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Visualisation des objectifs de traitement

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Jacques Chassignol : Professeur à la faculté de chirurgie dentaire


Université Claude-Bernard, Lyon l, docteur en médecine, docteur en chirurgie dentaire,
docteur en sciences odontologiques France

23-455-E-60 (1996)

Résumé

La téléradiographie est un examen complémentaire indispensable. Aux côtés de l'examen clinique


statique et dynamique, de l'observation des moulages et des photos, elle permet d'établir le bilan
précis des dysmorphoses dentomaxillaires d'un patient. L'examen des structures anatomiques fournit
à lui seul de très nombreuses indications mais les orthodontistes ont cherché à augmenter ces
renseignements en mettant en évidence et en quantifiant les dysmorphoses, les malpositions et le
type facial grâce à des tracés céphalométriques variés. Les superpositions de structures ou de tracés
permettent, a posteriori, de se rendre compte des modifications apportées par la croissance ou la
thérapeutique. Tout naturellement, un pas de plus a été réalisé en essayant de visualiser les objectifs
de traitement c'est-à-dire d'anticiper l'action thérapeutique, si possible en tenant compte de la
croissance, et ainsi de faire une véritable maquette du résultat escompté indispensable pour les choix
thérapeutiques éventuels. Ceci est encore plus nécessaire lors des traitements nécessitant une
chirurgie orthognathique.

©1996 Éditions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS - Tous droits réservés.


EMC est une marque de Elsevier SAS.

Plan

Tweed le précurseur
Chevrons de Steiner
Visualisation des objectifs de traitement de Ricketts
Analyse de Sassouni et set-up céphalométrique de Guy Vienne
Set-up céphalométrique préopératoire
Conclusion

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Tweed le précurseur

Le premier, Tweed a pensé à visualiser son principal objectif de traitement. Le plan de Francfort, le
plan mandibulaire de Downs et l'axe de l'incisive inférieure étaient tracés à l'encre blanche, en traits
pleins, directement sur le film. Selon sa philosophie, l'angle FMIA (axe de l'incisive inférieure sur le
plan de Francfort) devait avoir au minimum 65° ; Tw eed traça, en traits pointillés, un nouvel axe incisif
passant par l'apex de l'incisive inférieure (puisque le mouvement de l'incisive devait se faire avec un
centre de rotation au niveau de l'apex) et formant avec le plan de Francfort un angle d'au moins 65°.
Ainsi se visualisait la place souhaitée de l'incisive en fin de traitement, l'importance du mouvement à
réaliser à partir de l'axe de début de traitement, tracé en trait plein. Et, compte tenu de
l'encombrement éventuel existant sur l'arcade, apparaissait la nécessité d'extractions et le type plus
ou moins puissant d'ancrage à prévoir. Comme son analyse, cet objectif de traitement a été mis au
point pour servir à une technique bien déterminée et ne peut en être dissocié. Ainsi, à côté de son
apport diagnostique était née la vocation thérapeutique de la céphalométrie. Elle s'affinera par la
suite avec les " chevrons " de Steiner, la visualisation des objectifs de traitement (VTO) de Ricketts
ou les diverses simulations par set-up céphalométrique

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Chevrons de Steiner

Steiner a présenté son analyse entre 1953 avec le " minimum vital " et 1959 avec un large
complément issu de son expérience pour augmenter la précision, faciliter l'utilisation et déterminer les
possibilités thérapeutiques [5], [6].

Après avoir établi un bilan squelettique et dentosquelettique (fig 1) et reporté sur une charte les
valeurs lues, il analyse les variations par rapport à ses mesures moyennes, idéales, notamment un
angle ANB de 2°, une distance incisive supérieure-NA d e 4 mm et une distance incisive inférieure-NB
de 4 mm également ; la distance pogonion(Po)-NB n'a pas de valeur idéale en raison de sa grande
variabilité. Mais, avec Holdaway, il considère que le rapport 1/1 doit être sauvegardé (rapport des
mensurations incisive inférieure-NB et Po-NB) tout en admettant cependant une différence de 2 mm
si les tissus de recouvrement ont une épaisseur moyenne. Ce bon rapport conditionne la stabilité de
l'incisive inférieure dans sa base osseuse et en même temps un profil harmonieux.

Conscient des limites thérapeutiques et des espoirs de croissance, Steiner cherche alors la meilleure
position et angulation possible des incisives.

Sur sa charte, se présente une série de diagrammes en forme de chevron schématisant les axes des
incisives supérieure et inférieure en occlusion. Le premier chevron est " le problème ", les suivants
serviront à la résolution et aux contrôles en cours ou en fin de traitement. Au-dessus, une rangée de
chevrons donne d'une part la valeur idéale et d'autre part les compromis acceptables (fig 2).

Sur le premier chevron est posé le problème soit dans le cas présenté un ANB de 7°, une incisive
supérieure - NA de 6,5 mm et 22,5°, une incisive inf érieure - NB de 9 mm et 31,5° et une distance
Po-NB de 0,5 mm.

Dans une première hypothèse maxillaire, Steiner va chercher les valeurs acceptables pour les
incisives en fonction de l'ANB corrigé. Il est estimé, que pour un orthodontiste moyen, l'angle ANB
sera réduit de la moitié plus 1, ici sa valeur espérée sera (7/2) + 1 soit 4,5° ; dans les chevrons
modèles, pour une telle valeur de l'ANB, les valeurs des incisives sont respectivement 1,5 et 4,5 ces
valeurs sont reportées sur le diagramme supérieur des chevrons superposés (ANB).

Puis, considérant la possibilité de croissance au niveau du pogonion pendant la durée du traitement


soit environ 0,5 mm par an, la distance de Po-NB s'évaluera, ici, à 1,5 mm pour 2 ans de traitement
et si l'on respecte la règle de Holdaway la distance de l'incisive inférieure à NB sera 1,5 mm, ce qui
est 3 mm en arrière de l'hypothèse maxillaire ; pour éviter un trouble de l'occlusion au niveau incisif,
nous devons ajouter cette différence, qu'elle soit positive ou négative, à la valeur de l'incisive
supérieure de l'hypothèse maxillaire soit 1,5 + (- 3) = - 1,5 que l'on placera avec les autres valeurs
sur le chevron inférieur ou mandibulaire. Des valeurs différentes apparaissent donc pour les incisives
sur ces deux chevrons superposés. Le quatrième chevron sera la résolution théorique du problème
avec ANB et Po-NB estimés et pour les valeurs incisives, la moyenne arithmétique des valeurs des
deux hypothèses : incisive supérieure 0 mm, incisive inférieure 3 mm avec angulation respective de
18 et 21° (fig 2). Cette résolution théorique pourra être individualisée sur le cinquième chevron.
Connaissant la valeur du repositionnement incisif, il est alors possible de déterminer le plan de
traitement, la nécessité d'extractions et la valeur de l'ancrage nécessaire en évaluant notamment la
dysharmonie dentomaxillaire grâce à la " boîte " qui figure sur la charte à côté des chevrons.

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Visualisation des objectifs de traitement de Ricketts

Les trois mots clés de Ricketts et Gugino étant qualité, quantité, efficacité, une organisation très
rationnelle du travail a été mise au point (planification, organisation, direction, contrôle) qui comporte
toujours la notion de prévision [4]. Dans le système céphalométrique de Ricketts, élaboré dès 1957
sous le nom de synthèse céphalométrique [8], la VTO [1] répond particulièrement à ces critères. En
effet, la visualisation des objectifs de traitement réalise une véritable maquette préalable aux choix
finaux de la thérapeutique. Elle tient compte à la fois de la prévision de croissance à venir et des
effets escomptés de la " mécanique " mise en oeuvre. Elle permet d'envisager les différentes
solutions thérapeutiques entre lesquelles le choix sera effectué en fonction des résultats esthétiques
et du degré de difficulté. Les objectifs déterminés, il sera possible de programmer les séquences de
traitement et les moyens à mettre en oeuvre. De plus, cette maquette sera une référence pendant
toute la durée du traitement. Cette VTO de management apparaît donc comme indispensable à une
bonne gestion et une bonne réalisation du traitement. Elle sera tracée après détermination de la
croissance mandibulaire dans sa direction et son intensité, évaluation de la valeur souhaitable de la
réduction de la convexité, et calcul de la " longueur d'arcade ". Pour la réaliser dans sa forme
simplifiée, après avoir effectué l'analyse en 11 points (fig 3) et déterminé le type facial, on devra
successivement :

- prolonger le plan Ba-Na de 1 mm par an au-delà de Ba et de Na (en réalité le module de croissance


crânienne n'est que de 0,8 par an mais nous prendrons le module 1, de même nous ne modulerons
pas, comme le font certaines écoles, les autres effets de la croissance en fonction de la situation de
l'enfant sur sa courbe d'accroissement annuel) ;
- tracer la tête du condyle ;
- prolonger l'axe facial de 3 mm par an au-delà de la symphyse ;
- remonter le calque le long de l'axe facial de cette valeur ;
- dessiner la symphyse (fig 4) et tracer le plan mandibulaire (et la ligne Xi-Pm) ;
- tracer le nouveau plan facial ;
- superposer l'ancien et le nouveau plan facial en enregistrant Na. On visualise l'agrandissement de
la face dans sa partie inférieure entre le nouveau et l'ancien menton ;
- diviser cette distance en trois : un tiers pour le maxillaire, un tiers pour la mandibule et un tiers pour
l'os alvéolaire (deux marques : 1 et 2) ;
- remonter le long du plan facial et superposer la marque supérieure sur l'ancien menton (et
paralléliser les plans Ba-Na par une rotation au niveau du plancher des fosses nasales) et dessiner le
maxillaire supérieur (fig 5) sauf la zone du point A ;
- évaluer le nouveau point A en se rapportant à la synthèse céphalométrique, le plus souvent le
reculer de 1 mm par an et l'abaisser de 0,5 mm par an et dessiner le nouveau plan A-Po ;
- remonter d'un tiers en plaçant la deuxième marque sur l'ancien menton, paralléliser les plans Ba-Na
et dessiner le plan occlusal ;
- placer idéalement (fig 6) la pointe de l'incisive 1 mm au-dessus du plan d'occlusion, à 1 mm en
avant de A-Po et selon un axe de 22° avec ce plan. En réalité, interviennent le contrôle de la
longueur d'arcade inférieure, le retentissement du repositionnement de l'incisive sur les tissus mous
[7]
, l'environnement anatomique (la forme de la symphyse et les possibilités de déplacement de l'apex
entre les corticales), l'environnement parodontal (le déplacement en avant n'est pas possible si la
hauteur de gencive attachée est insuffisante), l'environnement occlusal fonctionnel (ligne de Mac
Horris) et l'environnement neuromusculaire (sillon labiomentonnier : l'avancée ne sera pas stable s'il
est marqué) ;
- dessiner alors l'incisive supérieure en occlusion avec un axe parallèle à l'axe facial ;
- tracer la molaire inférieure en fonction des conclusions de l'analyse de l'arcade sur le nouveau plan
occlusal et la molaire supérieure en occlusion correcte avec elle ;
- après tracé des parties molles selon les indications de l'étude esthétique, des superpositions locales
permettent de visualiser les mouvements dentaires à réaliser, d'évaluer la possibilité thérapeutique et
le degré de difficulté. Cette maquette est plus un moyen supplémentaire d'établir le plan de traitement
qu'une visualisation exacte du résultat escompté en fin de traitement.

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Analyse de Sassouni et set-up céphalométrique de Guy Vienne

L'analyse de Sassouni (fig 7), de par sa conception, met en évidence les anomalies et permet
immédiatement de visualiser les objectifs de traitement squelettique basal ou alvéolaire, voire
dentaire, à obtenir. En effet, dans l'analyse antéropostérieure archiale, le tracé des arcs montre la
situation idéale du pogonion sur l'arc antérieur corrigé passant par l'ENA (épine nasale antérieure), le
point B doit se trouver " normalement " sur l'arc alvéolaire passant par le point A et enfin le bord
vestibulaire de l'incisive supérieure est, si l'ENA est de forme moyenne, tangente à l'arc antérieur
corrigé. L'analyse verticale place, avec la correction de croissance, le point menton à la hauteur où
l'équilibre vertical en " normobite " devrait le situer. Il est certain que l'esprit critique doit être présent
comme dans toute méthode d'analyse céphalométrique.

Pour mieux définir son plan de traitement, Vienne a imaginé une méthode de mise en évidence des
objectifs de traitement : le set-up céphalométrique. Initiateur de l'audiovisuel à la Société française
d'orthopédie dentofaciale (SFODF), il l'a décrit dans une cassette audiovisuelle [9].

Vienne utilise à la fois l'analyse de Sassouni modifiée (utilisation du plan Go-Gn au lieu du plan
mandibulaire de Downs...) pour les problèmes squelettiques, et la philosophie de Steiner pour les
problèmes dentaires. Pour mieux visualiser les décalages antéropostérieurs, après détermination du
point O (en ne servant que des plans osseux), les différents points Na, Gn, A, B, mais aussi S et Go
sont projetés de façon archiale en Na, Gn, A, B, S, Go sur le plan d'occlusion qui sera par ailleurs le
plan de référence pour le set-up. Le tracé des structures est effectué sur un calque en acétate
préimprimé avec ligne de référence et repère, à superposer sur SN en enregistrant S ; le repérage
des zones alvéolaires et des dents (couronne et racine des incisives et molaires) sera
particulièrement rigoureux. La projection de SN et Go-Gn permet, comme dans l'analyse de Sassouni
avec les arcs antérieur et postérieur, de déterminer l'éventualité d'une dysharmonie entre la base du
crâne et la mandibule. Par ailleurs, Vienne mesure l'angle plan bispinal - plan mandibulaire qui doit
être de 25° et effectue l'analyse verticale antérie ure de Sassouni.

Ayant défini le type squelettique et le décalage osseux, Vienne visualise ses objectifs de traitement
grâce à son set-up (fig 8). L'objectif principal est le rapport des incisives entre elles : le chevron.
Vienne tient compte de la coaptation des faces linguale de l'incisive supérieure et vestibulaire de
l'inférieure, variable selon la morphologie des couronnes, et de l'angle entre les deux faces
vestibulaires qui doit normalement être compris entre 0 et 10° (et par là, il pose le problème du torq ue
et des attachements à information prédéterminée...), l'angle interincisif peut alors avoir des valeurs
différentes de celles admises communément pouvant aller de 125 à 145°. Une découpe de la partie
inférieure de la mandibule dans de l'acétate incolore est placée sur l'image de la mandibule, des
découpes des incisives et molaires sont réalisées dans de l'acétate coloré. Le plan d'occlusion est
vérifié : pour être accepté, il doit passer sensiblement par le point O et par le stomion, sinon il est
modifié. Successivement, seront placées sur la maquette de la mandibule, l'incisive avec un apex
bien centré dans l'os alvéolaire, puis la molaire après calcul de la dysharmonie dentomaxillaire en
utilisant une " boîte " semblable à celle de Steiner. Sur l'image du maxillaire, l'incisive supérieure est,
à son tour, positionnée dans l'os alvéolaire supérieur, bien centrée et avec un angle de sa face
vestibulaire avec l'inférieure de 10° maximum. La m esure du recul incisif, l'importance de
l'encombrement et la valeur de la place libérée par des extractions éventuelles permet de placer
correctement la maquette de la molaire supérieure sur le plan d'occlusion.

En fonction de la classe molaire et du surplomb incisif ainsi observés, une correction, par des
moyens orthopédiques, du décalage squelettique est décidée, elle est réalisée sur le set-up par le
déplacement de la maquette mandibulaire de la valeur nécessaire pour obtenir une classe I molaire
et un surplomb normal ; un compromis est recherché si le mouvement est irréalisable du fait de son
importance. De petits ajustements sont réalisés afin de parfaire le chevron.
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Set-up céphalométrique préopératoire

L'analyse structurale et architecturale de Delaire in Loreille et al [5] permet de mettre en évidence (fig
9) les déviations importantes des structures osseuses par rapport à leur place logique dans
l'architecture de la face indiquée par les lignes crâniennes et craniofaciales et de déterminer les "
excès " et les " manques " par des hachures ou des pointillés.

" Pour pallier les insuffisances des simulations céphalométriques fournies habituellement : manque
de lisibilité, manque d'informations à usage chirurgical ", Duclos et Freidel ont mis au point " une
méthode de simulation céphalométrique à l'intention des chirurgiens maxillofaciaux qui pratiquent la
chirurgie orthognatique " [2], [3].

Ce set-up céphalométrique préopératoire (fig 10) se réalise, en général sur téléradiographie en fin de
préparation orthodontique.

Des maquettes du maxillaire supérieur et de la mandibule, à l'image des structures tracées sur le
calque, sont découpées dans du polyester coloré. On peut alors en les replaçant sur le tracé
céphalométrique, simuler tous les mouvements possibles des pièces squelettiques lors de
l'intervention : c'est-à-dire, définir la direction (avancée ou recul maxillaire ou mandibulaire, impaction
ou égression maxillaire totale ou différentielle dans la région incisive et dans la région molaire...),
juger de l'amplitude nécessaire du déplacement de la pièce squelettique et de sa possibilité
chirurgicale, mettre en évidence les retentissements de l'autorotation mandibulaire... [3]

Cependant, en particulier pour les ostéotomies du sens transversal ou les asymétries, cette méthode
présente des limites et les auteurs préconisent en complément la simulation gnathologique sur
moulages.

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Conclusion

Actuellement, une évolution se fait vers la simulation par ordinateur des effets conjugués du
traitement envisagé (et à confirmer) et de la croissance sur l'occlusion, le profil osseux voire le profil
cutané. Mais nos connaissances méritent d'être encore approfondies que se soit sur les phénomènes
de croissance, spécialement mandibulaire, ou sur les effets thérapeutiques des différentes méthodes.
Toutes ces simulations informatiques sont à manier avec précaution et ne peuvent souvent que
donner une indication.

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