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II.5.

Modèle théorique de « proximité- concentration »


Théoriquement, les firmes multinationales qui se trouvent à la base de l’investissement
direct étranger ont le choix entre exporter ou investir directement à l’étranger en réalisant la
production sur place. Les firmes multinationales doivent arbitrer entre concentration et proximité
[Brainanrd (1993) et Markusen (1995)]. Autrement dit, l’option de la proximité des
consommateurs pousse les firmes multinationales à adopter la stratégie « horizontale », celle qui
consiste à contourner les barrières tarifaires et à produire pour le marché local d’implantation en
créant des filiales dans plusieurs pays d’accueil en vue de servir les demandes locales. Le choix
est optimal lorsque les avantages de s’implanter à proximité des consommateurs dépassent
les avantages liés à la concentration des activités. D’une manière générale, la firme est incitée
à réaliser de l’IDE quand elle remplit un certain nombre de conditions, à savoir : (i) elle doit
réaliser des économies d’échelle importantes grâce à ses avantages spécifiques, (ii) elle doit
disposer des coûts d’implantation faibles dans les pays d’accueil, (iii) que la taille de marché du
pays d’accueil soit importante et (iv) que les coûts de transaction (coûts de transport et les
barrières tarifaires) soient élevés (Markusen, 2004).

Globalement, le modèle de « proximité – concentration » sur les facteurs déterminants


de l’IDE, élaboré par MARKUSEN permet de mieux comprendre les motifs de localisation
des activités des firmes multinationales en faisant appel surtout aux coûts liés au commerce et
aux opportunités de marché local à l’étranger. Mais ce modèle de base ne tient pas compte des
spécificités des pays en développement notamment de l’Afrique subsaharienne dans lesquels
le risque-pays est considéré a priori très élevé. Or, le risque-pays est un des paramètres les
plus significatifs que les firmes multinationales prennent en compte absolument dans le choix
de localisation de leurs activités. Par conséquent, nous suggérons un modèle théorique sur les
déterminants de l’investissement direct étranger, qui est basé sur le modèle de « proximité –
concentration » de MARKUSEN mais nous améliorons avec la prise en compte du risque –
pays comme une variable primordiale dans la décision d’internationalisation des activités des
firmes.

II.1. Les hypothèses du modèle


Il est à signaler préalablement que certaines hypothèses sont considérées tant pour
garder la cohérence du modèle que pour pouvoir mettre en évidence ensuite les résultats de
celui-ci.
Nous supposons qu’une firme devienne multinationale quand elle possède une ou
plusieurs unités de production localisées à l’étranger. Nous considérons que sa filiale soit en
situation de monopole quand la firme multinationale pénètre le marché local. La firme
multinationale produit et vend un bien homogène sur deux marchés dans deux pays distincts :
le pays domestique (de la maison mère) et le pays étranger (pays d’accueil ou pays
d’implantation). Etant donné que les deux marchés sont segmentés, la décision de production
dans les deux pays sera indépendante. Ainsi, la firme monopole identifie les fonctions de
demande par pays : la demande domestique et la demande étrangère. Par ailleurs, le monopole
pratique la discrimination du troisième degré (cf. Encadré n°2). Les consommateurs sont
considérés immobiles internationalement, c’est- à - dire qu’ils ne peuvent pas faire des
arbitrages, acheter là où c’est moins cher.

Les fonctions de demande inverse dans chaque pays sont les suivantes:
la fonction de demande inverse domestique : p = a - (b/L)q ;
Le prix est une fonction décroissante par rapport aux quantités (q) vendues ( .
Avec, a et b deux réels ;
L : est la taille du marché domestique. Cependant, ce paramètre pourrait aussi être considéré
comme la représentation d’autres facteurs comme les préférences qui expliquent les
différences de la demande entre pays.
Dans le cas de l’investissement direct étranger vertical, la production, réalisée uniquement
dans le pays domestique est destinée au marché du pays d’origine ou à un marché tiers et nous
considérons que la demande est différente sur chaque marché.

Si nous notons ,
Par conséquent, on aura :

la fonction de demande inverse étrangère : p* = a – (b/L*)q*

L* : est la taille du marché étranger. De façon analogue, en notant , nous avons


également : est l’élasticité prix/demande étrangère et on aura aussi

Pour produire, la firme doit supporter un coût variable. Les fonctions de coût variable dans
chaque pays sont respectivement :
c (q)= c. q (11)
Où c est le coût unitaire de production dans le pays domestique (c >0) et q est la quantité
vendue sur le marché domestique.
c* (q*) = c*.q* (12)
Où c* est le coût unitaire de production (Cout variable) dans le pays étranger (c* >0) et q* est
la quantité vendue sur le marché étranger.
Il est à noter que c peut être différent de c* et on aura toujours : c* < c ; c'est-à-dire que le
coût unitaire de production dans le pays d’accueil est plus faible par rapport au coût unitaire
de production dans le pays d’origine de la firme. C’est ce qui explique le choix de localisation
des activités des firmes à l’étranger dans le cas de l’investissement direct étranger vertical où
la principale stratégie de la firme multinationale est la minimisation des coûts de production
qui sont très faibles dans le pays d’accueil.

Nous supposons également que la firme monopole supporte non seulement un coût
fixe spécifique f lié à la production du bien qui est un bien homogène mais aussi un coût fixe
irrécupérable G par unité de production construite. Dans le cas des exportations, elle va
supporter les coûts liés au commerce d’un montant t par unité exportée. Avec t peut être un
droit de douane spécifique.
En outre, nous considérons que la possibilité pour la firme multinationale de produire
dans le pays d’accueil dépend de l’ampleur du contexte économique, financier et politique,
c’est-à-dire des facteurs déterminants dans le pays qu’on appellera « risque-pays ». Dans ce
modèle, les facteurs déterminants vus du côté du pays d’accueil de l’investissement direct
étranger ou le risque –pays est exprimé par ( peut être défini globalement comme
la nature du climat d’investissement dans le pays d’accueil et il peut être mesuré selon la
méthode objective (cout unitaire lié au risque pays): sera élevé si, entre autres, l’instabilité
politique ou les tensions ethniques règnent dans le pays d’accueil ; et sera faible dans le cas
où, par exemple, les démarches administratives concernant la création d’une entreprise sont
légères. Nous admettons qu’un niveau de risque faible incite les investisseurs directs étrangers
potentiels à s’installer et à produire dans le pays d’accueil.

II.2. Equation du Modèle


La firme possède trois stratégies d’internationalisation : (i) premièrement, elle peut
avoir une unité de production, et servir le marché étranger par le biais d’exportations. (ii) elle
peut aussi avoir deux (2) unités de production, une dans son pays domestique et une dans le
pays étranger pour servir ses deux marchés domestique et étranger respectivement (l’IDE
horizontal). Par conséquent, il n’y a plus d’échanges. Et la firme supporte 2G pour les deux
unités de production construites. (iii) troisièmement, la firme peut procéder à la délocalisation
de ses activités : la maison mère implante une seule unité de production à l’étranger, elle va y
produire et vendre pour le marché domestique et étranger (IDE vertical). Alors la maison
mère importera de bien final de sa filiale et va supporter t par unité importée.

Les fonctions de profit de la firme selon les trois cas d’internationalisation :


Pour le premier cas, la fonction de profit (  X ) est la suivante :
     
 X  a  b / L q q  a  b / L* q *  t q *  c q  q *  f  G (II.1)
Les quantités optimales vendues sur le marché domestique et étranger sont respectivement
obtenues par :
d X b
 a  2 q  c  0
dq L
L  a  c 
 qX    (II.2)
b  2 
d X b
*
 a  2 * q *  c  t  0
dq L 
* L*  a  c  t 
 qX    (II.3)
b  2 
Par ailleurs, on note que plus t, le coût lié au commerce est élevé, cela diminue la quantité
vendue à l’étranger. En outre, plus L* est élevé, plus la quantité exportée sera importante car
L* représente la taille du marché étranger.

Apres simplification, le profit optimal dans le cas où le monopole adopte la première


stratégie d’internationalisation est la suivante:
2 2
X 1  a  c  1  a  c  t 
o     *    f  G (II.4)
  2    2 

En ce qui concerne la deuxième stratégie d’internationalisation, le monopole est une firme


multinationale horizontale. Autrement dit, il réalise des IDE horizontaux car il produit pour le
marché local du pays d’accueil qui est ici le pays étranger. Et étant donné qu’il n’y a pas
d’échanges commerciaux dans ce deuxième cas, le monopole ne supporte plus le coût lié au
commerce t. Mais par contre comme il possède deux (2) unités de production, il supporte 2G et
tient compte du risque-pays qui prévaut dans le pays d’accueil. La fonction de profit associée est :

   
 H  a  b / L)q q  a  b / L* q * q *  cq  c * q *  q *  f  2G (II.5)
Dans ce deuxième cas, les quantités optimales dans le marché domestique et le marché
étranger sont respectivement :
L  a  c 
 qH    (II.6)
b  2 

* L*
 a  c *   
 qH    (II.7)
 b
 2 
Le profit optimal dans ce deuxième cas est :
2 2
H 1  a  c  1  a  c *   
o        f  2G (II.8)
  2   *  2 

Quant au 3ème cas, étant donné que le monopole ne possède qu’une seule unité de
production dans le pays étranger et réimporte le bien vers le pays domestique, on est en présence
des IDE verticaux. Et alors le monopole est une firme multinationale verticale. Dans la fonction
de profit associée à ce troisième cas, nous retrouvons le droit de douane spécifique t qui est payé
par les consommateurs du pays domestique car ce sont eux qui réimportent le bien et le coût lié
au risque-pays est également présent parce que la production se réalise dans le pays d’accueil.
Cependant, le monopole ne supporte que G et non plus 2G car il n’a qu’une seule unité de
production.

La fonction de profit associé à ce cas est alors :


     
 V  a  b / L q  t q  a  b / L* q * q *  c * q  q *   (q  q * )  f  G (II.9)
Dans ce troisième cas, les quantités optimales dans le marché domestique et le marché étranger
sont respectivement :
L  a  c *    t 
 qV    (II.10)
b  2 
* L*
 a  c *   
 qV 
  (II.11)
 b 2 
Le profit optimal dans ce troisième cas est :
2 2
V 1  a  c *    t  1  a  c *   
o     *    f  G (II.12)
  2    2 

II.3. Les résultats du modèle


Le modèle a pour objectif de déterminer le choix de la firme parmi les stratégies
d’internationalisation de ses activités, et de mettre en avant plus précisément les facteurs
déterminants qui poussent la firme monopole d’exercer à l’étranger. Par conséquent, nous avons
quelques scenarii qui respectent les hypothèses considérées précédemment pour la détermination
de du choix optimal de la firme pour l’internalisation de ses activités.

Scénario 1: Nous avons une certitude complète dans le pays étranger : le risque est nul (φ=0)
Dans ce cas, la firme pourrait décider d’investir à l’étranger. Elle a le choix entre la
seconde stratégie (investissement direct horizontal) et la troisième stratégie
d’internationalisation (investissement direct vertical).
Les fonctions de profit optimales respectivement pour la seconde stratégie et la troisième
stratégie deviennent :
2 2
H 1  a  c   1  a  c *   (II.13)
o         f  2G
  2    *  2  
2 2
1  a  c *  t   1  a  c *  
 oV      *    f  G
  2    2   (II.14)

Les coûts liés à l’échange commercial sont élevés,


d oX

a  c  t   0
dt 2 *
La condition pour que la firme multinationale choisisse à investir à l’étranger dépend donc de
ces coûts de transaction.
Par conséquent, dans le cas où la firme décide d’opter pour la seconde stratégie
d’internationalisation, c’est-à-dire que l’investissement direct étranger est motivé par l’accès
au marché étranger d’implantation, ce choix se fait quand le profit de l’IDE horizontal excède
celui lié aux exportations ( ), c’est-à-dire quand le coût lié à l’échange est plus élevé
que le bénéfice lié à l’exportation : t  a  c  a  c 
* 2
 4 *G .

Le seuil de rentabilité des exportations est fonction du coût unitaire de production


domestique, de l’élasticité prix/demande étrangère (β*), des coûts unitaires de production tant
domestique qu’étranger (c et c*), du coût de construction de l’unité de production (G). Cette
stratégie consiste à contourner les barrières tarifaires ou « tariff-jumping » pour accéder au
marché étranger1. Généralement, la firme monopole décide d’opter pour ce choix quand le
pays étranger d’implantation est un pays développé ou un pays émergent.

1
Markusen et venables, (1995) et (2000).
Par ailleurs, dans le cas où la firme monopole choisit d’appliquer la troisième stratégie
pour internationaliser ses activités, cela se réalise lorsque le profit de cet investissement direct
étranger vertical dépasse celui lié à l’investissement direct étranger horizontal ( ).
Autrement dit, la motivation de la firme consiste à tirer profit des coûts plus faibles (c*< c) dans
le pays étranger, justement quand le coût unitaire de production dans le pays étranger est plus
faible que le bénéfice de l’investissement direct étranger vertical : c *  a  t  a  c 2  4G .

Il est à noter que si les deux pays (domestique et étranger) ont les mêmes tailles (L = L*),
et mêmes technologies (c = c*), le profit réalisé par le monopole est le même tant dans le cas de
l’investissement direct étranger vertical que dans le cas des exportations ( . Par
conséquent, il n’a pas intérêt à exercer à l’étranger.

Scénario 2: Nous prenons en compte le facteur « risque-pays » dans le pays étranger : (φ ≠ 0)


Dans ce cas, l’investissement à l’étranger devient improbable. Par conséquent, nous avons
l’inégalité : .

2 2
X 1  a  c  1  a  c  t 
o     *    f G >
  2    2 
2 2
H 1  a  c  1  a  c *   
o     *    f  2G
  2    2 

Pour que la firme monopole réalise un investissement de type horizontal à l’étranger, il


faut que : . Nous déduisons ainsi la condition de réalisation d’un investissement direct
étranger horizontal avec la prise en compte du risque-pays : 0≤
 < a  c*  a  c  t 2  4 * G . La firme monopole réalise un IDE qui est motivé par l’accès
au marché étranger si et seulement si le risque- pays tel qu’il est mesuré (dans la sous-section
II.4) soit inférieur au seuil de rentabilité du projet d’IDE horizontal. Cette condition signifie que
la rente de monopole doit couvrir le coût lié au fait d’exercer à l’étranger, c’est-à-dire le coût du
risque pour qu’il investisse à l’étranger.

Le seuil de rentabilité du projet d’IDE horizontal dépend des paramètres suivants : c* le


coût variable dans le pays étranger, c le cout variable dans le pays domestique, t le coût
d’échange, β* l’élasticité prix/demande étrangère, et du coût d’installation de l’unité de
production. On peut donc affirmer que la condition de l’occurrence d’un IDE porte
principalement sur les coûts de l’investissement à l’étranger. Ce qui confirme le postulat
(McDonald et Siegel 1986) selon lequel l’investissement à l’étranger n’est possible que si et
seulement si les bénéfices excèdent les dépenses d’investissement d’une certaine quantité
positive. Meunier et Sologoub (2005) affirment que les opérations d’IDE dans les pays risqués
continuent à la seule condition que le rendement de l’investissement dépasse le risque.
En outre, étant donné que la firme monopole a deux choix pour réaliser l’IDE (soit
vertical, soit horizontal), elle décide d’effectuer un IDE vertical incité par le but de minimiser les
coûts à une seule condition telle que le profit de cet investissement direct étranger vertical
dépasse celui de l’investissement direct étranger horizontal ( ). Nous déduisons ainsi le
seuil de rentabilité de l’IDE vertical avec la prise en compte du risque-pays :
  a  c*  t  a  c 2  4G .

Ce modèle sur les facteurs déterminants de l’investissement direct étranger a montré


que la notion du « risque- pays » est primordiale dans les décisions de localisation des
activités des firmes. Mais la mesure du risque-pays demeure difficile à évaluer de telle sorte
qu’il n’est pas toujours considéré d’une manière objective. C’est pourquoi, il importe dans
cette recherche, d’expliciter les paramètres qui constituent le risque – pays, et de procéder à la
conception d’une méthode permettant d’expliquer ce concept et d’en suggérer une mesure
d’autant plus que notre étude porte sur des pays (ceux de l’Afrique subsaharienne sans
l’Afrique du Sud) présentant des caractéristiques, considérées a priori « à risque » par les
investisseurs directs étrangers potentiels2. C’est ce que nous allons développer dans la sous-
section suivante.

2
COLLIER et PATTILO (1999).

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