Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
]
Il suffisait d’un rien pour que cette dame distinguée aux cheveux blancs se mît soudain à évoquer,
devant son auditoire sidéré, toute la Sainte Russie des palefreniers ivres, des moujiks* et des
feldvebels* ; elle possédait incontestablement un grand talent de reconstitution historique, par la
4
voix et par le geste, et ces scènes semblaient bien prouver qu’elle avait vraiment été, dans sa
jeunesse, la grande artiste dramatique qu’elle prétendait avoir été.
Je ne suis cependant jamais parvenu à élucider ce dernier point entièrement. J’ai toujours su, bien
entendu, que ma mère avait été « artiste dramatique
8
sa vie, prononcé ces mots ! – et je me revois encore à ses côtés, à l’âge de cinq, six ans, dans les
solitudes enneigées où nous errions au hasard de ses tournées théâtrales, dans les traîneaux aux
clochettes tristes qui nous ramenaient de quelque usine glacée, où elle venait de «
Tchékov* » devant les ouvriers d’un Soviet* local, ou de quelque caserne, où elle avait «
12 poèmes » devant des soldats et les matelots de la Révolution. Je me retrouve aussi sans peine dans
sa petite loge de théâtre, à Moscou, assis par terre, en train de jouer avec des bouts d’étoffe
multicolores, que j’essayais d’assortir harmonieusement
Je me souviens même du nom de la pièce : Le Chien du jardinier
sont un décor de théâtre, une délicieuse odeur de bois et de peinture, une scène vide où je
16
m’aventure prudemment dans une fausse forêt et me fige de terreur en découvrant soudain devant
moi une salle immense, béante et noire ; je revois encore des visages grimés*, étrangement beiges,
aux yeux cerclés de blanc et de noir, qui se penchent sur moi et me sourient
encore d’un matelot soviétique qui me soulève et m’installe sur ses épaules, pour me permettre de
20 voir ma mère interprétant le personnage de Rosa, dans
qu’elle était fille d’un horloger juif de la steppe* russe, de Koursk, plus précisément
été très belle, qu’elle avait quitté sa famille à l’âge de seize ans
remariée, divorcée encore – et tout le reste, pour moi, était une joue contre la mienne, une voix
mélodieuse qui murmurait, parlait, chantait, riait – un rire insouciant, d’une gaieté étonnante, que je
24
guette, j’attends, je cherche en vain, depuis, autour de moi
sombre qui coule à flots sur mon visage et, murmurée à l’oreille, des histoires étranges d’un pays qui,
un jour, allait être le mien. Romain Gary,
Gallimard 1960
28
4.Quelle incertitude est liée à ce personnage ? (1 point) 2.Quelles scènes successives le narrateur évoque-t-il ? (1.5 point)
5.La mère est-elle encore en vie ou décédée au moment de l’écriture de ce 3.Montrez que le texte :
récit ? Justifiez. (1.5 point) a)évoque le personnage de la mère à deux époques de sa vie. (1 point)
b)donne deux images différentes de la mère. (2 points)
6.Etudiez l’emploi des temps et des pronoms dans les lignes 1 et 13-15. (3
points) 4.Quelle incertitude est liée à ce personnage ? (1 point)
7.Quel est selon vous le genre du texte ? Justifiez et développez votre 5.La mère est-elle encore en vie ou décédée au moment de l’écriture de ce
réponse en comparant brièvement à des textes lus au cours de la séquence. récit ? Justifiez. (1.5 point)
(3 points)
6.Etudiez l’emploi des temps et des pronoms dans les lignes 1 et 13-15. (3
8.Proposez un titre pour ce texte, puis expliquez, justifiez votre proposition. points)
(2 points)
7.Quel est selon vous le genre du texte ? Justifiez et développez votre
B-Sur le texte et l’image réponse en comparant brièvement à des textes lus au cours de la
Vous pouvez traiter ces deux questions dans une seule réponse. séquence. (3 points)
1.Expliquez en quoi on pourrait rapprocher et opposer le texte et l’image. (2
points) 8.Proposez un titre pour ce texte, puis expliquez, justifiez votre
2.Vous établirez également des liens avec des textes étudiés. (2 points) proposition. (2 points)
La promesse de l'aube
Édition définitive en 1980
Collection Blanche, Gallimard
Parution : 29-04-1960
Ce récit coïncide sur bien des points avec ce que l'on sait de l'auteur des Racines du ciel, et Romain Gary s'est expliqué là-dessus : «Ce livre est d'inspiration
autobiographique, mais ce n'est pas une autobiographie. Mon métier d'orfèvre, mon souci de l'art s'est à chaque instant glissé entre l'événement et son
expression littéraire, entre la réalité et l'œuvre qui s'en réclamait. Sous la plume, sous le pinceau, sous le burin, toute vérité se réduit seulement à une vérité
artistique.»
Le narrateur raconte son enfance en Russie, en Pologne puis à Nice, le luxe et la pauvreté qu'il a connus tour à tour, son dur apprentissage d'aviateur, ses
aventures de guerre en France, en Angleterre, en Éthiopie, en Syrie, en Afrique Équatoriale, il nous raconte surtout le grand amour que fut sa vie. Cette
«promesse de l'aube» que l'auteur a choisie pour titre est une promesse dans les deux sens du mot : promesse que fait la vie au narrateur à travers une mère
passionnée ; promesse qu'il fait tacitement à cette mère d'accomplir tout ce qu'elle attend de lui dans l'ordre de l'héroïsme et de la réalisation de lui-même.
Le caractère de cette Russe chimérique, idéaliste, éprise de la France, mélange pittoresque de courage et d'étourderie, d'énergie indomptable et de légèreté,
de sens des affaires et de crédulité, prend un relief extraordinaire. La suprême preuve d'amour qu'elle donne à son fils est à la hauteur de son cœur
démesuré.
Mais les enfants élevés par ces mères trop ferventes restent toujours, dit l'auteur, «frileux» de cœur et d'âme, et chargés d'une dette écrasante qu'ils se
sentent incapables d'acquitter.
Rarement la piété filiale s'est exprimée avec plus de tendresse, de sensibilité, et cependant avec plus de clairvoyance et d'humour. Et rarement un homme a
lutté avec plus d'acharnement pour démontrer «l'honorabilité du monde», pour «tendre la main vers le voile qui obscurcissait l'univers et découvrir soudain
un visage de sagesse et de pitié».
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/La-promesse-de-l-aube
http://www.alalettre.com/gary.php
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Promesse_de_l%27aube
Louise Bourgeois
Maman, 1999
Bronze, marbre et acier inoxydable
927 x 891 x 1023 cm
Fonte de 2001
Guggenheim Bilbao Museoa
https://www.guggenheim-bilbao.es/fr/oeuvres/maman-2/
https://fr.wikipedia.org/wiki/Maman_(Bourgeois)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Louise_Bourgeois_(plasticienne)