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Travail domestique et genre

Annie Dussuet
sociologue
Université de Nantes - GTM/CNRS - France
Les services domestiques :
un gisement d ’emplois ?
• un secteur riche en emplois potentiels
- des services qui ne peuvent être délocalisés
- une faible productivité
• une demande en croissance
- augmentation du niveau de vie
- vieillissement de la population
- augmentation de l ’activité salariée féminine
Mais des emplois précaires : comment envisager
leur développement positivement ?

• au cœur de la division sexuelle du travail


• des emplois de femmes de mauvaise qualité
• travail domestique et espace privé

Pour un espace public de travail domestique


1- Au cœur de la division sexuelle du travail
« Travail domestique » : une expression
ambiguë pour 2 situations différentes :

• Des femmes qui effectuent dans leur propre foyer,


des tâches non rémunérées à destination de leur
propre famille

• Des femmes salariées pour effectuer le même type


de tâches au domicile de personnes qui leur sont a
priori étrangères
Mais un point commun :
un travail de femmes
• dans les familles, 80 % des tâches domestiques les plus
essentielles (hors jardinage et bricolage) sont effectuées
par les femmes. (Enquête emploi du temps, INSEE, 1999)

• du côté du travail salarié, 98 % de femmes dans les


services directs aux particuliers délivrés à domicile
(Enquête emploi, INSEE, 2002).

La division sexuelle du travail assigne


toujours prioritairement aux femmes le
travail domestique, gratuit ou salarié.
Mais une nouvelle division du
travail entre femmes apparaît

Hausse de l’activité
La demande de travail
salariée
domestique salarié augmente
des femmes

Il y a une externalisation du travail domestique, mais


pas de modification de la division sexuelle du travail.
Une avancée vers l ’égalité
hommes-femmes ?
Oui Non
car le développement de car les emplois offerts
services à domicile permet aux femmes dans ces
aux femmes désormais
services sont
fortement scolarisées et
diplômées d’envisager une particulièrement
carrière sur un mode précaires, mal
masculin (éviter le reconnus, et mal
« plafond de verre ») rémunérés
2- La « mauvaise qualité » des emplois
de service à domicile *:
• des contrats de travail atypiques : le gré à gré...
- des employeur-se-s non professionnels : respect du droit ?
- les aléas biographiques du contrat
- des contrats multiples : une salariée/plusieurs employeurs, comment concilier ?
• des temps « très partiels »… des salaires très partiels
aussi
- 30% des femmes travaillent moins de 15 h par semaine (enquête emploi 2002,
INSEE)
- Salaire médian : 457 euros (enquête emploi 2002, INSEE)
… des salaires « de femme » : ils ne permettent pas l ’autonomie
économique, ils supposent une inscription identitaire alternative à celle de
salarié comme épouse et/ou mère...
* il ne s’agit ici que des emplois « déclarés »
• Une qualification mal reconnue
- ces emplois sont accessibles sans formation, sans diplôme,
- les utilisateurs considèrent généralement que ce n ’est pas nécessaire
puisque « toutes les femmes savent faire la cuisine, le ménage, les
courses, élever les enfants, et prendre soin des personnes âgées »…
la preuve ? « elles le font gratuitement chez elles »

La qualification des travailleuses domestiques


est ramenée à un ensemble de « qualités
personnelles », identifiées à des qualités
féminines innées.
Travail domestique et espace privé
• une logique du don ...
- obligation de donner, rendre et recevoir (Marcel Mauss)
- qui impose de ne pas compter
- pour assurer le lien d’amour dans le groupe
• … qui rend invisible le travail domestique
- on ne le voit que quand il n’est pas, ou mal fait
-une partie essentielle est invisible (charge mentale, préoccupation)
- il n ’est jamais défini : qu’est-ce que « prendre soin de ses
enfants »? Qu’est-ce que « faire le ménage »?
Autant de familles, autant de réponses… (même si les normes
culturelles sont déterminantes)
• Du travail ? Ou de l ’amour ?
Surtout, le travail domestique ne peut pas être dit,
nommé comme travail :
- il ne peut pas être défini
- s ’agit-il bien même de travail ?

Ce doute sur la qualité de travail se


retrouve quand le travail domestique
est salarié
• Confusion entre espace privé et espace public
- le travail salarié, même domestique appartient à l ’espace
public, puisqu’il découle d ’une relation marchande et non
d ’une relation de don : on doit pouvoir compter son travail
quand on est salariée.

- mais les salariées domestiques peinent à faire reconnaître ce


qu’elles font comme du travail, à le compter comme tel :
- cadre domestique
- relations interpersonnelles
- travail « d ’aide » auprès des personnes âgées
En conclusion : Nécessité de création d ’un véritable
espace public de travail au sein même du domicile privé
- des possibilités de professionnalisation dans le secteur (enquête sur les
services à domicile aux personnes âgées dans les Pays de la Loire-
France, 2002)
. Durée de travail au moins à mi-temps
. Reconnaissance de qualification
.Collectif de travail
- nécessite la médiation d ’un organisme employeur (distinct de l ’utilisateur)
soucieux de la qualité des emplois proposés
. Définition du travail à réaliser
. Reconnaissance de la qualification nécessaire (ex des travailleuses familiales)

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