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Définition et évolution de la

prévoyance sociale
Master Sciences juridiques – S3
Prévoyance sociale

Réalisé par :
SOUHAILA ROUDANI LAILA HARROUNI
………………………..……………..BOUISSANE

BADR AIT FILALI

Encadré par :
Professeur EL MENOUALI FATHALLAH

Année universitaire :
2020/2021
Introduction
La sécurité́ sociale est définie tantôt par référence aux institutions chargées d’assurer des
prestations à caractère social aux travailleurs et à leurs familles, tantôt par rapport à̀
l’objectif de protection de la population contre les risques de détérioration de santé et de
perte de revenus. Les deux sens se complètent en fait, pour désigner le droit conféré ́ à
chaque personne de jouir de la protection contre les aléas économiques dans le cadre des
solidarités sociales protégées par l’Etat1.

Les régimes de sécurité́ sociale remplissent une fonction importante de couverture de


risques et de transferts financiers sous forme d’allocations familiales et de remplacement du
revenu via des indemnités journalières de maladie et de maternité ́, et via des pensions de
retraite, d’invalidité́ et de survivants, au bénéfice des salariés du secteur privé, des
fonctionnaires et des agents de l’État.

L’histoire de la sécurité sociale a vu le jour au 17eme siècle, plus précisément depuis 1673
par la création du premier « régime de retraite » pour les marins par Colbert. Toutefois,
l’institutionnalisation d’un système complet d’assurances sociales n’a vu le jour qu’entre
1881 et 1889 en Allemagne. Or, depuis 1898, un enchainement de loi et de réforme s’est mis
en place en répondant aux évolutions des sociétés en Europe.

Au Maroc, ce n’est qu’en période de protectorat que les origines du système de sécurité
sociale puisent leur fondement. En effet, l’introduction d’un système de sécurité sociale eut
lieu pour la première fois relativement à l’assurance sociale au profit uniquement des
travailleurs français détachés au Maroc.

Comme dans la majorité des pays dans le monde, notamment le Maroc, les dispositifs du
système de protection sociale ont été développé de manière fragmentée sur une échéance
progressive de longue durée. Aujourd’hui, le Maroc se dote de deux système de sécurité
sociale. Le premier est dit partiellement contributif (CMR, RCAR, CNSS, CNOPS…), tandis que
le second est dit non-contributif (Tayssir, Kafala, INDH…). Ces dispositifs furent introduits
progressivement afin de répondre à des problématiques sociales constamment dans
l’émergence.

1
Pr. FILALI MEKNASSI (R), Polycopié Cours de Sécurité sociale (S5) : « Introduction générale »
De ce qui précède, il parait nécessaire de déceler la problématique suivante : Dans quelle
mesure l’évolution du système de la prévoyance sociale a pu faire face aux risques sociaux
émergent ?

Pour la commodité de l’exposé présent, nous allons traiter en premier lieu une traçabilité
historique de la prévoyance sociale depuis son apparition jusqu’en 1956, date phare qui
marque l’indépendance du Maroc, pour ensuite rebondir en seconde partie sur l’étendu de
l’évolution de la prévoyance sociale depuis l’indépendance.
Plan :

I- La sécurité sociale : le fruit d’une longue histoire

1- L’acheminement du système de sécurité sociale de


l’Europe vers le Maroc

2- L’émergence de la notion de sécurité sociale au Maroc 

II- L’évolution de la prévoyance sociale depuis


l’indépendance :

1-Instauration du régime de la CNSS

2-Vers un parachèvement du système de sécurité sociale


I- La sécurité sociale : le fruit d’une longue
histoire
1- L’acheminement du système de sécurité sociale de
l’Europe vers le Maroc

Le principe de la protection sociale, mutualisée au niveau professionnel ou national est né


en Europe à la fin du 19ème siècle en réaction à̀ l’apparition d’une misère ouvrière
importante lors de l’industrialisation. Le développement de risques sociaux (accidents du
travail, maladie, chômage, ...) compromettant la sécurité́ économique des individus, a
favorisé la mise en place d’une protection sociale publique, visant à̀ protéger ledit individus.
La première forme de protection sociale est le système d’assurance sociale mis en œuvre en
Allemagne par le Chancelier Bismarck en 1883. La deuxième forme de protection sociale est
le système de sécurité́ sociale mis en œuvre en Grande Bretagne, sous l’influence de
l’économiste Beveridge en 19452.

Dans le premier système, la logique de contribution fonde le régime à la manière d’une


assurance, les salariés cotisent pour acquérir des droits. En cas de chômage, les droits acquis
garantissent aux demandeurs d’emploi un revenu de remplacement pendant une période
donnée.

Le second modèle repose sur trois grands principes : unité́, universalité́, uniformité́. C’est
l’appartenance à la communauté́ nationale qui fonde le droit à une indemnisation du
chômage, sans rapport avec les emplois exerces.

Avant le protectorat, le Maroc a connu, comme beaucoup de pays africains et arabes, des
formes traditionnelles de secours qui étaient loin du système de sécurité ́ sociale au sens
moderne du terme.

La principale source de prévoyance sociale découlait de la Chariâ (la loi musulmane) qui
incite tout musulman à des obligations d’aide et de charité́ en faveur des nécessiteux et
notamment envers les personnes âgées.

2
https://www.europaong.org/wp-content/uploads/2016/06/Protection-sociale.pdf, consulté le 03/12/2021 à
17h
Parallèlement à ces règles de solidarité́, et jusqu’aux deux premières décennies du
protectorat, la production et l’échange s’organisaient au sein des corporations de métiers,
qui associaient les apprentis, les aides, les ouvriers et les maitres en leur édictant des liens,
souvent précis et impérieux, de solidarité́ face aux aléas de la maladie et des accidents.

Ce n’est que pendant l’avènement du protectorat français au Maroc entre 1912 que 1956
que la notion de prévoyance sociale dans le sens institutionnel fut introduite au Maroc.

2- L’émergence de la notion de sécurité sociale au Maroc 

Pendant la période du protectorat, et fidèle à une politique qui a maintenu dans des
structures institutionnelles autonomes le secteur moderne de l’économie d’une part, et les
activités traditionnelles (premières industries créant un salariat urbain) d’autre part,
l’administration du protectorat n’est intervenue que dans le premier secteur pour le
soumettre à̀ des règles impératives fondées sur une logique d’assurance sociale.

En effet, comme dans la plupart des pays colonisés, le bénéfice d’une couverture sociale a
été́ d’abord un privilège réservé aux fonctionnaires. La première expérience remonte à̀ 1917,
date à̀ laquelle les autorités du protectorat avaient créé́ la « Caisse de prévoyance marocaine
» (CPM). La couverture offerte par cette caisse s’adressait exclusivement aux fonctionnaires
français, mais l’adhésion était facultative. La CPM a fonctionné ́ jusqu’en 1930 qui a connu en
France la généralisation de la couverture sociale devenue désormais obligatoire.

Le 2 Mars de la même année fut créée la Caisse Marocaine des Retraites avec mission de
gérer le premier régime obligatoire de pensions mis en place au Maroc en faveur des
fonctionnaires civils français. La CMR a pris en charge l’actif et le passif de la CPM après sa
dissolution. Une année plus tard, un régime de pensions civiles a été ́ créé en faveur du
personnel marocain recruté par l’administration du protectorat. La gestion de ce régime a
été́ confiée à la CMR.
L’apparition des premières industries dans les zones urbaines a rendu nécessaire
l’instauration progressive au profit des employés d’une réglementation fondée sur les
principes de la sécurité́ sociale. Dans son fonctionnement et son champ d’application, cette
prévoyance était régie par une réglementation inspirée de là législation française étant
principalement destinée à couvrir la population croissante des européens résidents au
Maroc (40 000 en 1922).

Dans le secteur privé, les services concèdes et les établissements publics, ainsi que des
caisses au statut juridique plus ou moins précis, se sont développées pour assurer à
l’ensemble du personnel, ou aux seuls européens, des prestations en cas de maladie, voire
d’incapacité́ ou de vieillesse. Les caisses les plus importantes se sont développées dans le
secteur minier, notamment l’OCP, le BRPM, l’ONCF et dans le secteur de l’électricité ́ (ONE et
régies de distribution).

En 1942 un organisme corporatif et coopératif a été ́ crée par le patronat pour servir des
allocations familiales aux salariés des grandes entreprises. Cet organisme, connu sous le nom
de la " Caisse d’Aide Sociale " est considèré comme l’ancêtre de l’actuelle Caisse Nationale
de Sécurité́ Sociale. En effet, le dahir du 22 avril 1942 a porté création d’une caisse d’aide
sociale. Ce texte fut remplacé par un autre dahir du 25 décembre 1955 complété par un
texte de la même date. Cette caisse crée comme organisme reconnu d’utilité publique était
administrée par un conseil d’administration présidé par le ministre du travail comprenant les
représentants des quatre ministres. Les bénéficiaires de prestations étaient les travailleurs
chez les employeurs affiliés et ce sous certaines conditions. Les prestations servies par la
caisse se réduisent à deux : les allocations familiales pour les enfants à partir du 2eme
enfant. Les allocations aux femmes en couche, la pension de vieillesse 3

La création en 1949 de la Caisse Interprofessionnelle Marocaine de Retraite (CIMR) marqua


une étape importante dans la construction du dispositif national de sécurité ́ sociale. En effet,
elle a constitué́, avant la création de la CNSS, la principale caisse de retraite pour le secteur
privé. Regroupant sous forme d’association les sociétés les mieux organisées du pays, cette

3
Nadir Bouchra, L’essentiel du droit de travail et de la protection sociale, 2e édition, Editions & Impressions
Bouregreg, 2018, p. 316
Caisse sert des pensions de vieillesse et de réversion qui viennent s’ajouter à la retraite de
base de la CNSS.

Pour se conformer aux normes internationales notamment la convention N°102 de


l’Organisation Internationale de Travail, le Maroc a œuvré dès son indépendance à la
création d’un système de sécurité moderne.

II- L’évolution de la prévoyance sociale depuis


l’indépendance :
1- Instauration du régime de la CNSS :

Avec la proclamation de l’indépendance du Royaume, l’obligation d’affiliation à la caisse


d’aide sociale sera instaurée par le dahir du 25 décembre 1957 relatif à la caisse d’aide
sociale pour toute personne morale ou physique employant un ou plusieurs travailleurs, et
pour toute coopérative et propriétaire d’immeuble employant des concierges. La caisse était
financee exclusivement par les cotisations patronales.
Les prestations fournies par la caisse d’aide sociale se réduisaient au versement
d’allocation familiales à partir du 2e enfant et d'allocations de maternité.4
Très peu de risques sociaux étaient couverts, et la nécessité de se prémunir contre la
multitude de risques auxquelles les individus étaient confrontés était pressante. C'est ainsi
que la Caisse nationale de sécurité sociale verra le jour en 1959 en vertu du dahir n° 1-59-
148 du 30 joumada II 1379 (31 décembre 1959) instituant un régime de sécurité sociale qui
étendra la protection sociale, en plus de la maternité et des allocations familiales, a d’autres
risques sociaux et économiques : la maladie, l’invalidité, la vieillesse et le décès (à travers le
versement d'une allocation décès et de la pension de survivants)5, et la paiement des
cotisations aux salariés6.
L’instauration d’un nouveau système de sécurité sociale n’a cependant pas unifiée la
couverture des différents risques sociaux, la réparation des accidents de travail et des
maladies professionnelles n’est pas pris en charge par la Caisse nationale de la sécurité
sociale7 et demeurent régie, jusqu’à aujourd’hui, par une législation distincte8, la couverture
du chômage ne sera instituée que tardivement et les prestations sociales demeurent
limitées aux travailleurs du secteur privé et du secteur public, créant un déséquilibre vis-à-vis
du reste de la population qui ne dispose d’aucune protection sociale.

4
Nadir Bouchra, L’essentiel du droit de travail et de la protection sociale, 2 e édition, Editions & Impressions
Bouregreg, 2018, p. 316
5
Article 1 alinéa 2 du Dahir n° 1-59-148 du 30 joumada II 1379 (31 décembre 1959) Instituant un régime de
sécurité sociale
6
Article 23, Idem.
7
Nadir Bouchra, L’essentiel du droit de travail et de la protection sociale, 2e édition, Editions & Impressions
Bouregreg, 2018, p. 317
8
Le dahir du 25 juin 1927 relatif à la réparation des accidents du travail puis la loi n° 18-12 relative à la
réparation des accidents du travail
2- Vers un parachèvement du système de sécurité sociale :

On retiendra que le deuxième millénaire sera celui d’un chantier de réformes titanesques
de la sécurité sociale amorcé en 2002 par l'adoption de la loi n° 65-00 portant code de la
couverture médicale de base, instituant l’assurance maladie obligatoire 9 (AMO) au profit des
fonctionnaires et des agents de Etat et des collectivités locales, des établissements publics et
des personnes morales de droit public gérée par la Caisse nationale des organismes de
prévoyance sociale (CNOPS), et les personnes assujetties au régime de la sécurité sociale en
vigueur dans le secteur privé géré par la CNSS et l’institution d'une instance de régulation et
contrôle : l’agence nationale de l’assurance maladie (ANAM).
Parallèlement, l’obligation de souscription à l’assurance accident de travail sera instaurée
par l’article 2 du Dahir n° 1-02-179 du 12 joumada I 1423 (23 juillet 2002) portant
promulgation de la loi n° 18-01 modifiant et complétant le dahir n°1-60-223 du 12 ramadan
1382 (6 février 1963) portant modification en la forme du dahir du 25 hija 1345 (25 juin
1927) relatif à la réparation des accidents du travail ; les employeurs soumis aux dispositions
du Dahir du 27 Juillet 1972 relatif au régime de sécurité sociale sont tenu de souscrire une
assurance accident du travail au profit de ses employés pour les couvrir contre les risques
qu’ils encourent dans l’exercice de leur activité professionnelle. La souscription a une
assurance maladies professionnelles demeure optionnelle.
Le Régime d'Assistance Médicale aux économiquement démunis (RAMED) bien qu’institué
en 2002 par loi n° 65-00 portant code de la couverture médicale de base, ne sera mis en
œuvre dans un premier temps, qu’en 2008 dans la région de Tadla-Azilal par le décret du 29
décembre 2008 portant application des dispositions de du livre III de la loi susmentionnée. Il
s’agit d’un régime fondé sur la solidarité ipermettant de faire bénéficier de la gratuité totale
des soins dans les hôpitaux publics aux personnes éligibles. Il sera la suite généralisé en
2011.

9
On entend par assurance maladie obligatoire un système qui vise à garantir pour les assurés et les membres
de leurs familles à charge, la couverture des risques et frais de soins de santé inhérents à la maladie ou
l’accident, à la maternité et à la réhabilitation fonctionnelle. Ainsi, elle donne droit au remboursement et
éventuellement à la prise en charge directe des frais de soins curatifs, préventifs et de réhabilitation
médicalement requise par l’état de santé du bénéficiaire.
L’année 2015 marque l’entrée en vigueur de loi n°18-12 relative à la réparation des
accidents du travail qui tout en abrogeant le dahir de 1927 aura le mérite d’introduire la
procédure obligatoire de conciliation entre l’entreprise d’assurance et la victime dans le but
de désengorger les tribunaux, la révision de certaines indemnités et l’adaptation de la
procédure civile.
Dans une optique de concrétisation du chantier de généralisation de l’assurance maladie
obligatoire, celle-ci se verra étendue aux étudiants en 2016 en vertu de la loi n°116-12
relative au régime de l'assurance maladie obligatoire de base des étudiants puis en 2017 aux
travailleurs indépendants10. La récente adoption de la loi-cadre n° 09-21 relative à la
protection sociale11 posera les derniers jalons de cette grande réforme qui devrait être
achevée vers 2022 ; en effet, l’article 10 érige l’élargissement de la protection sociale en
priorité nationale. L'article 5 prévoit, entre autres, l’élargissement de l’AMO aux individus
bénéficiant du RAMED et sa mise en œuvre effective auprès des professionnels, des
travailleurs indépendants et des personnes non salariées exerçant une activité libérale, soit
près de 22 millions de personnes.

Bibliographie

- Nadir Bouchra, L’essentiel du droit de travail et de la protection sociale, 2e édition,


Editions & Impressions Bouregreg, 2018

- Pr. FILALI MEKNASSI (R), Polycopié Cours de Sécurité sociale (S5) : « Introduction
générale »

Webographie

10
Dahir n° 1-17-15 du 28 ramadan 1438 (23 juin 2017) portant promulgation de la loi n° 98-15 relative au
régime de l'assurance maladie obligatoire de base pour les catégories des professionnels, des travailleurs
indépendants et des personnes non salariées exerçant une activité libérale.
11
Dahir n° 1-21-30 du 9 chaabane 1442 (23 mars 2021) portant promulgation de la loi-cadre n° 09-21 relative à
la protection sociale.
- https://www.europaong.org/wp-content/uploads/2016/06/Protection-sociale.pdf ,
consulté le 03/12/2021 à 17h
i

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