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CHAPITRE XVI : Bactériologie bucco-dentaire

1. La flore buccale
1.1. Principales espèces de la flore bucco-dentaire
1.2. Evolution de la flore en fonction de l'âge
1.3. Flores normales et pathologiques des différents sites : langue, muqueuse jugale,
salive
1.4. Flores normales et pathologiques des différents sites : dent et plaque dentaire
1.5. Composition de la flore bactérienne de la plaque dentaire

2. La plaque dentaire
2.1. Genèse de la plaque
2.2. Rôle de S. mutans dans la carie dentaire
2.3. S. mutans : facteurs de virulence
2.4. S. mutans : liaison à la surface de la dent
2.5. Particularités des caries de la racine dentaire
2.6. Sucres de subsitution et carie
2.7. Rôle des fluorides sur les bactéries cariogènes
2.8. Prévention de la carie sur le plan bactériologique

3. Bactériologie des infections parodontales


3.1. Parodontites
3.2. Stomatites et parodontites

La cavité buccale est un carrefour aéro-digestif où transitent en permanence les aliments et


l’air contaminés par les microorganismes de l’environnement. Il n’est donc pas étonnant
qu’une flore commensale très abondante soit associée aux muqueuses buccales et aux
sécrétions salivaires. Cette flore se trouve en quantité particulièrement abondante au contact
des dents, formant un microfilm sur l’émail dentaire (la “plaque dentaire” qui contient
environ 108 bactéries par mg et pullule dans le sillon alvéolo-dentaire (1010-1011 bactéries
par ml). La majorité des infections de la cavité buccale est d’origine dentaire, à partir des
bactéries de la plaque dentaire qui donnent une lésion creusante et destructrice (la carie), ou
de celles de la flore du sillon gingivo-dentaire qui envahit le parodonte (parodontites).

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Chapitre XVI – Bactériologie bucco-dentaire

1. La flore buccale

La flore du milieu buccal est très riche et diversifiée et l’on y a dénombré jusqu’à 200
espèces différentes. Toutefois, la flore commensale "résidente" comporte une vingtaine
d’espèces qui sont retrouvées régulièrement. Cet écosystème est soumis à l’influence d’une
série de paramètres qui y régissent un équilibre facilement rompu.

• Certains sites sont plus favorables à certaines espèces. Par ex. Streptococcus sanguis se
trouve essentiellement sur les dents alors que S. salivarius réside préférentiellement sur
les muqueuses jugales et linguales. L'adhérence des bactéries joue un rôle important à
ce niveau : elle est variable suivant les espèces et les surfaces. S. sanguis adhère à la
surface dentaire, S. salivarius à la langue, les Neisseria adhèrent peu. Les Veillonella
surtout à la langue. La formation de polysaccharides joue également un rôle dans
l'adhérence aux dents.

• Le type d'alimentation influence la flore, l'abondance de saccharose entre autres.

• L'effet tampon de la salive maintient un pH relativement constant. Cependant,


localement, le pH peut varier davantage: dans la plaque dentaire, la présence de
beaucoup de sucres fermentescibles abaisse le pH et favorise les bactéries acidophiles.

• L'anaérobiose joue un rôle : les bactéries anaérobies strictes sont davantage


représentées si le potentiel redox est suffisamment bas (il y a par ex. 16% d'O2 sur la
langue antérieure et seulement 3-4% au niveau des replis maxillaire et mandibulaire). Au
niveau du rebord gingival le potentiel redox est de +75 mV alors que, dans les poches, il
descend jusqu'à -50 mV. Dans la plaque dentaire la réduction s'opère progressivement ;
après 7 jours elle peut atteindre -142 mV et les anaérobies vont prédominer.

• Les interactions microbiennes peuvent se marquer par une synergie ou un antagonisme.


Certaines espèces élaborent des métabolites utilisés par d'autres : les Veillonella utilisent
l'acide lactique produit par des germes acidifiants. On a remarqué que des rats axéniques
colonisés par des streptocoques cariogènes faisaient moins rapidement des caries en
présence de Veillonella parce que l'acide lactique était partiellement consommé.
Porphyromonas gingivalis trouve de l'hémine dans le sillon gingival, la vitamine K étant
synthétisée par d'autres bactéries. Il existe aussi des antagonismes, entre autres par

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production de bactériocines. C'est le cas de S. sanguis qui élabore des bactériocines


actives sur d'autres streptocoques (par ex. S. mutans), des lactobacilles et des
actinomycètes.

1.1. Principales espèces de la flore bucco-dentaire

Cocci Gram +
Parmi les microcoques et les staphylocoques, seul Micrococcus mucilaginosus, récemment
dénommé "Stomatococcus mucilaginosus" occupe une place de quelque importance.

Les autres espèces appartiennent essentiellement au genre Streptococcus et aux Cocci


anaérobies. Les streptocoques hémolytiques ne sont présents que de manière irrégulière, le
plus souvent liés à une pathologie. Les espèces non-hémolytiques et "viridans" par contre,
font partie de la flore résidente et y occupe une des premières places. A côté de souches
difficilement classables, on peut distinguer 5 espèces bien individualisées :

S. mitis, très abondant.


S. salivarius, producteur de levanes (fructanes) à partir du saccharose. C'est une
espèce qui prédomine dans la salive.
S. mutans dont on reconnaît actuellement 7 sérotypes, produit des polymères
solubles et insolubles à partir du saccharose (dextranes, mutanes) qui jouent un
rôle important dans la formation de la plaque dentaire.
S. sanguis produit également des dextranes. C'est une espèce fréquemment
impliquée dans l'endocardite lente.
S. milleri est surtout présent au niveau du sillon gingival.
Les Peptococcus et les Peptostreptococcus sont des espèces anaérobies abondantes
dans la cavité orale.

Cocci Gram -
Ils sont représentés par les Neisseria, aérobies et les Veillonella, anaérobies souvent très
abondantes.

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Bacilles Gram +
La plupart des espèces sont anaérobies, strictes ou préférentielles, ou microaérophiles.
Beaucoup ont une morphologie pléomorphe, filamenteuse.

Les Actinomyces y occupent une place importante : A. israelii, A. naeslundii, A. viscosus et


A. odontolyticus. Rothia dentocariosa et Corynebacterium matruchotii sont moins nombreux.
On trouve également des Lactobacillus, Bifidobacterium, Eubacterium et Propionibacterium.

Bacilles Gram -
Parmi les aérobies, Haemophilus influenzae et H. parainfluenzae sont généralement présents
dans la bouche. Les espèces anaérobies les plus importantes appartiennent aux genres
Fusobacterium (surtout F.nucleatum) et Bacteroïdes, Porphyromonas ou Prevotella. Ce sont
les bacilles pigmentés (groupe "melaninogenicus") et en particulier Porphyromonas gingivalis
qui sont souvent impliqués en pathologie bucco-dentaire.
Les Capnocytophaga et les Actinobacillus sont aussi à ranger dans les espèces à Gram
négatif, microaérophiles.

Autres germes
Des spirochètes tels que Treponema denticola et d’autres, des Candida et de rares
protozoaires peuvent également être rencontrés.

1.2. Evolution de la flore en fonction de l’âge

La flore se diversifie avec l’âge. Six heures environ après la naissance, la colonisation
progresse rapidement. Après un jour, Streptococcus salivarius peut être retrouvé chez 80%
des enfants. S. mutans et S. sanguis n’apparaissent qu’au moment de la dentition. Les
actinomycètes et les Fusobacterium n’y sont pas liés, mais augmentent avec l’éruption des
dents.
Porphyromonas gingivalis n’est retrouvé que chez 18 à 40% des sujets de 5 ans, alors
qu’entre 13 et 16 ans sa présence est constante.

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1.3. Flores normales et pathologiques des différents sites :


langue, muqueuse jugale, salive

La langue héberge une prédominance de cocci Gram +. Parmi ceux-ci, S.salivarius est le
mieux représenté, il présente d’ailleurs une propriété d’adhérence à la muqueuse linguale
plus marquée que les autres streptocoques. D’après Gordon et Gibbons, la répartition des
groupes de bactéries à la surface de la langue s’établit comme suit :
Cocci Gram + facultatifs : 44,8%
Cocci Gram + anaérobies : 4,2%
Bacilles Gram + facultatifs : 13,0%
Baccilles Gram + anaérobies : 7,4%
Cocci Gram - aérobies-fac.: 3,4%
Cocci Gram - anaérobies : 16,4%
Bacilles Gram - facultatifs : 3,2%
Bacilles Gram - anaérobies 8,2%

Les parois jugales présentent à peu près la même flore. La flore de la salive a également une
composition très voisine de la langue. On y trouve 2,5 x 108 bactéries par ml environ. Il
semble donc que ce soit la langue et les muqueuses et non les dents qui contribuent à
reconstituer constamment la flore salivaire qui devient le reflet de ces sites.

1.4. Flores normales et pathologiques des différents sites :


dent et plaque dentaire

Il n’y a pas de renouvellement à la surface de la dent comme il y a un renouvellement


épithélial continu à la surface des muqueuses. D’où l’accumulation possible de bactéries qui
ne sont pas spontanément déchargées ici. Dans la "plaque dentaire" le nombre de bactéries
peut atteindre 2,5 x 1011 par g de plaque, ce qui en fait, avec les matières fécales, un des
sites les plus riches en bactéries de l’organisme. On estime que 80% des bactéries de la
plaque sont cultivables et que les 2/3 sont anaérobies strictes ou facultatives.

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1.5. Composition de la flore bactérienne de la plaque dentaire

La plaque dentaire est le résultat d’une organisation bactérienne complexe dont les premiers
stades de formation correspondent à un dépôt de glycoprotéines sur les surfaces des tissus
durs ou des tissus mous baignant dans la salive. Ces glycoprotéines sont principalement les
suivantes : albumine, lysosyme, amylase, phosphoprotéines, lactoferrine, mucines... Cette
pellicule exogène acquise est secondairement colonisée par des micro-organismes qui vont
s’organiser en fonction de critères physico-chimiques, nutritionnels ou relationnels. Deux
types de plaque se distinguent : la plaque supra-gingivale et la plaque sous-gingivale.
Comme leur nom l’indique, ces deux types sont définis en fonction de leur localisation
anatomique par rapport à la gencive. La plaque supra-gingivale est spécifiquement impliquée
dans la pathologie carieuse alors que la plaque sous-gingivale est associée aux pathologies
parodontales (gingivites, parodontites, abcès parodontaux).

Plaque supra-gingivale.
Au début, s’observe une prédominance des streptocoques : S. sanguis sur les surfaces lisses,
S. mutans sur les fissures. Il y a un antagonisme entre les deux et généralement une seule
de ces deux espèces prédomine. Après, les conditions nutritionnelles évoluent et la flore se
diversifie. Présence abondante de Veillonella et d’Actinomyces (surtout A.viscosus). Des
Haemophilus et des lactobacilles profitent aussi de ces facteurs de croissance. Le potentiel
redox s’abaisse progressivement et les anaérobies stricts augmentent : Bacteroïdes,
Porphyromonas, Prevotella, Peptococcus, Peptostreptococcus, Eubacterium, Bifidobacterium.

Plaque infra-gingivale
La composition est semblable mais il y a une plus grande proportion d’anaérobies.
Lorsqu’elle descend vers la région apicale, Porphyromonas gingivalis et Fusobacterium
prédominent. A ce moment, cette flore est identique à la flore des infections parodontales.

Des variations interviennent ici aussi en fonction de l’âge, du régime alimentaire etc. Par ex.
chez les jeunes enfants Actinomyces naeslundii est plus fréquent alors qu’A.viscosus est
prédominant chez l’adulte. Les lactobacilles de l’enfant sont différents de ceux de l’adulte
(L.casei chez l’enfant). L’abondance de saccharose dans l’alimentation a une influence bien
connue en fournissant aux streptocoques le substrat nécessaire à l’élaboration des glucanes.

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2. La plaque dentaire

2.1. Genèse de la plaque

Grâce à leur glucosyl-transférase, S. mutans et S. sanguis transforment le saccharose en


polymères du glucose, appelés glucanes. Ces glucanes adhèreraient à la surface de la dent
par l’intermédiaire du film de glucoprotéine d’origine salivaire. De plus ces streptocoques
possèdent à leur surface des récepteurs pour les polymères extracellulaires produits, ce qui
favoriserait l’agrégation des cellules et leur imbrication dans le dépôt formé à la surface de la
dent. Au fur et à mesure que l’épaisseur de la plaque augmente les conditions d’anaérobiose
deviennent plus favorables ainsi que les conditions nutritionnelles et l’on assiste à la
diversification mentionnée plus haut. Il existe toutefois une dynamique à l’intérieur de la
plaque qui est régie par des facteurs agissant en sens divers : des dextranases peuvent
scinder les polymères en substances assimilables ; expérimentalement ces dextranases
peuvent même retarder la colonisation par S. mutans. Lorsque les nutriments s’amenuisent,
les bactéries peuvent rester latentes ; certains streptocoques accumulent des grains de
polysaccharides intracellulaires. Les bactéries sont aussi soumises à l’action d’anticorps
locaux : elles peuvent y échapper en modifiant leur structure antigénique de surface, fait
relevé chez S. mutans ("drift"). Tout ceci explique l’évolution par poussées de la flore de la
plaque.

2.2. Rôle de S.mutans dans la carie dentaire

Miller a, le premier, émit l’hypothèse du rôle des bactéries dans la genèse de la carie et a
prouvé que in vitro des bactéries de la bouche étaient capables, en acidifiant des milieux
sucrés, d’attaquer l’émail des dents. Ensuite on attribua aux lactobacilles un rôle dans la
carie par leur pouvoir acidifiant. Cette théorie fut rapidement abandonnée, en raison, entre
autres, du faible pourcentage que représentent ces germes dans la flore totale de la plaque.

L’expérimentation animale a permis d’avoir des arguments plus probants en faveur de


l’origine bactérienne de la carie. Michalek a pu montrer chez des rats gnotobiotiques qu’un
régime cariogène ne suffit pas à provoquer des caries ; en infectant les animaux avec
différentes espèces bactériennes, il a pu prouver un effet cariogène maximal de S. mutans
au niveau de la couronne et d'A. viscosus au niveau de la racine.

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De même, le caractère transmissible de la carie a été démontré chez des hamsters : des
animaux sans caries sont encagés avec des animaux présentant des caries, un groupe
témoins étant séparé. Tous les animaux sont soumis au même régime. Les hamsters
indemnes contractent des caries au contact de ceux qui en sont atteints.
Le rôle de S. mutans a pu être également avancé sur base d’observations faites chez
l’homme : dans les plaques provenant d’individus ne faisant pas de caries on trouve
généralement S. sanguis alors que dans celles provenant de personnes présentant des caries
S. mutans est prédominant.

Rappelons qu’il existe un antagonisme entre S. sanguis et S. mutans et que lorsqu’une


plaque est initiée par S. sanguis elle devient cariogène lorsqu’elle est colonisée par
S. mutans

L’acidité qui attaque l’émail dentaire est provoquée essentiellement par la fermentation de
glucides au niveau de la plaque. S.mutans se révèle être plus acidogène que les autres
streptocoques. S.mutans acidifie jusqu’à un pH de 3,4 en 18 h. Les lactobacilles acidifient
jusqu’à 3,6-3,8 en 3 à 5 jours.

Parmi les sérotypes de S.mutans c’est le type C qui est le plus communément rencontré dans
nos régions.

2.3. S. mutans : facteurs de virulence

La démonstration des facteurs de virulence de S. mutans a été obtenue principalement en


comparant la virulence (“cariogénicité”) de mutants défectifs pour certains gènes par rapport
aux souches types. De façon évidente, les mutants d’une souche formant une plaque
dentaire et se montrant cariogènes peuvent perdre leur virulence parce qu’elles :
Ne peuvent plus infecter l’hôte ;
Ne peuvent plus émerger dans l’éco-système de la plaque dentaire ;
Ne persistent pas dans la plaque en présence d’un apport alimentaire ou de
bactéries compétitives ;
Ne provoquent pas de déminéralisation de la dent.

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Synthèse de glucanes insolubles


La synthèse à partir de saccharose de glucanes insolubles riches en branchements α-1-3 est
essentielle pour la virulence. Les mutants défectifs perdent l’aspect rugueux des colonies sur
milieu au saccharose (voir TP), ne produisent pas de polysaccharides à leur surface, ne
produisent pas de plaque dentaire chez l’animal nourri au saccharose et n’induisent pas de
carie.

Synthèse de polysaccharides intracellulaires


Les mutants défectifs peuvent s’accumuler à la surface de la dent en présence de saccharose
et persister dans l’écosystème, mais ils n’induisent pas de carie. La raison principale est que
ces polysaccharides intracellulaires fournissent à la bactérie un substrat qui lui permet de
maintenir une production d’acides pendant les périodes où il n’y a pas d’apport de sucres
extérieurs (entre les repas et pendant le sommeil).

Tolérance à l’acidité
Cette tolérance est indispensable pour la survie de la bactérie et sa croissance à pH bas

Production d’acide lactique


Cette production est indispensable à la cariogénicité, du moins pour les caries des
couronnes. Les mutants déficients en lactate déshydrogénase perdent leur pouvoir
cariogène. L’acide lactique est d’évidence l’agent le plus puissant de la déminéralisation.

Production d’endodextranases
Cette production permet apparemment au S. mutans d’envahir l’écosystème formé à la
surface de la dent par les souches productrices de glucanes extracellulaires riches en liaisons
α-1-6, hydrosolubles (les autres streptocoques S. sanguis et S. mitis)

2.4. S. mutans : liaison à la surface de la dent.

Le métabolisme de S. mutans à la surface de la dent est fort différent selon qu’il y a ou non
présence de saccharose.

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• En absence de saccharose, les cellules de S. mutans s’adsorbent (de façon réversible) à


la surface de la pellicule externe de glycoprotéines déposée à la surface de la dent grâce
aux fimbriae. Elles produisent très peu de polysaccharides internes. Les souches de S.
sanguis (non cariogènes) ont une bien meilleure affinité pour la pellicule en absence de
saccharose.

• Toute alimentation riche en saccharose modifie profondément la situation. S. mutans


adhère alors à la pellicule de façon irréversible et les cellules bactériennes adhèrent les
unes aux autres. Ce phénomène est clairement lié à la production de glucanes riches en
liaisons α-1-3, insolubles. Les streptocoques synthétisent aussi des glucanes α-1-6 et des
fructanes solubles qui diffusent au travers de la plaque, mais cette propriété n’est pas
nécessaire à la virulence.

S. mutans synthétise des polysaccharides intracellulaires pendant sa phase de


croissance. Il les utilisera uniquement en cas de diminution des apports extérieurs,
ce qui produira l’acidité.

Du glucose et du fructose libres sont aussi produits et utilisés dans la glycolyse,


produisant ainsi de l’acide.

2.5. Particularités des caries de la racine dentaire

Les caries de la racine dentaire surviennent plus fréquemment chez la personne âgée et sont
nécessairement liées à une perte de substance gingivale qui expose la dentine à
l’environnement oral. Elles sont, comme pour la couronne, associées à la formation d’une
plaque dentaire. Les bactéries impliquées sont par contre plus difficiles à évaluer. Trois
groupes de bactéries sont impliquées dans cette localisation particulière :

• Actinomyces viscosus a été isolé en culture pure de lésions de caries sur racine dentaire.
L’inoculation au rat ou au hamster induit ce type de carie en même temps que des
lésions de périodontite. Cette espèce produit des polysaccharides extracellulaires et
forme du lactate comme principal produit de catabolisme.

• S. mutans induit également, chez le rat, des caries de la racine et de la gingivite. Il joue
certainement un rôle chez l’homme également.

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• Les lactobacilles ont un rôle beaucoup plus incertain. Ils sont souvent présents dans les
lésions mais ils le sont aussi dans la salive. Il n’y a pas de modèle animal montrant
l'apparition de carie en présence de lactobacilles seuls.

2.6. Sucres de substitution et carie.

Le saccharose a été largement remplacé ces dernières années, par des substituts sucrés ou
non, dans l’alimentation et les boissons. Ces substituants n’offrent de toute évidence pas les
mêmes avantages écologiques aux S. mutans que le saccharose.

Les études sur animaux montrent que les polyols (sorbitol, mannitol, xylitol) sont très
faiblement cariogènes, voire anti-cariogènes dans le cas du xylitol.
L’aspartame est non-cariogène ainsi que la saccharine qui, de plus, inhibe la carie chez le rat
lorsqu’elle est donnée à forte concentration.

2.7. Rôle des fluorides sur les bactéries cariogènes

Les fluorides sont connus pour leur pouvoir anti-cariogène. Leur principal rôle est d’inhiber la
déminéralisation de la dent et d’entretenir la reminéralisation. Il y a cependant de plus en
plus d’évidences qu’ils agissent aussi par un effet antibactérien lorsqu’ils sont donnés en
applications topiques (pâtes et gels dentaires, produits de rinçage... hautement concentrés).
S. mutans est beaucoup plus sensible à cet effet inhibiteur que ne le sont A. viscosus et
Lactobacillus.

2.8. Prévention de la carie sur le plan bactériologique

L’élimination précoce de la plaque dentaire par un brossage adéquat est la mesure la plus
efficace puisqu’elle s’attaque à la condition bactériologique première, nécessaire à l’éclosion
de la carie.

L’emploi de dextranases s’est révélé efficace dans l’expérimentation animale, mais n’a pas
donné satisfaction chez l’homme.

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Rôle de l’immunité: chez les individus ayant une déficience en IgA sécrétoires (IGAs), on
observe plus de caries, mais pas chez ceux qui ont une suppléance par des IgM sécrétoires
(IgMs). De plus dans la plaque on observe des bactéries tapissées d’IgA.

Il est donc logique de penser à un vaccin contre S. mutans ou contre sa glucosyl-


transférase. Les essais ont montré que :

• par voie générale, il n'y a pas d'efficacité, pas d'IgAs (et danger de sensibilisation ?)
• par voie locale dans les glandes salivaires, on observe une certaine protection
• par voie orale, il y aurait un effet au niveau des plaques de Peyer intestinales et une
stimulation plus générale des IgAs à d'autres niveaux.

Enfin, les antiseptiques comme la chlorhexidine peuvent ralentir le développement de S.


mutans lors d’applications répétées.

3. Bactériologie des infections parodontales

3.1. Parodontites

Ce sont des infections des structures de soutien de la dent : la gencive, le ligament péri-
odontal, l’os alvéolaire, le cément. Ces infections commencent par une gingivite, avec
œdème saignant facilement et haleine désagréable. Les gingivites sont souvent torpides et
peuvent gagner, à partir du sillon gingival, tous les tissus de soutien de la dent qui sont
détruits progressivement. Ces infections chroniques sont une cause majeure de la perte des
dents. Elles restent habituellement localisées au parodonte où se forment parfois des abcès
avec péricoronarite. La péricoronarite est une infection des gencives autour des couronnes
dentaires, avec abcès gingival pouvant s’étendre aux parties molles adjacentes. Ces
infections se voient surtout lors de l’apparition des dents de sagesse.

Les infections alvéolo-dentaires sont la plupart du temps polymicrobiennes, dues à des


bactéries anaérobies strictes (Prevotella melaninogenica, Actinobacillus
actinomycetemcomitans, Capnocytophaga sp. de la gingivite des adolescents,

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Peptostreptococcus) et à des streptocoques tels que Streptococcus mutans, Streptococcus


sanguis ou Streptococcus mitis. La flore en cause est étroitement liée à celle de la plaque
dentaire. Chez certains malades immunodéprimés, l’antibiothérapie favorise des infections
dentaires dues à des bacilles à Gram négatif aérobies, type entérobactéries ou
Pseudomonas. Le traitement des infections alvéolo-dentaires est d’abord chirurgical et peut
être complété selon les cas par une antibiothérapie dirigée contre les bactéries anaérobies
strictes et les streptocoques.

Dans les paradontites juvéniles, Actinobacillus actinomycetemcomitans semble avoir une


importance prépondérante. Dans les gingivites ulcératives nécrosantes, les spirochètes et les
Fusobacterium sont particulièrement nombreux.

Un argument pour l’étiologie bactérienne de ces affections est donné par la corrélation
parfaite entre la sévérité des lésions et la quantité de "dépôt" ou de plaque sur les dents.
Expérimentalement, lors d’une interruption de l’hygiène buccale, une gingivite survient en +
ou - 8 jours et disparaît rapidement lors de l’élimination de la plaque. Dans les parodontites,
il y a des lésions (détachements) irréversibles qui n’ont pas autorisé la prolongation des
expériences précédentes.

On a également pu observer l’effet préventif de la chlorhexidine, comme elle exerce un effet


préventif sur la formation de plaque.

Les mêmes expériences de reproductibilité et de transmission d’infections paradontales ont


pu être réalisées chez les hamsters, comme en ce qui concerne la plaque et la carie.

La composition de la plaque, même supra-gingivale, se modifie au contact de la gencive


dans la gingivite. La gencive se détache progressivement et le sillon s’approfondit : ces
conditions deviennent favorables à une multiplication des anaérobies, le potentiel redox
s’abaissant au fur et à mesure que l’on progresse vers la profondeur.

Mécanisme pathogénique
Curieusement il n’y a pas d’invasion tissulaire dans les parodontites, et, si le rôle des
bactéries paraît indiscutable, leur mécanisme pathogénique n’est pas parfaitement élucidé.

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Chapitre XVI – Bactériologie bucco-dentaire

Plusieurs des bactéries impliquées et notamment Porphyromonas gingivalis, élaborent une


collagènase. Or le collagène est un élément extracellulaire important de la gencive et du
ligament. Certains produisent également une hyaluronidase. Mais, comme les bactéries ne
pénètrent pas à l’intérieur des tissus, la pénétration de ces enzymes ne s’explique pas bien.

On a également invoqué des cytotoxines et des métabolites irritants: amines, H2S,... Les
bactéries, par contre, provoqueraient un chimiotactisme des polymorphonucléaires (PMN)
qui passent à travers l’épithélium gingival. Lors de la lyse des PMN, il y aurait libération
d’enzymes destructrices des tissus, ce qui favoriserait la pénétration des éléments précités.
Les endotoxines pourraient également intervenir à ce niveau de même que la formation
d’immun-complexes qui activeraient le complément.

Les bactéries des sites parodontaux peuvent être à l’origine d’infections des tissus mous et
osseux de la cavité orale. Ce sont surtout : S. milleri, B. gingivalis, F. nucleatum, Eikenella,
etc. qui sont trouvés dans ces circonstances. L’actinomycose cervico-faciale constitue
une autre manifestation infectieuse dont le point de départ est souvent bucco-dentaire.

Enfin on peut observer des infections systémiques ou à distance causées par des germes des
sites dentaires parodontaux : l’endocardite, les abcès du cerveau à S. milleri, les infections
suppuratives pulmonaires.

3.2. Stomatites et parodontites

D’autres infections bactériennes de la cavité buccale ne sont pas liées à une infection
dentaire, mais sont d’apparition spontanée ou favorisée par des traumatismes (brûlures
chimiques ou thermiques), ou une immunosuppression (chimiothérapie, cytolytique...). Il
s’agit de stomatites gangréneuses chez les sujets immunodéprimés ou malnutris. Ces
stomatites débutent par une lésion gingivale douloureuse évoluant rapidement vers un
ulcère nécrotique, avec diffusion de l’infection vers les tissus profonds adjacents. Ces
infections, de pronostic grave, sont dues à des bactéries anaérobies telles que Treponema
vincentii, Fusobacterium nucleatum, Prevotella melaninogenica. Enfin, certaines stomatites
spontanées sont sexuellement transmises : stomatites ulcéreuses à tréponèmes (chancres
syphilitiques) ou stomatites suppurées (gonocoques).

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Chapitre XVI – Bactériologie bucco-dentaire

Les parotidites apparaissent surtout après obstruction lithiasique du canal de Wharton, ou au


cours de circonstances favorisantes (immunosuppression, traumatismes, septicémies). Dans
les formes aiguës associant un gonflement parotidien unilatéral douloureux avec fièvre et
frissons, Staphylococcus aureus est surtout rencontré. Dans les formes chroniques évoluant
souvent par crises intermittentes, de nombreux germes appartenant à la flore orale aérobie
et anaérobie peuvent être isolés, en plus de S. aureus. Les stomatites et parotidites
nécessitent habituellement une antibiothérapie par voie générale, adaptée aux germes
suspectés.

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CH2OH CH2 CH2 CH2 CH2
1-3 linked chain6 insoluble 6 6 6
CH2
A 1 1 1 1 6
1

D 1
3
CH2OH
1-6 linked chain soluble

CH2OH 1
3

CH2OH 1
CH2OH 3

CH2 1
3

CH2 C
3
B
3 1

1-3 linked chain insoluble


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