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Jacky Garnier, de fil en aiguille ... /
Michel Thévoz
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La Part de l'Œil, N°1 : Arts plastiques et psychana lyse. © La Part de l'Œil, 1985
La Part de l'Œil, N°1 : Arts plastiques et psychana lyse. © La Part de l'Œil, 1985
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La Part de l'Œil, N°1 : Arts plastiques et psychana lyse. © La Part de l'Œil, 1985
L'autre scène, c'est bien cet entremonde auquel Carnier nous introduit,
rétablissant la continuité de la vie et de la mort. En se laissant vampiriser
par son interminable tapisserie, il a trouvé le moyen de s'affranchir de « sa
Majesté le Moi » et de faire advenir les entités disparates et fugitives sur le
refoulement desquelles le Moi instaure son pouvoir. Une conception
humaniste et hygiéniste de la création artistique veut que, à travers celle-ci,
l'auteur trouve sa propre identité. C'est évidemment tout le contraire qui
est vrai, du moins pour ce qui concerne les œuvres libertaires telle celle qui
nous occupe. Garnier a choisi la voie aventureuse du décentrement, de la
dissémination, de l'hémorragie de soi. Ce travelling ou ce « voyage »
insensé qu'il poursuit au fil de l'aiguille, c'est sa riposte au chantage à
l'identité et à la personnalité qui caractérise notre idéologie individualiste.
En s'exemptant de son Moi d'état civil, Garnier réintègre les règnes animal,
végétal et minéral dont une tradition cartésienne voudrait orgueillement
nous démarquer. Il retrouve surtout la faculté de nomadisme mental
propre aux enfants et que le dressage éducatif s'efforce de neutraliser. Or
cette dépropriation de soi n'eût pas été possible sans la mise en cause des
rituels de « communication» artistique qui ne font que renforcer les rôles
d'émetteur et de récepteur. Garnier prend authentiquement position de
medium contre un fallacieux système de media (parmi lesquels le musée)
qui ne fait qu'aggraver l'unilatéralité des ュ・ウ。ァセ@ セエ@ l'irréversibilité de leur
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La Part de l'Œil, N°1 : Arts plastiques et psychana lyse. © La Part de l'Œil, 1985
diffusion - qui usurpe par conséquent ce nom. Il fallait que fût désencadré
l'espace de l'art pour que s'opérât ce décentrement sur les intersections
vides du Moi et de l'Autre, du conscient et de l'insconscient, du réel et de
l'imaginaire, de l'actuel et du virtuel, intersections désormais peuplées par
la Tapisserie interrompue.
Michel Thévoz.
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