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La rééducation de l'ataxie
Ch. AERENS
Hôpital universitaire Saint-Pierre, Institut Bordet, Clinique de Neurochirurgie, rue Héger Bordet 1, B - 1000 Bruxelles.
TREMBLEMENT
INCOORDINATION ET ASYMÉTRIE
Kinésithérapie
L'élimination de l'influence cérébelleuse a
pour conséquence une altération de l'activité
phasique et tonique du réflexe myotatique, mais De cette étude physiopathologique, nous
non la suppression de celui-ci (E. Lhermitte). allons tirer directement les éléments fondamen-
Il existe véritablement un retard de mise en jeu taux pour l'élaboration du traitement de
des antagonistes. La réaction d'étirement est en rééducation.
défaut mais la réaction de raccourcissement l'est
également. Le maintien du tonus et les réactions
1er TEMPS D'ÉVOLUTION
toniques ne se réalisent plus dans des conditions
adaptées de temps et d'intensité.
Théoriquement : les exercices concerneront
Le muscle hypotonique perd la propriété de
se maintenir en contraction et la faculté de se d'abord des mouvements unidirectionnels qui
contracter à temps dans la mesure exacte. Les n'exigent la participation que d'u!le articulation
stimuli éfférents ne fusionnent pas, comme dans stabilisée passivement ou dans une position où
le muscle normal, avec le tonus préexistant. Il n'interviennent que très secondairement les
s'ensuit que la contraction devient irrégulière et contractions musculaires posturales ou stabili-
satrices. En effet, la réussite d'un mouvement
détermine rapidement la fatigue (Miller-
Guerra). est d'autant plus mauvaise qu'il met en jeu un
Le mouvement, comme le maintien d'une plus grand nombre d'articulations et exige un
attitude, implique la contraction des agonistes, tonus d'attitude. Il faut d'abord supprimer les
des modifications réciproques des muscles anta- perturbations que le défaut de fixation tonique
gonistes, une intervention de muscles « fixa- amène dans l'activité cinétique.
teurs », tous phénomènes qui se développent' En apparence, l'hypotonie pathologique inté-
de façon synergique dans le temps et l'espace. resse davantage la racine que l'extrémité du
On observe chez le malade cérébelleux une membre. Cela ne traduit pas une prédominance
asynergie se traduisant notamment par un retard proximale à l'hypotonie mais résulte d'un degré
dans l'obtention de la contraction maximale, un plus élevé d;effort statique.
retard dans l'arrêt de la contraction, une lenteur On tâchera de palier le retard dans l'initiation
dans la décontraction complète, une désorgani- du mouvement et à l'irrégularité de son exé-
sation de la mise en jeu successive ou simultanée cution en se basant sur les constatations
de plusieurs groupes musculaires. suivantes:
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1) L'exercice contre résistance fait disparaître qui doit vaincre de plus en plus rapidement
l'action des muscles antagonistes. Le tremble- l'inertie du membre lors de la brusque rupture
ment est d'autant moins important que la de la résistance.
résistance au mouvement est plus forte et moins Nous demanderons au malade cérébelleux de
important encore lors de contractions concentri- maintenir le membre stable malgré l'application
ques (avec raccourcissement du muscle) que lors d'une poussée extérieure avec une force, une
des contractions excentriques (avec allongement direction, un rythme variable.
du muscle).
Quelques modalités
2) La précision du mouvement va grandis-
sante avec la vitesse de celui-ci: la rapidité exige 1) D'emblée nous insisterons sur les articula-
seulement une contraction brusque du muscle, tions-clefs des membres, surtoùt le coude et le
l'inertie garantissant l'uniformité du mouve- genou, intermédiaires directs dont le bon
ment. Toutefois, à grande vitesse, l'action de contrôle postural est indispensable à la fonction
l'inertie - dominante cette fois - va accroître de la partie distale. Le contrôle de ces articula-
l'imprécision du geste faute de toute contraction tions s'avère d'ailleurs plus aisé vu leur caractère
de freinage des antagonistes. quasi uniaxial de flexion-extension.
3) Les mouvements en position neutre sont Nous pourrons aussi étudier beaucoup plus
aisément les mouvements multiaxiaux qu'offrent
les plus difficiles (c'est-à-dire en position où
l'action de la pesanteur est nulle), le réflexe les articulations de la hanche et de l'épaule en
myotatique n'étant guère sollicité. conférant au début aux articles sous-jacents un
rôle statique. Toutefois, les mouvements proxi-
maux peuvent être travaillés d'emblée à condi-
Pratiquement : on opposera une résistance tion de libérer le malade du contrôle distal en
manuelle au mouvement simple exécuté dans un
seul axe, l'articulation proximale étant stabilisée soutenant passivement l'extrémité du membre.
au début. 2) Les mouvements fins de la main et des
Durant toutes les séquences de la contraction doigts, travaillés d'abord le membre supérieur
musculaire, choisie concentrique, le rythme sera entièrement soutenu, seront ensuite exécutés
donné verbalement en imposant un temps simultanément à un contrôle statique du coude,
déterminé depuis le stade d'élongation complète puis du coude et de l'épaule et enfin dans une
jusqu'à celui de contraction complète. dynamique du membre supérieur' entier. Les
La résistance importante et le rythme rapide exercices fonctionnels de .préhension et d'opposi-
au début, se feront décroissants avec les progrès tion seront principalement recherchés.
réalisés jusqu'à l'obtention d'un mouvement
3) Pour certains groupes musculaires, tels
lent, uniforme et régulier, dans le temps et dans ceux mobilisant la hanche, la seule résistance
l'espace, contre la seule résistance de la pesan-
offerte par le poids du membre représente la
teur. Le mouvement lent, se rapprochant d'une résistance nécessaire et suffisante.
prise d'attitudes successives, est le plus difficile
à réaliser.
L'exercice est toujours répété à une fréquence 2e TEMPS D'ÉVOLUTION
et une résistance définies avant d'en changer.
Nous agirons ainsi avec tous les segments des On entreprendra les exercices de contraction
membres atteints. musculaire excentriques également suivant le
On procèdera à des exercices accroissant la même protocole c'est-à-dire en décroissant ici
rapidité de réaction en vue de palier au retard la résistance offerte à l'élongation du membre
dans la décontraction des antagonistes et la et non pl_usà son raccourcissement.
contraction des agonistes. Nous arriverons ainsi à des exercices où
Par exemple : on maintient le segment de existent des variations incessantes: de résistance
membre immobile contre une résistance statique à vitesse constante, de vitesse contre une
en équilibrant la force déployée par le patient résistance constante, puis de résistance, de
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mineurs seront levés par une rééducation davan- 2. BOUDIN G.J., LORMEAU G. - Les ataxies. Encyclopédie
Médico-chirurgicale, Paris, Neurologie 1966, 17006, AIO.
tage fonctionnelle. 3. CHAIN F., LHERMITTE F., SCHERRER J. - Exploration de
L'atteinte concommittante des organes l'activité motrice chez l'homme normal et dans le syndrome
compensateurs explique dans certains cas la cérébelleux. Comportement des muscles agonistes et antago-
tenacité des troubles cérébelleux. L'atteinte nistes dans le maintien d'attitude et l'adaptation posturale.
Rev. Neurol., 1961, 105, 330-343.
ultérieure d'un hémisphère cérébral vicariant, 4. Dow R.S., MORuzzI G. - Physiology and pathology of the
pouvant faire renaître des symptômes cérébel- cerebellum. Univ. Minnesota Press, 1958.
5. FRAENKEK R.S. - L'ataxie tabétique. Paris, 1907.
leux (Hitsig) semble bien prouver la réelle 6. FULTON J.F. - Physiologie des lobesfrontaux et du cervelet.
existence de ces compensations supérieures. Masson et Cie, Paris, 1953.
Comparativement aux ataxies par atteinte KAYSER C. - Physiologie du système nerveux. Muscles. Ed.
médicales Flammarion, 1963, (&« -(è&.
cérébelleuse, les ataxies d'origine sensorielle, 8. KREINDLER A., STERIADE M. - La physiologie et la
bien compensées par la vue, permettent d'atten- physiopathologie du cervelet. Masson et Cie, Paris 1958.
dre de meilleurs résultats fonctionnels de la 9. LHERMITTE F. - Le syndrome cérébelleux. Étude ana-
rééducation. tomo-clinique chez l'adulte. Rev. Neurol., 1958,98,435-477.
10. METTLER F., ORIOL! F. - Étude sur le mouvement
anormal: l'ataxie cérébelleuse. Neurology, 1958,8, 953-966.
11. MILLER-GUERRA - Le syndrome cérébelleux et le syn-
Bibliographie drome vestibulaire. Masson et Cie, Paris 1954.
12. PASSOUANT P. - Étude synthétique de la physiologie du
1. BIEMOND A. - Maladies du système nerveux. Syndromes cervelet. Rev. Neurol. 1958, 98, 558-602.
cérébelleux. Traité de Médecine XV, Masson et Cie, 1949, 13. RADEMAKER G., GARCIN R. - L'épreuve d'adaptation
637-657. statique. Rev. Neurol., 1933, 2, 566-579.
JOURNAL D'ERGOTHÉRAP'IE
PUBLIÉ PAR L'ASSOCIATION NATIONALE
DES ERGOTHÉRAPEUTES FRANÇAIS
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