Vous êtes sur la page 1sur 2

2 - ARISTOTE

volonté. Mais s’il y a des biens qui ne sont tels qu’en vue d’autre chose, et qui par
2 - ARISTOTE conséquent ne sont qu’utiles, n’y a-t-il pas un souverain bien, un bien qui se suffît à
soi-même et qui est le terme ultime de tout désir ? Aristote le désigne comme étant le
Qu’Aristote ait été, dans sa jeunesse, le disciple de Platon ne l’empêcha point de bonheur. Toutefois, si tous les hommes s’accordent sur ce point, le désaccord vient
réviser, sous bien des aspects, la philosophie de son maître. S’agissant de la réflexion de la définition qu’ils donnent de la « vie bonne ». On peut, néanmoins, ramener leurs
divergences à l’opposition entre trois modes de vie : le plaisir, la vie politique et la vie
sur la communauté politique, là comme ailleurs, la pensée d’Aristote se caractérise
philosophique.
par un rejet de la perspective intellectualiste qui lui avait été enseignée. Les principaux
ouvrages d’Aristote sur son enseignement politique qui ont été conservés sont la c. L'homme vertueux
Politique et L’Ethique à Nicomaque. • La sociabilité naturelle. L’homme réalise son essence « d'animal raisonnable »,
Attachée aux réalités empiriques que ses dons d’observateur lui faisaient saisir et non dans la vie de plaisir où l’emportent ses passions, mais dans une « activité de
analyser, animée par le désir de s’en tenir à ce qui est accessible et praticable plutôt l’âme conforme à la vertu ». Telle est la bonne vie, la vie vertueuse et la vie heureuse.
qu’à la réalisation d’un modèle de perfection théorique, cherchant, en toute pratique, Le principal soin de la politique est de faire que « les citoyens soient des êtres d’une
le juste milieu qui est, à ses yeux, la définition même de la vertu, la pensée politique certaine qualité, autrement dit des gens honnêtes et capables de nobles actions ». Le
d’Aristote combine l’approche purement descriptive (les Constitutions réelles) et but de l’association politique n’est pas principalement la défense des intérêts
le point de vue normatif (la justice parfaite, la Cité idéale). matériels, mais la vie heureuse de l’homme, considéré comme un citoyen libre de
l’État. Car l’homme n’est pas simplement un individu isolé, mais aussi un « animal
sociable » qui réalise son « bien-vivre » dans la communauté de l’État.
A. LA SAGESSE PRATIQUE • Définition de la vertu. Si la pratique de la vertu et l’amélioration des hommes
a. La distinction théorie-pratique constituent le souci propre de la science politique, on ne saurait faire l’économie d’une
définition de la vertu. La vertu est un « juste milieu », une « médiété », entre deux
• Selon Aristote, on ne saurait, dans le domaine des choses humaines, sujettes au extrêmes vicieux, telle que la pratique l’homme prudent.
changement et à la variation, exiger une exactitude, une précision, qui ne se trouvent
que dans les sciences théoriques (la métaphysique, les mathématiques, la physique, • Aristote fait une distinction entre les hommes qui accomplissent des actions
etc… La science pratique traite de l’homme en tant qu’il est un être conscient et qu’il vertueuses dans la considération des avantages qu’ils peuvent en retirer et ceux qui
est source d’une action, laquelle résulte d’une volition, par nature changeante. La pratiquent la vertu pour elle-même. Dans L’Ethique à Eudème, il distingue deux
science pratique ne se soucie pas de la connaissance de l’essence de la vertu, mais des sortes d’hommes vertueux : l’« homme bon » (agathos), qui agit vertueusement afin
moyens de devenir vertueux ; sa faculté propre est la partie calculatrice ou rationnelle d'acquérir les choses naturellement bonnes, tels la richesse et les honneurs, et l'«
de l’âme humaine, qu’Aristote appelle la « prudence » (phronésis). homme noble et bon » (kalos- kagathos), qui accomplit les actions vertueuses pour
elles- mêmes parce qu'elles sont nobles.
• La méthode d’Aristote, touchant à la « sagesse pratique », consiste à partir de
l’opinion des hommes ordinaires, et non de principes que l’on pourrait déduire de • • La magnanimité. L'homme politique véritablement digne de ce nom appartient à
façon immuable, comme dans le domaine de la science théorique. Pour cette raison, il cette dernière catégorie : c'est l'homme magnanime qui agit vertueusement avec un
s’éloigne moins qu’on ne le pense de la démarche socratique, exposée dans les légitime sentiment de fierté. On l'appellerait volontiers un « gentilhomme », au sens
Dialogues de Platon. intraduisible que l'anglais donne à la notion de gentleman. La magnanimité est la vertu
morale par excellence de l'individu, mais, du point de vue la Cité, la plus haute vertu
• La science pratique, qu’Aristote expose au livre VI de l’Éthique a Nicomaque, est morale est la justice.
composée de trois branches : l'éthique, ou science du caractère, l’économique, ou
science de l’administration de la maisonnée, et la science politique, au sens étroit du
terme, science du gouvernement de la communauté politique. Il est essentiel de
remarquer que l’éthique fait partie intégrante de la philosophie politique.
b. La finalité du bonheur
Le bien est tenu, par Aristote, comme étant la finalité de toute action humaine, de toute

Histoire des Idées politiques (Licence 1 et 2) 1 Andry Raodina


2 - ARISTOTE

B. LA JUSTICE d'hommes libres et égaux exerçant des activités économiques de haute spécialisation,
Aristote distingue deux formes de justice : la justice distributive et la justice dont le but est de concourir à la réalisation, non seulement de la vie, mais de la vie
corrective. noble et heureuse.

a. La justice distributive
• Jusqu'à aujourd'hui, le problème de la justice sociale peut être compris comme
celui de la répartition équitable, de la juste distribution des biens, des charges et des
honneurs à l'intérieur d'une société. Or les critères de répartition sont de nature fort
différente selon que l'on s'attache au mérite de la naissance, de la richesse ou de la
vertu. C'est pourquoi la justice distributive est une matière sujette à controverse entre
les hommes, ses principes divergeant selon que le régime est de type monarchique,
oligarchique ou démocratique. La Cité idéale imaginée par Aristote dans la Politique
s'efforcera de décrire la plus juste répartition qui convienne à une communauté
composée de citoyens libres et parfaitement vertueux.
• La justice distributive, selon Aristote, n'est pas égalitaire mais proportionnelle : elle
consiste à donner des parts égales à des personnes considérées comme égales, selon
le critère de mérite retenu, mais « si les personnes ne sont pas égales, elles n'auront
pas de parts égales ».
b. La justice corrective
Elle concerne les transactions privées volontaires (contrats) ou involontaires (vol,
crime, etc.). Indifférente à la nature des personnes concernées, la justice corrective,
rendue par le juge, rétablit une égalité rompue par le délit : « Peu importe, en effet,
que ce soit un homme de bien qui ait dépouillé un malhonnête homme, ou un
malhonnête homme un homme de bien. » Le châtiment ou la réparation doivent être
proportionnés à la gravité du dommage causé.
c. La justice et la légalité
• Au sens plein du terme, la justice n'existe que dans une communauté de citoyens
libres et égaux dont les relations sont régies par les lois. C'est pourquoi Aristote peut
définir l'homme juste comme « celui qui observe la loi et qui respecte l'égalité ».
La justice peut être comprise comme l'obéissance i m loi, dans la mesure où celle-ci a
en vue l'utilité commune. Est-elle, pour Aristote, réduite à la loi positive, à la légalité
? N'v a-t-il pas des prescriptions de la justice qui s'imposent de soi, indépendamment
de toute convention ? N'y a-t-il pas un droit naturel -
• Thomas d'Aquin a interprété dans ce sens certains passages du livre V de L’Éthique
à Nicomaque. Mais Aristote ne défend pas l'existence de principes immuables de
justice, comme le feront les théologiens médiévaux et les philosophes du droit naturel
au XVIIe siècle. Sa pensée reste toujours soucieuse de prendre en considération la
diversité des régimes et des types de Constitution. Malgré ces formes multiples
d'organisation du pouvoir, la Cité, telle qu'Aristote la conçoit, est une association

Histoire des Idées politiques (Licence 1 et 2) 2 Andry Raodina

Vous aimerez peut-être aussi