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application La métamorphose du contrôle de gestion

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La métamorphose du contrôle de gestion

Il y a un peu plus de vingt ans, le contrôle de gestion des managers sur la préparation de l’avenir de la
a été très violemment critiqué. Les méthodes tradi- société en sus de l’optimisation des résultats à court
tionnelles de comptabilité analytique sont alors terme et à leur permettre de piloter la performance
montrées du doigt pour leur incapacité à rendre financière et non financière. Parallèlement, les
compte correctement de la réalité complexe des capacités de stockage et de traitement de l’infor-
organisations. Le conservatisme sous-jacent au mation, ainsi que ses modes de collecte et de
contrôle budgétaire est opposé aux besoins de flexi- diffusion ont vécu une véritable révolution, rendant
bilité et de réactivité des entreprises – budgets trop possible la personnalisation des outils en fonction des
souvent établis en fonction des réalisations passées, besoins des contrôleurs et des managers.
prévisions élaborées en début d’année non adaptées Les spécialistes militent depuis lors pour que le contrôle
aux réalités de l’environnement. Il est reproché au de gestion, historiquement vécu comme un processus
suivi des réalisations de focaliser l’attention sur le de suivi et de surveillance, se métamorphose en un
court terme et de favoriser ainsi le report sine die processus de pilotage vers la performance économique.
d’actions au coût immédiat mais aux retombées Le contrôleur de gestion est présenté comme devant
positives sur le long terme. Quant à la performance, animer ce processus. Il est alors décrit comme respon-
elle n’est souvent appréhendée qu’au travers d’indica- sable, non plus seulement de la mise en place des
teurs financiers alors que la qualité, les délais, outils adéquats, de la collecte, du traitement et de la
l’innovation, l’image de marque constituent des diffusion de l’information, mais aussi de l’adaptation
vecteurs de la compétitivité parfois plus importants constante des raisonnements aux besoins des
que les coûts. managers, de l’incitation de ces derniers à prendre en
Depuis, les outils du contrôle de gestion ont connu un compte dans leurs décisions les informations et
étonnant développement avec notamment l’apparition analyses disponibles, etc. L’idée est que le contrôle de
et la diffusion de l’activity based costing, de l’activity gestion, par la pertinence et la richesse des informa-
based management, du balanced scorecard, du rolling tions produites et des analyses réalisées, participe au
forecast. Ces outils ont vocation à attirer l’attention quotidien aux réflexions, décisions et actions des

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CHAPITRE 1 – Le contrôle de gestion et le contexte de gestion

managers, quel que soit leur niveau hiérarchique. Notre nouvelle modalité d’influence, l’aide à la décision, qui se
questionnement porte sur l’ampleur de cet important juxtapose aux modes traditionnels d’orientation des
changement d’orientation et sur ses conditions de comportements par la fixation des objectifs et le suivi des
réalisation : quelle est la réalité du terrain ? à quelles réalisations. Textes académiques et manuels sont
conditions le contrôleur de gestion d’une entreprise rapidement tous d’accord : la mission du contrôleur de
donnée parvient-il à se positionner en conseiller ? gestion doit comprendre une activité de conseil qui
comment obtenir une participation optimale des permette aux managers d’enrichir leurs interprétations de
managers et de la direction de l’entreprise au processus la réalité – que se passe-t-il ? quels sont les points forts
de contrôle de gestion ? et points faibles actuels ou à venir de l’organisation ? sur
L’enjeu est celui de la pertinence et de la légitimité du quels leviers est-il possible d’agir ? pour quel impact
processus et du métier. Les professionnels ont besoin potentiel ? – et les aide ainsi à préparer leurs décisions.
de prendre du recul par rapport au contrôle de Mais quelle est donc aujourd’hui la réalité du terrain ? Le
gestion qu’ils vivent au quotidien : réfléchir à l’écart métier a-t-il évolué comme le prescrivent les écrits ?
éventuel entre ce que leur apporte leur contrôleur et Plusieurs conceptions du métier. Les quelques études
ce qu’il pourrait leur apporter, s’interroger sur leur portant sur le métier de contrôleur de gestion en
propre participation à ce processus, mesurer en quoi France mettent en évidence que coexistent aujourd’hui
leur comportement favorise ou gêne le changement. plusieurs conceptions dans les entreprises. Ainsi, sur
Quant aux contrôleurs et aux directions financières, il un échantillon de 139 professionnels, 65 % des
leur faut prendre conscience des compétences à contrôleurs exercent effectivement une activité de
maîtriser et des comportements à adopter pour que le conseil et d’aide à la décision, mais la fonction des
processus prenne tout son sens. 35 % restants continue à relever de la conception
Le contrôleur et le conseil classique du métier en se focalisant sur des missions de
définition du système de gestion, d’adaptation des
Le processus de contrôle de gestion a et a toujours eu
outils aux besoins des opérationnels et de traitement
pour vocation d’orienter le comportement de
des données budgétaires. L’analyse des postes montre
l’ensemble des managers de l’entreprise vers la réali-
que les premiers, les conseillers, remplissent toutes les
sation des objectifs stratégiques.
missions des seconds, les techniciens, plus des missions
Ainsi, Anthony l’a défini comme « le processus par de conseil. (Voir tableau plus bas.)
lequel les managers s’assurent que les ressources sont
Des missions de conseil très diversifiées. La
obtenues et utilisées, effectivement et efficacement,
description, par les contrôleurs de gestion que nous
pour atteindre les objectifs de l’organisation ».
avons rencontrés, des missions de conseil qu’ils
L’influence attendue sur les managers s’appuie sur la
remplissent montre que celles-ci peuvent prendre des
pression qui résulte de la fixation des objectifs et du
formes très diverses. Pour le directeur du contrôle de
suivi régulier des réalisations discutées au moins en
gestion d’une grande société, « un bon contrôleur de
fin d’année avec le supérieur hiérarchique de chacun
gestion-conseiller est dérangeant, il “challenge” les
d’entre eux. Dans ce cadre traditionnel, le contrôleur
managers pour lesquels il travaille ». « Mon manager
de gestion est surtout un centralisateur, un analyste,
me demande d’être son bras droit et pour cela d’être
un producteur et un diffuseur d’informations. Il
son poil à gratter », nous indique un autre contrôleur.
organise l’animation du processus d’élaboration du
C’est ainsi, au travers des questions qu’il pose et par
budget à travers lequel les objectifs et les moyens de
la prise de recul qu’il suscite chez les managers, qu’un
chaque service sont définis. Il met aussi à la dispo-
contrôleur pourrait exercer sa mission de conseil.
sition des managers des informations standardisées
Il la remplit aussi, bien entendu, en apportant des
qui leur permettent de suivre leurs réalisations et
réponses au moyen d’études ponctuelles permettant
celles de leurs collaborateurs. Pour remplir ces
de formuler des recommandations, par exemple :
missions où la surveillance est importante, il se doit
de faire vivre le système d’information adéquat. • simulations (quelles seront les conséquences de cet
investissement ?) ;
En 1988, lorsqu’Anthony révise sa définition, il présente
le contrôle de gestion comme « le processus par lequel les • projections (quel prix pouvons-nous pratiquer pour
managers influencent d’autres membres de l’organi- cette commande particulière ? Quelle est la rentabilité
sation pour mettre en œuvre les stratégies de l’organi- potentielle de ce projet de création d’un nouveau site
sation ». Plus large, cette définition ouvre la porte à une de production ?) ;

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CHAPITRE 1 – Le contrôle de gestion et le contexte de gestion

• analyses d’écart (pourquoi le coût d’une opération managers exige nécessairement qu’il soit à même de
donnée dérape-t-il ? pourquoi les ventes de ce produit remplir cette fonction, c’est-à-dire qu’il soit intéressé
sont-elles à ce niveau et comment les améliorer ?) ; et compétent. En termes de compétences, les
• audits (le système de rémunération des vendeurs conseillers accordent plus d’importance que les
qui vient d’être mis en place est-il performant ? a-t-il techniciens à des qualités comme la capacité
des effets pervers ? combien coûte la gestion de la d’analyse et de synthèse, la rigueur et la précision,
non-qualité ? ce coût pourrait-il être réduit ? le qualités dont on pressent intuitivement en quoi elles
processus pourrait-il être plus efficace ?). contribuent à la valeur des travaux réalisés en matière
Enfin, le rôle de conseiller passe souvent par la mise de conseil. De même, le respect des engagements,
en perspective d’informations produites par divers indispensable à la confiance, ressort comme une
services : compétence plus particulièrement utile aux
• réalisation régulière d’une synthèse faisant le lien conseillers. Enfin, l’étude souligne la nécessité de
entre les coûts et la qualité ; maîtriser des compétences relationnelles comme le
• benchmark (comparaison des réalisations de l’entité sens du contact, l’écoute, la pédagogie, la capacité à
à celles d’entités similaires internes ou extérieures au convaincre et la capacité à travailler en groupe. Il
groupe) ; s’agit d’être apte à comprendre les besoins, attentes
• participation à des réunions transversales sur la et questionnements du manager sans les déformer, à
gestion des matières premières, le contrôle qualité. obtenir des clarifications lorsque nécessaire, mais
aussi à faire passer les informations, les messages, les
Du fait de la richesse des apports potentiels de cette
raisonnements que l’interlocuteur a parfois du mal à
fonction de conseil, son absence dans de nombreux
entendre.
postes ne peut qu’interpeller. Dans certains cas, elle
Mais ce positionnement exige également d’avoir fait
s’explique par le fait que l’entreprise où travaille le
la démonstration de son utilité. “On arrive avec
contrôleur-technicien n’évolue pas dans un environ-
l’étiquette de comptable, ce qui n’est pas très positif,
nement assez complexe et assez changeant pour
et avec l’étiquette de contrôleur, c’est-à-dire
rendre inopérant le contrôle de gestion traditionnel.
d’empêcheur de tourner en rond. Il faut donc d’abord
L’existence fréquente, notamment au sein de grandes
expliquer en quoi on a le droit d’être là, montrer qu’on
entreprises, de postes de contrôleurs de gestion
pose les bonnes questions, qu’on s’intéresse à ce qu’ils
complémentaires les uns des autres est une autre
font”, nous dit un contrôleur de gestion qui
explication de la permanence de postes de techni-
commence à percevoir, après un an d’effort, les fruits
ciens.
de son investissement auprès des opérationnels. En
Mais l’existence actuelle de postes traditionnels, fait, il apparaît indispensable de créer la confiance
malgré les critiques dont ils ont fait l’objet, s’explique par la pertinence des questions posées et par la
aussi par d’autres facteurs. Un manque de connais- qualité des apports, tant sur le fond que sur la forme.
sance des nouvelles orientations possibles du métier, Le plus long est assurément de susciter le besoin en
tant du côté des contrôleurs que de la direction, peut faisant la démonstration de l’intérêt de ce qui peut
se trouver ici ou là. Mais c’est plutôt du côté des résis- être apporté, et de rassurer en démontrant quotidien-
tances au changement qu’il faut rechercher les causes nement que les informations et analyses menées par
de cette situation : inquiétude des dirigeants et les contrôleurs de gestion ne contraignent pas les
managers envers un contrôle de gestion moins stric- décisions mais au contraire enrichissent le champ des
tement délimité, pouvant s’immiscer plus largement possibles en permettant d’argumenter, de considérer
dans les décisions à prendre et, finalement, restreindre les avantages et inconvénients des alternatives
leur espace de liberté ; inquiétude des contrôleurs de envisagées, de mieux comprendre progressivement
gestion face à de nouvelles compétences à acquérir et sur quels leviers agir, d’explorer de nouvelles idées. Ce
de nouvelles responsabilités à assumer. En fait, il n’est que progressivement que l’attention portée aux
apparaît qu’avant de se positionner comme conseiller, questionnements et aux informations produites par le
le contrôleur de gestion doit réussir à faire ses contrôleur augmente et que ses interlocuteurs
preuves, auprès des décideurs et sans doute aussi à s’approprient de nouveaux raisonnements. “On sent
ses propres yeux. qu’on est en train de réussir quand des sujets
La force des efforts quotidiens. Le positionnement étrangers à la culture usine deviennent des sujets de
du contrôleur de gestion comme conseiller des discussion courants”, indique un contrôleur de

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CHAPITRE 1 – Le contrôle de gestion et le contexte de gestion

gestion industriel. Un autre se félicite de voir des temps et en heure et donc que les informations et
opérationnels commencer à le solliciter sur toutes analyses produites soient utilisées par ces derniers. En
sortes de sujets. matière de qualité de l’information véhiculée et
Cette étape de transition requiert du contrôleur de traitée dans le cadre du processus, les managers
gestion maîtrise de son métier et bonne connaissance jouent un rôle déterminant. La définition du système
de l’activité des différents managers pour lesquels il de contrôle de gestion et la mise en place d’outils
travaille. Elle requiert également du temps. Pour comme la méthode ABC ou les tableaux de bord
prendre du recul par rapport aux chiffres produits. nécessitent une réflexion des managers sur les
Pour s’informer des projets dans l’air, trouver des facteurs de coûts et de performance et un échange de
angles d’éclairage intéressants. Pour observer les qualité avec les contrôleurs de gestion chargés de
pratiques du terrain. Le contrôleur de gestion d’une développer ces outils. De plus, les outils du contrôle
entité dont le dirigeant lui avait signifié qu’il de gestion doivent être nourris régulièrement par les
souhaitait le voir devenir son bras droit s’est vu fixer la informations détenues par les uns et les autres. Seul
première année, parmi ses objectifs annuels, celui de ce “partage” de l’information permet d’interpréter
réserver au moins 20 % de son temps à réfléchir et correctement certains faits constatés.
élaborer des propositions. Il estime aujourd’hui que Par exemple, un écart sur le coût des matières
cette décision a été déterminante pour l’établis- premières consommées peut provenir d’une erreur de
sement de la confiance du dirigeant et, par là, pour la manipulation ou d’un manque de motivation des
réussite de son positionnement. À l’inverse, le opérateurs (renseignements détenus par le chef
contrôleur d’un grand groupe s’est plaint d’un retour d’atelier), d’un dysfonctionnement des machines sur
involontaire vers un poste de technicien faute de lesquelles ces matières ont été travaillées (donnée
temps. Il expliquait ce fait par le développement du connue du responsable de la maintenance) ou encore
reporting imposé par le nouveau dirigeant du groupe de matières non conformes à la qualité requise ou
qui noyait les contrôleurs de gestion dans du travail d’un coût unitaire supérieur au coût prévu (infor-
récurrent et les empêchait ainsi de poser les bonnes mation en provenance du service achat). Travailler
questions et d’apporter tout éclairage aux managers avec les uns et les autres permet au contrôleur, mais
de leurs divisions respectives. aussi et surtout aux managers, de comprendre la
Ainsi, un positionnement de conseiller ne se décrète réalité qui se cache derrière les chiffres.
pas. Ce n’est que petit à petit que la confiance peut se Ainsi, la participation des managers dans le processus
créer, que des relations de partenariat peuvent de contrôle de gestion – tant comme fournisseurs
s’instaurer. Beaucoup de temps peut être gagné dès d’informations que comme utilisateurs du résultat du
lors que le manager est conscient du rôle que son traitement et interprétation de l’ensemble des infor-
contrôleur de gestion peut jouer et nous ne pouvons mations – est indissociable de la qualité du
que conseiller aux décideurs de régulièrement s’inter- processus de contrôle de gestion lui-même et favorise
roger sur l’étendue de ce que leur apporte effecti- l’interprétation et la compréhension de la réalité.
vement leur contrôle de gestion par rapport à ce qu’il Malheureusement, cette participation n’est pas
devrait idéalement leur apporter et de faire part de spontanée. Ainsi, la tentation d’aménager les infor-
cette réflexion à leur contrôleur. mations détenues avant de les transmettre aux
De même, la participation des managers au contrôle contrôleurs de gestion ou aux managers est parfois
de gestion ne se décrète pas. On comprend que des trop forte. L’exemple des ingénieurs d’affaires ou des
managers gardent certaines informations pour eux. consultants qui, pour ne pas faire apparaître de malus
On comprend qu’ils souhaitent ne pas accorder trop sur leurs réalisations, n’affectent pas les consomma-
d’attention à des informations et des raisonnements tions excédentaires sur l’affaire à laquelle elles se
dont ils ne sont pas forcément familiers. Pourtant, rapportent mais sur une autre affaire capable de les
cette participation est de leur intérêt. absorber discrètement le montre bien. On constate le
La participation des managers même phénomène dans l’élaboration des budgets où
les managers consultés sont parfois (souvent ?)
Que le contrôleur de gestion exerce ou non des soupçonnés d’exagérer leurs besoins tout en étant
activités de conseil, son travail n’a de valeur que s’il frileux sur leurs potentiels de recettes. Par ailleurs, les
aide véritablement les membres de la direction et les managers peuvent tout à fait n’accorder que peu
managers à prendre des décisions pertinentes en d’attention aux informations émanant du contrôle de

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CHAPITRE 1 – Le contrôle de gestion et le contexte de gestion

gestion et fonder leurs décisions sur de tout autres L’impact du comportement du contrôleur. Avant
éléments. Quels sont donc les facteurs susceptibles de toutes choses, les contrôleurs de gestion doivent être
favoriser cette participation ? conscients de l’impact que l’image du contrôle de
L’influence des supérieurs hiérarchiques. Aucune gestion a sur la participation des managers au
étude ne l’a encore confirmé statistiquement à notre processus. Quelques constats dans ce sens ont ainsi
connaissance, mais l’usage que font du contrôle de été mis en évidence : plus le processus mis en œuvre
gestion les supérieurs hiérarchiques d’un manager par un contrôleur-technicien est perçu comme un
est, aux yeux de contrôleurs, une variable d’influence « carcan », moins les managers utilisent ses informa-
importante de la participation de ce manager au tions pour la gestion quotidienne de leur service ; en
contrôle de gestion. Le fait qu’un responsable appuie revanche, plus ils comprennent le contrôle de gestion
explicitement nombre de ses réflexions et décisions animé par un contrôleur-conseiller comme un
sur l’éclairage apporté par le contrôleur de gestion processus « fournisseur d’information », plus ils
incite généralement ses adjoints à en faire autant. utilisent les informations qui en résultent pour la
gestion quotidienne de leur service ; enfin, plus ils le
Au contraire, il suffit qu’un responsable utilise le perçoivent comme un « conseil/soutien », plus ils
contrôle de gestion pour mettre une pression s’impliquent dans « la transmission d’informations »
exagérée sur les services qu’il dirige, ou pour systéma- de gestion. L’image du contrôle de gestion apparaît
tiquement refuser l’octroi de nouvelles ressources, donc comme un de ses facteurs sur lequel il convient
pour que ses collaborateurs aient tendance à d’agir. Ces relations sont logiques : les managers ne
percevoir ce processus plus comme une contrainte sont tentés d’utiliser les informations produites et
que comme un soutien dans leurs fonctions, quels transmises par le contrôleur de gestion que s’ils les
que soient les compétences et les efforts réalisés par jugent aptes à les aider dans leurs missions ; de
le contrôleur. même, ils ne perçoivent l’intérêt de transmettre des
De même, la latitude que le supérieur hiérarchique informations de qualité que lorsque le processus leur
laisse à ses collaborateurs joue manifestement un paraît utile ; tout jugement négatif, toute réticence à
rôle direct sur leur participation au processus. l’égard du processus en général constituerait au
Plusieurs contrôleurs de gestion interrogés regrettent contraire un frein à l’utilisation et à la transmission
que de grands directeurs interviennent trop souvent des données.
sur des décisions théoriquement du ressort de leurs Or, à l’évidence, le comportement du contrôleur de
collaborateurs. Le manager a alors le sentiment qu’il gestion en matière de communication influence
est inutile qu’il explore plusieurs alternatives ou l’image du processus. Un directeur du contrôle de
prépare, avec son contrôleur, des décisions ambitieuses. gestion mettait ainsi récemment en garde les
Au contraire, deux contrôleurs ont souligné l’excessif membres de son équipe sur l’impact négatif de la
non-interventionnisme des dirigeants de leurs entités solution de facilité qui consiste, lorsqu’une infor-
respectives. Certains indicateurs – concernant exclu- mation désagréable tombe de la direction (exemple :
sivement la R&D pour l’un des contrôleurs concernés baisse du budget d’un service), à se détacher de la
et tous les services de l’entreprise de l’autre – restent décision et à refuser toute discussion (« moi je n’y suis
immuablement dans le rouge sans qu’aucune pour rien, c’est comme ça »). Il prônait au contraire
décision ne soit prise pour les améliorer. La hiérarchie d’apporter toute explication susceptible d’aider à
du responsable direct des réalisations en cause l’acceptation de cette information. Dans le même
n’intervenant pas, ni en cours ni en fin d’exercice, ce sens, il apparaît que plus les contrôleurs de gestion
dernier n’est pas incité à s’intéresser à ces signaux pratiquent une forme de communication dite ouverte,
d’alerte et à chercher des solutions. Les deux contrô- plus l’image du contrôle de gestion est positive. Ce
leurs de gestion ressentent cette situation comme type de communication consiste ici à s’entretenir avec
échappant totalement à leur pouvoir d’influence. le manager au travers de questions ouvertes afin de
L’évolution des pratiques de certains directeurs mieux comprendre sa situation et ses réticences, à
apparaît ainsi aux yeux de contrôleurs comme une rechercher des solutions avec lui, et à lui expliquer
condition du développement de la participation des l’importance de l’information demandée ou du
managers au contrôle de gestion. Mais le compor- raisonnement proposé. Au contraire, plus des formes
tement du contrôleur lui-même n’est pas en reste. de communication fermée sont utilisées par le
contrôleur (exemple : la demande maintes fois

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CHAPITRE 1 – Le contrôle de gestion et le contexte de gestion

réitérée, l’appel à la hiérarchie), plus les managers pation des managers est essentielle. La volonté et le
perçoivent le contrôle de gestion comme un carcan ou comportement de la direction de l’entreprise, l’image
un organe de surveillance. Malheureusement, la du contrôle de gestion, ainsi que le comportement du
communication orale ouverte n’est pas un compor- contrôleur en matière de communication orale et son
tement naturel et nécessite un apprentissage positionnement comme conseiller sont autant de
spécifique, complémentaire aux techniques du variables clés qu’il appartient aux professionnels de
contrôle de gestion habituellement dispensées dans gérer au quotidien… et aux formateurs d’intégrer aux
les programmes de formation à ce métier. programmes proposés. Du côté des managers, quel
En conséquence, le comportement du contrôleur de que soit leur niveau hiérarchique, il est essentiel de
gestion comme celui du supérieur hiérarchique du comprendre que le contrôle de gestion doit être un
manager apparaissent comme des facteurs qui processus de soutien dans l’exercice de leurs
influencent la participation du manager au contrôle fonctions. Il ne faut pas hésiter à être demandeur,
de gestion. Le positionnement du contrôleur comme c’est-à-dire à soumettre des projets, des questionne-
conseiller, un des axes de développement du métier, ments aux contrôleurs et à solliciter d’eux un
permet également d’associer plus étroitement les éclairage. Ce n’est qu’ensemble que managers et
managers. contrôleurs de gestion continueront de faire
Ainsi, le métier de contrôleur de gestion a évolué progresser le contrôle de gestion pour en faire vérita-
depuis une vingtaine d’années dans sa conception blement un outil de pilotage au seul service des
même, passant d’un rôle de fournisseur d’information décideurs.
à celui d’animateur d’un processus auquel la partici-

Les points forts


• Autrefois cantonné à un rôle technique de traitement des données et perçu comme un outil de sur-
veillance, le contrôle de gestion évolue vers une mission de conseil.
• Les managers, à la fois fournisseurs et utilisateurs d’informations, jouent un rôle déterminant dans la
qualité du processus. Mais leur participation n’est pas donnée.
• La détermination des dirigeants, l’image de la fonction, le comportement du contrôleur lui-même
sont des éléments essentiels de la réussite de cette transformation.

UNE TYPOLOGIE DES POSTES DE CONTRÔLEURS DE GESTION EN FONCTION DE SES MISSIONS

Contrôleur de gestion — Contrôleur de gestion —


Missions
 technicien  conseiller
Définition du système de gestion et contrôle X X
du respect des procédures
Adaptation des outils de gestion aux besoins X X
des opérationnels
Traitement des données budgétaires X X
Conseil opérationnel X
Conseil stratégique X
A. Godener, M. Fornerino, « La métamorphose du contrôle de gestion »,
L’Expansion Management Review, déc. 2005.

QUESTION
Dégager les idées essentielles à retenir pour un gestionnaire contemporain.

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