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Quelles politiques économiques dans le cadre européen ?

Objectifs d’apprentissage

 Connaître les grandes caractéristiques de l’intégration européenne : marché commun


européen (1957-1986), marché unique (depuis 1986) et zone euro (depuis 1999) ;
 Comprendre les effets de l’intégration européenne sur la croissance.
 Comprendre les objectifs, modalités et limites de la politique européenne de la concurrence.
 Comprendre comment la politique monétaire et la politique budgétaire agissent sur la
conjoncture économique.
 Savoir que la politique monétaire dans la zone euro, conduite de façon indépendante par la
Banque centrale européenne, est unique alors que la politique budgétaire est du ressort de
chaque pays membre mais contrainte par les traités européens.
 Comprendre les difficultés de cette situation : défaut de coordination et choc asymétrique.

Définitions :

 Conjoncture économique : actualité économique et variations économiques de court terme.

 Zone de libre-échange : zone de libre circulation des marchandises avec le maintien des
barrières tarifaires vis-à-vis des pays extérieurs à cette zone. Mais ces barrières peuvent être
différentes d’un pays à l’autre : chacun est libre d’imposer les tarifs qu’il veut.

 Union douanière : zone de libre-échange avec la mise en place d’un tarif extérieur commun
vis-à-vis des pays tiers.

 Marché commun : union douanière avec en plus la liberté de circulation des services, des
travailleurs et des capitaux.

 Marché unique : marché commun avec une harmonisation des réglementations et


coordination de diverses politiques (fiscales, migratoires) afin de lever des obstacles à la libre
circulation des biens, services, et des facteurs de production (travail et capital).

 Union économique et monétaire : Marché commun avec un système de changes fixe ou


avec une monnaie et une politique monétaire unique.

 Banque centrale européenne : institution de l’Union européenne au cœur de l’Eurosystème


et du mécanisme de surveillance unique (MSU).

 Politique budgétaire : Politique publique d’influence de l’État sur la conjoncture économique


en utilisant la dépense publique.

 Politique monétaire : Politique publique exercée par une autorité monétaire, généralement
la banque centrale, pour agir sur l’économie. Elle vise à assurer la stabilité des prix et du taux
de change, et peut agir sur la conjoncture avec les taux d’intérêt (les réduire pour encourager
la consommation, l’investissement et la croissance, les réduire pour limiter l’inflation).

 Policy mix : Combinaisons qu'un État peut former avec sa politique budgétaire et sa politique
monétaire en fonction des objectifs économiques et politiques du pays.
 Politique monétaire conventionnelle : politique monétaire décidée par la banque centrale
dans son fonctionnement normal (s’agissant de la BCE, dans le cadre prévu par les traités
européens). Il peut s’agir notamment :
o De l’ajustement des taux d’intérêt, à la baisse pour relancer la demande et la
croissance, à la hausse pour freiner l’inflation
o Des taux des réserves obligatoires imposés aux banques commerciales, c’est-à-dire
les réserves financières que les banques commerciales doivent obligatoirement
déposer auprès de la banque centrale. Plus ce taux est faible, plus les banques
pourront faire circuler de la monnaie via les crédits et les achats de titres financiers.

 Politiques monétaires non conventionnelles : politiques monétaires prises par les banques
centrales dans des situations difficiles où les outils traditionnels de la politique monétaire
conventionnelle sont inopérants. Il peut s’agir notamment :
o Du guidage des anticipations (« forward guidance ») qui consiste, pour une Banque
centrale, à annoncer en avance les orientations de ses futures décisions quant à la
fixation des taux d’intérêt directeurs. L'objectif est de donner des signaux clairs aux
acteurs du marché afin d'influencer leurs anticipations et leurs décisions en matière
d'investissement, de consommation et d'emprunt pour stabiliser l'économie.
o De l’achat massif de titres financiers (assouplissement quantitatif : « Quantitative
Easing ») sur les marchés financiers et aux banques de second rang, principalement
des obligations émises par les États de la zone euro pour s’endetter. Ces achats
augmentent la quantité de monnaie en circulation et font baisser les taux d’intérêt.

 Politique européenne de la concurrence : politique européenne visant à assurer la


prospérité économique de l’Union européenne en limitant les obstacles à la compétition des
entreprises. Elle se décline en 4 volets : lutte contre les ententes illicites, contre les abus de
position dominante, contrôle des concentrations d’entreprises, et des aides d’États.

 Abus de position dominante : L’abus de position dominante consiste, pour une entreprise
présente sur un marché, ou un groupe d'entreprises, à adopter un comportement visant à
éliminer, à contraindre ou encore à dissuader tout concurrent d'entrer ou de se maintenir
sur ce marché ou un marché connexe, faussant ainsi la concurrence.

 Entente illicite : accord ou une action concertée entre entreprises qui a pour objectif
d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché de produits
ou de services déterminés. Il peut s’agir d’entente sur les prix de vente, tirés à la hausse pour
augmenter le chiffre d’affaires des entreprises, ou à la baisse pour empêcher un nouveau
concurrent d’entrer sur le marché.

 Choc asymétrique : crise qui affecte une seule région ou un seul pays d'une zone monétaire,
comme l’Union européenne.

 Zone monétaire optimale : concept développé par Robert Mundell, désignant une situation
dans laquelle un groupe de pays a intérêt à instaurer une monnaie unique. La zone
monétaire optimale se caractérise par un très fort degré d’intégration économique, un tissu
productif diversifié, des économie ouvertes, une homogénéité des préférences collectives, la
mobilité des facteurs de production (travail et du capital) et la flexibilité des salaires.
1. Les grandes caractéristiques de l’intégration européenne

L’Union européenne est actuellement la zone régionale dont l’intégration des pays membres dans un
espace commun, est la plus aboutie. Celle-ci s’est faite par étapes :
 En 1957, l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas signent à
le traité de Rome qui instaure la Communauté économique européenne (CEE) et établit un
marché commun. Ce dernier, effectif en 1968 consiste en une zone de libre-échange, puis
une union douanière, et lève progressivement les barrières aux échanges entre membres.
 En 1986, l’Acte unique européen (entré en vigueur l’année suivante) renforce le rôle des
institutions et élargit les compétences de la Communauté européenne à de nouveaux
domaines, comme la recherche, l’environnement ou encore la politique étrangère.
 En 1992, le traité de Maastricht instaure l'Union économique et monétaire dans laquelle
l’euro est adopté comme monnaie unique. Celle-ci inclut actuellement 19 des 27 États
membres de l’Union européenne, auxquels il faut ajouter le Kosovo et le Monténégro qui ont
souhaité adopter l’euro sans être membres de l’Union européenne. L’objectif de cette
monnaie commune est de supprimer les coûts de transaction imputables à la conversion des
monnaies, et aux incertitudes liées aux fluctuations des taux de change.

Avec plus de 500 millions de consommateurs depuis l’élargissement de 2013 à la Croatie, l’Union
européenne représente un marché considérable, plus important que les États-Unis. Ce marché est
important de par la taille de sa population, mais aussi son PIB par habitant élevé, qui donne à ces
derniers un important pouvoir d’achat ce qui est avantageux pour les exportateurs. L’importance de
l’Union européenne comme marché lui permet de poser des conditions aux entreprises étrangères
qui souhaitent y faire des échanges, notamment le respect de sa politique de la concurrence.

2. Les effets du marché unique sur la croissance

Les justifications du marché unique sont :


 En application de la thèse de David Ricardo, les échanges commerciaux incitent les
économies nationales à se spécialiser en fonction de leur avantage comparatif, ce qui
permet une meilleure allocation des facteurs de production vers les secteurs les plus
productifs au sein de chaque pays, et donc une hausse globale de leur productivité.
 La constitution d’un vaste marché par l’ouverture des frontières commerciales accroît les
débouchés des entreprises, ce qui leur permet des économies d’échelle, car l’accroissement
de leur production leur permet de baisser les couts fixes par unité produite. Le libre-échange
permet donc une baisse des coûts de production et donc des prix, ce qui augmente le
pouvoir d’achat des consommateurs.
 Une plus grande diversité des biens et services proposés sur le marché, via la croissance du
commerce « interbranche » (qui par essence concerne des marchandises différentes), et
« intrabranche » (qui pousse entre producteurs à se différencier des autres).
 Une hausse de la concurrence entre les entreprises, ce qui les pousse à augmenter leur
compétitivité-prix (essayer d’avoir un prix de vente plus avantageux que leurs concurrents),
et hors-prix (meilleure qualité des produits, délais de livraison plus courts, …). Ce faisant, la
concurrence incite les entreprises à l’innovation

Tous ces facteurs permettent un renforcement de l’efficacité économique et de la croissance.


3. Les objectifs, les modalités et les limites de la politique européenne de la concurrence.

a. Les enjeux et objectifs de la politique européenne de la concurrence

La politique de la concurrence est l’ensemble des objectifs, des instruments et des décisions prises
par une autorité publique de régulation pour encadrer et favoriser la concurrence sur les marchés.
Elle met en évidence une observation fondamentale : la concurrence libre, loyale et non faussée ne
peut pas perdurer sur un marché non réglementé. Le « capitalisme sauvage » qui a caractérisé les
États-Unis à la fin du 19ème siècle montre qu’un excès de libéralisme aboutit à la concentration
d’oligopoles voire de monopoles au détriment des consommateurs. Le principal exemple de cette
époque est la Standard Oil, société de raffinage pétrolière du milliardaire John D. Rockefeller,
finalement scindée en 34 sociétés à la suite d’un arrêt de la Cour suprême des États-Unis en 1911.

Cela étant, la politique de la concurrence est une composante fondamentale de la construction


européenne depuis 1957, donnant à la Commission européenne la compétence de la mise en œuvre
du droit européen de la concurrence. Pour autant, chaque État membre possède une autorité
nationale de la concurrence agissant sur son territoire. Le droit européen de la concurrence est régi
par le titre VII du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) signé à Rome en 1957,
et s’applique à toutes les entreprises privées ou publiques, sauf les services publics non marchands
(comme l’éducation et la protection sociale). Les autres monopoles publics ont été ouverts à la
concurrence, mais l’ouverture à la concurrence de ces secteurs s’accompagne d’une garantie de
service universel (accessibilité et qualité pour tous). Les autorités de la concurrence sont
indépendantes et ne perçoivent pas les amendes : celles-ci sont versées aux États.

La politique de la concurrence est toutefois critiquée par certaines qui l’accusent de freiner la
croissance ou les performances des entreprises, de pays, voire d’une zone économique. Par exemple,
le rejet de la fusion entre Alstom et Siemens, justifiée par le risque de faire émerger un monopole
européen dans les secteurs de la signalisation ferroviaire et de la construction de TGV, a été critiqué
par les directions de ces entreprises et par les gouvernements français et allemands. Selon ces
derniers, l’empêchement de faire émerger un « champion européen » nuirait à la compétitivité des
entreprises européennes sur la scène internationale, notamment face à la concurrence américaine et
chinoise. On peut aussi évoquer le choix de certaines entreprises européennes de fusionner avec des
entreprises extérieures à l’UE pour ne pas être bloquées par la Commission européenne. C’est le cas
par exemple du fabricant italien de pneus Pirelli, racheté en 2015 par le chinois ChemChina.

Il faut toutefois noter que les refus de fusion et acquisition sont peu nombreux, et que le droit
européen autorise des ententes si elles procurent des avantages économiques en contribuant à
l’amélioration de la production ou de la distribution, au progrès technique, à l’intérêt des
consommateurs et n’éliminent pas la possibilité de la concurrence. La Commission européenne
impose généralement des conditions aux entreprises qui souhaitent financiers, comme vendre une
partie de leurs activités afin de permettre à des entreprises concurrentes de se former, et ne bloque
la fusion-acquisition que si aucun arrangement n’est trouvé.

Le contrôle des aides publiques a été également critiqué par l’ancien Ministre français de l'Économie,
du Redressement productif Arnaud Montebourg en 2014. Ce dernier déplorait l’obligation de la
Société nationale maritime Corse-Méditerranée par la Commission européenne de rembourser une
aide publique perçue de 220 millions d’euros. La principale entreprise concurrente de cette dernière
l’italienne Corsica Ferries, avait au préalable porté plainte à Bruxelles pour concurrence déloyale à la
suite du versement de cette aide. En grande difficulté financière, cette dernière est finalement
rachetée en 2016 par Corsica Linea.
b. Les quatre volets de la politique européenne de la concurrence

La politique de la concurrence comprend quatre volets principaux :

 La lutte contre les ententes illicites : Il s’agit de dissuader les entreprises de former des
« cartels » (au sens économique), c’est-à-dire des oligopoles dans lesquels ces dernières
contrôleraient le marché par une entente informelle. Car une telle entente aurait pour
conséquence de fausser la concurrence et ses bienfaits. Par exemple, un groupement
d’entreprises supposées être en concurrence pourrait fixer des prix de vente élevés
communs pour leurs marchandises similaires, ou bien se « répartir » géographiquement le
marché dans des zones où elles ne se feraient pas concurrence. Pour dissuader les
entreprises de se livrer à de telles pratiques, la politique de la concurrence européenne
prévoit des amendes pouvant atteindre au maximum 10 % du chiffre d’affaires mondial du
groupe. Néanmoins, dans le cadre des programmes de clémence, si une entreprise aide à
démanteler un cartel, elle peut être exonérée du paiement de l’amende.

 La lutte contre les abus de position dominante : Cette notion est vaste et désigne la
situation d’une entreprise dominante sur un marché donné, cherchant à profiter de cette
situation pour imposer des conditions de vente déloyales (prix abusifs, accords de vente
exclusifs, primes de fidélité visant à détourner les fournisseurs de leurs concurrents). Le droit
européen ne sanctionne pas les positions dominantes en tant que telles, mais seulement les
abus. Il prévoit de fortes amendes, à l’instar de la répression contre les cartels, mais celles-ci
sont souvent évitées par les entreprises mises en cause qui préfèrent obtempérer aux
demandes de la Commission européenne de changer leurs pratiques commerciales. Les
compagnies russe Gazprom, et américaines Google et Apple, ont récemment été mises en
cause et contraintes de renoncer à des avantages de leurs positions (prix différés selon la
loyauté des pays à la Russie pour Gazprom, imposition de modèles technologiques
standardisé rendant leurs clients dépendants pour Google et Apple).

 Le contrôle des opérations de fusions-acquisitions d’entreprises : cette régulation s’exerce


« ex ante », c’est-à-dire au préalable. Les entreprises soumettent leurs projets de fusions-
acquisitions aux autorités de la concurrence qui peuvent les refuser – ce qui s’est produit
rarement, malgré une affaire médiatisée en 2019, celle de la fusion Alstom-Siemens – ou
bien à les accepter sans ou avec des conditions (très souvent des cessions d’actifs).

 Le contrôle des aides d’États : Ces aides peuvent revêtir plusieurs formes, comme des prêts
à taux faibles, des subventions publiques accordées à des entreprises, des investissements
publics, des exonérations fiscales. Ces aides sont autorisées lorqu’elles participent au bon
fonctionnement de l’économie (aides à une région ou à un secteur en difficulté, aides
favorisant la recherche, la protection de l’environnement, ou la préservation du patrimoine).
Cependant lorsque les aides d’État risquent de fausser la concurrence, elles sont
sanctionnées, souvent pas des obligations du bénéficiaire de rembourser ces aides.
4. Comment la politique monétaire et la politique budgétaire agissent sur la conjoncture

a. La politique monétaire

Les politiques économiques font référence à l’intervention des institutions afin d’orienter l’activité
économique. Elles peuvent être de court terme (politiques « conjoncturelles ») ou de long terme
(politiques « structurelles »). La politique monétaire et la politique budgétaire sont utilisées comme
des politiques de stabilisation, visant à résorber des déséquilibres.

Dans la zone euro, la politique monétaire est du ressort de la Banque centrale européenne qui est
indépendante. Celle-ci agit sur l’activité économique, principalement en pilotant le taux d’intérêt à
court terme sur le marché monétaire ce qui influe sur le processus de création monétaire.

Les taux d’intérêt influencent la conjoncture économique dans les deux sens :
 La baisse des taux d’intérêt permet de faciliter l’accès au crédit, ce qui provoque une hausse
de la demande et de l’investissement, et donc de la croissance économique. Mais en même
temps cela décourage l’épargne (puisqu’elle est mal rémunérée), tandis que la hausse de la
demande alimente l’inflation et dégrade potentiellement la balance commerciale.
 La hausse des taux d’intérêt, à l’inverse, décourage l’accès au crédit et encourage l’épargne.
Cela permet de faire baisser la demande, ce qui ralentit la croissance, mais aussi l’inflation.

Ces politiques monétaires sont dites « conventionnelles », c’est-à-dire prévues dans les traités
européens, et « discrétionnaires » car elles évoluent en fonction de la conjoncture. Ainsi, en
situation de « surchauffe » (trop de demande à crédit et d’inflation), la BCE relève les taux d’intérêt
directeurs, tandis qu’elle les diminue pour relancer la croissance. Depuis la fin des années 1980,
toutefois, sa politique monétaire se fait moins discrétionnaire ; elle connaît une orientation de long
terme, qui est celle de la lutte contre l’inflation puis, l’inflation jugulée, du maintien de la stabilité des
prix. Son objectif est de maintenir une inflation stable à 2 % par an. Au-dessus, cela pénaliserait le
pouvoir d’achat ; en dessous, cela signifierait que l’activité économique est ralentie. Sa politique
monétaire n’est plus censée être utilisée pour relancer l’économie, seulement stabiliser les prix.

Mais la crise économique de 2008 a montré l’importance de la mobilisation de la politique monétaire


pour renouer avec la croissance. Cependant les politiques monétaires conventionnelles alors
insuffisantes, et leur inefficacité a nécessité de trouver de nouveaux outils à la politique monétaire :
les politiques monétaires « non conventionnelles ». Il peut s’agir :
 du guidage des anticipations (« forward guidance ») qui consiste, pour une Banque centrale,
à annoncer en avance les orientations de ses futures décisions quant à la fixation des taux
d’intérêt directeurs. L'objectif est de donner des signaux clairs aux acteurs du marché afin
d'influencer leurs anticipations et, par conséquent, leurs décisions en matière
d'investissement, de consommation et d'emprunt, contribuant ainsi à stabiliser l'économie.
 de l’achat massif de titres financiers (assouplissement quantitatif : « Quantitative Easing »)
sur les marchés financiers et aux banques de second rang, principalement des obligations
émises par les États de la zone euro pour s’endetter (en France, les « bons du trésor »). Ces
achats augmentent la quantité de monnaie en circulation et font baisser les taux d’intérêt.

Mais la politique monétaire n’est pas suffisamment efficace pour agir sur l’activité économique sans
coordination avec la politique budgétaire qui elle semble trop restrictive.
b. La politique budgétaire

La politique budgétaire vise à agir sur la conjoncture économique via ses effets sur la demande
globale. Pour cela, les autorités budgétaires utilisent le budget, pour intervenir : soit par les dépenses
publiques, soit par les recettes fiscales ou par le solde budgétaire. C’est sur la base des analyses de
John Maynard Keynes qu’on peut voir comment une politique budgétaire agit sur la conjoncture.

La dépense publique (consommation des administrations ou investissement public) est, avec la


consommation des ménages, l’investissement des entreprises, et les exportations, une composante
de la demande globale. Une augmentation de la dépense publique va donc inciter les entreprises à
produire davantage, ce qui va augmenter le PIB et le revenu global (valeur ajoutée reversée). Ce
revenu additionnel induit une nouvelle augmentation de la demande, donc de la production et du
revenu, qui à son tour génère de la demande ; c’est l’effet multiplicateur keynésien.

Pour que l’augmentation des dépenses publiques relance l’activité économique, il ne faut pas que
ces dernières soient financées par une hausse des impôts, sinon le revenu généré par cette relance
sera capté par l’État, sans faire augmenter la demande. Ainsi, puisqu’elle ne peut pas être financée
par des recettes fiscales, la politique budgétaire de relance induit un déficit public. Il est toutefois
possible que la hausse du PIB, consécutive à la relance, permette d’augmenter les recettes fiscales
grâce à la multiplication des transactions qui font l’objet de taxes : les taxes sur les salaires versés
(impôt sur le revenu), sur les bénéfices (impôts sur les sociétés), et sur la consommation (TVA). On
peut espérer que cette hausse des recettes fiscales permette, in fine, de financer la dette publique.
Dans le cadre européen, la mise en œuvre d’une politique budgétaire de relance est limitée par le
pacte de stabilité et de croissance (PSC) composants du traité de Maastricht qui instaure une union
économique et monétaire. Ce pacte impose une discipline budgétaire, stipulant d’une part que les
États membres évitent les déficits excessifs (à court terme, le budget peut être déficitaire, mais ce
déficit ne doit pas dépasser 3 %, du PIB annuel) et que d’autre part la dette publique totale doit
être inférieure à 60 % du PIB annuel ; sauf en cas de « circonstance exceptionnelle et temporaire ».
La politique budgétaire peut enfin servir à freiner la croissance lorsque l’inflation est trop élevée.
L’État peut dès lors limiter la hausse de la demande en augmentant les impôts ou en réduisant les
dépenses publiques. On parle alors de politique budgétaire de rigueur, d’austérité, ou restrictive.

Les politiques budgétaires expansives ont toutefois connu des critiques dans les années 1970 à
propos de leur inefficacité à faire face au ralentissement économique de l’époque :
 Les politiques budgétaires expansives peuvent entraîner des effets d’éviction, c’est-à-dire
que l’État, en émettant des bons du trésor (obligations), fait concurrence aux entreprises
privées qui peuvent elles aussi être en besoin de financement à crédit pour investir. Cela
conduit à une hausse du taux d’intérêt, car la demande de fonds augmente. Les économistes
keynésiens rejettent cette objection, en considérant que les entreprises n’ont aucune raison
de s’endetter pour investir en phase de ralentissement économique. Donc l’État ne peut pas
leur faire concurrence dans l’accès au crédit lorsqu’il s’endette pour une politique de relance.
 Les politiques budgétaires peuvent faire augmenter la demande mais pas forcément l’offre,
si les entreprises n’ont pas les capacités pour produire plus, et n’ont pas suffisamment
confiance en l’avenir pour investir pour s’agrandir. Auquel cas, cette hausse de la demande
serait satisfaite par une hausse des importations, et donc du déficit commercial.

Le niveau élevé du déficit et de la dette fait peser un risque d’insolvabilité de l’État : les prêteurs,
redoutant un risque de défaut, risquent de se détourner de la zone euro, sauf si le risque de défaut
est compensé par un taux d’intérêt plus élevé. Cette hausse des taux d’intérêt fait augmenter le prix
de la dette et risque de la rendre insoutenable.
c. Tableau bilan

Policy mix* Expansive / Expansionniste Restrictive


Politique Relance de l’activité économique par Hausse du taux d’intérêt pour lutter
monétaire la baisse des taux d’intérêts contre l’inflation et le déficit commercial
Politique Relance de l’activité économique par Hausse des impôts ou baisse de la
budgétaire la dépense publique dépense publique pour lutter contre
l’inflation ou contre le déficit public
*Combinaison de la politique budgétaire et monétaire afin d'atteindre des objectifs économiques.

5. La politique monétaire et budgétaire dans la zone euro

Au sein de l’Union européenne les autorités monétaires sont chargées de concevoir et de mettre en
œuvre la politique monétaire, et de la surveillance du système bancaire et financier (mécanisme de
surveillance unique ou MSU). C’est le Système européen de banques centrales (SEBC) qui est la
principale autorité monétaire : il est composé de la Banque centrale européenne et de toutes les
banques centrales nationales des États membres de l’Union qu’ils aient ou non adopté l’euro. Dans la
zone euro toutefois, les dix-neuf pays adhérents ont transféré leurs compétences monétaires à la
BCE. Cependant, afin de tenir compte du fait que plusieurs pays de l’UE n’ont pas encore adopté
l’euro, le Système européen de banques centrales (SEBC) rassemble la BCE et toutes les banques
centrales nationales de l’Union européenne au sein du Conseil général. Ce dernier est un organe
transitoire qui permet une coordination entre la BCE et les BCN qui ne sont pas encore dans
l’Eurosystème.

Dans l’Union européenne, même si les politiques budgétaires restent du ressort des États membres,
elles sont encadrées par des règles notamment par le Pacte de Stabilité et de croissance (PSC). Le
PSC a été instauré pour éviter que certains États membres ne mènent des politiques budgétaires trop
« laxistes ». En effet, dans un contexte de monnaie unique, il est moins coûteux de creuser son
déficit, car l’effet inflationniste est réparti sur l’ensemble de la zone. En outre, la confiance des
investisseurs dans la monnaie commune permet d’emprunter à un coût plus faible.

Néanmoins ces comportements de « passager clandestin » ont un impact négatif pour l’ensemble de
la communauté : hausse de l’inflation et des taux d’intérêt, il est donc nécessaire de les dissuader.
Ainsi, le manque de coordination entre l’autorité monétaire et les autorités budgétaires nationales
peut conduire à des déficits importants pouvant entraîner une crise financière et/ou budgétaire. La
coordination entre ces différentes autorités doit donc passer par des règles précises et
contraignantes. Le Pacte de Stabilité et de Croissance, qui impose aux États membres de corriger
leurs déficits publics excessifs a été modifié à plusieurs reprises. Il a connu une première réforme en
2005 permettant de dépasser le déficit de 3 % sans engager de procédure. En 2012, la réforme du
Pacte budgétaire a imposé que les normes budgétaires soient incorporées dans les constitutions des
États membres et que le déficit structurel ne dépasse pas 0,5 % du PIB. Enfin, en 2015, l’échec des
efforts budgétaires des pays de la zone pour réduire la dette publique a entraîné un nouvel
assouplissement du PSC en donnant (toujours sous conditions) des marges de manœuvre plus
grandes aux pays qui dépassent la limite des 3 % du PIB de déficit public.

Cependant, avec le ralentissement économique depuis 2008, ces contraintes budgétaires pèsent
lourdement sur l’activité de certains pays. En raison de l’inefficacité de la politique monétaire, due à
la faiblesse des taux d’intérêt, la politique budgétaire apparaît, malgré le poids de la dette, la seule
politique envisageable pour soutenir la croissance.
6. Les difficultés dans la zone euro : défaut de coordination et chocs asymétriques

La politique monétaire unique et les contraintes qui pèsent sur les politiques budgétaires ont montré
leurs limites lors des crises de 2007-2008 (financière) et 2010 (crise de la dette publique). Ces crises
ont mis en évidence l’absence de mécanismes pour gérer ex-post des chocs asymétriques et la
difficulté des pays à coordonner les politiques budgétaires et la politique monétaire.

Lorsque l’Union européenne est touchée par un « choc symétrique », comme la pandémie de Covid-
19, tous les pays de la zone sont impactés. Ils peuvent donc se coordonner pour mener une politique
budgétaire ou monétaire commune en réponse à ce choc. Par exemple, après la pandémie de Covid-
19, l’Union européenne a pu lever un emprunt de 750 milliards d’euros en juin 2021 pour organiser
une politique de relance concertée.

À contrario, un choc asymétrique est un événement ayant un impact économique dans un, ou
quelques pays, ou avec une intensité différente selon les pays. Par exemple, un événement négatif
qui ne pénaliserait que le secteur du tourisme, affecterait plus durement des pays qui en dépendent
comme l’Espagne ou la Grèce que d’autres pays de la zone. Pour relancer ses exportations, un pays
souverain dans sa politique monétaire pourrait dévaluer sa monnaie pour augmenter sa
compétitivité-prix à l’international, comme le fait en ce moment la Turquie. Cela pénalise le pouvoir
d’achat des habitants du pays qui a cette politique, puisque leurs salaires leur sont versés dans une
monnaie qui a perdu de sa valeur, mais dans le même temps, le prix de vente des marchandises
exportées est plus bas à l’étranger. Or, les pays de la zone euro n’ont plus de souveraineté monétaire
puisqu’ils l’ont délégué à la BCE, et leur politique budgétaire est en principe encadrée par le PSC. La
BCE n’a aucune raison de mener une politique monétaire adaptée à un seul ou une minorité d’états.

Ainsi, un pays qui serait le seul à traverser une crise économique due à un ralentissement ou au
contraire une forte inflation, doit utiliser d’autres leviers que la politique monétaire et budgétaire.

Ces mécanismes d’ajustement alternatifs pourraient être :


 La politique budgétaire : Les gouvernements peuvent ajuster leurs dépenses et recettes face
aux chocs économiques, comme en augmentant les dépenses en période de récession. Mais
cette politique est limitée car en principe encadrée par les critères du PSC.
 La flexibilité des salaires : Imposer une augmentation des salaires pour les adapter à
l’inflation, ou au contraire permettre aux entreprises de les diminuer pour retrouver une
compétitivité-prix. Mais de telles décisions impliqueraient de déconstruire des systèmes de
protection des travailleurs comme le SMIC et des conventions collectives.
 La compétitivité fiscale : Abaisser la pression fiscale sur les entreprises afin d’attirer les
investissements étrangers, comme l’a fait l’Irlande. Le problème de cette stratégie est qu’elle
pénalise les autres membres et risque de provoquer une concurrence fiscale.
 La mobilité des facteurs de production : Si les travailleurs et les capitaux peuvent facilement
se déplacer entre les pays membres de la zone monétaire, cela peut contribuer à atténuer les
déséquilibres économiques. Les pays en manque de main d’œuvre, comme l’Allemagne,
pourraient ainsi recruter des travailleurs venant de pays où le chômage est plus élevé. La
mobilité des travailleurs bute toutefois sur des obstacles, comme les langues différentes.
 Des transferts budgétaires au sein de la zone euro : La redistribution financière entre les
membres de la zone monétaire peut aider à compenser les déséquilibres économiques, où
les pays en meilleure situation économique peuvent soutenir ceux en difficulté. Mais la
faiblesse du budget communautaire empêche un rééquilibrage par des transferts.
En outre, un autre problème se pose : un défaut de coordination des politiques économiques et
budgétaires, ainsi qu’entre la politique monétaire et la politique budgétaire. Chaque membre étant
responsable de sa dette, chacun peut attendre de ses partenaires qu’ils relancent leurs économies
afin d’en bénéficier, sans en supporter le coût. Par exemple, une relance budgétaire opérée par le
gouvernement français pourrait bénéficier à l’Allemagne et à l’Italie qui exportent beaucoup vers la
France, et dont les exportations vers ce pays augmenteraient si le pouvoir d’achat français augmente.

Les pays ont accepté l’article 121. 1 du Traité : « Les États membres considèrent leurs politiques
économiques comme une question d’intérêt commun et les coordonnent au sein du Conseil » et des
mécanismes de coordination ont été mis en place. Plusieurs propositions de réformes sont
envisageables pour améliorer la coordination des politiques économiques, comme :
 L’élaboration d’un budget fédéral capable de faire face aux chocs asymétriques ;
 La création d’une assurance chômage européenne pour financer les indemnités chômage
des pays en cas de forte récession, en complément des indemnités sur le plan national ;
 Le développement de biens publics européens financés par la zone euro.

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