Vous êtes sur la page 1sur 23

LES MOUVEMENTS ANORMAUX

Pr Mounia Rahmani
Introduction
Sémiologie et bases de la classification des mouvements anormaux:
• Les mouvements anormaux (aussi appelés mouvements involontaires) correspondent
à un trouble de la programmation et/ou de l’exécution des mouvements et qui en
résulte des gestes non contrôlés par la volonté et des difficultés qui parasitent les
gestes volontaires.
• En général, les mouvements anormaux sont liés à un dysfonctionnement du système
dit extrapyramidal constitué des noyaux gris centraux (striatum, pallidum, thalamus,
noyau sous thalamique, substance noire....) et de leurs connexions.
• La reconnaissance des différents types de mouvements involontaires repose sur
l’observation clinique à la consultation et parfois sur les vidéos prises par l’entourage.
Il est nécessaire de reconnaitre la sémiologie clinique de chaque entité avant de se
lancer dans la recherche étiologique qui dépendra des examens cliniques et
paracliniques.
• Les mouvements anormaux peuvent intéresser un ou plusieurs segments du corps et
peuvent se propager et devenir généralisés. Les principaux types sont:

• Les tremblements: oscillations rythmiques d’un segment du corps autour d’une


articulation

• Les myoclonies: (étymologie: Myo = muscle et Clonie = secousse): secousses


musculaires brusques et brèves

• La dystonie: (étymologie: Dys = anomalie et Tonie = tonus): contractions


musculaires involontaires soutenues entrainant des postures ou des mouvements de
torsion

• La chorée: (étymologie: Chorée = danse): mouvements arythmiques imprévisibles


donnant souvent l’apparence d’un flux continu non stéréotypé de mouvements de
rotation sur un fond d’hypotonie. Lorsque ce mouvement intéresse la racine d’un
membre (ex. épaule ou hanche), il entraîne un mouvement très ample appelé ballisme.
• Les Tics: (étymologie: Tic fait référence au mouvement brusque fait par le cheval):
ce sont des mouvements habituellement brefs, stéréotypés
(reproduisant le même type de mouvement) ayant souvent un aspect
de caricature du geste naturel (ex. clignement des paupières....)

• Les dyskinésies: (étymologie: Dys = anomalie et Kinésie = mouvement): c’est


un terme utilisé pour définir des mouvements anormaux complexes et
anarchiques n’obéissant pas à la sémiologie d’une entité bien définie et
mêlant différentes composantes précédemment décrites
Les tremblements
A. Phénoménologie:
• Un tremblement est une oscillation rythmique autour d’une articulation.
• Tremblement de repos s’il survient sur un segment de membre en relaxation (membre décontracté,
reposant sur un plan)
• Tremblement d’action s’il apparaît lorsque le patient exécute un mouvement
• Tremblement postural s’il s’exprime au maintien d’une posture (manoeuvre du bretteur)
• Tremblement intentionnel s’il s’aggrave lorsque le membre s’approche de la cible (manoeuvre doigt-nez)
• Tremblement mixte en cas d’association de ces sous-types
• En plus de cette classification clinique basée sur les circonstances de survenue (repos,
action....), il existe un deuxième axe de classification basé sur la fréquence de ce
tremblement.

• Celle-ci est appréciée par l’étude électrophysiologique (Tremor Analysis) qui évalue le
nombre de cycles par seconde (ou Hz). Par exemple, un tremblement Parkinsonien
est généralement un tremblement de repos de fréquence comprise entre 4 et 7 Hz.
B. Les étiologies des tremblements:
• Elle sont très nombreuses et l’orientation dépend de l’examen clinique du tremblement
(circonstances de survenue, symétrie...), de la recherche de signes neurologiques associés
(akinésie, rigidité, ataxie...). Les autres éléments importants à considérer sont l’âge de début et
l’évolution, la présence de cas familiaux de tremblement et la recherche de médicaments pris
régulièrement par le patient (+++).
1. Tremblement de repos:
• La survenue exclusivement ou de façon prédominante au repos est typique d’un tremblement
parkinsonien. Il est souvent augmenté par l’effort de calcul mental et s’y associe une lenteur
du mouvement (akinésie) et une rigidité.
• Les étiologies à rechercher sont:
• Une prise de certains médicaments notamment les neuroleptiques qui bloquent les
récepteurs dopaminergiques. Le traitement est basé essentiellement sur l’arrêt des
molécules incriminées.
• La maladie de Parkinson
• Ou plus rarement d’autres maladies neurodégénératives entrainant aussi un syndrome
parkinsonien.
2. Tremblement postural:

Situation est très fréquente en pratique.


• Tremblement généralement symétrique des deux mains lorsqu’elles sont maintenues en attitude. Un
tremblement de la tête (dit aussi du chef) et de la voix (en demandant au patient de prononcer
longuement Ehhh....) est à rechercher.
• Causes: iatrogène (la liste des médicaments très longue), tremblement physiologique exagéré (affection
bénigne non évolutive fréquente chez les sujets jeunes /anxiété, caféine, hyperthyroïdie..),
tremblement essentiel
• Tremblement essentiel: le plus fréquent des mouvements anormaux:
• deux pics d’incidence, vers 15 et 60 ans et la moitié des patients ont une histoire de tremblement familial de transmission
autosomique dominante.
• fréquence entre 8 et 12 Hz, intéresse initialement les mains puis s’entend au fur et à mesure de l’évolution vers les coudes
puis le épaules. Plus rarement, il peut toucher le cou et la voix (devenant chevrotante).
• Amélioré par la prise de l’alcool.
• Le traitement de premier choix reste les bétabloquants (propranolol ..) et si l’amélioration n’est pas suffisante ou si ces
médicaments sont contre-indiqués, un traitement par la primidone ou le topiramate sera proposé. Dans certains cas de
tremblement ample, une neurochirurgie fonctionnelle (stimulation électrique chronique d’un noyau thalamique) est le seul
recours efficace.
3. Le tremblement d’action et d’intention:

• Ce tremblement est généralement ample et gêne beaucoup le mouvement au cours de sa réalisation


(composante d’action) et lorsque celui-ci arrive à son but (composante intentionnelle). Les activités
quotidiennes sont très nettement altérées (ex: porter une tasse, se brosser les dents...).
• La recherche d’une ataxie (incoordination des mouvements dans le temps et dans l’espace) est souvent
retrouvée car la cause de ce tremblement est un dysfonctionnement du cervelet (tremblement
cérébelleux)
• Le tremblement cérébelleux est un tremblement d’action et d’intention, proximal (touche les épaules)
ou céphalique. La recherche étiologique de ce syndrome cérébelleux est basée sur les autres éléments
cliniques et d’imagerie (IRM encéphalique). Des lésions du cervelet de nature vasculaire (notamment
des accidents ischémiques), inflammatoire (Sclérose En Plaques... ), tumorale, malformative ou
dégénérative sont retrouvées. Il est généralement résistant aux médicaments. Une stimulation cérébrale
d’un noyaux thalamique peut être envisagée s’il ne s’accompagne pas d’une ataxie gênante.
Dystonies
A. Phénoménologie:
• La dystonie résulte de contractions simultanées (on parle de co-contraction) des muscles agonistes et
antagonistes et se caractérise ainsi par la présence de mouvements anormaux ou/ et de postures
anormales perturbant le mouvement volontaire et déclenchés par celui-ci avec des contractions
involontaires d’autres muscles qui habituellement ne participent pas dans le mouvement réalisé.
• Un des signes caractéristiques est la présence fréquente d’un geste que le patient utilise pour améliorer
les contractions musculaires en mettant la mains sur l’endroit où siège les contractures (on parle de
geste antagoniste).
• Dans certaines situations, la dystonie est déclenchée par une action spécifique comme seulement lors
de l’action d’écrire et on parle alors de dystonies de fonction.
• Plus rarement, la dystonie peut apparaitre de façon transitoire pendant quelques secondes à plusieurs
minutes et précipitée par un facteur spécifique et on parle ainsi de dystonie paroxystique (avec des
intervalles libres où le patient ne ressent aucun symptôme).
• La distribution de la dystonie est variable. Elle peut être localisée à un segment du
corps tel que les paupières, la face, le cou.... le membre supérieur ou inférieur. La
dystonie peut être également étendue à plusieurs parties du corps voir être
généralisée.
• Formes focales: dystonie des paupières (blépharospasme), du cou (torticolis
spasmodique) dystonie de fonction induite par l’écriture (crampe d’écrivain), dystonie
des cordes vocales induisant une altération de la voix (dysphonie spasmodique)
• Formes multifocale, hémidystonie ou généralisée.
• Il existe deux axes principaux pour une classification de la dystonie:
• 1- les caractéristiques cliniques incluant l’âge de début, la distribution, le caractère permanent ou
paroxystique et les autres signes neurologiques associés
• 2- le deuxième axe correspond aux différentes étiologies (lésions des noyaux gris centraux,
caractère inné, acquis ou idiopathique)
B. Causes:
• Globalement, la dystonie est liée à un dysfonctionnement des noyaux gris centraux, lié à des
altérations d’origine génétique dont on connait actuellement plusieurs dizaines de mutations
génétiques caractérisées. La plus classique est la mutation DYT1 entrainant une dystonie généralisée à
début pendant l’enfance.
• La deuxième catégorie est représenté par les dystonies secondaires à des lésions acquises des noyaux
gris centraux qui peuvent être induites par plusieurs situations: une souffrance hypoxique néonatale,
un AVC, un dépôt de métaux comme le cuivre (maladie de Wilson ) ....
C. Traitement:
• Dystonies focales: meilleur traitement: injections de toxine botulique au niveau des muscles sièges de
contractions. L’efficacité est rapide, souvent excellente et dure quelques mois (il faut donc répéter
régulièrement ces injections).
• Le traitement médical peut comporter le trihexyphénidil (Artane*)
• Dystonies sévères généralisées: neurochirurgie fonctionnelle par stimulation électrique chronique des
deux noyaux pallidum interne avec un souvent résultat excellent
Chorées
A. Phénoménologie:
• Mouvements hyperkiné*que involontaire, rapide, irréguliers, non rythmiques, non dirigé vers un but, tous les
muscles
• Flexion / extension ou rota2on / croisement, souvent à prédominance distale aux membres et sous forme de
grimaces, protrusions involontaires de la langue, vocalisa2on....
• Si racine d’un membre (ex. épaule ou hanche): mouvements très amples appelés mouvements balliques.
• Souvent présents au repos, disparaissent au sommeil
• Typiquement exacerbés pendant l'ac5on et le stress, souvent peu ou non perçus par le pa2ent
• Amplitude aléatoire et erra*que des mouvements:

• Aléatoire+++: mouvements passent généralement d'une région du corps à l'autre de manière imprévisible

• Non stéréotypés: jamais iden2ques les uns aux autres, grande variabilité inter- et intra-individuelle
(distribu2on des muscles impliqués, sévérité, amplitude)

• Généralement imprévisibles, sans sensa*on d’un besoin intérieur ou d'une agita*on, absence de
suppression par la volonté (≠ 2cs)
Impersistance motrice

• Incapacité à effectuer des ac1vités motrices soutenues ou maintenir une posture


pendant quelques secondes

• Protrusion de langue (que quelques sec)


• Milkmaid’s grip: préhension des doigts de l’examinateur: force de préhension croissante-
décroissante en dents de scie

• Joues gonflées, yeux fermés

• Un ou plusieurs membres: tendance à faire tomber les objets, « faiblesse »


« maladresse », "incoordinaIon"
B. Causes
• Causes les plus fréquentes sont
médicamenteuses (dyskinésies
de la Ldopa, neurolep7ques..),
toxiques (cocaïne,
amphétamine), vasculaires
(lésion des noyaux gris
centraux), inflammatoires
(Lupus Erythémateux
Systémique), hématologiques
(polyglobulie), endocriniennes
(dysthyroïdie, grossesse,
contracep7on orale).
• Dans notre contexte: Chorée de Syndeham:
• E7ologie auto-immune la plus fréquente en général et la 2ème chez les enfants après
l’infirmité motrice cérébrale
• Manifesta@on majeure du RAA / infec7on par Streptocoque béta hémoly7que du groupe A
• Pays en voie de développement, rare USA et Europe
• Début: souvent chorée (corps, mains) 2 à 3 mois après l’infec7on mais peut apparaitre
après qlq heures, jours
• Peut survenir chez l’adulte
• Chorea paraly@ca: hypotonie généralisée sévère, sta7on debout impossible
Diagnos(c de chorée syndenham Evolu&on
• Prélèvement de gorge/culture, cardite • Rémission spontanée sur plusieurs
mois
• Dosage des AC an@streptococciques:
• Récurrence possible dans 20-50% des
• An#streptolysin O ASLO: cas souvent lors 1er trimestre grossesse
• Posi%fs souvent 1 à 3 semaines après
infec%on (chorée gravidique)
• Faux +: maladie hépato-rénale, dyslipidémie
• Persistance des symptômes à 2 ans
• An#deoxyribonuclease an#-DNase B: dans 50% des cas
• Pic après celui ASLO
• Plus sensibles car longtemps posi%fs(mois)
• Plus spécifiques

• Faux néga7fs car délai de posi7vité


• Causes génétiques:
• L’étiologie la plus fréquente (90%): la maladie de Huntington:
• TAD liée à une mutation génétique par répétition anormale de triplet nucléotidique CAG
intéressant le gène HTT sur la chromosome 4 (4p16).
• Triade clinique: mouvements choréiques généralisés, troubles cognitifs évoluant vers un
syndrome démentiel et des troubles psychocomportementaux qui sont souvent la première
manifestation à apparaitre
• L’IRM encéphalique objective une atrophie des têtes des noyaux caudés. Cette maladie est de
mauvais pronostic et évolue lentement vers un handicap moteur et cognitif sévère puis au décès.
Symptômes moteurs: Symptômes non-moteurs:

• Chorée: surtout adultes • AKeinte cogni@ve: démence sous-


• front+++ (froncement, haussement sourcils), cor@cale:
clignement yeux, bas visage, tête, épaules
• bascule du bassin • Troubles dyséxecu/fs, désinhibi/on,
• « piano-playing finger movements » difficulté à effectuer plusieurs tâches à la
• MI: abd/add cuisses et pieds, orteils fois, altéra/on de la mémoire à court
• S’aggrave au cours de la maladie puis stable terme
• S’aDénue stade avancé
• Dystonie (tête, cou, tronc, membres, bruxisme) • Troubles psychiatriques:
• Parkinsonisme phase avancée, troubles de posture • Dépression, idées suicidaires, anxiété,
• Impersistence motrice irritabilité, apathie, agression
• Myoclonies, ataxie • Eléments psycho/ques rares
• Dysarthrie, dysphagie (hallucina/ons, délire)
• Troubles oculomoteurs+++: • Comportements obsessionnels
• Retard d’ini5a5on saccades compulsifs
C. Traitement:
• Les mouvements choréiques étant des mouvements hyperkinétiques, le but du traitement
symptomatique est de réduire leur amplitude en réduisant l’activité du système dopaminergique et on
utilise fréquemment les neuroleptiques pour cet effet.
• Un traitement étiologique est nécessaire selon la cause: antibiothérapie si infection, corticothérapie si
mécanisme inflammatoire/autoimmun....
• Au cours de la maladie de Huntington, une prise en charge globale intégrant un traitement
symptomatique, un conseil familial, une PEC psychologique et en kinésithérapie sont nécessaires. Il
existe plusieurs thérapies innovantes en cours (thérapie génique, greffes des cellules souches au niveau
striatal...)
TICS
A. Phénoménologie:
• Les tics sont des manifestations motrices (entrainant un mouvement involontaire) et/ou vocales
(entrainant une émission sonore) brèves, répétitives, stéréotypées (le même profile de mouvement se
répète), brusques ou prolongées. Le mouvement peut être simple (clignement excessif des paupières,
haussement d’une épaule...) ou complexe (séquence de plusieurs mouvements comme faire une
rotation sur soi même...).
• Pour être qualifié comme tic, un mouvement involontaire a souvent les deux caractéristiques suivantes:
• être suppressible momentanément par la volonté (suivi fréquemment d’un rebond après quelques
secondes)
• être précédé par une sensation interne de tension musculaire croissante qui pousse à accomplir ce
mouvement (sensation prémonitoire).
• Les Tics vocaux sont souvent non reconnus comme tels, confondus avec des manifestations «
allergiques » car le patient présente des séquences de toux sèche, raclements de gorge, reniflements.....
Dans les formes complexes, ces tics vocaux produisent des mots voire des phrases ayant parfois un
caractère ordurier (exemple du syndrome de Giles de la Tourette).
B. Causes et classification:
• Les pathologies liées aux tics se divisent en 3 groupes:
• Les Tics provisoires (durée moins de 12 mois): Cette situation est classique et tout à fait bénigne chez
des enfants avant l’âge de 10 ans.
• Les Tics chroniques moteurs ou vocaux qui durent plus de 12 mois
• Les Tics chroniques moteurs et vocaux qui durent plus de 12 mois et commencent avant l’âge de 18 ans.
Ceci définit le syndrome de Gilles de la Tourette (SGT au nom du neurologue qui l’a caractérisé pour la
première fois en 1885) qui dans sa forme sévère associee en plus des Tics moteurs et vocaux simples et
complexes à des mots obscènes, automutilations et troubles psycho-comportementaux (hyperactivité,
trouble obsessif compulsif...)
• A noter que les tics peuvent être secondaires à la prise de certains médicaments ou toxiques et
particulièrement les psychostimulants (qu’il faut toujours rechercher à l’interrogatoire) et d’autres maladies
rares touchant les SNC.
C. Traitement
• On traite les tics selon leurs sévérité et retentissement par les approches pharmacologiques (clonidine,
neuroleptiques, injection de toxine botulique si tic focal...) psychothérapeutiques (qui visent à agir sur la
perception de la sensation prémonitoire pour pouvoir arrêter le tic) et neurochirurgicales (par une
stimulation cérébrale profonde au cours du rares formes de SGT sévères et résistants)
Objectifs:
• Connaitre la sémiologie élémentaire des principaux mouvements anormaux
• Lister les principales étiologies
• Connaitre les grands principes du traitement

Vous aimerez peut-être aussi