l'ensemble de la duit par le pays est consommé par
sez passer ". Les ouvrages de l'en- nation, il faut assurer une fonction les consommateurs de ce même
seignement secondaire en France de répartition des gagnants vers pays. Ainsi au milieu des années
enseignent en général cette vision. les perdants. Si cette fonction de 1990, l'intensité d'exportation
redistribution ne fonctionne pas, (part des exportations dans le PIB)
En fait, le principe de l'avantage comme elle est en général l'apa- atteignait 11,5% dans l'Union
comparatif peut être appliquée nage de l'Etat, il faut alors se européenne, 11,6% aux Etats-
par une économie planifiée poser la question de l'efficacité de Unis et 10% au Japon (24)
. De
comme par une économie de mar- cet Etat et de ses agents plutôt que même, les ventes de boissons de
ché, puisqu'il s'agit de dire qu'il remettre en cause l'échange lui- Coca-cola se font très peu vers les
faut mieux se spécialiser dans ce même. ouvriers de Pepsi-Cola mais plutôt
que l'on sait le mieux faire et non vers l'ensemble des consomma-
l'inverse et d'échanger ensuite ses La compétitivité est ainsi repous- teurs, idem pour les ventes de
compétences contre celles d'un sée vers le haut vers les rouages Pepsi-Cola , à la différence des
partenaire. Le fait de savoir s'il de l'Etat lui même et donc de sa
(24) Cf. Economie européenne, " la compétitivité
vaut mieux du tout marché, ou du gouvernance globale. Une nation européenne dans la triade : aspects macroécono-
tout planification ou un mélange compétitive serait alors une nation miques et structurels ", juillet 1998, p.5.
pays qui échangent entre eux, le de la balances des biens et servi- du commerce extérieur va se félici-
principal client de la France est ces d'une part (BC) et de la ter de l'excédent commercial,
P 18
l'Allemagne qui est en même balance des capitaux d'autre part l'Agence française pour les inves-
DOSSIER

temps son principal fournisseur. Il (BK), on a l'équation d'équilibre tissements internationaux pourrait
est donc hasardeux de pousser la suivante : s'alarmer de la perte de compétiti-
comparaison entreprise-Nation vité de notre territoire. Enfin, mal-
trop loin. BP = BC + BK avec BP = 0 => BC = - BK gré un déficit important de sa
balance commerciale, les Etats-
2 - Les méprises entre La balance des capitaux va être Unis obtiennent de meilleurs résul-
attractivité et compétitivité l'inverse de la balance des biens tats en termes d'emploi et de crois-
et services. Alors à un excédent sance que l'Europe.
Les contradictions apparaissent commercial va correspondre un
même entre plusieurs concepts de déficit des capitaux et vice versa. En conclusion, le concept de com-
compétitivité internationale Les Etats-Unis ont depuis plusieurs pétitivité est difficile et multiple.
comme celles concernant le com- années une balance commerciale L'essentiel est de se pencher sur les
merce extérieur et les investisse- extrêmement déficitaire mais à ressorts même de la croissance,
ments étrangers. l'inverse une balance des capitaux croissance et survie de l'entreprise,
(et des IDE) fortement excéden- croissance et bien-être d'un pays.
A priori, rien n'est plus simple, un taire. Pour la France, l'inverse est L'économie internationale joue
pays peut être compétitif du fait vrai depuis 1992, en tendance indéniablement un rôle dans cette
de ses fortes parts de marché à nous avons eu une balance com- compétitivité mais il ne peut appa-
l'étranger et de son excédent com- merciale excédentaire et une raître comme primordial et il est
mercial, et en même temps, avoir balance des capitaux déficitaire. sans doute moins important que les
un territoire attractif, c'est à dire Les produits français seraient alors comportements des Etats eux
compétitif dans la mesure où il va compétitifs mais le territoire fran- mêmes qui, au travers de leur
attirer des investissements étran- çais ne le serait pas. De même poids dans les économies (plus de
gers. Si son territoire est plus pour les Etats-Unis, ses produits ne 40% de la richesse nationale),
attractif que celui des autres pays, seraient pas compétitifs à l'expor- marquent d'une empreinte durable
il devrait avoir plus d'investisse- tation mais son territoire serait les fondamentaux même de la
ments entrants que d'investisse- extrêmement attractif pour la pro- croissance. L'international peut
ments sortants et la balance des duction de produits. On voit là la être un révélateur de nos défaillan-
capitaux directs devrait être excé- limite de l'approche en termes de ces en servant de critère de réfé-
dentaire. Or, sur le plan macro- compétitivité globale et de son rence, de benchmarking, mais les
économique les deux situations aspect international, dans la facteurs de la compétitivité sont à
sont simultanément difficilement mesure où elle conduit au grand rechercher en interne au niveau de
concevables. Si l'on part du prin- écart dans l'interprétation, il la capacité des acteurs privés et
cipe comptable que la balance paraît en effet inconcevable de publics à assurer une croissance la
des paiements en tant que docu- fabriquer des produits compétitifs plus harmonieuse possible.
ment comptable doit être équili- sur un territoire qui ne l'est pas !
brée et que celle-ci est composée Au même moment où le ministère

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