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Mme Claveau -LL1-

Parcours : émancipations créatrices


Arthur Rimbaud, Cahier de Douai (1870) –
Ma Bohème (fantaisie)= Bohème vie en marge, façon de vivre souvent propre aux artistes -
Bohême = actuelle République Tchèque= les habitants les plus connus = Tziganes
 Thèmes de l’errance-nature-création poétique

JE = pronom personnel 1° pers + pronoms possessifs  caractère autobiographique du poème ?

Thème = pauvreté  se dégager de la matérialité pour être LIBRE

Poème = un sonnet soit

Deux quatrains + deux tercets = 14 vers dont le dernier = la pointe (comme une conclusion, une
chute du poème)

Poème écrit en Alexandrin = vers de 12 pieds à chaque fois

Les rimes suivent le modèle classique du sonnet ABBA  embrassées  Ce que montre ici
Rimbaud c’est qu’il maîtrise l’art poétique, il casse les codes en mettant en place un thème
inhabituel, l’errance source de liberté.

 Plan : Pour mener cette analyse linéaire du poème « Ma bohème » d’Arthur Rimbaud, nous
suivrons le mouvement naturel du texte en adoptant un découpage par strophe. La première
strophe introduit l’errance physique du poète. Les strophes 2 et 3 insistent sur le lien du poète
avec la nature. Enfin, la dernière strophe montre le poète dans un processus de création.
 Problématique : Quelle image de la liberté ce sonnet met-il en avant ?
Analyse linéaire :
V1 : Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;12/ A  caractère autobio = je + m’ = il
s’agit de la mise en place d’un fait, un souvenir celui de l’errance, le fait que le mouvement soit mis en place
par le verbe s’en aller = dynamique + hémistiche (normalement = la moitié d’un vers) = virgule, pause
après le 4° pied = insistance. 2° partie du vers les poings ds les poches attitude du « mauvais garçon »,
déterminé même si les poches sont crevées = rien, l’argent ne compte pas ce qui est important c’est la
liberté soulignée par l’errance. Les premiers mots du poème expriment l’errance. En effet, le verbe de
mouvement « s’en aller » n’est pas accompagné d’un complément circonstanciel de lieu. On comprend donc
que la destination ne compte pas. Le poète, qui s’exprime à la première personne (« je » ; « mes »), adopte
une attitude décontractée : « les poings dans mes poches crevées ». Il apparaît donc qu’il est habitué de ce
genre d’errances et y trouve un certain plaisir. L’habitude transparaît également dans le temps qui domine
l’ensemble du poème : l’imparfait à valeur itérative (d’habitude, de répétition) « allais » ; « devenait » ;
« allais » ; « étais ».

V2 : Mon paletot aussi devenait idéal ;12 /B  Toujours même idée, c’est son histoire qui est
racontée, la maîtrise de la langue se met ici en place par le choix des procédés euphémisme, idéal = il est
très usé, mais ici sans importance car ce qui compte c’est ce qu’il représente = la liberté. Pourtant, ce qui
apparaît également dès le premier vers, c’est que le personnage se trouve dans un certain dénuement : ses
poches sont « crevées » ; son paletot devient « idéal » (vers 2), ce qui signifie qu’il est en si mauvais état
qu’il n’est plus qu’une idée. Ainsi, même si le poète semble souffrir de pauvreté, son errance lui procure une
aisance et un plaisir lui faisant oublier ses problèmes. On peut noter l’allitération en -m (« m’en » ; « mes » ;
« mon » ; « Muse » ; « amours ») dans l’ensemble de la strophe qui véhicule un sentiment de douceur et de
confort en contradiction avec les difficultés matérielles.

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V3 : J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;12/B  « j’allais » = encore une fois le mouvement,
utilisé sans complément se suffit à lui-même +imparfait est à la fois duratif et sans doute « itératif » = ce
n’est pas sa 1° errance- le but est-ce l’errance lui procure  l’inspiration poétique = « muse », la suite du
vers = le désir d’écriture = « Ton féal » = au service de la muse = de la poésie. Adresse à la muse +
tutoiement = proximité, Rimbaud joue sur les temps = anachronie entre muse (antique) et féal (médiéval),
ironie ici, une écriture libre. Mais aussi la liberté infinie, il est loin de toute ville de tout humain. Dans ce
vers, la périphrase « sous le ciel », en position de complément de lieu indique que l’errance du poète a lieu en
extérieur. L’imprécision de la localisation confirme que la destination n’a pas d’importance tant qu’il peut
rester en extérieur, c’est à dire proche de la nature. Cela lui permet de se rapprocher de la « Muse » qu’il
apostrophe, figure de l’inspiration poétique. On remarque qu’il se permet le tutoiement d’une figure
d’habitude très respectée par les poètes : « j’étais ton féal ». Cette légère impertinence illustre
parfaitement la rébellion du jeune Rimbaud, mais également la relation privilégiée qu’il noue avec la poésie

V4 : Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées ! 12/A  « oh ! là ! là » à la fois enfantin et


familier, se joue des codes de la poésie classique, mais met en avant sa création poétique avec des thèmes
traditionnels comme « l’amour », les « amours splendides j’ai rêvées » = écriture soutenue + poésie = féminin
amour + hyperbole splendides = la création poétique. Mise en place de l’ironie aussi, il est seul et sait se
suffire à lui-même ! Ce tutoiement du vers précédent peut ici s’expliquer et être lu comme une forme
d’allégresse due à la jeunesse du poète. Cette lecture se confirme grâce aux exclamations « Oh ! là là ! que
d’amours splendides j’ai rêvées ! » On voit très bien que le personnage / poète se laisse emporter par sa
fougue et le bonheur qu’il ressent à errer librement dans la nature.

 A remarquer : dans la strophe 1 ainsi que dans la strophe 2, les auxiliaires être et avoir
s’entrecroisent : « j’étais ton féal » (v.3) / « avait un large trou » (v.5) ; « Mon auberge était à la
Grande-Ourse » (v.7) / « avaient un doux frou-frou » (v.8). On peut penser que le poète veut
montrer qu’être est plus important qu’avoir. Donc qu’il préfère vivre libre dans le dénuement,
qu’opprimé dans l’opulence. Ainsi dans cette strophe, le poète nous livre l’image d’un personnage
pauvre, mais heureux dans la simplicité et la liberté de son errance.
V5 : Mon unique culotte avait un large trou.12/C  Possessif + unique = peu de possession + avoir =
verbe à l’imparfait = une description =un constat le trou (de manière hyperbolique) = un fait = souvenir. ce
premier vers de la seconde strophe vient confirmer cette pauvreté matérielle : « mon unique culotte avait
un large trou ». D’une part le personnage ne possède qu’une « unique culotte » qui d’autre part est trouée.

V6 : – Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course 12/D  Retour sur l’enfance, comparaison,
comme PP, il semble être perdu et pour garder « le cap » il sème des rimes= son but ultime = l’art poétique.
Son lien avec le personnage du conte, comme lui hors de chez lui, mais il le veut = différence. « Rêveur »,
hors de la réalité + naïveté du pers = on insiste aussi sur son caractère juvénile. Rêveur, car il laisse
derrière lui son passé, il est dans le présent = celui de son errance La métaphore du « Petit-Poucet rêveur »
est intéressante car elle permet de filer le thème de la pauvreté (le Petit-Poucet est issu d’une famille
pauvre) tout en introduisant l’idée que la poésie est son guide. Dans le conte original, le Petit-Poucet sème
des miettes de pain pour retrouver son chemin. Ici, le poète laisse derrière lui « des rimes ». Il insiste sur
cet élément en le plaçant au centre du poème (vers 7 sur 14) et en le rejetant grâce à un procédé
d’enjambement. Donc, comme le Petit-Poucet, Rimbaud aurait fui sa famille. Mais il laisse derrière lui
quelque chose de bien plus durable que des miettes de pain : de la poésie.

V7 : Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. 12 /D  Le rejet, fin du vers 6 dans le 7 =
« rimes » = but : mise en relief. Métaphore « auberge grande Ourse », il est dehors et son refuge = les
étoiles =source d’inspiration/ rêveur et en relation avec la constellation, il a la tête dans les étoiles.

V8 : – Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou 12/C  « Mes » possessif, tout lui appartient,
elles sont presque son quotidien, il met en avant sa liberté ici. « Doux frou-frou » = terme mélioratif,
douceur, il aime les choses simples et se sent bien, comme en sécurité dans cette nature qui l’accueille. On
retrouve dans cette strophe l’idée d’euphorie et d’allégresse introduite dans la première strophe. En effet,
le poète évoque sa « course », comme s’il courait sans but. Ici on suit La métaphore du vers 3 « Mon auberge
était à la Grande-Ourse » suggère qu’il dort à la belle étoile. Il renforce ainsi à la fois le sentiment de

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liberté et l’idée de pauvreté. Cependant, le fait de dormir dehors lui permet surtout de trouver l’inspiration
poétique. Il voit naître des correspondances entre les sens( la synesthésie se met en place) en s’appropriant
la nature : « Mes étoiles », ici le pronom possessif de première personne montre qu’il se sent en harmonie
avec le ciel.

V9 : Et je les écoutais, assis au bord des routes, 12/ E  Il vit au grès du temps et des saisons, mais
il en est aussi tributaire, il est conseillé par la nature qu’il semble écouter « écoutais assis au bord des
routes » = attentif+ « routes » = insiste sur le plaisir de la fugue. Le fait qu’il évoque les étoiles
normalement perçues avec la vue grâce au toucher (« un doux frou-frou ») montre qu’il est capable de
s’approprier la nature, et surtout de percevoir et ressentir les choses différemment. C’est pour lui le
propre du poète, la création de correspondances entre les sens (synesthésie toujours) et l’expression grâce
au langage écrit d’une perception unique des choses.
 Ainsi, Rimbaud poursuit sa déconstruction du sonnet classique tout en confirmant la correspondance des
sens. En effet, il affirme écouter les étoiles, après les avoir touchées. L’attitude du poète (« assis au bord
des routes ») est très évocatrice. On l’imagine tout à fait « écouter » les étoiles, un carnet en main, pour
retranscrire ses émotions et sentiments sous la forme de poèmes .

V10 : Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes 12 :E  jeu de mots « bons soirs /
bonsoir », tout lui convient, la rosée ( rejet) se transforme en vin = enivré par le plaisir du grand air. Dans
ce vers, l’adjectif mélioratif « bon » insiste sur le bonheur du poète. Il est heureux dans la simplicité de sa
situation. La précision temporelle du mois de « septembre » permet de relier le poème à l’expérience de la
seconde fugue de Rimbaud, en septembre 1870. Fugue pendant laquelle il aurait justement écrit ce sonnet.
La troisième strophe démarre en continuité directe de la deuxième. Il s’agit de la même phrase, connectée
par une conjonction de coordination : « Et je les écoutais ».

V11 : De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; 12/ F  « rosée à mon front » = comme si
Nature déposait de petits baisers sur son front avant de s’endormir. « Vin de vigueur » = ce qui donne du
courage au travailleur = lui le poète, le travailleur des mots Le poète fait de nouveau appel à une
correspondance des sens à la fin de la troisième strophe : « je sentais des gouttes / de rosée à mon front,
comme un vin de vigueur ». Ici, il évoque d’abord une sensation liée au toucher pour la ramener ensuite au
goût avec le vin. Cela montre bien que les choses les plus simples et ordinaires de la nature comme la rosée
le nourrissent ; à la fois au sens propre en lui redonnant des forces comme le « vin de vigueur » et au sens
figuré en l’inspirant. La nature est donc belle est bien un hôte agréable : elle fournit une « auberge » (v.7)
au poète et le revigore. On remarque de nouveau un phénomène d’enjambement entre les vers 10 et 11. La
fréquence de ces déséquilibres dans la versification peut évoquer le comportement erratique du poète qui
court (v.6) puis s’assoit (v.9), dort à la belle étoile (v.7) ou encore s’exclame de bonheur (v.4).
 Nous voyons donc dans ces deux strophes que deux phénomènes s’opèrent conjointement. D’une part, le
poète témoigne de son harmonie avec la nature et du bonheur qu’il trouve dans ses errances. D’autre part,
on commence de voir naître le poème, inspiré par les correspondances perçues par le poète.

V12 : Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, 12 /G  C’est finalement la poésie qui l’emporte
dans cette dernière strophe. À commencer par l’emploi du participe passé « rimant » qui désigne l’activité
d’écriture du poète. « Au milieu des ombres fantastiques » propose un cadre onirique légèrement effrayant.
Il s’agit en fait de la perception de la tombée de la nuit par le poète dont l’imagination refaçonne le réel. Par
ailleurs, si le verbe « rimer » évoque directement la poésie, il ne fait en fait que reprendre un champ lexical
présent depuis la première strophe : « idéal » ; « Muse » ; « féal » ; « amours splendides » ; « rimes ». Le
pronom relatif « où » au début de la strophe renvoie aux « bons soirs de septembre ». Le poète affirme
donc ici avoir profité de sa fugue pour écrire de la poésie.

V13 : Comme des lyres, je tirais les élastiques 12/G  Rimbaud explique sa conception de l’art
poétique : l’écriture d’un poème revient à « tir(er) les élastiques », cela signifie que le langage permet de
distendre, donc d’adapter et de modifier le réel. ( le poète doit se faire voyant écrira-t-il dans une lettre

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à son ami Demeny) Rimbaud affirme donc ici sa vision de la poésie et du langage : ils permettent de
transformer la réalité. En cela il « suit les traces de « son maître » Baudelaire) Cependant, l’enjambement
du dernier vers ramène les « élastiques » à une réalité plus basse grâce au complément du nom « de mes
souliers blessés ». Ainsi, on voit que tout part du réel, puisque le poète est en fait en train de jouer avec ses
vieilles chaussures quand lui vient l’inspiration. L’adjectif « blessés » épithète du nom « souliers » forme une
hypallage. L’adjectif devrait plutôt compléter le nom « pied ». En tout cas, cela suggère que l’errance du
poète lui laisse des stigmates physiques.

V14 : De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur ! 12/F  hypallage (inversion
grammaticale = blessés = les souliers mais renvoie dans ce sens à pieds ou cœur Il est entré dans une forme
de transe poétique, c’est à dire un délire, ou plutôt un « des lyres » comme le suggère le jeu de mots du
vers 13.
La rime entre « fantastiques » et « élastiques » permet à Rimbaud de refuser le sérieux généralement
attribué au poète. Pour lui, la légèreté et la spontanéité doivent primer, même, ou surtout, dans la création
poétique. On retrouve bien ici l’idée de sacrifice de soi pour la poésie. Idée chère à Baudelaire, qui fait du
poète un voyant sacrifiant sa vie pour faire « voir » aux autres. C’est l’un des sens que l’on peut attribuer à
la dernière exclamation du poème : « un pied près de mon cœur ! ». L’enthousiasme transcrit par
l’exclamation est rendu également par une accélération du rythme de lecture. En effet, tous les mots du
dernier hémistiche du poème sont des monosyllabes : « un / pied / près / de / mon / cœur ».
 Le sens de pied est double : soit l’on parle du pied qui est l’unité de mesure en poésie, dans ce cas,
Rimbaud voudrait affirmer que la poésie est la chose la plus importante pour lui, car elle est « près de (s)on
cœur ». Il est également possible de donner le sens habituel au mot « pied ». Dans ce cas, Rimbaud revient à
son goût pour l’errance et la liberté. Le pied serait la partie la plus importante de son corps car il lui permet
de rester toujours en mouvement.
 Il est intéressant de voir le sonnet finir par une double-lecture. En effet, traditionnellement le sonnet
termine par une chute (la pointe) qui éclaire normalement le sens des autres strophes. Ici, on constate que
le poète refuse les contraintes du sonnet classique et propose une vision renouvelée de la poésie : pleine de
mystère et de possibilités.
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Intro

Ce sonnet original présente de manière légère et pleine de dérision le processus de création


poétique sur fond d’errance physique du poète. Bien que le sonnet soit une forme poétique
traditionnelle et contrainte, lorsqu’il fugue pour s’émanciper du carcan maternel et social, c’est
cette forme que choisit Arthur Rimbaud pour composer ses premiers poèmes.
Comme Baudelaire avant lui, il s’empare d’une forme ancienne pour y souffler un vent de liberté
et exprimer sa rébellion. Le poème « Ma bohème » se trouve dans la seconde partie du premier
recueil d’Arthur Rimbaud : Cahier de Douai. Ce recueil dont Rimbaud écrit les poèmes à l’occasion
de ses fugues en 1870 ne sera publié qu’après sa mort, en 1919. Le sonnet, plein de références
directes à la poésie, fait place belle aux audaces poétiques et langagières. Il revendique une
liberté autant physique que poétique. C’est pourquoi nous nous demanderons quelle image de la
liberté ce sonnet met-il en avant ?
Conclusion :
Nous avons pu voir que ce poème propose une vision autobiographique des thèmes de l’errance et
de la bohème en pleine nature. Cependant, il apparaît au fur et à mesure des vers, que c’est un
art poétique que nous livre ici Arthur Rimbaud. Il donne à voir un poème qui se construit au gré
de ses pérégrinations. « Ma bohème » d’Arthur Rimbaud donne une triple image de la liberté.
D’abord, la liberté est celle de l’individu qui trouve son bonheur dans l’errance, dans l’harmonie

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avec la nature et dans l’affranchissement des contraintes sociales. Ensuite, la liberté est celle de
la poésie qui transparaît à travers la forme du sonnet retravaillée, ou du tutoiement de la Muse.
Enfin, la liberté est surtout celle de créer une nouvelle image du réel. Le poète laisse sa
perception guider son écriture et remodèle la réalité grâce à la poésie. Les fugues de Rimbaud,
par la bouffée de liberté qu’elles représentent pour lui, ont beaucoup inspiré sa poésie. On trouve
par exemple les thèmes de l’errance et de l’émancipation dans le court poème « Sensation » , ou
dans le sonnet « Au cabaret-vert »

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