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PÉRITOINE
INTRODUCTION
Les tumeurs des péritoines naissent du revêtement mésothelial ou des espaces sous –
mésotheliaux : elles regroupent les tumeurs du mésentère, les tumeurs de l’épiploon et les
tumeurs de la séreuse péritonéale. Dans ce chapitre nous nous intéresseront aux tumeurs de la
séreuse péritonéale.
MÉSOTHÉLIOME PÉRITONÉAL
Epidémiologie
Le mésothéliome péritonéal est une pathologie rare qui se caractérise par l'envahissement
diffus des surfaces péritonéales. L'incidence des cas de mésothéliomes pleuraux et
péritonéaux a universellement augmenté depuis 1970. Dans les pays industrialisés, son
incidence est estimée aujourd'hui de 0,5 à 3 cas par million d'habitants chez l'homme et de 0,2
à 2 cas par million chez la femme. Le mésothéliome péritonéal représente 1/5 à 1/4 de toutes
les formes cliniques de mésothéliome.
L'âge moyen de survenue est de 50 ans (17 à 76 ans) et cette pathologie touche avec la même
fréquence les 2 sexes. Son pronostic est très réservé en l'absence de prise en charge
thérapeutique adaptée ou de simple traitement médical avec une médiane de survie estimée à
1 an. Par contre, le pronostic apparaît meilleur chez la femme du fait de formes histologiques
moins invasives.
Etiologies
Par rapport au mésothéliome pleural, il existe encore un doute sur la relation entre l'exposition
à l'asbestose et le développement d'un mésothéliome péritonéal même si plusieurs études
récentes apparaissent l'établir, en particulier chez l'homme. De nombreux agents carcinogènes
ont été identifiés depuis le premier cas rapporté de mésothéliome pleural en relation avec une
asbestose. Le virus-40 simien a été incriminé et peut être un cocarcinogène. D'autres
étiologies possibles comme la radiothérapie abdominale, les péritonites chroniques,
l'exposition au mica, l'administration de dioxyde de thorium, ont été évoquées. Roushdy-
Hammady et al. Ont également rapporté récemment une susceptibilité génétique possible, à
transmission autosomique dominante, dans une région de Turquie (Cappadociène) après
exposition à l'érionite, autre agent carcinogène incriminé.
L'intervention des radiologues ou des coelioscopistes dans le diagnostic invasif doit être
prudente. Cette tumeur a en effet une importante capacité de dissémination au niveau des
trajets de ponction, des orifices de trocarts de cœlioscopie ou au niveau des incisions
abdominales. Quelle que soit la méthode invasive utilisée, elle doit passer par la ligne
médiane. La mise en place de trocarts latéraux pour la cœlioscopie doit être évitée car elle
conduit souvent à la diffusion pariétale de la maladie.
Le traitement de cette pathologie a longtemps été palliatif en associant une chirurgie palliative
symptomatique et une chimiothérapie systémique. Plusieurs agents chimiothérapiques ont été
utilisés (cisplatine, gemcitabine, vinorelbine, raltitrexed Pemetrexed. Malgré des taux de
réponses pouvant atteindre 45% dans certaines phases II, aucune chimiothérapie n'a
réellement modifiée le pronostic et les médianes de survie rapportées n'ont jamais excédé 15
mois.
Depuis approximativement 2 décennies, une prise en charge thérapeutique plus agressive des
mésothéliomes péritonéaux a émergé et a considérablement modifié le pronostic de la
pathologie. Elle associe une chirurgie de cytoréduction (et ces gestes de péritonectomies) pour
le traitement de la maladie macroscopique à une chimiothérapie intrapéritonéale
périopératoire (chimiothérapie post-opératoire immédiate et/ou chimiohyperthermie
intrapéritonéale (CHIP)) pour le traitement de la maladie microscopique. Le principe est de
réséquer ou de coaguler tous les implants tumoraux supramillimétriques. Cela peut aboutir à
des résections du péritoine pariétal ou gestes de péritonectomies bien décrits par Sugarbaker
(péritonectomies pariétales, résection de la capsule hépatique, douglassectomie,...) et à des
résections viscérales étendues d'organes pleins (épiploon, rate) ou de tube digestif (intestin
grêle, colon, rectum). La principale limite de cette approche est le risque de retentissement sur
la qualité de vie postopératoire du fait de résections étendues (grêle court, etc) et le risque de
mortalité et morbidité postopératoire, intimement lié à l'agressivité du geste chirurgical.
Concernant la chimiothérapie intrapéritonéale périopératoire, les protocoles ne sont pas
standardisés. La technique la plus largement utilisée est la CHIP utilisant soit en mono- soit
polychimiothérapie avec la mitomycine C, le cisplatine et la doxorubicine. Elle peut être
associée à une chimiothérapie postopératoire immédiate ou au long cours utilisant le taxol ou
le taxotère. Cette nouvelle stratégie thérapeutique permet d'obtenir des médianes de survie de
plus de 30 mois depuis 2001.
Evolution et surveillance
Plusieurs facteurs pronostiques ont été identifiés. Les principaux sont représentés par la
radicalité de la chirurgie de cytoréduction (autrement dit par le volume et la distribution de la
maladie tumorale résiduelle après chirurgie), l'extension initiale (appréciée par la
classification de Gilly ou le Peritoneal Cancer Index de Sugarbaker) le sexe (meilleur
pronostic chez la femme), le type histologique (types épithélial et papillaire de meilleur
pronostic que les types sarcomateux, déciduoïde et biphasique) et l'envahissement
ganglionnaire. D'autres facteurs pronostiques ont été plus récemment identifiés comme la
taille du noyau cellulaire ou le nombre de mitoses . Pour la surveillance, un consensus a été
obtenu au cours de l'International Workshop on Peritoneal Surface Malignancies en 2006 à
Milan : elle doit se faire par scanner thoraco-abdominopelvien tous les 3 à 4 mois les 2
premières années puis tous les 6 mois. La réalisation d'un dosage de CA125 a également été
proposé lorsqu'il était élevé en préopératoire.
Epidémiologie
Décrit pour la première fois par Rokitansky en 1842, le terme de pseudomyxome péritonéal
(PMP) a été imposé en 1884 par Werth. Parfois dénommée " maladie gélatineuse du péritoine
", c'est une entité rare dont l'incidence est estimée en Angleterre et aux Etats-Unis à 1 par
million et par an. L'étude épidémiologique hollandaise de Smeenk estime une incidence plus
proche de 2 par million et par an. Certaines études ont rapporté une incidence plus importante
chez la femme. L'âge au moment du diagnostic varie de 20 à 80 ans.
Le PMP n'est pas à proprement parler une pathologie péritonéale primitive. Longtemps
considéré comme étant principalement d'origine ovarienne en raison de la fréquence de
l'atteinte ovarienne métastatique, l'étude multicentrique du John Hopkins Hospital en 1995 a
affirmé que 95% des pseudomyxomes étaient d'origine appendiculaire (un adénome sous
muqueux de l'appendice serait à l'origine du pseudomyxome, adénome qui obstruerait
l'appendice, entraînant ainsi une accumulation de mucus, puis une rupture volontiers pauci
symptomatique). Par ailleurs, les études immunohistochimiques ont renforcé la notion d'une
majoritaire origine appendiculaire avec une réaction positive pour les cytokératines CK20 et
l'ACE et négative pour CK7 et le macrophage alvéolaire humain MAH 56. L'étude des
mucines produites par les cellules responsables de l'ascite a montré que dans le PMP, les
mucines exprimées sont surtout MUC2 et à moindre degré MCU5AC alors que les tumeurs
primitives ovariennes expriment seulement MCU5AC. Les adénocarcinomes mucineux du
colon, du rectum, de l'estomac et du pancréas peuvent donner un tableau clinique et
morphologique proche de celui du pseudomyxome, mais les lésions péritonéales sont plus
infiltrantes, ne respectent pas la paroi propre du grêle, sont à haut grade de malignité à
l'analyse histologique, et sont de pronostic beaucoup plus sombres.
Par ailleurs, certains PMP ont été décrits après fistules digestives répétées, chroniques, dans le
cadre du traitement chirurgical de rectocolites ou de maladie de Hirschsprung Il semble en fait
que toute contamination péritonéale par des cellules productrice de mucine puisse aboutir à
leur implantation sur les surfaces péritonéales et générer un PMP.
Pour qu'il y ait une prolifération péritonéale gélatineuse, il est nécessaire qu'une tumeur
appendiculaire ou qu'un mucocèle appendiculaire se soit rompu dans la cavité péritonéale
pour permettre l'implantation des cellules productrices de mucine. Les cellules mucineuses et
la mucine (ou gélatine) s'accumuleront alors dans la cavité péritonéale au gré des courants de
réabsorption des liquides péritonéaux et de la simple gravité, du fait de l'absence de capacité
d'adhésion. Ce mode évolutif a été nommé " phénomène de redistribution On retrouvera donc
des lésions principalement localisées dans le cul de sac de Douglas, sous les coupoles
diaphragmatiques (en particulier à droite) et au niveau de toutes les portions fixes de
l'abdomen (angle duodéno-jéjunal, rectosigmoïde, antre). Le grêle du fait de son péristaltisme
sera le plus épargné. L'implantation des cellules mucineuses se fera également
préférentiellement dans toutes les zones cruentées, traumatisées par une dissection
chirurgicale.
Présentation clinique et moyens du diagnostic
Comme pour le mésothéliome péritonéal, le maître examen est représenté par le scanner
thoraco-abdomino- pelvien. L'ascite et les lésions mucineuses, parfois majeures, prédominent
à la périphérie de l'abdomen, pouvant ainsi donner le classique " scaloping " péri hépatique.
Le diagnostic positif se fera par une ponction du liquide gélatineux par voie transcutanée ou
après la réalisation de biopsies sous cœlioscopie. Devant tout épanchement ascitique
mucineux ou gélatineux comme devant toute lésion mucineuse ovarienne, il est impératif
d'explorer la région appendiculaire à la recherche d'une lésion primitive.
L'exérèse complète par chirurgie de cytoréduction suivie de CHIP donne d'excellents résultats
en termes de survie, dans les formes de bas grade, comme dans les formes de haut grade et
doit être considéré comme le traitement de référence. La maladie péritonéale est souvent
étendue, voire très étendue. Ce traitement lourd ne peut toutefois être proposé qu'à des
patients en excellent état général du fait du risque mortalité et morbidité post-opératoire. Les
principaux facteurs pronostics du pseudomyxome péritonéal sont son grade histologique, la
qualité de la chirurgie de cytoréduction, et l'importance du passé chirurgical abdominal.
Plusieurs données méritent également d'être prises en compte :
• Plus la maladie est importante, plus il y a de décès postopératoires, décès qui sont la toute
première cause de mortalité durant les 5 premières années chez ces patients. Les chirurgies
majeures ne sont donc proposables qu'aux patients en bon état général, non dénutris et avec
une bonne fonction respiratoire.
• La chimiothérapie systémique pour les pathologies de haut grade (le Folfiri semblerait plus
efficace que le Folfox) et des programmes personnalisés de nutrition et de remise en forme
permettraient d'améliorer le pronostic.
Evolution et surveillance
Longtemps considéré comme une pathologie " border-line ", le PMP doit être considéré
comme une pathologie maligne du fait de son évolution létale inexorable à plus ou moins
court terme. La surveillance des formes de bas grade traitées à visée curative peut n'être
effectuée que tous les 6 mois par scanner thoraco-abdomino-pelvien et dosage de marqueurs
ACE et CA 19-9. La surveillance doit être plus rapprochée en cas de forme de haut grade.
CARCINOME SEREUX PRIMITIF DU PERITOINE
Epidémiologie
Il s'agit d'une pathologie très rare, à large prédominance féminine, dont le diagnostic
différentiel avec la carcinose péritonéale d'origine ovarienne et avec le mésothéliome
péritonéal est difficile. La fréquence des carcinomes primitifs du péritoine n'est pas connue :
une revue de la littérature internationale fait apparaître 217 cas rapportés entre 1974 et 2006
(215 chez la femme et 2 chez l'homme, âge compris entre 33 et 70 ans).
Le pronostic des ces carcinomes séreux primitifs du péritoine est sombre : la médiane de
survie rapportée dans la littérature internationale est de 10 mois. Des survies plus longues ont
été rapportées après chimiothérapie systémique (protocoles identiques à ceux des tumeurs
ovariennes) et chirurgie de cytoréduction optimale (4 à 28 mois de survie). L'association loco-
régionale d'une chirurgie de cytoréduction et d'une CHIP a également été utilisée pour le
traitement de cette pathologie péritonéale avec l'obtention sur de petits effectifs de survies
prolongées
Elles s'observent chez les enfants, adolescents et adultes jeunes entre 8 et 38 ans avec une
nette prédominance chez l'homme. Elles touchent avec prédilection les séreuses . Rares et
méconnues, il s'agit de tumeurs de très mauvais pronostic (pas de survie à 2 ans) qui peuvent
évoluer sur le mode métastatique.
PSAMMOCARCINOMES PERITONEAUX
Il s'agit de tumeurs très rares de bon pronostic dont l'évolution se rapproche de celle des
carcinomes séreux primitifs de bas grade du péritoine. Mais leur récidive fréquente et
inexorable aboutit au décès par compression digestive et envahissement des différents organes
intra abdominaux après plusieurs années d'évolution.
Le diagnostic se fait sur la découverte de corps psammeux (75%) associés à des plages de
carcinome séreux de bas grade.
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Les techniques de biologie moléculaire doivent être développées pour ces pathologies rares,
afin de permettre de mieux individualiser les réponses tumorales à certaines molécules et de
les corréler aux résultats cliniques. Du fait de l'activité limitée des agents chimiothérapiques
traditionnels, de nouvelles molécules ciblées doivent être testés, et en particulier les anti-
angiogéniques (bevacizumab, thalidomide). Enfin un réseau national des centres de référence
dans la prise en charge des tumeurs rares du péritoine incluant les mésothéliomes péritonéaux
(RENAPE) est constitué depuis 2007 sous le label INCA. Ce réseau a permis la mise en place
et la diffusion de recommandations pour une meilleure prise en charge de la pathologie, le
développement de réunions de concertation pluri-disciplinaires de recours régionales et la
constitution d'une base de données prospective.