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| François DELAHAYE |
particuliers tels qu’un restaurant 3 étoiles dirigé par Alain Ducasse,
un chef pâtissier de renom en la personne de Christophe Michalak,
nous avons fait construire une patinoire pour l’hiver, etc.
Lorsque je suis arrivé à la tête de l’hôtel à la fin des années 1990, ce
dernier n’était pas propriétaire de ses murs, n’ était classé qu’au sixième
rang des palaces français, son image vieillissait avec ses murs, son
dynamisme ralentissait… En plus de 10 ans, nous sommes parvenus
à devenir numéro deux du marché. Nous sommes également devenus
propriétaires de nos murs tout en nous agrandissant afin de pouvoir
augmenter la taille de certaines de nos suites et donc la qualité de nos
offres.
Malgré ces bonnes réussites, je me dois de rester continuellement
prudent et ambitieux. Prudent car la concurrence évolue
constamment, que ce soit sur le marché des palaces avec l’ ouverture
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dernières années en France, en Europe et dans le monde ? Quels
en sont ses principaux enjeux et ses perspectives ?
| François DELAHAYE |
du luxe à la française. Ils viennent donc faire leur shopping avenue
Montaigne, acheter des montres et bijoux, robes, etc. Ils dépensent
énormément en biens mais logent dans des hôtels standards... Ils se
déplacent avec des compagnies aériennes chinoises, voyagent avec
un tour opérator chinois et, une fois sur place, restent en groupe pour
ne pas risquer les problèmes de langues, etc. Le tourisme de masse
est bien en place en Chine. Il ne reste plus qu’ à ce que ces derniers
soient attirés par les hôtels de luxe et les palaces. Le fait qu’ils aient
une vitrine de leur culture à Paris les rend tout d’abord fiers, curieux
de ce type de services, mais surtout plus enclins à venir loger dans
ce type d’endroits et à découvrir l’hôtellerie de luxe. Cela créé donc
une chambre d’ écho qui contribue à rapprocher cette clientèle de nos
standards de services.
Tout l’enjeu pour nous étant, dés lors, de trouver des arguments
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Géoéconomie : La crise n’a donc pas eu d’impact sur l’hôtellerie
du luxe ?
| François DELAHAYE |
François Delahaye : En 2008, le gouvernement m’avait demandé
de participer à l’ élaboration des critères pour la nouvelle classification
des hôtels de 0 à 5 étoiles. À cette époque la France ne disposait pas
de nomenclature permettant l’ obtention et donc l’ existence d’hôtels 5
étoiles et se contentait des 4 étoiles luxe. Pour un pays qui se présente
et est connu comme l’un des principaux marchés de l’hôtellerie de
luxe, cela ne pouvait convenir et engendrait même des moqueries
de la part de nos confrères étrangers. Au-delà, cette absence de 5
étoiles en France représentait également un problème de cohérence
et d’uniformité sur des territoires pourtant souvent voisins puisque,
par exemple, l’Espagne présentait plus de deux cents 5 étoiles sur son
territoire à ce moment. Il en allait également d’une qualité de service
vis-à-vis des voyageurs et des clients qui, en raison d’une classification
différente d’un pays à l’autre, ne savaient pas comment s’orienter et
choisir sur le marché français
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des hôtels 5 étoiles sur leur territoire. Il ne faut pas oublier que nous
sommes alors en pleine reprise en main des dépenses de l’État par
le nouveau gouvernement, que de nombreuses décisions avaient été
prise par Paris qui n’avaient pas été accepté par certains élus (retraits
des bases militaires, redécoupages électorales, etc.). Ces derniers
disposaient donc d’arguments supplémentaires pour faire céder
le gouvernement dans leur sens. À savoir qu’en compensation des
décisions qui leur avaient été défavorables, ils souhaitaient que soit
permis sur leur territoire la présence d’hôtel 5 étoiles.
Les élus et le groupe Accor ont donc unis leur force pour faire en
sorte qu’une nouvelle nomenclature soit adoptée dans ce sens, et ce
au grand bénéfice d’Accor qui était dès lors le seul à pouvoir ainsi
se voir attribuer les 5 étoiles requises par les députés alors que les
critères établis par toute la profession ne permettaient pas à des Sofitel
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| François DELAHAYE |
ne peut pas toujours correspondre à un besoin puisque beaucoup de
ces hôtels de luxe marchent grâce à une clientèle « corporate » qui ne
pourrait plus venir chez eux s’ils étaient classifiés comme « Palace ».
Donc tous n’ont pas voulu intégrer cette catégorie.
De plus, ils ne pouvaient pas assumer ce statut qui leur imposait
un certain nombre de services et donc de salariés, alors que la plupart
de ces grands hôtels de luxe ne vivent que sur une partie de la saison.
C’est le cas par exemple des villes comme Biarritz, La Baule, Megève,
Deauville, dont les grands hôtels de luxe présentent les qualités et le
style d’un Palace mais qui ne peuvent ou ne préfèrent pas investir sur
l’année pour correspondre à ces critères qui sont assez contraignants
d’un point de vue économique. Alors que les hôtels parisiens qui ont
de la clientèle toute l’année peuvent davantage se permettre ce type
d’investissement et de services. Les barrières à l’entrée sont assez
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François Delahaye : Il est vrai que les pays du Golfe sont de plus
en plus présents dans le monde de l’hôtellerie du luxe, que ce soit en
tant que clients ou en tant que propriétaires, comme par exemple le
Georges V qui est devenu la propriété du Prince Al Walid d’Arabie
saoudite ou encore les hôtels de la Dorchester Collection qui
appartiennent au Brunei Investment Agency. C’est un phénomène
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assez récent qui s’ explique notamment par le fait que ces derniers
disposent d’une puissance financière importante. Elle leur permet
d’investir dans ce type de biens en France et dans le monde entier
et ainsi de diversifier leurs investissements dans une optique de
préparation de l’après-pétrole ; mais aussi, et surtout, pour le prestige
que cela leur confère de posséder quelques uns des plus grands
symboles du luxe et du raffinement dans le monde.
Au-delà de ces raisons qui leur sont propres et qui ne sont
certainement pas exhaustives il faut également se rendre compte qu’ils
sont parmi les seuls à pouvoir réellement contribuer au développement
et à l’entretien de ce standing de luxe auquel nous prétendons. Car
il faut bien se rendre compte de tout ce que représente, en termes
d’investissements, le fait de posséder ce genre d’hôtel. La rentabilité à
court terme y est très faible et tout le monde ne peut pas se permettre
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| François DELAHAYE |
l’ égard de cet état de fait. Tout le monde en profite et je ne pense pas
qu’il faille absolument chercher une source d’inquiétude, en tout cas
pour l’instant.
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travers d’« Atout France », qui sont sous alimentés. Les ministres du
Tourisme en France se trouvent au bas de l’échelle gouvernementale
et ne sont vraiment pas incités à œuvrer pour le renforcement de
cette filière. Ce manque de reconnaissance de la filière touristique se
ressent également au niveau de l’enseignement et de la formation qui
sont aujourd’hui essentiellement des voies de garage empruntées par
ceux qui n’ ont pu réussir dans d’autres filières.
Les Français eux-mêmes ne contribuent pas au renforcement de la
filière puisque nous sommes régulièrement enclins à nous plaindre et
critiquer leur présence et ne prêtons que peu d’attention et d’assistance
aux touristes présents chez nous.
Et bien évidemment les acteurs de la filière ne sont pas exempts
de tout reproche non plus. Des douaniers à l’aéroport, aux taxis,
en passant par les garçons de café qui ne parlent que rarement une
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| François DELAHAYE |
ouvert et développé leur économie grâce aux tourismes et à une vraie
culture et stratégie sur cette filière. Ils démontrent par la même que
nous ne méritons peut-être pas pour encore longtemps notre statut
de leader mondial.
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acteurs de la profession soient davantage impliqués et conscients
de ces enjeux. Lorsque l’ on entend le discours de Barack Obama, et
que l’ on voit ce qui est fait dans les autres pays, notamment dans
les pays émergents qui ont pour la plupart axés leur stratégie de
développement économique sur le tourisme, il apparaît nécessaire
d’agir. Nous devons, de toute urgence, instaurer une coordination,
un leadership de la profession en France, et mettre fin à ce dédain
politique et global qui se manifeste par une absence complète
de considération, de réflexion stratégique et prospective sur la
profession.
| François DELAHAYE |
la qualité de l’image que nous renvoyons de la France dans le monde
car il ne faut pas oublier que nous sommes les acteurs d’un élément
incontournable du soft power français.
Nous avons la chance d’avoir un pays géographiquement
parfaitement placé ; nous y avons un climat et des températures
tempérés, nous avons un littoral préservé et parmi les plus grands et
beaux d’Europe, des chaînes de montagnes, un patrimoine historique,
culinaire et culturel extraordinaire… c’ est une chance incroyable ! Le
monde entier nous envie tout cela ! Nous devons penser à l’avenir,
aux générations futures, et cela implique donc qu’il faut faire bouger
les choses maintenant avant que nous ne perdions notre place de
numéro un. Car la France mérite que nous gardions notre première
place et donc que nous nous battions pour cela !
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