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Critères de réussite
→ Un travail rédigé.
→ Un travail qui s’appuie sur l’œuvre Bérénice
→ Un travail qui utilise tous les cours réalisés (sur Antiochus, sur
Bérénice et sur Titus)
Points d’appui
I, 4 (Antiochus à Bérénice)
I, 5 (hypotypose de Bérénice)
IV, 5 (Titus à Bérénice)
Introduction
Elle déclare même à l’acte I sc. 5 « Titus m’aime, il peut tout, il n’a plus qu’à parler ».
Est-ce si facile ? Titus n’est-il mu que par le sentiment amoureux, dans la mesure où
le prince (la pièce insiste bien sur les « cinq ans » qui se sont déjà écoulés) du début
n’est plus le même que celui qui sera bientôt couronné empereur ? Titus est-il vraiment
le monarque omnipotent, omniscient, implacable qu’il dit ou voudrait être à la suite de
son père Vespasien ? Est-il pensable, en plein siècle qui pense les passions
amoureuses, s’affirmer sujet triomphant et autonome ? Enfin, Titus qui se définit lui-
même comme le prince « barbare », c’est-à-dire incapable de parler, est-il en mesure
de parler, d’autant qu’il parle tardivement dans la pièce (bien après Antiochus), ne
parle pas volontiers (délègue volontiers à Antiochus) et qu’une fois qu’il a parlé, rien
ne se résout ?
Bref, la déclaration enthousiaste de Bérénice, sous la forme d’un alexandrin graduel,
est-elle tenable ?
Développement
Titus m’aime
Bien-sûr Titus a construit au fil des cinq années avec Bérénice, une relation
galante puis affective puissante.
Pour autant, le problème, pourrait-on objecter à Bérénice, est que Titus n’est
pas le seul à l’aimer. Antiochus vient se mêler à l’affaire qui se corse sensiblement
quand le duo devient trio. A l’acte I sc. 4, Antiochus révèle vite, tout en tenant un
discours de loyauté à Titus, qu’il aime Bérénice de façon obsessionnelle, comme en
témoigne l’omniprésence de Bérénice puisque sur dix vers,on la retrouve à 7 reprises
(usage de la 2epersonne qui renvoie à Bérénice).On la retrouve à la fois au
début («vous») et à la fin (du «vôtre»); quatre fois en fin d’alexandrin ce qui mime la
trajectoire d’Antiochus qui a fait tout ce chemin (Orient -> Occident) pour la trouver au
bout du compte, autant dans la géographie mondiale, et qu’au terme du vers.
En outre, Bérénice idéalise l’amour et s’en fait une image stéréotypée ; alors, quelle
applicabilité de ses projections dans la vie ? Est-ce bien un amour réalisable ? Que
vaut l’amour dont elle parle ? Quand elle exprime son amour sous la forme d’une
métaphore filée, c’est pour revenir à l’image, précieuse, galante, facile, de la flamme
: « bucher », « enflammer », « flambeau », « éclat » dans son aveu à Phénice (I, 5).
Il peut tout
Titus futur empereur est l’homme fort.
Cela ressort particulièrement dans la tirade d’Antiochus (I, 4) : V. 218 prise de
conscience Titus revient en force « La valeur de Titus surpassait ma fureur. » Titus
nommé, propulsé en début d’alexandrin, sujet, accompagné de termes à connotation
positive (champ lexical de l’héroïsme, «valeur», «surpassait»). Même image
valorisante chez Bérénice, qui pare aussi Titus de toutes les qualités et vertus, lui
octroyant des qualifications mélioratives : « majestueux », « douce », « grandeur », «
victoire » dont « gloire », «victoire», «grandeur», «éclat» placés à la rime. Elle ne
lésine pas sur les hyperboles pour caractériser l’impact de Titusv. 318
«Rome entière», «tous les cœurs» (v.313), «le monde en le voyant» (v.316).
La parole révèle surtout les manquements et les échecs. Elle n’arrange rien ;
pire, elle aggrave et appuie là où ça fait mal. Bérénice mise tout sur la parole, comme
si elle ignorait ce qui est déjà inscrit dans les faits, à savoir que Titus est le fils de
Vespasien et va régner, se soumettant aux lois romaines. La parole est bien le lieu où
tout s’est joué : parole d’aveu et de promesses entre amants (ainsi Bérénice à Titus à
l’acte IV sc. 5 : « Ignoriez-vous vos lois, Quand je vous l'avouai pour la première fois
? »), parole de serment juré à Rome pour l’empereur et parole qui trahit ses
engagements (Que cette même bouche, après mille serments / D'un amour qui devait
unir tous nos moments, / Cette bouche, à mes yeux s'avouant infidèle / M'ordonnât
elle-même une absence éternelle.) : dans cette réplique, en quatre vers, la parole
revient à cinq reprises (« bouche », « serments », « bouche », « avouant »,
« ordonnât ») ; loin de calmer Bérénice, la parole peut aussi révéler sa douleur et
cristalliser son ressentiment. La difficulté de dire (exprimer, puis en assumer les
conséquence) est résumée à Titus qui clôture la scène 7 par une réplique qu’il ne bâtit
qu’avec l’aide d’Arsace, et qui en une interrogative pose la question de la parole :
« Hélas ! quel mot puis-je lui dire ? Moi-même en ce moment sais-je si je respire ? ».
L’accumulation des marques émotives (exclamative, interrogative et de nouveau
interrogative) couplée à la gradation (deux syllabes puis un hémistiche puis un
alexandrin) noie Titus dans une parole insurmontable : la parole (puisque c’est bien le
problème du dire qui est ici évoqué) l’entraîne dans un désarroi toujours plus grand.
Conclusion
En conclusion, l’affirmation de Bérénice à l’acte I sc. 5 (« Titus m’aime, il peut
tout, il n’a plus qu’à parler ») est à la fois naïve, fausse et vraie. La parole est tout dans
Bérénice : elle peut nouer, dénouer, jurer ou trahir, chérir ou répudier, acter ou
magnifier.
La parole est souvent l’enjeu des tragédies raciniennes, comme dans Phèdre où
l’héroïne a besoin de plusieurs scènes (I, 3 et II,5) pour avouer l’inavouable.
Au théâtre, la parole se substitue de fait à l’action, puisque tout dépend des
répliques des personnages : au 20e siècle, ce présupposé sera remis en question
avec des paroles désarticulées (chez IONESCO), dérisoires (chez LAGARCE) ou
injurieuses (chez PINTER).