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Mais cela ne veut nullement dire que les sujets sociaux et moraux
n'occupent pas une importante place dans ce théâtre. Le nom de
Bernard Dadié constitue à lui seul tout un programme. La
dénonciation de certaines coutumes et traditions compose une
grande partie des sujets abordés. D'ailleurs, les élèves de l'école
William Ponty ont été les premiers à aborder ce thème. On peut
citer, entre autres, les pièces suivantes, Kwao Adjoba, Entraves et La
sorcière d’Amon d'Aby, mini Adjao de Bernard Dadié et Trois
prétendants, un mari de Guillaume Oyono.
L'absence de liberté d'expression et de démocratie dans les
pays africains pousse les auteurs à s'exiler en Europe, ce qui pose
1
Maxime N'débéka, , Le Président, Oswald, Paris, 1970, p.27.
même pas son propre peuple: " peuple, un mot aussi creux que la
vallée de la mort".2
La lecture de nombreuses pièces africaines nous permet de
comprendre qu'elles mettent souvent en question le pouvoir du
président, du chef, du dictateur. Ce personnage chargé de plusieurs
qualifications négatives représente l'Etat dans ce continent
toujours marqué par une absence de liberté d'expression et de
parole. C'est pourquoi nous analyserons le fonctionnement de ce
personnage qui figure comme élément rhétorique. Il est la
métonymie de l'Etat. Dans Le Président, il déclare à plusieurs
reprises: " L'Etat, c'est moi"3. Il est Dieu: " le règne du Dieu de
l'héroïque vérité"4, "L'Etat, c'est le président"5. Le personnage dans
le théâtre est l'unité de base du texte. Le président est donc la
métonymie d'un référent historico-social précis. Tout un
fonctionnement connotatif du mal sous-tend le discours du
personnage du leader.
Les personnages sont parfois situés et non localisés dans
un lieu géographique précis. Le président, personnage de la pièce
du congolais Maxime N'débéka, n'est ni nommé, ni décrit
physiquement. Il s'approprie parfois le langage de Proudhon ("La
propriété, c'est le vol"); il ne vit que pour faire du mal. C'est un
tyran marqué par une mégalomanie extrême, espace névrotique
caractérisant de nombreux dictateurs africains ("homme gonflé de
tous les pouvoirs possibles et impossibles, maître des hommes,
maître des choses"). A côté de pièces se revendiquant du théâtre
dit politique, existent d'autres textes qui posent surtout des
problèmes sociaux. C'est le cas des œuvres de Bernard Dadié qui
privilégie surtout la problématique sociale. Mais cela ne veut
nullement dire que cet auteur ne traite pas des questions politiques.
Ainsi Monsieur Thôgô Gnini est une très subtile et intelligente critique
des pouvoirs absolus en Afrique.
Mais en Afrique noire, comme d'ailleurs dans d'autres pays
anciennement colonisés, la question linguistique traverse tous les
débats et sous-tend même la notion de spectacle et des choix
esthétiques. Ecrire des pièces implique la rencontre avec un public
qui, souvent, ne maîtrise pas la langue française utilisée par la
plupart des hommes de théâtre qui, dans de nombreux cas,
préfèrent l'exil dans les pays européens à une vie morose, sans éclat
dans leurs pays marqués par une absence manifeste de la liberté
d'expression et des pratiques démocratiques. Il faut ajouter à tout
2
Alexandre Kum'a N'dumbe III, Le soleil de l'aurore, P.J. Oswald, Paris,
1976, p.12.
3
Maxime N'débéka, Le Président, p.22.
4
Ibidem.
5
Ibidem.
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