Encyclopédie Médico-Chirurgicale 26-296-A-05

26-296-A-05

Rééducation et arthroplastie totale du genou

O Guingand
G Breton

Résumé. – La prothèse de genou évolue depuis plus de cent ans, et actuellement c’est une intervention fiable
redonnant au patient indolence, mobilité et stabilité. Le remplacement prothétique peut concerner un ou
plusieurs compartiments du genou : prothèse fémorotibiale unicompartimentale, fémoropatellaire, totale.
Les complications postopératoires précoces sont : le sepsis, les désunions ou nécroses cicatricielles, les
complications thromboemboliques. Plus tardivement peuvent apparaître des complications rotuliennes à type
de fracture, d’instabilité, de rupture du tendon rotulien ou de Clunk syndrome ; une instabilité résiduelle
frontale ou sagittale ; un descellement aseptique ; une usure du polyéthylène.
La rééducation vise à la récupération fonctionnelle, ce qui implique une mobilité suffisante (0°-110°) et un
contrôle musculaire permettant un appui monopodal stable. Les troubles trophiques postopératoires
nécessitent une prise en charge et une surveillance médicale attentives pour dépister sepsis, algodystrophie,
phlébite. La kinésithérapie doit être fractionnée dans la journée. Aucune technique agressive ne doit être
utilisée et les méthodes de renforcement musculaire doivent privilégier la chaîne fermée. Enfin, les exercices
proprioceptifs en charge sont impératifs afin d’assurer la sécurité de la fonction de marche et la longévité de
l’implant prothétique.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : genou, gonarthrose, arthroplastie, complications, algoneurodystrophie, raideur, rééducation.

Introduction
Pendant des années, la chirurgie prothétique
du genou a été jugée moins performante que
celle de la hanche. L’amélioration du dessin
des implants (meilleure congruence), des
choix biomécaniques, des matériaux, a
permis progressivement de combler ce
retard. L’arthroplastie du genou est devenue
une intervention fiable, reproductible,
redonnant au patient indolence, mobilité et
stabilité.
La qualité des résultats obtenus en explique
l’essor considérable : 40 000 prothèses de
genou sont posées chaque année en France.
L’indication doit en être cependant
raisonnée et la prise en charge globale, fruit
d’une collaboration étroite entre le médecin
traitant et le rhumatologue, le chirurgien,
puis le rééducateur fonctionnel et le
kinésithérapeute.
Olivier Guingand : Chirurgien orthopédiste.
Institut mutualiste Montsouris, 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris,
France.
Guy Breton : Médecin rééducateur.
Centre de médecine physique et de réadaptation, La Châtaigneraie,
95180 Menucourt, France.
L’information et la motivation du patient interne, induisant alors une rotation interne
doivent être précisément établies et la du tibia sous le fémur lorsque la flexion
nécessité d’une surveillance régulière augmente.
ultérieure acquise. L’amplitude de cette rotation est d’une
C’est à ce prix que les complications vingtaine de degrés, la part la plus
importante s’effectue durant les quarante
postopératoires compromettant le résultat
fonctionnel seront au mieux évitées. premiers degrés de flexion.
Le genou demeure donc une articulation peu
congruente, possédant de fait une grande
Cinématique du genou mobilité lui interdisant toute stabilité propre
à sa conception anatomique.
Le genou est une articulation bicondylienne,
possédant deux axes de mouvement et deux
CETTE NÉCESSAIRE STABILITÉ SERA
degrés de liberté : flexion-extension et
ALORS RELAYÉE PAR DES ÉLÉMENTS
rotation axiale. PASSIFS ET ACTIFS
L’asymétrie et la divergence des condyles, la
diminution progressive de leurs rayons de ¶ Stabilisateurs passifs
courbure de l’avant vers l’arrière, la
– Stabilité frontale assurée par les ligaments
concavité plus marquée du plateau tibial
latéraux.
interne, la mobilité des ménisques, ont pour
conséquence une complexité des – Stabilité sagittale assurée par le pivot
mouvements, résultante d’un roulement- central : ligament croisé antérieur (LCA) et
glissement associé à une rotation interne postérieur (LCP), garants de l’absence de
automatique. subluxation antérieure tibiale lors de la
Au cours des premiers degrés de flexion, les flexion pour le premier, de l’absence de
condyles fémoraux roulent ainsi vers subluxation postérieure lors de l’extension
l’arrière sur les plateaux tibiaux. pour le second.
P ro g re s s i v e m e n t , c e m o u v e m e n t s e – Stabilité rotatoire en extension, permise
transforme en glissement postérieur, plus par la tension de toutes les formations
prononcé au niveau du compartiment ligamentaires, par l’encastrement du massif

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guingand O et Breton G. Rééducation et arthroplastie totale du genou. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation,
26-296-A-05, 2003, 16 p.
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des épines dans l’échancrure intercondy-
lienne, verrouillant ainsi le genou.
– Stabilité rotatoire en flexion assurée par
l’enroulement du pivot central en rotation
interne, des ligaments latéraux en rotation
externe.
¶ Stabilisateurs actifs
Appareil extenseur formé par la continuité
du quadriceps de la rotule et du tendon
rotulien.
Cette stabilisation active et passive ne peut
s’obtenir parfaitement que sur un membre
inférieur normo-axé. Une déviation
angulaire marquée précipite la faillite de ce
système tant les contraintes imposées sont
importantes sur une surface évaluée entre
765 et 1150 mm_ :
– 1,3 à 1,8 fois le poids du corps durant la
marche à plat ;
– 5 à 7 fois durant la montée ou descente
des escaliers ;
– jusqu’à 20 fois durant les activités
sportives.
Fallait-il dès lors chercher à recréer un genou
p ro t h é t i q u e p h y s i o l o g i q u e o u b i e n
pouvait-on s’en éloigner, confiant alors au
dessin des implants la lourde charge
d’assurer leur stabilité propre, aux dépens
d’un compromis cinématique ?
Historique
L’historique des arthroplasties du genou [5,
71]
témoigne de ce choix difficile et explique
pour une part le retard initial concédé à
l’arthroplastie de hanche. Nous dresserons
une liste non exhaustive des points de repère
principaux.
Gluck en 1891, confronté au traitement
d’une tumeur blanche, est le premier à
mettre au point une prothèse intercondy-
lienne en ivoire.
En 1913 Murphy, puis Putti en 1920, Albee
en 1928, tentent un resurfaçage par
interposition de tissu autologue.
En 1938, Boyle, bientôt suivi en 1940 par
C a m p b e l l , e ff e c t u e l e s p r e m i e r s
remplacements condyliens isolés par des
implants métalliques.
Mac Keever en 1950 puis Macintosh
développent les premiers plateaux tibiaux
métalliques.
En France, Robert et Jean Judet implantent
en 1947 une prothèse bicompartimentale
acrylique sur une ankylose de genou.
En 1951, Waldius puis Shiers mettent au
point les premières charnières métalliques
bientôt suivis en France par Merle
d’Aubigné.
L’ère des charnières est ouverte. Le groupe
Guepar conçoit en 1967 la Guepar I, puis en
1977 la Guepar II [62].
Cette prothèse contrainte peut être
r a p p ro c h é e s u r l e p l a n d u c o n c e p t
biomécanique de la prothèse charnière de
Lagrange-Letournel [47].
2
Rééducation et arthroplastie totale du genou Kinésithérapie
C’est en 1968 que s’ouvre véritablement l’ère préalablement réalisées en profil strict [22]
moderne de l’arthroplastie du genou avec le sont remplacés par un centre de rotation
Canadien Guston. Celui-ci décrit en effet la unique. Leurs travaux, développés
première prothèse totale à glissement secondairement permettront à partir de 1996
constituée de deux implants condyliens à la prothèse Scorpio de posséder un rayon
métalliques hémisphériques positionnés en de courbure antéropostérieure constant de
face de deux rails tibiaux en polyéthylène. 15° d’extension à 75° de flexion.
L’année 1972 voit Marmor s’inspirer des La balance ligamentaire est alors facilitée : la
travaux de Mac Keever, de Macintosh puis tension des ligaments latéraux est uniforme
de Guston pour développer le concept du sur la quasi-totalité de l’amplitude des
g e n o u M o d u l a r - M a r m o r, c o n s t i t u é mouvements. Le bras de levier du
d’éléments couplés mais séparés pour quadriceps est augmenté par simple
chacun des deux compartiments allongement de la distance entre le centre
fémorotibiaux. unique de rotation et le centre de la rotule.
Le concept de la prothèse unicomparti-
mentale est ainsi créé.
En 1973, Insall et Walker mettent au point la Classification des
prothèse Total Condylar, inspiratrice de arthroplasties du genou
toutes les prothèses à glissement actuelles.
Ils font le choix d’un sacrifice des deux
L’historique des prothèses du genou est déjà
ligaments croisés. Soucieux d’améliorer les long.
performances de sa prothèse, Insall opte
Il conduit à l’usuelle classification [ 2 0 ]
secondairement pour un plateau tibial muni
p e r m e t t a n t d ’ o p p o s e r l e s p ro t h è s e s
d’un ergot central empêchant la subluxation
contraintes aux prothèses de resurfaçage non
postérieure du composant tibial [38].
contraintes.
Le concept de postérostabilisation est posé.
Presque simultanément, Slegde et Ewald
développent à Boston la Kinematic, PROTHÈSES CONTRAINTES
conservant le ligament croisé postérieur, Représentées par les charnières (fig 1),
tandis que Cloutier choisit, en 1975, de celles-ci n’autorisent qu’un seul degré de
respecter les deux croisés [14]. liberté : flexion-extension autour de l’axe
Le débat sur la conservation partielle ou unissant les deux pièces prothétiques. Les
totale du pivot central est alors lancé. inconvénients des premières charnières se
Soucieux de reproduire le jeu méniscal au font jour peu à peu au travers d’un taux de
cours des mouvements de flexion-extension complications élevé [27].
et rotation, Goodfellow et O’Connor en 1978, L’évolution se fait alors vers la suppression
puis Buechel et Pappas en 1979, mettent au de l’axe unissant les pièces au profit d’un
point les premières prothèses à surfaces pivot axial apportant quelques degrés
d’appui mobiles (« Oxford Knee » et « New supplémentaires de mobilité.
Jersey low contact stress ») [24].
Ces prothèses ne gardent plus actuellement
Lemaire [50] dresse les avantages théoriques que des indications limitées [28] : résections
liés à ce concept : tumorales, faillite du système ligamentaire
– amélioration de la cinématique périphérique, voire perte importante du
prothétique, plus proche de la physiologie ; capital osseux en cas de chirurgie itérative
– diminution de l’incidence des problèmes de reprise.
fémoropatellaires permise par un alignement
automatique en rotation du tibia sous le PROTHÈSES À GLISSEMENT
fémur ;
Ces prothèses sont définies par l’absence de
– longévité accrue par la réduction des
moyen d’union fixe entre pièce fémorale et
contraintes en cisaillements, source de
tibiale (fig 2). Leur dessin et leur cinématique
descellement et par la diminution d’usure
du polyéthylène.
La théorie reste séduisante mais encore
incomplètement démontrée par les résultats
cliniques.
En 1980, Hungerford est le premier à
proposer une prothèse sans ciment (prothèse
PCA). Les composants sont revêtus de
plusieurs couches de billes métalliques
permettant la colonisation osseuse et la
fixation directe de l’implant.
En 1986, Hollister et Kester étudient les
premiers la cinématique du genou au travers
de l’axe transépicondylien. Les condyles
présentent alors une forme circulaire et non
plus elliptique [32, 33].
Les multiples centres de rotation instantanée 1 Prothèses contraintes « charnières » de première gé-
nération : Guepar – Gwschend – Lagrange-Letournel.
classiquement décrits lors des études
Kinésithérapie
2 Prothèse à glissement
postérostabilisée (Scorpio
insert fixe).
propres assurent leur stabilité en
coordination avec les formations
périphériques myoligamentaires.
Ces arthroplasties opposent classiquement
celles conservant le ligament croisé
postérieur à celles le réséquant [18, 31, 70].
Matériaux et modes
de fixation
Pièce fémorale et embase tibiale sont le plus
souvent en stellite (chrome-cobalt), plus
rarement en titane.
Le plateau tibial (insert) d’épaisseur variable
et la prothèse rotulienne sont en
polyéthylène de très haut poids moléculaire.
Celui-ci représente le maillon faible de toute
arthroplastie exposée à l’usure par abrasion,
adhésion et fatigue.
La fixation de l’implant à l’os représente
l’autre difficulté. Celle-ci peut se faire avec
ou sans ciment. En l’absence de ciment, un
emboîtement parfait des pièces sur des
coupes osseuses appropriées permet
d’obtenir une stabilité primaire dans
l’attente d’une colonisation osseuse du
revêtement prothétique (microbilles,
hydroxyapatite ou périapatite) alors garant
d’une stabilité secondaire.
Une implantation hybride peut être
également réalisée : composant fémoral le
plus souvent sans ciment, embase tibiale
cimentée.
Indications générales des
arthroplasties du genou
EXAMEN CLINIQUE ET BILAN
RADIOLOGIQUE
Ils conditionnent les indications.
L’interrogatoire permet d’apprécier la
plainte fonctionnelle du patient selon :
– les caractéristiques de la douleur :
intensité, périodicité, réponse aux
traitements médicaux jusque-là prescrits ;
– l’autonomie fonctionnelle : périmètre de
marche, boiterie, utilisation de cannes,
difficultés à la pratique des escaliers et au
passage de la station assise à la position
debout.
Les motivations de celui-ci sont clairement
définies. Certains résultats sont jugés
Rééducation et arthroplastie totale du genou
décevants et peuvent trouver leur origine en
u n e d i s c o rd a n c e e n t re l e s r é s u l t a t s
fonctionnels autorisés par la prothèse et
l’idée que le patient s’en fait. Le patient doit
être bien informé sur les limites d’utilisation
de la prothèse et sur la relative lourdeur de
la rééducation postopératoire.
L’examen du genou prend en compte la
démarche, le passage du pas, l’axe des
membres inférieurs. La mobilité de
l’articulation est chiffrée et l’existence d’un
flessum recherchée. La stabilité sagittale et
la laxité latérale sont évaluées.
L ’ a p p r é c i a t i o n d e l ’ é t a t v a s c u l a i re
périphérique et l’estimation de l’état général
viennent compléter cet examen.
Le bilan radiologique comporte
systématiquement :
– une radiographie du genou en charge de
face et de profil ;
– une incidence fémoropatellaire à 30° de
flexion ;
– des clichés de réductibilité (en varus et
valgus forcé), appréciant au mieux laxité
d’usure osseuse et ligamentaire associée ;
– une goniométrie du membre inférieur de
face en appui monopodal permettant la
mesure de l’axe mécanique ;
– enfin, une radiographie du bassin
complète le bilan. Une arthrose associée de
la hanche, symptomatique, peut faire
préférer la prise en charge initiale de celle-ci.
INDICATIONS
Elles ne trouvent place qu’après échec d’un
traitement médical correctement mené,
lorsque le stade de la chirurgie conservatrice
(ostéotomie tibiale ou fémorale, mobilisation
de la tubérosité tibiale antérieure) est
dépassé.
La chirurgie prothétique doit cependant être
réfutée devant une paralysie de l’appareil
extenseur, une infection active, un état local
vasculaire déplorable, l’existence de troubles
trophiques réels ou une trop grande
précarité de l’état général.
26-296-A-05
3 Gonarthrose bicomparti-
mentale (compartiments fé-
morotibial interne et fémoro-
patellaire).
Ces conditions posées, l’arthroplastie du
genou devient la réponse chirurgicale à la
prise en charge de :
– l ’ a r t h ro s e d é g é n é r a t i v e o u p o s t -
traumatique, détruisant au moins l’un des
trois compartiments du genou (fig 3) ;
– l ’ a r t h r o p a t h i e i n fl a m m a t o i r e :
chondrocalcinose ou polyarthrite
rhumatoïde le plus souvent, spondylarthrite
ankylosante, rhumatisme psoriasique plus
rarement ;
– la nécrose condylienne, associant
affaissement du tissu spongieux en zone
p o r t a n t e e t e ff r a c t i o n d u c a r t i l a g e
articulaire ;
– la tumeur du genou, lorsque son stade et
son pronostic permettent d’envisager une
résection-reconstruction.
L’indication relative entre arthroplastie totale
et arthroplastie unicompartimentale est alors
fonction du bilan radioclinique : atteinte
ostéocartilagineuse localisée à l’un ou aux
trois compartiments du genou, état des
ligaments et en particulier du pivot central,
importance des déviations et des
destructions osseuses.
Nous développerons tour à tour les
principes d’implantation et les résultats de
chacune de ces arthroplasties.
Principes d’implantation
et résultats des prothèses
totales du genou
PRINCIPES D’IMPLANTATION
La mise en place d’une prothèse totale du
genou doit obéir à un certain nombre de
principes mécaniques [17] :
– restauration d’un axe fémorotibial proche
de 180°, alignant centre de la tête fémorale -
milieu du genou prothétique - milieu de la
mortaise tibiotarsienne ;
3
26-296-A-05 Rééducation et arthroplastie totale du genou Kinésithérapie

– respect de la hauteur de l’interligne et de

l’index rotulien ;
– stabilité en flexion et extension ;
– système extenseur axé ;
– secteur de mobilité de 0 à 120°.
La mise en place d’un implant rotulien est
presque toujours la règle car il est rare
qu’une atteinte dégénérative des deux
compartiments fémorotibiaux ne
s’accompagne pas d’une atteinte
fémoropatellaire.

*
A *
B
TECHNIQUE CHIRURGICALE
4 Gonarthrose tricompartimentale évoluée. B. Mise en place d’une arthroplastie totale à glissement
¶ Voie d’abord A. Exposition avant réalisation des coupes. postérostabilisée.

La voie d’abord choisie doit permettre

l’exposition aisée du genou.
L’intervention est classiquement menée sous
garrot pneumatique.
Pour notre part, nous préférons renoncer à
son emploi, considérant que celui-ci peut
être néfaste à la récupération ultérieure du
quadriceps.
L’autotransfusion différée et la récupération
périopératoire permises par le cell-saver sont
conseillées.
L’abord antéro-interne est la voie
chirurgicale usuelle : incision débutée à
5-6 cm du bord supérieur de la rotule,
descendant à deux travers de doigts en
dedans de son bord interne, jusqu’à la
tubérosité tibiale antérieure. La jonction droit
antérieur-vaste interne est incisée, prolongée
par l’arthrotomie interne.
La rotule est luxée en dehors, le cul-de-sac
sous-quadricipital libéré et les ostéophytes
réséqués (fig 4).

¶ Coupes osseuses et équilibrage

ligamentaire
Les coupes osseuses sont au nombre de
trois : résection tibiale, puis coupes
fémorales (distale, antérieure et postérieure),
enfin coupe rotulienne. Leur réalisation
donne un espace de hauteur identique en
flexion et en extension, correspondant à
l’encombrement prothétique, au sein de
l’enveloppe ligamentaire équilibrée.
L’ancillaire prothétique permet au chirurgien
de positionner les guides de coupes sur des
tiges extra- ou intramédullaires,
matérialisant ainsi les axes mécaniques.
La précision de ces ancillaires peut dès à
présent être améliorée par l’apport de
l’informatique. Les coupes osseuses sont
alors assistées par un ordinateur (fig 5). Des
marqueurs optiques fixes, permettent, par
acquisition des données en mouvements, la
définition des centres de rotation hanche-
genou-cheville et l’établissement des axes
virtuels mécaniques, fémoral et tibial,
validant ainsi étape par étape le
positionnement des guides de coupe
(navigation).
Il est ainsi possible de mettre en place le
plus souvent une prothèse dans de bonnes
5 Chirurgie assistée par navigateur (Knee Trac).
Les traceurs, positionnés sur l’ancillaire, transmettent au navigateur la validité des plans de coupe.
conditions, sur un genou préalablement bien
axé, conservant une mobilité certaine (fig 6).
La prothèse ne fait alors que compenser
l’usure ostéocartilagineuse. Ces prothèses
sont « aisées ». La situation n’est cependant
pas toujours aussi favorable. Nous citerons
tour à tour celles qui rendent l’implantation
prothétique plus ardue.
Prothèses sur déformations angulaires fixées
• En varus irréductible
Avec rétraction de la concavité et/ou 6 Contrôle radiologique d’une arthroplastie totale du
distension ligamentaire de la convexité. La genou postérostabilisée à plateau fixe.
balance ligamentaire doit permettre, avant
la réalisation des coupes osseuses, la
libération des formations internes rétractées, désinsertion du fascia lata du tubercule de
équilibrant la distension ligamentaire Gerdy, en continuité avec l’aponévrose
éventuelle. jambière, puis une libération postéroexterne
progressive [46].
Les formes les plus évoluées, surtout lorsque
• En valgus irréductible s’y associe un flessum, peuvent justifier
Le recours à une voie d’abord chirurgicale d’une libération du nerf sciatique poplité
antéroexterne (Keblish [ 4 1 ] ) permet la externe au col du péroné.

4
Kinésithérapie
Prothèses sur genou raide
L’exposition du genou est difficile, rendant
la mise en place de la prothèse peu
confortable. Il est souhaitable de réaliser une
arthrolyse large associant une libération du
cul-de-sac sous-quadricipital et des rampes
condyliennes fémorales et une section des
deux ailerons rotuliens.
La conduite à tenir ultérieure est fonction
du gain d’amplitude obtenu par cette
arthrolyse [73] : allongement ou libération du
quadriceps [1], relèvement de la tubérosité
tibiale antérieure si besoin.
Chacun de ces gestes doit être planifié,
évitant une manœuvre de force dont le
risque majeur serait une avulsion du tendon
rotulien, compromettant alors le résultat de
l’arthroplastie.
Prothèses sur flessum
La correction chirurgicale peut en être
difficile et la conduite à tenir est alors
séquentielle, testant l’extension à chaque
étape de la libération.
Celle-ci concerne successivement l’aileron
rotulien externe, le LCP, la capsule
p o s t é r i e u re , l e s j u m e a u x e t / o u l e s
ischiojambiers [3, 37, 45].
La correction peropératoire du flessum pose
en postopératoire le problème d’une attelle
de maintien en extension.
Enfin, en cas de flessum bilatéral, la prise en
charge chirurgicale du deuxième côté mérite
très certainement d’être rapprochée dans le
temps.
Prothèses sur désarthrodèse
Celles-ci ne sont envisageables que lorsque
le quadriceps reste fonctionnel, le tendon
rotulien de qualité, l’état cutané satisfaisant.
Elles peuvent nécessiter une libération
première de l’appareil extenseur selon Judet.
Le choix de l’arthroplastie est fonction de la
qualité des ligaments latéraux (prothèses
contraintes le plus souvent). Dans ces cas
extrêmes, le patient doit être prévenu des
difficultés pressenties par l’opérateur, de la
nécessité d’une rééducation fonctionnelle
ardue, d’un possible résultat incomplet en
dissociation avec ce qu’il croit en attendre.
Sa motivation doit être forte. Mieux vaut en
effet une arthrodèse fonctionnelle qu’une
mauvaise prothèse…
Prothèses sur perte de substance osseuse
Les pertes de substance osseuse concernent
davantage les pathologies inflammatoires
que l’arthrose primitive. Elles intéressent
alors essentiellement les plateaux tibiaux.
Les problèmes posés peuvent être résolus
par une coupe tibiale abaissée ou surtout
par une reconstruction assurée par ciment,
cales métalliques ou greffons osseux.
RÉSULTATS
Les résultats des prothèses de genou
s’évaluent d’une part sur le plan fonctionnel
à travers les scores permis par les diverses
Rééducation et arthroplastie totale du genou
*
A *
classifications [75] : Arpège, Guepar, HSS ou
IKS, d’autre part sur les courbes actuarielles
de survie des implants.
Sur le plan fonctionnel, les nombreuses
séries publiées rapportent une amélioration
importante de la valeur du score
préopératoire. C’est le score de
l’International Knee Society qui est le plus
souvent présenté. Celui-ci différencie un
score fonctionnel sur 100 points intégrant
périmètre de marche, utilisation de cannes,
capacité à monter et descendre les escaliers,
d’autre part un score genou sur 100 points
prenant en compte douleur, mobilité et axe
du membre inférieur. Pour nombre des
patients prothésés, l’amélioration du « score
fonction » et du « score genou » témoigne de
la transformation d’une douleur jugée
importante en une douleur nulle ou
modérée, en une amélioration notable du
périmètre de marche. La flexion moyenne
est de 110°, la marche sans canne possible,
la pratique des escaliers facilitée.
Les courbes actuarielles de survie font état
d’un taux de 97 % à 10 ans pour Rand sur
9200 arthroplasties posées à la Mayo
Clinic [65], de 96 % à 10 ans pour Malkani
(Kinematic [55] ), de 90 % à 15 ans pour
Scuderi et Insall [67] (sur 1430 prothèses
cimentées de type Total Condylar), de 94 %
à 18 ans pour Diduch, Insall, Scott et
Scuderi [19]. Ces valeurs témoignent de la
fiabilité actuelle des prothèses du genou.
Principes d’implantation
et résultats des prothèses
fémorotibiales
unicompartimentales
Véritable resurfaçage, les prothèses
u n i c o m p a r t i m e n t a l e s f é m o ro t i b i a l e s
comprennent un patin fémoral dont le rayon
de courbure est en règle un compromis entre
celui des deux condyles, et un plateau tibial
de polyéthylène implanté ou non sur une
embase métallique (metal-back).
Dérivées de la prothèse de Marmor, les
prothèses unicompartimentales règlent avec
le compartiment opposé et les ligaments
respectés, le jeu articulaire.
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7 Bilan radiologique en
stress (arthrose unicomparti-
mentaire fémorotibiale in-
terne).
A. Le varus forcé montre
la disparition quasi com-
plète de l’interligne fé-
morotibial interne.
B. Le valgus forcé
confirme le respect de
l’interligne fémorotibial
externe.
B
Leurs avantages résident en une cinématique
quasi physiologique, en une résection
osseuse économe, en une faible morbidité
enfin.
INDICATION
La prothèse unicompartimentale peut être
ainsi la réponse chirurgicale à une affection
n o n i n fl a m m a t o i r e d ’ u n s e u l d e s
compartiments fémorotibiaux, interne ou
externe, à l’exclusion de la chondrocalcinose.
L’arthrose primitive ou secondaire post-
traumatique, unicompartimentale, sans
atteinte du compartiment opposé, sans
dégradation symptomatique de la
fémoropatellaire, en est un bon exemple.
La nécrose unicondylienne du sujet âgé
représente également une excellente
indication.
L’implantation de ces arthroplasties
nécessite toutefois le respect d’un certain
nombre de règles :
– existence d’un ligament croisé antérieur
fonctionnel ;
– absence de déformation osseuse
constitutionnelle importante. La prothèse
unicompartimentale se devant de corriger la
déformation axiale d’usure seule ;
– absence de laxité frontale marquée. Une
laxité modérée de la concavité reste
favorable. Une laxité importante devient
dangereuse. Une laxité associée de la
convexité représente une contre-indication
formelle.
C’est dire l’intérêt du bilan radiologique
préopératoire, et en particulier de la
goniométrie et des clichés en stress (varus et
valgus forcés) (fig 7).
– Une mobilité articulaire conservée (voisine
de 120° de flexion) sans flessum fixé.
Ces règles établies permettent de réserver
les prothèses unicompartimentales
fémorotibiales aux personnes le plus souvent
âgées (70 ans et plus) non hyperactives, sans
surcharge pondérale.
Le pourcentage d’échec augmente en effet
classiquement au-delà de 85 kilos.
5
26-296-A-05
*
A *
Leur mise en place se fait par une voie
d’abord parapatellaire interne (uni-interne et
uni-externe) ou parapatellaire externe
(uni-externe).
L’exposition du genou est limitée. Il n’est
pas nécessaire de luxer la rotule, celle-ci
pouvant être simplement « poussée » en
regard du compartiment sain.
La technique d’implantation doit être
toutefois sans faille, respectant la pente
sagittale tibiale, maintenant une
hypocorrection frontale (entre 3 et 5°,
réponse à la différence d’élasticité entre
compartiment sain et prothésé).
L es im pla nts do ivent po sséder une
autostabilité propre avant toute fixation à
l’os, lors des essais cinétiques.
Les coupes osseuses seront peu invasives
dans l’optique ultérieure d’une totalisation.
Aucun geste ligamentaire ne doit être
associé. La pose d’une unicompartimentale
devant rester une intervention strictement
intra-articulaire (fig 8).
CAUSES D’ÉCHEC
Elles sont représentées par [25, 30, 58] :
– la dégradation du compartiment opposé
fémorotibial, induite le plus souvent par un
positionnement défectueux du plateau tibial
en superstructure, entraînant une
hypercorrection de l’angle fémorotibial,
génératrice de contraintes excessives. Si la
dégradation du compartiment opposé est un
fait, il nous paraît souhaitable de signaler
que la fémoropatellaire se modifie peu dans
le temps et ne possède qu’une faible
incidence sur le résultat global ;
– les descellements et usures des
composants prothétiques, le fait d’une
hypercorrection certaine comme d’une
hypocorrection marquée, laissant une laxité
résiduelle importante, source d’une usure du
polyéthylène enfin.
6
Rééducation et arthroplastie totale du genou
8 Arthroplastie unicom-
partimentale fémorotibiale in-
terne (HLS).
A. Contrôle radiologique
de face.
B. Contrôle radiologique
de profil.
B propose un carter trochléen, associé à un
RÉSULTATS
Les courbes actuarielles de survie
témoignent :
– à 5 ans, d’un taux de 98 % pour Heck [29] ;
– à 6 ans, de 94 % pour Goodfellow et
Lewold [51], de 90 % pour Knutson [44] ;
– à 10 ans, les taux publiés varient de 67 %
pour Hernigou et Deschamps [30], 68 % pour
Rand [ 4 8 ] et Ilstrup [ 6 5 ] , à 93 % pour
Cartier [12] ;
– à 15 ans, Hernigou et Deschamps [30]
rapportent une survie de 57 %.
Ces résultats sont inférieurs à long terme à
ceux des arthroplasties totales du genou [43].
La prothèse unicompartimentale reste
cependant une intervention de faible
morbidité. En cas d’échec, la reprise de
celle-ci par une prothèse totale ne pose pas
de problème technique majeur et donne un
résultat très proche de celui d’une prothèse
totale de première intention.
Principes d’implantation
et résultats des prothèses
fémoropatellaires
L’arthrose fémoropatellaire isolée est peu
fréquente. La prise en charge chirurgicale en
est controversée : interventions
conservatrices de réalignement de l’appareil
extenseur par transposition-avancement de
la tubérosité tibiale antérieure selon
Maquet [56], patellectomies défendues par
Pickett [63], prothèses fémoropatellaires.
Celles-ci se sont progressivement
développées depuis 1955, date à laquelle
Mac Keever [54] proposait le premier un
resurfaçage patellaire par une prothèse en
vitalium, suvi par Worrel [74] en 1979, puis
par Aglietti et Insall [2] en 1980.
En 1979, Blazina [7] présentait une prothèse
resurfaçant pour la première fois les deux
Kinésithérapie
versants de l’articulation fémoropatellaire :
pièce rotulienne en polyéthylène, pièce
trochléenne en chrome-cobalt.
Citons les prothèses de Lubinus, du groupe
Guepar, pour insister sur l’autocentrique de
Grammont que nous utilisons préférentiel-
lement. Celle-ci comporte un carter fémoral
de forme torique, couplé à une pièce
rotulienne en polyéthylène, en forme de
calotte sphérique. Le rayon de celle-ci est
égal à celui du versant interne du tore.
L’élément trochléen, en chrome-cobalt, est
convexe dans le plan de flexion, concave
dans le plan transversal, permettant ainsi à
cette arthroplastie fémoropatellaire, non
anatomique mais fonctionnelle, le maintien
d’un centrage correct, en réponse aux
sollicitations mécaniques du genou.
La prothèse sphérocentrique de Rousseau
mérite également d’être citée. Celle-ci
bouton patellaire, possédant des formes
géométriques conjuguées : bouton patellaire
sphérique venant s’adapter taille pour taille
au profil du carter.
Ces prothèses méritent très certainement une
réputation plus enviable que celle qui leur
est actuellement concédée.
INDICATIONS
Une sélection stricte des indications doit y
contribuer :
– arthrose fémoropatellaire centrée,
douloureuse, rebelle au traitement médical ;
– primitive ou secondaire post-traumatique ;
– sans dégradation associée d’un
compartiment fémorotibial ;
– en l’absence de déviation frontale marquée
(varus inférieur à 5°, valgus inférieur à 8°).
Le respect de ces principes doit permettre à
ces arthroplasties de génération récente,
l’obtention de résultats satisfaisants (fig 9).
Les séries publiées font état d’un nombre de
cas largement inférieur à celui des
arthroplasties totales, voire à celui des
a r t h ro p l a s t i e s u n i c o m p a r t i m e n t a l e s
fémorotibiales.
Néanmoins, les résultats jugés très bons ou
bons selon la cotation Guepar (douleur -
escaliers - stabilité - cannes - mobilité -
périmètre de marche) sont importants :
– 75 % pour Witvoet au recul de 5 ans [72] ;
– 91 % pour Cartier au recul de 8 ans [13] ;
– 90 % pour Grammont au recul de 4 à 94
mois [6] ;
– 82 % pour Vives à 3 ans [60] ;
– 84 % pour Argenson au recul de 2 à 10
ans [4] ;
– 85 % pour Rousseau à 6 ans [66] ;
– 58 % pour la Société d’orthopédie de
l’Ouest (SOO) au recul de 3 mois à 18 ans [61].
Pour notre part, nous continuons de
souscrire volontiers aux conclusions de
Kinésithérapie Rééducation et arthroplastie totale du genou 26-296-A-05

corticothérapie au long cours (polyarthrite

rhumatoïde) en sont des facteurs favorisants.

¶ Infection aiguë précoce

Rare depuis l’antibioprophylaxie
systématique, le sepsis précoce est le plus
souvent la conséquence d’une contamination
opératoire, de la persistance d’un foyer
infectieux actif non éradiqué, ou d’une
cicatrice aléatoire. Il se manifeste en règle
*
A
par un tableau bruyant évocateur survenant
avant la fin du troisième mois. *
A
À ce stade, une reprise chirurgicale associée
à une antibiothérapie prolongée adaptée
peut permettre de sauver l’arthroplastie.

*
B
9 Arthrose fémoropatellaire.
A. Imagerie préopératoire par tomodensitométrie
montrant l’importance de l’arthrose fémoropatel-
laire externe.
B. Implantation d’une prothèse de Grammont (tore
trochléenne métallique – médaillon rotulien en poly-
éthylène).
Witvoet [72] : favoriser la transposition de la
tubérosité tibiale antérieure avant 65 ans,
puis privilégier la prothèse fémoropatellaire
au-delà.
Complications des
arthroplasties du genou
COMPLICATIONS PRÉCOCES
ENCADRANT L’ACTE CHIRURGICAL
¶ Hématome
L’hémostase soigneuse, l’absence de
décollement cutané extensif, le
positionnement judicieux des drains de
Redon aspiratifs, permettent d’en réduire
l’incidence.
¶ Complications cutanées
Retards cicatriciels, désunion cutanée ou
nécrose sont le plus souvent la conséquence
d’un décollement extensif ou d’un
hématome sous-jacent.
La présence de cicatrices liées à des
interventions préalables, l’existence d’une
fragilité de la peau entretenue par une
¶ Complications
thromboemboliques
Leur incidence est réelle, démontrée par une
évaluation rétrospective [16] de la fréquence
des thromboses veineuses asymptomatiques
après chirurgie prothétique du genou (taux
de 19,2 %).
Phlébites et embolies pulmonaires sont au
mieux prévenues par un traitement
anticoagulant prophylactique prolongé au
minimum 30 jours, par la surveillance
systématique par échographie-doppler, par
le port d’une contention élastique des
membres inférieurs.
¶ Raideur
Celle-ci est d’autant plus à craindre que la
mobilité du genou était limitée en
préopératoire. Nous laissons au chapitre
consacré à la rééducation, le soin de
développer cette complication.
COMPLICATIONS TARDIVES
¶ Complications rotuliennes
Représentant à elles seules 60 % des
complications des prothèses de genou, leur
incidence varie de 1 à 21 % selon les séries.
Citons les fractures de rotule, les instabilités
rotuliennes, ne conduisant cependant que
rarement à une reprise chirurgicale, les
interruptions de l’appareil extenseur
(rupture secondaire du tendon rotulien : 0,2
à 0,5 %), voire le Clunk syndrome [23, 35].
¶ Complications infectieuses
Redoutables, leur fréquence est estimée entre
1 et 2 % [57].
Leur diagnostic repose alors sur un faisceau
d’arguments : biologiques, radiologiques,
scintigraphiques, bactériologiques.
Le diagnostic établi, le germe identifié, il
faut alors savoir prendre la décision de
retirer la prothèse et prendre l’option d’une
réimplantation en un temps ou, le plus
souvent, en deux temps [53].
Durant cette période intermédiaire, l’espace
prothétique est conservé par un spacer en
ciment.
*
B
10 Reprise d’une arthroplastie totale de première inten-
tion par une prothèse modulaire.
A. Descellement avec migration en varus du compo-
sant tibial, recurvatum du composant fémoral.
B. Reprise par prothèse à glissement postérostabili-
sée modulaire dotée de tiges d’extension.
En cas d’échec, sur un terrain fragile, lorsque
l’infection met en jeu le pronostic vital,
l’arthrodèse et même l’amputation peuvent
constituer des interventions de sauvetage.
¶ Instabilité résiduelle frontale
ou sagittale
Celle-ci est la conséquence d’un équilibrage
ligamentaire défectueux, d’une résection
osseuse asymétrique, d’une non-
restauration d’un axe mécanique
fémorotibial satisfaisant. Exposant dans les
cas extrêmes à la dislocation ou à la luxation
prothétique [52], elle favorise le descellement
aseptique et l’usure du polyéthylène.
Descellement aseptique
Celui-ci est défini par l’association :
sym p t om a t olog ie d ou lou re u s e - lis e r é
radiologique évolutif au niveau de l’interface
implant/os ou os/ciment. L’évolution se fait
vers la mobilisation de l’une des pièces
prothétiques. La chirurgie de reprise, à l’aide
de prothèses modulaires dotées de tige
d’extension, est alors nécessaire (fig 10).
Usure du polyéthylène
Le polyéthylène, interface de glissement
entre condyles fémoraux et embase tibiale,
est le maillon faible de l’arthroplastie
prothétique [49].

7
26-296-A-05
Les principaux mécanismes d’usure en sont
l’adhérence, la fatigue, l’abrasion, la
corrosion. Ils font intervenir à des degrés
divers : conditions de fabrication, de
stérilisation, de stockage mais aussi
conception des implants (degré de contrainte
et de congruence).
C’est donc dans le choix d’une congruence
adaptée, l’utilisation de surfaces d’appui
mobiles ou à rayon de courbure constant
que se situe vraisemblablement le
compromis idéal recherché par chaque
concepteur d’implant.
Rééducation d’une
arthroplastie totale
de genou à évolution
simple
Les objectifs de la rééducation se
superposent à ceux du patient et du
chirurgien que l’on peut résumer en deux
mots : indolence et fonction.
Le traitement massokinésithérapique débute
à j1 par un premier bilan et la mise en place
immédiate du traitement.
BILAN MASSOKINÉSITHÉRAPIQUE
Comparatif et répété régulièrement, il
permet d’évaluer les déficiences du patient,
les incapacités qu’elles entraînent ainsi que
les situations de handicap conséquentes.
Dès l’arrivée, il est tenu compte du projet
d u p a t i e n t , c e q u i p e r m e t d e fi x e r
rapidement les objectifs.
Le kinésithérapeute revient sur des éléments
du bilan médical (état civil, histoire de la
maladie, antécédents, mode de vie, compte-
re n d u o p é r a t o i re [ C R O ] , c o n s i g n e s
postopératoires [CPO], traitements médicaux
en place) et prend connaissance des
radiographies.
¶ Interrogatoire
Il permet d’évaluer l’état douloureux du
patient en s’appuyant sur une échelle
visuelle analogique (EVA). Celle-ci permet
de constater que les phénomènes
douloureux qui ont conduit à l’intervention
ont disparu, mais que des signes locaux de
type inflammatoire sont présents. Il s’agit
alors de rechercher leur localisation, leur
horaire et leur intensité.
Il est important de demander au patient la
description de l’impotence fonctionnelle
préopératoire : douleur, déformations,
activités entravées.
¶ Inspection
Elle s’intéresse en premier lieu à la cicatrice
qui présente encore des fils qui seront gardés
jusqu’à j18-j20. Il s’agit de surveiller
l’évolution de la cicatrice et de s’assurer qu’il
n’existe ni désunion ni nécrose.
8
Rééducation et arthroplastie totale du genou Kinésithérapie
La bonne cicatrisation est garante du début
110
de la balnéothérapie. FLEXION
100
La présence d’ecchymoses est parfois
constatée, essentiellement en regard du 90
creux poplité. 80
Sur le plan trophique, il s’agit d’apprécier 70
l’augmentation de volume (périmètre
60
rotulien). Cette dernière peut être liée à la 1 2 3 4
fois à la présence de liquide intra-articulaire semaines
postopératoires
et d’un infiltrat des tissus périarticulaires.
Les signes d’algodystrophie réflexe sont 11 Courbe d’évolution des amplitudes.
recherchés (peau luisante et hypersudation
plantaire) surtout sur un genou présentant
des douleurs nocturnes et dont l’amplitude
est limitée.
Ces patients présentent parfois des signes
visibles de terrains circulatoires fragiles
(varices et cicatrices d’ulcères).
Si un œdème est apparent, il est quantifié
par une mesure du périmètre
périmalléolaire.
¶ Palpation
Elle débute par l’appréciation de
l’augmentation de température locale
toujours présente dans les premières
semaines postopératoires. Une fois la
cicatrisation obtenue, la cicatrice est
mobilisée. Ceci pour rechercher
d’éventuelles zones d’adhérences.
La percussion osseuse, en particulier de la 12 Exemple de laxité en valgus.
crête tibiale, peut faire apparaître des
douleurs osseuses ou périostées. Un tableau peut permettre de visualiser la
Le signe du godet est recherché lorsqu’un courbe d’évolution des amplitudes (fig 11).
œdème est présent.
S’il s’agit de prothèses à glissement, un bilan
Dès le premier jour, il faut s’assurer de des rotations (interne et externe) est effectué
l’absence de signes de phlébite, du ainsi que les tests de laxités. Celles-ci sont
traitement médical anticoagulant en cours et recherchées dans le plan antéropostérieur
de la nécessité ou non de porter des bas de
(signe de Lachman et tiroirs) et dans le plan
prévention ou de contention. Les bandes de latéral en valgus et en varus (fig 12), aussi
contention sont dans un premier temps
bien passivement que sous contraction
préférées aux bas, car plus adaptables à la musculaire.
longueur et au diamètre du membre
inférieur.
¶ Bilan rapide des autres
Des points douloureux sont fréquemment articulations
retrouvés dans : les tissus péricicatriciels, les
ligaments latéraux, les ailerons rotuliens, le Coxofémorale, péronéotibiale supérieure
tendon rotulien, les tendons des (parfois sans aucune mobilité du fait de l’âge
ischiojambiers et la patte d’oie. du patient), péronéotibiale inférieure,
Les douleurs en fin d’amplitude sont cheville et pied (léger équin souvent
toujours présentes. retrouvé chez les femmes du fait du port de
chaussures à talon), orteils (déficit de
¶ Bilan articulaire l’extension du gros orteil, hallux valgus et
orteils en marteau).
Il aborde en premier lieu les articulations
fémoropatellaire et fémorotibiale. ¶ Bilan musculaire
La mobilité rotulienne est quantifiée en
Il s’intéresse particulièrement au quadriceps
pourcentage ( %), aussi bien en mobilité
mais aussi aux ischiojambiers et au triceps,
verticale qu’en mobilité transversale et ceci
tout d’abord de manière qualitative.
par rapport au côté opposé.
L’amyotrophie est objectivée par une prise
L’appareil extenseur comprenant aussi le
de périmètre de cuisse (parfois peu probant
cul-de-sac sous-quadricipital et le tendon
du fait de la présence d’un pannicule
rotulien, leurs mobilités respectives seront
adipeux, en particulier chez les femmes).
analysées de la même façon. Les amplitudes
de flexion-extension dans l’articulation La tonicité musculaire est appréciée
fémorotibiale sont mesurées régulièrement. subjectivement, manuellement.
La flexion est testée en actif aidé et Il est aussi réalisé un bilan de
l’extension en passif. l’hypoextensibilité des muscles
Kinésithérapie
polyarticulaires : jumeaux, ischiojambiers,
droit antérieur et tenseur du fascia lata
(TFL). Pour ces deux derniers, il s’avère que
la position requise est parfois très difficile à
prendre.
Quantitativement, l’évaluation du
quadriceps et des ischiojambiers s’effectue
en chaîne ouverte contre résistance
manuelle. Un pèse-personne ou un
dynamomètre manuel peuvent être utilisés
pour chiffrer la mesure.
Il faut de surcroît s’assurer que les derniers
degrés d’extension passive sont contrôlés
activement. Parfois, la présence d’une
hydarthrose ou le manque de liberté de
l’articulation fémoropatellaire font qu’il
existe une distorsion entre ces deux chiffres.
Les muscles de la patte d’oie et le hauban
externe (TFL en extension et biceps fémoral
en flexion) sont appréciés dans leur
composante « varisante-rotatoire interne » ou
« valgisante-rotatoire externe ».
Le triceps sural est évalué manuellement
dans un premier temps puis si possible en
charge par le biais d’une élévation sur pointe
de pied en station unipodale équilibrée. Si
ceci s’avère trop difficile, ce test s’effectue en
station bipodale. C’est l’utilisation de la
propulsion lors de la marche qui nous
intéresse et non pas la prouesse sportive.
Il faut aussi tester les stabilisateurs latéraux
de hanche qui peuvent être déficients chez
des sujets présentant une boiterie depuis
longtemps.
Exemple : boiterie d’insuffisance de moyen
fessier, associée à un genou en valgus ou en
varus.
Au niveau des chevilles, les péroniers
latéraux ou le jambier postérieur peuvent
être insuffisants : chaîne varisante souvent
faible sur genu valgum ou chaîne valgisante
sur genu varum.
¶ Bilan des possibilités
sensorimotrices
Il se présente sous la forme d’une tentative
d’équilibre unipodal qui s’effectue quelques
jours après l’arrivée au centre lorsque le
patient reprend confiance dans le transfert
du poids du corps.
Il est indispensable de tenir compte des
troubles associés qui peuvent perturber ce
test : âge, pathologie neurologique associée,
troubles vestibulaires, arthrose cervicale, etc.
L’examen morphostatique peut faire
apparaître soit un varus, soit un valgus de
genou du côté non opéré, ce qui entraîne
une inégalité de longueur du fait de la
prothèse normo-axée.
¶ Incapacités fonctionnelles
Celles qui découlent de ces bilans
analytiques sont elles aussi évaluées au
travers d’une observation de la marche et
d’un interrogatoire visant à ce que le patient
évoque ses gênes au quotidien : habillage,
chaussage, toilette, etc.
Rééducation et arthroplastie totale du genou 26-296-A-05
De plus, il est souhaitable d’avoir une idée
des possibilités antérieures du patient en ce
qui concerne son périmètre de marche, sa
boiterie (souvent mal évaluée par le patient)
et ses difficultés dans un escalier. Pour celui-
ci, c’est l’évolution de la flexion qui
détermine la possibilité de le monter (90° de
flexion) et de le descendre (110°), en plus de
la force musculaire. Les possibilités
fonctionnelles sont étroitement liées à l’état
général (pathologies associées, âge.)
¶ Conclusions du bilan
13 Installation en déclive, plus glaçage.
Elles permettent de hiérarchiser les objectifs
et de cibler au mieux les moyens à mettre en
œuvre pour une prise en charge optimale de
ces patients.
TRAITEMENT
MASSOKINÉSITHÉRAPIQUE
¶ Kinésithérapie des premières
semaines postopératoires
Elle vise :
– à prendre en charge les éventuels
14 Massages circulatoires.
problèmes cutanéotrophiques et
circulatoires ;
détente du creux poplité (s’il n’existe pas de
– à obtenir une liberté articulaire suffisante ; risque quant à l’entretien d’un flessum)
– à stabiliser le genou (sur le plan (fig 13).
musculaire et proprioceptif) ;
– à retrouver une fonction adaptée au projet RÉÉDUCATION PROPREMENT DITE
du patient. Le principe de rééducation infradouloureuse
Cette rééducation tient compte de l’âge du est strictement respecté.
patient, de sa fatigabilité et des pathologies Le type de prothèse (contrainte ou non,
associées. unicompartimentale, ou sans médaillon
rotulien) et la présence de gestes
¶ Conseils d’hygiène de vie au chirurgicaux associés (transposition de
quotidien tubérosité tibiale antérieure ou greffe
osseuse) modifient les CPO qui se doivent
La cryothérapie s’effectue à l’aide de vessies d’être respectées.
de glace. L’application ne dépasse pas 20
minutes, ceci 3 à 4 fois par jour. Il s’agit de ¶ Massage
ne pas déclencher de réactions cutanées. Au
cours du glaçage, la vessie pourra être Il reste largement utilisé en début de séance
déplacée tout autour du genou, et il est analytique. Il est un excellent moyen de
préférable d’éviter la cicatrice tant qu’elle prise de contact avec le patient et permet le
n’est pas solidarisée. drainage circulatoire et la préparation au
travail musculaire, articulaire et
Les bains écossais consistent à jouer sur
l’alternance entre le chaud et le froid : le proprioceptif.
pied et le segment jambier sont immergés 2 La présence d’un œdème d’origine mixte
minutes dans l’eau chaude puis 2 minutes veinolymphatique peut amener à utiliser
dans l’eau froide et ceci pendant 20 indifféremment le drainage circulatoire
minutes ; le patient termine par 3 ou 4 manuel classique (fig 14), le drainage
minutes dans le froid. Cette technique vise à lymphatique ou/et la pressothérapie [21, 68, 69].
lutter contre les algoneurodystrophies (ADR) L’amélioration des troubles trophiques et
de manière préventive ou curative. circulatoires favorise l’évolution articulaire,
Les bas de prévention sont prescrits musculaire et proprioceptive du genou.
systématiquement. Les bandes de contention Le massage musculaire concerne la cuisse
puis les bas de contention sont prescrits en dans son ensemble et le triceps sural : il est
cas d’œdème. essentiellement basé sur les pétrissages.
La mise en « surclive » des deux membres Le massage à type de frictions-mobilisations
inférieurs plusieurs fois par jour ainsi que la concerne les éléments périarticulaires du
nuit est fortement conseillée. Les membres genou (ailerons rotuliens, cul-de-sac sous-
inférieurs sont inclinés à 40°, les genoux quadricipital, ligaments latéraux, tendon
légèrement fléchis pour le confort du patient rotulien, patte d’oie, bandelette de
et pour favoriser le retour veineux par la Maissiat…).
9
26-296-A-05 Rééducation et arthroplastie totale du genou Kinésithérapie

Les autres techniques de massages (massage

réflexe par exemple) trouvent exceptionnel-
lement leur place dans cette pathologie.
Un massage-mobilisation concernant toutes
les articulations de la cheville et du pied est
souvent nécessaire pour la prise en compte
de la globalité du membre inférieur.

¶ Travail articulaire
L’évolution favorable des amplitudes ne
nécessite pas de gain à proprement parler.
La séance alterne entre :
15 Travail de l’extension. 18 L’arthromoteur.
– des mouvements de va-et-vient en actif
aidé, permettant à l’articulation d’être
mobilisée dans son secteur libre, sans
douleur ;
– un travail de mobilisation de l’ensemble
des éléments anatomiques du genou.

Articulation fémoropatellaire
C’est un élément de mobilité et de stabilité
du genou. Il est important de retrouver une
mobilité transversale et longitudinale de la
rotule par rapport à la trochlée.
La mobilisation transversale se fait par une
p o u s s é e l a t é r a l e p re n a n t a p p u i s u r
l’ensemble du bord de la rotule par le pouce
ou l’index (les autres doigts empêchant la
rotation du fémur).
L’abaissement de la rotule se fait par une
prise large (1re commissure) qui englobe le
bord supérieur de la rotule et les parties
molles le précédant. À cet abaissement il est
intéressant de vérifier que la rotule suit la
courbure de la trochlée (la pointe de la
rotule bascule en bas et en arrière lors de la
flexion alors que le bord supérieur s’écarte
de la trochlée).
Le remonter de rotule est effectué activement
par la contraction du quadriceps, suivi d’un
relâchement qui permet de réaliser un
abaissement passif maximal.
Le tendon quadricipital est mobilisé
transversalement par rapport à la base de la
rotule et au fémur.
Il s’agit de garder au tendon rotulien toute
sa mobilité :
– mobilisation transversale par une prise
pouce-index ferme et profonde sans glisser
sur la peau (mobilisation du tendon rotulien
par rapport au « paquet de Hoffa ») ;
– mobilisation longitudinale par le
rapprochement des deux extrémités du
tendon.
Pour masser-mobiliser le tendon rotulien, le
« paquet de Hoffa » et tous les téguments de
cette région, il faut maintenir la rotule
abaissée au maximum lors de l’extension
passive du tibia par rapport au fémur.
Articulation fémorotibiale
Aux mouvements de roulements lors de la
flexion et de l’extension s’associent des
mouvements de glissements dans le sens du
mouvement [59] (donc postérieurs en flexion
et antérieurs en extension) qui participent à
la libération des amplitudes.
16 Travail en flexion.
17 La décompression articulaire.
Le glissement antérieur est induit
systématiquement lors de l’extension s’il y a
persistance d’un flessum. Une prise en
berceau du segment jambier permet d’avoir
une prise efficace en arrière de l’extrémité
supérieure du tibia (fig 15).
Le glissement postérieur accompagne la
flexion par le biais d’une prise courte sur la
face antérieure de l’extrémité supérieure du
tibia (fig 16).
Comme il n’existe plus de rotations
automatiques lors des mouvements de
flexion-extension, il s’agit simplement
d’entretenir les libertés rotatoires interne et
externe.
Les tractions douces dans l’axe du segment
jambier permettent une décompression
articulaire bénéfique à la mobilisation
passive, voire au gain d’amplitude (fig 17).
19 Travail autopassif sur ballon.
Tous ces mouvements sont travaillés soit
dans le secteur libre à l’occasion d’une
mobilisation passive, soit en amplitude
submaximale dans celui d’un gain
d’amplitude.
Arthromoteur (fig 18)
Il n’est utilisé qu’en mobilisation passive
dans le secteur libre, en toute indolence.
Aucun gain d’amplitude ne doit être
recherché. Le patient n’est pas attaché sur
l’appareil avec possibilité d’autocontrôle [26].
Au-delà de 100° de flexion, il est inutile.
L’installation du patient est importante :
réglage de façon à faire coïncider le centre
articulaire du genou avec celui de l’appareil ;
le patient est en position semi-assise.
Le genou peut être glacé pendant la séance
d’arthromoteur.
Temps d’une séance : 20 minutes.
L ’ a r t h ro m o t e u r p e u t p e r m e t t re u n e
mobilisation supplémentaire du genou chez
des patients bougeant peu et qui sous-
utilisent leur articulation.
Automobilisation
Elle est souvent préférée à l’arthromoteur
car elle est mieux contrôlée par le patient [26].
Celui-ci est assis sur un ballon cylindrique,
les deux pieds au sol, et il réalise
alternativement une flexion et une extension
en faisant rouler le ballon sous lui (fig 19).
Un escalier peut aussi être utilisé : le patient
est le pied en appui sur une marche : il
réalise une fente avant en insistant sur la
flexion avec retour en extension (fig 20).

10
Kinésithérapie
20 Travail autopassif sur une marche d’escalier.
21 Balnéothérapie.
Cheville et pied
Les sujets âgés ont une utilisation restreinte
de la tibiotarsienne (mauvais déroulement
du pas, diminution de la durée de la phase
d’appui, équilibre précaire).
Les femmes présentent souvent des
articulations tibiotarsiennes fixées en équin
(chaussures à talon).
La mobilisation passive de l’ensemble des
articulations du pied peut redonner une
certaine aisance à la marche.
La flexion dorsale de cheville, l’extension de
l’articulation métatarsophalangienne (du
gros orteil surtout), les différentes arches du
pied et de la palette métatarsienne sont alors
mobilisées.
Ces articulations sont parfois fixées depuis
longtemps : la mobilisation doit être
p ru d e n t e e t n o n a g re s s i v e c a r u n e
mobilisation trop intensive risquerait de
réveiller des douleurs.
La balnéothérapie [42] est utilisée
essentiellement à titre de rodage articulaire
favorisé par la chaleur de l’eau et l’état de la
relative apesanteur. Exercices réalisés :
pédalage, fente avant, flexion les deux pieds
sur le mur, accroupissements, etc (fig 21).
Une à deux séances de balnéothérapie par
jour peuvent être réalisées en tenant compte
des habituelles contre-indications liées à la
température de l’eau.
Rééducation et arthroplastie totale du genou
¶ Travail musculaire [26]
Il concerne essentiellement le muscle
quadriceps et les muscles ischiojambiers. Les
muscles de la cheville, du pied et les
stabilisateurs latéraux du bassin sont
sollicités si nécessaire.
Ce travail a pour objectif de redonner
rapidement au membre inférieur la stabilité
et la fonction que le patient avait perdues.
Le « minimum fonctionnel » est la plupart
du temps rapidement acquis, ce qui permet
au patient de très vite déambuler avec une
canne simple en toute sécurité.
En postopératoire immédiat [34], le réveil
musculaire concerne essentiellement le
quadriceps, car les ischiojambiers sont plus
rarement inhibés.
L’objectif est de récupérer le verrouillage
actif du genou dans les derniers degrés
d’extension. Ceci est souvent difficile à
obtenir en raison de la présence de liquide
intra-articulaire ou d’un appareil extenseur
fixé. Si cet appareil extenseur n’est pas
suffisamment mobile, le verrouillage du
genou ne peut être obtenu et il faut donc
préalablement le mobiliser.
Le remonter de rotule est réalisé
volontairement par le patient ou obtenu par
le thérapeute en utilisant les chaînes
musculaires (antérieure, controlatérale ou en
cocontraction). Lorsque la relance
musculaire s’avère difficile, des courants
excitomoteurs sont utilisés : il est possible
d’y associer un travail musculaire volontaire
ou le myo-feedback selon la nécessité.
Par la suite, le quadriceps et les
ischiojambiers seront sollicités en chaîne
ouverte (statique, dynamique, concentrique
et excentrique) et en chaîne fermée.
La chaîne ouverte permet de relancer
analytiquement le quadriceps en tant
qu’extenseur du genou et les ischiojambiers
essentiellement en tant que stabilisateurs
latéraux et horizontaux.
Ce travail s’effectue en bord de table en
position plutôt semi-assise avec des
résistances manuelles.
Pour solliciter la chaîne varisante (demi-
membraneux + patte d’oie), la résistance
s’applique au niveau de la tête du premier
métatarsien, sur un pied placé en inversion,
le patient résistant à une force qui l’emmène
vers l’extension, le valgus et la rotation
externe. Une contre-prise sur la face externe
du condyle externe permet de recruter
simultanément les abducteurs-rotateurs
externes de hanche.
Pour la chaîne valgisante (biceps fémoral,
TFL), la prise au pied se fait sur le bord
externe, le patient s’opposant à une force
varisante et rotatoire interne. Le biceps
fémoral participe en flexion et le TFL en
extension.
En chaîne semi-fermée, le patient est jambes
en crochet, le membre inférieur concerné en
flexion. Le thérapeute place le membre en
varus (ou en valgus selon le travail
26-296-A-05
22 Stepper.
recherché) et demande au patient de
travailler contre résistance dans les trois
plans.
Cet exercice peut être effectué le pied posé
sur un ballon, ou le patient lui-même assis
sur un ballon de Klein, pied au sol.
En chaîne fermée, ce même exercice
s’effectue debout en symétrique, contre
résistance de la chaîne opposée souvent
hypoextensible.
L’utilisation de mécanothérapie (« stepper »
(fig 22) ou presse), peut permettre de
travailler les mouvements de poussée, de
prise d’appui et de mise en charge du
membre opéré. Cet exercice est réalisé avec
de faibles résistances (5 à 10 kg) et peu de
répétitions. Le stepper doit être pratiqué avec
faible flexion du genou pour éviter les
contraintes fémoropatellaires.
La montée de l’escalier est l’objectif principal
de ce type de travail.
Le triceps sural est relancé en charge, en
appui bipodal d’abord, puis unipodal si
possible.
¶ Reprogrammation sensorimotrice
L’équilibre souvent précaire de ces patients
fraîchement opérés, et de surcroît âgés,
oblige le rééducateur à solliciter les
mécanismes proprioceptifs mis de côté
durant des mois.
Il ne s’agit pas d’obtenir des possibilités
dignes d’un sportif mais simplement un
transfert équilibré du poids du corps lors de
la phase d’appui.
Pour ceci, il faut faire en sorte que le patient
retrouve un appui unipodal contrôlé dans
les trois plans de l’espace (fig 23).
Si le patient réussit rapidement à effectuer
cet exercice, il est possible de compliquer la
tâche en utilisant des plans mous (tapis
entassés ou coussins) plutôt que des
plateaux de Freeman bien trop acrobatiques.
Ce sont les pathologies associées qui
peuvent rendre impossible ce test ou cet
exercice mais en aucun cas la prothèse
elle-même.
11
26-296-A-05
23 Travail unipodal.
24 Travail proprioceptif en charge partielle (sur ballon
de Klein).
Le travail en charge partielle sur ballon de
Klein-Vogelbach est très bien ressenti par ces
patients et constitue une bonne progression
vers la charge complète (fig 24).
¶ Rééducation fonctionnelle
Le patient doit réapprendre à utiliser son
genou dans la marche. Ce versant de la
rééducation ne peut négliger le genou
opposé souvent arthrosique.
Différentes étapes de la marche sont à
corriger.
Recherche d’extension
Le patient a gardé son schéma de marche. Il
attaque le sol pied à plat, le tibia basculant
rapidement en avant, le genou restant fléchi.
Il est intéressant de reprogrammer cette
attaque du sol par le talon en insistant sur
l’extension active du genou.
Cette dernière est maintenue lors de la phase
d’appui.
Exemple 1 : sujet assis en position haute,
travail de l’extension active, tibia/fémur, le
pied tenu en flexion dorsale.
12
Rééducation et arthroplastie totale du genou
25 Marche en terrain accidenté.
Exemple 2 : phase d’appui, sujet debout, le
pied au sol, le genou légèrement fléchi. Le
kinésithérapeute exerce une résistance dans
le creux poplité afin de stimuler l’extension
du genou dans les derniers degrés :
stimulation du quadriceps par des traits tirés
sur le corps musculaire, relever de rotule.
Recherche de flexion
La recherche directe de la flexion active du
genou n’est pas suffisante.
Le déroulement du pied peut aider à obtenir
une flexion du genou. La fin de la phase
d’appui doit se terminer par la mise en
charge de l’avant-pied, la flexion du genou
étant obtenue à partir du moment où le
patient utilise l’extension passive de ses
articulations métatarsophalangiennes et la
propulsion.
Autre moyen pédagogique : se placer
derrière le patient et lui demander de
montrer la semelle de ses chaussures quand
il marche.
Aides à la marche
Deux cannes-béquilles : elles sont souvent
indispensables en postopératoire immédiat
le temps d’obtenir un verrouillage actif du
genou et par conséquent un bon appui.
Elles sont conservées tant que le patient n’est
pas assez en sécurité avec une seule canne.
Une seule « canne-béquille » ne permet pas
d’obtenir une marche satisfaisante, le patient
ayant tendance à trop s’appuyer dessus.
La « canne en T » est beaucoup mieux
adaptée. Elle est conservée le temps de
retrouver une assurance maximale, surtout
pour les grands déplacements à l’extérieur.
Tester le patient sur parcours accidenté
semble impératif (fig 25).
Elle sera abandonnée rapidement ou utilisée
de l’autre côté pour soulager le genou non
opéré.
Escalier (fig 26)
La plupart des patients étaient en grande
d i ffi c u l t é d a n s l e s e s c a l i e r s a v a n t
l’intervention. C’est pourquoi il est
important de les remettre en situation.
Il faut attendre que les amplitudes passives
(90° pour la montée, 110° pour la descente)
Kinésithérapie
26 L’escalier.
soient libérées et que la force des muscles
antigravitiques soit suffisante. Les escaliers
ne doivent pas servir à gagner sur les
amplitudes.
Chaussage
Il est important que le patient retrouve
rapidement son chaussage habituel.
Un soutien plantaire ou un anneau
calcanéen sont parfois nécessaires s’il existe
des troubles statiques.
Les patientes habituées à porter des
chaussures à talons sont en difficulté à plat.
Les chaussures à talon bottier sont alors
préconisées.
¶ Incidence des problèmes
de cicatrisation sur la rééducation
Dans les suites de la mise en place d’une
prothèse de genou, la cicatrisation cutanée
de la plaie opératoire est parfois difficile.
En effet, cette intervention est proposée à
des patients souvent porteurs de pathologies
associées pouvant induire des troubles de la
cicatrisation : obésité avec présence d’un
pannicule adipeux important, troubles de la
circulation veineuse de retour, diabète gras.
De plus, la couverture cutanée du genou est
mal vascularisée et l’articulation étant très
superficielle, toute infection de la cicatrice
fait craindre une contamination de la
prothèse.
C’est la raison pour laquelle la surveillance
de la plaie opératoire doit être scrupuleuse
avec cicatrisation dirigée et au moindre
doute surveillance biologique régulière.
Sans l’interrompre totalement, la présence de
problèmes de cicatrisation nécessite une
adaptation de la rééducation.
La cryothérapie est contre-indiquée en
péricicatriciel, surtout s’il existe une
désunion ou une zone nécrotique.
Afin d’éviter une surinfection de la prothèse,
la balnéothérapie ne doit pas être utilisée
avant cicatrisation complète.
Kinésithérapie
On insiste sur la libération des plans cutanés
afin d’éviter toute mise en tension excessive
de la cicatrice.
Les manœuvres de gain d’amplitude,
surtout dans le sens de la flexion, doivent
être prudentes, guidées par l’absence de
contrainte sur la cicatrice.
Le travail de renforcement musculaire, de
contrôle proprioceptif ou de la marche
pourra être poursuivi dans les secteurs de
mobilité proches de l’extension.
La présence d’une hydarthrose mettant en
tension l’articulation impose de manière
plus systématique la prescription d’un anti-
inflammatoire non stéroïdien. De même,
l’existence de troubles trophiques associés,
tel un œdème du membre inférieur, doit être
prise en compte et des massages de drainage
complétés par le port de bas de contention
seront indiqués.
Genou difficile
ou genou réactif
Le genou « difficile » lorsqu’on le prend en
charge en rééducation est un genou qui reste
inflammatoire ou au moins réactif et
d o u l o u re u x m a l g r é l e s t r a i t e m e n t s
antalgiques et anti-inflammatoires institués.
Un tel état rend la rééducation peu efficace
et fait redouter, a priori, une complication
majeure de type sepsis – hémarthrose –
algodystrophie qu’il faut éliminer.
En l’absence de complication majeure,
l’évolution va se faire progressivement vers
la normalisation des symptômes.
À l’arrivée au centre de rééducation,
habituellement vers le 10 ou 15 e jour
postopératoire, les genoux prothésés sont
souvent douloureux et inflammatoires
associant, à des degrés divers :
– douleur : localisée au genou ou diffusant
à l’ensemble du membre, à prédominance
diurne ou nocturne ;
– chaleur : plus ou moins accentuée,
justifiant un glaçage durant 15 à 20 minutes
plusieurs fois par jour ;
– gonflement : les genoux liquidiens
nécessitent un traitement anti-inflammatoire,
lorsqu’il n’est pas contre-indiqué, chez ces
patients souvent âgés et qui sont parfois
porteurs de pathologies digestives ;
– hématome : lorsqu’il est important et
diffuse largement dans les tissus de la cuisse
et de la jambe, des pansements alcoolisés
mis en place la nuit sont utiles et diminuent
les phénomènes douloureux ;
– cicatrice : lorsqu’elle présente quelques
zones de désunion, elle est par ailleurs
souvent inflammatoire et adhérente aux
plans profonds ;
– œdème de la jambe : en dehors de tout
signe de thrombophlébite, l’œdème est
fréquent et nécessite la mise en position
surclive la nuit, les massages de drainage et
le port de bandes ou d’un bas de contention.
Rééducation et arthroplastie totale du genou
– raideur du genou : flexion inférieure à 70°
et flessum de 10° à 25° ;
– marche : possible avec deux cannes
coudées ou un déambulateur selon qu’il
s’agit d’un patient en relative « bonne
santé » ou très affaibli par des pathologies
diverses : cardiaque, respiratoire,
diabétique…
Ce tableau clinique, plus ou moins complet,
justifie une surveillance vigilante du service
de rééducation afin de démasquer :
– un simple syndrome inflammatoire
postopératoire qui réagit bien au traitement
anti-inflammatoire et permet la progression
de la rééducation ;
– une algodystrophie réflexe à confirmer par
la scintigraphie osseuse et à traiter
précocement par la calcitonine et une
rééducation adaptée, c’est-à-dire respectant
la non-douleur ;
– une raideur au sens strict du terme, ne
progressant pas en rééducation et justifiant
une mobilisation sous anesthésie générale ;
– un sepsis, nécessitant rapidement
l’identification du germe et le lavage de
l’articulation ainsi qu’une antibiothérapie
adaptée ;
– un descellement précoce dont le
diagnostic est parfois difficile ;
– une phlébite à symptomatologie clinique
difficile à étiqueter, justifiant au moindre
doute un échodoppler veineux et, en cas de
thrombose, la mise en route d’un traitement
anticoagulant.
En postopératoire précoce, les constantes
biologiques sont fréquemment perturbées :
c’est leur retour progressif à la normale qui
traduit l’absence d’infection.
Quand il n’y a pas de fièvre, que la
radiographie et l’échodoppler sont normaux,
on a pu éliminer les complications majeures :
il s’agit seulement d’un genou « difficile »
pour lequel il convient d’adapter au mieux
le traitement médical et rééducatif et
d’assurer une surveillance clinique vigilante.
TRAITEMENT MÉDICAL
ET RÉÉDUCATIF
Il est basé sur un traitement anti-
inflammatoire avec antalgiques majeurs si
nécessaire et une kinésithérapie prudente et
modérée :
– contractions isométriques simples et peu
intenses associées si possible à des exercices
de remonter de rotule ;
– mobilisation active aidée, voire passive
prudente mais pluriquotidienne et dans le
respect de l’indolence. À ce stade, la
balnéothérapie est souvent impossible en
raison des problèmes cicatriciels ;
– utilisation des bains écossais de jambe ou
simple alternance chaud-froid au lit ;
– mobilisation dans le secteur angulaire
libre par arthromoteur, en appoint mais
jamais de façon exclusive ou prépondérante ;
26-296-A-05
– drainage du membre en surclive et
contention veineuse.
SURVEILLANCE DE L’ÉVOLUTION
CLINIQUE
Dans les jours qui suivent l’admission, la
symptomatologie douloureuse régresse avec
notamment :
– meilleur contrôle de la douleur nocturne ;
– retour progressif vers la normale des
p a r a m è t re s b i o l o g i q u e s ( v i t e s s e d e
sédimentation-protéine C réactive) ;
– la cicatrice devient moins inflammatoire,
se libère et prend un meilleur aspect ;
– la tuméfaction du genou se réduit :
surveillance par la mensuration du
périmètre du genou au mètre ruban chaque
jour ;
– la sidération quadricipitale est levée
partiellement ;
– les mobilités du genou progressent même
si cette progression est lente : notre référence
de progression « acceptable » est de 5° par
semaine ;
– l’œdème de jambe se résorbe ;
– la marche devient plus facile même si
cannes ou déambulateur sont encore
nécessaires.
Progressivement, sur 8 à 15 jours, ce genou,
suspect au départ, reprend un aspect
rassurant et, surtout, le meilleur contrôle de
la douleur permet en rééducation d’être plus
actif et d’établir peu à peu le programme de
rééducation habituel.
Arthroplastie totale
et algodystrophie
L’ADR est l’une des complications majeures
qu’il faut toujours redouter pour la dépister
précocement et prendre les mesures qu’il
convient de la façon la plus rapide qui soit.
E n e ff e t , p r i s e à t e m p s e t t r a i t é e
correctement, elle peut être jugulée
rapidement sans grever l’avenir du genou.
Sa fréquence est de l’ordre de 5 à 20 % selon
les auteurs [15].
Les signes cliniques évocateurs sont
essentiellement : la douleur nocturne
insomniante, le genou cliniquement
inflammatoire et les douleurs de percussion
osseuse rencontrées fréquemment au niveau
de la crête tibiale, voire des malléoles de
cheville.
La résistance de ces douleurs au traitement
antalgique habituel (associé ou non à des
anti-inflammatoires) doit tout de suite alerter
sur la possibilité d’une algodystrophie et
faire réaliser des radiographies qui,
malheureusement dans le cas de la prothèse
de genou, ne sont pas toujours très
informatives. Devant de telles douleurs,
même si la radiographie ne montre rien
d’anormal, il faut faire un test thérapeutique
13
26-296-A-05
à la calcitonine et programmer une
scintigraphie osseuse qui, si elle est positive,
confirme l’algodystrophie et fait poursuivre
le traitement par calcitonine selon les
protocoles habituels.
Dans certains cas, la symptomatologie
clinique est beaucoup plus bâtarde et peut
simplement consister en des signes de
réactivité du genou qui reste toujours un
peu douloureux, qui réagit mal à la
rééducation, aussi adaptée soit-elle, et qui
ne progresse pas normalement. Dans de tels
cas, des explorations complémentaires sont
justifiées sans attendre trop longtemps car la
précocité du traitement est un gage de
réussite.
En cas d’ADR, le contrôle de la douleur est
primordial et doit faire intervenir toutes les
possibilités de l’arsenal thérapeutique pour
obtenir une antalgie de bonne qualité. La
rééducation ne doit pas être interrompue
mais simplement adaptée aux possibilités du
p a t i e n t d e t e l l e f a ç o n q u ’ e l l e re s t e
infradouloureuse.
IMPACTS À RECHERCHER
¶ Sur le plan sédatif
Le massage et les bains écossais sont les
techniques les plus performantes, toute
physiothérapie autre étant inefficace ou
contre-indiquée.
¶ Sur le plan de la mobilité
Il convient de poursuivre les massages et la
mobilisation de l’appareil extenseur en
restant infradouloureux et en surveillant les
réactions du genou aux manœuvres réalisées
de façon à ne pas être agressif. La
mobilisation active aidée dans cette période
est un élément extrêmement intéressant et
c’est pour cette raison que la balnéothérapie
a une place majeure dans ce contexte : elle
permet une mobilisation active aidée
infradouloureuse de l’articulation.
¶ Sur le plan musculaire
Toutes les techniques manuelles peuvent être
utilisées à l’exclusion des techniques faisant
appel à un appareillage quel qu’il soit qui
ne peut être suffisamment bien dosé pour
rester infradouloureux.
¶ Sur le plan fonctionnel
L’appui ne doit pas être interdit : il faut
seulement utiliser des cannes pour soulager
l’appui de façon qu’il reste infradouloureux.
De cette manière, au fur et à mesure que les
douleurs seront mieux contrôlées à la fois
par le traitement médicamenteux et par les
soins physiques adaptés, l’appui pourra être
progressivement augmenté avec une bonne
tolérance.
L’antalgie obtenue permet dans la plupart
des cas la reprise d’une rééducation plus
active et la récupération d’une mobilité et
d’un contrôle musculaire satisfaisants.
14
Rééducation et arthroplastie totale du genou
Toutefois, cette évolution idéale n’est pas
toujours la règle et deux cas de figure
peuvent se présenter :
– le genou a récupéré une mobilité et un
contrôle musculaire fonctionnels mais il reste
douloureux et ne supporte pas les marches
prolongées. Il faut alors faire une fenêtre
thérapeutique avec arrêt de la rééducation
et simple poursuite d’un traitement
médicamenteux adapté. Ceci permet
généralement la disparition progressive des
phénomènes douloureux ;
– le genou n’est plus très douloureux mais
une raideur persiste : un genou assez bien
contrôlé sur le plan algique qui ne progresse
pas du tout en mobilité pendant 15 jours à 3
semaines nécessite l’arrêt de la rééducation
pendant 3 à 4 semaines. Au retour de cette
fenêtre thérapeutique, le gain de mobilité
peut être réalisé dans un bon nombre de
cas.
En cas de raideur persistante, il faut alors
envisager une arthrolyse sous arthroscopie à
condition que le genou ne soit plus
inflammatoire. Heureusement, peu de
genoux prothésés algodystrophiques doivent
avoir recours à ce geste chirurgical.
À condition de dépister l’algodystrophie de
façon précoce et d’adapter le traitement
médicamenteux et physique, les résultats
sont très positifs.
Dans une étude récente [15], sur 17 patients
porteurs d’une algodystrophie sur prothèse
de genou, 15 ont un résultat excellent avec
toutefois une durée de séjour moyenne de
46 jours contre 32 jours pour la population
générale. À la sortie, le résultat fonctionnel
est proche de celui de la population générale
en ce qui concerne la marche : 88 %
marchent sans canne ou avec une canne
simple contre 95 % pour la population
générale.
Pour la montée et descente des escaliers :
35 % contre 59 % : ceci est vraisembla-
blement lié à la légère diminution de
mobilité mais également à la persistance de
douleurs puisque seulement 47 % des
patients algodystrophiques sont indolores à
la sortie contre 80 % dans la population
générale.
La mobilité est un peu plus faible : - 8/98°
contre - 4/106° pour la population générale.
Par ailleurs, ces patients nécessitent, au
moins pour la moitié d’entre eux, de
poursuivre un traitement par calcitonine
associé à une kinésithérapie adaptée
pendant 4 à 6 semaines après la sortie du
centre.
A fi n d ’ é v i t e r l ’ a p p a r i t i o n d e c e t t e
algodystrophie, il semble intéressant
d’utiliser quelques mesures préventives :
mise en surclive du membre inférieur au
moins pour la nuit et lors des repos dans la
journée, drainage manuel en surclive du
membre inférieur, voire mise en place de bas
de contention élastique en cas d’œdème,
bains alternés chauds et froids autant à titre
préventif que curatif.
Kinésithérapie
Arthroplastie totale
et raideur
Le gain de mobilité est, après l’indolence,
l’un des objectifs de la mise en place d’une
prothèse totale de genou. Cette mobilité
permet un retour à une marche la plus
adaptée aux besoins du patient et à la
reprise de différentes activités de vie
quotidienne, comme par exemple la descente
d’escaliers qui nécessite une flexion
d’environ 110°, la montée ne demandant,
elle, que 90°, le chaussage et les soins
d’hygiène.
Mais si la flexion est la préoccupation de la
rééducation, on est parfois confronté à la
persistance d’un flessum qui était souvent
antérieur à l’intervention et va gêner la
marche.
Afin de visualiser l’évolution et le résultat
de notre prise en charge, nous avons pris
pour habitude de reporter les cotations,
chaque semaine, sur un papier millimétré.
Ceci nous apparaît plus significatif qu’un
alignement de chiffres.
Ceci permet également de mettre en
évidence des paliers qui orienteront
éventuellement la conduite à tenir :
poursuite de la rééducation, fenêtre
thérapeutique, indication chirurgicale :
mobilisation sous anesthésie générale.
DÉFINITION
Pour nous, la raideur se définit de deux
manières :
– la flexion n’atteint pas 90° entre la 4e et la
6e semaine ;
– l’absence de progression sur 2 semaines,
avec une flexion inférieure à 90°, la
progression minimale acceptée étant de 5°
par semaine.
ÉTIOLOGIE
L’installation de cette raideur a des origines
très diverses. En premier lieu, l’ADR est
souvent en cause. Le diagnostic clinique est
souvent facile : troubles trophiques associés
à des douleurs nocturnes, douleur à la
percussion. La scintigraphie, quand elle est
réalisée, est parfois d’interprétation plus
délicate. En cas de doute, un traitement
d’épreuve par la calcitonine est mis en
œuvre : un effet rapide confirme le
diagnostic.
Souvent, on est en présence d’un genou
inflammatoire, liquidien ou sec, avec une
disparition des plans de glissement latéraux
et des culs-de-sac. Parfois, il s’agit de
douleurs, sans origine précise.
Enfin, rarement, des retards de cicatrisation
gênent la prise en charge, notamment
l’utilisation de la balnéothérapie qui est un
des éléments clé de la rééducation en centre.
Il convient d’éliminer une pathologie
infectieuse : surveillance clinique,
Kinésithérapie
température, biologie (en postopératoire, la
vitesse de sédimentation est souvent
accélérée et se normalise progressivement).
En effet, un traitement antalgique ou la
prescription d’anti-inflammatoires non
s t é ro ï d i e n s p e u v e n t f a i re c é d e r l e s
phénomènes douloureux ou inflammatoires
et permettent rapidement de retrouver une
progression régulière.
Le traitement par la calcitonine, quand il est
mis en place lors de la poussée
inflammatoire de l’ADR, a dans la plupart
des cas un résultat favorable. Son efficacité
est en revanche quasiment nulle lorsqu’il
intervient en phase froide, avec des signes
évocateurs d’une capsulite de genou.
RÉÉDUCATION
Encore plus que lors d’une évolution
normale, la rééducation de la raideur sur
prothèse totale de genou doit s’adapter aux
réactions locales. En effet, il s’agit d’un
genou qui « réagit » aux sollicitations trop
brutales ou trop prolongées.
Ceci implique des séances fractionnées au
cours de la journée, alternant des phases
sédatives, articulaires et musculaires.
L e m a s s a g e re s t e u n d e s é l é m e n t s
importants, permettant le drainage d’un
œdème dont le résultat sera ensuite
maintenu par un bas de contention.
Le massage permettra également de
défibroser les plans de glissement latéraux,
le cul-de-sac. Il s’agit d’un pétrissage
profond mais non agressif, respectant les
réactions locales.
Le glaçage est fréquemment utilisé sur un
genou qui a tendance à « chauffer ». Ses
modalités d’application doivent être
précises : intercaler un linge, plusieurs
applications par jour, d’une durée de 20
minutes au maximum, afin d’éviter
d’éventuelles complications au niveau de la
cicatrice.
L’utilisation de bains écossais (chaud-froid)
permet également de résoudre des réactions
vasomotrices.
L’utilisation de la physiothérapie est très
rare, en raison du matériel sous-jacent,
seules les basses fréquences le sont parfois,
dans un but antalgique et défibrosant.
¶ Travail articulaire
Bien entendu, il s’agit là d’un point essentiel
de la prise en charge. Ce travail doit alterner
les phases passives (postures douces,
manuelles de lutte contre le flessum) et les
phases actives de gain d’amplitude en
flexion. Exemple : contracter-relâcher, en
maintenant la rotule pour éviter tout
étirement du tendon rotulien.
Le kinésithérapeute s’aide parfois de
manœuvres de rotation ou de décoaptation
qui permettent d’obtenir plus facilement des
« voies de passage ».
Rééducation et arthroplastie totale du genou
L’arthromoteur est également utilisé, mais
plus dans un but de rodage que de gain
d’amplitude. Il l’est d’autant plus qu’un
retard de cicatrisation ne permet pas la
balnéothérapie.
En effet, la balnéothérapie chaude est
souvent un élément qui, dans un climat
d’indolence, permet de franchir une étape ;
parfois, elle se limite à une marche en milieu
aquatique.
D’autres moyens sont à notre disposition,
dans un travail actif : travail sur un ballon
de Klein, planche à roulettes, travail en
charge devant l’espalier …
¶ Phase musculaire
Cette phase ne doit pas être négligée lors de
l’absence de progression. La levée des
tensions musculaires, l’étirement des plans
rétractés antérieurs et/ou postérieurs de
cuisse, également du segment jambier, sont
autant de facteurs favorisant la reprise du
gain d’amplitude et la sédation de
phénomènes douloureux.
Ces techniques passives sont associées à un
travail actif : travail isométrique contre
résistance manuelle, sollicitant les plans de
glissement et la mobilisation de la rotule
(remonter de rotule que le patient aura
appris à effectuer seul et reproduira au cours
de la journée).
Parfois, malgré la mise en place de ces
différents moyens, la progression reste nulle.
En concertation avec le chirurgien, deux
alternatives se présentent :
– la réalisation d’une mobilisation sous
anesthésie générale, si l’état du patient le
permet et les délais compatibles (4e à 6e
semaine postopératoire) ;
– dans les autres cas, l’arrêt de la
rééducation sous forme d’une fenêtre
thérapeutique est souvent profitable à ces
genoux réactifs. La rééducation est reprise
en ville au bout de 3 à 4 semaines, après le
retour à domicile du patient.
À l’occasion d’une étude que nous avions
réalisée pour les Journées de rééducation de
Montpellier [9] , nous avions repris une
grande population de prothèses de genou
(328). Trente et un patients, soit 9,45 %
avaient bénéficié d’une mobilisation sous
anesthésie générale ; 22 en postopératoire
immédiat, en milieu chirurgical, et 9 lors du
séjour au Centre de médecine physique et
de réadaptation (CMPR).
Lorsque le chirurgien constate une mobilité
limitée dans les premiers jours
postopératoires, il préfère parfois réaliser
rapidement cette mobilisation qui va ensuite
faciliter la prise en charge rééducative.
Lors de cette étude, nous avons également
constaté, en ce qui concerne les patients
mobilisés pendant leur séjour au CMPR, que
ce geste n’avait pas le même résultat en
fonction de la mobilité acquise.
26-296-A-05
Contrairement à ce que l’on pouvait
imaginer, le résultat de cette mobilisation est
plus efficace chez les patients présentant une
mobilité inférieure ou égale à 70°, par
rapport aux patients dont la mobilité est
comprise entre 75 et 85°.
Après une courte hospitalisation en
chirurgie (24 à 48 h), pendant laquelle le
patient est mobilisé sur arthromoteur,
parfois sous analgésie péridurale, la prise en
charge au CMPR nécessite la reprise de soins
attentifs : séances plurifractionnées, alternant
l’arthromoteur, une kinésithérapie manuelle,
la balnéothérapie, quand elle est possible.
Parfois, cette rééducation est effectuée sous
couvert d’un traitement antalgique majeur
(morphiniques), lors de douleurs très
importantes, gênant la prise en charge. Bien
entendu, cela entraîne une augmentation
significative de la durée du séjour.
La raideur du genou sur PROTHESE
TO TA L E D E G E N O U e s t d o n c u n e
complication sévère, car compromettant
l’avenir fonctionnel de cette intervention.
C’est la raison pour laquelle il convient
d’être attentif à la présence de facteurs
prédictifs : mobilité limitée à l’entrée
(10e/12e jour), phénomènes inflammatoires
ou vasomoteurs. Nous mettons en œuvre
rapidement une rééducation adaptée sous
surveillance médicale. Ceci confirme la
nécessité de la prise en charge en milieu
s p é c i a l i s é , b é n é fi c i a n t d ’ u n p l a t e a u
technique et permettant la surveillance et la
mise en route rapide d’un traitement
médical et kinésithérapique.
Conclusion
L’arthroplastie du genou est la réponse
légitime à l’atteinte articulaire évoluée et
symptomatique, lorsque le traitement médical
a atteint ses limites. Le remplacement
tricompartimental représente l’indication la
plus fréquemment retenue. Il est en effet rare
que l’atteinte dégénérative et destructrice ne
concerne que l’un des trois compartiments du
genou. L’arthroplastie unicompartimentale
conserve néanmoins une place étroite mais
réelle, fruit d’une sélection clinique et
radiologique rigoureuse des patients.
L’infection demeure la complication la plus
redoutable, prévenue au mieux par
l’éradication des portes d’entrée. La qualité du
résultat fonctionnel obtenu dépend d’abord de
la qualité du geste chirurgical puis de la bonne
adaptation de la rééducation postopératoire.
Celle-ci vise à récupérer l’autonomie de
marche, ce qui implique la restauration d’une
mobilité fonctionnelle (0°/110°) et l’acquisition
d’un bon contrôle musculaire en charge. Les
techniques utilisées privilégient le travail actif
aidé et les sollicitations musculaires en chaîne
fermée. L’âge des patients et les pathologies
associées nécessitent une surveillance médicale
attentive et la prise en compte rééducative des
éventuels désordres orthopédiques associés.
15
26-296-A-05
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