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Egalité et équité

Deux conceptions de la justice et de ce qui est juste :

1. Egalité = donner à tout le monde les mêmes moyens


→ pas de prise en compte des inégalités naturelles
→ pas d’égalité des opportunités ou égalité des chances
→ donner à tout le monde la même chose ne donne pas à tout le monde les mêmes
opportunités ; l’égalité des moyens ne produit pas l’égalité des chances
→ Aristote : égalité arithmétique : parts égales

2. Equité = donner à tout le monde les mêmes opportunités


→ l’équité ne vise pas l’égalité de moyens mais l’égalité des opportunités
→ justice corrective (des inégalités naturelles) : sur la 2ème image, les 3 personnages sont
égaux (égalité des chances) : ils font tous la même taille → égalité mathématique atteinte
par correction (= l’équité) des inégalités naturelles
→ l’équité dans les moyens prend en compte l’inégalité des conditions, les inégalités
naturelles, et elle permet l’égalité des opportunités
→ justice sociale
→ égalité de puissance et d’action reconstituée par décision et redistribution des moyens
→ justice distributive
→ Aristote : égalité géométrique : parts coefficientées selon le mérite, le besoin, ou un
autre critère. Parts proportionnelles aux besoins. Chez Aristote, la justice distributive
consiste à donner plus ou moins en fonction du mérite.
Equité = justice qui tient compte de la généralité de la loi et de la singularité des cas

Exemples :
les impôts : ils sont proportionnels aux revenus
les PAP, PPS : aide aux élèves qui en ont besoin pour qu’ils aient les mêmes opportunités
que les autres → on compenses leurs handicaps pour qu’ils puissent de manière égale
avoir les mêmes chances de réussite que les autres.
§ 1. La suite naturelle des considérations précédentes, c’est de traiter de l’équité et de
l’équitableet d’étudier les rapports de l’équité avec la justice, et de l’équitable avec le juste.
Si l’on yregarde de près, on verra que ce ne sont pas des choses absolument identiques
et qu’elles nesont pas non plus d’un genre essentiellement différent. A un certain point de
vue, nous ne nousbornons pas à louer l’équité et l’homme qui la pratique, nous allons
même jusqu’à étendre cettelouange à toutes les actions estimables autres que les actions
de justice. Ainsi, au lieu du termegénéral de bon, nous employons le terme d’équitable ; et
en parlant d’une chose, nous disonsqu’elle est plus équitable pour dire apparemment
qu’elle est meilleure. Mais à un autre point devue, et en ne consultant que la raison, on ne
comprend pas que l’équitable ainsi distingué dujuste, puisse être encore vraiment digne
d’estime et d’éloges ; car de deux choses l’une : ou lejuste n’est pas bon ; ou bien
l’équitable n’est pas juste, s’il est autre chose que le juste ; ou enfin,si tous deux sont
bons, ils sont donc nécessairement identiques.

§ 2. Telles sont à peu prèsles faces diverses et assez embarrassantes sous lesquelles se
présente la question de l’équité.Mais en un certain sens, toutes ces expressions sont ce
qu’elles doivent être, et elles n’ont entreelles rien de contradictoire. Ainsi, l’équitable, qui
est meilleur que le juste dans tellecirconstance donnée, est juste aussi ; et ce n’est pas
comme étant d’un autre genre que le juste, qu’il est meilleur que lui dans ce cas.
L’équitable et le juste sont donc la même chose ; et tous les deux étant bons, la seule
différence, c’est que l’équitable est encore meilleur.

§ 3. Ce qui fait la difficulté, c’est que l’équitable, tout en étant juste, n’est pas le juste légal,
le juste suivant la loi ; mais il est une heureuse rectification de la justice rigoureusement
légale.

§ 4. La cause de cette différence, c’est que toujours la loi est générale nécessairement, et
qu’il est certains objets sur lesquels on ne saurait convenablement statuer par voie de
dispositions générales. Aussi, dans toutes les questions où il est absolument inévitable de
prononcer d’une manière purement générale, et où il n’est pas possible de le bien faire, la
loi ne saisit que les cas les plus ordinaires, sans se dissimuler d’ailleurs ses propres
lacunes. La loi pour cela n’est pas moins bonne ; la faute n’est point ici à elle ; la faute
n’est pas davantage dans le législateur qui porte la loi ; elle est tout entière dans la nature
même de la chose ; car c’est là précisément la matière de l’action.

§ 5. Lors donc que la loi dispose d’une manière toute générale, et que, dans les cas
particuliers, il y a quelque chose d’exceptionnel, alors on fait bien, là où le législateur est
en défaut, et où il s’est trompé parce qu’il parlait en termes absolus, de redresser et de
suppléer son silence, et de prononcer à sa place, comme il prononcerait lui-même s’il était
là ; c’est-à-dire, en faisant la loi comme il l’aurait faite, s’il avait pu connaître le cas
particulier dont il s’agit.

§ 6. Ainsi l’équitable est juste aussi, et il vaut mieux que le juste dans certaines
circonstances, non pas que le juste absolu, mais mieux apparemment que la faute
résultant des termes absolus que la loi a été forcée d’employer. La nature de l’équité, c’est
précisément de redresser la loi là où elle se trompe, à cause de la formule générale qu’elle
doit prendre.

§ 7. Ce qui fait encore que tout ne peut s’exécuter dans l’État par le moyen seul de la loi,
c’est que, pour certaines choses, il est absolument impossible de faire une loi ; et que, par
conséquent, il faut pour celles-là recourir à un décret spécial. Pour toutes les choses
indéterminées, la loi doit resterindéterminée comme elles, pareille à la règle de plomb dont
on se sert dans l’architecture de Lesbos. Cette règle, on le sait, se plie et s’accommode à
la forme de la pierre qu’elle mesure et ne reste point rigide ; et c’est ainsi que le décret
spécial s’accommode aux affaires diverses qui se présentent.

§ 8. On voit donc clairement ce qu’est l’équitable et ce qu’est le juste, et à quelle sorte de


juste l’équitable est préférable. Ceci montre avec non moins d’évidence ce que c’est que
l’homme équitable : c’est celui qui préfère par un libre choix de sa raison, et qui pratique
dans sa conduite, des actes du genre de ceux que je viens d’indiquer, qui ne pousse pas
son droit jusqu’à une fâcheuse rigueur, mais qui s’en relâche au contraire, bien qu’il ait
l’appui de la loi pour lui. C’est là un homme équitable, et ce mode d’être particulier, c’est
l’équité, qui est une sorte de justice, et qui n’est pas une vertu différente de la justice elle-
même.

Aristote, Éthique à Nicomaque, V, 1137a31-1138a3


Ce qui fait la difficulté, c'est que l'équitable, tout en étant juste, n'est pas le juste selon
la loi, mais un correctif de la justice légale. La raison en est que la loi est toujours quelque
chose de général, et qu'il y a des cas d'espèce pour lesquels il n'est pas possible de poser
un énoncé général qui s'y applique avec rectitude. Dans les matières, donc, où on doit
nécessairement se borner à des généralités et où il est impossible de le faire
correctement, la loi ne prend en considération que les cas les plus fréquents, sans ignorer
d'ailleurs les erreurs que cela peut entraîner. La loi n'en est pas moins sans reproche, car
la faute n'est pas à la loi, ni au législateur, mais tient à la nature des choses, puisque par
leur essence même la matière des choses de l'ordre pratique revêt ce caractère
d'irrégularité. Quand, par suite, la loi pose une règle générale, et que là-dessus survient
un cas en dehors de la règle générale, on est alors en droit, là où le législateur a omis de
prévoir le cas et a péché par excès de simplification, de corriger l'omission et de se faire
l'interprète de ce qu'eut dit le législateur lui-même s'il avait été présent à ce moment, et de
ce qu'il aurait porté dans sa loi s'il avait connu le cas en question. De là vient que
l'équitable est juste, et qu'il est supérieur à une certaine espèce de juste, non pas
supérieur au juste absolu, mais seulement au juste où peut se rencontrer l'erreur due au
caractère absolu de la règle. Telle est la nature de l'équitable : c'est d'être un correctif de la
loi, là où la loi a manqué de statuer à cause de sa généralité.

Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre V, chapitre 14, 1137a 31-1138a 3


Mon but est de présenter une conception de la justice qui généralise et porte à un plus
haut niveau d'abstraction la théorie bien connue du contrat social telle qu'on la trouve,
entre autres, chez Locke, Rousseau et Kant. [....]
Je soutiendrai que les personnes placées dans la situation initiale choisiraient deux
principes assez différents. Le premier exige l'égalité dans l'attribution des droits et devoirs
de base. Le second, lui, pose que des inégalités de richesse et d'autorité sont justes si et
seulement si elles produisent, en compensation, des avantages pour chacun et, en
particulier, pour les membres les plus désavantagés de la société. Ces principes excluent
la justification d'institutions par l'argument selon lequel les épreuves endurées par certains
peuvent être contrebalancées par un plus grand bien, au total. Il peut être opportun, dans
certains cas, que certains possèdent moins, afin que d'autres prospèrent, mais ceci n'est
pas juste. Par contre, il n'y a pas d'injustice dans le fait qu'un petit nombre obtienne des
avantages supérieurs à la moyenne, à condition que soient par là même améliorées la
situation des moins favorisés. [....] Les deux principes que j'ai mentionnés plus haut
constituent, semble-t-il, une base équitable sur laquelle les mieux lotis ou les plus
chanceux dans leur position sociale [....] pourraient espérer obtenir la coopération
volontaire des autres participants.

John Rawls, Théorie de la justice, 1971

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