Cornée

Que faire quand le kératocône

devient hypermétrope ?

Olivier Prisant - Cabinet Alma-Vision, Clinique de la Vision, Paris ; oprisant@gmail.com

L
e kératocône est une déforma-
tion cornéenne qui entraîne un
astigmatisme irrégulier et une
détérioration de la vision d’autant plus
importante que le stade est avancé.
La kératométrie centrale augmente, ce
qui entraîne une myopisation d’autant
plus importante que le stade est
avancé.
de 2 à 5 dioptries pour les anneaux
(selon leur épaisseur et leur longueur
angulaire) et d’autant pour le laser
topoguidé (selon l’importance et le
profil de la photoablation). En combi-
nant ces 2 chirurgies et en dosant leurs
effets sur la réfraction selon l’impor-
tance de l’amétropie pré-opératoire,
la correction myopique peut aller
jusqu’à 8 à 10 D, ce qui est très béné-
fique pour la majorité des KC, myopes,
leur permettant d’approcher souvent
en post-opératoire une réfraction
proche de l’emmétropie (Figure 1).

•
●●●●●●●● Traitement
chirurgical
conservateur
La chirurgie conservatrice du kérato-
cône vise à régulariser la cornée pour
améliorer la fonction visuelle. Nous
disposons de 2 techniques dites « cor-
néoplastiques » que nous combinons
souvent dans le temps : une méthode
additive, les anneaux intracornéens
(AIC) et une méthode ablative, le laser
Excimer topoguidé que l’on couple
presque toujours au cross-linking (CXL)
pour stabiliser le kératocône ou éviter
une aggravation de celui-ci sous l’effet
du laser Excimer.

Le bénéfice visuel de cette approche
est lié à la régularisation de la géomé-
trie cornéenne entraînant une réduc-
tion des aberrations d’ordre supérieur
(HOA) et une remontée de la meilleure
acuité corrigée (MAVC).
Sur le plan réfractif, ces 2 méthodes
aplatissent la cornée, ce qui a pour
effet de réduire la myopie de l’ordre
Figure 1 : Patient de 26 ans, myopie initiale de -7,50 D en équivalent sphérique (ES), emmétropisé
par une chirurgie conservatrice en 2 étapes (anneaux puis laser topoguidé).
A : Carte kératométrique préopératoire et plan de traitement, 2 anneaux asymétriques Keraring® AS
de 160°/150-250 µm.
B : Carte kératométrique post-AIC. On remarque une diminution du cône avec une réduction de l’amétropie
et une remontée de la MAVC ainsi qu’une diminution de la kératométrie maximale (Kmax).
C : Carte différentielle pré/post-anneaux, qui montre l’effet d’aplatissement des anneaux.
D : Photo des anneaux.
E : Carte kératométrique post-laser topoguidé + CXL. On remarque une amélioration des paramètres
avec une quasi-emmétropie post-opératoire.
F : Carte différentielle pré/post-laser topoguidé, qui montre l’effet de régularisation du laser.
G : Profil d’ablation topoguidé, réfraction programmée : -4,00(-2,00)5°.

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Ces 2 chirurgies régularisatrices ne
peuvent donc qu’aplatir la cornée et
hypermétropiser sur le plan réfractif.
Cela peut poser problème chez les
patients kératocôniques dont la réfrac-
tion pré-opératoire est faiblement
myope, voire emmétrope, voire
encore, beaucoup plus rarement,
hypermétrope. Ce problème est rela-
tivement fréquent dans la mesure où
la proportion des patients faiblement
myopes (entre 0 et -3 D d’équivalent
sphérique) est de l’ordre de 20 %. Chez
ces patients, ce protocole de régulari-
sation cornéenne en 1 ou 2 étapes
entraînera inévitablement une hyper-
métropie post-opératoire parfois
importante, ce qui est particulière-
ment problématique chez ceux qui
approchent de la presbytie (Figure 2).

Figure 2 : Patient de 15 ans, faiblement myope (-2 d’ES), hypermétropisé par chirurgie conservatrice
en 2 étapes.
A : Carte kératométrique préopératoire et plan de traitement, 1 anneau asymétrique Keraring® AS
de 330°/200-300 µm. Il s’agit d’un kératocône très avancé (Kmax = 60,9 D) et peu myope
(ES préopératoire = -2). Une forte régularisation cornéenne sera nécessaire pour faire remonter
la MAVC, ce qui va entraîner une forte hypermétropisation.
B : Carte kératométrique post-AIC. On remarque une diminution du cône avec hypermétropisation
et remontée de la MAVC de 3 à 5/10 ainsi qu’une diminution du Kmax qui passe de 60,9 à 52 D.
C : Carte différentielle pré/post-anneau montrant l’effet d’aplatissement de celui-ci.
D : Photo de l’anneau.
E : Carte kératométrique post-laser topoguidé + CXL. On remarque une amélioration des paramètres
(MAVC et Kmax), mais avec une hypermétropisation (l’ES sera passé de -2 en préopératoire à +4 D
en postopératoire).
F : Carte différentielle pré/post-laser topoguidé.
G : Profil d’ablation topoguidé, réfraction programmée : +0,00(-2,25)5°. Ce patient ayant un KC
très avancé en préopératire, l’objectif était de régulariser au maximum pour optimiser la remontée
de la MAVC. C’est pourquoi nous n’avons pas cherché à corriger l’hypermétropie dans ce cas.
Ce traitement montre un beau résultat topographique et a permis de faire remonter la MAVC.
Cependant, le patient est devenu hypermétrope.

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Initialement, lorsque nous étions
confrontés à cette hypermétropisation
post-opératoire, par exemple après
pose d’AIC (Figure 3), nous avons
cherché à corriger l’hypermétropie
dans le cadre du deuxième temps
opératoire, par laser Excimer en inté-
grant dans la photoablation topogui-
dée une correction hypermétropique.
Nous avons rapidement cessé cette
approche thérapeutique, car même si
la réfraction post-opératoire s’appro-
chait de l’emmétropie, les résultats en
termes de meilleure acuité étaient très
mauvais. Nous expliquons cela par le
fait que la régularisation topoguidée
se fait essentiellement sur le centre
de la cornée et que la photoablation
hypermétropique se fait surtout en
périphérie, ce qui vient neutraliser
l’effet thérapeutique de la photoabla-
tion centrale.

Figure 3 : Patient de 29 ans, faiblement myope (-1 d’ES). Chirurgie conservatrice en 2 étapes, avec
tentative de correction de l’hypermétropie en même temps que le laser topoguidé (une seule phase).
A : Carte kératométrique préopératoire et plan de traitement avec 2 anneaux de 120°/250 µm.
ES préopératoire de -1,00 D, une hypermétropie post-opératoire est donc à prévoir.
B : Carte kératométrique post-AIC. On remarque une diminution du Kmax avec une hypermétropisation
du patient. L’astigmatisme est passé de 6 D direct à 3 D inverse.
C : Carte différentielle pré/post-anneaux montrant 9 D d’effet torique (habituel avec les anneaux de 120°).
D : Photo des anneaux.
E : Carte kératométrique post-laser topoguidé + CXL. On remarque une réduction de l’amétropie,
mais une baisse de la MAVC (passée de 5 à 2/10). Le Kmax varie peu.
F : Carte différentielle pré/post-laser topoguidé.
G : Profil d’ablation topoguidé, réfraction programmée : +2,00(-2,00)120°. Ce patient ayant une cornée
déjà bien régularisée après les anneaux, nous avons voulu corriger son hypermétropie en même temps
que le laser topoguidé. Nous pensons que le profil d’ablation hypermétropique périphérique
a partiellement neutralisé l’effet régularisateur central de l’ablation topoguidée, ce qui explique le mauvais
résultat en termes de MAVC.

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Plus récemment, nous avons essayé
une nouvelle approche consistant
toujours à corriger l’hypermétropie en
même temps que le laser topoguidé,
mais en dissociant 2 phases de photo-
ablation distinctes, réalisées dans le
même temps opératoire :
• première phase : photoablation
topoguidée centrale visant à corriger
les HOA et le cylindre en négatif,
• seconde phase : photoablation
régulière hypermétropique sur une
très large zone optique et, donc, très
périphérique (Figure 4).
Sur les premiers cas, cette approche
semble bien corriger la réfraction et,
par ailleurs, donner de biens meilleurs
résultats en termes de meilleure
acuité que l’approche initiale.

Figure 4 : Patient de 24 ans, presque emmétrope en ES préopératoire. Chirurgie conservatrice en

2 étapes, avec tentative de correction de l’hypermétropie en même temps que le laser topoguidé
(en 2 phases séparées).
A : Carte kératométrique préopératoire et plan de traitement, 1 anneau asymétrique Keraring® AS
de 330°/150-250 µm. Patient quasi emmétrope en ES en préopératoire.
B : Carte kératométrique post-AIC. On remarque une diminution du Kmax avec une hypermétropisation
du patient. La MAVC est légèrement remontée.
C : Carte différentielle pré/post-anneau.
D : Photo de l’anneau.
E : Carte kératométrique post-laser topoguidé + CXL. On remarque une correction de l’hypermétropie
et une remontée de la MAVC à 8/10. Le Kmax augmente légèrement.
F : Carte différentielle pré/post-laser topoguidé.
G : Deux profils d’ablation successifs : le premier profil est topoguidé central, nous avons cherché
à régulariser la cornée tout en corrigeant le cylindre en négatif (programmation +0,00[-1,50]170°).
Le second profil d’ablation est hypermétropique simple (+3 D), très périphérique (très large ZO)
de manière à préserver l’effet de régularisation centrale du premier profil. Les résultats de ce laser
en 2 temps sont bons en termes de réfraction et de MAVC.

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•
●●●●●●●● Conclusion
En conclusion, la chirurgie conserva-
trice du kératocône par anneaux et/
ou par laser topoguidé corrige très
bien la myopie par un aplatissement
central, ce qui est très bénéfique pour
la majorité de nos patients kératocô-
niques. En revanche, pour les rares
patients hypermétropiques ou emmé-
tropes et les moins rares présentant
une faible myopie, cela pose problème
car la régularisation entraîne une
hypermétropisation qui est souvent
mal vécue par les patients, et cela
d’autant plus qu’ils approchent de la
quarantaine. Nous cherchons à évaluer
une nouvelle approche en combinant
photoablation topoguidée centrale et
hypermétropique très périphérique en
2 phases de tir distinctes pour optimi-
ser le résultat visuel. Cette nouvelle
méthode semble donner des résultats
prometteurs.
Liens d’intérêts : aucun

RÉFÉRENCES
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