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Cours 2: Maximes conversationnelles

Cours 2: Maximes conversationnelles (Herbert Paul Grice)

Objectif d'une conversation: se faire comprendre

A- Maximes conversationnelles[1], de coopération, discursives, compétence rhétorico-


pragmatique (Catherine Kerbrat-Orecchioni) ou lois du discours (Oswald Ducrot)

Tout participant à un échange inscrit ses paroles dans un système défini par un ensemble de
principes conversationnels. C'est ce que Catherine Kerbrat-Orecchioni nomme la compétence
rhétorico-pragmatique des sujets parlants. À cet effet, Grice souligne deux éléments qui
interviennent systématiquement dans le processus : Y état mental (intentions des interlocuteurs
au moment de l'échange) et Y inférence (raisonnement déductif fait par le co-locuteur). Le
langage est utilisé ici en situation et doit être mis en relation avec certains éléments périphériques,
selon certains principes propres à chaque rencontre dialogale.

Grice définit le principe de coopération (CP) par la formulation suivante : "rendez votre


contribution conversationnelle telle qu’elle est requise, au moment où elle intervient, par les
objectifs ou directions acceptés de l’échange dans lequel vous êtes engagés. [Grice,
1967] autrement dit : « que votre contribution conversationnelle corresponde à ce qui est exigé de
vous, au stade atteint par celle-ci, par le but ou la direction acceptés de l'échange parlé dans lequel
vous êtes engagé ».

Les échanges de paroles  sont le résultat d'efforts de coopération  ; et chaque participant reconnaît
dans ces échanges (toujours jusqu'à un certain point) un but commun ou un ensemble de buts, ou
au moins une direction acceptée par tous. Ce but ou cette direction peuvent être fixés dès le départ
(par exemple par la proposition initiale de soumettre une question à la discussion), ou bien
peuvent apparaître au cours de l'échange ; ils peuvent être relativement bien définis, ou assez
vagues pour laisser une latitude considérable aux participants (comme c'est le cas dans les
conversations ordinaires et fortuites). Mais à chaque stade certaines manœuvres
conversationnelles possibles seraient en fait rejetées comme inappropriées du point de vue
conversationnel.

II est donc entendu que les interlocuteurs doivent mener l'échange, selon une entente explicite ou
implicite, pour arriver à un but commun : selon le principe de coopération, les interlocuteurs
doivent minimalement s'entendre sur le genre de leur conversation (négociation, menace, dispute,
etc.). Cette attitude de coopération linguistique mutuelle et immédiate fait dire à Grice que: 1.
Dans les échanges parlés typiques, il y a un but commun même si, lorsque deux voisins bavardent,
ce but commun est de second ordre : chacune des parties en présence doit momentanément
s'identifier avec les intérêts passagers de la conversation de l'autre.2. Les contributions des
participants doivent s'imbriquer et dépendre l'une de l'autre.

Exemple: Un échange a lieu alors qu’une mère (A) et son fils (B) sont présents en même temps
dans la maison, et qu’ils partagent un but commun qui est de maintenir la propreté de la maison.
En disant, par exemple « la poubelle est pleine », loin d’asserter un « constat » qu’on devrait
prendre au sens littéral, le locuteur A est supposé émettre une contribution qui participe à la
poursuite de ce but. C’est ainsi que B le comprend s’il en déduit qu’il lui est demandé de vider la
poubelle.
À partir du principe de coopération, Grice propose quatre règles sous-jacentes -quantité, qualité,
relation, modalité - regroupées sous l'appellation maximes conversationnelles. De ces règles
générales se détaillent des sous-règles plus spécifiques ; il s'agit de règles d'enchaînement qui ont
comme dénominateur commun de s'accorder avec le principe de coopération :

1- La maxime de Quantité (d'informativité ou d'exhaustivité) concerne la quantité d'information


qui doit être fournie, et on peut y rattacher les règles suivantes : 1. Que votre contribution
contienne autant d'informations qu'il est requis (pour les visées conjoncturelles de l'échange).2.
Que votre contribution ne contienne pas plus d'information qu'il n'est requis.

N'apportez pas d'information inutile. N'omettez aucune information importante. Ne soyez ni trop
ni trop peu informatif.

Une information insuffisante ou un manque d’information nuit à la  conversation, mais le


contraire, ce qui veut dire beaucoup plus d’information que nécessaire peut aussi nuire à la
conversation.

Exemple: quelqu'un vous demande de lui résumer un match de football. Il faut  paler, par
exemple, du score final, des joueurs, des moments les plus importants mais il ne faut pas lui
donner plus d'informations.

2- À la maxime de Qualité (de véridicité,  ou de sincérité- véracité de l'information ),  on peut


rattacher la règle primordiale : "Que votre contribution soit véridique", et deux règles plus
spécifiques :- "N'affirmez pas ce que vous croyez être faux."- "N'affirmez pas ce pour quoi vous
manquez de preuves."

N'apportez pas d'information que vous savez fausse ou incertaine.

Cela suppose que chaque participant à la conversation doit être sincère (dans le sens de ne pas
mentir! et de parler à bon escient, c’est-  à- dire d’avoir de bonnes raisons de dire ce qu’il dit et des
preuves pour soutenir ses dires.

Exemple: On ne doit pas beaucoup manger avant de dormir.

3- À la maxime de Relation (pertinence) je rattache donc une seule règle : "Parlez à propos". (Ne
soyez pas hors sujet.)

Exemple: Si on vous demande de parler de l'importance du sport, il ne faut parler de ça, c’est-à-
dire du sport seulement et de son importance et non pas d'autre chose.

4- Enfin, à la maxime de Modalité ou de manière (d’intelligibilité- perspicacité de l’information),


qui ne concerne pas, contrairement aux précédentes, ce qui est dit, mais plutôt comment on doit
dire ce que l'on dit, je rattache la règle essentielle : "Soyez clair" :- "Évitez de vous exprimer avec
obscurité."- "Évitez d'être ambigu."- "Soyez bref" (ne soyez pas plus prolixe qu'il n'est
nécessaire).- "Soyez méthodique."

Exemple : je suis ici depuis quelque temps. De préférence, il est plus juste de préciser le temps.
Dire, par exemple, je suis ici depuis cinq minutes.

Autres exemples de maximes conversationnelles  :

a- J’ai pris des vacances. b- le locuteur a pris des vacances.


a-  Où habite Ahmed, maintenant ?  Quelque part dans le nord. b- Le locuteur ne sait pas
exactement où Ahmed habite.

a- Je suis rentré chez moi, j’ai pris une soupe et je me suis couché .b- le locuteur a pris sa soupe,
et s’est couché, chez lui.

Catherine Kerbrat-Orecchioni suggère d'en ajouter d'autres qui sont complémentaires et nous
paraissent pertinentes dans l'esprit de nos recherches :

1. Une règle d'économie, qui veut que l'on choisisse de préférence, pour un contenu donné,
la formulation la plus simple et directe ; règle qui explique par exemple que lorsque le mot
correspondant existe, on évite d'utiliser une périphrase plus "coûteuse", à moins d'une intention
argumentative particulière.

2. Une exigence d'honnêteté, qui veut par exemple que l'on mentionne ses sources, dans les
travaux scientifiques bien sûr, mais aussi dans la parole quotidienne.

3. Une exigence de neutralité, qui veut que dans bien des situations discursives, on évite les
expressions trop évidemment orientées argumentativement, et que pour influencer l'opinion
d'autrui, on ait recours à des procédés plus discrets.

4. Une règle plus spécifique qui veut que si l'on est soi-même en mesure, parce que l'on en a eu
l'expérience directe, de porter un jugement sur un objet quelconque, on peut demander à autrui
son avis sous la forme "Comment as-tu trouvé ce film ?" mais non point sous la forme "II est bien
ce film ?", car un tel énoncé sous-entend automatiquement "je ne l'ai personnellement pas vu".

5. Une règle beaucoup plus générale qui veut que soient respectées toutes celles qui régissent les
interactions conversationnelles, et déterminent le fonctionnement des tours de parole, des paires
adjacentes et autres "échanges", des séquences d'ouverture et de clôture, etc. ; règles qui lorsqu'on
les estime transgressées peuvent faire l'objet d'un commentaire méta-communicatif.

Exemple résumant les maximes conversationnelles

Que pensez-vous des phrases suivantes?

A- Comment trouves-tu le climat aujourd'hui?

Beau.

B- Quel heure est-il?

C'est l'heure du Asr.

C- Auriez-vous une montre? (pouvez-vous m'indiquer l'heure?)

B- Les maximes conventionnelles, qui sont déclenchées par l’usage d’un mot ou d’une
expression particulière.

Exemples: Amine aussi attend son tour.

Même Mohamed a réussi à l'examen.


5 absences entraînent l'exclusion de l'étudiant.

Est-ce que tu m'aimes? - Je t'apprécie beaucoup (vs énormément).

a. Elle est pauvre mais honnête

b. Il y a un contraste entre pauvreté et honnêteté

c. # Elle est pauvre mais honnête, de toute façon ça n’a rien à voir d. Elle est pauvre et honnête.

Remarque: on substitue souvent le mot maxime à implicature ou implicitation car aux règles que
nous venons de décrire se rattachent des implicitations ou des implicatures.

Implicitation (ou implicature) conventionnelle et implicitation conversationnelle

Grice élabore sa théorie selon deux types d'implicitations : conventionnelle et conversationnelle.

Pour les implicitations conventionnelles, la forme de la phrase et le sens conventionnel des


mots servent de repères pour déterminer le sens ; ici, le contexte et la situation de communication
n'influencent pas l'interprétation. Les implicitations conventionnelles sont des implicitations
lexicales, au contraire des implicitations conversationnelles qui sont discursives et
pragmatiques.

Faisant appel aux mécanismes de la communication indirecte, ces dernières permettent de


communiquer au-delà de ce qui est dit par un moyen non conventionnel. Devant une implicitation
conversationnelle, le destinataire doit récupérer les contenus dérivés en démontrant, par son
raisonnement, sa connaissance des règles sous-jacentes.

Implicature scalaire

Dérivé de l’adjectif scalaire, le concept « scalarité » est surtout exploité en mathématiques et


en physique où une grandeur « scalaire » est décrite comme une grandeur qui est suffisamment
définie par sa mesure en fonction d’une certaine unité, par opposition aux grandeurs vectorielles
(cf. T.L.F.) :

Par ex. « 180km/h » est une grandeur scalaire par opposition à « 180km/h au nord » qui est une
grandeur vectorielle.

l'implicature est un type d'inférence[2].

Ce type d’implicature, qui remonte à la maxime de quantité, est appelé « implicature scalaire » :
les affirmations plus faibles et plus fortes forment une échelle logique (certains– tous les).

En sémantique, le terme « scalaire » a été associé non seulement à des prédicats mais aussi à
des déterminants, des adjectifs, des noms ainsi qu’à des expressions adverbiales gradables.

 a. Paul a trois enfants

Paul a moins de trois enfants


b. Max s’est fâché avec beaucoup de ses collègues

c. Cet étudiant a fait un bon devoir

Notion d’alternatives scalaires (échelle de Horn[3]): un ←quelques ←beaucoup ←tous

(1)a. Jacques a rencontré Pierre ou Paul.


b. Jacques n’a pas rencontré à la fois Pierre et Paul.
(2)a. Jacques a lu quelques-uns des livres au programme.
b. Jacques n’a pas lu tous les livres au programme.
(3)a. Ce compositeur a du talent
b. Ce compositeur n’a pas de génie
(4)a. Paul n’a pas lu tous les articles de Grice
b. Paul a lu quelques articles de Grice
(5)a. Il est possible que Jacques vienne
b. Il n’est pas certain que Jacques vienne
(6)a. Il n’est pas certain que Jacques vienne
b. Il est possible que Jacques vienne

a. Il faut avoir fait la moitié des exercices pour réussir l’examen. b. Il suffit d’avoir fait la
moitié des exercices pour réussir l’examen.

a. L’eau est chaude. b. L’eau n’est pas brûlante.


Qualifier ces inférences d’implicatures, c’est, tout d’abord, admettre que les phrases en b. ne sont
pas des conséquences logiques des phrases en a. , mais plutôt que ces inférences sont le résultat
d’un processus pragmatique.

Exercice d’application

Dans chacune des paires de phrases suivantes,

La phrase  a) tend à déclencher l’inférence que la phrase b) est vraie (admettez-‐le même si vos
propres intuitions ne sont pas claires).En supposant que <bon, excellent> forme une échelle,
expliquez comment ces faits peuvent être prédits.

Pour chaque cas, dites si la phrase  b) suit de a) comme implicature scalaire ou comme
conséquence logique.(1)a. Marie est une bonne étudiante b. Marie n’est pas une étudiante
excellente(2) a. Pour suivre cette formation, il faut être un bon étudiant b. Pour suivre cette
formation, il n’est pas nécessaire d’être un étudiant excellent (il suffit d’être un bon étudiant). (3)
a. Jacques n’est pas un bon étudiant b. Jacques n’est pas un étudiant excellent(4) a. Les bons
étudiants ont tous assisté à la conférence b. Les étudiants excellents ont tous assisté à la
conférence(5) a. Les étudiants excellents ont tous assisté à la conférence b. Les bons étudiants
n’ont pas tous assisté à la conférence II. L’interprétation du pluriel(1) Marie a vu des chevaux(1)
semble fausse dans le cas où Marie a vu un seul cheval. (2) a. Marie n’a pas vu de chevaux b. Il
est impossible que Marie ait vu des chevaux Dans (2) a et (2) b, chevaux et des chevaux ne sont
cependant pas interprétés comme signifiant plusieurs chevaux; en effet, ces phrases affirment,
respectivement, que Marie n’a vu aucun cheval, et qu’il est impossible que Marie ait vu un ou
plusieurs cheval. Hypothèse: Le sens littéral de (1) est «Marie a vu un ou plusieurs chevaux»,
mais des entre en compétition systématique avec un, interprété comme signifiant exactement un
(c'est-‐à-‐dire un et pas plus d’un), et la lecture plurielle est en fait une implicature.

[1] Les maximes conversationnelles sont respectées lorsqu'il y a équivalence entre ce qui est dit et
ce qui est communiqué. Cette équivalence débarrasse la communication de son aspect implicite.
En linguistique, conversation est « une forme prototypique et représentative du fonctionnement
général des interactions verbales, qui implique un nombre relativement restreint de participants,
dont les rôles ne sont pas prédéterminés, qui jouissent tous en principe des mêmes droits et
devoirs (interaction de type «symétrique »), et qui n’ont pas d’autre but avoué que le seul plaisir
de converser ; elle a enfin un caractère familier, et improvisé : thèmes abordés, durée de
l’échange, ordre des prises de tours, tout cela se détermine au coup par coup.»

[2] Pour Kerbrat-Orecchioni, la notion d’«inférence » désigne : «Toute proposition implicite que


l’on peut extraire d’un énoncé, et déduire de son contenu littéral en combinant des informations
de statut variable (internes ou externes). (L’implicite, 1986. 24). Selon Ducrot, l’inférence est la
relation qui existe entre un fait et la production d’un énoncé.

[3] Laurence Horn est un linguiste américain, professeur de linguistique à l'Université Yale. Il a


obtenu son Doctorat en 1972 à l'UCLA. Il est spécialisé dans les domaines de la pragmatique, de
la syntaxe et du genre en linguistique.

Modifié le: dimanche 18 avril 2021, 08:54

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