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Page 2 - 04/2014 - Expertise RH - L’Intrapreneuriat : une nouvelle façon de travailler dans les entreprises.
Edito
Pour le quatrième opus de la collection Expertise RH du Crédit Agricole, nous avons
souhaité travailler sur un sujet encore méconnu dans la majorité des entreprises. Il s’agit
de l’intrapreneuriat. Pour l’explorer, nous avons choisi de collaborer avec The Boson
Project, start-up jeune et innovante, qui connait particulièrement bien les mutations
observables au cœur des organisations ainsi que les attentes de la génération Y.
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The Boson Project est un laboratoire de développement du capital humain. Nous expérimentons, dans
une démarche de co-création et de collaboration, des solutions ultra-innovantes visant à créer de la
valeur et des valeurs en misant sur les individus.
Composé d’entrepreneurs et d’intrapreneurs, The Boson Project croit aux vertus de l’innovation au
service du collectif et de la performance.
Dans une optique externe de développement de nouveaux produits et services à proposer à un marché
en perpétuelle mutation, mais aussi dans une optique interne d’attraction et de rétention des talents
créatifs, de communication corporate et d’émulation collective, nous avons choisi de nous spécialiser
dans l’intrapreneuriat, outil RH futuriste au potentiel extraordinaire !
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Préambule à la lecture du livre blanc
Ce livre blanc se veut didactique et pragmatique : nous apporterons donc dans un premier temps des
éléments de contexte pour situer l’intrapreneuriat par rapport à l’innovation participative, afin d’expliquer ses
racines et fournir les premières clés de compréhension.
Ensuite, nous nous attacherons à définir l’intrapreneuriat et développerons ses trois composantes: la
personne, son projet et la culture d’entreprise. Nous verrons ensuite les apports de l’intrapreneuriat pour les
entreprises et les collaborateurs. Ces apports théoriques seront enrichis d’exemples de plusieurs
intrapreneurs ou initiateurs de démarches intrapreneuriales. Ils viennent de différents secteurs, travaillent à
différents postes, à des niveaux hiérarchiques variés, pour illustrer la transversalité, la richesse et les
possibilités infinies de cette démarche.
Enfin, nous vous présenterons la démarche entamée par Crédit Agricole SA sur l’intrapreneuriat. Vous
trouverez dans cette partie des interviews de collaborateurs, les projets en cours et le résultat – à venir –
d’une enquête menée en interne.
L’intrapreneuriat, dans la même lignée que l’innovation participative, démarche co-constructive où les
collaborateurs sont invités à proposer des solutions innovantes et contribuer à leur mise en place, permet
d’insuffler aux organisations « classiques » à tendance complexes, statiques, voire rigides un vent de
créativité, de souplesse et d’agilité.
Dans toute démarche intrapreneuriale, trois éléments sont déterminants : un collaborateur qui porte un
projet dans un environnement donné, l’entreprise. Ce collaborateur partage certaines qualités avec les
entrepreneurs en termes de confiance en soi, de créativité, d’agilité et de goût du risque. Il possède
également un réseau important sur lequel il n’hésitera pas à s’appuyer. Cependant, il devra être armé de
courage et de patience pour trouver sa place dans une organisation qui n’est pas spécialement prévue à cet
effet. Le projet porté par l’intrapreneur peut être - ou non - en lien avec le cœur de métier de l’entreprise. Il
s’agit cependant souvent de sujets qui tiennent à cœur à l’intrapreneur, comme le montrent les nombreux
exemples cités (Fabienne Raynaud, Dorothée Van der Cruyssen, Emmanuel de Lutzel, etc.). Enfin, la culture
d’entreprise dans laquelle s’inscrit le projet est prédominante. Cadres, RH, managers ou collaborateurs, tous
œuvrent à la construction de cette culture plus ou moins favorable à la prise de risque, à l’innovation, à
l’expérimentation. Chacun aura un rôle à jouer dans le développement d’une culture plus entrepreneuriale, en
s’inspirant notamment des intrapreneurs et des start-ups de leur écosystème.
De nombreux exemples et témoignages viennent illustrer ces propos. Une réflexion est lancée au sein de
Crédit Agricole SA, par les équipes RH, pour évaluer l’intérêt et la faisabilité d’un accompagnement de
l’intrapreneuriat en interne. Le résultat de cette étude sera partagé courant 2014.
1
« Intra-Corporate Entrepreneurship », 1978
2
« IntrapreneurIat - une stratégie syndicale pour l’innovation dans les entreprises européennes », StartPro, Eurocadres, 2010
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I. Retour aux sources de l’intrapreneuriat
L’innovation participative en deux études de cas
Le concept d’innovation participative s’est développé dans les années 1970 dans les grands groupes
industriels afin d’améliorer le développement de démarches qualité, chez Michelin et Renault par exemple.
L’intrapreneuriat s’est développé de manière plus restreinte jusqu’à ces dernières années car il nécessite plus
de process, de structure, d’investissement et de courage que son présumé « ancêtre ». Cette dernière
décennie l’a cependant replacé sur le devant de la scène grâce à l’essor des NTIC d’une part, à l’évolution
des mentalités d’autre part, dans un contexte d’émergence de nouveaux modèles d’entreprise – Google en
est le meilleur exemple – et de renouvellement des attentes des jeunes entrant sur la marché du travail
(Gen Y).
Avant de se concentrer sur l’intrapreneuriat – qui est le cœur d’étude de ce livre blanc – regardons de plus
près l’innovation participative. Et pour cela, mieux qu’un long discours, deux études de cas bien réelles
explicitent l’innovation participative en entreprise.
Safran est un groupe de 62 500 collaborateurs, issu de la fusion des groupes Sagem et Snecma en 2005, et
qui a mis en place une démarche d’innovation participative aujourd’hui reconnue. Le groupe a ainsi reçu le
Trophée de l’Innovation Participative 2012, remis en novembre dernier lors du Carrefour de l’Innovation
organisé par l’association Innov’Acteurs.
Chez Safran, un site attire tout particulièrement l’attention. A Fougères, près de Rennes, il existe un site de
production, anciennement Sagem, où les salariés semblent être de véritables innovateurs. En 2011, les
700 salariés du site ont émis 7390 idées dont 6715 ont été réalisées, soit plus de 10 idées par personne et
par an.
Pour comprendre comment s’explique cette créativité, il faut savoir que Safran a mis en place un certain
nombre de dispositifs pour donner de l’importance à l’innovation participative spontanée. Ainsi, plusieurs
points de collecte des « bonnes idées » sont organisés dans le groupe, dans une démarche décentralisée, à
l’initiative et à l’échelle des différents sites. Les idées innovantes récoltées dans cette démarche servent très
régulièrement à des améliorations de terrain, sur le lieu même où l’idée est émise.
3 èmes
Définition inspirée de l’intervention de Bonnafous-Boucher, Redien-Collot et Teglborg lors des 3 Journées Georges
Doriot
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A Fougères, on favorise également l’innovation participative induite au travers de l’organisation de challenges
pour susciter des améliorations sur un thème donné, ou par la mise en place de groupes de travail dont la
mission est de résoudre une problématique spécifique.
En suivant l’exemple du site de Fougères, qui montre clairement que tous les collaborateurs peuvent avoir
une âme d’innovateur, Safran a souhaité encourager l’innovation participative au niveau groupe, cette fois
dans une démarche d’innovation participative induite. Ainsi, Safran organise chaque année les Safran
Innovation Awards, qui sont également un réservoir de bonnes pratiques.
La cérémonie met en lumière les équipes, au travers d’un évènement « glamour » qui participe fortement du
processus de reconnaissance. En effet, beaucoup de collaborateurs de Safran peuvent suivre la cérémonie,
sur place, mais aussi par retransmission en direct : l’année dernière, c’est ainsi toute une usine mexicaine qui
a applaudi les différents vainqueurs !
Par ailleurs, au cours de cette cérémonie, les lauréats sont individuellement fortement mis en valeur. Ainsi, ils
bénéficient, en amont de la remise du trophée, d’une formation à la prise de parole en public qui leur permet
de mettre en lumière leur projet dans les meilleures conditions le jour J.
Aucune distinction n’est faite entre les innovations (et les innovateurs !). Les lauréats ayant présenté des
innovations incrémentales sont récompensés au même niveau que les lauréats ayant présenté des
innovations structurelles, porteuses de pistes business très prometteuses. Ainsi, en 2013, des ouvriers ayant
inventé un mécanisme de diminution de la pénibilité des opérations de montage sur leur atelier ont été
récompensés au même titre que des ingénieurs ayant inventé une nacelle à même de réduire la
consommation de carburant des avions.
Aujourd’hui, Safran a fait de l’innovation participative un objectif très important au niveau groupe, soutenu par
son PDG, Jean-Paul Herteman. Ainsi, l’objectif est d’atteindre une idée implémentable par collaborateur et par
an, ce qui est (très) ambitieux, et paraît en même temps couler de source. En 2012, ce sont tout de même
40 000 idées qui ont ainsi été partagées, à défaut d’être implémentées. De quoi être optimiste pour l’objectif
de 100 000 idées partagées à horizon 2016…
A la tête de la mission innovation participative au Ministère de la Défense, il est l’homme grâce auquel des
soldats de tous grades et de toutes formations offrent chaque année 50 idées nouvelles au Ministère de la
Défense. Entre drones téléguidables depuis l’iPhone pour examiner des zones sensibles sans risquer la vie
des soldats et barrières anti-émeutes immédiatement déployables, certaines de ces innovations ont changé le
quotidien de nos soldats.
Il nous explique comment il a réussi à laisser une grande place à l’innovation participative dans une
organisation aussi hiérarchisée que l’armée.
Tout d’abord, le Ministère de la Défense a souhaité donner une structure particulière à cette démarche, en la
dotant d’une « mission » ad hoc, mais aussi d’un budget indépendant. C’est donc en totale indépendance que
la « mission innovation » est libre d’animer le processus d’innovation participative.
Le Ministère de la Défense a également mis en place une équipe dédiée qui permet aux innovateurs et aux
intrapreneurs de présenter directement leurs idées à des experts de l’innovation. Les idées communiquées
concernent aussi bien une innovation incrémentale – amélioration de matériels innovants – qu’une innovation
de rupture – création de nouveautés.
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Afin de faciliter l’identification et l’implémentation d’idées, un processus en cinq étapes clés a été mis en
place :
2. Il est ensuite reçu au Ministère de la Défense, à Balard, par les quatre membres de la mission innovation,
qui reçoivent son projet dans une logique positive et constructive.
4. Si le projet est implémentable, la mission contacte alors directement le Chef d’Etat-major de l’innovateur :
c’est lui qui donne son accord formel. Avec cet accord, l’innovateur devient véritablement un intrapreneur,
il est désormais en charge de la mise en place de son propre projet.
5. L’intrapreneur se voit alors allouer un budget pour mener son projet à bien. Le temps écoulé entre la
présentation du projet et l’aval du chef d’Etat-major est de moins de deux mois, ce qui est particulièrement
rapide.
En revanche, aucun accompagnement à l’intrapreneuriat n’est mis en place pour le moment, ce qui est une
piste d’amélioration identifiée par Monsieur Masset.
Cependant, afin d’accorder une véritable reconnaissance aux innovateurs, le Ministère organise
régulièrement une exposition des meilleures innovations, où les innovateurs remarqués se voient remettre un
chèque de 2500 €, mis en jeu tous les deux ans ainsi qu’un témoignage de satisfaction par le Ministre de la
Défense en personne.
• Nouvelle
• Les découvertes, ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiques
4
Maddyness « le magazine des Startups françaises »
5
Articles L. 611-10 et L. 611-17 du Code de la Propriété Intellectuelle
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Le propriétaire de l’invention – employeur ou salarié – sera déterminé par l’une des trois classifications
d’inventions :
1. Les « inventions de mission » : elles ont lieu lors de la réalisation du contrat de travail comprenant une
« mission inventive qui correspond à des fonctions effectives, ou bien lors d’études et de recherches
confiées au salarié de manière explicite ».
Les inventions issues de ce type de missions appartiennent à l’employeur.
2. Les « inventions hors mission attribuables » répondent à l’un des critères suivant :
• Soit dans le cours de l’exécution des fonctions du salarié
• Soit dans le domaine des activités de l’entreprise
• Soit par la connaissance ou l’utilisation de techniques ou de moyens spécifiques de l’entreprise ou
procurés par elle
Les « inventions hors mission attribuables » sont la propriété du salarié. Mais l’employeur a le droit
de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant
votre invention de salarié.
3. Les « inventions hors mission non attribuables » correspondent à toutes les inventions qui ne dépendent
pas des deux cas ci-dessus. Ces inventions appartiennent au salarié qui est considéré comme
« inventeur indépendant ». Au titre du devoir de loyauté, le salarié devra toutefois en informer son
employeur.
Les règles concernant la classification des inventions des salariés sont d’ordre public. S’il y a un désaccord
entre salarié et employeur sur le type de classification de l’invention, c’est la Commission Nationale des
Inventions de Salariés (CNIS) qui devra être saisie pour régler le différend.
6
Pour résumer, voici un tableau réalisé par l’INPI :
6
Institut National de la Propriété Industrielle
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Fertilisation croisée, ou comment les entreprises s’inspirent des start-ups
Comme on l’a vu à travers ces deux études de cas, les entreprises peuvent mettre en place un cadre, une
structure permettant l’émergence d’idées, pour stimuler et capitaliser sur la créativité des équipes. Cette
démarche, que l’on pourrait qualifier d’endogène, n’est pas la seule voie possible. En effet, une approche
exogène consiste à se laisser inspirer par la créativité et les idées qui gravitent autour de l’entreprise. Pour
cela, les start-ups sont de bons stimulateurs : connectés au monde, évoluant par et pour lui, ces jeunes
entreprises s’inspirent de l’ère du temps et captent toutes les tendances. Souvent petites et en quête de
pérennité, les start-ups sont de bons exemples d’agilité, de flexibilité, de créativité et d’entrepreneuriat.
Les entreprises peuvent donc, en levant les barrières internes, se rapprocher du monde des start-ups pour
s’en inspirer.
7 8
Pour illustrer cela, prenons l’exemple d’API Labs , un espace de co-innovation pour la finance à Londres .
L’objectif de API Labs est de réunir différents acteurs autour d’un même thème – en l’occurrence la techno-
finance – pour favoriser le partage de bonnes pratiques, de contacts, d’idées, pour stimuler les échanges et la
sérendipité.
En France, de plus en plus d’espaces dédiés aux start-ups se développent (pépinières, incubateurs ou autres
accélérateurs), mais peu ont vocation à rassembler grandes entreprises et start-ups.
On peut citer cependant NUMA, un espace de co-working qui accueille start-upers en quête de locaux et
d’accompagnement d’une part, et salariés d’entreprises partenaires à la recherche d’espaces de travail
créatifs, de salles de réunions décalées et de rencontres inspirantes d’autres part.
Et dans quelques mois, un nouveau lieu vient renforcer cet écosystème : le CA Village, une initiative du Crédit
Agricole.
« La Pépinière la Boétie est au centre d’un écosystème dédié à l’open innovation, Le Village by CA, qui sera
composé d’espaces d’exposition, de formation et d’une salle de conférence. Il sera ainsi un véritable espace
de coopération entre les entreprises privées, les organismes publics et les jeunes entreprises 10».
7
Source : http://www.anthemis.com/anthemis-pivotal-innovations-launch-api-labs-at-level39-2/
8
Voir le blog animé par Patrice Bernard, « C’est pas mon idée » sur le site http://cestpasmonidee.blogspot.fr
9
Source : https://www.numaparis.com/
10
Source : http://www.pepinierelaboetie.com/cest-qui.html
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II. Pour tout savoir sur l’intrapreneuriat
Définition
L’innovation participative est un concept qui permet à une entreprise de co-construire des solutions
innovantes grâce à l’expertise de ses collaborateurs. Elle a ainsi permis de sensibiliser les entreprises et les
salariés aux démarches d’innovation, de montrer l’intérêt d’investir sur ce sujet et les avantages certains et
nombreux qui peuvent en découler.
L’intrapreneuriat va un cran plus loin en accompagnant les salariés dans la création de leurs propres
structures en interne, comme nous allons le voir maintenant, pour répondre à d’autres enjeux particulièrement
liés à notre époque : agilité, fluidité, transparence, sens au travail, engagement et rétention des talents.
Il existe de nombreuses définitions sur l’intrapreneuriat. Nous en avons choisi deux, séparées de neuf ans.
La première présente l’intrapreneuriat comme « le processus par lequel un individu ou un groupe d’individus,
en association avec une organisation existante, crée une nouvelle organisation ou incite au renouvellement
11
ou à l’innovation à l’intérieur de cette organisation ».
La seconde et plus récente recentre l’intrapreneuriat sur l’individu : « l’intrapreneur est le membre d’une
grande entreprise qui, en accord avec elle et tout en restant salarié de son entreprise, possède un projet
viable, intéressant, en lien avec l’entreprise et qu’il peut réaliser en son sein. Il est celui qui transforme une
12
idée en activité rentable au sein d’une organisation ».
A - Individu
Porteur d'un projet
C - Culture
B - Projet
d'entreprise
Mise en
Terrain
oeuvre
favorable
11
Sharma & Chrisman, 1999
12
Advencia, avril 2008
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Qui est l’intrapreneur ?
« Créatif, un tantinet trublion, l’intrapreneur se situe entre l’entrepreneur, le manager, le chef de projet. Il n’a
pas son pareil pour sentir l’air du temps, capter les opportunités et les transformer en activités lucratives. Sa
force : il ne s’arrête pas devant une porte qu’on lui a claquée au nez, il prend chaque échec comme une
13
source d’apprentissage et non de mortification ».
14
L’intrapreneur, rebelle improbable , est dépeint comme motivé, ingénieux, tenace et capable de réaliser avec
des moyens limités ce que l’organisation formelle n’arrive pas à accomplir en dépit de ses compétences, de
ses ressources et de son autorité : lancer un produit véritablement innovant, négocier une transition
technologique, réussir à pénétrer un marché lointain.
L’intrapreneur se faufile dans les failles de la technostructure, accédant aux ressources disponibles (slack
resources) par l’intermédiaire de ses réseaux personnels : un peu d’argent là, un conseil et une expertise
ailleurs, l’aide de ses collègues, etc. Il est réactif, souple, motivé mais peu respectueux des procédures. Dans
l’entreprise bureaucratique, l’intrapreneur de succès est apprécié, honoré et ce d’autant plus qu’il fait figure
d’exception. Les intrapreneurs sont par essence peu nombreux dans ce type d’organisation.
Légitimité
Le profil de l’intrapreneur se rapproche de celui plus « classique » de l’entrepreneur, avec toutefois une
adaptation de certaines qualités et compétences. Véronique Brochard explique ainsi que l’entrepreneur a une
légitimité certaine, qu’il doit « périodiquement établir » lors d’occasions spécifiques alors que l’intrapreneur
doit en permanence se justifier et établir la sienne. L’intrapreneur doit ainsi constamment « gagner appuis et
reconnaissance au sein de l’organisation », sa légitimité n’étant pas incontestable, contrairement à celle de
l’entrepreneur.
Prise de risques
L’appétence pour la prise de risques est également une des grandes distinctions entre intra et entrepreneurs.
Les études de Antoncic Bostjan dans Journal of Enterprising Culture montrent que l’aversion au risque des
intrapreneurs à titre individuel est transférée à l’entreprise capable d’absorber ces prises de risques
individuelles. Cependant, il ne faut pas pour autant minimiser les risques pris par les intrapreneurs qui
peuvent perdre leur salaire, leur réputation, voire leur emploi.
Confiance en soi
Une des qualités propre aux intrapreneurs est sans conteste la confiance en soi. Il faut en effet avoir
suffisamment d’assurance pour faire face aux grandes multinationales régies par des procédures et soumises
à des enjeux stratégiques, politiques et financiers. On verra donc émerger une population d’intrapreneurs
osant aller à contre-courant et sachant défendre une idée ou un projet pour le bien de l’entreprise.
13
Isabelle Hennebelle, L’Express, 15 décembre 2012
14
Selon Gary Hamel, 2001
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Réseau
Cette confiance en soi va de pair avec un réseau de proches et de mentors qui vont aider et inspirer
l’intrapreneur. Le réseau servira à mettre en relation, guider, coacher, trouver des financements, des locaux,
des supporters… A l’heure des réseaux sociaux internes, cette composante prend davantage de valeur car il
devient aisé d’identifier un expert, de contacter un manager haut placé, de vendre son profil et son projet
en interne.
Créativité
La littérature sur la créativité étant très florissante, nous avons sélectionné deux citations qui expliquent le
concept et le lien avec l’intrapreneuriat.
« Un grand mythe entoure le concept de créativité. On a d’emblée tendance à penser que, pour créer, il faut
forcément partir de rien. Or rien n’est plus faux. La création consiste plutôt à combiner des éléments déjà
existants, à les réorganiser ou à les utiliser à des fins autres que celles pour lesquelles ils avaient
15
originellement été conçus ».
Pour Pryor et Shays, « c’est l’intrapreneuriat qui permet de combiner les ressources que seules les grandes
entreprises peuvent mobiliser avec la créativité et la motivation que seuls les individus peuvent fournir.
La créativité serait ainsi la composante de l’intrapreneuriat que les individus apportent sous forme d’idées et
de projets. L’autre composante serait alors l’autorisation et la mise en œuvre des ressources de l’entreprise
16
pour la concrétisation de ces idées ».
Agilité
Le succès d’un projet repose également sur la capacité d’un collaborateur à se frayer un chemin à travers les
mânes des grands groupes, de savoir à quelle porte frapper, quand avancer, quand s’adapter, comment
modifier son projet et ainsi de suite. L’agilité est une qualité primordiale pour un entrepreneur, car celui-ci doit
en permanence s’adapter à son environnement pour survivre. C’est également un point essentiel des
intrapreneurs qui sont dépendants de leur organisation pour le développement et le succès de leur projet.
15
Carrier, 1997. « De la créativité à l’intrapreneuriat ». Collection PME et Entrepreneuriat. Presses de l’Université du
Québec.
16
Allali (2003)
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Quel est son projet ?
L’intrapreneur est aussi inséparable de son projet : c’est souvent la volonté de le développer qui le pousse à
sortir de son rôle traditionnel de collaborateur pour prendre le contrôle de son propre challenge.
Certains projets sont en lien avec le cœur de métier de l’entreprise ou peuvent à terme le devenir. On pense
ainsi au salarié qui a développé Gmail pour Google. Le projet initial n’était pas en lien avec le cœur de métier,
mais il a permis de développer une nouvelle business unit qui deviendra ensuite partie intégrante de Google.
D’autres projets sont périphériques et servent à créer de la valeur pour l’entreprise, les collaborateurs ou
d’autres parties prenantes. On pense ainsi à Fabienne Raynaud, collaboratrice de Crédit Agricole SA que
nous avons interviewée et dont le premier projet envisagé fut d’ouvrir un petit commerce équitable/bio à
l’entrée du nouveau siège de Crédit Agricole. Un projet finalement non concrétisé, mais qui avait un intérêt en
termes d’image et de bien-être/qualité de vie des collaborateurs du siège.
Enfin, certains projets ont un sens en lien avec les valeurs de l’entreprise ou celles des collaborateurs.
On parle ainsi d’entrepreneuriat ou intrapreneuriat social, comme l’illustre le focus ci-dessous. C’est dans ce
cadre que Danone a développé des projets d’éducation alimentaire et que BNP Paribas soutient les micro-
entrepreneurs dans les pays en développement.
Dorothée van der Cruyssen nous reçoit dans les locaux de Bolloré, à Puteaux. Pourtant,
dès qu’on franchit la porte de son bureau, on pénètre dans l’univers d’Earthtalent,
l’intraprise sociale qu’elle a créée de toutes pièces au sein du groupe. Créé en 2008,
Earthtalent est aujourd’hui un réseau social international qui relie les hommes et les
femmes du Groupe Bolloré, leur permet de partager leurs idées, leurs projets et leurs
compétences pour construire un monde plus solidaire.
Le projet met la créativité, l’innovation et l’entrepreneuriat au cœur de la création d’initiatives, en lien avec
l’autonomisation des populations qui en ont le plus besoin : les femmes, à l’échelle mondiale, mais aussi plus
récemment les jeunes, à l’échelle française.
Aujourd’hui, plus de 4 000 personnes sont impactées, dans 20 pays d’Asie et d’Afrique, grâce aux
contributions de collaborateurs du Groupe Bolloré venus des 40 pays connectés au réseau.
Dorothée van der Cruyssen nous répond : « un intrapreneur c’est quelqu’un qui a une âme créatrice, qui
rencontre un environnement externe favorable (en l’occurrence un contexte économique mondial changeant,
évolutif, qui donne envie de s’investir), et qui peut se développer dans un environnement interne inspirant ».
Ici, le groupe Bolloré, « lieu de créativité et entreprise inspirante », marquée par la personnalité créative de
Vincent Bolloré et nourrie des multiples cultures et métiers exercés au sein du groupe.
C’est la combinaison de ces trois facteurs qui a transformé Dorothée van der Cruyssen, alors Directrice de la
Communication du groupe, en « individu qui ose ».
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Comment passe t on de l’idée à l’action ?
Pour intraprendre, il ne suffit pas d’avoir une idée. Dorothée van der Cruyssen nous explique les grandes
étapes de la création :
• Etape n°1 : Sortir de l’entreprise pour mieux y re-rentrer – faire mûrir son projet en externe. Dorothée
van der Cruyssen a d’abord conçu son projet « dans son coin, avec sa bande de copains ». De l’idée
à la mise en musique via la conception d’une maquette visuelle, elle s’est entourée de bonnes
volontés externes et bénévoles qui ont permis au projet de passer de l’idée au pitch.
• Etape n°2 : Obtenir le go de l’entreprise – un point fondateur. Le projet devenu concret au travers d’une
maquette, Dorothée van der Cruyssen l’a présentée au décisionnaire de l’entreprise : Vincent Bolloré en
personne. Deux minutes, c’est le temps qu’elle a eu pour donner à la fois envie et confiance au
dirigeant. Faisant comme si sa plateforme existait déjà, elle en a présenté les principes de
fonctionnement, les avantages business pour le Groupe Bolloré et le coût associé. Pas plus, mais pas
moins. Suffisant pour que Vincent Bolloré lui donne carte blanche pour lancer son projet, et la propulse
à la tête du développement de ce dernier.
• Etape n°3 : Fédérer en interne autour du projet. Si le « go » initial du patron est un sésame essentiel,
il ne suffit pas. L’intrapreneur rentre ensuite dans une phase cruciale, souvent sous-estimée:
remporter la conviction et l’adhésion des autres collaborateurs qui pourront participer au projet.
Dorothée van der Cruyssen insiste sur un point important : « Plus que convaincre, il faut savoir
écouter: comprendre les raisons qui les poussent à soutenir le projet, raisons qui leur appartiennent
mais qui nourrissent tout autant le projet ».
Le bureau d’Earthtalent dans les locaux de Bolloré n’est pas très grand mais il abrite quatre cerveaux en
ébullition. Pour Dorothée van der Cruyssen et ses équipes, un seul mot d’ordre : proactivité. Une démarche
en mode « start-up », où le manager peut aussi devenir un équipier comme les autres, et où les équipiers
sont des artisans du projet à part entière. Une émulation qui a notamment abouti à la diversification des
projets portés par Earthtalent et à la création d’Earthtalent Campus, un prolongement du projet autour des
porteurs de projets étudiants.
Ajoutons à cela une ambiance de travail détendue, favorisant la créativité : « Si on ne s’amuse pas, on ne
crée pas et on ne fédère pas les équipes ».
De l’intraprise à l’entrepreneuriat ?
Si elle n’a pas pour envie de développer un autre projet intrapreneurial chez Bolloré pour le moment,
Dorothée van der Cruyssen ne s’interdit pas de réfléchir à des pistes de développement d’entreprise en
externe. Entre innovation sociétale et nouveaux concepts de communication, elle ne manque pas d’idées et
conclut dans un sourire « Oui, je suis devenue entrepreneur ».
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Quel environnement pour l’intrapreneuriat ?
Est-ce la structure qui permet de faire émerger des intrapreneurs ou les collaborateurs « entrepreneurs » qui
en poussant leur projet, font émerger un besoin et sensibilisent leur entreprise à ces sujets ? Très
certainement les deux !
En tant que RH, manager ou membre de ComEx, votre rôle sera de favoriser une culture d’innovation, c’est-à-
dire mettre en place un terreau où les employés « intrapreneurs » pourront se révéler et développer leurs
projets, où l’erreur est tolérée. Ce droit à l’erreur allant de pair avec l’innovation et la capacité à prendre des
risques.
Les employés « entrepreneurs » auront quant à eux le défi de porter leur projet en interne, de convaincre leur
ligne hiérarchique et de montrer l’intérêt de leur démarche.
On perçoit là que certaines cultures d’entreprises semblent plus favorables que d’autres à l’acceptation
d’échecs et a fortiori, à l’émergence d’idées nouvelles et de projets innovants. Sans culture propice, pas
d’intrapreneuriat donc ! C’est l’émergence d’une culture ouverte, laissant une large place à l’initiative
individuelle et collective qui permet de passer d’initiatives isolées à un véritable écosystème interne
d’innovation.
La structuration du processus d’intrapreneuriat est ce qui fait la différence entre une bonne idée, élaborée et
menée à bien par un collaborateur isolé, et l’intrapreneuriat comme moteur d’innovation et de croissance pour
l’entreprise. La mise en place par l’entreprise d’un processus structuré d’intrapreneuriat témoigne de son
niveau d’investissement sur le sujet, en tant que facteur d’épanouissement interne des salariés et levier de
croissance.
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Parole d’intrapreneur :
mettre en place un processus d’intrapreneuriat structuré
Grégory Olocco
Directeur du I-Lab au sein d’Air Liquide
Dans le monde émergeant des intrapreneurs, il y a quelques noms qui circulent, qu’on se
transmet sous le manteau comme des secrets, et celui Grégory Olocco est de ceux-là.
Nous avons rencontré la personne qui a pour mission de réinventer Air Liquide, qui compte
pas moins de 110 ans et 50 000 collaborateurs. Un entretien clair et structuré comme le
mathématicien de formation qu’il est, avec le grain de folie et d’inspiration que porte
l’innovateur qu’il est devenu. Revue de détail d’une initiative ambitieuse et visionnaire.
Un innovateur
Alors Directeur des Opérations en Tunisie, Grégory Olocco présente plusieurs atouts. Il connaît très bien la
culture interne d’Air Liquide, au sein duquel il fêtera ses dix ans cette année. Il présente un profil équilibré, à
la fois scientifique et commercial (Doctorat de Mathématiques, MBA). Ajoutons à cela un passé d’innovateur
au sein du groupe et nous obtenons le cocktail idéal qui amènera les dirigeants à lui proposer trois fois le
poste qu’il s’obstine à refuser.
Parallèlement, Air Liquide a également mis en place un Corporate Garage tourné vers l’action, « une structure
qui permet de passer de l’idéation à la mise sur le marché », comme nous l’explique Grégory Olocco.
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L’IDÉE L’ACTION
Le Think Tank Le Corporate Garage
Rôle : cartographier les Rôle : passer de l'idéation à la mise
nouveaux territoires sur le marché
les Fablabs
Equipe désirabilité • Mini-usines qui permettent de
et transformation en business passer de l'idée au concept
(prototypage léger), dans le but de
• Equipe pluridisciplinaire, dirigée par un
convaincre des clients internes
historien, composée de personnes d'Air
Liquide et de personnalités externes
(designer, urbaniste, médecin, etc.)
Catalyse & lncubate
• Intervention d'experts d'opinion pour
identifier des macrotrends démographe, Catalyse lncubate
climatologue, spécialiste de la fragilité, etc.
• Entité ayant pour • Incubateur de
• Identification des possibilités business des mission de projets, pour
macrotrends construire un un temps donné
écosystème (1 à 3 ans)
d’innovateurs
(PME, start-ups,
industriels)
Equipe faisabilité
• Une équipe technologique en
charge d'évaluer la faisabilité des
Data workshop
propositions et d'imaginer l'impact
sur le monde des technologies de • Atelier de développement des
rupture compétences en lien avec la
donnée digitale
L’intrapreneuriat social se caractérise par « une recherche d’impact social maximal et de changements
sociaux à grande échelle et se caractérise par un modèle économique équilibré », qui inclut notamment le
17
réinvestissement de tous les profits générés dans le projet .
L’intrapreneuriat social se distingue particulièrement de l’intrapreneuriat par la diversité des projets portés et
par les profils des intrapreneurs, souvent plus « sociaux » que « business ». Plus encore que pour les
intrapreneurs classiques solidement ancrés dans le business, les intrapreneurs sociaux sont des convaincus
qui n’hésitent pas à risquer leur carrière pour défendre une vision de l’entreprise qui leur est chère, et ainsi
entraîner un mouvement de Responsabilité Sociale en interne, autour de projets pilotes.
17
Odyssem et Volonteer, 2012 : « Intrapreneuriat Social - La nouvelle frontière de l’innovation sociale pour l’entreprise »
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Parole d’intrapreneur : l’intrapreneuriat social chez BNP Paribas
Emmanuel de Lutzel
Vice-Président Social Business chez BNP Paribas
« J’ai toujours eu ce désir d’entreprendre ainsi qu’un fort tropisme pour les causes sociales.
En me lançant en temps qu’intrapreneur, j’ai donc transformé mon hobby en job.
Tout a commencé en 2004 lorsque je me suis inscris comme bénévole de l’Adie (Association pour le droit à
l’initiative économique) en motivant quelques collègues avec moi. Surpris que l’Adie bénéficie d’un gros
soutien en France mais très peu à l’international, j’eu par la suite une idée : BNP Paribas, entreprise aux
nombreuses filiales réparties à travers le monde, pourrait lancer un projet de microfinance à portée
internationale, sous forme de financement à des institutions de microcrédit.
J’ai commencé à parler de mon idée à des collègues, et ai en quatre mois rencontré plus de quarante
personnes toutes intéressées par le projet et qui m’envoyaient en parler à d’autres collaborateurs. Finalement
je me suis rendu compte que pour que le projet voit jour, il fallait viser plus haut, et j’ai donc requis un rendez-
vous avec le n°3 de la BNP Paribas. Il me reçut et fut convaincu, et quelques semaines plus tard je présentais
mon projet devant le comité exécutif, qui me donna la validation finale.
C’est ainsi que je devins Responsable microfinance chez BNP Paribas. Aujourd’hui, je suis fier de dire que
nous avons un impact sur 1,5 millions d’emprunteurs, avons mobilisé 200 millions de capitaux, et œuvrons à
travers une quinzaine de pays et une quarantaine d’institutions de finance, dans des pays émergents mais
aussi en Europe ».
Quelles sont, d’après votre expérience, les qualités requises pour être un intrapreneur ?
« Je dis souvent que pour être un intrapreneur il faut savoir lire, écrire, compter et conter. Lire pour acquérir
des informations, puis écrire pour être capable de les synthétiser. Personnellement, après avoir accumulé un
gros dossier de documentation, j’ai rédigé pour moi-même une synthèse d’une cinquantaine de pages, dont
j’ai tiré une page que j’ai présentée aux différentes personnes que je rencontrais.
La phase suivante est de mettre en place un business model monétisable pour ce projet, compter donc. Enfin,
puisque la réalisation de tout projet d’intrapreneuriat passe par la validation et le soutien de la direction, il faut
savoir conter, c’est-à-dire convaincre de l’intérêt du projet et entraîner le soutien de toute personne concernée
par la mise en place du projet ».
« L’innovation est un enjeu majeur pour les grandes entreprises. Elles ont donc besoin en permanence de
nombreuses idées innovantes. Les middle managers ont un grand rôle à jouer dedans, ils peuvent être source
de beaucoup de projets innovants, mais souvent ils s’autocensurent car ils ne conçoivent pas la possibilité de
les mettre en place. Il faut oser se lancer, les grands patrons rêvent de voir des gens prendre des initiatives ».
L’intrapreneuriat permet aussi d’innover dans son cœur de métier, puisque l’on innove au sein de l’entreprise,
sur des sujets qui touchent à l’activité et aux compétences de l’entreprise. Ceci est en particulier vrai dans le
cadre de la responsabilité sociale ; celle-ci fonctionne le mieux lorsque l’entreprise est capable d’intégrer la
responsabilité sociale au cœur même de l’entreprise en utilisant les compétences de l’entreprise, l’excellence
financière dans le cas de la BNP Paribas, au service d’une cause sociale. L’intrapreneuriat est donc
particulièrement pertinent dans ce cas. »
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III. Intrapreneuriat : quels apports
pour l’entreprise et les collaborateurs ?
A présent que les définitions ont été explicitées et que le concept n’est plus mystérieux, interrogeons-nous sur
les tenants d’une telle démarche. Pourquoi une entreprise devrait-elle permettre à ses collaborateurs
d’intraprendre ? Et que peuvent en tirer les salariés ? Plutôt que de présenter les apports pour chacun des
acteurs, nous présenterons l’intérêt des démarches intrapreneuriales par thématiques, mettant alors en
évidence les bénéfices réciproques.
Image employeur
Universum Global publie chaque année un classement des 50 employeurs les plus attractifs au monde chez
les étudiants. Depuis 5 ans, Google est indétrônable. Lorsque l’on regarde de plus près les spécificités de
Google, et ce que relèvent les étudiants, ce sont les fameux 20% de temps libre dédiés au développement de
projets qui surgissent spontanément. Un cas d’école inspirant pour des étudiants en quête d’innovation, de
développement mais aussi de fiabilité, toujours selon cette enquête. Ainsi, les étudiants souhaitent intégrer
une entreprise qui les fera évoluer.
Bien que l’intrapreneuriat ne doive pas se résumer à un outil de communication, il est sans conteste un atout
clé pour illustrer une culture d’entreprise résolument moderne, innovante, qui place les salariés au cœur de
leur stratégie et s’adapte à son temps.
Chez les étudiants, ce dispositif de temps libre destiné à la création de projets permet d’attirer les jeunes qui,
au sortir de leurs études, hésitent entre grands groupes et entrepreneuriat. La perspective d’un emploi
proposant de la flexibilité et de l’autonomie, des responsabilités et une part de créativité tout en restant
encadré, ainsi qu’une opportunité de se faire repérer et de contribuer significativement au succès de
l’entreprise, est un atout considérable, qui plus est en période de guerre des Talents.
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Flexibilité et Agilité
Les grandes structures, on l’a vu ces dernières années, souffrent d’un manque d’agilité et de flexibilité,
probablement du fait de l’accroissement des contraintes réglementaires, fiscales, internationales.
En soutenant les intrapreneurs, ces entreprises insufflent un vent d’innovation et de renouveau dans leur
organisation. Les intrapreneurs, comme expliqué précédemment, sont des salariés persévérants, motivés,
possédant un réseau important, déterminés à mettre en place leur « start-up interne » et à réussir.
Les procédures des grands groupes ne s’appliquant pas nécessairement à ces salariés, leurs projets
avancent plus rapidement qu’un projet interne traditionnel.
Ils vont donc apporter la flexibilité et l’agilité dont leurs managers pourront s’inspirer et qui peu à peu fera
évoluer la culture de l’entreprise.
Engagement
« 3% de la population mondiale se dit actuellement engagé ou avoir été engagé lors des trois dernières
années dans des activités intrapreneuriales », affirme le Global Entrepreneurship Monitor.
Certaines entreprises, comme 3M, voient dans l’intrapreneuriat un moyen d'engager leurs salariés et
d'innover. En effet, savoir que son entreprise soutient les collaborateurs ayant des idées, aimant la prise de
risques et ayant la personnalité et les compétences pour se lancer est un facteur de fierté, d’appartenance et
de motivation intrinsèque très puissant. Ne sommes-nous pas au sommet de la fameuse pyramide de
Maslow, lorsque l’entreprise permet à ses salariés l’accomplissement et la réalisation de soi ?
Diversité
Que la diversité soit facteur de performance et de motivation ne fait plus de doute. Cependant, associer
diversité et intrapreneuriat est encore assez récent. Or il apparaît clairement que permettre à des
personnalités entrepreneuriales de développer des projets en lien avec le cœur de métier de l’entreprise ou
non, en étant encadrées mais autonomes, permet cette diversité de profils et de projets qui peut inspirer,
motiver, enrichir salariés et managers de tout rang hiérarchique.
Performance
« L'intrapreneuriat […] un moyen de bénéficier de plus d'autonomie et de responsabilités », Virginie Fauvel,
Head of E-Business chez BNP Paribas.
Il va de soi que si les salariés sont motivés, engagés, fiers de leur entreprise, si la culture d’entreprise est plus
flexible, plus agile, plus innovante, et si les idées arrivent à se transformer en projets puis en réalités, les
performances individuelles et collectives seront impactées positivement. « C’est le terreau le plus favorable
pour être plus en lead sur son marché, pour avoir une force de proposition plus forte », Claire Bussac,
Responsable Innovation RH au Crédit Agricole SA.
Page 21 - 04/2014 - Expertise RH - L’Intrapreneuriat : une nouvelle façon de travailler dans les entreprises.
Focus : le rôle du manager
Selon une enquête conduite en 2007/2008 par Towers Watsons (90 000 salariés de 18 pays interrogés), 21%
des répondants disaient être réellement impliqués dans le travail contre 38% essentiellement ou totalement
18
non impliqués. Gary Hamel, dans son ouvrage « Ce qui compte vraiment », tire une conclusion sans appel :
il faut repenser le management traditionnel, qui n’est plus de mise dans notre société du 21 siècle, dans « un
e
monde de changement perpétuel, de compétition féroce, d’innovation débordante et d’exigences sociales ».
19
Il faut, toujours selon lui, s’indigner car pour la majorité des milliers de dirigeants et managers qu’il côtoie tous
les ans, l’implication des salariés n’est pas la priorité numéro un.
Or de l’implication des salariés dépend leur capacité de produire des idées nouvelles, de se différencier sur
un marché en perpétuelle évolution, où le rythme des innovations est sans précédent.
« Dans un environnement en mutation, les managers doivent faire face à de nouvelles responsabilités. Alors
qu’ils naviguent dans des eaux troubles, ils doivent trouver des solutions innovantes pour résoudre les
20
problèmes tout en faisant le maximum pour atteindre les objectifs fixés ». Dans quel sens le management
doit-il évoluer ?
La nouvelle tendance du manager-coach pourrait apparaitre comme une approche possible pour replacer le
salarié au centre de l’entreprise. Vincent Lenhardt, coach, consultant et formateur d’expliquer : « par coaching
on entend l’accompagnement d’une personne ou d’une équipe. […] L’attitude que suppose le coaching est
l’attitude commune du manager ou du consultant qui considère la personne ou l’équipe accompagnée à la fois
dans son fonctionnement actuel, mais plus encore dans son potentiel en voie de réalisation. Cette approche
comporte à la fois une philosophie, une attitude, des comportements, des compétences et des
21
procédures » . A travers cette approche de manager-coach, on perçoit les possibilités pour l’intrapreneuriat.
Le nouveau manager semble plus orienté vers l’accompagnement des équipes, il est un réel soutien à leur
développement.
Gary Hamel a redessiné la pyramide de Maslow en une hiérarchie des capacités humaines au travail.
Dans les trois niveaux de base, il place l’obéissance, la diligence et l’expertise ; dans les trois niveaux
supérieurs, il place l’initiative, la créativité et la passion. « Dans l’économie créative d’aujourd’hui, ce sont les
capacités du sommet de la pyramide qui créent le plus de valeur. L’audace, l’imagination et le zèle sont les
véritables ressorts de la différenciation concurrentielle » explique-t-il.
18
Ce qui compte vraiment, Gary Hamel, 2012
19
Les cinq conseils de Gary Hamel pour manager autrement, par Muriel Jasor, Les Echos Business, 2012
20
Le manager-coach, chronique de Anais Pierre, Le Journal du Net, 2013
21
Les responsables porteurs de sens, Vincent Lenhardt, Insep Editions, 1992
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IV. Exemples d’initiatives innovantes
et inspirantes
Michel Hervé
Président-Fondateur du Groupe Hervé
« Cela signifie que chaque salarié qui travaille au présent est aussi l'entrepreneur de son avenir en lien avec
son environnement client, mais aussi avec ses collègues afin de constituer avec eux un objectif commun, une
unité de business qui fait force.
Pour orchestrer cette mise en harmonie, l'équipe se dote d'un manager qui assume la responsabilité du tout
et représente ce petit groupe, en moyenne quinze personnes, au niveau supérieur.
Celui-ci, en tant que « intra-manager », participe à la recherche d'un objectif synthétisant ceux des intra-
entrepreneurs constituant son équipe, à l'intérieur du périmètre qui est le sien, géographique ou
technologique.
Cet « intra-manager » participe à l'élaboration de la stratégie du territoire des territoires sous la houlette d'un...
manager de managers de managers. »
1. Que le dirigeant ait les idées claires et une volonté ferme d'aboutir.
2. Aimer ses salariés et être capable de se dire : à leur place, dans les mêmes conditions, que ferais-je ?
3. Accorder plus d'importance aux processus organisationnels qu'aux résultats. Si les processus sont
réglés avec justesse, les résultats suivent.
4. Constituer des équipes comprises entre 10 et 20 salariés. Au-delà ou en-deçà, les dynamiques de
groupe ne sont pas optimales.
5. Avoir un système d'information web 2.0 permettant aux salariés d'échanger fréquemment entre eux,
de co-construire des connaissances et de stocker les informations clés. »
22
Voir le site du Groupe Hervé, rubrique Organisation Participative
23
Source : Wikipedia
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Quelles sont, selon vous, les erreurs à éviter absolument ?
« De diminuer son risque systémique, en multipliant le nombre de business units, et surtout des rapports
d'égaux à égaux, entre intrapreneurs qui stimulent la réflexion collective. Mais l'intrapreneuriat est un chantier,
et il faut bien reconnaître que, même pionniers en la matière, nous avons toujours le sentiment d'être
des débutants. »
Jérôme Introvigne
Directeur de l’Innovation des Biscuiteries Poult
L’entreprise Poult, forte de 800 salariés répartis en France, est aujourd’hui reconnue comme l’une des
entreprises françaises les plus inspirantes sur ses modes de management, un véritable laboratoire de
l’entreprise mutante.
Récompensé avec ses équipes en 2013 par les Espoirs du Management, Jérôme Introvigne nous a confié la
fabuleuse histoire de son entreprise, dirigée par Carlos Verkaeren depuis 2000.
• L'Homme est bon et digne de confiance, il peut mettre sa créativité au service de l'entreprise.
• Les systèmes néo-tayloristes (hyper compétition, contrôle de l'information, etc.) ne sont plus adaptés
à notre monde, pas plus que l'hyper capitalisme libéral.
• Aujourd'hui, le vrai avantage concurrentiel repose dans la capacité d'innovation et l'agilité d'une entreprise.
• L’innovation est une conséquence de l'organisation.
Page 24 - 04/2014 - Expertise RH - L’Intrapreneuriat : une nouvelle façon de travailler dans les entreprises.
De l’innovation participative à l’intrapreneuriat : le changement en actions
En 2006, l’entreprise Poult est une biscuiterie dont les produits sont commercialisés sous des marques de
distributeurs. L’entreprise fonctionne bien. Pourtant, cette année-là, Poult part d’un postulat simple :
si l’entreprise souhaite pouvoir continuer à se développer dans son marché B to B, elle doit impérativement
être plus innovante dans ses produits. Pour ce faire, le groupe décide de lancer une démarche participative
afin d’associer l’ensemble de ses salariés à la recherche de produits innovants.
Tout commence par la volonté du PDG, Carlos Verkaeren, qui part du principe que chacun dans l’entreprise
est un potentiel innovateur. La démarche est donc lancée par un discours du PDG auprès des salariés.
Ce discours consiste en un message clair et simple : « l’objectif est de désinfantiliser les salariés ». Pendant
les trois années suivantes, des brainstormings sont organisés avec les salariés et des processus de créativité
sont mis en place. D’une manière innovante, Poult choisit de ne pas mettre en place une « boîte à idées »
classique, mais d’envoyer des équipes centrales sur le terrain. Poult choisit également de développer un
réseau social d’entreprise, ouvert à tous les salariés. En effet, l’entreprise se rend compte que 70% des
ouvriers ont un smartphone et que 60% d’entre eux possèdent un ordinateur à la maison, ce qui en fait donc
un outil de masse.
En 2009, premier bilan des actions : le dispositif est intéressant, mais il n’est pas suffisamment performant.
L’entreprise Poult se remet donc au travail et effectue un grand benchmark international sur l’entreprise
innovante. De leurs études, ils tirent une conclusion : l’innovation participative, c’est bien… mais l’innovation
collaborative, c’est mieux !
Or, l’innovation collaborative passe avant tout par l’innovation managériale : l’innovation naîtra de la
transformation de l’organisation. Et cette transformation initiée n’aura pas lieu dans la demi-mesure…
Première action symbolique : le CODIR est supprimé. Supprimées également, les Directions Fonctionnelles
qui maintenaient des silos au sein de l’organisation. Les salariés de Poult disent adieu à la direction du
marketing, à la direction commerciale ou à celle des ressources humaines… Dans cette lignée, deux niveaux
de hiérarchie sont également supprimés dans le plus gros site de production – et ce, dans un climat social
apaisé.
Parallèlement, les pratiques managériales sont réécrites par des collaborateurs volontaires, réunis en
équipes.
Le changement touche également la méthode d’innovation. Pour innover, les collaborateurs s’organisent
désormais en équipe (par produit : tartelette, cookie ; par client ; par thématique : pâtisserie ; etc.). N’importe
quel salarié a le droit de monter une équipe avec les personnes de son choix. La seule obligation consiste à
informer le reste de l’entreprise des travaux menés au sein de l’équipe.
Et ce grand vent de liberté fonctionne : l’entreprise engrange des résultats financiers intéressants, et
enregistre de meilleurs taux de satisfaction des employés, particulièrement les ouvriers. Mais l’entreprise ne
s’arrête pas en si bon chemin et poursuit sa transformation. En 2011, elle explore un nouveau pan de
l’innovation : l’intrapreneuriat.
Poult a tout d’abord créé une pépinière interne, un incubateur de projets, destiné à accueillir les projets des
salariés intrapreneurs, qu’ils soient ou non en lien direct avec l’activité de biscuits de Poult. Ainsi, l’un des
projets hébergés concerne une légumerie solidaire.
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L’entreprise a également créé le Poult Start-Up Programme : un programme dédié aux entrepreneurs qui
souhaitent travailler sur les domaines stratégiques pour l’entreprise, en mettant à leur disposition tous les
savoir-faire de l’entreprise. Considérant que l’entreprise a une fonction sociétale majeure, Poult n’attend pas
de retour sur investissement à court-terme de ces entrepreneurs, mais pense qu’ils apporteront d’une façon
ou d’une autre de la valeur à l’entreprise, et se laisse le temps de découvrir les formes que pourra prendre
cette valeur ajoutée.
Poursuivant ses recherches et continuant à faire de son entreprise une pionnière, Poult tourne son regard
vers l’environnement externe des Biscuiteries Poult et entreprend de construire un vaste écosystème autour
de l’entreprise mère.
Pour compléter ce tableau, exemples d’autres initiatives novatrices menées par Poult :
• A Toulouse, création d’un club d’innovation, autour des thématiques liées aux fablabs et à l’open
innovation.
• Mise en place d’un important réseau auprès des écoles régionales, ce qui en fait aujourd’hui un
employeur très prisé par les jeunes diplômés de la région.
Poult est devenu un acteur incontournable de l’entreprise innovante et donne aujourd’hui des conseils à de
grandes entreprises, curieuses d’implanter chez elles certaines de leurs bonnes pratiques.
Et s’il fallait achever de nous convaincre, Poult réalise aujourd’hui une croissance à deux chiffres sur un
marché où la courbe est négative…
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V. De la parole à l’action : la démarche
de Crédit Agricole SA
La démarche de Crédit Agricole SA
Le Crédit Agricole a pour ambition de réfléchir sur les nouvelles voies d’innovation au sein des organisations
et d’accompagner les tendances émergentes. Diverses démarches émanant de directions, pôles et métiers
différents se conjuguent et visent à mettre en œuvre le changement au sein du Crédit Agricole, à générer une
culture innovante, des projets novateurs et un dynamisme à même de séduire les nouvelles générations, tout
en créant de la valeur ajoutée pour l’entreprise.
Afin d’illustrer ces initiatives multiples, nous vous proposons de revenir sur trois rencontres particulièrement
percutantes au regard de la thématique de l’intrapreneuriat.
Entreprendre et intraprendre
Fabienne Raynaud,
Ancienne Intrapreneuse au groupe Crédit Agricole SA et fondatrice "Goods To Know"
« J’ai travaillé pendant 10 ans dans le groupe Crédit Agricole CIB, d’abord sur les marchés
financiers pendant 6 ans, puis au développement durable, en enfin en RH pendant plus de
4 ans. J’étais en charge de missions de développement durable sur la partie sociale et une
petite partie environnementale aussi, ce qui concernait différents métiers, du handicap à l’égalité homme-femme
en passant par la prévention du stress au travail.
J’ai créé mon entreprise en février cette année, sur une forme originale puisque je suis en congé sabbatique
pour un an puis j’envisage de poursuivre sur un congé pour création d’entreprise sur les deux prochaines
années, c’est donc une parenthèse de 3 ans. J’ai créé une entreprise qui travaille sur les sujets que je
connaissais déjà, c’est-à-dire la sensibilisation au handicap et à l’égalité homme-femme. »
« En effet, j’avais proposé il y a quelques années, lors du déménagement du Crédit Agricole à Montrouge, de
monter le premier magasin éco-citoyen d’entreprise. L’idée était de le monter moi-même, c’était donc une
première forme de projet d’entrepreneuriat, ou d’intrapreneuriat plus justement.
Pour monter ce projet, j’étais avec une autre collègue du Crédit Agricole. Nous avions monté une présentation
powerpoint expliquant ce que l’on voulait faire avec ce magasin éco-citoyen, et l’avons envoyé directement à
Pierre Deheunynck, Directeur des Ressources Humaines Groupe. Nous avons par la suite eu la chance d’être
rencontrées par plusieurs de ses collaborateurs directs à qui nous avons proposé ce projet qu’il avait soutenu
au départ. Ça ne s’est pas fait finalement pour diverses raisons, mais en tout cas je pense qu’il avait apprécié
la démarche initiée par les salariés. Il nous avait dit auparavant : « N’hésitez pas à solliciter vos dirigeants
directement quand vous avez des idées », et c’est ce message qui m’avait donné l’idée de tenter ce projet.
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Je me suis dit que si le projet devait passer à travers dix étapes, ça n’allait pas aboutir ; finalement, si même
un directeur général incite les salariés à le contacter directement, il fallait essayer. Je n’avais rien à perdre, la
pire chose qui pouvait arriver était que l’on me dise non ou que l’on ne me réponde pas, et je ne pensais pas
que cela puisse être vu négativement. »
Quels sont vos conseils pour les potentiels intrapreneurs au sein des entreprises ?
« La première chose à faire est de se poser deux questions : qu’est-ce que l’on a envie de faire et qu’est-ce
que l’on pourrait apporter à l’entreprise ; l’idée étant bien sûr de concilier ces deux thématiques pour proposer
un projet qui tient la route. On ne peut pas juste proposer quelque chose qui nous tient à cœur, il faut que
l’entreprise y trouve un vrai intérêt. Une fois que l’on a un projet bien ficelé, il ne faut surtout pas hésiter à aller
voir les managers et à le proposer assez haut, en allant trouver la personne qui est décisionnaire.
Quand on présente le projet, on est forcément sur un niveau de maturité assez bas puisque même si on a en
tête beaucoup de choses, rien n’est fait, donc on n’a encore rien à montrer. Par contre on peut s’inspirer de ce
qui est fait ailleurs, c’est un bon argument pour convaincre. Dans notre cas, quand nous avons proposé notre
projet, nous avions les grandes lignes du business plan mais ne l’avions pas encore finalisé, et c’est quelque
chose que l’on nous a demandé de faire. Il faut considérer que l’on est comme un entrepreneur qui va pitcher
devant des investisseurs. »
Encourager l’innovation
Benoit Bourdin
Corporate Venture Manager chez Crédit Agricole SA
Vous travaillez pour FIRECA. Quel est son rôle et comment soutenez-
vous l’innovation ?
Dans le cadre des investissements internes, FIRECA a par exemple contribué au lancement du CA Store,
initialement porté par la Direction de l’Innovation de la FNCA. Le fonds a également porté le lancement de
l’application Mon Budget et accompagne, par exemple aujourd’hui, le projet d’outil de télédétection satellitaire
en vue d’une assurance des fourrages pilotée par PACIFICA.
FIRECA intervient à chaque fois qu’il y a besoin d’accélérer le lancement d’une innovation. L’idée est de
débloquer rapidement une ligne budgétaire et de faciliter la décision du lancement de projet par les équipes
opérationnelles en portant le risque. En s’appuyant sur des compétences internes ou externes, le fonds est
également en mesure d’accompagner les porteurs de projet par de la mise en relation ou de l’audit de projet.
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C’est en cela que l’activité de FIRECA est en lien avec l’intrapreneuriat ; ces porteurs de projets d’innovation
en interne sont, selon moi, un type d’intrapreneur. Ils doivent avoir la capacité d’appréhender les concepts
technologiques, financiers et marketing pour conceptualiser l’offre, chercher des financements, convaincre les
instances du Groupe du potentiel de leur projet. En ce sens, ils sont vraiment comme n’importe quel
entrepreneur : porter le projet avec une énergie exceptionnelle, piloter, garder le cap, gérer l’incertitude et la
possibilité de l’échec. Néanmoins ils ont une qualité supplémentaire : celle de naviguer dans le cadre contraint
d’un grand Groupe comme le Crédit Agricole. Voilà la définition d’un intrapreneur : une personne qui a la
capacité d’entreprendre et en même temps de s’adapter aux contraintes d’un grand groupe. Les qualités
« intrapreneuriales » des collaborateurs en charge des projets financés par FIRECA préfigurent souvent du
succès des innovations et notamment de leur diffusion au sein du Groupe. »
« Le constat fait aujourd’hui par les grandes entreprises est que l’innovation ne peut être seulement générée
en interne. Avec le digital notamment, les entreprises de tous secteurs vivent une transformation radicale :
de nouveaux concurrents font leur apparition, les consommateurs changent leur façon de consommer…
Des opportunités apparaissent : il faut les saisir en innovant toujours plus vite ! C’est pourquoi les grands
groupes se tournent vers l’extérieur, en s’inscrivant dans des projets collaboratifs, en créant des partenariats
avec des laboratoires de recherche ou avec d’autres entreprises de secteur connexes et surtout en se
rapprochant de jeunes start-ups innovantes. C’est le concept d’open innovation. Les jeunes start-ups sont
capables d’aller sur des territoires sur lesquels les grandes entreprises trop contraintes ne peuvent aller.
L’industrie pharmaceutique a connu ce type de réaction lors de l’apparition des résultats prometteurs de la
biotechnologie. Désormais, le phénomène touche tous les secteurs d’activité.
Le CA village est un lieu qui incarne l’innovation du Groupe. Situé au 55, rue de la Boétie, en plein Paris, en
face des locaux de la Fédération Nationale du Crédit Agricole, c’est tout un bâtiment de 8 étages qui sera
dédié à l’open innovation. FIRECA finance le projet car l’idée est de mettre en place un écosystème fertile,
favorable à l’innovation. Seront réunies les différentes entités du Groupe autour des Caisses Régionales, une
centaine de start-ups accueillies au sein d’une pépinière et des entreprises partenaires, telles qu’Orange,
IBM, Bearing Point ou Microsoft …
L’ensemble du rez-de-chaussée sera dédié à un showroom des innovations. Avec une salle de conférence
associée, sa mission sera ainsi d’acculturer l’ensemble des collaborateurs à l’innovation et au digital.
En synergie avec ce showroom, la présence de start-ups permettra d’instiller un esprit entrepreneurial.
Les start-ups, de tous secteurs, pourront bénéficier de conditions idéales et d’un accompagnement sur
mesure pour accélérer leur développement. En retour, la proximité avec ses chefs d’entreprise a pour objectif
d’instiller l’esprit entrepreneurial à l’ensemble du Groupe.
Ce lieu est la tête de pont du dispositif, mais il y aura des résonnances partout en France, en régions, par
l’action des Caisses Régionales en lien avec les pôles de compétitivité et les autres acteurs de l’innovation et
du développement économiques.
Au final, le dispositif doit accélérer la génération d’idées innovantes, faciliter les collaborations, promouvoir
l’intrapreneuriat et ainsi participer aux missions de FIRECA. »
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L’innovation RH pour détecter les nouveaux modes de travail
Claire Bussac
Responsable Marketing et Innovation RH chez Crédit Agricole SA
Le deuxième rôle de l’innovation RH est un travail de sensibilisation et d’ouverture à l’extérieur, l’axe principal
étant l’impact du digital, avec une jeune génération qui est en attente de ce type d’usage quand elle arrive en
entreprise. Il est important d’anticiper la mutation des métiers sous l’impact du numérique en accompagnant
les collaborateurs concernés.
Enfin, ma responsabilité est aussi de défricher les nouvelles tendances. En matière d’innovation sociale,
l’intrapreneuriat est un sujet que nous cherchons à approfondir, afin de voir comment le mettre en place au
sein du Crédit Agricole SA. C’est une nouvelle manière d’appréhender l’entreprise. »
« Quand on se penche sur les sujets d’innovation, on entend souvent parler d’innovation participative, de
boites à idées dans les entreprises. Pour moi, il est important de donner la possibilité aux salariés de pousser
leurs idées jusqu’au bout et de les mettre en place. Cela m’a donc menée à m’intéresser à l’intrapreneuriat.
J’ai rencontré The Boson Project avec qui j’ai échangé sur les thématiques d’intrapreneuriat et de
génération Y. C’est alors que nous avons décidé d’écrire ce livre blanc ensemble. »
« L’intérêt de l’intrapreneuriat pour les collaborateurs est de les aider à faire émerger leur créativité, leur
redonner envie d’entreprendre et de « booster » un peu leur routine. L’intrapreneuriat permet aussi de les
responsabiliser et les impliquer davantage dans l’entreprise, en leur donnant la possibilité de mener leurs
idées jusqu’au bout et d’obtenir la satisfaction finale de voir leurs projets réalisés.
Pour l’entreprise, l’intrapreneuriat permet de se renouveler. Tous les projets ne marchent pas du premier
coup, il faut avoir beaucoup de bonnes idées pour arriver à une innovation qui fonctionne. Ainsi, pour
l’entreprise, c’est un terreau favorable pour être en avance sur son temps et pour avoir une force de
proposition plus grande. »
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Sources et sitographie
• Toward a reconciliation of the definitional issues in the field of corporate entrepreneurship, Sharma, P.,
Chrisman, J.J., Entrepreneurship: Theory & Practice 23, 11–27. 1999.
• « Les études sur l’intrapreneuriat : objets d’intérêt et voies de recherche », Daniel Champagne et Camille
Carrier, 7ème CIFPME, 2004
• « Ce qui compte vraiment : les 5 défis pour l’entreprise ». Gary Hamel, 2012, Eyrolles.
• « Comment favoriser l’innovation par la participation des salariés ? Une approche complémentaire de
l’intrapreneuriat », Bonnafous-Boucher, Redien-Collot et Teglborg, 3èmes Journées Georges Doriot,
2010.
• « Intrapreneuriat et organisations », Brahim Allali, sous la direction de Louis Jacques Filion, HEC Montréal,
2003.
• « Waking Up IBM : How a Gang of Unlikely Rebels Transformed Big Blue », Gary Hamel, Harvard
Business Review Magazine, July 2000
http://hbr.org/2000/07/waking-up-ibm-how-a-gang-of-unlikely-rebels-transformed-big-blue/ar/1
• « Intrapreneuriat social : nouvelle frontière de l’innovation sociale pour l’entreprise », étude réalisée par
Volonteer et Odyssem, 2012. http://www.volonteer.fr/etudes
• « L'intrapreneuriat permet de s'affirmer ! » entretien avec Virginie Fauvel, Head of E-Business chez BNP
Paribas, paperblog.fr, 2013
http://www.paperblog.fr/6210582/femme-digitale-l-intrapreneuriat-permet-de-s-affirmer/
• « Intrapreneuriat, une stratégie syndicale pour l’innovation dans les entreprises européennes »,
Eurocadres, 2010
http://www.eurocadres.org/IMG/pdf/Brochure_Intrapreneurship_FRversion_web_link-3.pdf
• « L’intrapreneuriat : une culture à stimuler en entreprise », Isabelle Marquis, Génération INC, 2012
http://www.generationinc.com/management/ressources-humaines/lintrapreneuriat-une-culture-a-stimuler-
en-entreprise
• « Les cinq conseils de Gary Hamel pour manager autrement », Les Echos, 2012
http://business.lesechos.fr/directions-ressources-humaines/management/les-cinq-conseils-de-gary-hamel-
pour-manager-autrement-2886.php
• http://www.maddyness.com/
• http://www.pinchot.com/
• http://www.groupeherve.com/organisation-participative/intra-entreprenariat
• http://www.anthemis.com/anthemis-pivotal-innovations-launch-api-labs-at-level39-2/
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« Quand le changement vient de l’intérieur, Voyage au centre de l’Intrapreneuriat : une nouvelle façon
de travailler dans les entreprises » est édité par le groupe Crédit Agricole.
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