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Endocrinologie-Nutrition 1
10-015-A-20 ¶ Corticothérapie et fonction surrénalienne
Hypothalamus
- CRH
Vasopressine
MR < 15 % 94 % 57 %
-
Figure 1. Structure protéique des récepteurs nucléaires des glucocorti- - Glucocorticoïde
Hypophyse exogène
coïdes et minéralocorticoïdes. La figure illustre les différents domaines du
récepteur au glucocorticoïde (GRa) et l’homologie avec le récepteur des
minéralocorticoïdes (MR) exprimée en pourcentage pour chaque do- - ACTH ACTH
maine du récepteur par rapport à la séquence du récepteur GRa +
(d’après [2].). La structure des récepteurs nucléaires peut être décrite en
domaines fonctionnels. Différents domaines fonctionnels sont identifiés :
à l’extrémité aminoterminale le domaine A/B de transactivation, au centre Surrénale
le domaine de liaison à l’acide désoxyribonucléique (DBD) et à l’extrémité
carboxyterminale le domaine de liaison du ligand (LBD). L’extrémité
Cortisol Cortisol
aminoterminale est la région la plus variable en termes de longueur et de
Androgènes Androgènes
séquence entre les différents récepteurs nucléaires.
Figure 2. Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien ou axe cortico-
trope. À gauche, la physiologie de l’axe corticotrope ; à droite, mécanisme
Tableau 1. de son inhibition par la corticothérapie. En physiologie, la corticotropine-
Bioactivité des glucocorticoïdes de synthèse par rapport à celle du cortisol relasing hormone (CRH) et la vasopressine hypothalamiques stimulent la
(d’après Kovacs et Orth [3]). sécrétion hypohysaire d’adrenocorticotrophic hormone (ACTH) qui à son
Glucocorticoïde Action anti- Suppression Rétention tour stimule la synthèse et la sécrétion de cortisol et d’androgènes
inflammatoire de l’axe hydrosodée surrénaliens. Le cortisol exerce un rétrocontrôle négatif hypothalamique
corticotrope et hypophysaire. Lors de la corticothérapie, l’excès de glucocorticoïde
inhibe l’axe corticotrope au niveau hypothalamique et hypophysaire.
Cortisol 1 1 1
L’ACTH baissant, la corticosurrénale ne produit plus de cortisol, puis
Prednisone 3 4 0,75 s’atrophie. À l’arrêt de la corticothérapie, il y a une certaine inertie de l’axe,
Méthylprednisone 6,2 4 0,50 la CRH ne stimulant plus l’ACTH, et peut alors s’observer une insuffisance
Dexaméthasone 26 17 0 surrénale d’origine centrale ou déficit corticotrope.
Triamcinolone 5 4 0
Fludrocortisone 12 12 125
principalement par les peptides hypothalamiques corticotropine-
relasing hormone (CRH) et arginine vasopressine (AVP) (Fig. 2).
■ Axe hypothalamo-hypophyso- La CRH comme l’AVP stimulent la sécrétion d’ACTH. La CRH
exerce probablement le rôle essentiel dans ce contrôle. Le
surrénalien ou axe corticotrope cortisol inhibe à la fois la CRH et l’AVP, constituant ainsi une
La sécrétion de cortisol par la corticosurrénale est contrôlée boucle de rétrocontrôle négative de l’axe corticotrope. Le déficit
par l’hormone hypophysaire adrenocorticotrophic hormone en cortisol conduit à la stimulation de l’AVP, ce qui participe à
(ACTH) [4]. L’ACTH est un peptide de 39 aminoacides sécrété la rétention hydrique et à l’hyponatrémie observées dans les
par la cellule corticotrope qui stimule aussi la sécrétion des déficits isolés en glucocorticoïdes (dans le cadre de l’insuffisance
androgènes surrénaliens (principalement la déhydroépian- surrénalienne). Plusieurs cytokines (comme le leukemia inhibitory
drostérone [DHEA]). En administration aiguë, l’ACTH joue aussi factor [LIF]) stimulent l’ACTH dans le cadre d’une interaction
un rôle dans le contrôle positif de l’aldostérone. L’activité étroite entre l’axe corticotrope et le système immunitaire [5].
biologique de l’ACTH est contenue dans ses 18 premiers acides Enfin, le cortisol exerce aussi une action de rétrocontrôle négatif
aminés. Le récepteur de l’ACTH est exprimé dans le cortex sur l’ACTH et inhibe donc l’axe corticotrope au niveau tant
surrénalien et fait partie de la famille des récepteurs à sept hypophysaire qu’hypothalamique.
domaines transmembranaires couplés aux protéines G. Le L’axe corticotrope présente un rythme nycthéméral, contrôlé
second messager acide monophosphorique cyclique (AMPc) est essentiellement au niveau central, c’est-à-dire principalement
stimulé par l’activation de ce récepteur. par la CRH. La sécrétion de cortisol est maximale le matin vers
L’ACTH régule en aigu la sécrétion et la synthèse des stéroï- 8 h, et minimale entre 24 h et 4 h du matin. L’effet freinateur
des surrénaliens. En chronique, l’ACTH a aussi une action de des glucocorticoïdes exogènes sur l’axe corticotrope est maximal
stimulation sur la trophicité des couches fasciculée et réticulée lorsqu’ils agissent le matin alors que l’axe est à son maximum
du cortex surrénalien. L’hypersécrétion chronique d’ACTH d’activité. L’administration de glucocorticoïdes par voie orale en
entraîne une hyperplasie surrénalienne et une hypersécrétion de début ou milieu de nuit a donc l’effet inhibiteur le plus fort. Les
cortisol (par exemple dans la maladie de Cushing). À l’inverse, stress de toute origine (traumatisme sévère, hypoglycémie,
le déficit en ACTH s’accompagne d’une atrophie surrénalienne, fièvre, etc.) stimulent aussi l’axe corticotrope.
conduisant à l’insuffisance en glucocorticoïde. L’action de
l’ACTH est donc indispensable pour la synthèse des glucocorti-
coïdes et le maintien de la trophicité du cortex surrénalien. Une ■ Corticothérapie et inhibition
baisse chronique d’ACTH entraîne un déficit en cortisol et aussi de l’axe corticotrope
en androgènes surrénaliens (DHEA). La sécrétion d’aldostérone
est en revanche peu touchée. Ceci entraîne donc une différence L’inhibition de l’axe corticotrope induite par les glucocorti-
importante dans les types de stéroïdes déficitaires dans l’insuf- coïdes est liée à leur action de rétrocontrôle négatif tant
fisance surrénale : les glucocorticoïdes (cortisol) et androgènes hypophysaire qu’hypothalamique (Fig. 2). Les glucocorticoïdes
(DHEA) dans le déficit corticotrope et les trois types de stéroïdes inhibent la synthèse de CRH hypothalamique, en particulier par
(c’est-à-dire aussi les minéralocorticoïdes [aldostérone]) dans une réduction de son acide ribonucléique messager. Ils inhibent
l’insuffisance surrénale primaire. aussi la libération de CRH hypothalamique dans le système
L’ACTH est régulée par de multiples hormones ; le contrôle porte hypothalamohypophysaire. Dans l’hypophyse, les gluco-
central de la synthèse et de la sécrétion d’ACTH s’exerce corticoïdes inhibent la synthèse et la sécrétion d’ACTH par la
2 Endocrinologie-Nutrition
Corticothérapie et fonction surrénalienne ¶ 10-015-A-20
cellule corticotrope. L’expression du gène du précurseur pepti- de glucocorticoïde inhalé supérieure à 800 µg chez l’adulte et
dique de l’ACTH (la pro-opio-mélanocortine) est inhibée par le 400 µg chez l’enfant [14]. Une étude rétrospective réalisée en
cortisol. Grande-Bretagne auprès des endocrinologues pédiatres et
L’effet inhibiteur des glucocorticoïdes sur la sécrétion d’ACTH d’adultes rapporte 33 cas d’insuffisance corticotrope aiguë liée à
est rapide. Ainsi, l’administration intraveineuse d’hydrocorti- la prise de corticoïdes inhalés, principalement chez l’enfant et
sone entraîne chez les patients ayant une maladie d’Addison avec la fluticasone [15, 16].
une baisse de l’ACTH plasmatique en moins de 15 minutes. La Une interaction médicamenteuse chez les patients séropositifs
baisse de la sécrétion d’ACTH a pour conséquence une baisse de pour le virus de l’immunodéficience humaine peut être à
la sécrétion des stéroïdes surrénaliens qu’elle contrôle, en l’origine d’un syndrome de Cushing iatrogène, suivi à l’arrêt du
particulier celle du cortisol. Cet effet est utilisé lors des tests de traitement d’un déficit corticotrope [17-21]. Elle survient lors de
freinage à la dexaméthasone pour explorer les syndromes de l’association d’un inhibiteur de protéase, le ritonavir, et de
Cushing. Lorsque l’administration de glucocorticoïde exogène corticoïdes inhalés de type fluticasone chez des patients enfants
est de courte durée (en règle inférieur à 5 jours), la récupération ou adultes asthmatiques. Le ritonavir est un inhibiteur du
de l’axe corticotrope est très rapide, voire immédiate. En cytochrome P450 3A4 (CYP3A4) nécessaire pour la dégradation
revanche, lorsque l’administration est prolongée, une inhibition du fluticasone au niveau hépatique.
durable de l’axe corticotrope peut survenir. Cette dernière peut L’horaire d’administration du glucocorticoïde peut influencer
alors entraîner une atrophie surrénalienne secondaire à la baisse la survenue d’une insuffisance surrénalienne. L’administration
de l’ACTH, responsable d’une insuffisance surrénalienne d’une dose unique le matin est moins suppressive sur la
secondaire (ou insuffisance surrénalienne haute, ou insuffisance fonction corticotrope que la même dose administrée le soir.
corticotrope). Pour cette raison, un traitement à dose alternée administré un
Il existe une grande variabilité interindividuelle de la persis- jour sur deux serait moins suppresseur. Dans la même optique,
tance de cette inhibition de l’axe corticotrope à l’arrêt d’une la substitution réalisée en une prise unique le matin lors de
corticothérapie. La sensibilité individuelle aux glucocorticoïdes l’arrêt d’une corticothérapie chez un sujet en cours de récupé-
pourrait peut-être expliquer une partie de cette variabilité, mais ration d’une fonction subnormale permettrait une meilleure
celle-ci reste mal comprise [6]. Pour cette raison, il est impossible
récupération de la fonction corticotrope.
de prédire avec certitude l’évolution de la fonction surréna-
La profondeur de la suppression de l’axe corticotrope peut
lienne d’un sujet à l’arrêt du traitement. La posologie et la durée
être évaluée par le délai de récupération de la fonction surréna-
du traitement jouent aussi un rôle important dans cette
lienne après sevrage en glucocorticoïde. Si la proportion de
inhibition. Une durée de traitement de 5 jours, à la posologie
patients présentant une insuffisance corticotrope plus ou moins
quotidienne de 40 mg/m2 d’équivalent prednisone, est suffi-
sante pour bloquer chez certains patients l’axe corticotrope de profonde est importante à l’arrêt du traitement (environ 50 %),
façon durable. Un traitement prolongé dans le temps par des elle est bien moindre à distance. La plupart des patients
doses plus faibles (10 mg/j d’équivalent prednisone) peut aussi récupèrent une fonction normale en moins de 2 semaines, voire
entraîner une insuffisance surrénalienne. Différentes études ont souvent dans les 4 jours suivant le sevrage de la corticothérapie.
essayé d’établir la prévalence de l’insuffisance corticotrope après La récupération est plus rapide après un traitement de courte
corticothérapie et ses facteurs prédictifs. Des études portant sur durée et plus longue lorsque la posologie quotidienne dépasse
des durées variables de traitement de 5 jours à 15 ans et des 7,5 mg d’équivalent prednisone. Le pourcentage de patients
posologies quotidiennes de 5 à 30 mg d’équivalent prednisone restant en insuffisance corticotrope plus de 1 an après arrêt de
retrouvent dans l’ensemble une insuffisance corticotrope dans la la corticothérapie est faible (< 5 %), mais aucun paramètre ne
moitié des cas [7-10]. Dans ces études, la corrélation entre la permet une prédiction parfaite du retour à une fonction
durée ou la posologie du traitement et la survenue d’une surrénalienne normale au moment du sevrage.
insuffisance corticotrope est partielle.
L’affinité du glucocorticoïde synthétique pour le récepteur
glucocorticoïde est corrélée avec l’effet inhibiteur sur l’axe
corticotrope [3]. Cette corrélation positive établie entre une
■ Évaluation clinique et biologique
mesure effectuée in vitro et une inhibition observée in vivo est de la fonction surrénalienne
cependant modifiée par la biodisponibilité du glucocorticoïde.
Ainsi, l’affinité de la dexaméthasone pour le récepteur glucocor- à l’arrêt d’une corticothérapie
ticoïde est sept fois plus forte que celle du cortisol, mais son
Lors de l’arrêt d’une corticothérapie il est nécessaire d’envisa-
effet inhibiteur in vivo sur l’axe corticotrope est 15 à 30 fois
ger la possibilité d’une insuffisance corticotrope, en particulier
plus fort que celui du cortisol. La biodisponibilité du glucocor-
après une corticothérapie supérieure à 20 mg/j d’équivalent
ticoïde est donc un élément important. La plupart des stéroïdes
prednisone pendant au moins 3 semaines. Un patient ayant
sont absorbés rapidement après administration orale. L’absorp-
tion peut cependant varier suivant les patients. L’étude systé- développé un syndrome de Cushing clinique sous corticothéra-
matique des profils phamacocinétiques de méthylprednisone ou pie doit particulièrement être considéré comme à risque de
prednisone après administration intraveineuse et orale objective développer un déficit corticotrope à son arrêt.
une cinétique inhabituelle dans 20 % des cas. Dans le même Lors d’une corticothérapie prolongée, le traitement est en
sens, une corrélation inverse entre l’âge et la clairance de la général réduit progressivement lorsque la pathologie est contrô-
prednisone a été établie. En conséquence, à posologie identique, lée ou que le traitement n’apporte plus de bénéfice. La possibi-
l’effet suppresseur des glucocorticoïdes sur l’axe corticotrope lité d’une insuffisance corticotrope doit être envisagée lorsque la
serait plus net chez les sujets âgés. Certains médicaments posologie du glucocorticoïde est inférieure à 5 mg/j d’équivalent
peuvent modifier le métabolisme des glucocorticoïdes. Les prednisone (soit 20 mg de cortisol). Il est rare, en dehors de
inducteurs enzymatiques (barbituriques, rifampicine, phény- situation de stress, que des signes de sous-dosage en glucocorti-
toïne, Op’DDD, etc.) augmentent le catabolisme du cortisol. Les coïde puissent apparaître pour une posologie supérieure. Il faut
estrogènes, notamment dans le cadre de la contraception orale, noter qu’à côté des signes d’une éventuelle insuffisance cortico-
augmentent la protéine porteuse (transcortine). trope peuvent apparaître des symptômes en rapport avec une
Une injection intra-articulaire unique d’un glucocorticoïde aggravation de la maladie initiale lors de la réduction de la
retard présente une diffusion systémique suffisante pour pouvoir corticothérapie. Certains patients semblent aussi présenter une
entraîner une suppression durable de l’axe corticotrope. De véritable dépendance aux effets psychostimulants des glucocor-
façon similaire, les applications cutanées de glucocorticoïdes ticoïdes qui rend le sevrage parfois difficile et peut poser un
peuvent avoir des effets généraux [11]. Il est souvent moins problème de diagnostic différentiel délicat.
connu que les corticoïdes inhalés peuvent inhiber l’axe cortico- Les manifestations cliniques du déficit corticotrope à l’arrêt
trope [12, 13]. Cette inhibition est en général partielle et peu d’une corticothérapie prolongée sont polymorphes, non spéci-
fréquente, mais peut survenir pour une posologie quotidienne fiques et souvent trompeuses. L’asthénie est une manifestation
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fréquente et s’intrique souvent avec la maladie de fond impo- faible coût par rapport aux tests de référence (hypoglycémie
sant la corticothérapie. Des douleurs musculaires ou articulaires, insulinique et métopirone, cf. infra). Il consiste à administrer
une anorexie, des symptômes dépressifs peuvent aussi s’obser- une ampoule (250 µg) de tétracosactide (ACTH 1-24) par voie
ver. Parfois, l’insuffisance corticotrope peut être évoquée devant intramusculaire (ou intraveineuse en cas de contre-indication).
des signes plus marqués pouvant correspondre à un épisode de La cortisolémie est mesurée avant l’injection et 1 heure après.
décompensation aiguë, en particulier après sevrage complet sans Chez le sujet présentant une fonction surrénalienne normale, la
précaution chez un patient soumis à un stress. Une asthénie cortisolémie est supérieure à 210 ng/ml après injection de
intense avec hypotension artérielle, une anorexie, parfois des tétracosactide. La réponse doit s’interpréter en valeur absolue et
troubles de conscience, une fièvre, une tendance hypoglycémi- non pas en pourcentage d’augmentation. Cette stimulation est
que peuvent alors s’observer. Les troubles ioniques observés largement supraphysiologique et la posologie de 250 µg d’ACTH
dans cette situation se limitent à l’hyponatrémie alors que la 1-24 entraîne une stimulation maximale de la capacité de
kaliémie est en règle normale. Il s’agit d’une hyponatrémie de sécrétion de cortisol. Une réponse normale du cortisol au
dilution par sécrétion inappropriée d’AVP se corrigeant très bien Synacthène ® immédiat requiert une trophicité correcte du
avec le traitement substitutif en glucocorticoïde. La zone cortex surrénalien. Un sujet présentant un déficit corticotrope a
glomérulée étant préservée dans les déficits corticotropes, il n’y une baisse des taux circulants d’ACTH. Cette baisse entraîne en
2 à 3 semaines une atrophie surrénalienne. De plus, l’action de
a en effet pas de déficit significatif et chronique en
l’ACTH est requise pour l’expression de son propre récepteur.
minéralocorticoïdes.
On peut donc penser qu’une baisse d’ACTH chronique entraîne
L’exploration hormonale de l’axe corticotrope à l’arrêt d’une
une diminution de l’expression du récepteur de l’ACTH par
corticothérapie prolongée peut reposer sur des dosages de base lequel agit le Synacthène®. Une surrénale atrophique n’est alors
mais surtout des tests dynamiques [22] . Il est important de pas capable de répondre suffisamment au Synacthène® immé-
réaliser ces explorations dans les conditions adéquates pour diat, justifiant l’intérêt de ce test lors du sevrage d’une cortico-
éviter toute interférence avec l’apport de corticoïdes exogène. thérapie. Si ce test est certainement à réaliser en première
En pratique, ces explorations sont à réaliser lorsque le sevrage intention pour l’exploration de la fonction surrénalienne lors
en glucocorticoïde est décidé et que le patient est alors substitué du sevrage d’une corticothérapie prolongée, il a cependant des
par hydrocortisone. La demi-vie de l’hydrocortisone est brève. limites [23-27]. En effet, la sensibilité du test au Synacthène®
Le traitement substitutif par 15 à 20 mg/j d’hydrocortisone en immédiat n’est pas de 100 % dans les déficits corticotropes. En
une prise le matin n’interfère alors pas avec le dosage du particulier, chez les patients présentant un déficit partiel une
cortisol plasmatique le matin avant prise du traitement réponse normale peut être observée. Environ 5 % à 10 % des
substitutif. déficits corticotropes risquent d’être méconnus si certaines
Le dosage de cortisolurie n’a pratiquement pas d’intérêt dans précautions ne sont pas prises dans l’interprétation du test.
cette indication. Réalisé sous traitement substitutif, il est erroné Ainsi, il est aussi important de bien analyser la cortisolémie à
par l’élimination urinaire de ce dernier. Réalisé lors d’un sevrage 8 heures prélevée sur la base du test. Si cette dernière est
en hydrocortisone, qui par prudence devrait être fait sous inférieure à 100 ng/ml et que le pic de réponse au Synacthène®
surveillance médicale et donc en hospitalisation, il a de très immédiat est à la limite de la normale, il faut savoir évoquer la
mauvaises sensibilité et spécificité. En effet, il existe un possibilité d’un déficit partiel ou récent et poursuivre les
recouvrement important entre les sujets normaux et les patients explorations. Certains auteurs ont pour cette raison proposé de
atteints d’insuffisance corticotrope pour les valeurs basses de la réaliser un test au Synacthène® à faible dose (de 1 à 5 µg). Le
normale du cortisol urinaire. recours à une dose plus faible limiterait l’effet supraphysiologi-
Le dosage de cortisolémie de base à 8 heures le matin peut que du test classique réalisé avec une injection de 250 µg et
apporter des informations utiles, mais n’est pas toujours aurait une meilleure sensibilité. La limite en pratique à la
suffisant pour affirmer ou infirmer l’insuffisance surrénalienne. diffusion de ce test à faible dose est de deux ordres :
Le dosage de la cortisolémie mesurant le cortisol total, il faut • pratique (réaliser une dilution au 1/250 du Synacthène®
savoir se méfier des pathologies modifiant sa protéine porteuse, immédiat sans perte de principe actif ;
ou transcortine. En effet, seul le cortisol libre, fraction minori- • prendre le risque d’une perte de spécificité importante dans
taire de la cortisolémie, est biologiquement actif. Une élévation la pratique quotidienne ; en dehors de la situation particulière
des estrogènes (lors de la grossesse ou sous contraception du déficit corticotrope partiel, le test au Synacthène® immé-
estroprogestative) s’accompagne d’une augmentation de la diat à 250 µg a une sensibilité tout à fait suffisante pour
transcortine et donc de la cortisolémie. Dans ce cas, le dosage explorer la grande majorité des patients lors du sevrage d’une
de la cortisolémie peut surestimer la fonction glucocorticoïde et corticothérapie.
conduire à méconnaître une insuffisance corticotrope. La Dans les situations où l’interprétation des explorations laisse
mesure du cortisol salivaire, qui n’est constitué que de la un doute sur un possible déficit corticotrope, deux tests de
stimulation globale de l’axe corticotrope peuvent être réalisés :
fraction libre du cortisol, permet alors d’éviter cet écueil. Même
l’hypoglycémie insulinique et le test à la métopirone [22, 28]. Ces
en respectant ces précautions, le dosage de la cortisolémie de
explorations sont habituellement considérées comme les
base le matin à 8 heures est cependant rarement suffisant pour
épreuves de référence pour les déficits corticotropes. Leurs effets
évaluer correctement la fonction corticotrope. À 8 heures, la
indésirables et la surveillance médicale qu’elles imposent
cortisolémie est à son niveau maximal, et la fourchette normale
limitent leur utilisation à des situations particulières. L’hypo-
est comprise entre 100 et 200 ng/ml. Un taux supérieur à glycémie insulinique consiste à administrer par voie intravei-
210 ng/ml écarte la possibilité d’une insuffisance corticotrope. neuse 0,1 UI/kg d’insuline ordinaire. Une hypoglycémie
Un taux effondré, inférieur à 40 ng/ml, signe à l’inverse une significative (< 0,4 g/l) s’accompagne chez le sujet normal d’une
insuffisance corticotrope chez un sujet sevré en glucocorticoïdes. élévation de la cortisolémie au-dessus de 200 ng/ml. Le test à la
Un taux compris entre 40 et 100 ng/ml est très en faveur de ce métopirone « court », utilisé pour explorer une suspicion de
diagnostic, mais n’a pas une spécificité suffisante pour l’affirmer. déficit corticotrope, consiste à administrer 30 mg/kg de méto-
Par ailleurs, un sujet présentant un déficit corticotrope peut pirone à minuit. Cette drogue inhibe l’activité de la
présenter une cortisolémie à 8 heures du matin dans les limites 11b-hydroxylase qui transforme le composé S (11-désoxy-
de la normale. cortisol) en cortisol. La baisse du cortisol réduit le rétrocontrôle
Le test de stimulation au Synacthène® immédiat, de réalisa- négatif sur l’hypothalamohypophyse et stimule la sécrétion
tion simple, est certainement l’exploration de première inten- d’ACTH, stimulant alors la synthèse des stéroïdes situés en
tion lors du sevrage d’une corticothérapie. Le parallélisme entre amont de la 11b-hydroxylase. Lors du test court, le composé S
la récupération de l’axe corticotrope et celle de la fonction prélevé à 8 heures du matin s’élève au-dessus de 70 ng/ml.
corticosurrénale après corticothérapie rend ce test informatif. Le Enfin, le test à la CRH peut être proposé pour explorer un
test au Synacthène® a l’avantage d’une réalisation facile et d’un déficit corticotrope. L’administration de 100 mg par voie
4 Endocrinologie-Nutrition
Corticothérapie et fonction surrénalienne ¶ 10-015-A-20
Non Oui
Cortisolémie : Cortisolémie :
Base > 100 ng/ml Base < 100 ng/ml
Pic après Synacthène ® > 210 ng/ml Pic après Synacthène ® < 210 ng/ml
Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite à tenir lors du sevrage d’une corticothérapie prolongée. La stratégie basée sur le test au Synacthène® immédiat a
l’avantage de la simplicité et de pouvoir être largement réalisée compte tenu du peu de contre-indications et d’effets indésirables du test. La limite de ce test
repose sur sa sensibilité et sa spécificité pour le diagnostic d’insuffisance corticotrope. Afin de réduire l’impact de cette limitation, il est important d’interpréter
la base et le pic de cortisolémie. Pour ce dernier, le seuil élevé de 210 ng/ml réduit le manque de sensibilité [22], au prix comme toujours de la spécificité.
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corticotrope apparaissent, le traitement peut transitoirement L’éducation du patient est dans ce traitement évolutif au fil du
être majoré, ou une substitution par hydrocortisone ajoutée, temps et de la récupération éventuelle de la fonction surréna-
pour avoir une posologie de glucocorticoïde en moyenne lienne un aspect de la prise en charge à ne pas négliger.
équivalente à 40 à 60 mg d’hydrocortisone (de 10 à 15 mg de
prednisone, à adapter en fonction du poids et des données
cliniques). Si la pathologie de fond permet de réduire progres- ■ Conclusion
sivement le traitement glucocorticoïde jusqu’à l’équivalent de
5 mg/j de prednisone, et que l’arrêt complet de la corticothéra- Le déficit corticotrope est donc une conséquence de la
pie est envisagé, un traitement substitutif par hydrocortisone est corticothérapie attendue du fait de la physiologie de cet axe. Il
alors introduit. La posologie est habituellement de 10 mg est fréquent mais récupère le plus souvent spontanément. Le
d’hydrocortisone par voie orale matin et midi. Si le patient ne suivi des règles simples de sevrage de la corticothérapie présen-
présente pas de manifestations pouvant évoquer une insuffi- tées ici permettent dans la plupart des cas d’en éviter des
sance corticotrope les 20 mg d’hydrocortisone peuvent dans un conséquences cliniques. Son dépistage lors du sevrage par une
deuxième temps être administrés en une prise le matin pour stratégie d’explorations hormonales simples basées sur l’histori-
favoriser la stimulation de l’axe corticotrope. Le patient doit à que de la corticothérapie et la clinique permet ensuite de
ce stade être considéré comme étant en insuffisance cortico- diagnostiquer les patients nécessitant un traitement substitutif
trope. Il est nécessaire en cas de stress d’augmenter transitoire- par glucocorticoïde à plus long terme. Chez ces derniers, une
ment la posologie du traitement substitutif (par exemple 20 mg attention particulière doit être portée à la bonne adaptation du
matin, 10 mg midi et soir, à adapter en fonction de l’évolution traitement substitutif, la réévaluation dans le temps de sa
clinique) ou de réaliser une injection intramusculaire de 100 mg nécessité et leur éducation.
d’hydrocortisone injectable si surviennent des troubles digestifs
avec vomissements. Une carte d’insuffisance surrénale doit être
remise au patient. Si l’évolution est favorable après 2 à 8 semai-
nes de substitution par hydrocortisone à 20 mg/j, une évalua-
tion hormonale de la fonction corticotrope peut être proposée
dans le but d’interrompre la substitution. Le test au Synac-
“ Points forts
thène® immédiat est alors l’examen de choix. Il est préférable • Une corticothérapie par voie générale peut entraîner en
de ne pas réaliser immédiatement le test au Synacthène® dès le 1 à 3 semaines, et à partir d’une dose de 7,5 mg
sevrage de la corticothérapie car l’inertie de l’axe corticotrope d’équivalent prednisone chez l’adulte, une insuffisance
conduit alors dans plus de la moitié des cas à une réponse surrénale secondaire (déficit corticotrope).
insuffisante et donc la nécessité d’une substitution. Une • Le déficit corticotrope est en parti lié à la posologie et à
cortisolémie de base à 8 heures supérieure à 100 ng/ml et un pic
la durée du traitement, mais des facteurs individuels mal
de cortisolémie après Synacthène ® supérieur à 210 ng/ml
identifiés interviennent, ne permettant pas une prédiction
permet de conclure à une fonction surrénale normale et
d’arrêter l’hydrocortisone. Le seuil de 210 ng/ml est très strict,
correcte de sa survenue.
mais limite le risque de manque de sensibilité du test au • Pour limiter les risques d’une insuffisance surrénale
Synacthène® pour le diagnostic de déficit corticotrope [22]. Si la clinique, il est préconisé une décroissance progressive lors
cortisolémie de base est inférieure à 100 ng/ml et celle après d’un traitement prolongé par corticoïdes.
Synacthène® inférieure à 210 ng/ml, le patient est en insuffi- • Lors du sevrage de la corticothérapie, il est prudent
sance corticotrope et le traitement substitutif doit être main- d’effectuer un relais par hydrocortisone à visée
tenu. Le test au Synacthène® peut être de nouveau réalisé après substitutive, puis d’effectuer un contrôle biologique de la
3 à 6 mois. Dans les cas discordants où la cortisolémie de base fonction surrénale avant arrêt du traitement. Cette
est supérieure à 100 ng/ml mais le pic après Synacthène ® précaution a d’autant plus d’importance chez un patient
inférieur à 210 ng/ml, ou à l’inverse la cortisolémie de base à ayant présenté des signes cliniques d’hypercorticisme
8 heures inférieure à 100 ng mais le pic après Synacthène® iatrogène lors de la corticothérapie, ou lors de sa
supérieur à 210 ng/ml, un test à la métopirone ou une hypo-
décroissance des signes cliniques compatibles avec une
glycémie insulinique en milieu spécialisé peuvent être proposés
insuffisance surrénale.
en l’absence de contre-indication. Après 6 à 12 mois, la plupart
des sujets récupèrent une fonction surrénale normale. Un petit
nombre de patients ayant reçu une corticothérapie prolongée à .
6 Endocrinologie-Nutrition
Corticothérapie et fonction surrénalienne ¶ 10-015-A-20
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Bertherat J. Corticothérapie et fonction surrénalienne. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Endocrinologie-Nutrition, 10-015-A-20, 2010.
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