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Explication Linéaire Bac - Une Charogne
Explication Linéaire Bac - Une Charogne
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telles que « ventre putride » et les « noirs bataillons / De larves » comparés à un « épais liquide » sont de la modalité exclamative, absente dans les autres mouvements. Le contraste entre les topoï de la
propres à provoquer l’écœurement du lecteur. Le poète crée ici une forme d’hypotypose, c’est-à-dire une poésie lyrique amoureuse et le vocabulaire réaliste de la décomposition associé à celui de la mort est
description saisissante, semblable à un tableau vivant. La décomposition s’offre comme un spectacle qui encore plus marqué. Chaque strophe comporte une apostrophe élogieuse caractérisant la femme aimée à
sollicite à nouveau les sens, celui de l’ouïe par les mouches qui « bourdonnaient », de la vue par l’image l’aide d’hyperboles : « Étoile de mes yeux, soleil de ma nature, / Vous, mon ange et ma passion » ; « ô la
du ballet des mouches et des larves sur le cadavre. reine des grâces » et « ô ma beauté », dans les deux dernières l’interjection lyrique « ô » souligne
l’intensité du sentiment amoureux. Mais ce vocabulaire amoureux crée une dissonance ironique avec
Strophe 6 :
l’évocation brutale de la mort, celle de la femme aimée qui doit voir dans la charogne un avertissement,
La vision de la charogne que donnent les verbes de mouvement « descendait, montait » puis « s’élançait l’analogie étant explicite et répétée : « vous serez semblable à cette ordure/ À cette horrible infection »,
en pétillant » (la forme au gérondif introduit une image gracieuse qui poursuit le paradoxe de la beauté « telle vous serez […]/ Quand vous irez moisir sous les ossements ». Le poème constitue donc un
de la laideur), de même que la comparaison à « une vague » contribuent à embellir cet objet repoussant Memento mori original, qui se distingue par son caractère réaliste et cruel. L’ironie est très marquée dans
ici associé paradoxalement à la vie et à la beauté par l’harmonie du mouvement d’autant plus que le ce mouvement, notamment dans certaines rimes qui réunissent les deux thématiques, comme entre
poète dans cette strophe n’utilise plus le vocabulaire de la décomposition « infection » et « passion », mots soulignés par la diérèse.
La dernière strophe est particulièrement ironique car elle met en scène un baiser amoureux, mais
Strophe 7 : dans un décalage savoureux : c’est la « vermine » et non le poète qui la « mangera de baisers ». Le
souvenir partagé du début devient celui du seul poète qui termine son texte par une sorte d’éclat de rire
Les strophes 7 et 8 développent des idées plus insolites encore et confortent l’embellissement de la
avec la formule finale : « j’ai gardé la forme et l’essence divine / De mes amours décomposés ! ». Cette
charogne. Cette dernière se voit associée à des formes artistiques par l’évocation d’« une étrange
fois l’amour et la décomposition sont étroitement liés.
musique » produite par la vie qui se développe en son sein. Les comparaisons des derniers vers, d’abord à
des éléments naturels « l’eau et le vent » puis au « grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique/
Bilan sur le troisième mvt : Le dernier mvt revient donc à la poésie amoureuse, mais dans un jeu
Agite et tourne dans son van » contribuent à la métamorphose de la charogne qui dégage un son
parodique qui transforme le genre du Memento mori, ici formulé de façon cruelle et ironique par la mise
harmonieux.
en relation de l’éloge amoureux et des évocations macabres.
CONCLUSION
Strophe 8 :
En définitive, Baudelaire dans ce poème nous invite à modifier notre regard sur une réalité perçue
La huitième strophe confirme l’assimilation de la charogne à une forme artistique, cette fois la peinture.
comme sordide, écœurante, la description d’un cadavre. Il souligne d’ailleurs le caractère répugnant de la
Par rapport aux autres strophes, l’évocation devient plus abstraite, le cadavre se dématérialise en étant
charogne mais, poète alchimiste, nous dévoile la beauté poétique du cadavre par la vie qui jaillit de la
comparé à « un rêve », « une ébauche lente à venir », « une toile ». La vision de la charogne suscite ainsi
mort offrant le spectacle du mouvement perpétuel de la nature et par les images qui métamorphosent la
l’imaginaire artistique du poète et présente l’art comme une façon de fixer ce qui est fugitif, éphémère,
charogne. Ainsi s’opère la transmutation de la boue en or. Ce poème qui va à l’encontre des thèmes
de dépasser la mort.
poétiques convenus tourne également en dérision les stéréotypes amoureux au moyen de l’ironie.
Strophe 9 : Retour à la réalité prosaïque :
Ouverture : Georges de la Tour, La Madeleine à la veilleuse
La strophe 9 revient à la réalité prosaïque en évoquant des détails réalistes, par la mention de la
« chienne inquiète » qui attend de « reprendre au squelette / Le morceau qu’elle avait lâché. » Il s’agit
donc d’un retour à la banalité de la situation et le cadavre retrouve ici sa matérialité avec les mots
« squelette » et « morceau ».
Cf. commentaire proposé dans le Livre de Poche : Dble niveau de lecture :
Bilan sur le deuxième mvt : Le jeu d’oppositions se poursuit dans le deuxième mvt, ici plus
niveau littéral : renversement provocant d’une position idéalisante (ou pétrarquisante : cf. Sainte-
particulièrement entre beau et laid, vie et mort de même que le poète approfondit la métamorphose de
Beuve : louait B d’avoir « pétrarquisé sur l’horrible »), consistant à célébrer la femme aimée contre les
la charogne cette fois comparée à des formes artistiques.
réalités aussi incontestables que répugnantes que la finitude. Surenchère d’expressions empruntées à
l’amour courtois : « étoile de mes yeux » ; « soleil de la nature » ; « mon ange et ma passion » ; « la
Troisième mvt : Discours adressé à la femme aimée : formulation d’un Memento mori original :
reine des grâces » ressort de façon d’autant plus ironique, pour ne pas dire cynique, de son contraste
Ce mouvement se distingue clairement des autres par une rupture énonciative avec le précédent, avec le monde de l’« ordure » et de l’« horrible infection » de la charogne. Un tel rapport à l’ordre,
il ne s’agit plus de la remémoration du souvenir mais d’un discours adressé à la femme qui accompagnait pour brutal qu’il soit, a le sens d’un memento mori qui contraste avec l’aveuglement coutumier au
genre de l’éloge.
le poète. Cette partie du poème a un caractère nettement lyrique, par l’expression du sentiment
amoureux, l’adresse à la destinataire (avec l’utilisation d’apostrophes et du pronom « vous ») et l’emploi
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niveau plus réflexif : méditation sur la poésie elle-même. L’interlocutrice, plus qu’une femme : une
figure de la poésie lyrique, sa sensibilité exaltée et presque hystérique : le refus su lyrisme de prendre
en compte la réalité de la finitude. Sens corroboré par le fait que les images qui décrivent la
métamorphose de la charogne st empruntées au monde de la musique : « étrange musique » ; « mvt
rythmique » ; ou de la peinture : « formes » ; « ébauche » ; « toile oubliée » ; « artiste ». Ce sens
tendrait à définir le devoir que le jeune Baudelaire sent être celui de la poésie à venir.