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Physiologie de l’hémostase
The Normal Haemostatic Process
T. de Revel (Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service
adjoint) a,*, K. Doghmi (Assistant des Hôpitaux des Armées,
spécialiste d’hématologie) a,b
a
Service d’hématologie, Hôpital d’Instruction des Armées Percy, 101 avenue Henri-Barbusse,
92141 Clamart, France
b
Service d’hématologie, Hôpital militaire d’instruction Mohammed V, Rabat, Maroc
MOTS CLÉS Résumé Le processus physiologique de l’hémostase est déclenché par le développement
Hémostase primaire ; d’une brèche vasculaire. Il vise à son obturation et au colmatage de la fuite sanguine par
Coagulation ; deux étapes distinctes mais intriquées et dépendantes l’une de l’autre : l’hémostase
Fibrinolyse ; primaire et la coagulation plasmatique. L’hémostase primaire est le mécanisme d’ur-
Plaquettes ; gence mettant en jeu les plaquettes sanguines circulantes qui adhèrent à l’endothélium
Thrombine ;
pour former le thrombus blanc ou clou plaquettaire. Secondairement, le thrombus
Fibrine ;
Temps de céphaline
plaquettaire est consolidé par la constitution d’un réseau de fibrine qui enserre les
activé ; plaquettes agrégées dans ses mailles. La fibrine insoluble est générée à partir d’une
Temps de Quick protéine plasmatique soluble, le fibrinogène, sous l’action de la thrombine, produit final
de la cascade d’activation enzymatique du système de la coagulation. Le thrombus
fibrinoplaquettaire est secondairement résorbé par la mise en œuvre d’une enzyme
protéolytique, la plasmine, principale protéine du système fibrinolytique. Les différentes
phases de l’hémostase sont hautement régulées par un système d’activateurs et d’inhi-
biteurs plasmatiques assurant un contrôle local de la constitution du caillot et évitant
l’activation de la coagulation à distance de la brèche vasculaire.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : hematologie.percy@wanadoo.fr (T. de Revel).
protéase. Le facteur activé a ainsi la capacité d’ac- pent aux processus de la fibrinolyse et de l’inflam-
tiver par hydrolyse un autre facteur dans une véri- mation, tous deux étroitement reliés au système de
table cascade enzymatique. la coagulation.
La vitamine K est nécessaire à l’acquisition des
propriétés fonctionnelles des facteurs II, VII, IX et X Cofacteurs : facteurs V et VIII
dénommés ainsi facteurs vitamine K-dépendants. Les facteurs V et VIII sont dépourvus d’activité
Le rôle de la vitamine K consiste en une carboxyla- enzymatique mais accélèrent les réactions entre
tion des résidus d’acide glutamique de la partie N une enzyme et son substrat, d’où leur nom de
terminale de la chaîne polypeptidique. La carboxy- cofacteurs. Ils sont activés par la thrombine (Va et
lation est nécessaire à la fixation du calcium, véri- VIIIa) qui réalise une hydrolyse partielle des molé-
table pont entre la chaîne polypeptidique et la cules, démasquant ainsi les sites de liaison du co-
surface phospholipidique plaquettaire ou tissulaire. facteur à l’enzyme et à son substrat. Les facteurs
En l’absence de vitamine K, le foie libère des Va et VIIIa ont donc un rôle de potentialisateur des
facteurs décarboxylés très faiblement actifs. interactions enzymatiques et interviennent respec-
La fixation des sérines protéases procoagulantes tivement au sein de deux complexes enzymatiques
à la surface des phospholipides confère trois types de la cascade de la coagulation, le complexe tenase
d’avantages au processus de coagulation : un ac- (VIIIa) et le complexe prothrombinase (Va) (cf.
croissement de la concentration accélérant les in- infra).
teractions entre les différents facteurs, une restric- Ces facteurs ne sont pas vitamine-K dépendants
tion locale de l’activation de la coagulation, une et sont synthétisés dans l’hépatocyte. Le facteur
protection des enzymes procoagulantes vis-à-vis VIII, ou facteur antihémophilique A, circule dans le
des inhibiteurs circulants de la coagulation. plasma associé au VWF qui joue ainsi le rôle de
Les facteurs contacts (facteurs XI, XII, prékalli- protéine transporteuse. Le gène codant pour le
créine), dont la synthèse ne dépend pas de la facteur VIII est situé sur le chromosome X.
vitamine K, sont essentiellement définis par leur
rôle dans le développement de la coagulation du Fibrinogène
plasma in vitro. En effet, leur activation est déclen- Le fibrinogène représente le troisième type de fac-
chée par le contact avec une surface non mouilla- teur de la coagulation, jouant un rôle de substrat
ble (verre du tube par exemple), ou chargée néga- sans activité enzymatique ou catalytique propre. Il
tivement (sous-endothélium). Il semble que leur s’agit du substrat final de la coagulation, hydrolysé
rôle dans l’hémostase physiologique soit mineur, par la thrombine qui le transforme en chaînes inso-
et, bien que leur déficit congénital perturbe gran- lubles de fibrine. Le fibrinogène est synthétisé par
dement les tests de coagulation, les sujets atteints l’hépatocyte et son taux plasmatique est de l’ordre
ne présentent pas de manifestations hémorragi- de 2 à 4 g/l, taux accru lors des états infectieux ou
ques. En revanche, les facteurs contacts partici- inflammatoires ou bien diminué par consommation
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neutralise les facteurs enzymatiques dès qu’ils dif- sur le plasminogène est déclenchée lors de son
fusent à distance. adsorption sur la fibrine. La sécrétion vasculaire de
Le système protéine C-protéine S est de décou- t-PA est initiée par de nombreux stimuli d’activa-
verte plus récente. Il s’agit de deux protéines syn- tion de la cellule endothéliale : thrombine, cytoki-
thétisées par le foie sous la dépendance de la nes pro-inflammatoires, anoxie, acidose, stase...
vitamine K. La pro-urokinase ou activateur urinaire du plasmi-
La protéine C est activée par la thrombine après nogène (u-PA), est le second activateur du plasmi-
liaison à la thrombomoduline exprimée par la mem- nogène présent dans de nombreux tissus mais dont
brane endothéliale. La protéine C activée (PCa) en le rôle physiologique est moins connu que celui de
présence de protéine S neutralise les cofacteurs Va la t-PA.
et VIIIa, ralentissant par là considérablement la Les inhibiteurs de la fibrinolyse comportent des
vitesse de génération de la thrombine. Les person- inhibiteurs de la plasmine proprement dits et des
nes présentant des déficits constitutionnels hétéro- inhibiteurs de l’activité du plasminogène.
zygotes en protéine C et protéine S sont à risque L’a–2–antiplasmine est la principale protéine à acti-
accru de thrombose veineuse spontanée ou en pré- vité antiplasmine ; il s’agit d’une glycoprotéine
sence de facteurs de risque surajoutés. Plus récem- synthétisée par la cellule hépatique qui neutralise
ment a été décrite une mutation du gène du facteur la plasmine plasmatique circulante non liée à la
V, rendant la protéine insensible à l’action inhibi- fibrine. Le PAI de type 1 ou PAI-1 est le principal
trice de la protéine C activée : il s’agit de la inhibiteur des activateurs du plasminogène (PAI) ; il
« résistance à la protéine C activée », pourvoyeur s’agit d’une glycoprotéine synthétisée par la cel-
de thromboses familiales d’identification récente. lule endothéliale qui inhibe le t-PA et l’u-PA par
formation d’un complexe covalent. Le PAI-1 est
majoritairement localisé dans les granules a des
Fibrinolyse physiologique plaquettes, et est libéré lors de l’activation pla-
quettaire qui initie le processus de l’hémostase. Le
La fibrinolyse est un processus physiologique per- PAI de type 2 (PAI-2) est un autre inhibiteur synthé-
mettant la dissolution du caillot de fibrine. La tisé par le placenta au cours de la grossesse.
fibrinolyse est bâtie selon la même conception que Ce système très fin de régulation de l’activité de
le système de la coagulation comprenant des molé- la plasmine et de sa restriction à la surface de la
cules à activité protéolytique, qui agissent sur un fibrine explique le fait que la fibrinolyse physiolo-
substrat, contrôlées par un système d’activateurs gique soit un processus qui reste localisé au niveau
et d’inhibiteurs permettant une régulation physio- du thrombus. Son rôle réside en effet dans la lyse
logique très précise. progressive du caillot après la cicatrisation de la
L’enzyme centrale de la fibrinolyse est la plas- brèche vasculaire, mais aussi dans la prévention de
mine qui dérive d’un précurseur plasmatique inac- son extension évitant par là l’occlusion de la lu-
tif, le plasminogène, glycoprotéine d’origine hépa- mière vasculaire.
tique. Le plasminogène possède une grande affinité Une hyperfibrinolyse primitive pathologique
pour la fibrine, et s’y fixe par un récepteur spécifi- avec syndrome hémorragique peut s’observer au
que aux côtés de son activateur, permettant ainsi décours d’interventions chirurgicales intéressant
la génération locale de plasmine via le démasquage des organes très riches en activateurs du plasmino-
des sites protéolytiques. La plasmine protéolyse le gène (t-PA et u-PA). Il existe par ailleurs des ta-
fibrinogène et la fibrine en divers fragments de bleaux de fibrinolyse secondaire à des processus
tailles variables, identifiés comme les produits de pathologiques de CIVD se développant au cours de
dégradation de la fibrine, ou PDF, qui sont quanti- certaines hémopathies ou états septiques sévères.
fiables dans le plasma. Le taux de PDF plasmatiques
est ainsi un reflet de l’activité de la plasmine et
donc de l’activation de la coagulation. Les PDF sont Exploration de l’hémostase
emportés dans le courant plasmatique et épurés au
niveau du foie par le système macrophagique. Tout événement clinique hémorragique pathologi-
La fibrinolyse est contrôlée par deux systèmes que ou tout antécédent de manifestation(s) hémor-
équilibrés d’activation et d’inhibition de l’activité ragique(s) anormale(s) doit faire entreprendre un
de la plasmine. bilan d’hémostase à la recherche d’une cause ac-
Les activateurs principaux du plasminogène sont quise ou constitutionnelle. De même, une explora-
le t-PA (activateur tissulaire du plasminogène) et la tion de l’hémostase doit s’envisager à titre de bilan
pro-urokinase. Le t-PA est une sérine protéase opératoire pour des interventions chirurgicales pré-
d’origine endothéliale dont l’activité protéolytique sentant un risque hémorragique.
80 T. de Revel, K. Doghmi
Temps de Quick