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DROIT SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS

COMMERCIALES

OBJET DU COURS :

Le cours de droit des sociétés de ce second semestre est le prolongement de celui dispensé au
premier semestre.

Le premier semestre a été consacré à l’étude du droit général des sociétés. Par ces termes, l’on
désigne l’ensemble des règles qui sont applicables à toutes les sociétés civiles et
commerciales. Ces règles figurent dans le Code civil en ses articles 1832 à 1844-17. Ainsi que
l’énonce l’article 1834, elles sont applicables à toutes les sociétés, sauf si une loi spéciale en
dispose autrement à raison de la forme ou de l’objet des sociétés. Et il ne faut pas oublier le
droit commun des contrats situé aux articles 1101 et suivants dans la mesure où la société
s’analyse en un contrat (v. intro. du premier semestre).

Le cours du second semestre porte sur le droit spécial des sociétés commerciales tel qu’il est
régi par le Code de commerce et qui comprend deux types de règles :

- Des règles communes aux sociétés commerciales visées aux articles L. 210-1 à L. 210-9 et
L. 231-1 et suivants du Code de commerce ;

- Et des règles spéciales propres aux diverses sociétés commerciales (société en nom collectif,
sociétés en commandite, sociétés à responsabilité limitée, société anonyme, société par
actions simplifiées) situées aux articles L. 221-1 et suivants du Code de commerce.

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NB : S’agissant de l’articulation de ces différents corps de règles, par application des articles
1105 et 1834 du Code civil, les règles se cumulent, sauf incompatibilité entre elles. En cas
d’incompatibilité, le droit spécial s’applique en priorité en vertu de l’adage specialia
generalibus derogant.

PLAN DU COURS :

Selon la classification traditionnellement retenue (cf. le premier semestre), il est coutume de


distinguer les sociétés à responsabilité illimitée des sociétés à responsabilité limitée.

Dans les premières, les associés sont tenus de répondre indéfiniment et solidairement des
dettes de la société. La SNC constitue l’archétype des sociétés à responsabilité illimitée. Elle
fera l’objet du premier titre de notre étude.

À l’inverse, dans les secondes, les associés sont tenus du paiement de la dette sociale
proportionnellement à leur participation dans le capital social. Il s’agit de la SA, de la SAS et
de la SARL qui feront respectivement l’objet des titres 2, 3 et 4 de notre cours.

Nouvelle venue sur la scène des sociétés, la société à mission n’est pas une forme de structure
sociétaire en ce sens que n’importe quelle société commerciale peut adopter le statut de
société à mission. Elle s’inscrit dans la tendance actuelle qui consiste pour le législateur à
promouvoir des aspects de gouvernance des sociétés fondés sur l’éthique et la responsabilité
sociétale et environnementale. Le statut de société à mission sera ainsi abordé dans un titre 5.

Enfin, il conviendra de voir dans un sixième et dernier titre une forme d’organisation
incontournable pour les plus grandes entreprises : le groupe de sociétés.

Titre 1er : La société en nom collectif


Titre 2ème : La société anonyme

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Titre 3ème : La société par actions simplifiée
Titre 4ème : La société à responsabilité limitée
Titre 5ème : La société à mission
Titre 6ème : Le groupe de sociétés

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Éléments de bibliographie :

Pour la préparation des travaux dirigés et des examens, les étudiants pourront utilement se
reporter aux ouvrages consacrés à la matière.

Pour une présentation détaillée de la matière :


- P. LE CANNU et B. DONDÉRO, Droit des sociétés, LGDJ, coll. « précis Domat », 9ème éd.,
2022 ;
- M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, LexisNexis, 35ème éd.,
2022 ;
- Ph. MERLE et A. FAUCHON, Droit commercial, Sociétés commerciales, Dalloz, coll.
« précis », 26ème éd., 2022 ;

Pour une approche plus synthétique de la matière :


- C. BÉNARD, L. GROSCLAUDE et M.-H. MONSÉRIÉ, Droit des sociétés et des
groupements, LGDJ, coll. « cours », 3ème éd., 2016 ;
- B. DONDÉRO, Droit des sociétés, Dalloz, coll. « hypercours », 7ème éd., 2021 ;
- V. MAGNIER, Droit des sociétés, Dalloz, coll. « cours », 10ème éd., 2021.

Aide mémoire :
B. HESS-FALLON et A.-M. SIMON, Droit des affaires, Sirey, coll. « aide-mémoire », 20ème
éd., 2017.

Ils pourront également lire les revues spécialisées en droit des sociétés :
- Bull. Joly Sociétés (disponible sur le site Lextenso) ;
- Droit des sociétés (disponible sur le site Lexisnexis) ;
- Revue des sociétés (disponible sur le site Dalloz)

Ainsi que les chroniques (actualité législative et jurisprudentielle) dédiées à la matière dans
des périodiques plus généraux :
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- celles de E. Lamazerolles et A. Rabreau au Recueil Dalloz ;
- celles de B. Dondéro à la Gazette du Palais (Lextenso).

Enfin, il est impératif d’apprendre à travailler avec les codes, et en particulier avec le Code de
commerce qui contient les dispositions propres aux différentes sociétés commerciales. Tout
est dans les codes, a fortiori pour le droit spécial des sociétés !

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TITRE 1 :

LA SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF

La SNC est l'ancêtre de toutes les sociétés françaises et en a longtemps été le modèle.
Aujourd'hui elle est très rare et représente 2 à 3% des sociétés immatriculées. Malgré tout la
SNC conserve son utilité puisqu'elle est le type même de la société de personnes avec ses
caractéristiques :

les associés en nom sont des commerçants et sont responsables indéfiniment et


solidairement du passif social ;
la SNC est fiscalement transparente, cad qui n'est pas soumise à l'IS → les bénéfices et
pertes se calculent au niveau de la société mais vont être taxés sur la tête des associés.
L'associé est un entrepreneur individuel soumis au BIC (bénéfices industriels et
commerciaux) et les parts de la société sont des actifs professionnels ;
la SNC est une société fermée / verrouillée : les parts sociales ne sont pas librement
cessibles. Chaque associé a un droit de veto et peut s'opposer à l'arrivée d'un nouvel acquéreur
de parts sociales ;
la SNC est une société très souple : elle est soumise à un régime où la liberté contractuelle
s'impose la plupart du temps → très peu de contraintes légales. Ex : conditions de majorité
non définies dans la SNC ; la publication des comptes annuels ; les conditions de sortie, etc.

Généralement, les associés sont peu nombreux et ont une confiance mutuelle. Cette forme
sociétaire est ainsi adaptée aux petites exploitations, constituées entre des personnes
physiques acceptant de courir des risques et de se consacrer à l’entreprise commune. La SNC
a souvent un caractère familial ou est constituée en vue de permettre l’exercice d’une activité
réglementée (pharmacies, débitants de tabac).

Plus récemment, la SNC a été utilisée par des personnes morales afin de bénéficier de sa
qualité de société transparente au regard du droit fiscal. Elle est alors une société de sociétés.
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Cette forme sociétaire va permettre de faire remonter les partes d’une activité déficitaire,
logée dans une filiale SNC, vers la société mère.

Pour étudier la SNC, vont être abordés classiquement les trois temps forts de l’existence
sociale :
- la constitution ;
- le fonctionnement ;
- la transformation ou la dissolution.

CHAPITRE 1 : LA CONSTITUTION DE LA SNC

La constitution de la SNC doit respecter un certain nombre de conditions. Comme toute


société, la SNC doit satisfaire aux conditions générales de validité des contrats ainsi qu’aux
conditions spécifiques de validité des sociétés (v. 1er semestre). Elle doit par ailleurs obéir à
des conditions qui ne s’imposent que pour cette forme sociale. Ces conditions propres
tiennent aux associés, au capital social, à l’objet social et à la dénomination sociale.

Section 1 : Les associés

On ne peut encore, pour l’instant, constituer de SNC unipersonnelle. La SNC comprend au


moins deux associés qui peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales. Le
nombre d’associé peut donc aller de 2 à l’infini même si les liens de confiance devant exister
entre associés limite naturellement leur nombre. Notez par ailleurs que ce n’est que depuis la
loi du 23 décembre 1985 que des époux ont la possibilité de constituer entre eux seuls une
SNC (C. civ., art. 1832-1).

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La SNC présente la particularité de conférer à ses associés la qualité de commerçant, s’ils ne
l’ont pas déjà. De ce fait, cette forme sociale est interdite :
- aux mineurs même émancipés ;
- aux majeurs sous tutelle ou curatelle ;
- aux personnes subissant une incompatibilité (exemple : avocats, notaires, médecins et
autres professions libérales).
- aux sociétés civiles (elles n’ont pas la qualité de commerçant).

Enfin, la jurisprudence juge de manière constante que la qualité de commerçant est


incompatible avec celle de salarié : l’associé en nom ne peut donc pas être lié à la SNC par un
contrat de travail (Cass. soc., 14 oct. 2015, n° 14-10.960)

Section 2 : Le capital social

La loi n’impose aucun capital minimum. La garantie des créanciers sociaux réside en effet
dans la responsabilité indéfinie et solidaire des associés. La SNC peut donc avoir un capital
social symbolique de 1 euro.

Tous les apports sont admissibles dans un SNC. Aucun délai légal n’est imposé pour la
libération des apports en numéraire, qui se fait sur appel de la gérance, selon les besoins.
Quant aux apports en nature, le législateur n’a pas institué de dispositif de contrôle de leur
consistance. Les apports faits à la SNC pourraient donc tous être des apports en industrie, à
l’exception d’un apport en numéraire ou en nature permettant de conférer à la SNC un capital
d’au moins 1 €.

Dans la même logique, la loi n’exige pas la constitution de réserves obligatoires.

Section 3 : L’objet social

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Certaines activités sont interdites aux SNC, par exemple, les entreprises d’assurances et les
coopératives de commerçants détaillants. D’autres, en revanche, ne peuvent s’exercer que
sous la forme de SNC. C’est notamment le cas de l’activité de débit de tabac.

La rédaction de l’objet social est un élément important de la constitution de la SNC car,


comme on le verra plus avant, il délimite le pouvoir des gérants à l’égard des associés et des
tiers, à la différence des sociétés à responsabilité limitée qui sont engagées par les actes de
leurs dirigeants dépassant l’objet social.

Section 4 : La dénomination sociale

La loi de 1966 exigeait que les SNC aient une raison sociale qui incorpore le nom des associés
indéfiniment et solidairement responsables. Cette règle avait pour but d’informer les tiers sur
les personnes responsables. Depuis la loi du 11 juillet 1985, la SNC est désignée par une
dénomination, comme les autres sociétés commerciales. À cette dénomination, peut être
librement incorporé le nom d’un ou plusieurs associés. La dénomination doit, en revanche,
être précédée ou suivie immédiatement des mots « société en nom collectif ».

CHAPITRE 2 : LE FONCTIONNEMENT DE LA SNC

Le fonctionnement de la SNC repose pour beaucoup sur ses statuts. Seront successivement
étudiées les règles de fonctionnement applicables au gérant (section 1), aux associés en nom
(section 2), et au contrôle exercé par le commissaire aux comptes (section 3).

Section 1 : Le gérant

Quelques dispositions légales traitent du gérant de la SNC, sans pour autant le dote d’un statut
complet. Ainsi, la loi ne prévoit rien, par exemple, quant à la rémunération du gérant, ce qui
laisse entendre que c’est le principe de la liberté contractuelle qui s’applique.
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La désignation du gérant de SNC (§1), la cessation de ses fonctions (§2), sa rémunération
(§3), ses pouvoirs (§4) et la responsabilité qu’il encourt (§5) seront vus successivement.

§1/ La désignation

L’administration de la société est assurée par un ou plusieurs gérants, désignés soit dans les
statuts soit par un acte ultérieur prévu par les statuts. Dans le silence des statuts, la loi prévoit
que tous les associés sont gérants de plein droit (C. com., art. L. 221-3, al. 1). Cette
disposition signifie donc qu’il n’est pas obligatoire de procéder à la désignation d’un gérant.
L’attribution de la qualité de gérant à tous les associés en nom est une règle attendue dans une
société au fort intuitus personae. Si les associés en nom n’en ont pas convenu autrement, ils
doivent tous détenir les mêmes pouvoirs.

Le gérant peut être soit PP, soit PM, associé ou non associé. La capacité requise est
commerciale si le gérant est associé, civile s’il ne l’est pas. Seul le gérant non associé peut
être lié à la société par un contrat de travail, en plus de son mandat de gérant, lequel peut
donner lieu à une rémunération. Lorsqu’un salarié devient associé en nom collectif, son
contrat de travail doit nécessairement être suspendu.

La nomination du gérant doit faire l’objet d’une publicité, comme pour toute nomination de
dirigeant social (JAL, dépôt greffe TC acte de désignation, RCS, BODACC). Selon le droit
commun des sociétés, ni la société, ni les tiers ne peuvent se prévaloir d’une irrégularité dans
la nomination des gérants lorsque cette nomination a été régulièrement publiée (C. com., L.
210-9, al. 1).

§2/ La cessation des fonctions

Les fonctions du gérant prennent fin avec l’arrivée du terme de son mandat, son décès, la
survenance d’une incapacité, d’une interdiction de gérer, sa démission ou sa révocation.

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La révocation est le seul cas de cessation des fonctions envisagé par les textes. Les conditions
et effet de cette dernière diffèrent selon la qualité du gérant (C. com., art. L. 221-12) :

- Si tous les associés sont gérants ou si le ou les gérants choisis parmi les associés sont
désignés par les statuts, la révocation se fait à l’unanimité des autres associés. Dans
cette hypothèse, la révocation entraîne la dissolution de la SNC à moins que les statuts
ou une décision prise à l’unanimité des autres associés prévoient la continuation de la
société. Par ailleurs, l’associé révoqué dans ses fonctions de gérant dispose d’un droit
de retrait, c’est-à-dire qu’il peut se retirer de la société et demander le remboursement
de ses droits sociaux.

- Si un ou plusieurs associés sont gérants mais ne sont pas désignés par les statuts, leur
révocation est possible dans les conditions prévues par les statuts, ou à défaut à
l’unanimité des autres associés. Dans ce cas de figure, la révocation de l’associé gérant
n’entraîne pas la dissolution de la SNC et ne lui permet pas d’exercer un droit de
retrait, sauf à ce qu’un tel droit ait été conventionnellement prévu.

- Si le gérant n’est pas associé, il est un mandataire et, comme tel, toujours révocable
dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par une décision des associés
prise à la majorité.

Mais quid lorsque la société ne compte que 2 associés dont un gérant ? L’article L. 221-12
prévoit que la révocation doit être décidée à l’unanimité des autres associés. Les juges ont dit
que l’unanimité implique la pluralité et que, dans un tel cas, seule une révocation judiciaire est
possible (CA Paris, 12 sept. 1995).

Le dernier alinéa de l’art. L. 212-12 a trait à la justification de la révocation. Il y est énoncé


que la révocation du gérant de SNC décidée sans juste motif peut donner lieu au versement de
dommages et intérêts. Deux séries de remarques :

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- il faut un juste motif, qui conditionne simplement le coût de la révocation. Si le gérant
est révoqué sans juste motif, ce qui n'est pas interdit, il aura droit à une réparation ;

- le juste motif de révocation ne va pas jusqu'à la cause réelle et sérieuse de


licenciement. Le juste motif doit être conforme au droit → ex. de juste motif : faute de
gestion, perte de confiance, désaccord sur la politique menée avec les associés
majoritaires, etc.

Il en résulte que le gérant d’une SNC est relativement stable car il n’est pas révocable ad
nutum. Il peut toutefois l’être si les statuts le prévoient.

En tout état de cause, révocation pour juste motif ou ad nutum, le gérant peut obtenir des
dommages et intérêts en invoquant les circonstances – brutales, injurieuses, vexatoires – ou le
non-respect du contradictoire.

§3/ La rémunération

Elle peut être fixée selon deux modalités :


- prévue aux statuts ;
- par décision collective des associés.

La seconde solution est plus souple car une hausse éventuelle de la rémunération ne repose
pas sur une décision modificative des statuts dont le formalisme n’est pas négligeable.

La rémunération peut être fixe, variable, et représenter une quote-part des bénéfices ou du
chiffre d’affaires.

Qu’en est-il du cumul du mandat social et d’un contrat de travail ?

JAMAIS s’il s’agit d’un gérant associé car les statuts simultanés de commerçant et de salarié
sont incompatibles.
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POSSIBLE pour un gérant non associé si l’emploi comme salarié est effectif, correspond à
des fonctions distinctes de celles de gérant et donne lieu à une rémunération séparée et enfin
s’il laisse subsister un lien de subordination juridique à l’égard de la société.

§4/ Les pouvoirs

Les articles L. 221-4 et L. 221-5 C. com. régissent les pouvoirs du gérant. Il faut distinguer les
rapports internes (question de la faute du dirigeant) et les rapports avec les tiers (validité de
l’acte juridique passé avec le dirigeant).

A- À l’égard des associés

À l’égard des associés, le gérant unique peut faire tous les actes de gestion dans l’intérêt de la
société (C. com., art. L. 221-4, al. 1). L’acte de gestion s’entend au sens large et comprend
l’acte d’administration et l’acte de disposition dès lors qu’il concourt à la réalisation de l’objet
social. Mais les statuts peuvent restreindre les pouvoirs du gérant en subordonnant à
l’autorisation préalable des associés certains de ces actes. Le dépassement par le gérant de ses
pouvoirs pourra entraîner la mise en jeu de sa responsabilité et fournira un juste motif à sa
révocation.

En cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément le pouvoir d’engager seuls la


société et de la représenter. Les statuts peuvent cependant restreindre le pouvoir de chaque
gérant d’agir seul et, d’une manière générale, répartir les pouvoirs entre les gérants ou
organiser un conseil de gérance dont les décisions seront prise à la majorité ou à l’unanimité.
Chaque gérant a le droit de s’opposer à toute opération envisagée par un autre avant qu’elle
soit conclue.

B- À l’égard des tiers

À l’égard des tiers, le gérant unique engage la société que par les actes entrant dans l’objet
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social (C. com., art. L. 221-5, al. 2). A contrario, la SNC n’est donc pas engagée par les actes
pris hors objet social, ce qui oblige celui qui traite avec une SNC à consulter les statuts de
celle-ci, pour s’assurer que l’acte concerné entre bien dans l’objet de la société. C’est là une
contrainte lourde pour les tiers, mais qui s’explique par le fait que l’acte qui engage la société
engage aussi, à titre de garants, les associés en nom. Les clauses statutaires limitant les
pouvoirs externes du gérant sont inopposables aux tiers (C. com., art. L. 221-5, al. 3).

En cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément le pouvoir d’engager la SNC par
les actes entrant dans l’objet social (C. com., art. L. 221-5, al. 2). Une « spécialisation » des
gérants est possible statutairement, mais cette répartition des pouvoirs est inopposable aux
tiers. En outre, l’opposition formée par un cogérant à l’égard des actes d’un autre cogérant est
sans effet à l’égard des tiers, à moins qu’il ne soit établi que ceux-ci en ont eu connaissance.
Dans la pratique, cette opposition doit être notifiée au tiers, avant la conclusion de l’acte.

§5/ La responsabilité

A- La responsabilité civile

Par application du droit commun de la responsabilité, chaque gérant doit répondre


personnellement de ses fautes à l’égard des tiers. Il peut également voir sa responsabilité
engagée par la société ou par des associés.

- À l’égard des tiers, le gérant ne saurait engager sa responsabilité contractuelle puisque


lorsqu’il agit en qualité de gérant, il est « transparent » et ne passe pas de contrat avec le tiers.
La responsabilité est donc de nature délictuelle. La jurisprudence subordonnant la
responsabilité du dirigeant social à l’égard des tiers à la démonstration de la commission
d’une faute personnelle et détachable de ses fonctions s’applique au gérant de SNC (v. cours
du 1er semestre).

- À l’égard de la société, la responsabilité du gérant de SNC est de nature contractuelle car la


relation qui existe entre la SNC et son gérant est comparable à un mandat, même si le régime
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de ce mandat est particulier. Le gérant engage ainsi sa responsabilité envers la société en cas
de méconnaissance des dispositions légales ou réglementaires, de violation des statuts ou de
faute de gestion.

Enfin, l’action en responsabilité peut être exercée par les associés. Chaque associé dispose, en
effet, d’une action personnelle s’il justifie d’un préjudice particulier et distinct de celui causé
à la société. La responsabilité encourue est évidemment de nature délictuelle puisque le
mandat social unit le gérant à la société et non aux associés.

En cas de faute commune, plusieurs gérants pourront être condamnés solidairement.

B- La responsabilité pénale

Le gérant d’une SNC est pénalement responsable s’il commet une des infractions suivantes :
• abus de confiance (utilisation des biens de la société dans son intérêt propre) ;
• infractions relatives aux règles de publicité de la dénomination sociale ;
• infractions relatives aux règles de tenue des PV
• infractions relatives au droit de communication des associés ;
• infractions relatives à la nomination et à l’exercice des fonctions de CAC.

Section 2 : Les associés en nom

Les associés en nom ont des droits étendus (§1) car ils ont une responsabilité très lourde (§2).

§1/ Les droits des associés

A- Les droits individuels

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1) Le droit à l’information

Compte tenu de la responsabilité indéfinie et solidaire qui pèse sur eux, les associés de SNC
se voient accorder une information étendue, que les statuts peuvent développer.

Deux fois par an, les associés non gérants ont le droit de prendre connaissance et copie au
siège social des livres et documents sociaux (C. com., art. L. 221-8). Ils peuvent se faire
assister d’un expert mais la consultation doit se faire en personne.
Deux fois par an, ils peuvent également poser par écrit des questions sur la gestion sociale.
Les gérants doivent y répondre par écrit.

Quinze jours précédant la tenue de l’assemblée générale, les documents sociaux, comprenant
le rapport de gestion, le texte des résolutions et, le cas échéant, le rapport du CAC, doivent
être adressés à tous les associés non gérants. L’inventaire est tenu à leur disposition à leur
disposition au siège social. En cas de non-respect de ces dispositions, la nullité des
délibérations pourrait être prononcée (C. com., art. L. 221-7).

2) Le droit au bénéfice

L’associé en nom a droit à une fraction du bénéfice social, à la condition qu’un bénéfice ait
été réalisé par la société et que celle-ci en ait décidé la distribution. Puisque les associés sont
tenus solidairement et indéfiniment du passif social, il n’est pas obligatoire de constituer une
réserve légale (C. com., art. 232-10).

3) Le droit de céder ses parts sociales

La SNC étant fortement marquée par l'intuitus personae, la transmission des parts est
étroitement encadrée, qu'il s'agisse d’une cession entre vifs ou d’une transmission par décès.

a) La cession entre vifs

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Dans les SNC, les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec l’agrément de l’unanimité des
associés (C. com., art. L. 221-13). Cette règle est d’ordre public et s’applique aussi bien pour
les cessions à des tiers que pour les cessions entre associés. Toute clause contraire est réputée
non écrite.

NB : Dans un arrêt important (Cass. com., 18 nov. 2020, n° 18-21.797, PBI), la Cour de
cassation a estimé que la revendication de la qualité d'associé par le conjoint d'un associé en
nom (C. civ., art. 1832-2, al. 3), bien que ne constituant pas une cession, est aussi
subordonnée au consentement unanime des autres associés.

De surcroît, les associés qui refusent d’agréer la cessionnaire ne sont pas tenus d’une
obligation de rachat, contrairement aux associés d’une SA ou d’une SARL. L’associé d’une
SNC est donc prisonnier de son titre !

À noter : une clause des statuts peut-elle stipuler une telle obligation de rachat ? Des juges du
fond l’ont admis (CA Aix-en-Provence, 25 mai 2007).

Les associés en nom peuvent-ils abuser de leur droit de ne pas agréer le candidat à la cession
proposé par celui des leurs qui souhaite céder ses parts sociales ? Dans une décision récente,
la Cour de cassation a considéré que le silence gardé par les co-associés en nom après une
demande d’agrément d’un cessionnaire potentiel faite par un associé avait constitué un abus
du droit d’agrément (Cass. com. 6 févr. 2019, n° 17-20.112, D. 2019. 568, note A. Tadros).

Lorsque la cession reçoit l’agrément de tous les associés, elle nécessite l’accomplissement de
formalités : elle doit être constatée par un écrit.

- Pour être opposable à la société, l’article L. 221-14 du Code de commerce énonce


expressément que la cession doit lui être signifiée (acte d’huissier) ou acceptée par elle par
acte authentique, conformément à l’article 1690 C. civ. Néanmoins, il précise aussi que la
signification peut être remplacée par le dépôt d’un original de l’acte de cession au siège social
contre remise par le gérant d’une attestation de dépôt (procédure la plus utilisée car simple et
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peu coûteuse). → De ce texte, il en résulte que les nouvelles règles relatives à la cession de
créance du Code civil issues de l’ordonnance du 10 février 2016 (art. 1322 à 1324) ne
trouvent pas à s’appliquer à cette forme spéciale de cession de créances !

- Pour être opposable aux tiers, la cession devait auparavant être publiée au RCS. Dans un
souci de simplification, l’ordonnance du 31 juillet 2014 prévoit désormais que cette
opposabilité est assurée par le dépôt au RCS des statuts modifiés, dépôt qui peut être effectué
par voie électronique (C. com., art. L. 221-14, al. 2).

Quelle sanction faut-il retenir en cas de méconnaissance de la procédure d’agrément ? La


nullité de la cession ?

Contrairement à la SA pour laquelle la violation de la procédure d’agrément entraîne la nullité


de la cession d’actions (C. com., art. L. 228-23, al. 3), le Code de commerce ne prévoit rien.
Par un arrêt du 16 mai 2018 promis à une publication au bulletin (Cass. com., 16 mai 2018, n°
16-16.498), la Cour de cassation est venue préciser que « le défaut d’agrément unanime des
associés à la cession des parts sociales d’une société en nom collectif n’entraîne pas la nullité
de la cession, laquelle est seulement inopposable à la société et aux associés ».

Cette solution procède d’une règle plus générale selon laquelle les causes de nullité sont
restrictives en droit des sociétés, de sorte que, faute de texte dans les SNC, cette sanction ne
saurait être prononcée.

Mais si l’absence d’agrément n’affecte pas la validité de la cession, elle produit donc ses
effets entre les parties, ce qui ne va pas sans difficultés puisqu’elle est en revanche
inopposable à la société. Or, la société n'est pas un tiers comme les autres au contrat de
cession. En effet, les biens objet du contrat ne sont pas non plus des biens comme les autres
puisqu'ils accordent au cessionnaire la qualité d'associé et les droits qui y sont attachés, dont
nombreux s'exercent au sein de la société. Dès lors, la sanction de l'inopposabilité le prive
ipso facto de l'exercice de l'ensemble des droits politiques et pécuniaires au sein et/ou contre
la personne morale.
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Faute, pour le cessionnaire, d'opposer à la société sa qualité d'associé, que lui reste-t-il alors
?Un contrat écorné par la sanction de l'inopposabilité. Il lui faudra donc solliciter sa résolution
pour inexécution. Mais s'engager dans cette voie c'est, in fine, aboutir à une solution identique
à celle que la nullité aurait permis d'obtenir, par l'effet d'une seule action en justice…

b) La transmission par décès

Le décès de l’un des associés entraîne en principe la dissolution de la société (C. com., art. L.
221-15, al. 4). Cette règle n’étant que supplétive, les statuts peuvent prévoir la continuation de
la société et, pour cela, plusieurs aménagements sont envisagés par la loi :

➢ Clause de continuation entre les seuls associés vivants. L’héritier est alors créancier de
la société. Il n’est pas associé et n’a droit qu’à une indemnisation égale à la valeur des
droits sociaux du défunt.
➢ Clause de continuation avec l’héritier, sous réserve éventuellement d’un agrément
accordé par les associés. En cas de refus d’agrément, l’héritier aura droit à une
indemnisation.
➢ Clause de continuation avec bénéficiaire désigné par les statuts, assortie
éventuellement d’une clause d’agrément.

B- Les droits collectifs

Ces droits s’exercent dans le cadre des assemblées générales ou, si les statuts le prévoient, lors
d’une consultation écrite.

1) Conditions de forme à l’exercice des droits collectifs

C’est en principe le gérant qui procède à la convocation d’une assemblée, mais l’on admet
que l’associé a également ce droit, sur le fondement de l’art. L. 221-6, al. 2 C. com.

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Les statuts devant prévoir les modalités de convocation, tout est envisageable, mais mieux
vaut privilégier la LR avec AR, afin de se ménager une preuve en cas de contestation. La
convocation doit avoir lieu au moins quinze jours avant la date de réunion prévue pour
l’assemblée annuelle. Bien que la loi ne le précise pas, il apparaît nécessaire que la
convocation indique un ordre du jour.

Toute délibération des associées doit être transcrite sur procès-verbal signé par tous les
associés (C. com., art. R. 221-2, al. 1er).

Les associés peuvent également prendre des décisions en recourant à la consultation écrite si
les statuts le prévoient (C. com., art. L. 221-6, al. 2). La réunion d’une assemblée est
cependant obligatoire dans deux hypothèses : pour statuer sur l’approbation des comptes et si
la tenue de l’assemblée a été expressément demandée par un des associés.

2) Conditions de fond à l’exercice des droits collectifs

En principe, les décisions sont prises à l’unanimité des associés (C. com., L. 221-6, al. 1er).
Les statuts peuvent cependant prévoir que certaines décisions sont prises à une majorité qu’ils
fixent. La loi exige toutefois que certaines décisions soient prises à l’unanimité. C’est ainsi le
cas de l’article L. 221-12 qui impose une révocation à l’unanimité pour les gérants associés
dans certains cas (v. supra). On peut également relever l’article L. 221-13 qui prévoit que les
parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec le consentement de tous les associés, et qui
précise que toute clause contraire est réputée non écrite (v. supra).

§2/ La responsabilité indéfinie et solidaire des associés

Au-delà des obligations de droit commun, la SNC étant une société à risque illimité, les
associés en nom sont obligés à la dette.

En d’autres termes, ils sont tenus personnellement et indéfiniment des dettes sociales : ils en
répondent, au-delà de leurs apports, sur la totalité de leur patrimoine personnel. Surtout, ainsi
20
que l’énonce l’article L. 221-1 du Code de commerce, ils sont tenus solidairement : un
créancier social peut poursuivre à un ou plusieurs associés en nom (le plus solvable) pour
obtenir le paiement de la totalité des sommes dues par la société. La solidarité évite ainsi aux
créanciers sociaux de diviser leurs recours et de se trouver confrontés à l’insolvabilité d’un
des associés. En pratique, le créancier choisira l’associé le plus solvable et lui demandera
l’intégralité de la dette de la société.

Cette obligation à la dette étant de l’essence de la SNC, il apparaît impossible qu’une clause
des statuts puisse dispenser certains associés en nom de leur obligation de garantie.

A- Conditions de mise en œuvre

L’obligation à la dette est subsidiaire : les associés en nom ne sont pas des coobligés de la
société – ce qui permettrait au créancier social d’agir, à son choix, contre la société ou l’un
des associés en nom – mais des débiteurs subsidiaires (en ce sens, Cass. com., 29 oct. 2003,
n° 99-21358).

L’alinéa second de l’article L. 221-1 énonce ainsi que les créanciers de la société ne peuvent
poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir vainement mis
en demeure la société par acte extrajudiciaire (entendu comme étant nécessairement un acte
d’huissier). La vaine poursuite s’entend du fait que la SNC n’a pas payé ou constitué de
garanties huit jours après avoir été mise en demeure (C. com., R. 221-10).

Ce système est particulièrement simple. On aurait pu exiger que le créancier démontre


l'insolvabilité de la société ou qu'il engage des poursuites contre elle, ce qui est le cas dans le
cautionnement (bénéfice de discussion).

Concrètement, pour pouvoir agir contre un associé en nom, le créancier social doit
préalablement mettre en demeure la société d’exécuter son obligation. Si cette dernière ne
s’exécute pas, le créancier peut poursuivre l’associé en nom.

21
Si la SNC est soumise à une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la
déclaration de créance, qui vaut mise en demeure, rend inutile la délivrance d’une mise en
demeure supplémentaire (Cass. com., 19 déc. 2006, n° 02-21333).

B- Effets

L’associé en nom qui a désintéressé un créancier social dispose d’un recours contre la
société : il est subrogé dans les droits du créancier et peut demander le remboursement
intégral de ce qu’il a payé (Cass. com., 29 oct. 2003, n° 99-21358).

Il peut également agir contre les autres associés. Conformément à l’article 1844-1 du Code
civil, il doit alors diviser ses poursuites entre les coassociés à proportion de leur contribution
au passif, celle-ci étant déterminée par les statuts ou bien en proportion de leur part dans le
capital social. Déterminer qui en définitive doit supporter la dette, il s’agit de la contribution
à la dette.

➢ En cas de cession de parts, quid de l’obligation à la dette ?

Le cédant reste par principe tenu des dettes sociales nées (même non-exigibles) avant son
départ, et ce jusqu’à la réalisation des formalités requises par l’article L. 221-14 C. com. (v.
supra). La sortie de la société ne fait donc pas disparaître l’obligation à la dette de l’associé
cédant. Le nouvel associé est pour sa part tenu de tout le passif social, qu’il soit né
postérieurement ou antérieurement à son entrée dans la société (Cass. req., 12 mars 1928). La
solution s’impose du fait de la rédaction de l’article L. 221-1, al. 1er, qui dispose que les
associés en nom sont tenus indéfiniment, sans distinguer entre les associés originaires et les
autres (Ubi lex non distinguit, nec nos distinguere debemus). Cette règle justifie l’inclusion de
clauses de garantie de passif mais aussi de répartition de passif. Ces clauses ne jouent
cependant que dans les rapports entre cédant et cessionnaire. Elles ne peuvent pas être
opposées aux tiers, sauf à admettre qu’une disposition statutaire régulièrement publiée puisse
prévoir que le passif antérieur à la cession n’est pas à la charge du nouvel associé. Ces clauses
de répartition (statutaires ou non) sont très utiles car, pour une dette née antérieurement à la
22
cession, il est très délicat de déterminer la contribution finale à la dette du cédant et du
cessionnaire.

Section 3 : Le commissaire aux comptes

La loi impose la nomination d’un CAC dans toutes les SNC qui, à la clôture de l’exercice
social, dépasse deux au moins des trois seuils suivants : 4 millions d’euros de total de bilan ; 8
millions de chiffre d’affaires hors taxes et cinquante salariés (C. com., art. L. 221-9, al. 2).
Notez que ces seuils résultent d’un rehaussement opéré par la loi « Pacte » du 22 mai 2019.
L’objectif est de diminuer les contraintes financières pesant sur les petites sociétés
commerciales (cela représente un allègement des charges considérable pour les petites
entreprises : le coût moyen d’un audit s’élevant à 5 511 € ; en contrepoint, c’est un manque à
gagner important pour les CAC, une étude d’impact ayant montré que les CAC pourraient
perdre au lendemain de cette réforme 120 000 mandats – sur le 260 000 – et 25 % de leur
chiffre d’affaires). Outre le relèvement, cette loi procède à une uniformisation des seuils pour
l’ensemble des sociétés commerciales.

Cette obligation cesse si, à la clôture des deux exercices précédant l’expiration du mandat du
CAC, la société ne remplit plus les conditions de seuil (C. com., art. R. 221-5, al. 2).

La SNC qui ne dépasse pas les seuils précités peut être dotée tout de même d’un CAC par une
décision des associés prise à l’unanimité ou, le cas échéant, à la majorité prévue par les
statuts.

Par ailleurs, un associé en nom peut demander au président du tribunal de commerce statuant
en la forme des référés la nomination d’un CAC.

Les dispositions concernant les pouvoirs, obligations, responsabilité et fin des fonctions du
commissaire aux comptes sont celles du droit commun des sociétés. Nous renvoyons donc au
23
cours du premier semestre.

CHAPITRE 3 : LA TRANSFORMATION OU LA DISSOLUTION DE LA SNC

Section 1 : La transformation de la SNC

La décision de transformer la SNC en société d’une autre forme doit être prise, en principe, à
l’unanimité des associés. Les statuts peuvent cependant prévoir que la décision de
transformation peut être prise à la majorité, simple ou qualifiée (C. com., art. L. 221-6, al.1er).

En pratique, la transformation est une opération fréquente pour adopter une forme de société à
responsabilité limitée. Pour ce faire, il conviendra de respecter les conditions de création
propres à la forme sociale voulue. Par exemple, la SNC qui souhaite se transformer en SA
devra se doter d’un capital au moins égal à 37 000 € (v. infra).

Relevons cependant que la transformation de la société en nom en une société à risque limité
laisse entière la dette des associés en nom pour les dettes sociales nées avant la transformation
de la société, et ce même s’ils ne sont pas devenus associés de la nouvelle société à risque
limité. Cette solution trouve son explication dans le fait que la société originelle et la société
transformée ne constituent pas deux sociétés distinctes, mais deux formes successives d’une
seule et même personne morale, et que, par conséquent, le patrimoine social est demeuré
inchangé.

Section 2 : La dissolution de la SNC

§1/ Causes de dissolution


24
Aux causes de dissolution de droit commun auxquelles la SNC est soumise (v. cours du 1er
semestre1), s’ajoutent des causes de dissolution qui sont liées à la qualité de commerçant des
associés de la SNC ou au caractère intuitu personae prononcé de cette société :

- La révocation d’un gérant est tout d’abord susceptible d’emporter la dissolution de la


société. C’est ce que prévoit l’article L. 221-12, al. 1er en vertu duquel lorsque tous les
associés sont gérants ou qu’un ou plusieurs gérants choisis parmi les associés sont
désignés par les statuts, la révocation de l’un deux entraîne la dissolution de la société.
L’article prévoit immédiatement un tempérament. La continuation est ainsi possible
dans deux cas : si les statuts le prévoient ou si les autres associés le décident à
l’unanimité.
- Signe de l’importance de l’importance de la personne de l’associé dans la SNC, le
décès d’un associé en nom entraîne la dissolution de la société (C. com., art. L. 221-
15). La règle est supplétive donc les statuts peuvent en décider autrement, ce qui est
presque toujours le cas en pratique ;
Deux voies sont alors envisageables :
1. Première possibilité : les statuts comportent une clause de continuation de la
société avec les seuls associés survivants.
2. Deuxième possibilité : ils stipulent sa continuation avec les héritiers de l’associé
défunt ou avec une personne déterminée (le conjoint survivant, un ou plusieurs
héritiers, une personne désignée par les statuts ou par les dispositions
testamentaires du de cujus). Un agrément peut alors être ou non requis.
À noter : L’article L. 221-16 in fine envisage l’hypothèse dans laquelle la société continue
avec un ou plusieurs héritiers qui seraient des mineurs non émancipés. Parce que ces mineurs

1 Rappel du droit commun des sociétés : causes de dissolution de plein droit que sont
l’arrivée du terme, la réalisation ou la disparition de l’objet social et la dissolution provoquée
volontairement par décision des associés (mutuus dissensus) ou par décision judiciaire
(mésentente paralysant le fonctionnement de la société).

25
ne peuvent pas être commerçants, le texte précise qu’ils répondent des dettes dans la limite
des forces de la succession. Surtout, dans un délai d’un an, la société doit être transformée en
société en commandite, les mineurs non émancipés prenant la qualité de commanditaire. Si
cette transformation n’a pas lieu, la société est dissoute.
- Si un associé est placé en liquidation judiciaire ou fait l’objet d’un plan de cession,
sauf clause contraire ;
- Si une interdiction d’exercer une profession commerciale ou une mesure
d’incapacité est prononcée à l’égard de l’un des associés, là encore, sauf clause
contraire.

§2/ Effets de la dissolution

La dissolution de la société doit faire l’objet des mesures de publicité exposées au premier
semestre (avis dans un journal d’annonces légales, dépôt de l’acte de dissolution au greffe,
mention au RCS et BODACC). Les effets de la dissolution sont communs à toutes les sociétés
(C. com., art. L. 237-1 à L. 237-31).

En conclusion : Les associés qui décident la constitution d’une SNC doivent bien percevoir
les risques et les contraintes inhérentes à cette forme sociale. En plus d’une responsabilité
lourde, il est possible que les associés soient dans l’impossibilité de quitter cette structure. Il
restera alors comme solution ultime d’en bloquer le fonctionnement pour obtenir une
dissolution pour mésentente (ou alors obtenir le décès de l’un des associés…). Il est toutefois
dommage qu’une activité économique disparaisse parce que la forme sociale adoptée s’est
finalement révélée inadaptée. Il serait alors plus judicieux de s’orienter vers une
transformation, si les associés sont prêts à y consentir.

TITRE 2 :

LA SOCIÉTÉ ANONYME

26
I. – Historique

La société anonyme s’est développée au XIXème siècle pour permettre le rassemblement


d’importants capitaux nécessaires au financement de l’activité des grandes entreprises. Sous
le Second Empire, la suppression, par la loi du 24 juillet 1867, de l’autorisation
gouvernementale pour la constitution des SA a facilité sa multiplication.

Selon la célèbre expression du Doyen RIPERT, la SA a été « le merveilleux instrument


juridique du capitalisme moderne ».

La loi du 24 juillet 1966 a mis en place un droit assez contraignant pour les SA. Elle a été
intégrée dans le Code de commerce en 2000.

Depuis, le droit de la SA a fait l’objet d’une multitude de réformes qui sont inspirées par deux
soucis susceptibles d’entrer en conflit :

− Assouplir le droit de la SA afin de rendre la place financière française plus


attractive : assouplissement des règles, dépénalisation de comportements prohibés et
allègement des démarches administratives ;

− Protéger les petits actionnaires des grandes SA cotées en bourse, en renforçant leurs
droits et en encadrant mieux le gouvernement d’entreprise.

Ce concept anglo-saxon de corporate gouvernance – qu’il aurait mieux valu traduire par
gouvernement des sociétés – désigne les mesures visant à rééquilibrer les pouvoirs dans les
sociétés cotées. En effet, comme on le verra, l’image d’une SA organisée sur le modèle d’une
société démocratique, avec un pouvoir venant de la « base », réunie en AG, qui choisit ses
dirigeants librement a beaucoup jauni. Dans les petites SA, le président, détenant la quasi-
totalité du capital social, se comporte trop souvent en « autocrate ». Dans les SA les plus
importantes, certains actionnaires (on pense aux fonds d’investissement étrangers, anglo-
27
saxons le plus souvent) n’ont pas une mentalité d’associé. Ils sont intéressés avant tout par un
placement et espèrent réaliser à très court-terme une plus-value boursière. La gestion ainsi
prônée pour la société est ainsi court-termiste et non structurelle.

Ex : Loi sur les nouvelles régulations économiques du 15 mai 2001 qui renforce les droits des
actionnaires minoritaires dans les SA cotées en bourse, loi Sécurité financière du 1 er août
2003 qui a créé l’AMF et imposé un contrôle renforcé sur les sociétés cotées par cette
autorité, loi du 21 août 2007 qui encadre l’indemnisation des dirigeants cessant leurs
fonctions (le célèbre golden parachute), loi du 14 juin 2013 qui impose la représentation des
salariés au sein des organes de direction.

A noter : Le statut de société cotée (ce n’est pas une forme sociale ; ne peuvent être des
sociétés cotées que les SA et les SCA) a été clarifié, formellement, par la création d’un
chapitre spécifique au sein du livre II du Code de commerce (art. L. 22-10-1 et s. et R. 22-10-
1 et s.). Ce chapitre se divise en deux sections, la première comportant des dispositions
propres aux SA et la seconde aux SCA. S’il fallait le résumer, le statut de société cotée est
tourné vers un impératif d’information et de transparence. Il faut en effet que les investisseurs
potentiels soient en mesure de déterminer s’il est intéressant pour eux d’investir dans la
société cotée, d’y maintenir leur investissement ou de revendre les titres qu’ils détiennent
avant qu’ils ne perdent davantage de leur valeur.

On l’aura compris, la SA est la société dont le régime est le plus détaillé et le plus complexe.
C’est aussi la société qui est le plus longuement traitée dans les manuels alors pourtant que
cette forme sociétaire est adoptée par moins de 10 % des sociétés en France. Mais alors
pourquoi un tel engouement doctrinal ? Sans doute parce que c’est la forme choisie par la
plupart des grandes sociétés. Surtout parce que son régime est particulièrement moderne : le
gouvernement d’entreprise y occupe une large place, les salariés y sont pris en compte,
l’égalité hommes femmes est recherchée, l’organisation du pouvoir y est structurée,
l’impératif de transparence y est central et l’information des associés renforcée.

II. – Caractéristiques générales


28
La SA présente des caractéristiques opposées à celles de la SNC :

- Aucune capacité particulière n’est requise des actionnaires. Contrairement aux


associés en nom, les actionnaires n’ont pas besoin d’être commerçants. Ce qui compte,
c’est l’argent qu’ils apportent.
- Les actionnaires ne sont pas tenus indéfiniment et solidairement du passif social, mais
seulement dans la mesure de leurs apports ;
- C’est une société qui émet des titres négociables, appelées actions. Les formes de la
négociation (inscription en compte) sont beaucoup plus simples que celles de la
cession de parts sociales.

Dans la SA, la loi doit protéger les actionnaires, contre les dirigeants, ainsi que les tiers dans
la mesure où ils n'ont pour garantie que le patrimoine social. Pour ces deux raisons, il va y
avoir beaucoup plus de contraintes que dans une SNC :

➢ Des règles de fonctionnement lourdes et coûteuses :


- Les actionnaires doivent obligatoirement se réunir en assemblée, sans pouvoir recourir
à d’autres modes de décision. Le nombre d’organes collégiaux : l'AG et le conseil
d'administration,
- Commissaire aux comptes obligatoire dans la SA.
- Publication annuelle de nombreux documents relatifs à la situation financière de la
société.

➢ Des règles d'OP :


- Liberté contractuelle très réduite. C’est une manifestation du caractère institutionnel
de la SA, qui est justement la forme sociale où ce caractère est le plus marqué.
- Large éventail de sanctions pénales → droit pénal des sociétés, en réalité droit pénal
de la SA (C. com., art L. 242 et s.).

III. – L’utilisation de la SA dans la pratique des affaires


29
La SA a été créée dans le but de permettre aux grandes entreprises de rassembler d’importants
capitaux nécessaires au financement de leur activité. Toutefois, il faut se garder d’une
confusion.

La grande majorité des SA sont des sociétés dites de famille. Les actions de ces sociétés sont
nominatives, leurs actionnaires sont peu nombreux et, en fait, la considération de la personne
reste prédominante. Les raisons de l’importance quantitative des sociétés familiales
constituées sous la forme de SA sont les suivantes :
➢ Les bonnes raisons : la SA est bien adaptée aux sociétés qui connaissent une forte
croissance et qui font appel aux capitaux d'investisseurs professionnels (banques, etc). La
SA permet d'avoir recours à des procédés de financement qui leurs sont propres (émission
de valeurs mobilières). Par ailleurs, la SA offre des garanties pour l'investisseur
minoritaire.
➢ Les mauvaises raisons : raisons mondaines (le statut de PDG + attrayant) et fiscales
(autrefois, la rémunération du dirigeant de SA était traitée fiscalement comme un salaire et
n'était pas soumis au régime des BIC, qui est celui de l'entrepreneur individuel).

Les grandes SA, dont le bilan comptabilise plusieurs millions d’euros, cotées à la Bourse de
Paris ou même sur des places étrangères et comportant plusieurs milliers d’actionnaires sont,
quant à elles, peu nombreuses. Aujourd’hui, on recense à peine 1000 SA cotées en bourse,
pour un total d’environ 115 000 SA.

C’est ainsi que l’étude de la société anonyme portera sur les règles communes à l’ensemble
des sociétés anonymes, relativement à leur constitution (chapitre 1), leurs organes sociaux
(chapitre 2), ainsi qu’à leurs actionnaires et salariés (chapitre 3).

CHAPITRE 1 : LA CONSTITUTION DE LA SA

30
La constitution des sociétés par actions est davantage réglementée que celles des sociétés de
personnes, plus particulièrement si les titres financiers de la société sont admis aux
négociations sur un marché réglementé.

Section 1 : Les conditions de fond

Ne sont décrites ici que les règles spécifiques à la SA, les conditions constitutives de droit
commun des sociétés ayant déjà été étudiées au 1er semestre. Ces conditions spécifiques sont
relatives aux associés, au capital social, aux apports et à l’objet social.

§1/ Les conditions relatives aux actionnaires

Les associés d’une SA sont appelés les actionnaires. Ils doivent répondre aux conditions de
droit commun de l’article 1128 C. civ. : leur consentement doit être exempt de vice et doivent
avoir la capacité de contracter. Les actionnaires n’ont pas la qualité de commerçant, ce qui
signifie que toute personne, physique ou morale, quel que soit son âge ou sa nationalité, peut
être actionnaire d’une SA. En outre, les conditions de l’article 1832 C. civ. doivent être
satisfaites. Ainsi, l’affectio societatis doit exister chez tout associé, bien qu’il reste théorique
dans les grandes SA.

Pendant longtemps, le nombre d’actionnaires a été fixé à un minimum de sept, sans maximum
légal. L’ordonnance du 10 septembre 2015 a réduit de sept à deux le nombre minimum
d’actionnaires d’une SA dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché
réglementé. Une règle spécifique est désormais formulée pour les sociétés cotées en bourse
qui doivent toujours avoir sept actionnaires.

§2/ Le capital social

Lorsque la société se constitue sans faire d’offre au public, le montant du capital doit être au
31
minimum de 37 000 €, mais les statuts peuvent en disposer autrement. Le minimum requis
peut être différent pour certaines activités réglementées de sociétés anonymes. Ainsi, le
capital minimum pour les sociétés coopératives est de 450 000 € et pour les établissements
bancaires de 5 millions (CMF, art. L. 511-11).

§3/ Les apports

Ils peuvent être effectués en numéraire ou en nature. Les apports en industrie sont interdits (C.
com., art. L. 225-3, al. 4).

La souscription des apports doit être intégrale lors de la constitution (C. com., art. L. 225-3,
al. 2).

Les apports en numéraire doivent être libérés pour moitié lors de la souscription ; le surplus
doit l’être dans les cinq années de la constitution (ibid.).

Les apports en nature sont soumis à une procédure de vérification par un commissaire aux
apports désigné par une décision unanime des actionnaires ou, à défaut, par le président du
tribunal de commerce à la demande d’un ou plusieurs fondateurs (C. com., art. L. 225-8, al.
1). Le commissaire établit un rapport sur l’évaluation des apports en nature tenu à la
disposition des futurs actionnaires. La signature des statuts vaut approbation par les
actionnaires de l’évaluation des apports.

La loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et des démarches administratives


consacre deux cas de dispense d’une procédure de vérification s’il existe une évaluation
récente et fiable du bien apporté (C. com., art. L. 225-8-1) : soit parce qu’il s’agit d’apporter
des valeurs mobilières négociées sur un marché réglementé, soit parce qu’une évaluation a été
réalisée dans les six mois par un commissaire aux apports.

Enfin, contrairement aux apports en numéraire, la libération des apports en nature est intégrale
au moment de la souscription.
32
§4/ L’objet de la SA

La SA est une société commerciale pour la forme, qui est donc soumise au droit commercial
indépendamment de son objet. Elle peut, en principe, se donner toute activité pour objet
social, mais des lois spéciales peuvent interdire l’exercice de certaines activités sous forme de
SA (par exemple, l’activité d’agent artistique). D’autres activités, notamment parce qu’elles
nécessitent une surface financière importante, supposent au contraire que l’on adopte la forme
de SA : sociétés d’investissement en valeurs mobilières, sociétés d’assurance, sociétés à objet
sportif ou encore sociétés d’économie mixte.

Section 2 : Les conditions de forme

Le Code de commerce permet de constituer la SA avec ou sans offre au public, chacun de ces
modes de constitution obéissant à un régime distinct (C. com., L. 225-2 à L. 225-11-1 pour la
constitution avec offre au public ; L. 225-12 à L. 225-16-1 pour la constitution sans offre au
public).

Lorsque la société est constituée avec offre au public, le processus prend plus de temps parce
que les fondateurs s’adressent au public auxquels ils offrent de souscrire des actions de la
société. La constitution se fait véritablement par étapes. La constitution sans offre au public
est plus simple et plus rapide. Elle est de ce fait presque systématiquement utilisée en
pratique. Quand la SA veut faire appel public à l’épargne, elle le fait plus tard.

Il est à noter que la loi du 22 mars 2012 a introduit pour l’un et l’autre cas de constitution une
sanction particulière de suspension des droits de vote et du droit aux dividendes des
actionnaires en cas d’irrégularité dans la constitution de la société (C. com., art. L. 225-11-1 ;
art. L. 225-16-1).

33
§1/ La constitution avec offre au public

La constitution de la SA avec offre au public comporte cinq étapes.

A- Le projet de statuts

Un projet de statuts est établi et signé par les fondateurs, qui déposent un exemplaire au greffe
du tribunal de commerce du lieu du siège social. Une notice, signée par les fondateurs,
indiquant les caractéristiques de la future société, est ensuite publiée au Bulletin des annonces
légales obligatoires (BALO) (C. com., art. L. 225-2, al. 2). Une note d’information à
l’attention du public est en outre soumise au visa préalable de l’Autorité des marchés
financiers (AMF).

B- La souscription des actions

Qu’est-ce qu’une souscription ? C’est l’acte juridique par lequel une personne s'engage à
devenir actionnaire d'une SA en lui faisant un apport. Lorsque la constitution a lieu avec
appel au public, cet acte est important puisqu'il va sceller le consentement individuel du futur
actionnaire.

La souscription alimente une vieille controverse juridique. La souscription a valeur


d'engagement irrévocable. Or quelle est la nature juridique de cet acte ? Pas un contrat
puisque le souscripteur n'a pas de partenaire contractuel → ni la société (pas de PM), ni les
autres souscripteurs, ni les fondateurs (il n’est ni créancier ni débiteur des fondateurs). La
souscription est donc un acte juridique unilatéral. Mais celui-ci ne créé pas d'obligations.
Dans le cadre de la souscription, l'engagement unilatéral est prévu par la loi.

La souscription est formalisée par un bulletin de souscription dont le contenu est réglementé
par la loi (C. com., art. R. 225-5).

C- La libération des fonds


34
La libération des fonds correspond à l’exécution des engagements pris lors de la souscription,
c’est-à-dire à la délivrance des apports. Pour rappel, les apports en nature doivent être
intégralement libérés lors de la souscription, et seulement pour moitié pour les apports en
numéraire.

Ces fonds sont déposés auprès d’une banque, d’un notaire ou de la Caisse des dépôts et des
consignations. Ce dépositaire constate les souscriptions et les versements par la délivrance
d’un certificat (C. com., art. L. 225-6).

D- La réunion de l’assemblée générale constitutive

Une fois que le capital a été intégralement souscrit, les fondateurs convoquent une assemblée
générale constitutive (C. com., art. L. 225-7), qui constate que le capital est entièrement
souscrit et qu’il est libéré du montant exigé par la loi. Cette assemblée se prononce sur
l’adoption des statuts, nomme les premiers administrateurs ou membres du conseil de
surveillance et procède à la désignation des CAC.

L’assemblée délibère aux conditions de quorum (i.e. le nombre minimum exigé d’associés
présents ou représentés pour que l’assemblée puisse valablement se tenir) et de majorité
prévues pour les assemblées extraordinaires (C. com., art. L. 225-9), soit un quorum du quart
sur première convocation et d’un cinquième sur seconde, et une majorité des deux tiers des
voix des actionnaires présents ou représentées.

La société n’est valablement constituée qu’à l’issue de l’assemblée constitutive. Suivent alors
des formalités de publicité :

- insertion de l’avis de constitution de la société dans un journal d’annonces légales


(JAL) ;
- dépôt des statuts au greffe du tribunal de commerce pour immatriculation au Registre
du commerce et des sociétés (RCS), laquelle confère à la société une personnalité
35
morale ;
- insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

§/2 La constitution sans offre au public

La constitution sans offre au public est beaucoup légère qu’avec.

La rédaction du projet de statuts est ainsi facultative pour les fondateurs.

Les souscripteurs ne se réunissent pas en assemblée générale constitutive. Ils signent les
statuts, soit en personne, soit par mandataire justifiant d’un pouvoir spécial, après
l’établissement du certificat de dépôt de fonds et après mise à disposition des actionnaires du
rapport du commissaire aux apports.

CHAPITRE 2 : LES ORGANES DE LA SA

La société anonyme est organisée à l’image d’un État de droit, soumis au principe de
séparation des pouvoirs. On rencontre ainsi les organes suivants qui ont chacun leur
compétence propre :

➢ comme dans toute société, une assemblée générale des actionnaires qui est l’organe
souverain. Elle est compétente pour modifier les statuts, approuver les comptes, élire la
plupart des autres organes sociaux et mettre fin à leurs fonctions ;

➢ des organes de gouvernance qui sont habituellement collégiaux. Parfois, ils sont à deux
degrés, comme dans les SA de type classique où l’on rencontre un conseil
d’administration et son président, doté de pouvoirs propres, notamment celui d’engager la
société à l’égard des tiers. Parfois l’organe est unique, comme le directoire de la SA de
type nouveau ;
36
➢ des organes de surveillance et de contrôle, rendus nécessaires par l’effacement des
actionnaires, trop nombreux pour pouvoir s’intéresser directement à la gestion. On trouve,
dans toutes les SA, des CAC chargés de vérifier la régularité des comptes et de s’assurer
que la société fonctionne dans des conditions normales d’un point de vue juridique. En
outre, dans les sociétés à directoire, un conseil de surveillance est chargé d’apprécier la
gestion.

Section 1 : L’assemblée d’actionnaires

La loi reconnaît à tout actionnaire le droit de participer aux assemblées générales des
actionnaires. Il s’agit d’un droit fondamental. Toute clause statutaire contraire est réputée non
écrite (C. com., art. L. 225-112) et la possibilité de subordonner dans les statuts le droit de
participer aux assemblées à la détention d’un nombre minimal d’action a été supprimée en
2001.

En cas de démembrement de propriété de l’action, qui siège aux AG ? La loi pose un critère
organique propre aux SA : si l’action est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient à
l’usufruitier dans l’assemble ordinaire et au nu-propriétaire dans l’assemblée extraordinaire
(C. com., art. L. 225-110), sauf dispositions statutaires contraires.

NB : Depuis la loi Soihili du 19 juillet 2019, l’article 1844, al. 3, C. civ. dispose que le droit
de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des
bénéfices où il est réservé à l’usufruitier. Toutefois, la nouvelle disposition autorise le nu-
propriétaire et le l’usufruitier à convenir que le droit de vote sera exercé par ce dernier. Cette
faculté de conclure une convention de vote entre le nu-propriétaire et l’usufruitier est-elle
applicable à la SA ? Comme l’article L. 225-110 du Code de commerce prévoit expressément
une règle dérogatoire de répartition du droit de vote par rapport au droit commun des sociétés,
en le confiant à l’usufruitier dans les AGO et au nu-propriétaire dans les AGE mais en offrant
37
aux actionnaires la possibilité d’opérer des aménagements statutaires, il ne serait pas possible
d’appliquer la possibilité de transférer contractuellement à l’usufruitier l’exercice du droit de
vote concernant les autres décisions que celles concernant l’affectation des bénéfices (réponse
ministérielle, 11 janv. 2021). C’est une application de l’adage specialia generalibus derogant.

Le droit de participer aux assemblées est protégé pénalement. Celui qui, sciemment, aura
empêché un actionnaire de participer à une assemblée pourra voir sa responsabilité pénale
engagée (C. com., art. L. 242-9).

Le législateur distingue deux catégories d’assemblées générales dans les SA : l’assemblée


générale ordinaire (AGO) et l’assemblée générale extraordinaire (AGE).

§1/ L’AGO

L’AGO se réunit au cours de la vie sociale dans un but autre que de modifier les statuts (C.
com., art. L. 225-98). Elle se tient de manière annuelle, dans les six mois qui suivent la clôture
de l’exercice. Il arrive qu’exceptionnellement une AGO se réunisse hors AG annuelle. On
parle alors d’AGO convoquée extraordinairement.

A- Les compétences de l’AGO

L’AGO est compétente pour toutes les décisions autres que la modification des statuts. Deux
séries de décisions relèvent de la compétence de l’AGO :
- L’approbation des comptes et l’affectation des bénéfices ;
- Les décisions qui concernent les autres organes sociaux.

1) L’approbation des comptes et l’affectation des résultats

a) L’approbation des comptes

L’AGO délibère et statue sur toutes les questions relatives aux comptes de l’exercice écoulé.
38
À cette fin, le conseil d’administration ou le directoire présente à l’assemblée un rapport de
gestion qui a pour utilité de permettre aux actionnaires de comprendre l’évolution des affaires
de la SA au cours de l’exercice. Le Code de commerce (C. com., L. 225-100 et s.) énumère de
façon détaillée les informations que doit contenir ce rapport :
- Comptes annuels et, le cas échéant, comptes consolidés (la consolidation permet de
regrouper des comptes des entreprises appartenant à un même groupe afin d’obtenir
une vision globale de la santé financière de ce groupe) ;
- Analyse objective et exhaustive de l’évolution des affaires, des résultats et de la
situation financière de la société, notamment de la situation d’endettement au regard
du volume et de la complexité des affaires ;
- État de la participation des salariés au capital social ;
- Liste de l’ensemble des mandats et fonctions exercées dans toute société ;
- Rémunération et avantages de toute nature versés à chaque mandataire social.
Les CAC présentent également un rapport à l’AGO dans lequel ils relatent l’accomplissement
de leur mission (C. com., art. L. 225-100).

À travers les comptes annuels, les actionnaires approuvent les dirigeants sociaux. Quel peut
être est l'objet de leur décision ? 3 solutions :
− l'AG approuve les comptes → elle donne quitus aux gérants
− l'AG refuse d'approuver les comptes si ceux-ci présentent les irrégularités /
inexactitudes → confrontation avec la direction qui peut donner lieu à la
révocation des dirigeants.
− l'AG a parfaitement le droit de modifier les comptes. Ex : si les provisions sont
considérées comme excessives, l'AG peut les diminuer.
Dans la majorité des cas, les actionnaires s'en tiennent à la 1ère solution.
Le quitus donné par l’AG n’a pas d’effet libératoire au profit du dirigeant pour les fautes
commises dans sa gestion (Cass. civ. 3ème, 27 mai 2021, n° 19-16.716)

b) L’affectation des résultats

La question de l'affectation des bénéfices (qui porte sur le sort des résultats) donne lieu à 2

39
options : distribution des bénéfices ou mise en réserve (on laisse cette somme à la
disposition de la société pour qu'elle s'autofinance).
L'objet de cette décision renvoie à la notion de bénéfice distribuable définie à l'art L 232-11 :
« le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué des pertes
antérieures ainsi que des sommes apportées en réserves en application de la loi et des
statuts et augmentées du report bénéficiaire ». Mais plusieurs rectifications s'imposent :
− Il fallait comptabiliser les pertes antérieures, et statuer sur l'affectation de ces pertes.
Si on a procédé à l'imputation de la perte, celle-ci disparaît. Au contraire, on a pu être
obligés d'affecter la perte au bilan (on n'a pas imputé la perte) dans la rubrique report à
nouveau. C'est ce report déficitaire qu'il faudra imputer au bénéfice de l'exercice. Le
report déficitaire déduit d'autant le montant du bénéfice distribuable.
− On applique au bénéfice de l'exercice la dotation aux réserves obligatoires (réserve
légale équivalent à 1/20e imposée aux SA à l'art L 232-10).
− Dans l'hypothèse où on a eu u report déficitaire, il faut ajouter celui-ci au bénéfice de
l'exercice.

Cette décision d'affectation de l'AG va être portée à la connaissance des tiers (dans la SARL
et les sociétés par actions) : il est obligatoire de déposer au greffe du tribunal les comptes
annuels avec le rapport du commissaire aux comptes. Cette publicité est assez mal vécue par
les petits chefs d'entreprise → obligation légale qui a toujours été controversée et qui n'est pas
souvent respectée. A deux reprises le législateur est intervenu pour contrer ce phénomène. En
2001, il a introduit un art L 123-5-1 au Code de commerce → permet à tout intéressé d'obliger
un chef d'entreprise à respecter cette obligation. Mais concrètement, personne n'a vraiment
intérêt à lancer une telle action. Ainsi, à l'occasion de la loi de 2005 /aux entreprises en
difficulté, un nouvel article L 611-2 a été introduit→ le président du TC peut enjoindre les
chefs d'entreprise à publier la décision d'affectation avec délai, sous astreinte. En 2014, le
législateur est revenu sur cette question : l'art L 232-25 prévoit une exonération de cette
obligation pour les petites entreprises (l'obligation de déposer les comptes demeure mais ils ne
sont pas publics).

2) Les décisions concernant les autres organes sociaux


40
L'AG est également compétente pour :
- nommer et révoquer les administrateurs ou des membres du conseil ainsi que pour
fixer leur rémunération ;
- nommer le CAC ;
- approuve les conventions réglementées.

B- Le fonctionnement de l’AGO

Les règles de fonctionnement de l’AGO ont trait à la convocation des actionnaires, à la tenue
de l’assemblée. Des sanctions sont attachées à ces règles.

1) La convocation

La loi précise d'abord quelles sont les personnes qui ont qualité pour la convoquer → art L
225-103 : peuvent convoquer l'AG, le CA ou le directoire. Enjeu : régularité de la
convocation. Cette règle soulève une difficulté dans le cas d'un conflit entre actionnaires et
dirigeants : le CA ne doit pas se retrancher derrière cette prérogative pour bloquer les
décisions. La loi a alors prévu des solutions de substitution :
− 1°/ le CAC est fondé à prendre l'initiative de la convocation de l'AG ;
− 2°/ un « mandataire désigné en justice à la demande de tout intéressé agissant en
urgence, d'un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 5% du capital social ou
d'une association d'actionnaires visée à l'art L 225-120 ».
La désignation du mandataire ad hoc n’est subordonnée ni au fonctionnement anormal
de la société ni à la menace d’un péril imminent ou d’un trouble manifestement illicite,
mais seulement à la démonstration de sa conformité à l’intérêt social (Cass. com., 13
janv. 2021, n° 18-24.853).

Ensuite, la loi fixe les modalités et les délais de convocation :


− modalités de convocation : avis publié dans un JAL qui peut être remplacé par un
courrier adressé à chaque associé ;
41
− délai : 15 jours entre la convocation et l'assemblée. Le CAC doit disposer des comptes
1 mois avant la convocation → au total, 45 jours avant de convoquer l'AGO.

La loi réglemente enfin le contenu de la convocation à l'article R 225-66 C. com. Deux


mentions méritent attention :
➢ L'ordre du jour est la mention essentielle de la convocation. Il est fixé par l'auteur de
la convocation et permet aux actionnaires de soumettre des propositions à l'AG. L'AG
ne peut valablement délibérer que sur les questions prévues à l'ordre du jour. Toute
délibération prise contrairement à cette règle est obligatoirement frappée de nullité et
les dirigeants encourent des sanctions pénales. Il existe cependant deux exceptions au
principe de fixité de l’ordre du jour :
− Possibilité de poser des questions « diverses » qui, cependant, ne doivent présenter
qu’une « minime importance » ;
− la révocation ad nutum des administrateurs ou des membres du conseil de
surveillance qui peut intervenir quand bien même elle n'aurait pas été prévue à
l'ordre du jour.

➢ L’avis de convocation indique les conditions dans lesquelles les actionnaires peuvent
voter par correspondance et les lieux et conditions dans lesquelles ils peuvent obtenir
les formulaires nécessaires et les documents qui y sont annexés.

➢ Enfin, dans l'hypothèse où l'assemblée générale se tiendrait exclusivement en visio ou


audioconférence (v. infra), l'avis de convocation précise en outre que les actionnaires
participent à cette assemblée exclusivement par visioconférence ou moyens de
télécommunication.

2) La tenue de l’AGO

Les règles à respecter sont les suivantes :

− L’établissement d’une feuille de présence qui doit être émargée par les actionnaires.
42
Elle permet de s’assurer du respect de la règle du quorum et de la majorité.
− La nomination d'un bureau à qui revient la direction et la police des débats. Il est
composé d'un président (généralement le président du CA ou du CS) et de deux
scrutateurs choisis parmi l'ensemble des actionnaires.
− La règle du quorum qui correspond à l’exigence d'un nombre minimal de personnes
présentes ou représentées pour qu’une assemblée puisse valablement délibérer. Le
quorum est d'un cinquième des actions (C. com., art. L. 225-98). Si ce quorum n'est
pas atteint, il faut convoquer une deuxième AG. Sur deuxième convocation, aucun
quorum n'est requis. En cas de vote par correspondance, il n'est tenu compte que des
formulaires qui ont été reçus par la société avant la réunion de l'assemblée, étant par
ailleurs précisé que les formulaires ne donnant aucun sens de vote ou exprimant une
abstention ne sont pas considérés comme des votes exprimés (C. com., art. L. 225-107,
I).
− La loi ne réglemente pas les modalités du vote (main levée, bulletin secret, etc). Mais
la loi prévoit la règle de majorité à respecter (C. com., art. L. 225-66) : « les
décisions sont prises à la majorité des voix des actionnaires présents ou représentés »
(la moitié + 1). Le droit de vote est obligatoirement proportionnel à la quotité de
capital souscrit que l’action représente et donne droit à une voix au moins. Toute
clause contraire est réputée non écrite (C. com., art. L. 225-122).
En d’autres termes, chaque actionnaire dispose d’un nombre de voix égal à son
nombre d’actions : 1 action = 1 voix.
A noter que les abstentions et les votes blancs ou nuls ne sont pas comptabilisés
comme des votes exprimés pour déterminer si la majorité est obtenue. Par exemple, si
100 actionnaires sont présents ou représentés lors d’une AGO et que l’on dénombre 10
abstentions, votes blancs ou nuls, la majorité requise est désormais de 46 voix (la
majorité est calculée à partir des 90 voix exprimées.

NB : Sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui
participent à l'assemblée par visioconférence ou par des moyens de télécommunication
permettant leur identification (C. com., art. L. 225-107).

43
Est-il possible de tenir une assemblée sans la présence physique des actionnaires ? La réponse
est positive dans les SA cotées en bourse depuis une ordonnance du 4 mai 2017 (C. com., art.
L. 225-103-1). Les AGO, mais aussi les AGE, peuvent en effet être tenues exclusivement par
visioconférence ou par audioconférence. La tenue de l’assemblée à distance doit toutefois être
prévue par les statuts. Il y a une seconde exigence : que le moyen de télétransmission choisi
permette l’identification des actionnaires et garantisse leur participation effective aux
délibérations et à la prise de décision. Si ces conditions sont remplies, l’assemblée va alors se
tenir à huis clos, en présence des seuls membres du bureau, simplement entourés d’écrans
géants où peuvent s’exprimer les différents actionnaires.

3) Les sanctions en cas d’irrégularité

En droit des sociétés, il y a d'abord un régime général (C. com., art. L. 235-1 : « La nullité
d'acte de délibération (...) ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du
présent titre ou d'une loi qui régit les contrats »). Mais, dans la SA, le législateur a écarté
cette disposition générale.

NB : Ce n'est qu'à défaut de disposition spécifique qu'on appliquera la règle générale.


Méthode cas pratique : vérifier d'abord si on est dans un cas spécifique ; à défaut, appliquer le
régime général.

Il existe 3 dispositions spécifiques aux irrégularités dans la SA :

Art. L. 225-104 pour les irrégularités de convocation : « Toute assemblée irrégulièrement


convoquée peut être annulée ; toutefois la nullité n'est pas recevable lorsque tous les
actionnaires étaient présents ou représentés ». N'importe quelle irrégularité de convocation
peut entraîner la nullité, mais cette nullité est facultative ; c'est le juge qui tranchera. La loi
envisage un cas de figure où le juge n'a même plus cette possibilité : cas où tous les
actionnaires étaient présents ou représentés (on présume que l'irrégularité était bégnine).

Art L 225-121 pour les irrégularités dans la tenue de l’assemblée : Le texte prévoit une
44
nullité obligatoire des délibérations prises en violation des règles relatives au quorum et à la
majorité, à l’ordre du jour ou à la feuille de présence ainsi que les délibération prises en
l’absence des rapports du conseil d’administration (de surveillance ou du directoire) et des
commissaires aux comptes.

Art L 235-2-1 (texte général propre aux SA) : « Les délibérations prises en violation des
dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions peuvent être annulées ».

Ces trois textes spéciaux doivent être combinés avec les dispositions de l'article L 231-1, texte
qui renvoie aux principes régissant le droit des contrats en général.

§2/ L’AGE

L’AGE doit se réunir chaque fois que les statuts doivent être modifiés (C. com., art. L. 225-
96). Voyons d’abord ses compétences plus en détail. Ensuite, les règles de fonctionnement de
l’AGE seront précisées.

A- Les compétences de l’AGE

Sans que toutes les hypothèses de modification statutaire soient envisagées, on évoquera trois
des opérations sur lesquelles les AGE sont appelées à statuer le plus souvent : la
transformation de la SA, les augmentations ou réduction de capital social et la dissolution de
la SA.

1) La transformation de la société

Les dispositions spécifiques à la SA envisagent sa transformation en une société d’une autre


forme. Cette transformation suppose que la SA ait au moins deux ans d’existence et que les
bilans de ses deux premiers exercices ait été approuvés par les actionnaires (C. com., art. L.
225-243). La décision de transformation est prise sur le rapport du CAC de la SA, attestant
que les capitaux propres sont au moins égaux au capital social (C. com., art. L. 225-244).
45
La décision de transformation est prise par l’AGE, mais celle peut ne pas statuer à la majorité
normalement requise (des deux tiers des voix des présents ou des représentés). Ainsi, elle doit
être décidée à l’unanimité pour la transformation en SNC, compte tenu de l’aggravation de la
responsabilité des associés. De même, la transformation en SARL doit être décidée dans les
conditions prévues pour cette dernière société (C. com., art. L. 225-245).

2) L’augmentation de capital social

L’augmentation de capital de la SA est régie par les articles L. 225-127 et s. C. com.

a) Objectifs

Les augmentations de capital accroissent les fonds propres de la société et sont favorables aux
créanciers. Elles peuvent être décidées pour :

- améliorer les capacités d’investissement de la société ;


- répondre aux demandes des banques, des créanciers ;
- porter le capital à un nouveau montant minimum légal.

b) Modalités

Le capital peut être augmenté :

- soit par l’émission de nouvelles actions, ordinaires ou de préférence ;


- soit par majoration du montant nominal des titres de capital existants.

Les titres du capital nouveau sont émis, soit à leur montant nominal, soit, le plus souvent, à un
montant majoré d’une prime d’émission correspondant au droit sur les réserves non
distribuées par la société. Cette prime permet de couvrir les frais de l’opération (le coût
d’émission pour une société faisant une offre au public est généralement compris entre 3 et 5
46
% des capitaux collectés). Elle est surtout un mécanisme qui vise à égaliser les droits des
anciens et des nouveaux actionnaires.

Exemple : Soit une SA au capital de 2 000 000 € divisé en 20 000 actions de 100 € augmente
son capital. Or, elle dispose de réserves à hauteur de 1 000 000 €. Les actionnaires existants
ont donc un titre qui vaut non pas 100 €, mais 150 en raison de l’incidence des réserves
(réserves qui seraient distribuées en cas de dissolution de la société). Si de nouveaux
actionnaires entrent dans le capital, ils vont devoir payer un droit d’entrée correspondant à ces
réserves lequel porte le nom de prime d’émission. En effet, s’ils ne paient pas cette prime, les
droits des anciens associés vont se réduire d’autant. Au moment de l’augmentation de capital,
le souscripteur paiera donc 100 € (valeur nominale de l’action) + 50 € (prime d’émission), soit
la valeur réelle de l’action.
La prime d’émission correspond ainsi à la différence entre la valeur nominale et la valeur
réelle des titres, tenant à l’existence de réserves.

NB : La valeur nominale correspond à la valeur initialement fixée dans les statuts. Mais la
valeur réelle peut différer. Si une société est en déconfiture, la valeur des actions peut être
nulle ; la société pouvant alors être rachetée pour 1 euro symbolique. En cas de prospérité en
revanche, les gains peuvent être mirifiques.

La prime d’émission doit être libérée intégralement lors de la souscription à peine de sanction
pénale (C. com., art. L. 225-144 ; L. 242-17). Juridiquement, elle s’analyse comme un
supplément d’apport laissé à la libre disposition de la société (Cass. com., 9 juill. 1952).
Généralement, elle est inscrite à un compte de réserve et l’assemblée pourra décider de son
affectation.

Les nouvelles actions peuvent être libérées par apports en numéraire, apports en nature ou
incorporation de réserves.

- Libération par apports en numéraire : Le capital doit être intégralement libéré avant
toute émission d’actions nouvelles à libérer en numéraire (C. com., art. L. 225-131). Cette
47
condition se comprend bien puisque la loi impose que le capital souscrit soit intégralement
libéré avant de procéder à une nouvelle augmentation de capital. Les actionnaires en place ont
un droit préférentiel de souscription (DPS) aux augmentations de capital en numéraire (C.
com., art. L. 225-132).

Exemple : Soit une société au capital social de 800 000 euros divisé en 8 000 actions de 100
euros. Elle décide d’augmenter son capital de 400 000 euros, en créant 4 000 actions de 100
euros. Chaque actionnaire aura donc droit à un DPS à raison d’une action nouvelle pour deux
actions anciennes.

Comme la prime d’émission, le DPS permet aux actionnaires de ne pas voir leur pouvoir
politique dilué par l’entrée de nouveaux actionnaires dans la société, puisqu’ils sont
prioritaires pour souscrire à l’augmentation de capital. Le DPS peut cependant être remis en
cause :
- il peut être supprimé par l’AGE pour une augmentation déterminée (ex. : la société
veut accueillir un nouvel investisseur pour la redresser) ;
- les actionnaires peuvent céder leur DPS (question non résolue par les textes : la clause
d’agrément s’applique-t-elle à la cession de DPS ?) ;
- ils peuvent aussi renoncer à l’exercer dans la mesure où ils ne sont pas tenus de
souscrire à l’augmentation de capital (sinon leurs engagements seraient augmentés, ce
qui est interdit : cf. art. 1836, al. 2 C. civ.).

- Libération par apports en nature : C’est une modalité moins fréquente d’augmentation
du capital. Tous types de biens, corporels comme incorporels, peuvent faire l’objet d’un
apport : fonds de commerce, branche d’activité, licences, matériels, droit au bail, etc. En
principe, les conditions de l’apport sont constatées dans un contrat d’apport qui décrit la
nature des biens et surtout leur évaluation. S’agissant d’une SA, la désignation d’un
commissaire aux apports est obligatoire mais les apporteurs ne sont pas tenus de respecter son
évaluation. L’apporteur, s’il est déjà actionnaire, ne prend pas part au vote sur l’évaluation de
l’apport. L’AGA a la faculté de réduire l’évaluation des apports en nature. La libération des
apports se fait intégralement leur de la souscription.
48
- Libération par incorporation de réserves : C’est un mode d’augmentation de capital qui
ne nécessite aucun apport extérieur ; l’augmentation est réalisée de manière très simple par
transfert du compte de réserve au compte de capital.

D’autre sommes peuvent également être capitalisées : les bénéfices d’émission ou de fusion
ou encore les bénéfices de l’exercice.

c) Prise de décision

La décision d’augmenter le capital est prise par l’AGE, mais celle-ci peut déléguer au conseil
d’administration ou au directoire le pouvoir de fixer les modalités de l’émission des titres (C.
com., art. L. 225-129-1), voire le pouvoir de décider d’augmenter le capital, sous certaines
conditions (C. com., art. L. 225-129-2).

Enfin, l’augmentation de capital doit être réalisée dans un délai de 5 ans à compter de la
décision ou de la délégation.

3) La réduction de capital social

a) Les causes de réduction

La réduction de capital social est parfois imposée par la loi, parfois librement décidée par les
actionnaires.

Elle est ainsi imposée par la loi dans le cas où, du fait des pertes constatées, les capitaux
propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social (C. com., art. L. 225-
248).

Elle peut être décidée si la société a subi des pertes afin que capital social corresponde à
l’actif réel de la société. Dans certains cas, la réduction du capital est un préalable à l’entrée
49
d’un nouvel actionnaire. Une pratique nommée « coup d’accordéon » consiste même à
réduire le capital à zéro avant de l’augmenter à nouveau pour faire entrer un nouvel
actionnaire. Ce schéma conduit clairement à exclure les anciens actionnaires dont le titre n’a
plus de valeur. Contestée par les actionnaires minoritaires exclus, cette technique du coup
d’accordéon a été validé par la Cour de cassation (Cass. com., 17 mai 1994, n° 91-21364,
Unisor). La Cour précisé que l’exclusion des associés, notamment minoritaires, qui résulte
d’une telle opération est licite si la société est insolvable et qu’elle n’est plus viable (Cass.
com., 18 juin 2002, n° 99-11.999, L’AMY). Par conséquent, les minoritaires ne peuvent pas se
plaindre car l’opération est conforme à l’intérêt social. Il en irait différemment si l’opération
était dictée par la volonté de faire prévaloir les intérêts des majoritaires. Dans l’arrêt L’AMY,
les minoritaires ont invoqué une expropriation pour cause d’utilité privée. Non répond la Cour
de cassation : « La réduction du capital à zéro ne constituait pas une atteinte au droit de
propriété des actionnaires mais sanctionnait leur obligation de contribuer aux pertes sociales
dans la limite de leurs apports ».

Plus rarement, une société en bonne santé financière réduira son capital pour l’adapter à
l’activité réelle car cette réduction est fiscalement assez pénalisante.

b) Les modalités

La réduction de capital peut prendre trois formes :

- réduction du montant nominal des actions ;


- annulation des actions ;
- rachat des actions par la société en vue de les annuler. Cette modalité est utilisée en
cas de réduction non motivée par les pertes et fait l’objet d’une réglementation
particulière destinée à assurer l’égalité des actionnaires.

La réduction du capital est de nature à porter atteinte aux droits des tiers créanciers de la
société puisqu’elle va réduire leur droit de gage. Les créanciers bénéficient par conséquent
d’une protection particulière prenant la forme d’un droit d’opposition dans le cas où la
50
réduction n’est pas justifiée par la volonté d’apurer les pertes de la société. Un créancier peut
ainsi former opposition devant le tribunal de commerce dans le cas contraire où la réduction
émane d’une société en bonne santé financière. Le tribunal peut alors soit rejeter l’opposition,
soit ordonner la constitution de garanties supplémentaires, soit ordonner le remboursement du
créancier (C. com., art. L. 225-205).

c) La prise de décision

La réduction de capital est une modification des statuts et relève donc en principe de la
compétence de l’AGE. Comme pour l’augmentation de capital, une délégation de compétence
au CA ou au directoire est néanmoins possible.

Le CAC doit faire un rapport à l’AGE portant sur les causes et les conditions de l’opération.
Ce rapport est communiqué aux actionnaires deux semaines avant la tenue de l’assemblée. Le
CAC est notamment chargé de veiller au respect de l’égalité entre actionnaires.

4) La dissolution de la société

La dissolution de la SA est envisagée par quelques dispositions spécifiques, mais cette


opération obéit pour l’essentiel aux règles de droit commun des sociétés déjà vues au premier
semestre. On observera surtout qu’il existe un dispositif se déclenchant en cas de pertes
importantes subies par la SA et qui oblige alors la société à statuer sur sa dissolution. Plus
précisément, l’article L. 225-248 C. com. prévoit que si les capitaux propres de la SA
deviennent inférieurs à la moitié de son capital, une AGE doit être convoquée dans les quatre
mois suivant l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, pour se prononcer sur
la dissolution anticipée de la SA. Celle-ci peut alors décider soit de dissoudre la société, soit
de poursuivre l’activité. Dans cette seconde hypothèse, la société devra, au plus tard de la
clôture du deuxième exercice suivant la constatation des pertes, reconstituer ses capitaux
propres d’un montant au moins égal à la moitié du capital social ou, à défaut, réduire son
capital d’un montant au moins égal à celui des pertes qui n’ont pas pu être imputées sur les
réserves.
51
B- Le fonctionnement de l’AGE

Si l’essentiel des règles de fonctionnent de l’assemblée sont communes à l’AGO et à l’AGE,


on peut toutefois relever quelques spécificités.
Ainsi, la jurisprudence a retenu, de manière un peu surprenante, que, contrairement à ce qui se
passe dans les AGO, l’AGE n’a pas nécessairement à statuer sur rapport du conseil
d’administration ou du directoire (Cass. com., 26 oct. 2010, n° 09-71.404 : Bull. civ., IV, n°
161) ;

Les conditions de quorum et de majorité sont également différentes.

S’agissant du quorum, l’AGE ne délibère valablement que si les actionnaires présents ou


représentés possèdent au moins, sur première convocation, le quart et, sur deuxième
convocation, le cinquième des actions ayant le droit de vote (C. com., art. L. 225-96, al. 2).

En ce qui concerne la majorité, l’AGE statue à la majorité des deux tiers des voix des
actionnaires présents ou représentés (C. com., art. L. 225-96, al. 3).

Section 2 : Les organes de gestion

La gestion de la SA est assurée selon un système plus complexe que celui de la gérance de
société à responsabilité limitée. Le législateur donne le choix entre deux types de gestion :

➢ La gestion de type classique avec conseil d’administration et son président (C. com., art.
L. 225-17 à L. 225-56) ;
➢ Une formule plus récente, inspirée du droit allemand, la SA avec directoire et conseil de
surveillance (C. com., art. L. 225-57 à L. 225-93).

52
Le choix est laissé à la libre disposition des fondateurs ou des actionnaires. Le changement de
système peut s’opérer, en cours de vie sociale, par une modification statutaire décidée en
AGE, sans que cela entraîne une transformation de la société et donc un changement de forme
sociale (C. com., art. L. 225-57).

Sous-section 1 : La SA avec conseil d’administration

Un retour en arrière s’impose pour mieux comprendre ce système d’organisation.

Sous l’empire de la loi du 24 juillet 1867, la SA était gérée par un ou plusieurs mandataires,
révocables, pris parmi les associés. À cette gestion individuelle, la pratique a substitué une
gestion collective exercée par le conseil d’administration, consacrée par la loi du 16 novembre
1940, et reprise par la loi du 24 juillet 1966.

Parallèlement, le président du CA, qui prit le titre de président-directeur-général (le fameux


« PDG ») en 1940, se vit attribuer des pouvoirs propres de gestion par la loi de 1966. La
structure moniste présentait donc la particularité de concentrer sur la même tête, la présidence
du CA et la direction générale de la société.

Afin de remédier à une trop forte concentration du pouvoir, la loi du 15 mai 2001 a dissocié la
présidence du conseil de la direction générale de la société. Cette dissociation ne constitue
cependant qu’une option, laquelle apparaît à la lecture de l’article L. 225-51-1 C. com. :

« La direction générale de la société est assumée, sous sa responsabilité, soit par le président
du conseil d'administration, soit par une autre personne physique nommée par le conseil
d'administration et portant le titre de directeur général. Dans les conditions définies par les
statuts, le conseil d'administration choisit entre les deux modalités d'exercice de la direction
générale visées au premier alinéa. […]Lorsque la direction générale de la société est
assumée par le président du conseil d'administration, les dispositions de la présente sous-
53
section relatives au directeur général lui sont applicables. »

L’étude de la gestion de la SA ne serait pas complète sans l’analyse de la réglementation


applicable aux dirigeants de la société dans leurs rapports individuels avec celle-ci. Il existe
un risque, en effet, pour la société que les dirigeants ne cherchent à profiter de leur position
privilégiée dans la société. Un conflit d’intérêt pourrait surgir chez un dirigeant, opposant son
intérêt personnel à l’intérêt social. Afin de mieux contrôler ce risque, la loi impose un régime
particulier aux conventions passées entre la société et l’un de ses dirigeants.

Les dirigeants de la SA de gestion classique sont donc le conseil d’administration (§1), le


président du conseil d’administration (§2) et le directeur général de la société (§3). Une
mention particulière doit être faite du régime des conventions réglementées (§4).

§1/ Le conseil d’administration

A- La Composition du CA

Le CA est un organe collégial composé de trois à 18 membres. Qui sont ces administrateurs ?
Comment sont-ils nommés et révoqués ? Quel est leur statut ? Nous allons tâcher de répondre
à ces interrogations.

1) Les administrateurs

Jusqu’à la loi LME du 4 août 2008, les administrateurs devaient être obligatoirement
actionnaires et être propriétaires d’un nombre minimum d’actions fixé dans les statuts. Cette
exigence a été abandonnée mais les statuts peuvent cependant l’imposer (C. com., art. L. 225-
25). Dans cette hypothèse, et si l’administrateur ne détient pas le nombre d’action requis au
jour de sa nomination, il dispose d’un délai de régularisation de six mois au-delà duquel il est
« réputé démissionnaire d’office ».

Les administrateurs peuvent être indifféremment des PP ou des PM. Dans les deux cas, on va
54
rencontrer des contraintes particulières.

- Personne physique : L'administrateur PP n'est pas un commerçant mais il est soumis aux
mêmes incompatibilités / interdictions que les commerçants (ex : interdiction d'exercer une
profession libérale, d'avoir fait l'objet d'une faillite personnelle, etc). L'art L. 225-19 oblige les
statuts à prévoir une limite d'âge. Règle supplétive s'appliquant dans le silence des statuts : le
nombre d'administrateurs ayant dépassé les 70 ans doit être inférieur au tiers du total des
administrateurs. Autre règle : La loi du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée
des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance impose un
quota de femmes pour les sociétés cotées (C. com. art., L. 225-18-1 : « La proportion des
administrateurs de chaque sexe ne peut être inférieur à 40 % ».). Depuis la loi Pacte du 22
mai 2019, sont frappées de nullité les délibérations sociales auxquelles a pris part
l’administrateur nommé en violation de l’obligation de mixité. Quatrième contrainte : le
cumul des mandats → D’après l’art. L. 225-21, al. 1 C. com., « une PP ne peut exercer
simultanément plus de 5 mandats d'administrateur de sociétés anonymes ayant leur siège
social en France ». Mais il existe 2 types de dérogations : Une dérogation verticale en vertu
de laquelle l'administrateur d'une SA peut aussi être administrateur des sociétés que contrôle
cette SA (cad filiales et sous-filiales). Une dérogation horizontale : l’administrateur peut
exercer des mandats dans plusieurs sociétés sœurs contrôlées par la même entité.

- Personne morale : C. com., art. L 225-20 : « Une PM peut être nommée administrateur ».
Mais la PM doit nommer une personne physique, représentant permanent de la PM. Ce sera
en général un salarié. La personne physique nommée assumera la responsabilité civile et
pénale d'un administrateur.

2) La nomination et la révocation des administrateurs

Lors de la constitution, les administrateurs sont désignés par les statuts pour une durée
maximum de six ans.

Au cours de la vie sociale, c’est l’AGO qui renouvellera leur mandat ou qui en désignera
55
d’autres. Chaque administrateur fait l’objet d’un vote.

Nous avons vu que les AGO se tiennent une fois par an. Dès lors, une difficulté pratique
surgit : comment faire lorsqu’un ou plusieurs administrateurs démissionnent entre deux
AGO ? Le législateur autorise le CA à procéder à des nominations provisoires. Ce procédé
porte le nom de cooptation (C. com., art. L. 225-24). Ces nominations devront être soumises à
l’approbation de la prochaine AGO. Cependant, si l’assemblée ne ratifie pas les nominations,
les délibérations prises et les actes accomplis antérieurement par le conseil demeurent tout de
même valables.

Les solutions de cooptation envisagées par le législateur sont les suivantes :

- Cooptation facultative : Lorsque le nombre d’administrateurs en fonction demeure


supérieur au minimum statutaire, le CA a la faculté de procéder entre deux assemblées à une
nomination provisoire en cas de vacances par suite de décès ou de démission.

- Cooptation obligatoire : Lorsque le nombre d’administrateurs est devenu inférieur au


minimum statutaire sans être inférieur au minimum légal, le CA doit nommer provisoirement
un administrateur pour compléter son effectif dans le délai de 3 mois à compter de la
vacance. S’il ne le fait pas, tout intéressé peut demander en justice la désignation d’un
mandataire chargé de convoquer l’AGO afin de procéder à la nomination.

- Cooptation interdite : Lorsque le nombre d’administrateurs est devenu inférieur au


minimum légal (3), le CA doit convoquer immédiatement l’AGO en vue de compléter
l’effectif. A défaut, tout intéressé peut demander en justice la désignation d’un mandataire
chargé de convoquer l’AGO afin de procéder à la nomination.

Exemple : Soit une SA dont le CA se compose actuellement de 9 administrateurs. Les statuts


ont prévu un minimum de 6.
Si, par suite de décès ou de démission, le CA ne comporte plus que :
- 2 administrateurs : la cooptation est interdite (nombre inférieur au minimum légal), le
56
CA devra convoquer l’AGO pour procéder aux nominations ;
- 3, 4 ou 5 administrateurs : cooptation obligatoire, les nominations provisoires devront
être soumises à ratification de la plus prochaine assemblée ;
- 6, 7, 8 administrateurs : cooptation facultative.

Selon l’article L. 225-18, al. 2 C. com., les administrateurs sont révocables ad nutum par
l’AGO, c’est-à-dire à tout moment sans préavis, ni juste motif de révocation, ni indemnité.
C’est une règle d’ordre public ; toute disposition contraire serait donc nulle. Les actionnaires
peuvent prendre cette décision alors même que l’ordre du jour ne la mentionne pas (C. com.,
art. L. 225-105, al. 3 C. com.). Le droit de révoquer un administrateur n’est cependant pas
sans limite. La jurisprudence considère que la révocation est abusive lorsqu’elle
s’accompagne de circonstances injurieuses, vexatoires ou brutales, qui portent une atteinte
injustifiée à la réputation de l’administrateur. Il s’agit d’une faute génératrice de
responsabilité civile, la victime étant fondée à demander réparation de son préjudice à la
société. /!\ Ce n’est pas l’absence de motif qui justifie l’abus de droit mais les circonstances
qui entourent la révocation.

3) Le statut des administrateurs

a) La rémunération

Le mandat d’administrateur peut être gratuit ou à titre onéreux. En pratique, les


administrateurs ne sont pas rémunérés dans les petites sociétés, mais le sont dans les grandes.

Cette rémunération consiste en l’octroi de jetons de présence dont le montant annuel est fixé
par l’assemblée générale globalement pour l’ensemble du CA, qui décide ensuite librement de
la répartition entre ses membres (C. com., art. L. 225-44 et L. 225-45, al. 1er).

b) Le cumul du mandat d’administrateur et d’un contrat de travail

Le mandat d’administrateur est-il compatible avec un contrat de travail ?


57
La question du cumul est réglée par la loi. L'article L. 225-44 C. com. prévoit que « les
administrateurs ne peuvent recevoir de la société aucune rémunération autre que celle prévue
aux art L. 225-45, L. 225-46, L. 225-47 et L. 225-53 », c’est-à-dire des jetons de présence
(44), une rémunération exceptionnelle à l'occasion d'une mission temporaire (45), une
rémunération de président pour celui qui est président (47) ou rémunération à titre de
directeur général ou délégué (art. L. 225-53). En principe, l'administrateur ne peut donc être
salarié. Le contrat de travail serait frappé de nullité absolue et l’administrateur devrait
restituer le salaire indûment perçu.

Le cumul créé, en effet, une situation de conflit d'intérêts : l'intéressé peut tirer avantage de la
situation pour réduire la portée de la révocation ad nutum de son mandat d’administrateur. En
outre, on peut craindre que l'administrateur qui cumule son mandat avec un contrat de travail
soit trop dépendant de la direction.

Ce principe est tempéré par des exceptions.

La loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches


administratives a prévu une exception pour les PME : « un administrateur peut devenir
salarié d'une SA au conseil de laquelle il siège (…) si cette société ne dépasse pas les seuils
définissant les PME » (C. com., art. L. 225-21-1).

Pour les SA classiques, l'article L. 225-22 C. com. prévoit une dérogation traditionnelle : « un
salarié de la société ne peut être nommé administrateur qui si.... » → 2 conditions
spécifiques :
- Conditions propres au droit des sociétés :
➢ Pour les PME (250 salariés, 50 millions d'euros de chiffre d'affaires et 43 millions
au bilan), il n'y pas de conditions spécifiques. Pour les grandes entreprises, un
salarié d’une société peut devenir administrateur de la société mais pas l'inverse →
cumul possible qu'à sens unique.
➢ Condition commune à tous les types d'entreprises : art. L. 225-22 : le nombre de
58
salariés au CA ne peut excéder le tiers des administrateurs.
- Condition tenant aux principes généraux de droit du travail :
➢ Un contrat de travail suppose la réunion de 3 éléments (un emploi effectif, une
rémunération et un lien de subordination) qu'il faudra vérifier à chaque fois.
Question du lien de subordination délicate : comment démontrer que
l'administrateur principal, actionnaire majoritaire, est un salarié de l'entreprise ?

En pratique, le cumul est source de contentieux dans 2 cas de figure :


➢ lorsque l'entreprise est en difficulté et que l'administrateur cumulard va vouloir
bénéficier des avantages liés au statut de salarié (indemnités chômage, etc).
L'ASSEDIC peut refuser de payer les indemnités de chômage au motif de l'absence de
contrat de travail ;
➢ en cas de mésentente entre associés : actions en justice contre le cumulard → enjeux
importants (rémunération, décisions irrégulières prises en AG, etc).

B- Le fonctionnement du CA

Le conseil d’administration est un organe collégial qui exerce ses pouvoirs collectivement
(pris isolément, ses membres n’ont aucun pouvoir de gestion dans la société).

1) Les réunions du conseil d'administration

En principe, l'initiative des réunions appartient au président qui fixe l'ordre du jour (C. com.,
art L 225-36-1). Mais cette liberté du président est tempérée à trois points de vue :
➢ dispositions statutaires auxquelles la loi renvoie ;
➢ le président a l'obligation de convoquer un conseil dans 2 cas → à la demande du tiers
des administrateurs lorsqu’il ne s’est pas réuni depuis plus de 2 mois ou du directeur
général sur un ordre du jour déterminé ;
➢ principe général dégagé par la jurisprudence puis consacré par la loi NRE du 15 mai
2001 selon lequel les administrateurs ont un droit d'information préalablement aux
réunions du conseil.
59
➢ Arrêt du 2 juillet 1985, affaire Cointreau : Les administrateurs avaient été
convoqués à une réunion du conseil mais sans avoir été suffisamment informés. La
Cour de cassation a considéré qu'il y avait fraude et que l'on avait délibérément
empêché les administrateurs de se préparer au conseil.
➢ Principe affirmé à l'article 225-35, al. 3 C. com. : « Le président ou directeur
général de la société est tenu de communiquer à chaque administrateur tous les
documents et informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission ».

2) Les décisions du conseil d'administration

Ces décisions sont régies par l'article L. 225-37 C. com. : « Le conseil d'administration ne
délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents » ; « les
décisions prises à la majorité des membres présents ou représentés ».

Le quorum : la ½ des membres doit être présent pour que l'on puisse délibérer valablement.
Cette règle est d’ordre public. Pour le calcul du quorum, les administrateurs représentés ne
sont pas pris en compte.
La majorité : la majorité des membres présents ou représentés. Deux remarques :
➢ au conseil d'administration, on vote par tête et non par part du capital détenu ;
➢ contrairement à la règle de quorum, la règle de majorité n'est pas impérative : le
conseil d'administration peut se prononcer par des règles de majorité plus strictes
(notamment pour les décisions particulièrement sensibles comme les clauses
d'agrément).

La loi de simplification du droit des sociétés du 19 juillet 2019, dite loi « Soihili », crée
une procédure de prise de décision par consultation écrite au sein du conseil d'administration
ou de surveillance d'une société anonyme. Cette procédure a pour finalité de faciliter la prise
de décision sur les sujets de moindre importance. Les statuts peuvent ainsi prévoir que les
décisions suivantes peuvent être prises par consultation écrite : les cooptations, les
autorisations de donner des cautions, avals et garanties, les modifications des statuts visant à
les mettre en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires, le transfert du
60
siège social dans le même département et la convocation de l'assemblée générale (C. com.,
art. L. 225-37, al. 3).

3) Les pouvoirs du conseil d'administration

Le conseil d’administration se voit attribuer un pouvoir général d’administration ainsi que des
pouvoirs spécifiques.

a) Le pouvoir général d'administration

Il est défini à l'article L. 225-35, al. 1 C. com. « le conseil d'administration détermine les
orientations de l'activité de la société et veille à leur mise en œuvre […] Il se saisit de toute
question intéressant la bonne marche de la société et règle par ses délibérations les affaires
qui le concernent ». Il appartient donc au CA de :
➢ fixer les orientations stratégiques de la société ;
➢ statuer sur toutes les questions intéressant la bonne marche et les affaires de la société.

La délimitation précise des pouvoirs du CA est source de difficultés en pratique. Quelles sont
les limites à ce pouvoir général ? Il y a trois limites :
➢ les attributions légales des autres organes, spécialement de l'AG (modification de
statuts, allocation des jetons de présence, détermination de l'affectation des bénéfices,
etc.) ;
➢ les clauses limitatives de pouvoir éventuelles (la violation des limites statutaires
engage la responsabilité des administrateurs) ;
➢ l'objet social : le CA se saisit de toute question dans la limite de l'objet social de la
société. Cependant, dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par
les actes du CA qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le
tiers avait eu connaissance du dépassement de l’objet social (C. com., art. L. 225-35,
al. 2). Mais, parce que les actes qui engagent la société à l'égard des tiers ne sont pas
accomplis par le CA mais par le DG, la règle n'a pas grand intérêt.

61
b) Les pouvoirs spéciaux

La loi réserve un minimum de pouvoirs, appelés pouvoirs propres, que le CA ne peut


déléguer. Cela signifie que de tels pouvoirs ne peuvent être exercés par autrui, ni par l'AG, ni
par le DG (même sur délégation du conseil d'administration), ni même par un comité ou une
commission au sein du conseil d'administration. En effet, il n'est pas rare qu'au sein du CA on
créé des comités (comité des rémunérations, comité d'audit, etc).

Quels sont ces pouvoirs propres ? Ils sont nombreux.

➢ Des pouvoirs qui concernent les relations du CA avec les autres organes :
- Dans les rapports avec les organes dirigeants : le CA coopte les administrateurs,
nomme son président, le directeur général, les directeurs généraux délégués, les
révoque et fixe leur rémunération.
- Dans les rapports avec l'AG : le CA convoque l'AG et fixe l'ordre du jour + arrête les
comptes + propose l'affectation des résultats

➢ Le CA autorise certaines conventions sensibles en ce qu'elles peuvent porter atteinte à


l'intérêt social. Ces contrats sont de 2 sortes :

- Contrat qui relève de la compétence du CA de par sa nature : la caution donnée par les SA
autres que les établissements bancaires ou financiers doivent faire l’objet d’une autorisation
préalable du CA (C. com., art L. 225-35 al. 4).

L’autorisation du cautionnement fait souvent l'objet de contentieux. Il appelle deux


remarques :

• Le contrat est passé avec un tiers donc se pose le problème des conséquences d’une
absence d’autorisation du conseil dans les rapports avec les tiers. L’opération est
inopposable à la société et l’inopposabilité ne peut être couverte ni par un vote de
l’AG, ni par une ratification implicite du CA (Cass. com., 8 déc. 1998, n° 96-11.542 :
62
Bull. joly 1999, p. 535, note P. Le Cannu).
• L'article R. 225-28 C. com. précise que le DG est autorisé par le CA à donner des
cautions dans la limite d’un montant annuel fixé par ce dernier. En cas de dépassement
de la limite fixée (montant ou durée), ce dépassement de pouvoir du dirigeant est
inopposable aux tiers qui n’en ont pas eu connaissance. Par exception cependant, le
conseil peut toutefois donner cette autorisation globalement, sans limite de montant, et
même sans limite de durée, pour garantir les engagements pris par les filiales à l’égard
des tiers (il faut que la société-mère ait le contrôle exclusif du débiteur). Cette
dérogation est une innovation de la loi « Soilihi » du 19 juillet 2019.

- Contrats dangereux en raison de l'identité du cocontractant qui est lui-même un dirigeant de


la société ou un actionnaire important (risque de conflit d'intérêts). Ces conventions sont
soumises à un régime particulier (v. infra).

§2/ Le président du conseil d’administration

La loi NRE a dissocié la fonction de président du CA et de directeur général, et a redéfini


leurs rôles respectifs. Le président du conseil perd les prérogatives de direction générale et de
représentation de la société. Toutefois, le CA peut choisir que le président assume la direction
générale en cumulant son mandat avec un mandat de directeur général.

Après avoir étudié le statut du président du conseil d’administration (A), on envisagera ses
pouvoirs (B).

A- Le statut du président du conseil d’administration

1) Nomination et révocation

Le président est nommé par le CA parmi ses membres (C. com., art. L. 225-47, al. 1). Il a
donc nécessairement la qualité d’administrateur. Il doit être obligatoirement une personne
physique à peine de nullité de la décision. Il est nommé pour une durée qui ne peut excéder
63
son mandat d’administrateur, soit six ans au plus. Mais il est rééligible (al. 2). Le président se
voit appliquer l’ensemble des règles du statut des administrateurs. Ainsi, le nombre de
mandats de président du CA est limité à cinq dans les SA ayant leur siège social en France.
Enfin, une limite d’âge doit être prévu par les statuts, à défaut elle est légalement fixée à 65
ans, et rend nulle toute nomination intervenue en violation de cette règle (C. com., art. L. 225-
48).

Outre l’arrivée du terme du mandat, la survenance de la limite d’âge et la démission, la


révocation du président du CA met fin à ses fonctions. Cette révocation est régie par l’article
L. 225-47, al. 3 C. com. : le CA peut, à tout moment, révoquer le président, sans préavis ni
précision de motifs ni indemnités. Comme un simple administrateur, le président du conseil
est donc révocable ad nutum. La révocation du président peut cependant dégénérer en abus en
cas d’atteinte à son honneur ou de non-respect des droits de la défense.

Est-il possible conventionnellement d'atténuer ce principe de révocabilité ad nutum en lui


promettant une indemnité de départ ou « golden parachute » ? On rencontre ce type de
rémunération dans 2 cas :
➢ négociations entre les actionnaires et l’administrateur → manager professionnel qui
se vend ;
➢ hypothèse du président qui est aussi actionnaire principal et qui cède ses actions à un
acquéreur mais qui est voué à rester longtemps dans l'entreprise. L'ancien actionnaire
principal reste dans l'entreprise pour épauler le nouveau.

La jurisprudence a dégagé une solution de principe et des tempéraments.

La solution de principe découle de l'article L. 225-47 al 3 : toute convention susceptible de


dissuader les administrateurs de révoquer un président est nulle. Ce principe s'applique de
manière très large, quelque soit l'objet de la convention (complément de retraite, indemnité,
maintien de salaire, engagement de rachat des actions à un prix très élevé...) et quelque soit le
débiteur (souvent la société mais peut aussi être l'actionnaire principal).

64
Tempéraments :
➢ Ce genre d'engagement sera toléré dès lors qu'il ne sera pas vraiment dissuasif,
notamment compte tenu de la surface financière de celui qui s'engage. Ex :
convention de 500.000 € pour la société Vivendi → compte tenu de l'importance de la
société, l'engagement n'est pas dissuasif. On trouve aujourd'hui dans la loi un certain
nombre de contraintes :
• transparence de ces conventions de façon à les soumettre à un contrôle des
actionnaires (art L 225-42-1)
• Les indemnités de rupture en plus sont soumises dans les sociétés cotées à une
règle de fond : que l’indemnité soit liée à une condition de performance. Cela
est subjectif, mais il est interdit d’octroyer une indemnité à un dirigeant qui ne
peut pas se targuer de bons résultats et a fortiori, si l’entreprise va très mal.
➢ L'hypothèse du président d'une société intégrée au sein d'un groupe lorsque le
président est à l'origine un salarié d'une société du groupe et bénéficiaire d'un
engagement de réintégration dans le groupe. La situation est dangereuse passant d'un
statut protecteur du salarié à un statut de mandataire révocable ad nutum. C'est
pourquoi il est légitime qu'il obtienne des garanties comme la réintégration à son
poste de salarié.
➢ Le président évincé a un droit à une indemnité en cas cas d'abus dans la révocation.

2) Rémunération

Le président du CA, en tant qu’administrateur, perçoit des jetons de présence. Au surplus, il


peut percevoir une rémunération spéciale (la fonction de présidence peut être gratuite, comme
c’est souvent le cas dans les petites entreprises).

Cette rémunération comprend habituellement une part fixe et une part variable et
proportionnelle au chiffre d’affaires ou au bénéfice de la société. Elle peut parfois
s’accompagner d’avantages en nature tels que logement et voiture de fonction, complément de
retraite, garde-robe, assurance-vie au profit de l’épouse et des enfants, etc. Les options d’achat
d’actions à prix fixe (stock option), de même que l’attribution d’actions gratuites, peuvent
65
également constituer un complément de revenus substantiel.

Cette rémunération doit être décidée par le conseil d’administration (C. com., art. L. 225-47).
C’est un pouvoir propre, ce qui emporte des conséquences pratiques :
➢ Pour qu’un président puisse valablement toucher une rémunération, il faut à l’origine
une délibération du Conseil d’Administration. Il arrive que cela ne soit pas le cas :
dans une petite société, le président est seul maître à bord ; il va donc s’attribuer une
rémunération et le fera de bonne foi. Et pourtant, s’il y a une mésentente entre
actionnaires, cela lui sera reproché et il devra rendre l’argent qu’il a perçu en violation
des pouvoirs du Conseil d’Administration. Sinon illégalité : angle d’attaque contre le
président.
➢ Il n’est pas question que la décision de la rémunération soit prise par un comité au
sein du Conseil d’Administration. Effectivement, dans certaines SA, il y a un comité
de rémunération chargé de négocier avec les dirigeants : il négocie mais propose au
Conseil d’Administration qui doit délibérer sur la question et fixer en définitive la
rémunération.
➢ Il faut une délibération, mais il suffit d’une telle délibération. Donc, il n’est pas
nécessaire d’avoir en plus une délibération de l’Assemblée Générale, de l’Assemblée
des actionnaires. Cela n’est pas rien car au Conseil d’administration seuls les
majoritaires sont représentés et pas les minoritaires : c’est donc précieux pour un
dirigeant.

La rémunération du Président ayant un caractère institutionnel et non contractuel, elle n’est


pas soumise à la procédure des conventions réglementées passées entre la société et ses
dirigeants (qui impose, notamment, une consultation de l’AG).

En vue de prévenir certains excès et abus dans les sociétés cotées en bourse, plusieurs
mesures de moralisation ont été adoptées.

Tout d’abord, l’article L. 225-102-1 C. com., issu de la loi NRE, a permis l’instauration de la
transparence des rémunérations des dirigeants en obligeant le CA d’une société dont les titres
66
sont admis aux négociations sur un marché réglementé à faire figurer sur le rapport de gestion
présenté à l’AGO annuelle la rémunération totale et les avantages de toutes natures des
mandataires sociaux (et donc du président du conseil).

On a ensuite voulu aller plus loin en offrant aux actionnaires la possibilité d’émettre un avis
sur la rémunération des dirigeants, ce que l’on dénomme à l’étranger la règle say on pay.
Contrairement à d’autres pays européens (Pays-Bas, Suède, Norvège, Danemark et Portugal),
la règle du say on pay n’a pas été instaurée en France par voie législative. Depuis l’exercice
2014, elle est seulement inscrite dans le code de gouvernance d’entreprise de l’AFEP-
MEDEF). Il appartient ainsi au conseil de présenter à l’AGO annuelle la rémunération allouée
et de faire suivre cette présentation d’un vote consultatif des actionnaires.

L’efficacité de ce dispositif est cependant douteuse et ce, à double titre. D’abord, parce que
les codes de gouvernement d’entreprise sont une source purement privée et sont, par
conséquent, dépourvus de valeur normative. Un code d’origine privée ne s’applique qu’à son
émetteur et à ceux qui ont accepté de s’y soumettre. D’où l’image de soft law par opposition à
la hard law (pour une réflexion sur la valeur normative de ces chartes de bonnes pratiques,
lire C. Coupet, « Les normes d’origine privée. Réflexions à partir des recommandations de
l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité et du code AFEP-MEDEF », RTD
com. 2015, p. 437). D’ailleurs, le code du MEDEF indique lui-même qu’il ne formule que de
simples « recommandations ». En tout état de cause, même si une SA suit la recommandation
du MEDEF en organisant un vote des actionnaires sur la rémunération de ses dirigeants, en
cas de vote négatif, le conseil n’est juridiquement pas tenu de réviser la rémunération à la
baisse puisque le vote reste consultatif. Il suffit en effet au CA de donner aux actionnaires les
raisons pour lesquelles leur avis n’est pas suivi : c’est le principe « se conformer ou
s’expliquer » (comply or explain) qui est une approche réglementaire utilisée dans certains
pays étrangers qui consiste à énumérer les règles auxquelles les entreprises doivent se
conformer et en vertu de laquelle, si elles ne s'y conforment pas, elles doivent expliquer
publiquement pourquoi. C’est un droit souple car la règle en question n’est pas assortie de
sanction juridique. Cependant, le côté « mauvaise publicité », c’est-à-dire le droit de regard du
marché et du public, est particulièrement incitatif pour forcer les entreprises à se conformer à
67
un certain nombre de normes. Particulièrement dissuasive, la sanction est donc celle du
marché et de l’opinion publique.

C’est le camouflet infligé par le CA de Renault, qui a approuvé la rémunération 2015 de 7,2
millions d’euros allouée au PDG, malgré le vote négatif des actionnaires, qui a incité le
législateur à conférer au vote des actionnaires un caractère contraignant.

La loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la


modernisation de l’économie, dite loi « Sapin », confère, dans les sociétés cotées, un caractère
contraignant au vote des actionnaires relatif à la rémunération totale et les avantages de toute
nature bénéficiant aux présidents, directeurs généraux, directeurs généraux délégués.

Nouvel Art. L. 22-10-8 C. com. : « Dans les sociétés dont les titres sont admis aux
négociations sur un marché réglementé, les principes et les critères de détermination, de
répartition et d'attribution des éléments fixes, variables et exceptionnels composant la
rémunération totale et les avantages de toute nature, attribuables aux président, directeurs
généraux ou directeurs généraux délégués, en raison de leur mandat, font l'objet d'une
résolution soumise au moins chaque année à l'approbation de l'assemblée générale des
actionnaires dans les conditions prévues à l'article L. 225-98 et au deuxième à avant-dernier
alinéas du présent article. »

Art. L. 22-10-34 : « Les éléments de rémunération variables ou exceptionnels dont le


versement a été conditionné à l'approbation par une assemblée générale ordinaire, dans les
conditions prévues aux mêmes articles L. 225-37-2 ou L. 225-82-2, attribués au titre de
l'exercice écoulé au président du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, au
directeur général, au président du directoire ou directeur général unique, aux directeurs
généraux délégués ou aux autres membres du directoire ne peuvent être versés qu'après
approbation de la rémunération par une assemblée générale des éléments de rémunération de
la personne concernée dans les conditions prévues au dixième alinéa du présent article. »

La consultation des associés intervient donc a priori et a posteriori.


68
D’une part, les principes et critères de détermination, de répartition et d’attribution des
éléments fixes, variables et exceptionnels composant la rémunération des dirigeants doivent
faire l’objet chaque année, ex ante, d’une résolution soumise à l’approbation de l’AG.
L’approbation de l’AG est également requise pour toute modification des éléments de la
rémunération susvisés, ainsi qu’à chaque renouvellement de mandat. Si l’AG refuse
d’approuver la résolution qui lui est soumise, on s’en tient au statu quo ante.

/!\ Pour le contrôle a priori, les actionnaires ont un pouvoir décisionnel assez limité. Ils ne
décident pas vraiment ; ils peuvent seulement mettre un veto à la rémunération. L’assemblée
n’a pas de pouvoir de proposition. Elle vote oui/non. Elle ne peut pas décider. Le pouvoir de
décision appartient au CA. En fait, c’est un droit de veto et si jamais les actionnaires disent
non, la loi prévoit que l’on se reporte à l’ancienne rémunération, qui peut être assez élevée.
On voit donc que le système est assez imparfait.

D’autre part, l’AG doit se prononcer l’année suivante sur les rémunérations versées au titre de
l’exercice antérieur, cela par des résolutions distinctes pour chacun des dirigeants concernés.
Les sommes correspondant aux éléments variables ou exceptionnels de la rémunération ne
pourront être versées qu’après un vote favorable de l’assemble ou, à défaut, devront été
restituées.

3) Cumul du mandat social et d’un contrat de travail

Des règles identiques à celles relatives aux administrateurs sont applicables au président du
conseil. Ainsi, si le président est déjà en fonction, il ne peut pas obtenir un emploi salarié dans
la société, sauf à ce que cette dernière soit une PME ; mais la démonstration d’un lien de
subordination devient, dans ce cas, problématique. En effet, l’intéressé n’est pas qu’un simple
administrateur, c’est le président. On s’approche donc des limites de l’exercice (pour un
simple administrateur : ok ; mais pour le président : c’est très compliqué). En revanche, si son
contrat de travail est antérieur à sa nomination de président et s’il correspond à un travail
effectif, le cumul est possible. La jurisprudence a admis que, dans le cas où le lien de
69
subordination à l’égard de la société n’était pas clairement établi, le contrat de travail était
suspendu pendant le temps de l’exercice du mandat présidentiel. Cela signifie que pendant la
suspension, le président ne perçoit pas son salaire et perd son droit à la couverture sociale.

Le code de gouvernance d’entreprise des sociétés cotées recommande aux dirigeants de SA


cotées qui deviennent mandataires de mettre fin au contrat de travail qui les lie à la société,
soit par rupture conventionnelle, soit par démission. Cette recommandation s’applique non
seulement au président du conseil, mais aussi au DG dans les sociétés à CA, et au président du
directoire ainsi qu’au DG unique dans les sociétés à directoire. Elle ne s’applique pas, en
revanche, aux simples administrateurs.

B- Les pouvoirs du président du conseil d’administration

Le président du conseil d’administration a des pouvoirs qui prennent effet essentiellement à


l’intérieur de la SA puisqu’il :
- préside le conseil d’administration dont il organise et dirige les travaux (C. com., art.
L. 225-51) ;
- préside les assemblées d’actionnaires (C. com., art. R. 225-100) ;
- veille au bon fonctionnement des organes de la société et s’assure, en particulier, que
les administrateurs sont en mesure de remplir leur mission (C. com., art. L 225-51) ;
- rédige le rapport de contrôle interne et sur le gouvernement d’entreprise (C. com., art.
L. 225-37) ;
- donne avis aux CAC de toutes les conventions autorisées et soumet celles-ci à
l’approbation de l’AG (C. com., art. L. 225-40, al. 2).

§3/ Le directeur général de la société

La loi NRE prévoit que la direction générale de la société est assurée, soit par le PCA, soit par
une autre personne physique nommée par le CA et portant le titre de directeur général. La loi
précise que le directeur général peut être épaulé dans ses fonctions par des directeurs
généraux délégués.
70
Vont ainsi être successivement étudiés le statut (A) et les pouvoirs du DG (B) ainsi que
l’assistance des directeurs généraux délégués (C).

A- Le statut de directeur général

1) Nomination et révocation

Il revient au CA de choisir entre les deux modalités d’exercice de la direction générale : celle
assurée par le président du conseil ou celle par une autre personne (C. com., art. L. 225-51-1).
Le conseil exerce alors ce choix « dans les conditions définies par les statuts ». Si la
dissociation est finalement choisie, le conseil désigne le directeur général, qui doit être une
personne physique et avoir moins de 65 ans.

Cette personne physique ne peut, par principe, exercer simultanément plus d’un mandat de
directeur général de sociétés anonymes ayant leur siège sur le territoire français (C. com., art.
L. 225-54, al. 1). La loi prévoit cependant une dérogation à l’interdiction du cumul des
mandats : un DG peut exercer un 2ème mandat de DG dans une société non cotée contrôlée par
celle où il occupe son 1er mandat.

Aux termes de l’article L. 225-55 C. com., « le directeur général et révocable à tout


moment ». Mais le texte précise aussi que si la révocation est décidée sans juste motif, elle
pourra donner lieu à des dommages et intérêts. L’exigence du juste motif concerne le DG et
non le président du CA, qui, lui, est révocable ad nutum (v. supra).

Quid en cas de cumul des fonctions ? L’article prévoit que dans ce cas de figure, c’est le statut
de président qui l’emporte de sorte que la révocation sans juste motif ne saurait donner lieu à
des dommages et intérêts.

Quelles sont les hypothèses où le juste motif peut être retenu ? Il faut observer la
jurisprudence : pourraient constituer des justes motifs de révocation un dépassement de
71
pouvoirs, un différend grave entre les dirigeants, l’incapacité à atteindre les objectifs fixés et à
éviter les conflits avec les tiers, voire une dégradation de l’image de groupe dans lequel
exerce le dirigeant social (pour une illustration récente de révocation abusive, v. Cass. com.,
10 nov. 2015, n° 14-20.301 : Bull. Joly, févr. 2016, p. 84, obs. Th. Favario).

2) Rémunération

La rémunération du directeur général est librement décidée par le conseil d’administration (C.
com., art. R. 225-53, al. 3).

Les DG des sociétés importantes sont souvent rémunérées de manière substantielle et peuvent
bénéficier d’avantages comme des bonus, compléments de retraite, indemnités d’arrivée
(« golden hello ») ou de départ (« golden parachute »). Comte tenu de scandales à répétition,
nombre de sociétés se sont engagées par des chartes éthiques non contraignantes, à moraliser
ces rémunérations.

Depuis 2007, la loi subordonne, dans les sociétés cotées en bourse, le versement de
rémunérations différées (les parachutes dorés) à des conditions de performance.

Art. L. 225-42-1, al. 2, C. com. : « Sont interdits les éléments de rémunération, indemnités,
avantages et droits conditionnels octroyés au président, au directeur général ou aux
directeurs généraux délégués au titre d'engagements de retraite mentionnés au premier alinéa
du présent article dont le bénéfice n'est pas subordonné au respect de conditions liées aux
performances du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de la société dont il préside le
conseil d'administration ou exerce la direction générale ou la direction générale déléguée. »

Surtout, depuis la loi Sapin II, les actionnaires votent sur les rémunérations du DG (v. supra).

3) Cumul des mandats

Le DG peut-il cumuler son mandat avec un contrat de travail ?


72
S’il est aussi président du conseil d’administration, il doit respecter les conditions posées pour
les administrateurs (v. supra). S’il ne l’est pas, il n’y a pas de conditions spécifiques.
Demeurent applicables les conditions classiques du salariat : un emploi effectif, un lien de
subordination et une rémunération.

Se pose alors la question de l’effectivité de l’emploi : a-t-il un emploi effectif justifiant


l’existence de son contrat de travail ?
Le directeur général est là tous les jours et agit pour elle au quotidien. Donc, il doit démontrer
exercer, en plus de sa fonction de directeur général, une fonction technique en l’opposant, par
là, à la fonction de directeur général. Il doit démontrer qu’il a un rôle spécifique qui va au delà
de celui de directeur général.
C’est donc assez délicat et dépend de la taille de l’entreprise : dans une petite entreprise, le
directeur général fait tout : donc il va avoir du mal à démontrer exercer un emploi effectif et
donc à être titulaire d’un contrat de travail. A l’inverse dans une grande entreprise : cela peut
se concevoir mais il faut démontrer la dualité de fonctions (il peut démontrer être directeur de
production).

Ensuite, survient une difficulté concernant le lien de subordination. Car en tant que directeur
général, c’est lui qui a l’autorité et assujettit les autres. Donc peut-il être subordonné et, si oui,
à qui ?
Pour autant, la jurisprudence n’a jamais exclu par principe un tel lien de subordination. En
revanche, elle est prudente pour l’admettre. Elle l’admet s’il s’avère que l’intéressé rend des
comptes au Conseil d’Administration en tant que salarié, s’il n’est pas un directeur général
omnipotent, car en le désignant le Conseil d’Administration a limité ses fonctions, ses
prérogatives. A l’inverse, celui qui est actionnaire principal et directeur général ne pourra pas
faire croire qu’il est subordonné.

B- Les pouvoirs du directeur général

Depuis la loi NRE, le directeur général est le représentant de la société. L’article L. 225-56-1
dispose, en effet, que « le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir
73
en toute circonstance au nom de la société » (al. 1) ; « il représente la société dans ses
rapports avec les tiers » (al. 2).

La société est engagée à l’égard des tiers même si les actes faits par le DG dépassent l’objet
social, sauf si elle parvient à démontrer que le dépassement d’objet social était connu du tiers
(al. 2). De même, les limitations de pouvoirs statutaires ou décidées par le CA sont
inopposables aux tiers (ibid.).

Malgré tout, le DG engage sa responsabilité vis-à-vis de la société en cas violation des


dispositions législatives, réglementaires ou encore statutaires, ou en cas de faute de gestion
(C. com., art. L. 225-251).

À l’égard des tiers, la mise en jeu de sa responsabilité civile suppose la démonstration d’une
faute détachable (v. supra).

Au plan pénal, il peut être responsable pour abus de biens sociaux ou usage contraire à
l’intérêt de la société.

C- L’assistance des directeurs généraux délégués

Dans sa fonction de représentation de la société, le DG peut se faire épauler par un ou des


DGD nommés par le CA, sur sa proposition (C. com., art. L. 225-53, al. 1). Ils ne peuvent être
que des PP. Le nombre maximal de DGD est fixé par les statuts, sans pouvoir dépasser cinq
(al. 2), mais aucune détention minimale de capital n’est requise. La limite d’âge du DG est
applicable aux DGD (65 ans à défaut de clause statutaire contraire). Il revient au CA de
déterminer leur rémunération et la durée de leur fonction. Dans les sociétés cotées en bourse,
cette rémunération doit être octroyée dans les conditions et limites fixées par la loi NRE et la
loi Sapin II (v. supra). Les DGD sont révocables à tout moment par le CA, sur proposition du
CA. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des DI (C. com., art.
L. 225-55).

74
Enfin, les pouvoirs des DGD sont fixés par le CA, sur proposition du DG. Mais ils disposent,
à l’égard des tiers, les mêmes pouvoirs que ceux du DG (C. com., art. L. 225-56, II).

§4/ Les conventions passées entre la SA et ses dirigeants

Une convention passée entre la SA et l’un de ses dirigeants est soumise à un régime
particulier. La particularité du régime de ces conventions s’explique par le risque que ces
personnes profitent de leur position pour obtenir des avantages personnels au détriment de la
société et donc de la collectivité des associés. De telles opérations sont proches du contrat
avec soi-même.

Le législateur distingue trois sortes de conventions auxquelles il réserve un traitement


différencié en raison des risques qu’elles comportent : les conventions interdites (A),
réglementées (B) et les conventions libres (C).

A- Les conventions interdites

Entrent dans cette catégorie, les opérations que le législateur considère comme les plus
dangereuses pour la société. Ainsi, sont interdites les conventions par lesquelles les
administrateurs (personnes physiques), le DG, les DGD contractent des emprunts auprès de la
société, se font consentir par elle un découvert (en compte courant ou autrement), ou encore
se font cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les tiers (C. com., art. L. 225-
43). Il existe cependant deux exceptions à ce régime sévère d’interdiction :
➢ D’une part, l’interdiction ne s’applique pas aux administrateurs personnes morales.
Cette exception a pour finalité de faciliter les opérations de financement internes au
sein des groupes de sociétés. La procédure d’autorisation des conventions
réglementées doit cependant être respectée.
➢ D’autre part, l’interdiction ne s’applique pas aux conventions conclues entre un
administrateur et un établissement bancaire ou financier si l’opération est courante et
est conclue à des conditions normales (C. Com., art. L. 225-43, al. 2).

75
B- Les conventions réglementées

Avant d’étudier le dispositif de contrôle, voyons quelles sont les conventions concernées.

1) Les conventions concernées

D’après l’article L. 225-38, al. 1er C. com., il s’agit de « toute convention intervenant
directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général, l'un de ses
directeurs généraux délégués, l'un de ses administrateurs, l'un de ses actionnaires disposant
d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s'il s'agit d'une société actionnaire, la
société la contrôlant au sens de l'article L. 233-3 ».

Les personnes visées sont donc les mandataires sociaux de la SA (administrateurs y compris
le président du conseil, DG, DGD), les actionnaires détenant une fraction des droits de vote
supérieure à 10 %.

Le domaine d’application du dispositif de contrôle est large puisqu’il s’étend aux conventions
conclues par la SA et auxquelles l’une de ces personnes est indirectement intéressée (al. 2)
ainsi qu’aux conventions conclues entre la SA et une « entreprise » si l’administrateur, le DG,
le DGD de la SA a des intérêts dans cette entreprise (propriétaire, associé indéfiniment
responsable) ou y occupe des fonctions particulières (gérant, administrateur, membre du CS
ou, de façon générale, dirigeant) (al. 3).

Il faut également signaler que la catégorie des conventions réglementées s’est enrichie dans
les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé. La loi du 26
juillet 2005 a en effet fait entrer dans la catégorie des conventions réglementées les
engagements pris par la société au bénéfice des dirigeants des sociétés (président, DG, DGD,
membres du directoire) sur des éléments de rémunération, des contreparties financières ou des
avantages dus en raison de la cessation ou du changement des fonctions.

NB : Pourtant, il a été vu que la résolution par laquelle le CA fixe la rémunération du


76
président ou du DG revêt un caractère institutionnel, et non conventionnel.

2) La procédure de contrôle

a) Étapes de la procédure

Définie à l’article L. 225-40 C. com., la procédure de contrôle des conventions réglementées


dans la SA se décompose en cinq étapes :

1° Information du CA par la personne intéressée, qui engagerait sa responsabilité si elle


manquait à ce devoir légal (C. com., art. L. 225-40, al. 1) ;

2° Autorisation préalable du CA : le conseil informé doit donner son autorisation préalable


par un vote auquel l’intéressé ne prend pas part s’il est administrateur. L’ordonnance du 31
juillet 2014 a renforcé les obligations pesant sur le CA. D’une part, il doit désormais motiver
sa décision en justifiant de l’intérêt de la convention pour la société et notamment en précisant
les conditions financières de celle-ci. D’autre part, les conventions déjà autorisées lors d’un
exercice antérieur dont l’exécution s’est poursuivie au cours du dernier exercice doivent être
examinées par le conseil (C. com., art. L. 225-40-1). Cela ne veut pas dire que le conseil doit
soumettre ces conventions à une nouvelle autorisation, car celle-ci est donnée une fois pour
toutes, mais simplement que le conseil pourrait demander au DG de procéder à la résiliation
ou à la renégociation de la convention, si celle-ci n’est plus aussi utile pour la société qu’elle
l’était auparavant, ce qui avait justifié son autorisation.

3° Information du CAC : l’organe de contrôle doit être informé des conventions autorisées
au cours de l’exercice ainsi que celles dont l’exécution s’est poursuivie au cours de ce même
exercice par le président du conseil.

4° Rapport du CAC : il établit un rapport spécial dans lequel il indique les conventions, le
nom de l’intéressé, la nature et l’objet de la convention avec la mention des clauses
essentielles (C. com., art. L. 225-40, al. 2). En aucun cas, le CAC ne livre son avis sur les
77
conventions, car il s’immiscerait ainsi dans la gestion de la société, ce qui lui est interdit (v.
infra). Ce rapport est mis à la disposition des actionnaires 20 jours au moins avant la réunion
de l’AGO.

5° Approbation lors de l’AGO : l’assemblée doit approuver la convention au vu du rapport


du CAC. L’associé intéressé ne prend pas part à la délibération. S’il est exclu des
délibérations, on ne tient pas compte des actions de l’intéressé pour le calcul de la majorité
(al. 3 et 4). En revanche, les actions privées du droit de votes sont à prendre en compte dans le
calcul du quorum. Cette dernière règle a été introduite dans la loi Pacte du 22 mai 2019 pour
permettre de remplir plus facilement l’exigence de quorum et, partant, de renforcer la
probabilité de vote utile de l’AG en première convocation

b) Sanctions de la procédure

L’irrégularité de la procédure n’entraîne pas automatiquement la nullité de la convention.

Si cette dernière n’a pas été soumise au vote de l’assemblée ou n’a pas donné lieu à un rapport
du CAC mais qu’elle a été autorisée, il n’y a pas de nullité, seulement une responsabilité de la
personne intéressée si la société a subi un préjudice.

En revanche, la convention qui aura été conclue sans autorisation préalable du CA pourra être
annulée si elle a eu des conséquences dommageables pour la société (C. com., art. L. 225-42).
Dans cette hypothèse, la nullité pourra néanmoins être couverte par un vote de l’AG
intervenant sur rapport spécial des CAC exposant les raisons pour lesquelles la procédure
d’autorisation n’a pas été suivie (al. 3).

La nullité encourue est une nullité relative ne pouvant être réclamée que par la société. Elle se
prescrit par 3 ans à compter de la date de la convention ou, si elle a été dissimulée, à compter
du jour où elle est révélée.

C- Les conventions libres


78
Les conventions libres sont définies comme celles portant sur des « opérations courantes et
conclues à des conditions normales » (C. com., art. L. 225-39). Les opérations courantes sont
celles qui sont effectuées par la société dans le cadre de son activité, de manière habituelle.
On en déduit que la convention conclue doit pouvoir être rattachée à l’objet social ou, au
moins, à une pratique usuelle dans le secteur d’activité concerné. Ainsi, dans la majorité des
sociétés, l’achat d’un bien immobilier ou la conclusion d’un bail commercial ne constituera
pas une opération courante. La notion de « conditions normales » s’entend par comparaison à
des conventions de même nature conclues aussi bien au sein de la société quand dans les
sociétés intervenant dans le même secteur d’activité. L’appréciation de la normalité s’opère
donc in concreto et in abstracto. La normalité concerne tous les aspects de la convention, de
son prix à ses modalités d’exécution (délais, garanties, durée, obligations de partie, pénalité,
etc.). Il faut souligner que ces deux conditions sont cumulatives et doivent être
impérativement réunies car ces conventions sont entièrement libres et sont passées selon le
processus de décision propre à chaque type de structure.

Pour finir, l’ordonnance du 31 juillet 2014 a considérablement étendu le champ des


conventions libres en y incluant les conventions conclues entre deux sociétés dont l’une
détient, directement ou indirectement, la totalité du capital de l’autre, ce qui vise les
conventions entre une société mère et les filiales détenues à 100 %, conventions très
fréquentes en pratique qui échappent désormais à tout contrôle.

Sous-section 2 : La SA avec directoire et conseil de surveillance

Pour répondre aux critiques qui étaient faites à la SA avec CA, dans laquelle le contrôle de la
direction n’était pas assez séparé de la direction elle-même, la loi du 24 juillet 1966 a institué
une variante dans la direction de la SA, inspirée du droit allemand : la SA avec directoire et
conseil de surveillance.

79
Dans cette formule dualiste, la gestion de la société est assurée par un directoire sous le
contrôle d’un autre organe collégial, le conseil de surveillance.

Le choix entre la forme moniste et la forme duale est opéré par les statuts de la société (C.
com., art. L. 225-57). La SA avec directoire et conseil de surveillance a connu relativement
peu de succès en France. Elle concerne moins de 3 % des SA. Le % augmente cependant
considérablement si l’on examine les seules sociétés cotées en bourse (adoptée par exemple
par les groupes Peugeot, Accor ou encore Club Med).

§1/ Le directoire

A- Le Statut des membres du directoire

Le directoire est par principe un organe collégial composé de 2 à 5 membres tout au plus.
Lorsque le capital social de la société est inférieur à 150 000 €, une seule personne peut
cependant exercer les fonctions du directoire. Elle prend alors le titre de directeur général
unique.

Les membres du directoire, dénommés « directeurs », sont désignés par le conseil de


surveillance pour 4 ans en l’absence de de disposition statutaire, les statuts pouvant permettre
une durée de mandat comprise entre 2 et 6 ans.

Les autres éléments du statut des membres du directoire sont alignés sur celui des DG. Ainsi,
ils sont obligatoirement des personnes physiques, et peuvent être actionnaires ou non. La
limite d’âge est de 65 ans, sauf dispositions expresses des statuts. De même, les règles
relatives au cumul des mandats pour le DG s’appliquent (mandat de DG unique). L’article L.
225-74 prévoit cependant une incompatibilité propre au directoire : aucun membre du conseil
de surveillance ne peut faire partie du directoire. C’est une garantie d’indépendance.

S’agissant de la rémunération des directeurs, elle est fixée par le conseil de surveillance dans
l’acte de nomination. La jurisprudence admet cependant que le conseil de surveillance puisse
80
modifier cette rémunération en cours de mandat, étant tout de même précisé que cette
modification ne peut avoir d’effet que pour l’avenir lorsqu’elle va dans le sens d’une
réduction de rémunération (Cass. com., 10 févr. 2009, n° 08-12.564 : Bull. civ. IV, n° 20).
Comme pour la SA avec CA, le rapport de gestion présenté à l’AGO annuelle doit indiquer le
montant de la rémunération totale et des avantages en nature accordés durant l’exercice à
chaque membre du directoire. Depuis la loi Sapin II, les actionnaires votent également sur les
rémunérations des membres du directoire.

Les membres du directoire sont révoqués par l’AG sur proposition du CS (C. com., art. L.
225-61, al. 1). Toutefois, si les statuts le prévoient, ils peuvent être révoqués par le CS. Cela
permet d’accroître le pouvoir du conseil de surveillance sur le directoire. Comme pour la
révocation du DG, un juste motif est nécessaire, à défaut duquel le membre révoqué peut
demander des DI (C. com., art. L. 225-61, al. 1). Quant au président du directoire, il a un
statut un peu particulier puisque sa révocation est décidée par le seul conseil de surveillance,
sans que la preuve d’un juste motif soit requise (révocation ad nutum).

B- Le fonctionnement du directoire

Aux termes de l’article L. 225-64, alinéa 1er, le directoire est « investi des pouvoirs les plus
étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société ». Il a donc des pouvoirs
similaires à ceux du DG dans une SA classique, hormis le pouvoir de représentation. Ainsi,
les mêmes restrictions concernant la limite de l’objet social dans les rapports internes et les
pouvoirs propres attribués par la loi au CS ou aux AG s’appliquent.

Le président du directoire est donc seul investi du pouvoir de représentation de la société vis-
à-vis des tiers (C. com., art. L. 225-66, al. 1). Ce pouvoir de représentation peut néanmoins
être confié à un autre membre du directoire, qui porte alors le titre de directeur général.

§2/ Le conseil de surveillance

A- Le Statut des membres du CS


81
Le statut des membres du CS est comparable à celui des membres du CA :
- Pouvoir de nomination des membres du CS appartient à l’AGO ;
- Nombre fixé par les statuts, dans la limite de 3 à 18 ;
- Personnes physiques ou morales, pas obligatoirement actionnaires ;
- Cumul des mandats d’une PP possible mais limitation à 5 mandats de membre de CS
de SA ayant leur siège social en France ;
- Cumul avec un contrat de travail possible si emploi effectif et dans la limite du tiers
des membres du conseil ;
- Limite d’âge fixée par les statuts et à défaut, 70 ans ;
- Perçoivent des jetons de présence ; la somme globale est fixée par l’AGO, puis
répartie par le CS ;
- Révocation ad nutum par l’AGO, sans avoir à présenter de justes motifs ;

B- Le fonctionnement du CS

Le CS est organisé comme le CA. Des dispositions relatives aux conditions de quorum et de
majorité identiques à celles prévues pour le CA s’appliquent au CS (quorum à la moitié des
membres, majorité des présents).

En revanche, le CS est un organe atypique du point de vue de ses attributions qui sont bien
distinctes de celles du CA :

- Un pouvoir général de contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire


(C. com., art. L. 225-68, al. 1). Il s’agit d’un contrôle qui porte sur l’opportunité de la gestion,
sans que le conseil puisse s’immiscer dans l’activité de gestion, ainsi que sur la régularité des
opérations de gestion.
Afin de faciliter l’exercice de ce contrôle, la loi met à la disposition du CS de nombreux
moyens : il dispose d’un pouvoir permanent d’investigation et le directoire doit le tenir
régulièrement informé de sa gestion à l’aide d’un rapport trimestriel et de la communication
des comptes annuels.
82
Le CS dispose ainsi d’une compétence partiellement concurrente à celle du CAC.

- Des pouvoirs spéciaux : il nomme les membres du directoire et leur président, propose leur
révocation à l’AG et autorise les conventions conclues entre la société et les dirigeants ou
certains actionnaires (C. com., art. L. 225-68 al. 2).

Section 3 : Le commissaire aux comptes

Avant la loi Pacte du 22 mai 2019, il était obligatoire pour une SA de se doter d’un
commissaire aux comptes, quelle que soit la taille de son entreprise. Désormais, la SA n’est
tenue de désigner un CAC qui si, à la clôture de l’exercice social, deux des trois seuils
suivants sont dépassés : total du bilan de 4 M € ; montant HT du CA de 8 M € ; nombre
moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 50.

Le commissaire aux comptes est un professionnel certes rémunéré par la société, mais
indépendant. L’indépendance vis-à-vis de la société est rendue nécessaire par sa mission,
exercée dans l'intérêt des associés et des tiers. Cette indépendance est assurée par le statut et
les attributions du CAC.

§1/ Le statut du CAC

A- Nomination du CAC

Les SA qui dépassent deux des trois seuils indiqués ci-avant sont tenues d’avoir au moins un
CAC. Elles doivent en avoir deux lorsqu’elles sont astreintes à publier des comptes
consolidés.

Les CAC sont désignés par les statuts lors de la constitution de la société. Néanmoins, en
cours de vie sociale, l’AGO peut valablement désigner un ou plusieurs CAC pour remplacer
83
les titulaires et suppléants, du fait de leur décès, empêchement ou refus d’exercice.

Le CAC est nommé pour une durée de six exercices, le CAC nommé en remplacement ne
restant en fonction que jusqu’à l’expiration du mandat de son prédécesseur (C. com., art. L.
823-3).

Un régime très sévère d’incompatibilité s’applique afin de garantir l’indépendance du CAC


par rapport à la société. Ainsi, il lui est interdit de « fournir à la personne qui l’a chargé de
certifier les comptes, tout conseil ou tout autre prestation de services n’entrant pas dans les
diligences directement liées à sa mission » (C. com., art. L. 822-11). En outre, un CAC ne
peut être nommé ni dirigeant, ni salarié des PM qu’il contrôle moins de cinq ans après la
cessation de ses fonctions (C. com., art. L. 822-12) et, réciproquement, la personne qui a été
dirigeant ou salarié d’une PM ne peut être nommée CAC de cette PM moins de cinq ans après
la cessation de ses fonctions (C. com., art. L. 822-13).

L’AG n’est pas totalement souveraine dans la nomination du CAC. Ce dernier peut, en effet,
être récusé à la demande d’un ou plusieurs actionnaires représentant le 20 ème du capital social,
d’une association d’actionnaires, du comité d’entreprise, du ministère public ou, dans les
sociétés cotées, de l’AMF (C. com., art. L. 823-6). La récusation est toujours judiciaire.
L’action doit être intentée dans les 30 jours suivant la désignation du CAC. La récusation
n’est prononcée par le tribunal que pour juste motif. La preuve doit être rapportée de
circonstances tenant à la personne du commissaire et permettant de suspecter sérieusement sa
compétence, son honorabilité et son indépendance.

B- Rémunération du CAC

La rémunération du CAC est réglementée (C. com., art. R. 823-12). Un nombre d’heures de
travail minimum est prévu en fonction de la taille de la société, et le montant de la vacation
horaire est déterminé en fonction des usages. Cette rémunération fait l’objet de mesures de
transparence. L’information relative à son montant doit notamment être mise à disposition des
associés et actionnaires (C. com., art. L. 820-3).
84
C- Cessation des fonctions du CAC

Les fonctions du CAC peuvent cesser pour différents motifs :

- expiration du terme de six exercices visé à l’article L. 823-3 C. com. ;


- démission à propos de laquelle le législateur n’exige pas de motif particulier, mais
dont le code de déontologie des commissaires aux comptes demande qu’elle ait un
motif légitime ;
- relevé de fonctions en cas de faute ou d’empêchement, prononcé par décision de
justice à la demande des mêmes personnes qui peuvent réclamer la récusation, ainsi
que de l’organe chargé de la direction ou celui chargé de l’administration (C. com.,
art. L. 823-7).

§2/ Les attributions du CAC

Le CAC est investi d’une mission générale de contrôle à l’égard de n’importe quelle société
pour laquelle il exerce ses fonctions (A) et d’une mission spécifique d’alerte dans la SA (B).

A- Le contrôle des comptes

C’est la mission première du CAC. Elle est affirmée à l’article L. 823-10 C. com. :

« Les commissaires aux comptes ont pour mission permanente, à l'exclusion de toute
immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la personne
ou de l'entité dont ils sont chargés de certifier les comptes et de contrôler la conformité de sa
comptabilité aux règles en vigueur.

Ils vérifient également la sincérité et la concordance avec les comptes annuels des
informations données dans le rapport de gestion du conseil d'administration, du directoire ou
de tout organe de direction, et dans les documents adressés aux actionnaires ou associés sur
85
la situation financière et les comptes annuels. Ils attestent spécialement l'exactitude et la
sincérité des informations relatives aux rémunérations et aux avantages de toute nature
versés à chaque mandataire social.

Ils vérifient, le cas échéant, la sincérité et la concordance avec les comptes consolidés des
informations données dans le rapport sur la gestion du groupe. »

Pour mener à bien cette mission, le CAC dispose d'un droit légal d'investigation qui lui permet
d’opérer toutes vérifications et tous contrôles qu’il juge opportuns ainsi que de se faire
communiquer sur place toutes les pièces qu’il estime utiles (C. com., art. L. 823-13) et
notamment tous contrats, livres documents comptables et registres de procès verbaux.

Ces investigations permettent au CAC de se forger une opinion sur les comptes sociaux. Il
doit ainsi répondre aux trois questions suivantes :
1° Sont-ils réguliers, c’est-à-dire conformes aux règles comptables ?
2° Sont-ils sincères ? Autrement dit, il doit y avoir concordance entre l’application des règles
comptables et la réalité.
3° Expriment-ils fidèlement le résultat de l’exercice écoulé et de la situation financière de la
société ?
Cela implique de passer au peigne fin les postes d’actif et de passif. Pour ce faire, le CAC
procède par sondages et échantillons car, comme l’énonce l’article L. 823-10, son rôle n’est
pas en effet de refaire la comptabilité.

Le CAC porte ses conclusions à la connaissance de plusieurs personnes et entités :


− le CA ou le CS : la loi enjoint au CAC de porter à la connaissance du CA ou du CS
les irrégularités et les inexactitudes constatées (C. com., art. L. 823-16) ;
− l'AG des actionnaires : le CAC est convoqué à toute AG dans la SA, à l'occasion
desquelles il pourra signaler toute irrégularité. Lors de l'AG annuelle, le CAC présente
un rapport général qui comporte une conclusion par laquelle il certifie ou non les
comptes. Il peut y avoir un rapport spécial relatif aux conventions réglementées.
− les tiers : le rapport du CAC est publié au greffe du tribunal avec les comptes annuels.
86
Fournisseurs et banquiers seront ainsi informés des difficultés comptables de la
société.
− le procureur de la République : le CAC a l'obligation de lui signaler toute infraction
pénale constatée au cours de sa mission (C. com., art. L. 823-12, al. 2) (ex : abus de
biens sociaux aperçu à la lecture des relevés bancaires de la société).

B- La procédure d'alerte

Dans le prolongement de sa mission de contrôle, un devoir d’alerte oblige le CAC à


s’informer, à l’occasion « des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».
Cette découverte engage une procédure d’alerte définie à l’article L. 234-1 C. com. et qui suit
les étapes suivantes :

1° L’information est adressée au président du conseil d’administration.

2° À défaut de réponse dans les quinze jours, ou en cas de réponse insatisfaisante, le CAC
invite par écrit le président à réunir le CA dans les huit jours pour délibérer sur la situation
invoquée.

3° A défaut de délibération ou si, malgré les décisions du CA, la continuité de l’exploitation


demeure compromise, le CAC établit un rapport spécial, qui sera présenté lors de la prochaine
AG des actionnaires. Ce rapport est par ailleurs communiqué au comité d’entreprise.

4° Si les décisions de l’AG ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, le CAC


informe de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui communique les
résultats.

CHAPITRE 3 : LES ACTIONNAIRES ET LES SALARIÉS DE LA SA

87
Section 1 : Les actionnaires

L’on peut envisager les actionnaires de deux manières, selon qu’ils sont examinés sous leur
angle individuel (avec leurs droits et leurs obligations), ou sous leur angle collectif au travers
des assemblées générales. Cet aspect collectif a déjà été abordé dans le chapitre précédent
consacré à l’étude des organes de la SA. Nous allons ici nous focaliser sur l’approche
individuelle des actionnaires.

L’actionnaire est un associé qui, dans une société par actions comme la SA, est propriétaire
d’une ou plusieurs actions. Cette qualité lui confère un certain nombre de droits.

§1/ L’action, fondement de la qualité d’actionnaire

Les actions constituent des valeurs mobilières qui peuvent prendre deux formes : la forme
nominative ou au porteur.

A- L’action : une valeur mobilière

Les actions appartiennent à la catégorie des valeurs mobilières, qui elles-mêmes constituent
des titres financiers.

La loi donne une définition des valeurs mobilières à l’article L. 228-1 C. com. Ce sont « des
titres financiers au sens de l’article L. 211-1 du code monétaire et financier, qui confèrent des
droits identiques par catégorie ». De cet article, ressortent deux éléments de définition : des
titres financiers et des droits identiques conférés par ces titres.

1) La notion de titre financier

Ainsi que l’indique l’article L. 211-1 CMF, un titre financier est un titre de capital ou de
créance. Le titre financier présente toujours la particularité d’être négociable.
88
a) Un titre de capital ou de créance

Un titre financier peut être un titre de capital, c’est-à-dire à une fraction du capital social. Les
actions se rangent dans la catégorie des titres de capital. Ce sont des droits d’associé au sens
de l’article 1832 C. civ., contenant notamment l’obligation de participer aux pertes.

Mais d'autres titres financiers peuvent être de simples titres de créance correspondant à des
prêts de sommes d'argent consentis par les propriétaires des titres à la société. Ce sont les
obligations.

Tandis que le titulaire d’un titre de capital accepte d’assumer le risque d’une absence de
rémunération, voire la perte de son investissement en cas de procédure collective ou de
réduction de capital à zéro, le titulaire d’un titre de créance accepte de prêter de l’argent à une
entreprise, mais espère être remboursé et percevoir ponctuellement des intérêts.

b) Un titre négociable

En principe, les droits incorporels ne sont cessibles que selon des modalités complexes
prévues par l'article 1690 C. civ. (écrit et signification de la cession au débiteur cédé ou
acceptation de ce dernier dans un acte authentique). Mais quand le droit incorporel est un titre
financier, la cession est simplifiée puisqu’elle s’opère par un simple jeu d'écritures de compte
à compte sur un registre : c'est la négociabilité, c’est-à-dire l'aptitude d'un droit à être cédé
selon les modalités du négoce.

2) Des droits identiques conférés par ces titres à leurs détenteurs

Les valeurs mobilières seront toujours émises en série et non au coup par coup. Les multiples
valeurs mobilières (actions ou obligations) vont s'insérer dans une émission qui est une
opération globale qui va permettre le financement de la société. On assure ainsi la liquidité de
l'investissement de chacun des titulaires de l'opération. Opération globale divisée en plusieurs
89
actions, chacune correspondant à un apport et ayant une valeur nominale (le capital social est
constitué par la somme de la valeur nominale de toutes les actions).

Droits et obligations identiques pour leurs détenteurs à l’intérieur d’une même émission →
l’action est donc une chose fongible.

B- Actions au porteur ou actions nominatives

Ainsi que l’exprime l’article L. 228-1, alinéa 3 C. com., « les valeurs mobilières émises par
les sociétés par actions revêtent la forme de titres au porteur ou de titres nominatifs ».

À l’origine, on pouvait nettement distinguer les titres au porteur et les titres nominatifs. Les
titres au porteur circulaient de la main à la main, le droit d’associé étant incorporé dans le
titre, lequel ne mentionnait pas le nom de son titulaire. Ainsi, on pouvait transférer une action
au porteur aussi facilement qu’un billet de banque. Les titres à forme nominative ou
nominatifs procédaient de l’inscription du titulaire sur un registre tenu par la société émettrice
des titres, qui connaissait donc l’identité des porteurs et les changements intervenants. Ces
changements exigeaient en effet une modification de l’inscription portée sur le registre.

La loi du 30 décembre 1981 a cependant institué la dématérialisation des valeurs mobilières


qui sont désormais des droits mobiliers incorporels. Depuis cette loi, les titres nominatifs
comme les titres au porteur doivent faire l’objet d’une inscription dans un compte tenu par la
société émettrice ou par un intermédiaire agréé (banque, société de bourse). Dès lors, la
cession se traduit par un simple virement de compte à compte.

L’opposition titre au porteur / titre nominatif subsiste néanmoins. En effet, les titres au porteur
sont inscrits en compte chez un intermédiaire affilié à Euroclear (société de bourse, banque,
établissement financier), et l’identité du titulaire est ignorée de la société et des autres
actionnaires. En cela, les titres au porteur sont des titres anonymes.

En principe, seules les sociétés cotées en bourse émettent des titres au porteur.
90
§2/ Les droits attachés à la qualité d’actionnaire

Les actionnaires ont des droits importants et complexes et des devoirs plus simples et plus
réduits en nombre.

Précisions liminaires sur les devoirs des actionnaires :

- du point de vue patrimonial : leurs obligations sont limitées, la responsabilité est, sauf
hypothèse particulière (direction de fait par exemple), limitée à son apport (C. com.,
art. L. 225-1). L’actionnaire a pour principale obligation d’effectuer l’apport auquel il
s’est engagé en respectant les prescriptions applicables en matière de libération (v.
supra) ;
- sur le plan extrapatrimonial : les devoirs de l’actionnaire reposent sur l’affectio
societatis et se traduisent par des obligations de bonne foi, de loyauté et de respect de
l’intérêt commun et de l’intérêt social.

Les droits attribués aux actionnaires sont politiques, financiers et patrimoniaux.

A- Les droits politiques

On qualifie de politiques les prérogatives associant l’actionnaire à la vie de la société, qu’il


s’agisse du droit à l’information ou du droit de vote.

1) Le droit à l’information

Tout actionnaire, quel que soit le nombre d’actions qu’il détient, dispose d’un droit à
l’information permanente et ponctuelle.

a) L’information permanente

91
L’actionnaire dispose en permanence d’une prérogative d’information décrite par l’article L.
225-17 C. com. Tout actionnaire peut, à toute époque, consulter au siège social : les comptes
annuels, les rapports de gestion et, le cas échéant, les comptes consolidés des trois derniers
exercices ; la liste des administrateurs ou des membres du directoire et du conseil de
surveillance ; les procès verbaux et feuilles de présence des assemblées tenues pour les trois
derniers exercices ; le montant global des rémunérations versées aux personnes les mieux
rémunérées.

À défaut d’obtenir ces documents ou informations, l’actionnaire peut solliciter en référé une
mesure d’injonction judiciaire sous astreinte ou la nomination d’un mandataire chargé de
précéder à la communication (C. com., art. L. 238-1), ainsi que des dommages et intérêts.

Pour les sociétés cotées, l’obligation est plus large encore et concerne l’information nécessaire
du public de tout fait susceptible d’avoir une influence sur le cours de la bourse. Également, il
est exigé des sociétés cotées qu’elles disposent d’un site internet afin de satisfaire à leurs
obligations d’information occasionnelle ou permanente de leurs actionnaires (C. com., art. R.
210-20).

b) L’information occasionnelle

À compter du jour de la convocation et jusqu’au cinquième jour qui précède la tenue de


l’assemblée, tout actionnaire a droit à la communication par courrier d’un certain nombre de
documents et renseignements. Il s’agit notamment de l’ordre du jour, des comptes sociaux,
des résultats des cinq derniers exercices, du rapport de gestion du CA ou directoire, du rapport
général et, le cas échéant, spécial du CAC. et du texte des projets de résolution (C. com., art.
L. 225-115).

Ces documents sont de nature à renseigner l’actionnaire sur la situation financière, comptable
et sociale de la société, afin de le mettre en mesure « de se prononcer en connaissance de
cause et de porter un jugement informée sur la gestion et la marche des affaires de la
société » (C. com., art. L. 225-108).
92
L’actionnaire qui n’aurait pas obtenu ces documents peut solliciter en référé une mesure
d’injonction judiciaire sous astreinte ou la nomination d’un mandataire chargé de procéder à
la communication.

Par ailleurs, dès qu’il est convoqué, tout actionnaire a la possibilité, jusqu’au quatrième jour
ouvré précédant la date de l’assemblée, de poser aux dirigeants des questions, auxquelles le
CA ou le directoire sera tenu de répondre lors de l’assemblée (C. com., art. L. 225-35). Une
réponse commune peut être apportée à ces questions dès lors qu’elles présentent un même
contenu. Et la réponse à une question écrite est réputée avoir été donnée dès lors qu’elle figure
sur le site internet de la société dans une rubrique consacrée aux questions-réponses (C. com.,
art. L. 225-108, al. 3).

En pratique, on a pu constater un dévoiement du droit à poser des questions écrites, certains


actionnaires n’hésitant pas à poser des dizaines de questions écrites, dont certaines sans
rapport avec l’ordre du jour. Selon des auteurs (M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit
des sociétés, 30ème éd., 2017, n° 985), l’exercice de la prérogative doit être sanctionnée
lorsqu’elle est détournée de sa finalité qui est de compléter l’information de l’actionnaire en
vue de l’assemblée générale et donc du vote des points portés à l’ordre du jour.

Contra : CA Paris, 19 déc. 2013, n° 12/22644 : Rev. sociétés 2014, p. 306, note A. Viandier :
la cour estime que les questions posées peuvent être extérieures à l’ordre du jour et que le fait
qu’elles aient été déjà posées dans le passé ne dispense pas la société d’y répondre.

2) Le droit de vote

Le droit de vote est souvent présenté comme la prérogative la plus importante de


l’actionnaire. Ce serait vrai si seulement l’actionnaire l’exerçait effectivement, ce qui est loin
d’être toujours le cas, spécialement dans les grandes sociétés. Malgré tout, la loi attache une
grande importance au droit de vote en posant des principes et en fixant les modalités
d’exercice.
93
a) Les principes gouvernant le droit de vote

Il résulte des articles 1844 C. civ. et L. 225-122 C. com. que le droit de vote de l’actionnaire
est soumis à deux principes : la proportionnalité du droit de vote et la liberté de vote.

i : La proportionnalité du droit de vote

Selon l’article L. 225-122 C. com., le droit de vote attaché aux actions est proportionnel à la
quotité de capital représentée et chaque action donne droit à une voix au moins. Toute clause
statutaire contraire est réputée non écrite.

La loi prévoit cependant certaines dérogations au principe de proportionnalité (cf.


l’expression « sous réserve de ») :

- Les statuts peuvent limiter le nombre de voix dont peut disposer un actionnaire (C.
com., art. L. 225-125). Le but est de limier la voix des grands actionnaires au profit
des petits (exemple : aucun actionnaire ne peut exprimer plus de 10 % du nombre total
des droits de vote) ;
- La SA peut émettre des actions à vote double dans un but de fidélisation des
actionnaires et comme moyen de protection, le cas échéant, contre une prise de
contrôle inamicale (C. com., art. L. 225-123). Le droit de vote double est toutefois
subordonné à plusieurs conditions : clause statutaire expresse ; nominativité des
actions concernées ; libération des actions ; détention desdites actions depuis deux ans
au moins par le même actionnaire. La loi du 20 mars 2014 en faveur de l’économie
réelle, dite loi Florange, a cependant inversé le principe dans les sociétés cotées de
sorte que le droit de vote double est désormais de droit, sauf clause contraire des
statuts, pour toutes les actions libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription
nominative depuis deux ans au nom d’un même actionnaire.
- Depuis la loi Pacte du 22 mai 2019, les SA non cotées ont désormais la possibilité
d’émettre des actions à droits de vote pluraux. Auparavant, ce n’était possible que
94
dans les SAS. La déconnexion entre le droit de vote et la quotité de capital détenu peut
donc être totale. C’est un changement profond de paradigme qui affecte la nature
même du droit de vote : on passe d’une prérogative essentielle consubstantielle à la
qualité d’actionnaire à un simple avantage particulier permettant de s’assurer le
contrôle de la société sans effectuer l’investissement corrélatif. V. A. COURET, « Les
destinées du droit de vote dans les réformes 2019 du droit des sociétés », JCP E 2019,
1501.

ii : La liberté de vote

On ne peut en principe priver l’actionnaire de son droit de vote. Il a le droit de voter dans le
sens qu’il souhaite, voire de ne pas voter.

Ce principe n’est affirmé nulle part dans la loi. On peut cependant le déduire de l’article L.
249-9, 3° C. com. situé dans la partie relative aux infractions pénales du droit des sociétés. Ce
texte punit de deux années d’emprisonnement et 42.000 € d’amende le trafic ou l’achat de
droit de vote. Si le fait de maltraiter la liberté de vote constitue une infraction pénale, alors le
principe général de la liberté de vote constitue une disposition impérative implicite.

La liberté de vote connaît tout de même des tempéraments puisque la loi, d’une part, autorise
les conventions de vote et, d’autre part, permet de suspendre le droit de vote.

- Les conventions de vote : Dans le silence de la loi, leur validité a été discutée. La
jurisprudence valide les conventions de vote si elles respectent trois conditions : l’associé ne
se trouve pas irrévocablement privé de son droit de vote, l’intérêt social est sauvegardé et
l’accord n’est pas frauduleux. Ont ainsi pu être validées des accords emportant renonciation
particulière et temporaire au droit de vote, suspension du droit de vote pour un temps
déterminé, engagement de voter en faveur de la nomination d’une personne au CA, ou encore
engagement de voter dans le sens défini par la majorité des signataires d’un pacte
d’actionnaire. Reste toutefois la question de l’efficacité de telles conventions qui sont
inopposables aux tiers, et en particulier à la société. Ainsi, l’AG à l’occasion de laquelle le
95
signataire a violé son engagement n’est pas nulle et la seule sanction est une condamnation à
DI, si tant est qu’un préjudice puisse être démontré.

- La suspension du droit de vote : La suspension du droit de vote peut faire office de sanction.
Ainsi en va-t-il pour les actions sur le montant desquelles les versements exigibles n’ont pas
été effectués (C. com., art. L. 228-29) et des actions au porteur n’ayant pas été inscrites en
compte. Le droit de vote peut aussi être suspendu pour l’actionnaire qui se trouve
ponctuellement dans une situation de conflit d’intérêts. Il en est ainsi de l’administrateur, DG,
membre du directoire ou du CS, ou encore de l’actionnaire détenant plus de 5 % des droits de
vote qui conclut une convention avec la société : lors d’une AG, il ne peut participer au vote
sur l’approbation de cette convention (v. supra). De même, l’apporteur en nature ne peut
participer au vote concernant la vérification de l’apport (C. com., art. L. 225-10).

b) L’exercice du droit de vote

Le principe est que tous les actionnaires sont présent physiquement à l'AG. Mais, dans la
pratique, la plupart des actionnaires ne se présentent pas et ce, pour diverses raisons (au
travail, en voyage, agoraphobie, oubli, etc.). Différentes techniques ont été instituées pour
prendre en compte la voix des absents.

Il y a d’abord le vote par représentation qui est possible aussi bien dans les sociétés cotées en
bourse que dans les petites SA familiales. Il est réglementé à l'article L. 225-106 C. com. Le
droit de se faire représenter est un droit d'OP (impossibilité de l'exclure dans les statuts).
Comment l'actionnaire peut-il se faire représenter ? Il a deux options :
− Alinéa premier : soit désigner son mandataire, qui peut être un autre actionnaire ou par
son conjoint. Cette règle est écartée pour les sociétés cotées en bourse.
− Dernier alinéa : l'actionnaire peut adresser à la direction un pouvoir en blanc. Cette
pratique est réglementée : possibilité d'envoyer un pouvoir en blanc, mais c'est la
direction qui l'utilisera comme elle l'entendra et contre toute autre proposition. Ce
pouvoir en blanc s'accompagne d'une obligation d'information

96
Il y a ensuite le vote par correspondance (C. com., art. L. 225-107, I). Tout actionnaire peut
voter par correspondance. Toute disposition statutaire contraire serait réputée non écrite. Pour
ce faire, l’actionnaire doit utiliser un formulaire dont les mentions sont définies par décret (C.
com., art. R. 225-76).

Il y a enfin le vote en visioconférence ou en audioconférence. Les statuts doivent toutefois


autoriser ce vote par télétransmission (C. com., art. L.225-107, II).

B- Les droits financiers

1) Le droit au dividende

Comme tout participant au capital d’une société, l’actionnaire a droit au dividende. Il convient
de rappeler que le droit au dividende ne signifie pas que l’actionnaire ait droit de demander,
chaque année, qu’une partie des bénéfices dégagés par la société lui soit attribuée. D’une part,
en effet, il faut qu’il y ait effectivement un bénéfice à distribuer, sans quoi il y aurait
distribution de dividendes fictifs. La distribution de dividendes fictifs peut entraîner la
responsabilité civile et pénale des dirigeants à l’origine de cette distribution (C. com., art. L.
242-6). D’autre part, le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice
diminué des pertes antérieures et augmenté du report bénéficiaire, ainsi que des sommes
prélevées pour la dotation des réserves légales (au moins 5 %) et, le cas échéant, statutaires.

Il appartient à l’AG d’en fixer le montant, après approbation des comptes annuels (C. com.,
art. L. 232-12). Depuis la loi du 12 juillet 1994, il peut être prévu par les statuts l’attribution à
certains actionnaires de dividendes majorés. La loi pose toutefois des conditions (C. com., art.
L. 232-14). L’actionnaire bénéficiaire doit justifier d’une inscription nominative depuis au
moins deux ans et de son maintien à la date de mise en paiement du dividende. Le taux de
majoration est fixé par l’AGE mais il ne peut excéder 10 % du dividende distribué. Enfin,
cette catégorie d’actions ne peut être attribuée avant la clôture du deuxième exercice suivant
la modification des statuts qui a créé les actions à dividende majoré.

97
Le paiement des dividendes doit avoir lieu dans un délai maximal de neuf mois après la
clôture de l’exercice, sauf prorogation judiciaire (C. com., art. L. 232-13). Il peut être effectué
en numéraire ou sous forme d’actions nouvelles (C. com., art. L. 232-18).

2) Le droit aux réserves

Ce droit au réserve se traduit tout particulièrement dans les SA par le droit préférentiel de
souscription dont disposent les actionnaires lors d’une augmentation de capital, ou encore par
la prime d’émission qui augmente le prix des actions nouvelles (C. com., art. L. 225-132).

3) Le droit au remboursement de l’apport et au boni de liquidation

À la dissolution de la société, après que le passif ait été réglé et l’actif réalisé, chaque
actionnaire reçoit une part égale au nominal de l’action. Le boni de liquidation est ensuite
réparti entre les actionnaires dans les mêmes proportions que leur participation au capital
social, sauf clause contraire des statuts (C. com., art. L. 237-29).

C- Les droits patrimoniaux

Les actions sont des droits incorporels de nature mobilière. Elles sont un élément du
patrimoine de l’actionnaire qui peut en disposer librement. Il peut ainsi en tirer profit en les
cédant, en les nantissant ou en les louant.

Nous allons nous focaliser sur les opérations de cession. Pareilles opérations relèvent autant
du droit des sociétés que du droit des contrats spéciaux. De ce fait, les solutions applicables
aux cessions d’action sont souvent à rechercher dans ces deux droits.

Il y a peu à dire sur le principe de libre cessibilité des actions. L’actionnaire a le droit, comme
tout associé, de céder ses titres. Cette cession est facilitée dans la mesure où les actions, par
opposition aux parts de sociétés de personnes, sont dites négociables. Cela signifie que la
cession d’actions n’a pas à respecter les formalités de l’article 1690 C. civ. (exigence de
98
l’écrit et d’une signification de la cession au débiteur cédé). Les actions vont être transmises
de manière beaucoup plus simple, par le procédé de l’inscription en compte.

Aucun écrit n’est donc requis. La cession d’actions est un contrat consensuel soumis aux
conditions de fond applicables à toute convention : indication des parties, consentement,
capacité, contenu licite et certain. S’agissant de l’exigence d’un contenu certain, les parties
doivent se mettre d’accord sur le nombre d’actions cédées et le prix de cession car en tant que
cession, le contrat est soumis au droit spécial de la vente, lequel exige un prix déterminé ou
déterminable (C. civ., art. 1591).

NB : Il est fréquent qu’une promesse unilatérale de vente soit signée préalablement à la


cession des titres. Lorsque le promettant se rétractait dans le délai d’option, la jurisprudence
se refusait à ordonner la réalisation forcée des titres au bénéficiaire de la promesse au motif
que la levée de l’option par le bénéficiaire après la rétractation du promettant excluait toute
rencontre des volontés réciproques de vendre et d’acquérir. La sanction se limitait donc à des
DI. Contestée par la majorité de la doctrine, cette solution rendait incertaines les politiques de
rapprochement interentreprises dès lors que leur réalisation doit s’étaler dans le temps.
L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a modifié la solution
jurisprudentielle. L’article 1224 nouveau C. civ. dispose en effet que « la révocation de la
promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du
contrat promis ».

Il y a en revanche davantage à dire sur les limites au principe de libre cessibilité des actions.

En premier lieu, la loi peut déclarer inaliénables certaines actions. C’est ainsi le cas des
actions attribuées aux salariés au titre de la participation aux résultats de l’entreprise (Ord. 21
oct. 1986) ou des actions souscrites ou achetées par le personnel dans le cadre de
l’actionnariat des salariés (C. com., art. L. 225-194).

En second lieu, il est possible d’apporter des restrictions conventionnelles à la libre


négociabilité des actions. Ces restrictions permettent de réintroduire une dose d’intuitu
99
personae dans les SA. Soit les fondateurs jugent souhaitable de se préserver contre l’intrusion
de tiers dans une société à caractère familial marqué et insèrent dans ce cas une clause
d’agrément dans les statuts (1). Soit les actionnaires veulent maintenir un équilibre entre les
groupes existants et choisissent d’insérer une clause de préemption (2).

1) La clause d’agrément

La clause d’agrément est une clause soumettant les cessions d’actions à l’accord de la société.
Parce que la clause d’agrément déroge au principe de libre cessibilité, la loi cantonne son
domaine et fixe un régime contraignant.

a) Le domaine

Le domaine de la clause d’agrément est défini par l’article L. 228-23 C. com. :

« Dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché
réglementé, la cession d'actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque
titre que ce soit, peut être soumise à l'agrément de la société par une clause des statuts.
Une clause d'agrément ne peut être stipulée que si les titres sont nominatifs en vertu de la loi
ou des statuts.
Cette clause est écartée en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de
cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables lorsqu'une société dont les
actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé réserve des actions à
ses salariés, dès lors que la clause d'agrément a pour objet d'éviter que lesdites actions ne
soient dévolues ou cédées à des personnes n'ayant pas la qualité de salarié de la société.
Toute cession effectuée en violation d'une clause d'agrément figurant dans les statuts est
nulle.»

De ce texte, il résulte tout d’abord qu’une telle clause n’est pas possible dans toutes les
sociétés anonymes. On trouve ainsi 2 restrictions qui, désormais, se confondent :
100
- Alinéa 1er : L’agrément n’est possible que dans les sociétés non cotées.
- Alinéa 2 : Il faut que toutes les actions soient nominatives en vertu de la loi ou des statuts.
Mais comme la loi prévoit que les actions sont forcément nominatives dans toutes les sociétés
non cotées, l’alinéa 2 est superfétatoire.

Ensuite, la clause d’agrément ne peut pas jouer pour n’importe quelle opération de
transmission d’actions.

- L’alinéa 1er nous dit que la cession d’actions donnant accès au capital « à quelque titre que
ce soit » peut être soumise à l’agrément. Les clauses d’agrément s’appliquent donc aux
cessions à la suite d’une vente, d’un échange, d’une donation.
Peut-on prévoir une clause d’agrément en cas de fusion, d’opération de transmission
universelle de patrimoine entre personnes morales ? A priori, la réponse est positive car les
actions changent de main, du patrimoine de la société absorbée à la société absorbante. Il y a
donc bien un transfert de propriété et ces opérations ne sont pas exclues par la loi. La
jurisprudence exige cependant que la clause d’agrément vise expressément les cessions
réalisées à l’occasion d’une TUP (Cass. Com., 12 févr. 2008, n° 06-20.966 : Dr. Sociétés
2008, n° 74, obs. R. Mortier).

- Alinéa 3 : Aucun agrément ne peut être exigé pour une transmission successorale, une
liquidation de régime matrimonial ou encore pour les cessions intervenant entre époux ou
faites à un descendant ou à un ascendant. Une clause d’agrément ne saurait donc s’appliquer
aux cessions entre membres de la famille du cédant (conjoint, descendants, ascendants),
quelle qu’en soit la nature (vente, donation, liquidation de communauté ou de succession).

Au final, le domaine de la clause d’agrément ne concerne pas les réorganisations familiales. Il


y a une liberté de l’actionnaire lorsqu’il traite avec sa famille, les autres associés ne peuvent
pas s’y opposer.

Auparavant, le premier alinéa de ce texte était rédigé de cette façon : « la cession d’action a
101
un tiers peut être soumise à agrément ». La jurisprudence en déduisait que la cession entre
actionnaires ne pouvait pas être soumise à agrément. L’ordonnance du 24 juin 2004 a réécrit
le premier alinéa. De la disparition de la condition tenant à la qualité de tiers du cessionnaire,
on en a déduit que l’agrément peut désormais concerner les cessions entre actionnaires. La
clause d’agrément permet ainsi de préserver l’équilibre au sein des groupes d’actionnaires.

Au final, force est de constater que la clause d’agrément a un domaine relativement restreint.

b) Le régime

En présence d’une clause d’agrément, l’actionnaire qui souhaite céder ses actions doit suivre
une procédure dont les étapes sont les suivantes :

1° L’actionnaire qui souhaite céder ses titres doit notifier, par acte extrajudiciaire ou par lettre
recommandée avec demande d’avis de réception, à la société son projet de cession (C. com.,
art. R. 228-23, al. 1er). La loi est muette quant à l’organe compétent pour accorder l’agrément.
Faute de précision légale, ce sont les statuts de la SA qui déterminent l'organe compétent pour
agréer le cessionnaire. Même si rien ne s’oppose à ce que ce soit l’AG qui soit compétente, la
pratique révèle que l’organe compétent est souvent celui habilité à trouver une solution en cas
de refus d’agrément, à savoir le CA. En revanche, la loi détaille le contenu de la demande
d’agrément. Ainsi, doivent y être indiqués les noms, prénoms et adresse du bénéficiaire de la
cession, le nombre de titres de capitaux et le prix offert.

2° Une fois la demande faite, l’organe de la SA habilité à agréer le cessionnaire doit se


prononcer. La décision est votée selon les conditions de vote propres à l'organe compétent.
Ainsi lorsque le conseil d'administration est compétent pour agréer le cessionnaire, la décision
d’agrément est prise à la majorité des membres présents ou représentés (C. com., art. L. 225-
37).

La société a trois mois pour se prononcer sur la demande d’agrément. À défaut de réponse
dans ce délai, l'agrément est acquis (C. com., art. L. 228-24, al. 1er). Lorsque l'organe habilité
102
par les statuts donne l'agrément, la société doit le notifier au demandeur (C. com., art. L. 228-
24, al. 1er).

La dernière possibilité pour la société est le refus d'agrément. Celui-ci est alors strictement
réglementé de façon à ce que le cédant ne reste pas prisonnier de ses titres et puisse quitter la
société.

3° Le refus d’agrément ne peut procéder que d’une décision expresse, notifiée à l’actionnaire
dans les trois mois suivant sa demande. Elle n’a cependant pas à être motivée. Afin de ne pas
contraindre l’actionnaire à rester dans la société malgré lui, le CA ou le directoire a
l’obligation, dans le délai de trois mois à compter de la notification du refus, de faire acquérir
les titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, soit par un actionnaire ou
par un tiers, soit, avec le consentement du cédant, par la société en vue d'une réduction du
capital (C. com., art. L. 228-24, al. 2).

Si les actions n'ont pas été rachetées à l'expiration du délai imparti, le cédant peut réaliser la
cession projetée (C. com., art. L. 228-24, al. 3).

Une question se pose en cas de rachat des actions : à quel prix sont-elles rachetées ? On
pourrait les lui racheter au prix où il entendait les céder à l’acquéreur choisi. La loi n’impose
pas cette solution car il y a un risque de fraude. Le cédant pourrait en effet se mettre d’accord
avec un complice dont il sait qu’il ne sera pas agréé pour un prix très élevé, et ainsi forcer les
actionnaires à acquitter le prix convenu. En cas de désaccord sur le prix de rachat, la loi
prévoit ainsi que le prix est fixé par un expert désigné d'un commun accord par les parties, ou
à défaut par ordonnance du président du tribunal de commerce statuant en la forme des référés
et sans recours possible.

Article L.225-28 du Code de commerce « A défaut d'accord entre les parties, le prix des titres
de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital est déterminé dans les conditions
prévues à l'article 1843-4 du code civil. Le cédant peut à tout moment renoncer à la cession
de ses titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital. Toute clause contraire
103
à l'article 1843-4 dudit code est réputée non écrite »

Article 1843-4 du Code civil « Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux
d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en
cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre
elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours
possible. »

C’est donc le prix déterminé par l’expert judiciaire qui va s’imposer entre les parties. Cela
permet d’arbitrer entre les intérêts des uns et des autres.

b) La sanction

La violation d’une clause d’agrément entraîne la nullité de la cession des parts sociales (C.
com., art. L. 228-23, al. 3). La violation peut intervenir à tous les stades de la procédure.
Ainsi, la jurisprudence a pu retenir la nullité d'une cession d'actions pour défaut de
notification à l'émetteur des actions.

Quels sont les titulaires de l’action en nullité ?


La Cour de cassation estime que l’action en nullité ouverte aux associés et à la société
exclusivement (Cass. com., 14 déc. 2004, n° 00-20.287 : Dr. sociétés 2005, comm. 72, note H.
Hovasse). Le tiers acquéreur ne peut se prévaloir d’une irrégularité dans la procédure
d’agrément, la procédure d’agrément n’ayant pas pour objet de protéger ses intérêts.

2) La clause de préemption

La clause de préemption est la stipulation selon laquelle tout actionnaire désirant céder son
action doit, par priorité, aux autres actionnaires ou à certains d’entre eux la cession de ses
titres.

Les clauses d'agrément et de préemption sont deux figures juridiques complètement


104
différentes. La clause d’agrément est une prérogative qui appartient aux organes sociaux alors
que le droit de préemption est une prérogative qui appartient aux actionnaires qui ont le droit
d'acquérir le bien vendu par priorité à toute autre personne. L'objectif de la clause d'agrément
est de contrôler l'entrée d'un tiers dans le capital de la société ; avec la convention de
préemption, l'objectif est de permettre à son titulaire d'accroître sa participation.

La clause de préemption peut être insérée dans les statuts ou bien faire l’objet d’un pacte
extra-statutaire entre actionnaires. On parle alors de convention de préemption.

a) La clause de préemption statutaire

Contrairement aux clauses d’agrément, les clauses de préemption ne sont pas prévues par les
textes. La jurisprudence considère ces clauses comme valables au nom de la liberté
contractuelle dès lors qu’elles ne constituent pas une fraude aux limitations légales du jeu des
clauses d’agrément et qu’elles ne portent pas une atteinte intolérable aux droits des
actionnaires de céder leurs actions (Cass. Com., 25 févr. 1994 : Bull. Joly 1994, p. 508, note
D. Velardocchio).

En pratique, elle permet de maintenir un équilibre des participations entre groupes


d’actionnaires, et est particulièrement utile lorsque plusieurs sociétés ont des filiales
communes.

b) La convention de préemption

En dehors des stipulations statutaires, la pratique révèle l’existence de conventions extra-


statutaires signées entre actionnaires dont l’atout majeur est de préserver la confidentialité.
Elles sont utilisées pour limiter l’entrée de nouveaux actionnaires dans la société ou, à
l’inverse, freiner la sortie des actionnaires en place. Par exemple, dans le secteur de la grande
distribution, les associés minoritaires également membres d’un même réseau de distribution
bénéficient ainsi d’une préférence de rachat des titres détenus par les exploitants d’un centre
de distribution de manière à ce que celui-ci ne puisse pas passer sous le pavillon d’une
105
enseigne concurrente.

Les tribunaux ont admis la validité de tels accords mais leur portée est réduite. La
jurisprudence a eu tendance à invoquer l’ancien article 1142 C. civ. pour faire obstacle à
l’exécution forcée du pacte, et à réparer par des dommages et intérêts le préjudice causé par la
violation du pacte de préférence, c’est-à-dire la conclusion du contrat de cession d’actions
avec le tiers. Par un revirement de jurisprudence spectaculaire, la Cour de cassation a admis
comme sanction de la violation d’un pacte de préférence la substitution du bénéficiaire du
pacte au tiers acquéreur (Cass. ch. Mixte, 26 mai 2006, n° 03-19.376 : Bull. Civ., ch. mixte,
n° 4). Les conditions de la substitution sont toutefois extrêmement sévères puisque la Haute
juridiction exige la preuve que l’acheteur connaissait l’existence du pacte et que le
bénéficiaire avait l’intention de s’en prévaloir. Le nouvel article 1123, alinéa 2 du Code civil
consacre la substitution en reprenant l’exigence de la double condition. C’est dire si la
substitution risque de rester souvent lettre morte...

Section 2 : Les salariés

Alors que de nombreux pays font une place particulière aux salariés dans la gestion de
l’entreprise, le droit français, en raison d’un quasi-consensus social, tient très largement les
salariés à l’écart de la gouvernance des sociétés.

Les salariés se manifestent de deux manières dans la vie d’une SA : par l’information (§1) et
par le participation,financière (§2) comme politique (§3).

§1/ L’information

L’information des salariés passe essentiellement par le comité d’entreprise et se manifeste par
une consultation du comité social et économique (ex-comité d’entreprise) à toutes les étapes
importantes de la vie de la société. Le CSE n’a toutefois aucun pouvoir de décision de
manière directe : il doit se contenter d’être informé et d’informer à son tour les salariés.

106
Le CSE est informé et consulté sur les questions suivantes :
- information sur toutes les questions touchant à l’emploi et au volume des effectifs de
l’entreprise ;
- information comptable et financière dans les mêmes conditions que les actionnaires de la
SA ;
- information et consultation sur toutes les opérations de restructuration (fusion, scission,
etc.) ;
- information et consultation sur les projets d’OPA/OPE visant la société.

En outre, le CSE dispose de pouvoirs d’action propres :


- convocation de l’AG ;
- récusation du CAC ;
- demande de nomination d’un expert de gestion ;
- déclenchement de la procédure d’alerte.

§2/ La participation financière

Par une ordonnance du 7 janvier 1959, le droit français a institué le plan d’épargne entreprise
qui ouvre aux salariés de l’entreprise la faculté de participer, avec l’aide de celle-ci, à la
constitution d’un portefeuille de valeurs mobilières (C. trav., art. L. 3332-1). Il est devenu
obligatoire pour toutes les entreprises employant au moins 50 salariés, quels que soient la
nature de leur activité et leur régime juridique.

La participation au capital est également rendue possible par l’attribution au profit des salariés
d’options de souscription ou d’achat d’actions, autrement nommées stock-options, et par
l’attribution d’actions gratuites.

A- Les stock-options

1) Notion

107
Les stock-options désignent dans la terminologie anglo-saxonne un système importé des
États-Unis et réglementé en France depuis 1970 sous le nom d’ « options de souscription ou
d’achat d’actions » (C. com., art. L. 225-177).

Le principe est que la société offre à des bénéficiaires le droit de souscrire des actions
nouvelles ou d’acheter des actions existantes pendant un délai fixé à l’avance et pour un prix
ferme fixé au jour où l’option est consentie.

Les stock-options ne sont donc pas des valeurs mobilières mais constituent un droit de
souscrire des actions conféré à des personnels salariés ou dirigeants de la société. Ils
constituent en règle générale un mode de rémunération pour les bénéficiaires dans la mesure
où le prix fixé pour exercer l’option est inférieur à la valeur estimée au jour de l’exercice.

Les stock-options revêtent un réel intérêt, tant pour la société que pour ses bénéficiaires. La
société n’offre rien, sinon la possibilité pour ses bénéficiaires de faire une plus-value. Cela ne
lui coûte rien puisque le bénéficiaire va acheter les actions ; il ne s’agit pas d’une attribution
d’actions gratuites. Mieux, la société va augmenter ses fonds propres. Les stock-options sont
également très avantageuses pour leur bénéficiaire qui n’a jamais l’obligation d’acheter les
titres proposés. Si la plus-value devait se transformer en moins-value, l’option, toujours
facultative, pourrait ne pas être exercée.

2) Régime

Peuvent attribuer des stock-options les SA cotées ou non. Le procédé est rare en pratique dans
les sociétés non cotées ou du moins qui n’ont pas l’ambition de l’être, car il est difficile de
chiffrer la plus-value potentielle. En effet, cette plus-value se calcule en comparant le prix
d’exercice (figurant dans le plan de stock-options) avec la valeur au jour de l’exercice,
laquelle est difficile à déterminée si la société n’est pas cotée.

Peuvent en bénéficier les salariés et les dirigeants sociaux de la société (uniquement le PCA,
le DG, les DGD et les membres du directoire). Les stock-options peuvent être réservés à
108
certains membres du personnel salarié ou à certains dirigeants. Aucune égalité de traitement
n’est à respecter, tant dans le principe de l’attribution que dans le quantum de celle-ci.

S’agissant du quantum, il est prévu que le montant total des options ouvertes et non encore
levées ne peut donner droit à souscrire un nombre d’actions excédant le tiers du capital social.
De plus, il ne peut être consenti d’options aux salariés et dirigeants possédant plus de 10 % du
capital social.

Aucune règle ne régit le délai ou la période d’exercice. En pratique, on constate que le délai
est de trois à cinq ans à compter de l’attribution des options. Mais rien ne s’oppose à ce que ce
délai soit réduit à sa plus simple expression (exercice le lendemain de l’attribution), ou plus
long. Il est simplement prévu en cas de décès du bénéficiaire, que les options devront être
exercées dans les six mois du décès. La période ou « fenêtre » d’exercice est totalement libre :
elle peut être réduite ou s’étaler sur plusieurs années.

Afin que les stock-options ne constituent pas un moyen d’enrichir à l’excès certains salariés
au détriment d’autres, le législateur a fixé des limites s’agissant du prix d’exercice. Dans les
sociétés cotées, celui-ci ne peut être inférieur à 80 % du cours moyen des actions au cours des
vingt derniers jours avant la fixation du prix. Cela veut dire que si au jour où les options sont
attribuées (et donc le prix fixé), le cours moyen est de 100 euros, le prix d’exercice ne saurait
être fixé à moins de 80 €. Cela ne limite nullement la plus-value potentielle à 20 % puisque ce
qui est comparé est le prix d’exercice et la valeur au jour de sa fixation et non au jour de
l’exercice.

B- L’attribution d’actions gratuites

1) Notion

Ce mécanisme est issu de la loi de finances pour 2005 du 30 décembre 2004. L’attribution
gratuite d’actions est régie par les articles L. 225-197-1 et s. du Code de commerce.

109
Le mécanisme est très différent des stock-options puisque la société attribue gratuitement à
ses salariés ou dirigeants des actions. Les bénéficiaires n’ont donc pas à débourser le montant
de la souscription des actions.
La particularité de ce mécanisme tient à ce que l’opération se déroule en deux temps : dans un
premier temps, la société attribue provisoirement des actions à des bénéficiaires dénommés
sous la condition suspensive qu’elle détermine préalablement et librement (ce peut être à la
condition que le salarié n’ait pas été licencié ou n’ait pas démissionné, qu’il ait atteint des
objectifs professionnels, etc.). Passée la période dite d’acquisition, et si la condition est
remplie, la société attribue définitivement les actions à leurs bénéficiaires. S’ouvre alors une
seconde période dite d’indisponibilité, pendant laquelle les actions ne peuvent être revendues.

Les intérêts sont importants, d’un côté comme de l’autre.

Pour la société qui attribue, cela permet de rémunérer des personnes en acquittant moins de
charges sociales.

Pour le bénéficiaire, c’est un revenu dynamique (car le cours évolue), incitatif (car
l’acquisition n’est pas définitive immédiatement) et surtout fiscalement intéressant.

2) Régime

Le dispositif bénéficie aux salariés et dirigeants de la société.

Le nombre total des actions attribuées gratuitement ne peut excéder 10 % du capital social. Il
ne peut pas être attribué d’actions aux salariés et aux mandataires sociaux détenant chacun
plus de 10 % du capital social et une attribution gratuite d’actions ne peut pas non plus avoir
pour effet que les salariés et mandataires sociaux détiennent chacun plus de 10 % du capital
social.

Pendant la période d’acquisition, l’attribution n’est que conditionnelle et la propriété des


actions n’est pas transférée au bénéficiaire. Ce n’est qu’au terme de la période d’acquisition
110
que l’attribution devient définitive et que le transfert de propriété est effectué par inscription
en compte. Cette période d’acquisition est fixée par l’AGE, mais ne peut être inférieure à un
an. Pendant cette période, le bénéficiaire n’est pas actionnaire, mais il est fortement incité à
rester dans la société et à créer de la valeur, pour que la promesse devienne réalité. Les actions
objet de la promesse sont bloquées par la direction de la société.

Peut s’ouvrir ensuite une période dite d’indisponibilité où les actions sont la propriété du
bénéficiaire, où il exerce pleinement les droits attachés à cette qualité, mais où il ne peut les
aliéner. Cette obligation de conservation des titres est d’une durée fixée par l’AGE, mais la
durée cumulée de la période d’acquisition et de celle d’indisponibilité ne peut être inférieure à
deux ans.

§3/ La participation à la gestion de la société

La participation des salariés à la gestion peut prendre plusieurs formes, l’une optionnelle,
l’autre obligatoire :

- L’article L. 225-27 C. com. permet à n’importe quelle SA qui le souhaite de créer des sièges
d’administrateurs élus par les salariés. Les conditions sont décrites dans le texte :

« Il peut être stipulé dans les statuts que le conseil d'administration comprend (...) des
administrateurs élus soit par le personnel de la société, soit par le personnel de la société et
celui de ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français.
Le nombre de ces administrateurs ne peut être supérieur à quatre ou, dans les sociétés dont
les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, cinq, ni excéder le tiers
du nombre des autres administrateurs. »

Deux points importants sont à noter : le caractère purement facultatif de cette règle et le
nombre limité d’administrateurs désignés par les salariés. En pratique, très peu de SA ont
recours à cette faculté offerte par la loi.

111
- L’article L. 225-27-1 C. com. prévoit la présence obligatoire de salariés au CA (1 si le CA
compte jusqu’à 8 membres, 2 si le CA compte plus de 8 membres) si la société et ses filiales
comptent plus de 1000 salariés en France (ce seuil était de 5000 avant 2015).

- L’article L. 225-23 prévoit un cas de nomination obligatoire de salariés au CA de sociétés


cotées en bourse :

« Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé,
lorsque (…) les actions détenues par le personnel de la société (...) représentent plus de 3 %
du capital social de la société, un ou plusieurs administrateurs sont élus par l'assemblée
générale des actionnaires (...). Ceux-ci se prononcent par un vote dans des conditions fixées
par les statuts. Ces administrateurs sont élus parmi les salariés actionnaires ».

Au final, même si le droit français a progressé du point de vue de l’implication des salariés
dans la gestion des sociétés, notre modèle reste encore très en retrait par rapport à d’autres
systèmes juridiques, comme le droit allemand. Dans ce système, la participation des salariés
se manifeste par l’intégration aux organes de gouvernance avec les mêmes pouvoirs que les
actionnaires. La proportion minimale et obligatoire de salariés dans les organes de
gouvernance varie suivant l’effectif de la société.

Pour conclure sur la SA, les acteurs économiques se plaignent souvent du manque de
souplesse de cette forme sociale, rigidité très gênante notamment dans des opérations
d’investissement en commun et de filiale commune. Faute de pouvoir modeler à leur guise les
statuts de la société en raison des verrous institués par le législateur, par exemple en matière
de quorum et de majorités, les parties sont condamnées à déroger aux statuts qu’elles avaient
elles-mêmes rédigés par des pactes adjoints dont l’efficacité juridique est parfois incertaine
(cf. le régime juridique du pacte de préférence extrastatutaire).

C’est pour remédier à ces inconvénients que le législateur a institué en 1994 une nouvelle
forme sociale : la société par actions simplifiées ou SAS.

112
TITRE 3 :

LA SOCIÉTÉ PAR ACTIONS SIMPLIFIÉE

La SAS a été instaurée par la loi du 3 janvier 1994. Son régime figure aux articles L. 227-1 et
s. C. com.

La SAS a connu depuis son intégration dans le droit français une évolution remarquable qui a
profondément modifié sa nature.

Cette société est apparue en France en 1994. Elle répondait aux souhaits des industriels qui
voulaient disposer d’un outil souple et contractuel afin de réaliser des opérations de
coopération interentreprises (joint-venture) ou de créer des filiales communes. La SAS a donc
été adaptée à cet objectif. Certes, elle offrait une grande liberté contractuelle et donc peu de
protection, mais en contrepartie, sa constitution était réservée exclusivement à des sociétés
dotées d’un capital d’au moins 225 000 €.

La première évolution a eu lieu, peu de temps après, avec l’adoption de la loi du 12 juillet
1999 qui a, d’une part, libéralisé les conditions de constitution de la SAS qui pouvait être
créée par toute PP ou PM et, d’autre part, instauré la société par actions simplifiée
unipersonnelle (SASU), ouvrant ainsi les portes de cette société et de sa liberté contractuelle
aux entrepreneurs individuels.

La LME du 4 août 2008 a parachevé cette évolution en remodelant la SAS qui, tout en restant
dans la catégorie des sociétés par actions, en a perdu les caractéristiques essentielles
(interdiction des apports en industrie, capital minimum, présence obligatoire d’un CAC) pour
se rapprocher de la SARL, ce qui doit faciliter l’accès des PME à cette forme sociétaire et aux
avantages de la liberté contractuelle. Ainsi, si la SAS a gardé sa spécificité principale qui est
sa souplesse, sa physionomie a profondément changé en quinze ans et elle devrait à l’avenir
113
s’imposer comme l’une des structures sociétaires les plus attrayantes du paysage juridique
français. A l’heure actuelle, le nombre de SAS avoisine celui des SA, c’est-à-dire un peu plus
de 110 000. Pour l’année 2018, les SAS ont représenté 61 % des créations de sociétés en
France (statistique INSEE).

On verra successivement la constitution (chapitre 1), le fonctionnement (chapitre 2) et la


disparition de la SAS (chapitre 3).

CHAPITRE 1 : LA CONSTITUTION DE LA SAS

Depuis la réforme intervenue avec la LME du 4 août 2008, la constitution d’une SAS n’obéit
plus aux règles de la SA, ce qui rend plus souples les conditions de fond de sa constitution.

En ce qui concerne les associés de la SAS, aucune contrainte n’est à souligner. Cette société
étant une société à responsabilité limitée, les mineurs et les incapables majeurs peuvent être
associés de cette structure sans courir d’autres risques que celui de ne pas récupérer leur
apport lors de la liquidation de la société. Les associés de la SAS peuvent être des personnes
physiques ou morales. Quant à la SASU, elle ne comprend qu’un seul associé.

S’agissant des apports, au contraire de la SA, la SAS peut, depuis la LME, accueillir des
apports en industrie dans les conditions définies à l’article 1843-2 C. civ. Les actions détenues
en échange sont inaliénables. Les statuts doivent déterminer les modalités de souscription et
de répartition de ces actions et fixer un délai au terme duquel, après leur émission, ces actions
feront l’objet d’une évaluation par un CAC. Les actions remises en contrepartie de l’apport en
industrie ne rentrent pas dans le capital social, conformément au droit commun des sociétés.
Des apports en numéraires et en nature peuvent être réalisés. Seuls ces deux types d’apports
vont pouvoir constituer le capital de la SAS. Pour les premiers, les sommes versées lors de la
constitution de la société, soit au moins la moitié de l’apport en numéraire souscrit, seront
déposées sur un compte et bloquées jusqu’à l’immatriculation de la SAS. Pour les seconds, les
114
règles sont identiques à celles applicables à la SA : il faut nommer un commissaire aux
apports pour réaliser leur évaluation.

Le montant du capital social de la SAS est librement fixé dans les statuts. Cela permet aux
entreprises les plus modestes d’adopter la forme de société par actions, mais il ne faut pas
perdre de vue que le risque de sous-capitalisation des SAS est une des causes récurrentes de
leurs difficultés financières et souvent de l’ouverture, à leur encontre, d’une procédure
collective.

La SAS, comme toutes les sociétés, devra lors de sa constitution être dotée d’une
dénomination sociale et d’un siège social. Il faut, en outre, déterminer son objet social qui
encadre les pouvoirs des dirigeants, sans toutefois que son dépassement ne permette de
considérer que la société n’est pas engagée.

Enfin, les formalités de constitution de la SAS sont identiques à celles des autres sociétés
(immatriculation de la SAS au RCS).

CHAPITRE 2 : LE FONCTIONNEMENT DE LA SAS

La liberté statutaire domine l’organisation de la SAS. Quelques dispositions impératives


doivent cependant être mentionnées relativement à la direction, aux actionnaires et contrôle de
de la SAS.

Section 1 : La direction de la SAS

La direction des sociétés implique l’exercice de deux fonctions qui sont la représentation de la
société et la gestion.
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§1/ La représentation de la SAS

Au départ, les textes applicables à la SAS avaient prévu que la représentation de la société ne
pouvait être assumée que par le Président. La loi de sécurité financière du 1 er août 2003 a
permis la nomination de DG ou de DGD qui pourront également représenter la société.

A- Le président de la SAS

Le président de la SAS est le seul organe que la loi impose dans cette structure sociétaire et
jusqu’en 2003, il était le seul à pouvoir représenter la société. En pratique, le président sera
souvent le seul organe de la SAS et il concentrera alors tous les pouvoirs de représentation et
de gestion.

Le président de la SAS peut être une personne physique ou morale et son mode de désignation
est fixé librement par les statuts. Il peut être associé ou non.

Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la
société dans la limite de l’objet social. Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée
même par les actes du président qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne
prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte
tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer
cette preuve.

B- Le DG ou le DGD

Alors que dans les SA, le DG ou les DGD ont automatiquement le pouvoir général de
représenter leur société (C. com., art. L. 225-56, III, al. 2), l’article L. 227-6, alinéa 3 C. com.
renvoie aux statuts de SAS de prévoir cette possibilité et de préciser les conditions dans
lesquelles ces personnes pourront exercer les pouvoirs normalement dévolus au président.

116
Qu’en est-il lorsque les statuts se contentent d’instituer un DG sans en déterminer les
pouvoirs ?

Par un important arrêt, la Cour de cassation a décidé qu’un tiers peut se prévaloir à l’égard
d’une SAS des engagements pris pour le compte de cette dernière par une personne portant le
titre de DG sans que la SAS puisse opposer au tiers le défaut de définition statutaire du
pouvoir de représentation de son directeur général (Cass. Com., 9 juill. 2013, n° 12-22.627 :
Bull. Joly 2013, p. 641, note N. Ferrier).

§2/ La gestion de la SAS

Pour la gestion de la SAS, c’est la liberté contractuelle qui prime.

Les créateurs de la société peuvent choisir de regrouper l’ensemble des pouvoirs de


représentation et de gestion entre les mains du président, qui ainsi se trouvera dans une
situation équivalente à celle d’un gérant d’une SARL. Mais les associés peuvent également
décider de créer des organes différents. Ainsi, le président ou les DG et DGD verront leurs
pouvoirs limités à la représentation de la société alors qu’un ou plusieurs autres organes, qui
peuvent être collégiaux, seront chargés de la gestion de la SAS. Par exemple, les statuts
peuvent prévoir instituer un conseil d’administration et un conseil de surveillance ou un
directoire sans conseil de surveillance.

Section 2 : Les associés de la SAS

À l’instar des associés dans les autres sociétés commerciales, les associés de la SAS se voient
reconnaître des prérogatives sur un plan collectif comme individuel.

Le législateur n’a instauré que très peu de règles pour organiser les décisions collectives des
associés de la SAS. Il revient aux statuts de déterminer à la fois le domaine des décisions
117
collectives ainsi que les formes et les conditions de celles-ci (C. com., art. L. 227-9). De
multiples solutions sont ainsi concevables. Par exemple, il est possible de remplacer les
assemblées par des consultations écrites. De même, il n’est pas nécessaire de distinguer les
AGO et les AGE puisque ce sont les statuts qui fixent les règles de quorum et de majorité et
décident si le vote se fait par tête ou en proportion du capital détenu.

La qualité d’associé de la SAS confère un droit de participer à la vie sociale ainsi qu’un droit
de réaliser des opérations sur les actions dont ils sont propriétaires. Toutefois, le Code de
commerce autorise les rédacteurs des statuts de la SAS à porter atteinte aux droit individuels
des associés.

§1/ La limite à la participation à la vie sociale

En droit commun des sociétés, il existe un droit pour l’associé de conserver cette qualité et
donc de pouvoir participer à la vie sociale (C. civ., art. 1844, al. 1 er). Par exception, les statuts
peuvent prévoir l’exclusion d’un associé de la SAS (C. com., art. L. 227-16). Ce droit
d’exclusion est une innovation remarquable de la loi du 3 janvier 1994, car l’exclusion d’un
associé n’était jusqu’ici possible que dans les rares cas prévus par la loi, notamment dans les
coopératives, les sociétés d’exercice libéral et les sociétés cotées. Mais à la différence de ces
autres cas d’exclusion, cette faculté d’exclusion n’est soumise à aucune restriction légale. Les
conditions et les causes de cette exclusion subie sont déterminées par les statuts. De même, le
rachat des actions, consécutif à l’exclusion, pourra se faire au prix fixé par les statuts (et en
l’absence de disposition statutaire, par l’accord des parties lors de la cession ou, sinon,
déterminé par l’expert de l’article 1843-4 C. civ.).

Ces dispositions sont sévères pour l’associé exclu. C’est pourquoi la jurisprudence lui a peu à
peu accordé des garanties procédurales. Ainsi, les tribunaux s’attachent à vérifier que le
principe du contradictoire et les droits de la défense ont été respectés, ce qui signifie que
l’associé menacé d’exclusion doit en avoir été averti et avoir été mis en mesure de présenter
ses observations (Com., 7 juill. 1992). L’impossibilité pour l’associé exclu de venir
s’expliquer n’est cependant pas une cause d’annulation de la décision d’exclusion et ouvre
118
seulement droit à réparation du préjudice subi. En outre, il appartient aux juges de vérifier que
l’exclusion n’est pas abusive. L’exclusion doit en effet être fondée sur un motif conforme à
l’intérêt social et à l’ordre public (v. Com., 14 nov. 2018, n° 16-24532). Là encore, l’abus de
droit ne donne lieu qu’à dommages et intérêts pour sa victime. Enfin, il a été décidé par la
Cour de cassation que les statuts ne peuvent pas priver l’associé exclu de son droit de voter la
mesure le visant (Com., 23 oct. 2007, n° 06-16537, aff. « Arts et entreprises » : Bull. civ. IV,
n° 225). La clause statutaire écartant le droit de vote de l’associé exclu étant contraire à
l’article 1844 al. 1er C. civ., qui pose une règle impérative, est réputée non écrite, ce qui
emporte annulation de la décision d’exclusion prise en application de celle-ci.

Il faut noter que la loi Soihili du 19 juillet 2019 est venue modifier l’article L. 227-19 du Code
de commerce qui disposait que les clauses d’exclusion ne pouvaient être adoptées ou
modifiées, dans la SAS, qu’à l’unanimité des associés. Elles peuvent désormais l’être
(adoptées et modifiées), comme les clauses d’agrément, « par une décision prise
collectivement par les associés dans les conditions et formes prévues par les statuts » ; c’est-
à-dire, le cas échéant, à des conditions de majorité ordinaire ou renforcée, si lesdits statuts
l’ont prévu. La suppression de l’exigence d’unanimité pour adopter ou modifier des clauses
d’exclusion est critiquée par la doctrine qui lui reproche de sacrifier la protection des
minoritaires. Deux situations doivent à cet égard être distinguées. Si les associés ont fait le
choix de l’unanimité pour modifier les statuts de la SAS, la situation revient pour eux à celle
qui avait cours en l’état du droit antérieur. En revanche, lorsqu’une majorité différente a été
prévue pour modifier les statuts, serait-elle élevée, les minoritaires se retrouveront à la merci
des majoritaires, libres d’insérer une clause d’exclusion là où elle n’était pas prévue, libres
aussi de modifier les modalités de l’exclusion, y compris le montant du prix de rachat ou de
cession en cas d’exclusion.

Mais dès lors, on peut se demander si le nouveau dispositif n’entre pas en contrariété avec
l’article 1836 alinéa 2 du Code civil disposant qu’« en aucun cas, les engagements d’un
associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci ». V. à cet égard, H. Le
Nabasque, « À propos des clauses d'exclusion dans la SAS après la loi de simplification du
droit des sociétés du 19 juillet 2019 », Bulletin Joly Société 2020, n° 1, p. 60.
119
Gare aussi au risque de conflit de lois dans le temps. Pour déterminer si la loi nouvelle est
immédiatement applicable aux SAS déjà constituées avant son entrée en vigueur, il faut
distinguer selon que la situation juridique dont il est question peut être qualifiée de légale ou
de contractuelle. Dans le premier cas, la loi nouvelle est immédiatement applicable. Dans le
second cas, il faut encore distinguer. Le contrat est en principe régi par la norme ancienne,
avec deux exceptions toutefois : lorsque la norme nouvelle répond à des « considérations
d’ordre public particulièrement impérieuses » (ce que l’on écartera ici, sans trop de
discussion) ou lorsqu’elle concerne les « effets légaux » du contrat, notion aux contours flous.
Appliqués aux droits des sociétés, ces principes classiques sont d’un maniement délicat,
puisqu’ils sont dans la dépendance de l’analyse que l’on veut bien faire de la société : contrat
ou institution. L’on pourrait prudemment tenir la situation juridique pour « contractuelle » – la
société naît d’un contrat conclu par les associés se matérialisant par les statuts, qu’il est
précisément question de modifier. La disposition nouvelle ne serait donc pas applicable, sauf
pour les associés à opter à l’unanimité pour son application immédiate. La solution a pour
avantage de protéger les minoritaires et de préserver les équilibres existants – dit autrement,
de ne pas déjouer les prévisions des associés. Il n’en demeure pas moins que la société ayant
pris corps est soumise, du seul fait de sa constitution, à un lot de dispositions purement légales
régissant son fonctionnement. La nouvelle disposition supprimant l’exigence d’unanimité
pour adopter ou modifier des clauses d’exclusion dans les SAS pourrait alors être qualifiée
d’ « effets légaux » du contrat de société, auquel cas elle trouverait à s’appliquer aux sociétés
préalablement constituées...

En pratique, les clauses statutaires soulèvent de nombreuses difficultés (respect des garanties
procédurales et fixation du prix des actions en cas désaccord) ce qui se traduit par un
important contentieux. Elles sont néanmoins très utiles en cas de mésentente entre associés en
permettant l’exclusion de l’associé fauteur de trouble ou celle d’un associé minoritaire qui,
par son attitude, empêche la survie de la société, par exemple en refusant de voter sa
prorogation.

§2/ Les limites à la transmission des actions


120
Ainsi que l’énonce l’article L. 227-14 C. com., « les statuts peuvent soumettre toute cession
d’actions à l’agrément préalable de la société ». Ainsi, la SAS pourra être conçue comme une
société fermée dans laquelle toutes les cessions sont soumises à agrément selon des modalités
statutairement fixées, ce qui constitue un atout indéniable par rapport à la SA dans laquelle,
notamment, l’agrément des cessions au conjoint, aux ascendants ou descendants est proscrit
(v. supra). Il revient ainsi aux statuts de déterminer l’organe compétent et de fixer les
modalités de déroulement de la procédure d’agrément (délai de réponse, rachat des titres). La
sanction de la violation de la clause d’agrément est nullité de la cession (C. com., art. L. 227-
15).

Les statuts peuvent aussi prévoir une inaliénabilité des actions pour une durée n’excédant pas
dix ans (C. com., art. L. 227-13). Elle rend nulle toute cession effectuée en violation de la
clause (C. com., art. L. 227-15).

Section 3 : Le contrôle de la SAS

À l’origine, comme les autres sociétés par actions, la SAS était obligatoirement dotée d’un
CAC. Conscient que cet organe de contrôle pouvait être un frein à la création d’entreprises
sous forme de SAS compte tenu de son coût, le législateur a souhaité dispenser de ce contrôle
certaines SAS.

Ainsi, le nouvel article L. 227-9-1 issu de la loi du 4 août 2008 rend pour les sociétés
constituées après le 1er janvier 2009 la présence d’un CAC facultative, sauf si :

- la société dépasse, à la clôture d’un exercice social, deux des trois seuils fixés par décret, à
savoir : total du bilan de 4 000 000 euros, montant hors taxe du chiffre d'affaires de 8 000 000
euros et nombre moyen de salariés de cinquante (C. com., art. D. 227-1 ; ces seuils ont été
rehaussés par la loi Pacte du 22 mai 2019) ;
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- un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital peuvent demander en
justice la nomination d’un CAC.

La suppression du commissariat au compte obligatoire peut conduire à supprimer tout


contrôle dans la société par un organe spécifique, ce contrôle étant exercé directement par les
associés. Il en sera souvent ainsi pour les petites entreprises dans lesquelles une organisation
simple sera recherchée en priorité par les créateurs de la SAS. En revanche, lorsque la SAS
est une société intégrée dans un groupe de sociétés, soit comme filiale, soit comme société
mère, la présence d’un organe de contrôle est la plus fréquente et dans cette situation le CAC
sera d’ailleurs maintenu.

Enfin, prenant modèle sur les SA, les fondateurs d’une SAS peuvent également la doter d’un
conseil de surveillance.

CHAPITRE 3 : LA DISSOLUTION DE LA SAS

La dissolution de la SAS n’appelle pas d’observation particulière, si ce n’est que la SASU est
soumise à l’article 1844-5 C. civ., comme toutes les sociétés unipersonnelles. Par conséquent,
la dissolution emportera transmission universelle du patrimoine de la SASU à son associé
unique, à la condition toutefois que celui-ci ne soit pas une personne physique.

En conclusion : La SAS recèle de véritables atouts pour les créateurs d’entreprise qui
souhaitent choisir une forme sociale sur mesure pour leur projet d’entreprise. En outre, les
réformes législatives successives ont ouvert plus largement l’accès à cette forme sociale qui
devrait donc, dans les années à venir, s’imposer comme l’une des sociétés les plus utilisées
par les chefs d’entreprise. Les créateurs de la SAS doivent toutefois se montrer vigilants dans
la manière d’aménager les statuts (par exemple, prévoir précisément pour les organes de la
société le statut de leurs membres, leurs pouvoirs et les modalités de fonctionnement) car les
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dispositions légales régissant la SA ne sont pas supplétives de volonté.

TITRE 4 :

LA SOCIÉTÉ À RESPONSABILITÉ LIMITÉE

La société à responsabilité limitée ou SARL est définie par l’article L. 223-1 C. com. comme
étant une société instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu’à
concurrence de leurs apports.

I. – Évolution

La SARL a été créée par une loi du 7 mars 1925, à l’imitation du droit allemand qui l’avait
créée en 1892. À cette époque, la SARL apparaissait comme une structure adaptée aux petites
et moyennes entreprises. Conçue comme une société assurant une protection patrimoniale
pour les associés dont la responsabilité est limitée aux apports, la SARL était également dotée
d’une réglementation assez souple mais complète qui offrait des facilités de fonctionnement.

Il n’est donc pas étonnant que la SARL ait connu un vif succès chez les créateurs
d’entreprises et qu’actuellement la SARL représente la catégorie de société la plus utilisée en
France. En 2014, selon l’INSEE, les SARL constituaient encore la majorité des sociétés
nouvellement créées (57 %). Mais elles ont depuis été supplantées par les SAS (en 2018,
61 % des sociétés créées sont des SAS, contre 36 % de SARL).

Depuis quelques années, la SARL a fait l’objet de nombreuses réformes. Parmi les plus
marquantes, on peut citer la loi sur l’initiative économique du 1 er août 2003 qui a supprimé
l’exigence d’un montant minimal de capital et qui a, ce faisant, ouvert cette structure
sociétaire aux très petites entreprises ou encore l’ordonnance du 25 mars 2004 portant
simplification du droit et des formalités des entreprises qui a fait passer le nombre maximum
123
d’associés à 100 et qui a autorisé l’émission d’emprunts obligataires afin d’attirer des
entreprises de dimension plus importante.

Dernièrement, les réformes tendent vers la simplification des règles de fonctionnement de la


SARL :
- l'ordonnance du 31 juillet 2014 a allégé les formalités de cession des parts sociales de
SARL, supprimé l'interdiction pour une SARL à associé unique d'être associée unique d'une
autre SARL ou encore offert la possibilité pour les gérants de SARL de demander la
prolongation du délai de tenue de l'assemblée générale ordinaire ;
- la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises simplifie les
conditions de transfert du siège social et assouplit les conditions de ratification de la mise en
harmonie des statuts effectuée par le gérant. Elle supprime l'obligation de déposer une
déclaration de conformité pour les sociétés commerciales autres que les sociétés par actions
qui participent à une fusion (ou scission) interne.
- quant à la loi contre la corruption et la modernisation de la vie économique du 9 décembre
2016, dite loi « Sapin II », elle a dispensé les SARL de l’intervention d’un commissaire aux
apports lors des augmentations de capital et a permis aux associés de SARL, lorsqu’ils
représentent, individuellement ou ensemble, une fraction minimale du capital social, de
déposer des projets de résolutions ou des points à l’ordre du jour des assemblé.

En outre, il faut relever que les dernières évolutions touchant la SAS en font une concurrente
de taille pour la SARL et on peut penser que des transformations de SARL en SAS ne
manqueront pas d’intervenir prochainement.

II. – Caractéristiques générales

- La SARL est une société commerciale par la forme quel que soit son objet. Mais les associés
ne sont pas forcément des commerçants. Conséquences de la commercialité : obligation de
tenir une comptabilité, compétence des juridictions consulaires, peut être placée en
sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, etc.

124
- La responsabilité des associés est limitée au montant des apports qu’ils auront décidé de
faire lors de la constitution de la société et au cours de la vie sociale

- Enfin, l'intuitus personae joue encore un rôle important dans la SARL, ce qui se traduit par
l’obligation d’agréer les tiers entrant dans la société, par l’admission des apports en industrie
ou par l’interdiction d’offrir des titres financiers au public.

Ainsi, on voit bien que les SARL ont une nature juridique hybride, à mi-chemin entre une
société de personnes et une société de capitaux.

Nous allons étudier distinctement la SARL comportant plusieurs associés (chapitre 1) et


l’EURL (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LA SARL CLASSIQUE (PLURIPERSONNELLE)

Seront successivement étudiées les règles relatives à la constitution de la SARL (section 1),
son fonctionnement (section 2) et sa disparition (section 3).

Section 1 : La constitution de la SARL

Les SARL sont naturellement soumises aux conditions générales de constitution des sociétés.
Elles obéissent aussi à certaines conditions qui leur sont propres. C’est pourquoi il convient
d’indiquer les conditions de fond et de forme qui doivent être remplies ainsi que les sanctions
attachées à ces règles de constitution.

§1/ Les conditions de fond

125
A- Les conditions relatives aux associés

La SARL comprend au minimum deux associés et au maximum cent (C. com., art. L. 223-3).
Si ce nombre vient à être dépassé, la SARL dispose d’un délai de un an pour régulariser sa
situation ou se transformer, par exemple, en SA (ibid.).

Les associés peuvent être des personnes physiques ou morales.

Il n’est pas exigé des associés de la SARL qu’ils aient la qualité de commerçant. Les mineurs,
même non émancipés, et les majeurs protégés peuvent donc être associés d’une SARL

B- Les conditions relatives au capital social et aux apports

Depuis 2003, les SARL peuvent se constituer sans capital social minimum. La loi autorise de
ce fait la fixation d’un capital symbolique d’un montant de un euro.

Le capital est divisé en parts sociales égales (C. com., art. L. 223-2). La valeur nominale des
parts sociables est librement fixée par les statuts. Contrairement aux SA, les SARL ont
interdiction d’offrir des titres financiers au public (C. com., art. L. 223-12).

Il faut souligner néanmoins que, de façon quelque peu antinomique, la loi du 25 mars 2004 a
permis à certaines SARL d’émettre des obligations nominatives, à condition que, d’une part,
elles répondent à deux des trois critères en vertu desquels elles doivent désigner un CAC
(dépassement de 2 de ces 3 seuils : 4 millions d’€ au total du bilan, 8 millions d’€ de chiffre
d’affaires HT et 50 salariés) et que, d’autre part, les comptes des trois derniers exercices ont
été régulièrement approuvés par les associés. L’émission d’obligations est décidée par l’AG
des associés.

Le capital social est composé des apports des associés qui peuvent être de trois types :

- Les apports en numéraire : Les associés n’ont pas l’obligation de libérer immédiatement
126
l’intégralité de leur apport en numéraire mais seulement un minimum du cinquième du
montant de celui-ci. Le surplus doit être libéré, sur appel de la gérance, dans les cinq ans de
l’immatriculation de la société (C. com., art. L. 223-7, al. 1). Les fonds provenant de la
libération des apports en numéraire doivent être déposés dans les huit jours de la réception,
pour le compte de la société en formation, auprès de la caisse des dépôts et consignations,
chez un notaire ou dans une banque. La mention du dépôt des fonds doit figurer dans les
statuts. Les fonds déposés sont indisponibles jusqu’à l’immatriculation de la société au RCS.
Si la société n’est pas immatriculée dans les six mois à compter du premier dépôt, les
apporteurs peuvent demander au président du tribunal de commerce du lieu du siège social
que leur apport leur soit restitué. Ils peuvent également choisir un mandataire qui demandera
directement au dépositaire la restitution des fonds (C. com., art. L. 223-8, mod. par l’Ord. du
25 mars 2004).

- Les apports en nature : Afin d’éviter les tentations de surestimation des apports en nature,
le législateur intervient, à la fois pour protéger les créanciers, et les autres associés. L’article
L. 223-9 prévoit ainsi que les statuts mentionnent l’évaluation de chacun des apports en nature
au vu d’un rapport établi par un commissaire aux apports désigné à l’unanimité des futurs
associés ou, à défaut, par une décision de justice. Par exception, afin de ne pas alourdir le coût
de constitution des petites SARL, les futurs associés peuvent décider à l’unanimité que le
recours au CAA ne sera pas obligatoire, lorsque la valeur d’aucun apport n’excède 30 000 € et
si la valeur totale de l’ensemble des apports n’excède pas la moitié du capital social. Il faut
souligner que lorsque les associés n’ont pas recouru à un CAA ou lorsqu’ils ont retenu une
valeur supérieure à celle proposée par le CAA, ils sont solidairement responsables de cette
valeur pendant cinq ans à l’égard des tiers (C. com., art. L. 223-9, al. 4).

- Les apports en industrie sont autorisés dans les SARL depuis la loi du 15 mai 2001. L’article
L. 223-7 modifié du Code de commerce pose néanmoins la condition que les statuts
déterminent les modalités selon lesquelles peuvent être souscrites des parts sociales en
industrie.

§2/ Les conditions de forme


127
Les statuts doivent être rédigés par écrit (acte sous seing privé ou notarié) et signés par tous
les associés ou, en cas d’absence, par un mandataire justifiant d’un pouvoir spécial.

Ces statuts doivent contenir les mentions obligatoires (la forme, la durée, la dénomination
sociale, le siège social, l’objet, le montant du capital social, l’évaluation des apports en nature,
la répartition des parts sociales, etc.) et préciser le nom du gérant ainsi que le mode de
transmission des parts sociales.

Une fois les statuts signés, il doit être procédé aux formalités de publicité classiques : avis
dans un JAL, dépôt au centre de formalité des entreprises aux fins d’immatriculation de la
société au RCS et publicité au BODACC.

§3/ Les sanctions du non-respect des règles de constitutions

Les règles générales applicables à toutes les sociétés commerciales pour les nullités et les
responsabilités des fondateurs et des premiers gérants s’appliquent aux SARL. Aucun texte ne
prévoit expressément la nullité de la SARL pour inobservation des conditions de fond et de
forme de constitution.

Section 2 : Le fonctionnement de la SARL

L’évolution du droit de la SARL a permis aux associés d’exercer un meilleur contrôle de la


gérance, accentué par la présence d’un commissaire aux comptes. Au-delà donc des règles
d’organisation et de fonctionnement communes à toutes les sociétés, certaines règles spéciales
s’appliquent à la gérance de la SARL (§1), aux associés (§2) et au CAC (§3).

§1/ La gérance

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La loi pose des règles quant au statut (A) et aux pouvoirs du gérant (B).

A- Le statut de gérant

1) Nomination du gérant

Les statuts (gérant statutaire) ou une décision ultérieure (gérant non statutaire) désignent un
ou plusieurs gérants, personnes physiques uniquement, choisis parmi les associés ou en
dehors d’eux.

La capacité commerciale n’est pas exigée des gérants. Il suffit qu’ils ne soient pas frappés de
déchéance (interdiction de diriger) ou d’incapacité civile. En conséquence, sont exclus les
mineurs non émancipés et les majeurs protégés.

Concernant le mode de désignation, il faut distinguer :

- le gérant statutaire qui est nommé par les associés représentant plus de la moitié des parts
sociales, sauf disposition des statuts exigeant une majorité plus forte (C. com., art. L. 229-23,
al. 1) ;

- le gérant non statutaire qui est nommé par l’assemblée à la majorité de plus de la moitié des
parts sociales.

2) Rémunération du gérant

La gérance est exercée à titre gratuit ou onéreux. La loi n’ayant pas prévu le mode de fixation
de la rémunération des gérants, celle-ci est librement fixée par les statuts, par l’acte de
nomination ou, à défaut, par une décision de l’assemblée des associés (Cass. com., 4 mai
2010, n° 09-13.205, la décision prise revêtant un caractère institutionnel et non contractuel).
Le plus souvent, elle comprend deux éléments : un traitement fixe et un pourcentage sur les
bénéfices ou sur le chiffre d’affaires.
129
Le régime fiscal des rémunérations perçues par le gérant est celui des traitements et salaires.
En revanche, le régime social diffère selon que le gérant soit minoritaire (assujetti au régime
de la sécurité sociale) ou qu’il soit majoritaire (assujetti au régime des employeurs et
travailleurs indépendants).

La rémunération du gérant au titre de son mandat social doit être distinguée de celle perçue au
titre d’un éventuel contrat de travail.

On s’est demandé si le gérant, lorsqu’il est aussi associé, peut prendre part au vote et si ses
parts sont à prendre en compte dans le calcul de la majorité.

La Cour de cassation a tranché cette question dans l’arrêt précité du 4 mai 2010.

Commentaire de la Cour de cassation de sa décision dans le rapport annuel 2010 :

« Le point de savoir si la décision sur la rémunération du gérant d’une société à


responsabilité limitée est une convention soumise à la procédure de contrôle des conventions
prévue à l’article L. 223-19, alinéa 1er, du code de commerce et, le cas échéant, si elle relève
du régime de la convention portant sur une opération courante conclue à des conditions
normales, fixé à l’article L. 223-20 du même code, ou s’il s’agit d’une décision
institutionnelle émanant de l’assemblée des associés, revêtant le caractère d’un acte
unilatéral collectif, a longtemps paru indécis. L’un des enjeux de la question est la
participation ou non du gérant au vote sur la décision à intervenir et la prise en compte ou
non de ses parts pour le calcul de la majorité.

La chambre commerciale a tranché en faveur de la seconde solution : tandis que la


discussion devant les juges du fond, puis devant elle, s’était déroulée sur le terrain de la
convention, réglementée ou courante, et que la cour d’appel, retenant la qualification de
convention courante, avait permis au gérant de prendre part au vote sur sa rémunération,
l’arrêt rendu le 4 mai 2010, substituant un motif de pur droit, affirme que la détermination de
130
la rémunération du gérant par l’assemblée des associés ne procède pas d’une convention et
par voie de conséquence que le gérant peut, s’il est associé, prendre part au vote.

Le même débat a été résolu de longue date par la jurisprudence à propos de la rémunération
du dirigeant de la société anonyme : elle est considérée comme une rémunération
institutionnelle décidée par le conseil d’administration. N’étant pas une convention, elle ne
relève donc pas de la procédure des articles L. 225-38 et suivants du code de commerce. Tel
était notamment le sens de la solution retenue par la chambre commerciale dans l’arrêt rendu
le 3 mars 1987 (Bull. 1987, IV, no 64, pourvoi no 84-15.726) à propos d’un complément de
retraite alloué à un président de conseil d’administration.

Contemporain de cette dernière décision, un arrêt de la même chambre du 30 mai 1989 (Bull.
1989, IV, no 174, pourvoi no 87-18.083) avait précisé qu’une rémunération accordée « dans
des conditions normales » à un gérant d’une société à responsabilité limitée ne constituait
pas une convention entrant dans les prévisions de l’article 50 de la loi no 66-537 du 24 juillet
1966, devenu l’article L. 223-19 du code de commerce. L’insertion de cette incidente dans la
rédaction du motif avait donné lieu à des interprétations divergentes sur la nature
conventionnelle ou non de la rémunération. Cet arrêt avait voulu par là faire écho à celui du
3 mars 1987. L’arrêt rendu le 4 mai 2010 vient opportunément lever les hésitations que
pouvaient avoir les acteurs de la vie sociale. »

3) Cumul du mandat de gérant avec un contrat de travail

A la différence de la réglementation concernant les contrats de travail des administrateurs de


la SA, aucun texte n’interdit à un gérant de SARL de devenir salarié de la société, ni a fortiori
à un salarié d’accéder à la gérance.

Mais la jurisprudence n’admet ce cumul que sous certaines conditions afin de limiter les
abus :

1. le contrat de travail doit correspondre à un travail effectif ; il ne doit pas être conclu pour
131
tourner les règles relatives à la révocation (v. infra) ;
2. il doit y avoir une nette distinction entre la gérance (direction générale de la société) et les
fonctions techniques qui résultent du contrat de travail. Cette dualité est quelque fois plus
facilement admise si le gérant salarié bénéficie de deux rémunérations distinctes) ;
3. l’intéressé doit être placé dans un état de subordination juridique à l’égard de la société.
Cette dernière condition exclut de facto le gérant associé majoritaire (Cass. soc., 7 févr. 1979,
n° 77-14035). Cela ne veut pas dire que le cumul est systématiquement admis pour le gérant
associé minoritaire ; les tribunaux apprécient au cas par cas (par ex., Cass. soc. 17 janv. 1989,
n° 86-11686 : absence de subordination du gérant, fils de l’associé majoritaire et détenteur du
monopole des connaissances techniques).

Remarque : Le cumul représente moins d’intérêt que dans les SA car le gérant n’est pas
révocable ad nutum. Mais, pour bénéficier du régime de l’assurance chômage, il doit être lié à
la société par un contrat de travail.

4) Cessation des fonctions de gérant

Les différents cas sont les suivants :

L’arrivée du terme du mandat : Si les statuts ne prévoient pas de terme, le gérant est
nommé pour toute la durée de la société (C. com., art. L. 223-18).

La démission : Sur ce point, la loi est muette. Pour la jurisprudence, la démission est
possible, mais si le gérant démissionne sans justes motifs, il s’expose au versement de
dommages et intérêts au profit de la société. Il est possible d’envisager, par exemple, une
démission pour maladie. Par ailleurs, le gérant frappé d’une mesure d’interdiction ou de
déchéance qui ne démissionnerait pas s’exposerait à des sanctions pénales. En revanche, ont
été considérées comme fautive et préjudiciable à la société la démission du gérant d’une
société hôtelière à la veille du début de saison ou la démission du gérant d’une société viticole
le premier jour des vendanges.

132
Le décès

La révocation (C. com., art. L. 223-25) : Il existe deux voies de révocation :

- La révocation par les associés : Le gérant peut être révoqué par décision des associés
représentant plus de la moitié des parts sociales, sauf majorité statutaire plus forte et majorité
des votes en cas de seconde convocation. S’il est associé, le gérant prend part au vote
(contrairement au gérant associé d’une SNC). Ainsi, s’il est majoritaire, le gérant de SARL ne
craint pas cette forme de révocation. C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu une
second mode de révocation (non prévu dans la SNC) : la révocation judiciaire.

L’article L. 223-25 al. 1 C. com. précise que si la révocation est décidée par les associés sans
« justes motifs », elle peut donner lieu à des dommages et intérêts. La notion de justes motifs a
été forgée par la jurisprudence. Les justes motifs ne sont pas appréciés exclusivement au
regard du comportement du gérant, mais aussi de la préservation de l’intérêt social. La faute
peut être constituée par :
➢ le non-respect de la loi (ex : un gérant qui procéderait, seul, à une augmentation de
capital) ;
➢ le non-respect des statuts (ex : dépassement des limites statutaires à son pouvoir) ;
➢ la fraude (ex : le détournement de fonds) ;
➢ la faute de gestion : les juges admettent la faute de gestion comme juste motif de
révocation lorsqu’elle fait peser des risques importants à la société ;
➢ la perte de confiance : la Cour de cassation admet ce juste motif si la perte de
confiance repose sur des éléments objectifs (Cass. com., 4 mai 1993 : Rev. Sociétés
1993, p. 800, note P. Didier).
En revanche, le simple changement de majorité ne constitue pas un juste motif de révocation,
à moins que les divergences entre le gérant et les nouveaux associés soient si graves qu’elles
compromettent la poursuite de l’objet social (Cass. Com., 4 mai 1999 : Bull. Joly 1999, p.
914, note P. Le Cannu).

- La révocation judiciaire : Un associé peut demander en justice la révocation du gérant pour


133
cause légitime. Ce mode de révocation est le seul pouvant être exercé par les associés
minoritaires contre le gérant associé majoritaire. En cas d’urgence, la révocation peut être
décidée par le président du TC statuant en référé.

B- Les pouvoirs du gérant

1) Pouvoir du gérant dans ses rapports avec les associés

À l’égard des associés, les pouvoirs du gérant sont déterminés par les statuts ou, à défaut, par
renvoi à l’article L. 221-4 C. com. applicable aux SNC (C. com., art. L. 223-18). Ainsi, le
gérant de la SARL peut accomplir, comme celui de la SNC, tous actes de gestion (acte de
disposition, d’administration) dans l’intérêt de la société. Les statuts peuvent prévoir des
limitations de pouvoir, notamment pour les contrats importants et le gérant commettrait une
faute en ne respectant pas ces limitations ( Exemple : nécessité d’une autorisation de
l’assemblée des associés pour toute cession d’immeuble, ou pour tout engagement d’une
valeur supérieure à 100 000 euros). Cette faute constituerait un motif de révocation et pourrait
engager la responsabilité du gérant vis à vis de la société en cas de préjudice. Toutefois, le
principe d’inopposabilité des clauses statutaires de limitation des pouvoirs trouve à
s’appliquer et il ne souffre d’aucune exception (même si le tiers en a connaissance, elles lui
restent inopposables).

En cas de pluralité de gérants, dans le silence des statuts, chacun des gérants a les pouvoirs
d’un gérant unique. Chaque gérant peut cependant s’opposer (droit de veto) à toute opération
avant sa conclusion. Les statuts peuvent instituer une gérance collective, c’est-à-dire un
conseil de gérance, ou une simple répartition des compétences (ex : répartition des pouvoirs
entre gérants en fonction de leurs compétences). Cette répartition est toutefois inopposable
aux tiers.

2) Pouvoir du gérant dans ses rapports avec les tiers

Dans le cas du gérant unique, l’article L. 223-18, al. 5 C. com. dispose :


134
« Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir
en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue
expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne
relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte
dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu
que la seule publication des statuts suffise à constituer la preuve. »

Si le gérant dépasse l’objet social, il peut engager sa responsabilité à l’égard de la société, en


cas de préjudice.

En cas de pluralité de gérants, l’article L. 223-18, al. 7 C. com. énonce :

« En cas de pluralité de gérants, ceux-ci détiennent séparément les pouvoirs prévus au


présent article. L’opposition formée par un gérant aux actes d’un autre gérant est sans effet à
l’égard des tiers, à moins qu’il ne soit établi qu’ils en ont eu connaissance. »

Remarque : On peut observer que la protection des tiers est plus forte dans la SARL que dans
la SNC. Cette protection est la contrepartie de la responsabilité limitée des associés. La
sécurité des tiers est assurée de manière simple et efficace, il leur suffit de vérifier si la
personne qui contracte avec eux est mentionnée au RCS. Mais ils ne peuvent se prévaloir de
cette garantie quand le ou les gérants dépassent le cadre légal de leurs pouvoirs et prennent
des décisions qui appartiennent exclusivement à la collectivité des associés (par exemple, la
modification des statuts).

3) Responsabilité de la gérance

La responsabilité civile du gérant est prévue à l’article L. 223-22 C. com. Les gérants sont
responsables individuellement et solidairement, selon les cas, envers la société ou les tiers.

Les causes de responsabilité reposent sur la faute :


135
➢ violation de la loi applicable aux SARL ;
➢ violation des statuts ;
➢ faute de gestion.
Il faut noter que les tribunaux sont réticents à reconnaître la responsabilité pour faute de
gestion, car une extension de cette notion risquerait de bloquer la direction des entreprises qui
comporte toujours un risque et un droit à l’erreur. Aussi la faute doit-elle comporter une
gravité telle qu’elle fait supporter des risques non négligeables à la société.

Lorsque l’action est intentée en réparation du préjudice subi par la société, on parle d’action
sociale. L’action sociale doit normalement être introduite par le gérant, mais, s’il est encore en
place, la mise en œuvre de cette responsabilité est impossible. En revanche, à la suite de la
révocation du gérant fautif, le nouveau gérant pourra agir au nom de la société. L’action
sociale peut être engagée par un associé ou par un groupe d’associé représentant au moins le
dixième du capital social. L’intérêt de cette disposition est de permettre la répartition des frais
de justice.

L’action individuelle et l’action sociale se prescrivent par trois ans à compter du fait
dommageable ou, s’il a été dissimulé, de sa révélation. Par exception, ces actions se
prescrivent par dix ans si le fait est qualifié de crime (C. com., art. L. 223-23).

Le gérant encourt en outre une responsabilité pénale au titre de sa gestion en cas de


distribution de dividendes fictifs, de présentation de faux bilan, ou encore d’abus de biens
sociaux (C. com., art. L. 241-1 à L. 241-9).

§2/ Les associés

La loi précise les droits reconnus aux associés de la SARL (A) ainsi que le régime de cession
et transmission des parts sociales (B). Elle réglemente également les conventions conclues
entre la société et l’un de ses associés (ou le gérant) (C).

A- Les droit des associés


136
Les associés de la SARL bénéficient des mêmes prérogatives que les associés des autres
sociétés commerciales, et notamment de ceux de SNC. Ils ont ainsi droit au maintien de la
qualité d’associé, sans être contraints à une augmentation de leur engagement. Il convient
néanmoins de signaler quelques particularités concernant le droit à l’information et le droit de
participer aux décisions collectives ou d’être consultés par écrit.

1) Le droit à l’information

Les règles relatives au droit d’information sont d’ordre public. En conséquence, toute clause
statutaire contraire serait réputée non écrite.

Il faut distinguer le droit d’information permanent et le droit d’information ponctuel


(précédant les assemblées).

À toute époque de l’année, l’associé peut prendre connaissance au siège social des principaux
documents sociaux concernant les trois derniers exercices sociaux : comptes annuels,
inventaires, rapport soumis aux assemblées, procès-verbaux des assemblées, etc. (C. com., art.
L. 223-26, al. 2).

Par ailleurs, les comptes annuels, le rapport de la gérance et celui, le cas échéant, du CAC
doivent être adressés à tous les associés dans les quinze jours qui précèdent la tenue de l’AG
d’approbation des comptes. À dater de la communication desdits documents, l’associé qui le
souhaite a la faculté de poser des questions écrites auxquelles le gérant est tenu de répondre
au cours de l’assemblée. Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la nullité de la
délibération (C. com., art. L. 223-26, al. 2) et l’imputation de sanctions pénales à la charge du
gérant.

2) Le droit de participer aux décisions collectives ou d’être consulté par écrit

Chaque associé a droit de participer aux décisions et dispose d’un nombre de voix égal à celui
137
des parts sociales qu’il détient. Toute clause contraire est réputée non écrite (C. com., art. L.
223-28).

La loi prévoit trois modes de consultation : en assemblée, par consultation écrite ou par acte
des associés. La consultation en assemblée est obligatoire pour l’approbation des comptes
annuels, dans les six mois de la clôture de l’exercice (C. com., art. L. 223-27, al. 3), ainsi que
lorsque la réunion est demandée par un ou plusieurs associés détenant le dixième des parts
sociales et représentant le dixième des associés (al. 4 créé par une ordonnance du 4 mai 2017).
En toute autre matière, les statuts peuvent prévoir que certaines décisions seront prises par
consultation écrite des associés, ceux-ci disposant d’un délai minimal de quinze jours pour
émettre leur vote par écrit. Ces décisions peuvent aussi résulter du consentement unanime des
associés exprimé dans un acte sous seing privé ou notarié.

Il revient au gérant et, à défaut, au CAC de prendre l’initiative de convoquer les associés aux
assemblées et de provoquer les consultations écrites, dans les six mois suivant la clôture de
l’exercice, sous réserve de prolongation de ce délai par décision de justice (C. com., art. L.
223-26). En cas de carence des organes sociaux, les associés disposent du droit de faire
convoquer l’assemblée en utilisant l’une des deux procédures suivantes :
➢ un ou plusieurs associés détenant la moitié des parts sociales ou détenant, s’ils
représentent au moins le dixième des associés, le dixième des parts sociales, peuvent
demander la réunion d’une assemblée (cf. supra) ;
➢ tout associé peut demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de
convoquer l’assemblée et de fixer l’ordre du jour (C. com., art. L. 223-27, al. 7).

La loi fait une distinction entre les décisions collectives ordinaires (C. com., art. L. 223-29) et
extraordinaires (C. com., art. L. 223-30).

Les décisions collectives ordinaires : Ce sont celles qui ont pour but de statuer sur toutes
questions n’entraînant pas la modification des statuts (par exemple, approbation des comptes
de l’exercice clos, révocation ou remplacement de la gérance, autorisation donnée au gérant
de conclure une convention subordonnée à l’accord des associés). Aucun quorum n’est exigé.
138
Il y a une majorité légale :
➢ sur première convocation, plus de la moitié des parts sociales souscrites (majorité
absolue). Une clause statutaire peut prévoir une majorité supérieure.
➢ Sur deuxième convocation, la majorité requise est celle du nombre de voix émises
quel que soit le nombre de participants. Les statuts peuvent prévoir une majorité plus
élevée sauf pour la révocation du gérant qui ne peut être décidée qu’à la majorité
absolue.

Les décisions collectives extraordinaires : Ce sont celles qui ont pour but de statuer sur
toutes questions entraînant la modification des statuts (par exemple, augmentation ou
réduction du capital social, poursuite de l’activité malgré des capitaux propres inférieurs à la
moitié du capital social). Il y a des conditions de quorum et de majorité.
Quorum = Depuis la loi PME du 2 août 2005, et pour les sociétés constituées depuis son
entrée en vigueur, les associés présents ou représentés doivent posséder au moins un quart des
parts sociales sur première convocation, et un cinquième sur deuxième.
Majorité = En principe, la majorité requise est celle représentant au moins les deux tiers des
parts sociales détenues par les associés présents ou représentés. Les statuts ne peuvent pas
fixer une majorité plus élevée, sauf dans les sociétés constituées après l’entrée en vigueur de
la loi du 2 août 2005.
Par exception, certaines décisions doivent obligatoirement être prises à des règles de majorité
plus sévères.
Doivent ainsi être prises à l’unanimité les décisions suivantes : changement de nationalité de
la société, transformation de la société en SNC, SCS, SCA ou SAS et augmentation des
engagements des associés.
Quant à la décision d’autorisation de cession ou de nantissement de parts sociales à un tiers,
elle doit être prise à une double majorité : majorité en nombre des associés et majorité des
trois quarts des parts sociales.
Enfin, les décisions suivantes sont soumises à la simple majorité absolue : transformation de
la société en SA si les capitaux propres figurant au dernier bilan excèdent 37 000 € et
augmentation du capital social par incorporation de réserves ou de bénéfices.

139
B- La transmission de parts sociales

La SARL reste marquée par l’intuitus personae. En conséquence, la cession de parts sociales
à des tiers (et éventuellement entre associés) est réglementée, même si le régime est plus
souple que dans la SNC.

La cession en faveur d’un tiers peut s’opérer en respectant une procédure en trois étapes (C.
com., art. L. 223-14) :

1° Notification du projet de cession : l’associé cédant doit notifier son projet de cession par
acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec avis de réception à la société, mais aussi à
tous les associés, sous peine de nullité de la cession.

2° Consultation des associés : dans les huit jours à compter de la notification, le gérant doit
convoquer les associés afin qu’ils délibèrent sur le projet de cession (éventuellement par
consultation écrite si les statuts le prévoient).

4° Autorisation de la cession qui peut être :


- expresse, c’est-à-dire que la cession sera valablement autorisée par la majorité des associés
représentant au moins la moitié des parts sociales, sauf majorité statutaire plus forte ;
- tacite si la société n’a pas fait connaître la décision des associés dans les trois mois à
compter de la notification, la cession étant réputée autorisée.

ou

Refus d’autorisation : le refus doit être notifié par lettre recommandée avec avis de réception
à l’associé cédant. Ce dernier peut alors contraindre ses coassociés ou la société à acheter ses
parts ou à les faire acheter par un tiers, à condition que l’associé cédant détienne ses parts
depuis au moins 2 ans, sauf s’il les a recueillies par succession, liquidation de communauté
entre époux ou donation du conjoint, d’un ascendant ou d’un descendant. Le rachat doit
intervenir dans les trois mois du refus, délai pouvant être prorogé une seule fois de six mois
140
au maximum par le président du tribunal de commerce. Si le prix de cession ne peut pas être
fixé à l’amiable, il devra être déterminé par un expert (dont les frais sont à la charge de la
société) dans les conditions prévues à l’article 1843-4 C. civ. Le cédant peut renoncer à la
cession après dépôt du rapport d’expertise. Si, dans le délai imparti, aucune solution ci-dessus
évoquée n’est intervenue, l’associé peut réaliser la cession initialement prévue.

Entre associés, les parts sociales sont librement cessibles (C. com., art. L. 223-16). Les statuts
peuvent, toutefois, limiter cette cessibilité. Dans cette hypothèse, le formalisme imposé par la
cession à un tiers est applicable, mais les statuts peuvent réduire la majorité requise et abréger
les délais ci-dessus décrits.

Enfin, pour ce qui est de l’opposabilité de la cession, il faut se référer à l’article L. 223-17 C.
com. :
➢ pour être opposable à la société, la cession doit être constatée par écrit et être notifiée à
la société, soit dans les formes de l’article 1690 C. civ. (signification par huissier ou
acceptation de la société dans un acte authentique), soit par le dépôt d’un original de
l’acte au siège social contre remise par le gérant d’une attestation de dépôt ;
➢ pour être opposable aux tiers, il faut publier au RCS les statuts modifiés constatant la
cession.

C- Les conventions entre la société et un associé (ou gérant)

Afin de prévenir les conflits d’intérêts et d’éviter le détournement de l’actif social au profit
exclusif de certains associés, les conventions passées entre la société et l’un des associés ou
gérants obéissent à un régime particulier.

1) Les conventions interdites

L’article L. 223-21 interdit aux gérants et aux associés de :


- contracter des emprunts auprès de la SARL ;
- se faire consentir par elle un découvert de compte courant ;
141
- faire cautionner ou avaliser par la SARL leurs engagements personnels à l’égard de tiers.

Ces conventions interdites sont entachées de nullité absolue.

2) Les conventions réglementées

La loi (C. com., art. L. 223-19) a institué une procédure de contrôle qui est une transposition
des conventions réglementées applicable dans les sociétés anonymes (v. supra).

Les conventions visées sont :


- toute convention intervenue directement ou par personne interposée entre la SARL et l’un de
ses associés ou gérant (selon la jurisprudence, il y a interposition de personne dès lors que le
tiers qui a conclu la convention avec la SARL n’est pas le véritable bénéficiaire mais qu’elle
profite à une personne visée par la loi) ;
- les conventions passées entre la SARL et une société dont un associé est indéfiniment
responsable, gérant, administrateur, directeur général, membre du directoire ou du conseil de
surveillance est simultanément gérant ou associé de la SARL.

La procédure à respecter est la suivante :


1° L’associé ou le gérant doit aviser le CAC ou le gérant (selon les cas) dans le délai de un
mois à compter de la conclusion de la convention.
2° Le gérant ou le CAC, s’il en existe un, doit établir un rapport spécial relatant les
conventions soumises au contrôle des associés. Ce rapport est généralement présenté à
l’assemblée lors de l’approbation des comptes annuels.
3° Les associés approuvent ou désapprouvent les conventions objets du rapport spécial.
L’associé intéressé ne peut pas prendre part au vote et ses parts ne sont pas prises en compte
pour le calcul de la majorité.

Si la convention n’est pas approuvée par les associés, elle produira néanmoins ses effets à
l’égard des tiers ; mais le gérant ou l’associé engage sa responsabilité à l’égard de la société si
la convention a eu des effets dommageables. Le gérant ou l’associé engage aussi sa
142
responsabilité en ne soumettant pas la convention à l’approbation des autres associés.

3) Les conventions libres

Par exception, la procédure de contrôle ne s’applique pas aux conventions portant sur des
opérations courantes et conclues à des conditions normales. Pour la jurisprudence, sont
considérées comme des opérations courantes conclues à des conditions normales les
opérations effectuées par la société dans le cadre de son activité habituelle et conclues à des
conditions semblables par d’autres sociétés ayant la même activité.

§3/ Le CAC

Les associés doivent obligatoirement nommer un CAC si la société dépasse au moins deux de
ces trois seuils : 4 millions d’€ au total du bilan, 8 millions d’€ de chiffre d’affaires HT et
cinquante salariés (C. com., art. L. 225-35, renvoyant à art. D. 221-5). Tant que la société ne
dépasse pas deux de ces seuils, la nomination du CAC n’est que facultative.

Les règles relatives au commissariat aux comptes, étudiées dans la partie relative au droit
commun des sociétés, sont applicables, pour l’essentiel, aux SARL.

Section 3 : La dissolution de la SARL

Les causes de dissolution communes à toutes les sociétés s’appliquent aux SARL.

En outre, la SARL peut être dissoute de plein droit lorsqu’elle comprend plus de cent associés
pendant une période de deux ans et qu’elle n’a pas été transformée en SA.

Par ailleurs, la SARL peut être dissoute par décision du tribunal de commerce à la demande
de toute personne intéressée lorsque les associés n’ont pas régulièrement délibéré sur la
poursuite de l’activité malgré des capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social ou
143
n’ont pas pu régulariser la situation de la société dans le délai de deux ans suivant l’exercice
au cours duquel les associés ont constaté les pertes faisant apparaître des capitaux inférieurs à
la moitié du capital social (C. com., art. L. 223-42).

La loi du 11 juillet 1985 consacrant désormais la licéité des sociétés unipersonnelles à


responsabilité limitée, la réunion de toutes les parts en une seule main n’est plus une cause de
dissolution. Dans ce cas, la SARL pluripersonnelle se transforme automatiquement en EURL.

Les effets de la dissolution sont de droit commun.

CHAPITRE 2 : L’ENTREPRISE UNIPERSONNELLE À RESPONSABILITÉ LIMITÉE

Sous la désignation d’EURL, la loi du 11 juillet 1985 a permis à une seule personne, physique
ou morale, d’instituer par un acte unilatéral de volonté, une SARL.

Plus que tout autre société, l’EURL réalise juridiquement l’idée d’un patrimoine d’affectation.
En effet, elle permet à un entrepreneur d’affecter à une personne morale une partie de ses
biens, en limitant en principe sa responsabilité envers les tiers au montant de son apport, sans
avoir à recourir, comme avant, à des sociétés pluripersonnelles fictives dont les associés ne
sont que des prête-noms de l’entrepreneur principal. Mais la limitation de la responsabilité
doit être relativisée, notamment :
➢ en cas d’emprunt par l’EURL, l’établissement prêteur demande, en général, à l’associé
unique d’apporter une garantie sur ses biens personnels ;
➢ l’associé unique risque d’être plus facilement poursuivi pour les fautes qu’il a pu
commettre dans la gestion de la société, sur le fondement d’une action pour
insuffisance d’actif ou de se voir étendre la procédure collective ouverte contre la
société pour avoir confondu le patrimoine de celle-ci avec son patrimoine personnel
(v. infra à propos des groupes de sociétés).

144
Les règles de la SARL s’appliquent à l’EURL, exception faite de quelques dispositions qui lui
sont propres. Ces dispositions particulières ont trait à l’associé unique, à la gérance et au statut
fiscal.

I. - L’associé unique

L’associé unique peut être une personne physique ou morale. Il doit être animé de la volonté
de se comporter en tant que membre d’une personne morale sans avoir l’affectio societatis.
Alors qu’une EURL ne pouvait avoir pour associé une autre EURL (ou une SARL),
l’ordonnance du 31 juillet 2014 a abrogé l’interdiction figurant à l’article L. 223-5 C. com. La
possibilité de créer des « cascades » d’EURL, demandée par la pratique, est ainsi reconnue.

L’associé unique exerce les pouvoirs et prend les décisions dévolues à l’assemblée des
associés dans les SARL pluripersonnelles. Les dispositions relatives à la tenue des
assemblées, à la convocation des associés, au vote de ceux-ci et au calcul des majorités des
décisions collectives ordinaires et extraordinaires ne s’appliquent aux EURL. De même,
l’associé unique peut céder librement à un tiers tout ou partie de ses droits sociaux, sans
devoir respecter, bien évidemment, une procédure d’agrément. En revanche, les règles
applicables aux conventions conclues entre la société et l’associé unique (ou le gérant) sont
les mêmes que celles applicables aux SARL pluripersonnelles (conventions interdites,
réglementées et autorisées).

II. - La gérance

La gérance est généralement assurée par l’associé unique. Elle peut également être confiée à
un tiers, ce qui est obligatoirement le cas lorsque l’associé unique est une personne morale.

Les conditions de nomination du gérant, la durée de ses fonctions, l’étendue de ses pouvoirs,
sa responsabilité sont les mêmes que pour la SARL pluripersonnelle.

III. - Le statut fiscal


145
Si l’associé unique est une personne physique, la société est soumise au régime fiscal des
sociétés de personnes à moins d’opter pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés. En
revanche, si l’associé unique est une personne morale, la société est de plein droit soumise à
l’impôt sur le revenu.

TITRE 5 :

LA SOCIÉTÉ À MISSION

La loi n° 2019-489 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des


entreprises, plus connue sous le nom de « loi Pacte » invite à interroger le rapport entre la
société, technique d’organisation de l’actionnariat et des pouvoirs, et l’entreprise, lieu
d’expression d’intérêts divers articulés autour d’une activité économique et des moyens
humains et matériels. Pour rappel (semestre 1), les dispositions prévues consistent ainsi à
intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans l’intérêt social (C. civ., art. 1833) et à
prévoir la possibilité pour les sociétés qui veulent aller vers une gestion moins exclusivement
tournée vers la réalisation d’un bénéfice de se doter d’une « raison d’être » (C. civ., art. 1835).

Les rédacteurs de la loi PACTE ont voulu aller encore loin dans son objectif de
rapprochement de la société et de l’entreprise en créant le statut – car ce n’est pas une
nouvelle forme sociale – de société à mission.

Trois articles (seulement) ont été créés : les articles L. 210-10 à L. 210-12.

Désormais, à certaines conditions, une société commerciale peut être dite « à mission ». Elle
peut se prévaloir publiquement de cette qualité. Plusieurs sociétés ont décidé de basculer vers
le « statut » de société à mission, même sans attendre le décret d’application (n° 2020-1 du 2
janvier 2020) : Danone, la MAIF, ou la société d’investissement Meridiam (à la tête du
146
« nouveau » Suez).

Pour étudier cette société à mission, il convient de s’intéresser d’abord à l’étape inaugurale,
c’est-à-dire celle de l’acquisition de la qualité de société à mission (Chapitre 1). Puis les
implications de cette qualité nouvellement reconnue sera envisagée (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : L’ACQUISITION DE LA QUALITE DE SOCIETE A MISSION

L’article L. 210-10 du Code de commerce débute par une formule à laquelle le spécialiste de
droit des sociétés n’est pas habitué : « une société peut faire publiquement état de la qualité
de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées ».

Cette 1ère phrase dicte la démarche à suivre. Il convient de préciser le sens de cette qualité de
société à mission (Section 1) avant d’en préciser les conditions d’obtention (Section 2).

Section 1 : Le sens de la qualité de société à mission

Ce qu’est la société à mission. La société à mission n’est pas une structure sociale nouvelle
venant s’ajouter à la multitude des types sociétaires existant déjà en droit français. Lors de la
constitution d’une société, l’on ne choisit pas d’opter pour une société à mission, à la place de
la SARL ou d’une SA. Ce choix effectué par le législateur est heureux. La multiplication des
types sociétaires est généralement dénoncée en ce qu’elle participe de l’illisibilité du droit
français de société, parce qu’elle le rend plus complexe.

La société à mission est donc exactement ce que dit l’article L. 210-10 du Code de
commerce : une qualité. Elle est une sorte de coloration, une teinte dont peut se prévaloir la
société, à titre complémentaire. Pour autant, cette qualité ou ce label que la société peut
avancer en l’affichant publiquement, n’est pas sans conséquence sur le fonctionnement (v.
infra). En d’autres termes, le label implique certaines règles qui viennent s’ajouter à celles
147
déjà prévues par le droit spécifiquement pour chaque structure sociale.

Ce que véhicule la société à mission. La notion de label, avec les contraintes que son octroi
implique, apparaît importante pour bien comprendre les raisons qui peuvent pousser une
société à opter pour cette qualité. Il y a notamment cette volonté de se mettre à l’abri des
revirement actionnariaux, dans la mesure où ceux-ci sont plus fréquents dans une société
marquée par le court-termisme financier. Concrètement, un actionnaire d’aujourd’hui
soucieux d’une éthique et d’un engagement social particulier de l’entreprise n’est peut-être
pas celui de demain, voire de l’après-midi même.

Plus généralement, la société à mission a quelque chose à voir avec le message que veut
renvoyer la société. En affichant publiquement ce label, la société travaille son image. Elle
inscrit dans le marbre ce qui fait son essence tout en organisant les conditions du respect de
cet objectif qui constitue son ADN. L’engagement ainsi défini devient « moteur » et se trouve
réellement inscrit dans la gouvernance de l’entreprise.

La société à mission ne se place pas en dehors d’une finalité lucrative. En réalité, comme
toutes les sociétés, elle s’y soumet selon une finalité sociale particulière. De plus, le choix
d’une société à mission aura des utilités non négligeables. Par exemple, la société à mission
peut être un moyen de défense contre les prises de contrôle (OPA). En effet, dans les sociétés
classiques, une déstabilisation de la stratégie peut être obtenue sans prendre le contrôle total
de la société. Mais cette possibilité disparaît avec la société à mission qui exige d’être
contrôlée avec une majorité qualifiée pour modifier la mission ou la faire disparaître.

Section 2 : Les conditions de la qualité de société à mission

L’acquisition de ce label obéit à des conditions strictes, elles-mêmes posées par l’article L.
210-10.

Il existe tout d’abord une 1ère condition qui découle indirectement de la localisation de cette
disposition dans le Code de commerce : seules les sociétés commerciales et les GIE peuvent
148
solliciter la qualité de société à mission. En outre, par renvoi à l’article 7 de la loi n° 47-1175
du 10 septembre 1947, les coopératives peuvent également bénéficier de cette possibilité. En
revanche, une société civile ne peut pas bénéficier de ce label.

Les statuts de la société doivent ensuite préciser une raison d’être au sens de l’article 1835
du Code civil (C. com., art. L. 210-10, 1°). Ce qui est une faculté pour toutes les sociétés
depuis la loi Pacte est une obligation pour être une société à mission. Pour mémoire, « les
statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et
pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité »
(C. civ., art. 1835).

Exemple de raison d’être du Crédit Agricole, dont le contenu est peu précis : « agir dans
l’intérêt de nos clients et de la société ».

En revanche, la raison d’être de Carrefour est beaucoup plus précise : « Notre mission est de
proposer à nos clients des services, des produits et une alimentation de qualité et accessibles
à tous à travers l’ensemble des canaux de distribution. Grâce à la compétence de nos
collaborateurs, à une démarche responsable et pluriculturelle, à notre ancrage dans les
territoires et à notre capacité d’adaptation aux modes de production et de consommation,
nous avons pour ambition d’être leader de la transition alimentaire pour tous. »

Outre une raison d’être, les statuts doivent préciser la mission de la société, c’est-à-dire « un
ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de
poursuivre dans le cadre de son activité ». C’est ici où l’on perçoit le lien entre la RSE et la
société à mission, la seconde permettant à la première d’être institutionnalisée au sein de la
gouvernance.

Ces objectifs sociaux et environnementaux peuvent être nombreux et variés. Il est


impossible de proposer un cadre type de rédaction de mission comme on le fait pour des
statuts de société. Chaque entreprise aura sa propre mission, ses propres objectifs. Par
exemple, il peut s’agir de la réduction de l’empreinte écologique, de l’affirmation de la mixité
149
du personnel, de l’affectation d’une partie des profits à une œuvre humanitaire. Il faut soigner
la rédaction de la mission. En effet, une mission large risque d’entraver le fonctionnement du
comité de mission (infra) qui ne pourra pas en contrôler l’application.

Les statuts doivent par ailleurs préciser les modalités de suivi de l’exécution de la mission.
Ces modalités doivent ainsi prévoir la mise en place d’un comité de mission, distinct des
organes sociaux (v. infra).

De même, pour que ce label soit accordé, encore faut-il que l’exécution des objectifs sociaux
et environnementaux soient vérifiée par un organisme tiers indépendant (v. infra).

Enfin, la société doit déclarer sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de


commerce, qui la publie au RCS, sous réserve de la conformité de ses statuts aux conditions
mentionnées aux 1° à 3°.

Formellement, les conditions d’obtention de la qualité de société à mission ne font donc pas
preuve d’une grande sévérité. Mais sur le fond, ce label entraîne des implications importantes
lors de la vie sociale.

CHAPITRE 2 : LES IMPLICATIONS DE LA QUALITE DE SOCIETE A MISSION

Deux remarques préalables méritent d’être formulées.

Tout d’abord, le régime d’une société à mission n’est pas très étoffé. Rien n’empêche donc de
le compléter par des dispositions statutaires pourvu que celles-ci ne soient pas contraires à
l’OP. Pour cette raison, la souplesse de la SAS est recommandée.

Ensuite, la qualité de société à mission n’est pas irréversible. Rien n’empêche les actionnaires
de se retirer de ce qu’ils ont sollicité. Toutefois, une telle volte-face n’est pas très
150
recommandée en termes d’image.

S’agissant du statut mis en place par le Code de commerce, celui-ci s’articule autour d’une
exigence essentielle : s’assurer que la mission demeure au centre de l’activité de la société et
qu’un suivi soit mis en place. À cette fin, une vérification de l’exécution de la mission est
instaurée (Section 1). Des sanctions sont prévues si la mission n’est pas respectée (Section 2).

Section 1 : Le contrôle de la mission

Deux organes participent à la vérification. Les textes ont prévu l’existence d’un comité
spécifique interne à la société (§1), tandis qu’une évaluation externe est aussi envisagée (§2).

§1/ Le comité de mission

L’article L. 210-10, 3° du Code de commerce prévoit l’institution d’un comité de mission.


D’un point de vue organique, il est distinct des organes sociaux classiques. La tâche ne peut
donc pas être dévolue au CA, directoire ou au CS. Il s’agit d’un organe séparé, venant
s’ajouter à ceux existant déjà. Son organisation peut être réglée par les statuts, notamment
quant à la prise de décision.

Concernant sa composition, celle-ci est libre avec une seule exigence posée par les textes. Le
comité doit comprendre au moins un salarié. Pour le reste, le comité peut être composé de
plusieurs salariés, de dirigeants, d’actionnaires (minoritaires ou de référence), d’experts et de
membres indépendants.

Ce comité est chargé exclusivement du suivi de la mission et procède à toute vérification


qu’il juge opportune. Le texte l’a doté à cet effet de certains pouvoirs étant donné qu’« il
peut se faire communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission ».

Chaque année, le comité de mission établit un rapport qui est joint au rapport de gestion
présenté à l’assemblée destinée à approuver les comptes. Ce faisant, le législateur permet aux
151
actionnaires de vérifier que la mission n’est pas outrepassée par les dirigeants et que
l’entreprise ne trahit pas les objectifs qu’elle s’est assignée.

La nomination d’un comité de mission est obligatoire. Une seule exception est prévue dans les
très petites sociétés (moins de 50 salariés) où le comité de mission peut être remplacé par un
« référent de mission ». Cette possibilité témoigne de ce que la société à mission n’est pas
réservée aux grandes entreprises. Le texte précise que le référent mission peut être un salarié
ou un associé, mais pas un dirigeant dans la mesure où le « comité » doit être distinct.

§2/ Le tiers indépendant

Le suivi de l’exécution de la mission n’est pas que de nature exclusivement interne. Le


législateur a également prévu une vérification externe, de dimension objective et
indépendante. Selon l’article L. 210-10, 4°, « l’exécution des objectifs sociaux et
environnementaux mentionnés au 2° fait l’objet d’une vérification par un organisme tiers
indépendant, selon des modalités et une publicité définie par décret en Conseil d’État ».
L’avis de l’organisme sera joint au rapport établi par le comité de mission afin que
l’assemblée puisse en prendre connaissance.

Qui pourrait être un organisme tiers indépendant ? L’article R. 210-21 du Code de commerce,
dans sa rédaction issue du décret du 2 janvier 2020, prévoit que l’organisme tiers indépendant
est désigné parmi une série d’organismes accrédités. Cela pourra être une agence de notation
sociale ou un CAC.

L’organisme est désigné par l’organe en charge de la gestion, sauf clause statutaire
contraire. Il est donc possible que les statuts organisent une nomination du tiers par
l’assemblée.

Qu’en est-il du contenu de sa mission ? Ce tiers procède, au moins tous les 2 ans, à la
vérification des objectifs mentionnés au titre de la mission. Afin qu’il puisse délivrer son
avis, le tiers a accès à l’ensemble des documents détenus par la société et procède à toute
152
vérification sur place qu’il estime utile. Enfin, il rend un avis motivé qui retrace les diligences
mises en œuvre par ses soins et il indique si la société respecte ou non les objectifs qu’elle
s’est assignés. Le cas échéant, il devra mentionner les raisons pour lesquelles il lui a été
impossible de parvenir à une conclusion.

Section 2 : Les sanctions de l’inexécution de la missio

L’inexécution de la mission entraîne une double série de sanctions : d’une part, le dirigeant
peut être sanctionné ; d’autre part, la société elle-même pourra être affectée dans son
fonctionnement.

§1/ La sanction du dirigeant

Les sanctions sont d’abord internes. De la même façon que le dirigeant engage sa
responsabilité à l’égard de la société s’il ne respecte pas la raison d’être, il engagerait sa
responsabilité s’il venait à agir en méconnaissance des engagements impliqués par la
mission. Un actionnaire pourrait aussi engager une action ut singuli sur ce fondement,
notamment en considérant que la réputation de la société s’en est trouvé affectée.

Et sans nul doute faut-il y voir également là un juste motif de révocation.

La sanction est nécessairement réservée à la sphère interne. Un acte ne pourrait pas être
annulé parce qu’il aurait été passé au mépris de la mission impartie en application de l’article
L. 210-10 du Code de commerce.

§2/ La sanction spécifique liée à la qualité de société à mission

L’article L. 210-11 du Code de commerce prévoit un dispositif spécifique de sanction si les


engagements nés de la qualité de société à mission sont méconnus. Dans cette hypothèse, une
disqualification, et donc une perte de label, est envisagée. En effet, lorsque l’une des
conditions de l’article L. 210-10 n’est pas respectée, ou lorsque l’avis de l’organisme
153
indépendant conclut qu’un ou plusieurs des objectifs sociaux et environnementaux de la
société ne sont pas respectés, une procédure est prévue.

Ainsi, « le ministère public ou toute personne intéressée peut saisir le président du tribunal
statuant en référé aux fins d’enjoindre, le cas échéant sous astreinte, au représentant légal de
la société de supprimer la mention “société à mission” de tous les actes, documents ou
supports électroniques émanant de la société ». En somme, la société à mission ne saurait
devenir un label creux, respecté au début de l’aventure sociale puis mis ensuite de côté, tout
en continuant à bénéficier de l’étiquette qui participe pourtant de la communication de
l’entreprise.

Conclusion. La société à mission est neuve en droit français. Il faudra plusieurs années avant
de pouvoir apprécier la portée de ce nouveau modèle. Mais, près de 4 ans après l’adoption de
la loi Pacte, certains n’hésitent plus. La société à mission est-elle déjà entrée dans les mœurs ?

TITRE 6 :

LE GROUPE DE SOCIÉTÉS

La question des groupes de sociétés est importante car les plus grandes entreprises sont
constituées sous cette forme. Il en va ainsi d’EADS dans l’aéronautique, de Vivendi dans le
domaine des médias et de la communication ou encore de LVMH dans l’industrie du luxe.
Mais le développement des groupes n’est pas l’apanage des grandes entreprises. De
nombreuses PME adoptent cette structure : elles sont alors constituées sous la forme de
micro-groupes réunissant le plus souvent moins de 4 entités.

Historiquement, ce sont les entreprises américaines qui, les premières, se sont rassemblées
pour constituer des groupes à la fin du XIXème siècle. Pour rester compétitives, les autres
entreprises, notamment les entreprises françaises et européennes, ont suivi. Ces concentrations
154
de sociétés, qui témoignent de la mondialisation de l’économie se réalisent souvent par le
biais des fameuses fusions-acquisitions. Ce faisant, des groupes multinationaux, c’est-à-dire
des sociétés de nationalités différentes, se développent.

Parce que le groupe de société est une réalité, au moins économique, il faut tenter de
déterminer ses contours. Après quoi, il conviendra d’identifier les règles applicables à un
groupe de sociétés ou du moins au sein d’un groupe de sociétés. Seront ainsi examinés
successivement la notion de groupe de sociétés (chapitre 1) puis le régime du groupe de
sociétés (chapitre 2).

CHAPITRE 1 : LA NOTION DE GROUPE DE SOCIÉTÉS

En un premier sens simple, le groupe de sociétés peut être défini comme un ensemble de
sociétés liées entre elles par des liens privilégiés pouvant être de nature diverse
(capitalistiques, financiers ou de coopération).

L’architecture d’un groupe est généralement la suivante : une holding, la société mère,
chapeaute une ou plusieurs autres filiales. Le rôle de la société holding est de gérer des
participations qu’elles détient dans d’autres filiales. L’expression « société holding « ne doit
pas induire en erreur : beaucoup pense qu’il s’agit d’une forme juridique de société, au même
titre que la SA ou la SARL… mais il n’en est rien. Le terme holding est un dérivé de l’anglais
to hold qui signifie tenir ou détenir. Une société holding est une société dont l’activité
principale est financière, à savoir qu’elle détient des parts ou actions d’autres sociétés.
Certaines sociétés sont des holding « pures », à savoir que leurs actifs sont uniquement
composées de titres tandis que d’autres peuvent avoir conservé une activité économique. C’est
par exemple le cas de France Télécom SA qui a une activité de téléphonie et qui, de plus,
détient ses filiales Wanadoo, Orange et bien d’autres.

Le groupe de sociétés est donc un modèle d’organisation des entreprises.


155
Il faut immédiatement relever que la jurisprudence refuse de reconnaître la personnalité
morale au groupe de sociétés. La théorie de la réalité selon laquelle la personnalité morale
doit être octroyée à tout groupement ayant un intérêt collectif distinct de celui de ses membres
et s’exprimant dans un minimum d’organisation aurait pourtant pu permettre de l’admettre.
Pour l’heure, un groupe de sociétés, parce qu’il n’a pas la personnalité morale, ne peut donc
pas contracter, ni ester en justice ou voir sa responsabilité engagée.

Est-ce à dire que le groupe n’a pas d’existence juridique ? A l’évidence, une telle affirmation
est exclue.

Pour bien comprendre la notion de groupe de sociétés, on s’interrogera sur les intérêts
justifiant la constitution d’un groupe (section 1), puis sur les critères permettant d’admettre
l’existence d’un groupe (section 2).

Section 1 : Les intérêts attachés à la constitution d’un groupe

Ces intérêts sont au nombre de 4.

Premièrement, la constitution d’un groupe permet aux sociétés, en se concentrant, d’accroître


leur compétitivité sur le marché mondial. Des économies d’échelle sont réalisées : les
fonctions administratives supports nécessaires aux entreprises (services de paie, de
comptabilité, service informatique…) sont mutualisés au sein de la holding et les filiales
peuvent ainsi se concentrer sur leur activité. Le groupe permet également de cloisonner les
risques en confiant les activités sensibles et économiquement risquées à une filiale, entité
distincte et juridiquement autonome. La filialisation permet aussi à l’entreprise d’accéder aux
marchés : une société filiale est ainsi créée sur le territoire d’un État pour atteindre son
marché.

156
Deuxièmement, la création d’un groupe présente des avantages fiscaux, ce qui démontre
d’ores et déjà que le groupe est une réalité au moins fiscale (réalisme du droit fiscal). Au-delà
de l’intérêt de créer une holding sur un territoire à fiscalité favorable, deux régimes peuvent
être mentionnés : le régime mère-fille et le régime de l’intégration fiscale.

Le régime mère-fille permet à une société holding, soumise à l’IS et détenant au moins 5 %
du capital d’une filiale également soumise à l’IS, d’être exonérée à hauteur de 95 % sur les
produits de participation qu’elle perçoit de la filiale.

Le régime de l’intégration fiscale permet de consolider l’ensemble des résultats fiscaux des
sociétés d’un groupe, sous réserve du respect de conditions contraignantes (la holding doit
notamment détenir 95 % de la filiale). La société holding détermine le résultat d’ensemble :
les déficits des sociétés se compensent avec les bénéfices des autres. Ce résultat est imposable
à l’IS et c’est la société de tête qui paiement l’impôt dû par le groupe.

La constitution d’un groupe de sociétés présent, en troisième lieu, des avantages financiers.
La capacité d’emprunt de chaque société augmente et il est possible, comme nous allons le
voir, d’emprunter entre sociétés du groupe.

Quatrièmement, il faut mentionner l’intérêt d’un microgroupe très fréquemment employé en


pratique et visant à dissocier la propriété d’un immeuble et celle d’un fonds de commerce.
Une société civile immobilière est constituée afin d’acquérir et de gérer un immeuble. Elle
contracte pour cette acquisition un emprunt. Elle loue ensuite l’immeuble à une SAR chargée
d’exploiter un fonds de commerce. Ce montage est fiscalement avantageux car la SCI déduit
les intérêts d’emprunt des loyers perçus et la société d’exploitation déduit, en tant que charges
d’exploitation, les loyers versés à la SCI.

Section 2 : Les critères du groupe de sociétés

157
Aucun texte de droit français ne définit le groupe de sociétés. Une définition est cependant
donnée en droit de l’UE par le Règlement 2015/848 relatif aux procédures d’insolvabilité. En
son article 2, il précise que le groupe de sociétés désigne « une entreprise mère et l’ensemble
de ses filiales » et ajoute qu’une entreprise mère désigne « une entreprise qui contrôle, soit
directement, soit indirectement, une ou plusieurs filiales ».

De cette définition du groupe qui peut être utilisée au-delà dudit règlement, il en résulte que la
notion contrôle est la clé pour appréhender celle du groupe.

En droit interne, la notion de contrôle d’une société par une autre est envisagée par différents
textes du Code de commerce. Dans tous les cas, le contrôle renvoie à l’idée d’un pouvoir de
direction exercé par une société sur une autre.

Les articles L. 233-1 et L. 233-2 du Code de commerce, relatifs aux dépassements de seuils en
cas de prises de participation, appréhendent le contrôle sous l’angle de la prise de
participation. Selon l’article L. 233-1, une société est la filiale de celle, la mère, qui possède
plus de la moitié du capital social. Il faut ici souligner que la filiale se différencie très
nettement de la succursale, qui n’a pas de patrimoine propre et pas de personnalité juridique.
L’article L. 233-2 énonce qu’une société détient une participation dans une autre lorsqu’elle
détient une fraction du capital comprise entre 10 et 50 %. L’article L. 233-3 dépasse ces
critères quantitatifs et définit la notion de contrôle. Ce contrôle prend des formes variées : il
peut être de droit ou de fait. Une présomption de contrôle est en outre posée :

- il y a contrôle de droit par une société sur une autre « lorsqu’elle détient directement ou
indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote » ou
« lorsqu’elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un
accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires ». Ces hypothèses renvoient donc à un
contrôle des assemblées conférant à la société la maîtrise des décisions de la société contrôlée
;

- il y a contrôle de fait « lorsqu’elle détermine, en fait, par les droits de vote dont elle dispose,
158
les décisions dans les assemblées générales dans cette société ». Le texte ajoute qu’il y a
également contrôle lorsqu’une société associée ou actionnaire d’une autre « dispose du
pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de
direction ou de surveillance ».

- le II de l’article L. 233-3 institue une présomption de contrôle : le contrôle est présumé


lorsque la société dispose directement ou indirectement, d’une fraction des droits de vote
supérieure à 40 % et qu’aucun autre associé ou actionnaire ne détient directement ou
indirectement une fraction supérieure à la sienne.

Les définitions données conditionnent seulement l’application des règles relatives aux
notifications et informations faites à une société en cas de prise de prises de participations
dépassant certains seuils (C. com., art. L. 233-6 et s.) ainsi que des règles relatives aux
participations réciproques (C. com., art. L. 233-29 et s.).

La notion de contrôle est également définie par l’article L. 233-16 du Code de commerce à
propos des comptes consolidés. Cette exigence concerne des sociétés qui « contrôlent de
manière exclusive ou conjointe une ou plusieurs autres entreprises ».

Selon ce texte :

- il y a contrôle exclusif lorsqu’une société détient directement ou indirectement la majorité


des droits de vote dans une autre entreprise, lorsqu’elle désigne pendant deux exercices
successifs la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de
surveillance d’une autre entreprise ou lorsqu’elle exerce une influence dominante sur une
entreprise en vertu d’un contrat ou de clauses statutaires, lorsque le droit applicable le
permet ;

-il y contrôle conjoint lorsque les décisions prises le sont par des associés qui agissent
ensemble.

159
Cet article L. 233-16 a ainsi le mérite d’admettre que le contrôle peut résulter non seulement
de liens capitalistiques mais aussi contractuels, via le sous-critère de l’influence dominante.
C’est un contrôle de l’activité de l’entreprise dont il est ici question, et non un contrôle de la
personne de l’entreprise. Rares sont les travaux de droit des sociétés à s’y intéresser lorsque la
notion de groupe de sociétés est étudiée. L’influence dominante peut se définir comme le
pouvoir que peut avoir une société sur une autre, conféré par des moyens autres que les liens
capitalistiques, et qui lui permet d’agir sur l’activité de cette dernière (en ce sens, L. Bettoni,
art. infra). Grâce à ce sous-critère, des contrats de distribution intégrée (franchise, concession)
ou de sous-traitance industrielle, caractérisés par un état de dépendance économique d’une
partie à l’égard de l’autre, pourraient être appréhendés sous la qualification de groupe de
sociétés.

V. L. Bettoni, « La responsabilité de l’animateur d’un réseau de distribution pour des actes


dommageables commis par ses membres à l’aune de la notion de groupe de sociétés » : Revue
Lamy Droit des affaires, oct. 2018, n° 141, p. 39 et s.

NB : L’article L. 233-16 s’insère, en effet, dans une section consacrée aux comptes
consolidés. Par conséquent, quelle valeur accorder à cette définition du contrôle ? Pour des
auteurs, elle serait cantonnée à la consolidation des comptes et, partant, dépourvue de toute
force obligatoire en dehors de la matière comptable (M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, op.
cit., n° 1980). La conception du contrôle inscrite à l’article L. 233-16 n’auraient, au mieux,
qu’une valeur d’inspiration pour le juge et la doctrine. Or, en droit des sociétés, de
nombreuses dispositions légales, étrangères à la consolidation des comptes, se réfèrent à cette
notion de contrôle pour déterminer le périmètre d’application de règles juridiques parmi les
plus importantes de cette matière. Ainsi en est-il, à titre d’exemple, pour le cumul de mandats
des dirigeants sociaux (C. com., art. L. 225-21), pour l’information des actionnaires sur les
avantages et rémunérations attribués aux dirigeants de sociétés cotées en bourse (C. com., art.
L. 225-102-), pour l’établissement et la mise en œuvre d’un plan de vigilance (C. com., art. L.
225-102-4) ou pour les augmentations de capital par apport en numéraire (C. com., art. 225-
129-6). En outre, preuve de son influence, la notion de contrôle de l’article L. 233-16 déborde
la sphère sociétaire puisque le droit du travail s’y réfère pour délimiter le périmètre de
160
l’obligation de reclassement (C. trav., art. L. 1226-2 et 1233-4) ou pour la mise en place d’un
comité de groupe (C. trav., art. L. 2331-1). En conséquence, le contrôle tel que défini à
l’article L. 233-16 C. com. n’est pas une notion purement comptable, mais bien une notion
juridique à part entière, de surcroît consacrée par plusieurs branches du droit (en ce sens, L.
Bettoni, art. préc.).

Pour conclure sur la notion de groupe de sociétés, on relèvera qu’elle est protéiforme et que le
droit l’appréhende différemment selon l’objectif recherché. Il y a donc groupe de sociétés dès
lors qu’une société en domine une ou plusieurs autres en raison de liens de nature
capitalistique ou contractuelle.

CHAPITRE 2 : LE RÉGIME DU GROUPE DE SOCIÉTÉS

Avant toute chose, il faut rappeler que le droit ne reconnaît pas la personnalité morale au
groupe de sociétés. Ce faisant, chaque société du groupe conserve son autonomie juridique :
elle est une personne morale indépendante même si elle est dominée, en droit ou en fait, par
une autre. Pour autant, le droit, dans certaines situations, tient compte des liens particuliers
unissant les sociétés du groupe. Ainsi, l’existence d’un groupe facilite certaines opérations
financières (section 1), mais à rebours peut avoir des conséquences en termes de
responsabilité (section 2).

Section 1 : Les opérations financières au sein d’un groupe de sociétés

Parce que le groupe n’a pas la personnalité juridique, il ne peut pas avoir de patrimoine ni,
plus prosaïquement, de compte bancaire. Pour autant, un groupe ne peut pas fonctionner sans
trésorerie. Le droit autorise donc les conventions de trésorerie qui permettent au groupe de
gérer des fonds à son échelle. La société mère va ainsi centraliser et gérer ces fonds pour
l’ensemble du groupe. Les sociétés qui ont des excédents de liquidités les mettent à la
disposition du groupe, via la société mère, notamment par le biais d’avances en compte-
161
courant. Celles qui rencontrent des difficultés ou ont besoin de fonds contractent des crédits
auprès de la mère.

Ce faisant, la société mère se livre de manière habituelle à des opérations de prêts ou de


placement de liquidités, ce qui paraît heurter le monopole bancaire. Pour cette raison, les
conventions de trésorerie sont soumises à une réglementation spécifique en droit bancaire. On
retiendra seulement ici qu’elles ont été validées par la loi bancaire du 24 janvier 1984 :
l’article L. 511-7, 3° CMF les autorisent par dérogation au monopole bancaire. La dérogation
ne joue qu’à l’intérieur du groupe tel que défini par l’article précité : une société ne peut
procéder à des opérations de trésorerie qu’avec des sociétés ayant avec elle, directement ou
indirectement, des liens de capital conférant à l’une des sociétés liées un pouvoir effectif de
contrôle sur les autres.

Le droit des sociétés n’ignore pas ce type de conventions et les appréhende sous l’angle des
conventions réglementées. Ainsi, l’article L. 225-43 du Code de commerce, propre à la SA,
interdit les conventions par lesquelles les administrateurs, le DG, les DGD contractent des
emprunts auprès de la société, se font consentir par elle un découvert (en compte courant ou
autrement), ou encore se font cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers les
tiers. Mais cette interdiction ne s’applique pas aux administrateurs personnes morales. Cette
exception a précisément pour finalité de faciliter les opérations de financement internes au
sein des groupes de sociétés. La procédure d’autorisation des conventions réglementées devra
cependant être respectée (C. com ;, art. L. 225-38), sauf si la convention concernée est une
opération courant conclue à des conditions normales (C. com., art. L. 225-39). L’ordonnance
du 31 juillet 2014 a ajouté une nouvelle dérogation au sein de l’article L. 225-39 : les
conventions passées avec une filiale détenue à 100 % sont désormais exemptés.

Par ailleurs, la loi Macron du 6 août 2015 a permis la conclusion de conventions de ce type en
dehors de liens capitalistiques. La loi crée une nouvelle dérogation au monopole bancaire en
admettant le crédit interentreprises. Selon l’article L. 511-6 CMF, l’interdiction de réaliser des
opérations de crédit ne s’applique pas « aux sociétés commerciales dont les comptes du
dernier exercice clos ont fait l'objet d'une certification par un commissaire aux comptes ou
162
qui ont désigné volontairement un commissaire aux comptes dans les conditions définies au II
de l'article L. 823-3 du code de commerce et qui consentent, à titre accessoire à leur activité
principale, des prêts à moins de trois ans à des microentreprises, des petites et moyennes
entreprises ou à des entreprises de taille intermédiaire avec lesquelles elles entretiennent des
liens économiques le justifiant ». Lorsque ces conditions sont remplies (elles sont précisées
par un décret du 22 avril 2016), une SA ou une SARL peut donc prêter des fonds à une
société avec laquelle elle entretient des liens économiques.

L’existence d’un groupe impose en outre l’établissement de comptes consolidés : la situation


financière et les résultats de l’ensemble du groupe sont présentés dans des comptes uniques.
D’un point de vue comptable, le groupe est ainsi appréhendé comme une seule et même
entité. Néanmoins, chaque société reste tenue d’établir ses propres comptes.

Ces comptes sont élaborés selon les mêmes exigences comptables que les comptes
classiques : ils doivent ainsi être réguliers, sincères et donner une image fidèle du groupe. Ce
sont les CAC de la société mère qui sont chargés de leur certification. Ils doivent enfin être
approuvés par l’AG de la société mère.

Section 2 : La responsabilité au sein d’un groupe de sociétés

En principe, chaque société membre d’un groupe est autonome : elle est donc responsable
individuellement de ses actes et de ses fautes. Corrélativement, une société ne peut être tenue
des dettes d’une autre société du même groupe. Toutefois, dépassant ce principe d’autonomie
des personnes morales, la loi ou la jurisprudence tient parfois compte de l’existence d’un
groupe pour faciliter l’action des créanciers ou pour imposer des obligations à la société de
tête. C’est le cas en droit du travail, mais aussi en droit des procédures collectives ou encore
en droit de la concurrence. Le droit des obligations marque également une avancée vers la
reconnaissance d’un cas de responsabilité de la société mère du fait de sa filiale.

§1/ Le droit du travail

163
Si le droit du travail reconnaît en principe la personnalité juridique séparée de chacune des
entités du groupe, il arrive que la jurisprudence ou la loi reconstitue l’unité du groupe par-delà
les entités qui le composent.

Ainsi, s’il est démontré que la société mère exerce un pouvoir de décision et de contrôle à
l’encontre de tout ou partie des salariés de la filiale, elle se verra attribuée par le juge social la
qualité de co-employeur de ceux-ci. La théorie du co-emploi permet ainsi de mettre à la
charge de la société-mère les conséquences du licenciement des salariés d’une filiale, alors
même que celle-ci n’est pas leur employeur initial. La société mère est alors solidaire, avec
l’employeur initial, des obligations relevant du droit du travail. En cas de licenciement pour
motif économique, cela aboutit à une condamnation mécanique de la mère à verses aux
salariés de la filiale des indemnités de licenciement.

NB : Les juges se montrent exigeants pour la démonstration du co-emploi. Selon un arrêt


récent, « hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe
ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-
delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à
un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut
engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale
de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière »
(Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 18-13769).

De même, pour l’application des seuils de désignation des représentants du personnel, les
tribunaux font masse de la totalité des effectifs lorsqu’ils relèvent une unité économique et
sociale. On sait, en effet, que pour échapper à l’institution d’un comité d’entreprise, un
employeur peut s’efforcer de ne pas dépasser le seuil des cinquante salariés en créant autant
de sociétés qu’il est nécessaire, dans lesquelles l’effectif ne dépasse pas la barre fatidique. La
Cour de cassation considère, à cet égard, qu’ « une unité économique et sociale entre
plusieurs entités juridiquement distinctes se caractérise, en premier lieu, par la concentration
des pouvoirs de direction à l'intérieur du périmètre considéré ainsi que par la similarité ou la

164
complémentarité des activités déployées par ces différentes entités, en second lieu, par une
communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail
similaires pouvant se traduire en pratique par une certaine permutabilité des salariés »
(Cass. soc., 18 juill. 2000, n° 99-60.353).

Quant à l’appréhension du groupe par le législateur social, il est possible de l’illustrer par
l’obligation de procéder à la constitution d’un comité de groupe (C. trav., art. L. 2331-1 et s.)
ou encore par celle de procéder au reclassement de salariés à l’intérieur du groupe auquel
appartient l’entreprise qui envisage de procéder à un licenciement économique (C. trav., art.
1233-4).

§2/ Le droit des procédures collectives

Le droit des procédures collectives n’hésite pas, lorsqu’il entend rechercher les responsabilités
réelles, à abattre les cloisons juridiques existant à l’intérieur d’un groupe. Deux techniques
sont traditionnellement utilisées : la déclaration de confusion de patrimoine et l’action en
insuffisance d’actif.

A- La confusion des patrimoines

La théorie de la confusion de patrimoine permet d’étendre la procédure collective d’une


société à d’autres personnes.

Elle est prévue par l’article L. 621-2 C. com. pour la procédure de sauvegarde, mais peut
s’appliquer aussi au redressement et à la liquidation judiciaire. Aux termes de cet article, « la
procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion
de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale ».

Le risque d’une extension de la procédure collective est particulièrement élevé au sein des
groupes de sociétés, compte tenu des flux financiers fréquents et importants ainsi que des
liens de domination qui existent en leur sein. La confusion de patrimoine a par exemple été
165
retenu dans le cas où deux sociétés avaient le même personnel, le même siège social, les
mêmes dirigeants ainsi que leur comptabilité et leur compte bancaire étroitement imbriqués
(Cass. com., 28 mars 1995).

B- L’action en insuffisance d’actif

Autrefois dénommée action en comblement de passif, l’action en insuffisance d’actif est


prévue par les articles L. 651-1 et s. C. com. font peser sur les dirigeants de société en
procédure collective une responsabilité financière en cas de faute de gestion ayant contribué à
l’insuffisance d’actif constatée.

Cette responsabilité est susceptible de peser, au sein des groupes de sociétés, sur les sociétés
holding animatrices de leur groupe, d’autant plus qu’elle concerne aussi bien les dirigeants de
droit que les dirigeants de fait. Contrairement à la confusion des patrimoines, cependant, une
telle action ne peut aboutir sur l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de la
société mère que si le passif mis à sa charge est tel qu’il conduit à sa mise en cessation de
paiement. Il reste que la direction et l’animation du groupe présentent, au regard des règles du
droit des entreprises en difficulté, un réel danger pour les sociétés mères.

§3/ Le droit de la concurrence

Le droit de la concurrence appréhende également le groupe de sociétés à travers la crainte que


lui inspirent, en termes de risques de distorsion de la concurrence, l’apparition et le
développement d’opérateurs économiques particulièrement puissants sur un marché donné et
susceptibles d’imposer comme tels leurs conditions à leurs clients et à leurs concurrents
présents sur ce marché. Or, la nature même d’un groupe de sociétés exprime cette puissance
économique, par-delà le nombre parfois très élevé des personnes juridiques qui le composent.

Ceci explique que le droit interne comme le droit communautaire ont édicté une
réglementation, au demeurant très similaire, visant à contrôler les opérations de concentration
économique et donc le développement des groupes de sociétés.
166
En outre, les autorités de la concurrence peuvent imputer des pratiques anticoncurrentielles –
ententes ou abus de position de dominante – commis par une société filiale à la mère, quand
bien même elles sont investies d’une personnalité morale distincte, dès lors que cette filiale ne
détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour
l’essentiel les instructions qui lui sont données sur le marché, au point que la mère et la fille
forment entre elles une entité économique unique et qu’elles répondent, de ce fait, in solidum,
des agissements anticoncurrentiels de chacune d’entre elles.

Pour la Cour de cassation, la détention de l’intégralité ou de la quasi-intégralité du capital


établit une présomption simple d’influence déterminante de la société mère sur la filiale et,
partant, de sa responsabilité à l’égard de la victime d’une pratique anticoncurrentielle qu’elle
n’a pas commise (v. dernièrement, Cass. com., 18 oct. 2017, n° 16-19120).

§6/ Le droit des obligations

A tout seigneur tout honneur, clôturons l’inventaire des réglementations éparses du groupe par
le droit des obligations.

Comme cela a pu être relevé, le groupe de sociétés donne l’image d’une unité économique.
Les tiers, influencés par une telle image, sont tentés d’en induire une conséquence juridique :
la responsabilité des sociétés du groupe à l’égard des contractants d’une des entités juridiques
le composant. Soit le bailleur de la filiale X, les loyers sont impayés ; peut-il demander le
paiement à la société mère ou à une autre société du même groupe ? Autre exemple, une
filiale commet des actes de concurrence déloyale à l’encontre d’un de ses concurrents. Ce
dernier peut-il demander réparation à l’animatrice du groupe ? Pour l’heure, le droit positif
répond non (v. dernièrement, Cass. com., 14 févr. 2018, n° 16-24619).

La solution est fondée sur l’autonomie juridique des sociétés qui composent le groupe et sur
l’idée qu’une personne juridique ne peut normalement pas être tenue pour responsable des
actes commis par d’autres.
167
Aujourd’hui, des auteurs militent pour la consécration d’un nouveau cas de responsabilité
pour autrui à la charge de professionnels qui encadrent et contrôlent l’activité d’autres
professionnels en situation de dépendance économique, que ceux-ci soient des membres de
professions libérales comme, par exemple, le médecin qui travaille au profit d'une clinique, ou
des commerçants, comme la filiale qui dépend d'une société mère, ou encore le
concessionnaire ou le franchisé qui exerce son activité en partie au profit du concédant ou du
franchiseur (v. G. Viney, « L’espoir d’une recodification du droit de la responsabilité civile »,
D. 2016, p. 1378 et s., spéc. p. 1383).

En ce sens, l’avant-projet de réforme Catala comportait un article 1360, al. 2 en vertu duquel
« est responsable celui qui contrôle l'activité économique ou patrimoniale d'un professionnel
en situation de dépendance, bien qu'agissant pour son propre compte, lorsque la victime
établit que le fait dommageable est en relation avec l'exercice du contrôle. Il en est ainsi
notamment des sociétés mères pour les dommages causés par leurs filiales ou des concédants
pour les dommages causés par les concessionnaires ».

Malgré ces appels du pied de la doctrine, il semble que l’exécutif n’ait pas pour l'instant
l’intention de consacrer un nouveau cas de responsabilité pour autrui, au nom peut-être de
l’attractivité de notre droit de la responsabilité. En effet, le projet de réforme de la
responsabilité civile du 13 mars 2017, issu de la Chancellerie, ferme clairement la porte à
cette consécration.

V. Sous-section 2. L’imputation du dommage causé par autrui


Article1245 : « On est responsable du dommage causé par autrui dans les cas et aux
conditions posés par les articles1246 à1249. Cette responsabilité suppose la preuve d’un fait
de nature à engager la responsabilité de l’auteur direct du dommage. »

Il est cependant à signaler que la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de
vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre marque une légère avancée
dans la construction d’un régime de responsabilité fondée sur la dépendance économique. Ce
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texte, en effet, met à la charge des sociétés par actions de grande taille un devoir de vigilance.
Précisément, elles doivent élaborer, pour elles et l’ensemble de leurs filiales, un plan
comportant des mesures de vigilance « propres à identifier les risques et à prévenir les
atteintes graves envers les droits humains et libertés fondamentales, la santé et la sécurité des
personnes ainsi que l’environnement » (C. com., art. L. 225-102-4). Le but est de soumettre
celles qui manqueraient à ce devoir au droit commun de la responsabilité civile (C. com., art.
L. 225-102-5). Il précise également que les activités concernées par le plan de vigilance sont
celles de la société, mais aussi celles « des sociétés qu'elle contrôle au sens du II de l'article
L. 233-16 » (C. com., art. L. 225-102-4, I, al. 3).

NB : Le rattachement du devoir de vigilance à la responsabilité civile pour faute confère à


cette dernière une fonction préventive, distincte de la fonction réparatrice traditionnelle. Selon
cette fonction prévention-dissuasion, il s’agit d’inciter les acteurs économiques privés à
anticiper sur les dangers, à prendre en amont des décisions mesurées et proportionnées pour
éviter la réalisation de dommages irréversibles et irréparables.

NB bis : Le devoir de vigilance permet aussi d’assurer la présence de la RSE au sein du Code
de commerce, acronyme servant à désigner tout à la fois la responsabilité sociale et la
responsabilité sociétale des entreprises. La première s’exerce à l’égard des personnes qui
apportent leur force de travail en leur sein tandis que la seconde renvoie à la responsabilité
des entreprises à l’égard de l’ensemble de la société, y compris environnementale.

Reste cependant une difficulté de taille pour le plaideur : la preuve d’un lien de causalité entre
la faute (l’absence d’élaboration du plan ou son insuffisance) et le préjudice qui résulte d’une
atteinte envers les droits humains et l’environnement.

En outre, la responsabilité de la société animatrice du groupe se trouverait toutefois


relativement réduite dans la mesure où les dommages réparables au titre de cette loi sont
« nommés » et d’une particulière gravité : atteintes à la santé et à la sécurité des personnes, à
leurs droits fondamentaux et dommages environnementaux. C’est là une spécificité notable
par rapport au droit commun de la responsabilité qui admet, en principe, la réparation de toute
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forme de dommage sans exiger qu’il soit grave.

Bien qu’ayant une portée très limitée, un tel dispositif peut-il annoncer, dans les mois ou les
années à venir, une évolution plus profonde de notre droit vers une reconnaissance d’une
responsabilité générale des sociétés mères du fait de leurs filiales ?

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