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L'organisation interne des groupes parlementaires

Dorothée Reignier
Dans Revue française de droit constitutionnel 2013/2 (n° 94), pages 415 à 436
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 1151-2385
ISBN 9782130618423
DOI 10.3917/rfdc.094.0415
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L’organisation interne des groupes parlementaires

DOROTHÉE REIGNIER

« Pourquoi avoir un groupe parlementaire est-­il si important1 ? », « Un


groupe à l’Assemblée, clé de la visibilité politique2 », « Législatives : à
quoi sert un groupe parlementaire3 ? », « De l’avantage d’avoir un groupe
parlementaire à l’Assemblée4 » …
Ces quelques titres démontrent l’intérêt de la presse pour la chose
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parlementaire et particulièrement ces « fragments de l’un des pouvoirs
publics5 » que sont les groupes parlementaires. Réunions d’élus à l’in-
térieur des assemblées qui, même si elles ne jouissent pas toutes de la
personnalité juridique, sont des personnes morales de droit privé exerçant
leur activité dans le cadre des assemblées parlementaires et disposant d’un
statut particulier. Celui-­ci est justifié, notamment, par le fait que ces
groupes, que certains qualifient de politiques, sont, la plupart du temps,
l’émanation d’un parti politique. À ce titre, le Conseil constitutionnel a
étendu à leur profit la protection que la Constitution offre aux partis poli-
tiques : ils peuvent donc se former et s’administrer librement, à condition
de ne pas remettre en cause les principes de la souveraineté nationale et
de la démocratie6. Les règlements des assemblées soumettent toutefois la
constitution de tels groupes à certaines conditions. Ils imposent d’abord
un seuil minimum en dessous duquel aucun groupe ne peut être valable-
ment formé. Afin de limiter leur nombre, le règlement de l’Assemblée
Dorothée Reignier, docteur en droit public, CERAPS, Lille-II.
1. Le JDD, 07 juin 2012.
2. Le Figaro, 18 juin 2012.
3. Le Monde, 15 juin 2012.
4. Challenges, 15 juin 2012 ou « RUMP : de l’avantage d’avoir un groupe parlementaire »,
Le Figaro, 03 février 2012.
5. E. Pierre cité par P. Avril et J. Gicquel, Droit parlementaire, Paris, Montchrestien, coll.
« Domat », 4e éd., 2010, p. 103.
6. Décision no 59-­2 DC des 17, 18 et 24 juin 1959. Les règlements des assemblées inter-
disent également les structures défendant des intérêts particuliers et entraînant l’acceptation
d’un mandat impératif.

Revue française de droit constitutionnel, 94, 2013


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nationale avait établi, en 1959, un seuil de 30 députés. En 1988, afin de


permettre aux députés communistes de constituer un groupe parlemen-
taire malgré leur faiblesse numérique, ce seuil a été abaissé à 20 membres.
Il est aujourd’hui de 15 députés7. Si une nouvelle modification du règle-
ment de l’Assemblée nationale a été envisagée en juin 2012, afin de per-
mettre au Parti radical de gauche et au Front de gauche, réunissant une
dizaine de députés, de constituer des groupes autonomes, aucune de ces
formations n’a souhaité solliciter cette faveur8. Au Sénat, le règlement
prévoyait qu’il fallait réunir 11 élus pour constituer un groupe parle-
mentaire. Suite aux mises en garde de M. Prelot, le seuil fut porté à 15,
en 1971, pour être de nouveau abaissé en 2011 à 10, afin de permettre
aux sénateurs écologistes de constituer leur propre groupe.
Une fois les parlementaires réunis, les règlements leur imposent de
déposer une déclaration, charte politique qui va guider l’action du groupe.
L’article 5-­2 du règlement du Sénat définit cette déclaration comme un
texte « formulant les objectifs et les moyens de la politique qu’ils pré-
conisent ». Les groupes sont des structures politiques9, ils répondent au
besoin des parlementaires appartenant à un même parti, ou à un même
courant politique, de se retrouver en dehors des séances, à l’abri des autres
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élus afin de discuter les textes examinés, d’échanger des arguments et, in
fine, de déterminer une position commune. Les règlements des assemblées
manifestent une certaine hostilité à l’égard des groupes techniques.
Ceux-­ci n’existent pas à l’Assemblée10, le RAN préférant reconnaître aux
députés la possibilité de s’apparenter à une structure préexistante11. Afin
de concrétiser le droit reconnu à chaque parlementaire de choisir de n’ap-
partenir à aucun groupe, le Sénat a constitué une structure intermédiaire

7. Conformément aux engagements pris, en 2008, par le président de la République,


auprès des parlementaires du Parti radical de gauche et du Nouveau Centre.
8. Elles ont préféré conclure des alliances avec des parlementaires idéologiquement
proches.
9. Les règlements précisent d’ailleurs : « Les députés peuvent se regrouper par affinités
politiques » (article 19-­1 du RAN) et « Les sénateurs peuvent s’organiser en groupes par affi-
nités politiques » (article 5-­1 du RS).
10. L’expérience du groupe République et Liberté, entre 1993 et 1997, a démontré la
vacuité d’une telle construction, les parlementaires n’ayant pu se mettre d’accord sur le nom
du porte-­parole chargé d’exposer la position du groupe, celle-­ci n’existant pas. Au début de
la quatorzième législature, J. Bompard, député non inscrit, a émis la volonté de constituer un
groupe technique, notamment afin de bénéficier de certains des avantages réservés aux groupes
parlementaires et à leurs membres. Le Monde, 27 juin 2012.
11. L’apparentement est administratif mais également politique, les membres apparentés se
soumettant à la consigne de vote qu’ils auront participé à élaborer dans le cadre du groupe. Le
rattachement, qui n’est pas mentionné par le RAN, est purement administratif et permet aux
parlementaires de conserver leur liberté de vote et une certaine autonomie.
Malgré le silence du RAN, certains députés sont simplement rattachés à un groupe parle-
mentaire. Ainsi, sous la treizième législature, les députés du Parti radical de gauche avaient
choisi d’être rattachés au groupe SRC. Ils constituaient une entité autonome au sein de ce
groupe, se réunissaient en dehors des élus socialistes et élaboraient leurs propres consignes de
vote.
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dans laquelle sont automatiquement inscrits les sénateurs qui ont choisi
de n’appartenir à aucun groupe : la RASNAG12. Grâce à cette structure,
les sénateurs non inscrits bénéficient de droits comparables à ceux réservés
aux membres des groupes13. Malgré cette proximité, la RASNAG n’est
pas un groupe parlementaire, statut réservé aux structures créées par les
parlementaires afin de réaliser ensemble l’idéal politique qui les anime et
pour lequel ils se sont organisés.
Si les dispositions des règlements des assemblées constituent le cadre
général dans lequel les groupes exercent leur activité, les dispositions
réglant les rapports entre les parlementaires d’un même groupe et entre
cette structure et chaque élu sont fixées par les statuts des groupes.
Tous n’ont pas choisi de se doter d’un règlement intérieur : les struc-
tures centristes préfèrent fonctionner grâce à des règles coutumières.
Les structures communistes, elles, s’en remettent aux statuts du parti
qui règlent la question des rapports entre les parlementaires, la struc-
ture partisane et son émanation parlementaire. Les groupes des Partis
Socialiste et UMP ont, quant à eux, choisi d’adopter, au sein de chaque
Assemblée, un corpus de règles écrites précisant quels sont les droits des
parlementaires et quelles sont leurs obligations à l’égard de la structure
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qu’ils ont créée pour promouvoir leur idéal politique14. Toutefois, le
fonctionnement des groupes parlementaires est essentiellement consen-
suel : il s’inspire de dispositions statutaires, mais il n’hésite pas à s’en
éloigner lorsque l’efficacité le commande. L’efficacité est, ainsi, l’impé-
ratif autour duquel s’articule l’ensemble du groupe, structure rationa-
lisée (I) et hiérarchisée (II).

I – UNE ORGANISATION RATIONALISÉE

Toute l’organisation du groupe vise à assurer l’efficacité de l’action


politique décidée lors des réunions. En conséquence, les membres doi-
vent, au moins lors des réunions de groupe, être libres de s’exprimer (A).
La décision qu’ils défendront en séance, notamment lors de leurs votes,
sera ainsi présentée comme celle du groupe dans son entier, et non comme
celle des élus chargés d’examiner, en son nom, le texte (B).

12. Réunion administrative des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.


13. Ils sont représentés par leur délégué au sein de la conférence des présidents, bénéficient
d’un temps de parole proportionnel à leur effectif…
14. Les structures socialistes s’ouvrent, toutefois, sur un ensemble de dispositions com-
munes aux deux groupes et élaborées dans le cadre partisan. Les statuts du PS fixent d’ailleurs
les droits et devoirs des parlementaires (chapitre 4 du titre 5) et notamment le traitement des
indisciplines (article 5-­4-­3).
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a – le groupe, enceinte privilégiée du débat


et de la concertation

Les groupes parlementaires sont des organes complexes à volonté


unique. Complexe parce que plusieurs individus composent le groupe,
qui peut avoir un intérêt propre différent de l’addition des intérêts de
ses membres. Cet intérêt n’est toutefois pas indépendant de celui des
­membres du groupe puisqu’il est formulé par les parlementaires à l’oc-
casion de réunions hebdomadaires (1). Réunions au cours desquelles ils
peuvent librement critiquer les textes présentés et refuser de soutenir
ceux qui leur déplaisent (2).

1 – Les réunions plénières, incarnation du groupe

Le président, compétent pour parler au nom du groupe, n’est pas le


groupe, mais son représentant. Le groupe s’incarne lors de manifestations
collectives, et notamment lors des réunions plénières prévues par les sta-
tuts ou les règles coutumières. Chaque semaine, et au moins une fois par
semaine, les groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat
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se réunissent afin d’adopter, au nom de l’entité qu’ils ont créée, les déci-
sions qui s’imposeront à la collectivité. Habituellement, cette réunion a
lieu le mardi matin, après la réunion de la conférence des présidents qui a
établi l’ordre du jour pour la semaine à venir, et avant l’intervention des
présidents devant la presse15.
Toutes les réunions obéissent à un même ordonnancement : le prési-
dent prend la parole et invite les parlementaires à intervenir. Les inter-
venants ont habituellement une initiative à faire valider par le groupe.
Les parlementaires chefs de file viennent présenter leur étude d’un texte
bientôt discuté en commission ou en séance. La réunion est l’occasion
de proposer des modifications qui seront présentées au nom du groupe.
Ils peuvent également l’avertir de l’avancée de l’examen : quels amende-
ments du groupe ont été acceptés ou rejetés, et ce qu’il faudra en déduire
pour la suite. Le chef de file profite de la réunion pour souligner l’inves-
tissement des parlementaires et remercier ceux qui ont été présents en
commission ou en séance, notamment lors des séances de nuit. Enfin, afin
de stimuler le groupe, le chef de file peut commenter l’attitude de l’op-
position ou de la majorité et celle des autres groupes qui constituent avec
lui l’opposition ou la majorité. En mettant en exergue les différences, le

15. Le groupe socialiste de l’Assemblée nationale a choisi de se réunir, comme au cours de la


treizième législature, les mardis et mercredis matins.
Le site de l’Assemblée présente un agenda des manifestations et réunions qui atteste le carac-
tère subséquent des réunions et des conférences de presse : http://www.assemblee-­nationale.
fr/presse/agenda.asp
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chef de file s’assure plus facilement la cohésion du groupe, ses membres


étant poussés à se distinguer d’une majorité servile, d’une opposition
impuissante ou de groupes divisés. D’autres parlementaires cherchent
également à défendre leurs initiatives qui peuvent prendre la forme de
questions au Gouvernement. Cette fois, l’élu cherche à convaincre les
membres du groupe du bien-­fondé de la question et de l’opportunité
de le choisir comme orateur, alors que d’autres souhaitent également
défendre leur circonscription. D’autres encore peuvent venir présenter
le rapport rédigé par leur groupe d’études permanent et recueillir l’avis
du groupe ou solliciter l’autorisation de déposer des amendements, ou
simplement confirmer l’orientation qu’ils ont mise en œuvre.
Chaque intervention donne lieu à un débat, les membres du groupe
étant appelés à conforter les initiatives qui leur sont présentées ou à les
rejeter. Le groupe peut ainsi réclamer davantage d’informations, demander
au chef de file de mieux expliquer les enjeux d’un texte technique. Les
parlementaires peuvent également s’appuyer sur leurs connaissances per-
sonnelles pour critiquer les options dégagées par le chef de file et tenter
de convaincre le groupe de modifier l’angle d’études et de propositions.
S’agissant des questions au Gouvernement, le groupe peut accepter le
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sujet, mais souhaiter en infléchir le sens. Il donne alors mission au parle-
mentaire qui en est à l’initiative de réécrire la question, afin qu’elle soit
conforme à son opinion.
Les réunions permettent aux élus, même si elles se déroulent dans
une relative agitation – nombre de parlementaires discutant avec
leurs voisins, consultant leur téléphone portable, des documents que
leurs assistants leur auront remis, ou les revues de presse distribuées
avant la réunion – de déterminer les contours de l’action politique du
groupe. Les statuts prévoient que les décisions seront adoptées au cours
de ces réunions grâce à un vote16. Tous les parlementaires sont ainsi
appelés à déterminer la ligne politique du groupe et la consigne de vote
qui en découle. Même si certains groupes, notamment ceux de la majo-
rité, sont qualifiés de godillots, toutes les décisions sont donc, au moins
formellement, le groupe pouvant être appelé à simplement valider les
choix opérés en amont, adoptées par le groupe à l’issue d’un débat libre
et éclairé.

16. Ainsi, les statuts du groupe UMP de l’Assemblée nationale prévoient que lorsque le
groupe décide de s’imposer la discipline de vote, cette décision doit être adoptée par vote,
à la majorité des membres, apparentés compris (article 5, alinéa 3). De même, une lecture
combinée des articles 2 et 16 des statuts du groupe SRC démontre que le groupe adopte par
principe ses décisions grâce au vote.
La numérotation retenue par cette étude est, s’agissant du groupe SRC, celle des statuts de
la treizième législature. Les principes qui y sont consacrés étant traditionnels, leur formulation
ne devrait pas être significativement modifiée ; peut-­être seulement leur ordonnancement à
l’intérieur des statuts (à l’image des modifications minimes apportées par le groupe UMP de
la quatorzième législature aux statuts adoptés en 2007).
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2 – Le droit au libre débat, principe fondamental de la vie commune


La possibilité de débattre des orientations proposées lors des réu-
nions est garantie à tous les groupes, de droite comme de gauche, ou
du centre, de l’Assemblée nationale ou du Sénat, de la majorité comme
de l’opposition. Ainsi, les statuts du groupe socialiste du Parlement
disposent : « Chacun a un droit égal à la discussion et au vote […]. Les
réunions du groupe fixent l’action générale du groupe et éventuelle-
ment la tactique. Elles arbitrent les désaccords17. » De même, le groupe
UMP de l’Assemblée nationale affirme : « à l’intérieur du groupe, la
liberté d’expression est garantie à chaque député18 » et celui du Sénat :
« Le groupe garantit à chaque sénateur la liberté d’expression et de
vote, dans le respect de sa liberté de conscience et de l’article 27 de la
Constitution19. »
Cette liberté d’expression est particulièrement utile lorsque le groupe
appartient à la majorité et qu’il reçoit un ministre ou le Gouvernement.
Elle permet aux élus d’exprimer leurs réticences et critiques à l’auteur du
projet de loi. La réunion de groupe est, pour cette raison, souvent redoutée
par les membres du Gouvernement : ils savent qu’ils auront face à eux des
spécialistes du sujet, qui auront pu développer au cours de leur étude
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une critique argumentée à laquelle il faudra répondre. Parlementaires
qui pourraient refuser d’apporter leur soutien au texte si celui-­ci n’était
pas modifié pour tenir compte des améliorations qu’ils préconisent20. La
réunion doit servir à aplanir les différends, raison pour laquelle les parle-
mentaires jouissent de la liberté d’expression. Elle doit permettre de faire
converger les vues parlementaires et ministérielles afin que la majorité
apporte un soutien univoque au Gouvernement, les critiques ayant pu
s’exprimer en amont. Certaines de ces réunions, notamment parce qu’elles
se déroulent à huis clos, sont alors qualifiées de défouloirs tant elles per-
mettent aux parlementaires d’exprimer leur colère à l’égard d’un texte
qu’ils désapprouvent, mais qu’ils se contraindront à voter21. Si le groupe
appartient à l’opposition, ou auditionne le parlementaire responsable de
l’étude d’un texte, la liberté d’expression reconnue par les statuts permet
aux élus de critiquer les options dégagées. Si la situation est différente,

17. Articles 2 et 4 des dispositions communes au groupe socialiste de l’Assemblée nationale


et du Sénat.
18. Article 3 des statuts du groupe UMP de l’Assemblée nationale.
19. Article 2 du règlement intérieur du groupe UMP du Sénat.
20. En 1982, le président de la République a ainsi dû recourir, devant l’opposition intran-
sigeante du groupe majoritaire, à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution afin de voir adopter
le texte reconstituant la carrière des généraux putschistes.
21. Les règlements des assemblées prévoient d’ailleurs que la suspension de séance demandée
par le président afin de réunir son groupe, de manière à permettre aux parlementaires d’ex-
poser leurs critiques avant de manifester un soutien indéfectible au Gouvernement ou une
opposition unanime au texte, lui est accordée de droit. Article 58-­3 du RAN et article 33
alinéa 2 du RS, selon son interprétation constante.
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l’objectif est le même : s’assurer que les parlementaires seront convaincus


par la position qui sera défendue par le responsable au nom du groupe.
Association des parlementaires à la détermination de la ligne politique
du groupe qui garantit le maintien de la cohésion de celui-­ci. Les parle-
mentaires opposés aux options dégagées par le chef de file estiment, en
effet, que s’ils n’ont pas réussi à convaincre une majorité de les suivre,
c’est que leur vision n’était pas compatible avec la doctrine du groupe. Ils
se rangent alors à l’opinion majoritaire. Si la liberté d’expression est sta-
tutairement garantie aux parlementaires, il leur est d’ailleurs demandé,
après avoir pu bénéficier du droit d’exposer leurs arguments et critiques,
de préserver la cohésion du groupe. Ainsi, les statuts du groupe UMP de
l’Assemblée nationale disposent :
« En règle générale, les membres du groupe et les apparentés se doivent de
manifester dans leurs paroles, leurs écrits ou leurs votes leur solidarité avec les
décisions de la majorité du groupe22. »
Plus directifs, les statuts du groupe SRC disposent : « En séance et
dans les commissions, l’unité de vote est la règle23. » La liberté d’expres-
sion est donc garantie afin d’assurer la cohésion politique du groupe et
de permettre à ses membres de respecter leur engagement : s’opposer aux
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textes gouvernementaux ou les soutenir.
Afin de permettre à leurs membres de mener un débat non seulement
libre, mais également éclairé, les groupes se chargent d’apporter à leurs
membres les informations nécessaires à la formation de leur opinion.

a – les structures de travail

Les parlementaires se sont réunis au sein des assemblées afin de mutua-


liser leurs compétences. Ils chargent le groupe de leur fournir la vision
la plus éclairée possible des problèmes que la législation ne manquera
pas d’embrasser. La structure administrative, créée par les élus grâce aux
subsides de l’Assemblée et à une participation prélevée sur les indem-
nités des parlementaires, est chargée de cette veille informative. Ainsi,
les collaborateurs du groupe rédigent des revues de presse hebdoma-
daires, distribuées aux parlementaires avant la réunion du groupe. Elles
regroupent les articles parus au cours de la semaine précédente. Compte
rendu politiquement orienté afin de mettre en avant les responsables du
groupe et les positions qu’ils ont choisi de défendre. Les groupes char-
gent également leurs collaborateurs de rédiger des dossiers thématiques.
Ces dossiers peuvent être commandés par un chef de file souhaitant s’as-
surer de l’accord du groupe en l’informant en continu de l’avancée du
22. Article 5 alinéa 2 des statuts du groupe UMP de l’Assemblée.
23. Article 17 des statuts du groupe SRC.
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texte. Ils sont, habituellement, constitués autour des législations dont le


Gouvernement a annoncé la modification prochaine. Ils permettent, en
amont, d’informer les parlementaires et de leur livrer un argumentaire24
qu’ils pourront développer, notamment, auprès des personnes rencontrées
dans leur circonscription, afin d’expliquer les réformes ou la position cri-
tique du groupe.
Les collaborateurs du groupe assurent l’information continue des par-
lementaires25, d’autres initiatives visent à analyser un texte particulier
ou des domaines de la législation. Les groupes ont ainsi constitué des
groupes d’études permanents (1), structures chargées d’une activité de
veille, d’étude et de propositions législatives et des groupes spécialisés
réunissant les commissaires chargés, par le groupe, d’examiner un texte
et de fournir une consigne de vote (2).

1 – Les groupes d’études permanents


Ces groupes ne sont pas constitués afin d’examiner un texte particu-
lier, mais de manière à étudier un domaine de la législation. Ils s’appa-
rentent à des groupes de réflexion réunissant les parlementaires intéressés
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par la problématique que cette structure de travail s’est proposé d’étudier.
Il leur appartient d’examiner la situation actuelle, de faire le bilan des
règles déjà adoptées, de proposer des modifications si la réglementation
n’a pas permis d’atteindre les objectifs ou si de nouvelles problématiques
sont apparues.
Le groupe SRC comprend ainsi un groupe d’études permanent chargé
de la question du Handicap et de la Dépendance dont l’activité s’étend
sur plusieurs législatures. En 2005, il a examiné, pour le groupe, le texte
relatif à l’égalité des droits et des chances, à la participation et à la citoyen-
neté des personnes handicapées. Au cours de la treizième législature, il a
évalué ce texte et fourni un bilan législatif qui a servi de base au débat qui
s’est déroulé sur ce sujet à l’Assemblée nationale en juin 2009. L’expérience
accumulée dans l’opposition devrait aujourd’hui permettre au groupe de
devenir une force de proposition et faciliter la modification d’une législa-
tion qui a pu révéler quelques failles ou imperfections26. La position majo-
ritaire du groupe, autant que les nouvelles prérogatives que le règlement

24. Certains documents indépendants de ces dossiers sont intitulés argumentaires. Pour une
illustration, voir : http://deputes.lessocialistes.fr/sites/default/files/ArguLoiBancaire.pdf
25. Tous les collaborateurs n’ont pas une tâche politique. Certains sont chargés de gérer
les questions administratives : réservation de salles pour les réunions de groupe, celles d’un
groupe de travail ou de certains parlementaires, gestion des places de parking... Ceux-­ci facili-
tent l’exercice du mandat en permettant aux élus de se concentrer sur leur mission politique.
26. Expérience rapidement mise à profit puisque M. Carrillon-Couvreur, chef de file du
groupe d’études, est devenue vice-­présidente de la commission des affaires sociales et a rap-
porté, pour avis, au nom de cette commission, le PFL 2013. Rapport intitulé : Solidarité,
insertion et égalité des chances : handicap et dépendance.
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L’organisation interne des groupes parlementaires 423

de l’Assemblée lui reconnaît, en matière d’ordre du jour notamment,


expliquent que de telles structures de travail perdurent. Ils semblent, tou-
tefois, que les députés sont appelés à constituer des groupes plus pros-
pectifs et non à créer des structures développant une force de proposition
concurrente du Gouvernement27. Ainsi le groupe « Climat » a-­t-­il pour
mission de réfléchir, notamment, à la stratégie européenne d’adaptation au
changement climatique. Le groupe de travail « Développement durable »
a, quant à lui, reçu mission de réfléchir aux moyens de « mieux faire pré-
valoir les thématiques : écologie, équité des territoires, gouvernance dans
notre programme pour les cinq années à venir ».
Les groupes permanents étaient moins fréquents au sein des groupes
UMP, les statuts ne prévoyant pas de telles structures28. Cette absence
s’explique, premièrement, par le fait que le groupe soutenant le
Gouvernement, sa tâche principale n’était pas d’être, à côté de l’exécutif,
une force de proposition. Certes, J.-F. Copé, en développant la thèse de la
coproduction législative, a modifié cet état d’esprit politique. Toutefois,
le groupe a préféré promouvoir cette collaboration grâce à des missions
constituées pour l’examen d’un texte particulier et dissoutes une fois
le texte adopté. Le groupe a en effet hérité, et c’est la deuxième raison
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pour laquelle les statuts restent silencieux à leur sujet, d’une méfiance à
l’égard des structures permanentes. Celles-­ci permettent à leurs ­membres
de développer une spécialisation comparable à celle des ministres. Elles
leur offrent une légitimité qui peut les conduire à s’opposer à la vision
développée par l’exécutif et à entraîner le groupe dans cette opposition29.
La nécessité, dans laquelle se trouve aujourd’hui le groupe, de s’opposer
aux textes gouvernementaux et de développer une alternative politique
séduisante va sans doute modifier l’appréhension des parlementaires à
l’égard des structures permanentes. D’autant que la Constitution recon-
naît dorénavant le droit aux groupes minoritaires et d’opposition de
voir leurs propositions examinées par les assemblées et de susciter des
séances de contrôle et d’évaluation. Travail parlementaire au long cours
27. Le groupe SRC comporte pourtant un groupe de travail « Décentralisation et cumul
des mandats », alors que la question de l’interdiction du cumul d’un exécutif local avec un
mandat parlementaire demeure sensible au sein du groupe SRC et plus largement au sein du
PS. La composition de l’équipe dirigeante, puisque le groupe ne compte pas un chef de file
mais cinq responsables, permet toutefois d’estimer que le travail préalable effectué par cette
structure devrait permettre l’adoption d’une position consensuelle. En effet, même si l’équipe
dirigeante s’est majoritairement déjà prononcée en faveur du non-­cumul, certains ont affirmé
leur volonté de l’associer à la création d’un statut de l’élu local. Les avancées obtenues en ce
sens devraient permettre de garantir la discipline de vote et le vote du projet par une large
majorité des députés socialistes.
28. Les documents internes du groupe SRC font du groupe permanent une structure excep-
tionnelle et préfèrent également que l’étude d’un texte soit confiée à un groupe ad hoc.
29. Cette méfiance a été particulièrement visible dans les années 1970, lorsque, sous
l’autorité du docteur Peyret, le groupe d’études permanent relatif aux affaires sanitaires et
sociales a proposé différents textes envisageant la libéralisation de l’avortement alors que le
Gouvernement y était, à l’époque, hostile.
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qui nécessite la constitution de groupes d’études de moins en moins


temporaires30.
Ces groupes d’études permanents coexistent avec des structures tem-
poraires qui n’existent que le temps de l’examen et de l’adoption d’un
texte.

2 – Les groupes d’études ad hoc


Les élus se sont groupés afin de constituer une structure capable de leur
fournir les informations nécessaires à la formation de leur opinion, voire
une consigne de vote dont ils sont assurés qu’elle correspondra à l’idéal
politique qu’ils partagent. Les groupes ad hoc répondent à ces objectifs :
sous l’autorité d’un parlementaire spécialiste de la question, ils étudient le
texte qui leur est présenté, proposent les modifications à soutenir afin que
le texte corresponde à l’idéal politique défendu par le groupe et fournissent,
in fine, une consigne de vote. Ces groupes sont donc spécialement consti-
tués pour examiner un texte. Il peut s’agir d’un projet ou d’une proposition
de loi que le groupe pourra susciter et que le groupe d’études devra forma-
liser à partir des indications fournies lors des réunions du groupe.
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L’étude est dirigée par un parlementaire chef de file désigné pour ses
compétences sur le sujet examiné. Ses pouvoirs sont déterminés par les
statuts et documents internes. Le règlement interne du groupe UMP du
Sénat précise ainsi :
« Le bureau […] peut nommer, sur proposition du président, parmi les
membres du groupe, un porte-­parole sur chaque texte examiné par les séna-
teurs. Ce porte-­parole est chargé de suivre l’ensemble des travaux conduits par
le Sénat sur ce texte. Il porte et défend les positions du groupe en commission
et en séance publique. Il peut organiser, au nom du groupe, des auditions et des
entretiens dans le but d’éclairer les travaux du groupe31. »
Ces missions sont également celles que le groupe SRC attribue au
parlementaire chef de file :
« Sur chaque projet ou proposition de loi inscrit à l’ordre du jour de
l’Assemblée, il est constitué un groupe de travail32.
Le responsable est désigné par les commissaires SRC33. »

30. Les autres groupes parlementaires disposent également de groupes d’études perma-
nents. Toutefois, ceux-­ci ne bénéficient pas des mêmes moyens que les groupes principaux et
leurs groupes d’études permanents se limitent à deux ou trois parlementaires, assistés par un
ou deux collaborateurs du groupe.
31. Article 7 e. Les statuts du groupe UMP de l’Assemblée nationale reconnaissent indi-
rectement l’existence de ces groupes de travail en évoquant la manière dont le chef de file est
désigné par le bureau, sur proposition du président (article 9 h).
32. Les statuts du groupe socialiste du Sénat excluent cette automaticité (article 15).
33. Même si l’article 10 des statuts dispose : « Le bureau […] distribue le travail entre les
membres du groupe. » Les commissaires sont donc appelés à valider le choix du bureau et du
président.
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« Il est chargé de l’examen du texte, de la préparation des amendements, de


l’audition de socioprofessionnels, de l’organisation des débats et de la répartition
du temps de parole dont dispose le groupe en séance publique […]34. »
Le responsable d’un texte est donc chargé d’obtenir par tous les
moyens les informations nécessaires à éclairer l’opinion des membres du
groupe. Il est chargé, avec les parlementaires intéressés par le sujet, sou-
vent des membres de la commission saisie au fond, d’étudier le texte,
d’en expliquer la teneur et les enjeux au groupe afin que celui-­ci puisse
mieux appréhender la nouvelle législation qu’il sera appelé à critiquer ou
à soutenir. Il peut, à cette fin, et grâce à l’assistance des collaborateurs
du groupe, adresser un dossier écrit aux membres du groupe. Le plus
souvent, il exposera l’état d’avancement de son étude lors des réunions
et organisera au sein du groupe d’études ou lors des réunions du groupe
des auditions. Si le groupe appartient à l’opposition, il auditionne des
personnalités spécialement compétentes : des responsables d’associations,
des scientifiques, des socioprofessionnels… Experts capables d’éclairer les
parlementaires sur les incidences pratiques du texte et les modifications
qui leur semblent nécessaires pour en limiter les inconvénients. Lorsque
le groupe appartient à la majorité, ces auditions peuvent être remplacées
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ou étayées par celle du ou des membre(s) du Gouvernement compétent(s).
Ces derniers pourront exposer leurs motivations, répondre aux questions
des parlementaires et leur expliquer pourquoi les modifications qu’ils
préconisent seront, ou non, intégrées au texte.
Cette phase d’explicitation et d’information doit permettre au groupe
d’orienter l’étude du texte. Il appartiendra au responsable de formuler
des amendements afin que la rédaction finale corresponde aux attentes du
groupe. Il lui appartient également d’animer le débat au sein de la com-
mission, puis en séance, en défendant les amendements qu’il a déposés au
nom du groupe et en parvenant à les faire adopter, ou à attirer l’attention
de ses collègues ou des médias sur ces initiatives. Il revient donc au parle-
mentaire chef de file de porter à l’intérieur, mais également à l’extérieur
des assemblées, les critiques du groupe ou, au contraire, les raisons pour
lesquelles il entend soutenir le texte.
Les groupes d’études sont l’une des manifestations les plus efficaces
de la mutualisation des compétences nécessaires au travail parlementaire
contemporain. Parce que les parlementaires ne peuvent être spécialistes
en tout, ils confient à certains d’entre eux, présentés comme des experts,

34. Documents internes du groupe SRC.


Une même organisation prévaut sous la quatorzième législature. Ont ainsi été institués,
au cours de la session extraordinaire de juillet 2012, un groupe de travail affecté à l’étude du
« futur projet de loi “emploi d’avenir” », un autre consacré au projet de loi relatif au harcèle-
ment sexuel, un se proposant d’étudier la création des « zones prioritaires de sécurité ». Enfin,
un groupe de travail ad hoc a été constitué afin de formaliser une proposition de loi dont l’ob-
jectif était d’abroger la loi du 20 mars 2012, relative à la majoration des droits à construire.
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la charge d’étudier le texte, de proposer des modifications et une consigne


de vote qui sera fonction de leur intégration au texte gouvernemental.
Cette consigne de vote, habituellement suivie par l’ensemble des membres
du groupe, convaincus qu’elle répond à l’intérêt de celui-­ci, est une autre
manifestation de la collectivisation du travail parlementaire. Le respect
de celle-­ci est même devenu l’une des raisons d’être du groupe puisque ses
membres ont attaché une importance significative à leur cohésion. L’unité
étant perçue comme un moyen de réaliser le mandat qui leur a été confié,
par le parti, qui leur a offert son investiture et par les électeurs, qui leur
ont manifesté leur confiance. À cette même fin, les membres du groupe
reconnaissent à certains d’entre eux le pouvoir de diriger leur action et de
leur rappeler l’impératif d’unité.

II – UNE ORGANISATION HIÉRARCHIQUE

Les parlementaires cherchent à rendre leur action la plus efficace pos-


sible. À cette fin, ils se concertent de manière à déterminer une position
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commune, l’unité leur offrant les moyens de faire triompher leur point de
vue. Afin que les discussions préalables à l’entrée en séance ne soient pas
stériles, les élus choisissent parmi eux ceux qui sont les plus à même de
diriger les débats et plus généralement l’action du groupe. Ils mettent sur
pied une structure hiérarchisée, confiant aux instances dirigeantes, qu’ils
désignent plus ou moins librement (A), le soin de les guider et de réaliser,
à travers l’unité, l’objectif pour lequel ils ont été élus (B).

a – une organisation pyramidale35

Si les parlementaires confient à certains d’entre eux la tâche de conduire


les délibérations du groupe, l’autorité de l’équipe dirigeante (1) provient
de son élection dès les premiers jours de la législature (2).

1 – La composition
Siègent au bureau des groupes parlementaires, outre le président du
groupe, qui préside également les réunions du bureau, différentes caté-
gories de membres. Des membres élus, des membres de droit et des
membres ès qualités.
Les membres élus sont, habituellement, le président du groupe, les
premiers vice-­présidents qui sont chargés de l’assister et de le suppléer en

35. Voir annexe 1.


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cas d’absence et un trésorier, voire un trésorier adjoint. D’autres membres


élus complètent cette équipe dirigeante. Ils prennent, généralement, le
nom de vice-­présidents et sont chargés d’un domaine particulier de la
législation, souvent en conformité avec leur implication partisane.
À côté des membres élus, qui constituent le cœur du bureau, siègent
des membres de droit qui, en raison de leur expérience parlementaire ou
ministérielle et de leur autorité politique, doivent pouvoir participer à la
formation des décisions qui seront présentées au groupe, puis adoptées en
son nom. Parmi ces membres de droit figurent : les parlementaires ayant
occupé les fonctions de président d’assemblée, de Premier ministre36,
les leaders du parti37, les présidents ou vice-­présidents de commissions,
les whips38 et les membres du bureau de l’assemblée.
Siègent enfin les membres ès qualités, disposant à ce titre d’une voix
consultative. Catégorie composée essentiellement de parlementaires chefs
de file qui ne participent aux réunions du bureau que tant que dure leur
fonction de responsable d’un texte.
Schématiquement, afin de manifester leur préséance, le président
entouré de ses premiers vice-­présidents siègent à la tribune de la salle de
réunion39, les autres membres du bureau siègent en face et prennent la
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parole lorsqu’ils y sont invités par le président40.
Parce qu’il est appelé à préparer les décisions que le groupe aura à
adopter, et à mener une sélection des initiatives qui lui seront proposées,
le bureau doit représenter le groupe dans sa diversité. À cette fin, le
président s’attache, lorsqu’il présente au groupe les parlementaires qu’il
souhaite voir devenir ses premiers vice-­présidents, à préserver l’équilibre
politique de l’instance dirigeante. Impératif qui explique que Ch. Jacob
ait présenté, en juin 2012, un ticket présidentiel, soumettant au groupe, en
même temps que sa candidature, le nom des deux premiers vice-­présidents
qu’il souhaitait voir élus : Ch. Kert, représentant la famille centriste et
B. Deflesselles, membre du courant libéral41. Depuis, le groupe se doit
aussi de concilier les sensibilités gaullistes qui ont resurgi à l’occasion
de l’élection controversée du premier président du parti. Comme au sein
de celui-­ci, les fonctions sont dorénavant réparties entre les partisans de

36. Voir les anciens présidents de la République. Ainsi, au cours de la onzième législature
(1997-­2002), V. Giscard d’Estaing était-­il membre de droit du bureau du groupe UDF de
l’Assemblée nationale.
37. Les statuts du groupe UMP de l’Assemblée nationale les qualifient de membres ès qua-
lités. Dénomination qui atteste la porosité des catégories statutaires.
38. Chaque groupe désigne au sein de chaque commission un parlementaire spécialement
chargé de faire respecter la consigne de vote adoptée par le groupe au cours de ses réunions. Ce
parlementaire est habituellement appelé whip et joue un rôle similaire à celui du whip anglais.
Voir infra.
39. Le secrétaire général peut également siéger à cette tribune ou derrière le président qu’il
assiste.
40. Les réunions de groupe se déroulent selon un rituel identique.
41. Conformément aux statuts, ceux-­ci ont été élus séparément.
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J.-F. Copé, ceux de F. Fillon42 et les non-alignés. Le bureau du groupe


SRC a également cherché à respecter l’équilibre politique du groupe : si
celui-­ci a élu B. Le Roux, proche du président de la République et du
Premier ministre, à sa tête, il a choisi Ph. Martin, proche de M. Aubry,
ancienne première secrétaire du PS et challenger de F. Hollande dans la
primaire socialiste, pour exercer les fonctions de premier vice-­président,
appelé à suppléer le président en cas d’absence et à le seconder dans ses
fonctions politiques. Cette volonté de représenter les différents courants
qui animent le groupe trouve une autre manifestation dans le principe
de l’élection des membres du bureau et particulièrement son équipe
dirigeante.

2 – L’élection, source de légitimité


Seuls les membres de droit n’ont pas à être élus ; ils siègent au bureau
du simple fait de leur appartenance à l’Assemblée et de leur rôle, passé ou
présent, dans la détermination des décisions politiques, parlementaires et
partisanes. Les statuts ou règles coutumières qui dictent le fonctionnement
du groupe imposent l’élection des autres membres du bureau. Ainsi, le
règlement interne du groupe socialiste du Sénat dispose : « Après chaque
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renouvellement du Sénat, le groupe élit son président au scrutin secret
[…], son bureau au scrutin de liste43. » De même, les statuts du groupe
UMP de l’Assemblée nationale prévoient :
« Le président, le premier vice-­président et le deuxième vice-­président du
groupe sont élus au scrutin uninominal, personnel et secret à la majorité absolue des
membres inscrits, pour la durée de la législature […]. Le groupe procède à l’élection
des neuf autres vice-­présidents et des membres du bureau du groupe. Ils sont élus au
scrutin personnel secret et plurinominal à un tour pour une durée d’un an44. »
Enfin, les statuts du groupe SRC disposent : « Le groupe est dirigé par
un bureau élu chaque année au début de la session45. » Renouvellement
partiel du bureau qui lui permet d’être en adéquation avec la composition
politique du groupe, celle-­ci pouvant évoluer en cours de la législature,
notamment du fait de mouvements internes.
Cette élection est l’une des sources de légitimité de l’organe dirigeant :
c’est parce que les parlementaires ont librement choisi le président et les

42. Partage des responsabilités particulièrement remarquable au sein du collège des membres
élus, représentation équitablement partagée entre les partisans des deux candidats à la prési-
dence du parti, et quelques non-alignés.
43. Articles 8 et 9 des statuts du groupe socialiste du Sénat.
44. Articles 11-­1 et 11-­3 des statuts du groupe UMP de l’Assemblée nationale.
45. Article 8 des statuts du groupe SRC. En pratique, si le bureau est bien renouvelé chaque
année en début de session, le président est lui confirmé à son poste par une consultation for-
melle. Composition actuelle du bureau du groupe SRC : http://deputes.lessocialistes.fr/sites/
default/files/Bureaugroupe130912.pdf
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vice-­présidents que ceux-­ci pourront les diriger et les conduire vers la


direction qui leur semble la meilleure pour le groupe. Toutefois, l’élec-
tion n’a parfois été qu’une pure formalité, le groupe majoritaire étant
sommé de choisir le parlementaire désigné par l’exécutif, parce qu’il lui
semblait le plus à même de garantir au Gouvernement et au président
de la République un soutien inconditionnel aux textes présentés. Si les
parlementaires de la majorité ont, un temps, accepté d’être dirigés par un
président qui leur était imposé, ils ont montré plus de réticences lorsqu’ils
ont constaté que cela ne leur offrait pas le droit de participer davantage à
l’écriture de la loi. Ils ont alors rejeté les candidats officiels et revendiqué
une plus grande autonomie46. À un point tel que le statut de candidat offi-
ciel apparaît aujourd’hui davantage comme une charge. Certes, choisir un
proche du président, ou du Premier ministre en période de cohabitation,
est un gage pour les parlementaires d’avoir un représentant considéré par
l’exécutif. Cependant, le président du groupe majoritaire ne peut unique-
ment se définir comme un membre du sérail, il doit être celui qui défend
la parole parlementaire. Il tire donc sa légitimité non immédiatement de
son élection, mais de sa capacité à relayer les doutes et appréhensions du
groupe auprès du Premier ministre et du président de la République.
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Malgré les principes statutaires, la latitude offerte au groupe dans le
choix de son équipe dirigeante n’est donc pas totale. Outre le président, dont
l’élection constitue un enjeu qui dépasse le cadre parlementaire, le choix
des autres membres du bureau peut lui échapper. C’est le cas notamment des
premiers vice-­présidents qui sont cooptés par le président du groupe qui,
indirectement, dispose du choix des parlementaires appelés à le seconder.
S’agissant des autres vice-­présidents, il nous a déjà été possible d’évoquer
la nécessité pour le bureau de représenter les différentes sensibilités qui
animent le groupe. Les parlementaires sont donc conduits à offrir leurs suf-
frages à une équipe préconstituée47. Cette composition savante s’explique
par la nature éminemment politique des fonctions confiées au bureau.

a – le rôle du bureau

Le bureau est chargé de préparer les décisions que le groupe sera amené
à adopter au cours de la réunion subséquente (1). Il est également chargé
de se substituer à lui et de défendre l’intérêt supérieur du groupe, au
besoin en l’imposant à ses membres (2).
46. Les députés UNR ont ainsi choisi, en 1960, de porter à la présidence du groupe
R. Schmittlein, alors qu’A. Valabregue était le candidat officiel.
47. Si les statuts prennent soin de préciser que plusieurs tours de scrutin peuvent être
organisés, cette hypothèse est assez rare. Ainsi, même si les membres de la Droite populaire,
et notamment L. Luca, ont, en juin 2012, publiquement critiqué la composition du bureau
du groupe UMP de l’Assemblée nationale, qui, selon eux, n’assurait pas une représentation
suffisante de leur courant, celle-­ci a été entérinée par le groupe.
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1 – Un organe de préparation
En qualité d’organe exécutif, le bureau est chargé de préparer les déli-
bérations du groupe. Ainsi, les dispositions du règlement intérieur du
groupe socialiste du Sénat prévoient : « Le bureau […] prépare les pro-
positions à soumettre au groupe48. » Il appartient au président de fixer
l’ordre du jour de ces réunions et de recevoir, à cette fin, les initiatives
parlementaires : proposition de loi, d’amendements, de questions. Les
statuts communs aux groupes socialistes de l’Assemblée nationale et du
Sénat disposent d’ailleurs : « L’ordre du jour doit, autant que possible,
être établi à l’avance et diffusé49. » En conséquence, « les membres du
groupe qui veulent faire inscrire une question à l’ordre du jour doivent en
saisir le président avant l’ouverture de la séance50 ». Il revient également
au président de fixer l’ordre du jour de la réunion du bureau, en tenant
compte de l’avancée des examens menés par les chefs de file. Ceux-­ci
seront, en effet, auditionnés par les instances dirigeantes afin de pou-
voir, avant même la réunion du groupe, résoudre les problèmes soulevés
et opérer les arbitrages qui seront ensuite présentés, pour validation, au
groupe51. Les statuts du groupe SRC organisent ainsi une hiérarchisation
des tâches : les parlementaires qui sont à l’initiative d’un amendement,
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d’une proposition de loi ou d’une question, en saisissent le président.
Lui-­même en informe le bureau qui peut, en cas de difficulté, saisir le
groupe52. Même si les statuts ne l’affirment pas, chaque étape constitue
un filtre. Seules les initiatives qui pourront être défendues au nom du
groupe seront présentées au bureau. Les parlementaires saisissent de leur
initiative le collaborateur qui assiste le parlementaire chef de file et qui
est devenu leur interlocuteur habituel. Si celui-­ci estime que l’amende-
ment ou la proposition de loi correspond à la doctrine développée par le
groupe parlementaire, il pourra mettre en forme cette initiative afin que
le chef de file, ou le secrétaire général, la présente à l’équipe dirigeante.
En revanche, s’il estime que cette proposition est incompatible avec la
ligne politique défendue par le groupe, le collaborateur doit tenter de

48. Article 10 du règlement intérieur du groupe socialiste du Sénat.


49. Article 4 des statuts communs au groupe socialiste de l’Assemblée nationale et du
Sénat.
50. Idem.
51. Même si les statuts confient au président la tâche de fixer l’ordre du jour et de le
diffuser, ces fonctions sont, en pratique, exercées par le secrétariat général et plus particulière-
ment le secrétaire général qui exerce pour le président les missions administratives.
52. Article 14 des statuts du groupe SRC : « Les membres du groupe qui souhaitent déposer
des propositions de loi, des questions orales avec ou sans débat, des questions écrites ou des
questions d’actualité doivent en saisir le président (par l’intermédiaire du secrétariat général)
qui, sauf urgence, les soumet au bureau. Le bureau, en cas de désaccord ou au vu de l’impor-
tance du problème, saisit le groupe. Les propositions de loi sont examinées par le groupe. »
Compétences que l’on retrouve également au sein des statuts du groupe UMP, qui offrent au
bureau le pouvoir de décider « des amendements déposés au nom du groupe » (article 9 b).
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L’organisation interne des groupes parlementaires 431

convaincre le parlementaire de cette incompatibilité, en appeler au chef


de file, au secrétaire général ou au président qui, à leur tour, tenteront de
convaincre le parlementaire de l’impossibilité pour le groupe d’endosser
une telle initiative. Le président puis le bureau se voient ainsi reconnaître
un pouvoir de présélection qui leur permet d’influencer la manière dont
les membres du groupe vont percevoir le texte. Ceux-­ci sont conduits
patiemment par l’équipe dirigeante à valider une rédaction, puis une
consigne de vote qu’elle présente comme conforme à l’intérêt du groupe,
sans que celui-­ci en soit réellement juge. Cette tâche de préparation des
délibérations n’est donc pas seulement administrative, elle est essentiel-
lement politique ; comme la mission qui consiste à exécuter les décisions
du groupe.
Les règlements des assemblées reconnaissent d’importants pouvoirs
aux présidents de groupes : le pouvoir de demander une interruption de
séance, un scrutin public, le droit de participer à la conférence des prési-
dents, d’y déterminer l’ordre du jour, d’y inscrire le nom des orateurs de
son groupe… Tous lui sont reconnus en sa qualité de représentant, chargé
d’exécuter les décisions du groupe. Les statuts du groupe SRC recon­
naissent ainsi qu’il est, avec le bureau, « chargé d’appliquer les décisions
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du groupe53 ». Puisqu’il agit par définition dans l’intérêt du groupe, il
peut d’ailleurs se substituer à lui et prendre, sans l’avoir consulté, certaines
décisions. Cette disposition traditionnelle est présente dans l’ensemble
des règlements intérieurs et règles coutumières dictant le fonctionnement
des groupes. Certaines décisions doivent être adoptées rapidement et ne
sauraient souffrir d’être différées à la prochaine réunion du groupe54. Ainsi,
les statuts du groupe SRC disposent : « chargé d’appliquer les décisions
du groupe, il peut, en cas d’urgence, prendre lui-­même la décision, à
charge d’en rendre compte à la prochaine réunion du groupe55. » Les dis-
positions suivantes détaillent ce pouvoir de substitution :
« Si pendant une séance de l’Assemblée, un vote du groupe doit intervenir
sur une question qui n’a pas été examinée par lui, le président, ou son suppléant,
provoque une suspension de séance afin que le groupe puisse se réunir. Si la sus-
pension de séance est refusée56, les décisions concernant le vote à émettre sont
prises par le président, son suppléant ou à défaut le responsable chargé par le
bureau de suivre la question […]. Les amendements en séance ou en commission
ne peuvent être déposés qu’avec l’accord du bureau ou, en cas d’urgence, du pré-
sident, de son suppléant ou du responsable du débat57. »

53. Article 10 des statuts du groupe SRC.


54. Même si celle-­ci est immédiate, le président ayant le droit d’obtenir une suspension de
séance lorsque celle-­ci a pour objectif de réunir son groupe.
55. Article 10 alinéa 2 des statuts du groupe SRC.
56. Celle-­ci est pourtant accordée de droit, et on ne peut douter de la maîtrise, par les
rédacteurs des statuts, du règlement des assemblées.
57. Articles 12 et 15 des statuts du groupe SRC.
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432 Dorothée Reignier

De même, les statuts du groupe UMP de l’Assemblée nationale pré-


voient que le bureau « prend des décisions chaque fois qu’il est matériel-
lement impossible de convoquer le groupe à cet effet58 ».
Substitution qui permet d’affirmer, avec les statuts, que le bureau et
plus particulièrement le président ne jouent pas seulement un rôle de
préparation et d’exécution, mais remplissent des fonctions politiques.

2 – Un organe d’impulsion

La tâche confiée au président, et au bureau, dépasse la simple prépa-


ration administrative des réunions. Il s’agit d’ailleurs déjà d’une tâche de
direction du groupe puisque ces membres dirigeants sont amenés à opérer
la sélection des propositions qui seront soumises au groupe. Ce faisant,
l’équipe dirigeante oriente l’action politique du groupe et le conduit, sans
que celui-­ci en ait toujours conscience, à adopter une position conforme
aux principes et valeurs qu’il s’est engagé à défendre. Le président du
groupe et le whip de commission sont les principaux intervenants de cette
orientation progressive du débat et des travaux du groupe.
Le président parvient à guider l’action du groupe, à le conduire vers
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ce qu’il estime être l’intérêt de celui-­ci, très en amont, par le choix
des membres du bureau et notamment des responsables de l’étude des
textes. Il propose au groupe le nom du parlementaire qui lui semble
le plus à même de mener, du fait de sa spécialisation dans le domaine
concerné, l’étude du texte. Or, ce choix n’est pas anodin, le président
choisit celui dont les positions lui semblent pouvoir conduire le groupe
dans la direction qu’il a préétabli. Ce choix est d’autant plus impor-
tant que, même si le chef de file est censé diriger un groupe d’études,
composé des commissaires intéressés par le texte, il se retrouve souvent
seul, les groupes d’études étant peu fréquentés. C’est donc sa percep-
tion du texte que l’on retrouvera dans les amendements qu’il propo-
sera au nom du groupe et la consigne de vote qui sera suivie par les
parlementaires.
Par ce choix, le président délimite très tôt l’action politique du
groupe. Il le fait également lors des réunions en présentant aux membres
du groupe la synthèse des remarques exposées. Synthèse dont il proposera
la validation aux membres du groupe. L’autorité et la légitimité qu’il a
acquises limiteront les cas dans lesquels ses décisions seront remises en
cause. Il lui appartiendra, dans un tel cas, de rouvrir le débat, de renvoyer
la question au groupe de travail en lui demandant d’étudier la contesta-
tion parlementaire, ou, si celle-­ci n’est pas individualisée, constitue un

58. Article 9 e des statuts du groupe UMP de l’Assemblée nationale.


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L’organisation interne des groupes parlementaires 433

mouvement d’humeur et non une argumentation, d’imposer sa synthèse


en passant à la suite de l’ordre du jour.
Le président est ainsi l’un des premiers et également l’un des derniers
acteurs de l’entreprise de conviction et de séduction mise en place par le
groupe. D’autres membres du bureau sont également chargés d’identifier
puis de convaincre les réticents et de conduire les parlementaires vers le
respect de la consigne de vote. Les whips de commission jouent ce rôle.
Ceux-­ci sont nommés par le bureau, sur proposition du président au sein
du groupe UMP de l’Assemblée nationale et, en principe, par les com-
missaires au sein du groupe socialiste59. Comme en Grande-­Bretagne, les
whips ont pour tâche de garantir la cohésion des parlementaires et de faire
triompher leur point de vue. Il leur appartient donc de s’assurer que tous
les parlementaires du groupe suivront la décision adoptée par le groupe
sur proposition du bureau et qu’un nombre suffisant d’entre eux sera pré-
sent pour défendre ses positions.
Afin de veiller à la cohésion du groupe, le whip doit, chaque semaine,
réunir les membres de la commission, donner la parole aux chefs de file,
recueillir les remarques et critiques des parlementaires et tenter de faire
émerger une position qui pourrait être acceptée par les membres de la
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commission et, par extension, par l’ensemble du groupe. Il lui appar-
tient également60 d’identifier les parlementaires réticents, d’essayer de les
convaincre et, en cas d’échec, d’alerter les collaborateurs du groupe et du
ministre, si le groupe appartient à la majorité, afin qu’ils puissent mettre
en œuvre une procédure de conviction et le mener à accepter la vision
du groupe. Le whip joue ainsi un rôle d’animation, de conviction et de
liaison puisqu’il lui appartient, comme au chef de file, de signaler au pré-
sident ou à l’ensemble du bureau les points de désaccord qui pourraient
conduire les parlementaires à rejeter la discipline de vote. La fonction
impose que le parlementaire détienne une certaine autorité, mais qu’il
soit également assez souple pour excuser un parlementaire qui ne peut
absolument pas, notamment du fait des particularités de sa circonscrip-
tion, accepter la consigne de vote proposée par le responsable du texte61.
Afin de s’assurer que les commissaires seront toujours en nombre suffisant
en commission et en séance, les whips organisent des tours de présence.
Planification qui doit permettre de faire triompher l’option majoritaire,
si le groupe soutient le gouvernement, ou d’assurer l’offensive nourrie
59. Les statuts du groupe SRC disposent que le bureau distribue les fonctions au sein du
groupe, ce qui laisse supposer que le président propose le parlementaire qu’il aimerait voir
exercer les fonctions de whip.
60. Comme, au demeurant, le parlementaire chef de file et les collaborateurs du groupe.
61. Sous la treizième législature, des personnalités comme M. Valls (groupe SRC), É. Blanc
(groupe UMP de l’Assemblée), P. Gelard (groupe UMP du Sénat) ont été les whips des com-
missions des lois de leur assemblée. Tous bénéficient d’une légitimité et d’une autorité dues
à leurs expériences parlementaire et/ou politique, qui facilitent l’acceptation, par les commis-
saires réunis avant le bureau, des arbitrages qu’ils ont pu exercer.
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434 Dorothée Reignier

de l’opposition, voire de profiter d’une faible mobilisation de la majo-


rité pour faire, même provisoirement, triompher ses options. Grâce à ce
document prévisionnel, les parlementaires sont avertis que leur présence
est requise lors de telle séance ou de telle réunion de la commission62.
Il appartient également aux whips de l’Assemblée nationale de gérer, à
partir de cette répartition, les délégations qui pourront être rédigées par
les absents au profit des parlementaires présents63. Le whip peut égale-
ment être amené, en cas d’urgence, à battre le rappel des parlementaires
situés à proximité des palais de la République, afin que ceux-­ci viennent,
en commission ou en séance, soutenir et faire triompher la position du
groupe. Formellement, ces missions administratives sont exercées par les
collaborateurs du groupe sous l’autorité du secrétaire général. Taylorisme
parlementaire qui permet à l’équipe dirigeante de se concentrer sur ses
missions politiques.

Suite à l’alternance, les groupes vont devoir s’adapter à leurs nouvelles


fonctions et modifier, même de manière marginale, leur mode de fonc-
tionnement. Le groupe SRC s’y est déjà attaché en diffusant largement
sur Internet les argumentaires permettant aux élus de défendre la poli-
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tique gouvernementale et de contrer les critiques de l’opposition. Sans
doute, cette diffusion est-­elle trop large : librement accessible à partir du
site des députés SRC, elle permet à tout un chacun, et même à l’oppo-
sition, d’accéder à des informations politiquement sensibles. L’évolution
du fonctionnement du groupe SRC s’est également traduite par un ren-
forcement de l’encadrement : plus de la moitié des parlementaires du
groupe sont des nouveaux élus, le groupe se charge de les accompagner
dans l’exercice de leurs nouvelles compétences ; il devra toutefois prendre
garde à ce que cet encadrement ne bride pas les initiatives personnelles
des parlementaires64.

62. Ainsi le feuilleton du groupe SRC (voir infra) signalait-­il particulièrement, le 3 juillet
2012, la déclaration de politique générale et l’heure approximative du vote, en soulignant :
« La présence de tous est indispensable pour accorder à notre Gouvernement la confiance la
plus large possible. »
63. Au Sénat, le président du groupe, ou sur délégation, le sénateur responsable du texte,
ou celui dont la présence a été prévue en séance par le whip, détient les bulletins de vote de
l’ensemble des parlementaires de son groupe. Ce vote pour autrui amène régulièrement le
Gouvernement à solliciter une nouvelle délibération, suite à une mécompréhension de l’enjeu
du vote par l’un des parlementaires détenteurs des bulletins de tout son groupe. Une telle
erreur s’est produite le 26 juillet 2012, lors de l’examen du projet de loi de finances rectifica-
tive pour 2012, lorsqu’un sénateur écologiste a oublié de voter pour tout son groupe. Oubli
qui a entraîné, du fait de la courte majorité sénatoriale, l’adoption de l’amendement, déposé
par l’opposition, visant à supprimer l’article alourdissant les droits de succession.
64. Chaque semaine, le groupe SRC distribue un feuilleton à ses membres, employant un
code couleur spécifique de manière à leur permettre d’assister aux réunions qui les concer-
nent : en vert, les séances publiques ; en bleu, les séances des commissions ; en rouge, les
réunions propres au groupe SRC (audition, réunion des com-­soc avant le bureau ou la réunion
de la commission, réunion des groupes de travail…).
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L’organisation interne des groupes parlementaires 435

Si les évolutions du groupe SRC sont aujourd’hui plus visibles, notam-


ment parce qu’elles intéressent la presse, le groupe UMP, son principal
adversaire, doit également s’adapter à ses nouvelles fonctions. Il devra, pour
cela, laisser se développer en son sein des structures d’études permanentes
et surmonter les contrecoups des échecs électoraux de l’année 201265.
Les nouveaux groupes, moins conséquents, sont également appelés
à voir, en cours de législature, leur fonctionnement évoluer. Certains
s’apprêtent d’ailleurs à marquer les règlements des assemblées de leur
empreinte. C’est le cas du groupe écologiste de l’Assemblée nationale
qui souhaite élire deux présidents. Le fonctionnement des groupes parle-
mentaires ne saurait être totalement encadré par les textes, y compris les
règlements des assemblées ; il est appelé à encore évoluer.
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65. Le prochain dépôt d’une motion de censure devrait permettre au groupe de manifester
son unité et d’attester qu’il est parvenu à se ranger en ordre de bataille.
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436 Dorothée Reignier

LE
PRÉSIDENT

LE BUREAU DU GROUPE
Le président et ses deux premiers vice-­présidents
(élus par le groupe sur proposition du président),
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Les membres élus par l’ensemble du groupe
(autres vice-­présidents, whips de commission),
Les membres de droit (présidents de commission,
membres du bureau de l’assemblée, anciens présidents
des assemblées ou anciens Premiers ministres, leaders du
parti…),
Les membres ès qualités (rapporteurs, chefs de file…).

LE GROUPE
Outil de collectivisation ou de taylorisme du travail parlementaire.
Composé des parlementaires du groupe (membres à part entière, apparentés ou
rattachés) et divisé en groupes de travail et d’études, permanents ou ad hoc,
dirigés par un élu reconnu pour ses compétences dans le domaine étudié.
Réunions hebdomadaires afin de déterminer l’action collective. Adoption,
sous le patronage du président, des décisions qui seront défendues par le groupe
(PPL, amendements, consignes de vote).
Secondé par une équipe administrative chargée de donner forme aux initiatives
parlementaires et de nourrir leur réflexion grâce à des revues de presse et à la
fourniture de données brutes transformées ensuite par le chef de file.

ANNEXE : UNE ORGANISATION PYRAMIDALE

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