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Ikhlef Chaimaa

Ftouh Yasmine

Exposé : Les critères de sélection des arbitres

L'adage maître de l'arbitrage est toujours : « Tant vaut l'arbitre, tant vaut l'arbitrage »,
c’est-à-dire que l’arbitrage vaut ce que vaut l’arbitre.

L’arbitrage s’inscrit dans les modes alternatifs de règlement des litiges et représente
aujourd’hui le mode le plus utilisé dans le commerce international tant son ampleur est grande et
importante. Il se définit plus simplement comme le règlement d’un litige par une ou plusieurs
personnes, les arbitres, auxquelles les parties ont décidé de s’en remettre. L’arbitre se définit
quant à lui comme un juge privé désigné par ceux dont il doit trancher le litige. Le terme
“arbitre” provient du latin arbiter, et parait étymologiquement designer “un juge qui se
transporte sur les lieux du litige”.

C’est ainsi que la sélection des arbitres demeure une étape cruciale dans tout arbitrage
international. En effet, dans l’esprit des parties, l’arbitre est un spécialiste, sinon le spécialiste de
la question litigieuse. Il est bien souvent choisi au regard de ses compétences juridiques ou
techniques sur un domaine précis, ou encore en raison de sa profession. Il semble plus opportun
aux parties de se référer à un arbitre de confiance, désigné par eux-mêmes, que de recourir à une
procédure juridique plus contentieuse, voire classique de règlement des litiges.

Cette libre désignation de l’arbitre ne doit pourtant pas aboutir à ce que le cocontractant plus
puissant impose son choix et fasse l’objet d’un désaccord entre les parties. En d’autres termes, le
choix de l’arbitre est libre et implique le reflet de la volonté des parties, mais celle-ci demeure
limitée et peut être source de conflit, notamment lors de désignation d’un arbitre unique qui
demeure un choix plus délicat. Il existe néanmoins une autre alternative pour les parties à défaut
d’accord sur le choix des arbitres. Les règlements des institutions d’arbitrage internationales
prévoient leurs propres critères de sélection des arbitres, qui seraient intéressants à étudier tout
au long de cette recherche.
Les critères de sélection des arbitres feront l’objet d’une analyse, en mettant en lumière les
critères fondamentaux pratiqués pour la désignation des arbitres, au regard de ceux qui sont
prévus essentiellement par les règlements des institutions d’arbitrage ainsi que par les
législations étatiques.

A ce titre, la problématique générale portera sur la question suivante : Dans quelle mesure
s’effectue le mécanisme de désignation des arbitres en présence ou en l’absence d’accord
des parties? (Sous quels critères)

Il serait intéressant de voir dans un premier temps, une sélection des arbitres selon la volonté
des parties (I), puis de voir dans un second temps, les critères réglementés pour la constitution du
tribunal arbitral (II).

I – Une sélection des arbitres selon la volonté des parties

L’une des particularités la plus fondamentale et qui est propre à l’arbitrage, contrairement
à la justice étatique, est la possibilité pour les parties de choisir librement celui à qui elles vont
confier la mission de juger leur différend. Le principe est celui de la liberté de ce choix que les
parties peuvent exercer elles-mêmes ou confier à un tiers. Pour ce faire, et pouvoir choisir
librement les arbitres, les parties doivent convenir que le litige sera résolu par la désignation d’un
ou trois arbitres. Faute d’entente entre les parties, le ou les arbitres seront généralement désignés
par une institution d’arbitrage. Ainsi, le choix de l’arbitre est certes libre, mais il demeure
encadré, notamment par des nombreux critères fondamentaux qui se veulent objectifs (A), et
subjectifs (B).

A. Des critères de sélection objectifs

La particularité de l’arbitrage réside dans le choix des arbitres par les parties, celles-ci ont
la capacité de choisir la personne qui tranchera le litige. Lorsque les parties à un litige
s’accordent sur le choix de l’arbitrage et décident de choisir chacune un arbitre ou de désigner un
arbitre commun, elles doivent s’appuyer sur des critères dits objectifs, qui sont fondamentaux et
généraux.

En effet, les critères objectifs sont directement liés au profil de l’arbitre, il s’agit
principalement de sa formation et son parcours professionnel. L’arbitre est le plus souvent un
juriste (professeur de droit, magistrat ou autre), Seulement, il est préférable que l’arbitre soit
avant tout un juriste, ainsi les parties devraient principalement se tourner vers des juristes pour le
choix de leurs arbitres.

Un autre critère objectif est tout aussi important, et il s’agit de l’expérience. Un arbitre
doit être expérimenté, surtout pour l’arbitrage ad hoc, l’arbitrage institutionnel étant suivi par
l’institution d’arbitrage. Le système juridique d’origine de l’arbitre pressenti a également son
importance et il est notamment lié à l’expérience, car un arbitre de tradition civiliste sera moins
réceptif à des institutions anglo-saxonnes, l’expérience d’un arbitre lui permettra ainsi d’être
familier avec les deux systèmes juridiques existants.

Par la suite, il y a la nationalité de l’arbitre, qui est un critère de sélection important


lorsque l’arbitrage met en cause les intérêts du commerce international, elle est un critère à
portée psychologique. En principe, l’arbitre doit être de nationalité différente des parties qui le
désignent mais il est fréquent que les parties nomment des co-arbitres de même nationalité
qu’elles, car elles se sentent plus proches culturellement et ainsi, plus comprises. Cependant le
règlement de la CCI est strict et impose que l’arbitre soit de nationalité différente de celle des
parties pour assurer son impartialité, de par une certaine “neutralité géographique”. Il existe
néanmoins une exception au règlement de la CCI, en effet, l’arbitre unique ou le président du
tribunal peuvent être ressortissants du même pays que l’une des parties.

Enfin, le dernier critère objectif de sélection est celui de la langue de l’arbitrage et du


droit applicable. Les arbitres doivent maitriser la langue de l’arbitrage, l’arbitre doit en principe
maitriser la langue qui concerne le litige pour pouvoir mener à bien son action et comprendre les
pièces du dossier par exemple. Il est aussi intéressant de sélectionner un arbitre qui est familier
avec le droit étatique applicable.
Ainsi les parties à un litige, ont la possibilité de sélectionner les arbitres librement mais
vont s’appuyer sur des critères objectifs, et généraux qui reposent globalement sur le profil et la
formation de l’arbitre.

B. Des critères de sélection subjectifs

Il existe d’autres critères, tout aussi importants que les critères objectifs pour désigner un
arbitre, et il s’agit des critères subjectifs.

En effet, l’arbitre a le devoir d’être et de demeurer indépendant et impartial. Ainsi lors de


la sélection des arbitres, les parties doivent impérativement choisir un arbitre impartial et
indépendant. L’impartialité est, selon le dictionnaire Dalloz, une garantie fondamentale de
procédure qui impose que tout litige soit soumis à un juge neutre, c’est-à-dire sans préjugés sur
l’affaire et sans parti pris à l’égard des parties au litige. L’indépendance, quant à elle, précise que
l’arbitre ne doit pas avoir de relation passée ou actuelle avec les parties ou leurs conseils de
quelque nature que ce soit. L’arbitre doit être sélectionné selon son impartialité et son
indépendance, par les parties. Cette exigence résulte de l’obligation faite à l’arbitre, par l’article
1456 du code de procédure civile français qui impose à l’arbitre choisi de révéler toute
circonstance susceptible d’affecter son indépendance ou son impartialité lors de sa désignation, il
s’agit de l’obligation de révélation. Le règlement de la CCI précise notamment à son article 11-2
une disposition similaire, comme pour le règlement d’arbitrage de la CNUDCI et de la LCIA
(London court of international arbitration). Les critères de l’impartialité et de l’indépendance
peuvent néanmoins faire l’objet d’une contestation qui sera tranchée par l’institution d’arbitrage,
et d’une contestation de la validité de la sentence arbitrale, si elle a lieu après le prononcé de la
sentence.

L’arbitre doit faire preuve de neutralité et d’honorabilité, il s’agit d’une personne


honorable qui sera l’avocat de la partie qui l’a désigné. Cette partie peut également sa sélection
selon le critère de la proximité culturelle avec les parties, celles-ci vont préférer designer un
arbitre ayant la même culture car elles se sentiront mieux comprises.

Par la suite il existe un autre critère subjectif, dit critère clé ; la confiance. Les arbitres
désignés doivent susciter la confiance des parties. Celles-ci doivent faire confiance aux arbitres,
l’idéal serait que des deux côtés, le degré de confiance envers l’arbitre unique et les trois arbitres,
soit le même. Les obligations d’indépendance et de révélation sont là pour créer et préserver un
climat de confiance, dans un décret du 13 janvier 2011, le pouvoir exécutif Français, ajoute une
obligation de loyauté dans la conduite de la procédure qui s’impose aux parties et aux arbitres.
La confiance repose sur deux éléments complémentaires : la réputation et la notoriété. Une
bonne réputation se construit avec le temps, et la notoriété avec encore plus. Un arbitre
experimente1 va susciter plus de confiance aux parties qui seront certaines de gagner la sentence
arbitrale. L’expérience est aussi un élément crucial de cette confiance, en effet l’expérience du
vécu de l’arbitre est importante, car conseiller un arbitre selon l’expérience satisfaisante qu’ont
eu avec les co-arbitres, est un élément qui inspire confiance, travailler avec une personne avec
qui nous avons eu une bonne expérience inspire une atmosphère où règne la confiance.

Enfin, un dernier critère essentiel est également à mentionner; la disponibilité de l’arbitre.


La disponibilité de l’arbitre est un facteur d’efficacité de l’arbitrage. L’arbitre doit pouvoir être
disponible pour les réunions d’arbitrage, il doit pouvoir se pencher entièrement sur l’affaire pour
la traiter efficacement, sans être distrait par une autre affaire ou par d’autres sentences. La CCI a
d’ailleurs instauré une déclaration de disponibilité qu’il est demandé aux arbitres pressentis de
remplir avant leur confirmation ou leur désignation par l’institution. Cette déclaration permet
d’indiquer le nombre d’arbitrages dans lesquels ils interviennent, et les autres activités
susceptibles d’occuper leur emploi du temps.

Les critères objectifs et subjectifs constituent ainsi un fondement pour la sélection des
arbitres par les parties. Ces critères impliquent que d’un côté, la meilleure façon de désigner un
arbitre, bien qu’elle ne soit pas la seule, reste de choisir un arbitre de confiance que l’on connait
suffisamment. D’un autre côté, pour éviter les incidents qui actuellement, se multiplient à la suite
des déclarations faites par les arbitres au moment de leur désignation, on en viendrait presque à
se demander s’il ne faut pas plutôt désigner un arbitre que l’on ne connait pas. On se réfère
notamment à une liste préétablie d’arbitres, par les institutions d’arbitrage qui implique donc une
confiance plus ou moins réduite par rapport à celle résultant d’une volonté absolue des parties.

II – Les critères réglementés pour la constitution du tribunal arbitral

Si les parties ne s'accordent pas sur le choix de l'arbitre, elles peuvent ainsi opter pour un
arbitrage administré par un centre d’arbitrage. Dans ce cas, les critères de sélection d’un ou
plusieurs arbitres seront appliqué suivant le règlement de la chambre arbitrale concernée.

Cette partie sera ainsi consacré pour l’étude des critères de désignation par le centre
d’arbitrage d’une part (A). D’autre part, de souligner l’absence de spécificités au niveau des
textes législatifs (B).

A- Une désignation par le centre d’arbitrage

La première phase du processus de désignation consiste pour les parties à identifier le


contrat, le traité ou la loi contenant le consentement à l'arbitrage CIRDI. À défaut d'accord
préalable, le CIRDI invite les parties, lors de l’enregistrement de la requête d’arbitrage et dans un
délai de 60 jours, à convenir du nombre d'arbitres et du mode de leur désignation. En principe,
les parties ne sont pas obligées de choisir les arbitres parmi les personnes figurant sur les Listes
d'arbitres du CIRDI, cependant en l’espèce, elles se retrouvent dans l’obligation de le faire
puisqu’elles ne se sont pas mises d’accord à ce propos.

Dans le cadre de la convention CIRDI, il est primordial que les personnes désignées
respectent certaines exigences. Principalement, celles relatives à la nationalité. En effet, suivant
l’article 39 de la Convention et l’article 1 al.3 du règlement d’arbitrage « les arbitres composant
la majorité doivent être ressortissants d'États autres que l'Etat contractant partie au différend et
que l'Etat contractant dont le ressortissant est partie au différend ; étant entendu néanmoins que
cette disposition ne s'applique pas si, d'un commun accord, les parties désignent l'arbitre unique
ou chacun des membres du Tribunal ».1 C’est dans cette optique que le règlement de la CCI
impose qu’ils soient « de nationalité différente de celles des parties » 2, Toutefois, « si les
circonstances le justifient et qu’aucune des parties ne s’y oppose (...), l’arbitre unique ou le
président du tribunal arbitral peut être ressortissant du même pays que l’une des parties » 3. L’idée
qui sous-tend cette règle est qu’une partie se tend vers le choix d’un arbitre partageant une
appartenance culturelle presque identique, afin qu’il puisse mieux comprendre la façon dont cette
partie appréhende le litige.

De plus, il est important que les arbitres détiennent certaines qualités pour qu’ils soient
désignés comme membres des tribunaux CIRDI. Autrement dit, selon la CIRDI, tous les arbitres
doivent jouir d’une considération morale élevée, être d’une compétence reconnue en matière
juridique, commerciale, industrielle ou financière ; et offrir toute garantie d’indépendance dans
l’exercice de leurs fonctions.4 Ainsi, comme critère de toute justice, qu’elle soit rendue par un
juge ou un arbitre, l’exigence d’indépendance, l’aptitude à agir avec diligence, la connaissance
du domaine et le droit appliqué en l’espèce entre autres, fondent les principales qualités requises
dans le choix des arbitres. Par ailleurs, il est à noter que le défaut d’indépendance ou
d’impartialité peut aussi donner lieu à une contestation de la validité de la sentence, qui sera

tranchée soit par l’institution d’arbitrage selon les modalités prévues par son règlement, soit par
le « juge d’appui » selon le droit français.5

B- Absence de spécificités au niveau des textes législatifs

Contrairement aux règlements des différentes instances arbitrales internationales, les


réglementations étatiques, telle que la loi marocaine 97-17, qui traite de l’arbitrage ne font pas
référence à des critères précis de sélection des arbitres car ceux-ci sont souvent généraux, d’ordre
international et issus principalement de la doctrine. La réponse de la question « quel(s) arbitre(s)
1
Art. 39 du Règlement d’arbitrage CIRDI.
2
Art. 13.5 du Règlement d’arbitrage CCI.
3
Idem.
4
Art. 14 al.1 du Règlement d’arbitrage CIRDI.
5
En France, le juge d’appui est ici exclusivement le président du tribunal de grande instance, à l’exclusion du
tribunal de commerce (CPC, art. 1459).
choisir ? » demeure ainsi à la totale appréciation des parties au regard des législateurs étatiques.
Toutefois, le juge national peut intervenir pour imposer à l’arbitre, au moment de sa désignation
comme après l’acceptation de sa mission, « de révéler toute circonstance susceptible d’affecter
son indépendance ou son impartialité », comme prévu par l’article 1456 du Code de procédure
civile français. Différentes jurisprudences en la matière ont suscité des commentaires et
interrogations quant à la véracité du critère de cette transparence ; En d’autres termes, les
arbitres, qui sont assez souvent les mêmes dans les affaires importantes, ont, par la force des
choses, des relations entre eux et avec les autres acteurs spécialisés de l’arbitrage. Il n’a jamais
été discuté que les arbitres doivent révéler les liens qu’ils ont avec les parties à l’arbitrage, dès
lors que leur indépendance ou leur impartialité risquerait d’en être affectée. Plus nouvelle et plus
floue est l’obligation désormais faite aux arbitres de révéler aussi les liens d’affaires qu’ils ont
avec les conseils d’une partie.

Pour toutes ces raisons, il est convenable de dégager quelques recommandations d’ordre
pratique pour le choix d’un arbitre selon la doctrine : de consacrer au choix de l’arbitre tout le
temps et l’attention nécessaire ; se faire assister d’un conseil avisé ; déterminer le profil de
l’arbitre en fonction des caractéristiques du dossier ; sauf circonstances particulières, nommer de
préférence un juriste ; prendre en considération la réputation de l’arbitre, mais privilégier
l’expérience du vécu ; vérifier la disponibilité de l’arbitre ; limiter les échanges ex parte de
confidentialité avec l’arbitre pressenti ; s’abstenir de désigner un arbitre « partisan » ; anticiper la
révélation des liens vous unissant ou unissant votre conseil à l’arbitre ; privilégier la nomination
d’un commun accord, par les parties ou les co-arbitres, du président du tribunal arbitral.

En guise de conclusion, l’existence d’un statut juridique de l’arbitre est discutée, mais
l’exercice de cette mission ne cesse de se professionnaliser compte tenu des enjeux des affaires et
aux devoirs inhérents à la mission de juger ou de transiger. L’expérience a démontré que
plusieurs personnes ont été victimes de dérapages de l’arbitrage au Maroc : sentences mal
rédigées ou tronquées, arbitres véreux, peu formés, incompétents ou usurpateurs, centres
d’arbitrages fictifs ou douteux, etc. Il est donc fortement recommandé de fixer dans le texte
réglementaire et dans la prochaine réforme le type de formation exigée de l’arbitre (de base
professionnalisante et selon les spécialités attendues ainsi que la formation continue), les
compétences requises (relationnelles, bon sens de la justice et de l’équité), les qualifications
nécessaires (notamment l’expérience pratique) et l’évaluation des équivalences le cas échéant.

Sources :

https://www.cliffordchance.com/content/dam/cliffordchance/PDFDocuments/Jean-PierreetClement..pdf
https://icsid.worldbank.org/fr/procedures/arbitrage/convention/processus/choix-et-designation-des-
membres-du-tribunal/2006
https://icsid.worldbank.org/fr/procedures/arbitrage/convention/processus/constitution-du-tribunal/2006
https://icsid.worldbank.org/fr/a-propos/liste-arbitres-conciliateurs/qualifications

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