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LIAISON GENETIQUE ET CARTOGRAPHIE GENETIQUE

La cartographie génétique a pour but de positionner les gènes les uns par rapport aux autres le long
d'un chromosome.
Les chromosomes homologues s'apparient au cours de la prophase I de méiose, subissant alors des
remaniements, puis ils se séparent les uns des autres lors de l'anaphase I. On s'attend donc à ce que
les gènes proches les uns des autres sur un même chromosome soient transmis ensemble. Thomas
Hunt Morgan étudia la question en utilisant deux gènes du chromosome X de la drosophile. L'un
présentait une mutation responsable des yeux blancs (white), l'autre une mutation responsable de
l'atrophie des ailes (miniature). Morgan trouva que les allèles white et miniature présents sur
chaque chromosome X avaient tendance à être transmis ensemble à la descendance, un phénomène
appelé liaison. La liaison n'est toutefois pas complète. Certains gamètes produits présentent une
combinaison des allèles white et miniature différente de celle des chromosomes parentaux. Les
combinaisons nouvelles sont générées grâce aux échanges de segments d'ADN que les
chromosomes homologues peuvent réaliser lorsqu'ils sont appariés. Ce processus (crossing-over)
est responsable de la recombinaison des allèles entre chromosomes homologues. La probabilité
de recombinaison entre lieux gènes est utilisée comme mesure de la distance génétique séparant
ces deux gènes et permet la construction d'une carte génétique, c'est-à-dire la représentation
graphique d'un chromosome montrant les positions relatives de ses gènes. La disposition linéaire
des gènes le long d'une carte génétique est cohérente avec la conclusion que chaque gène occupe
une place bien définie, ou locus, sur un chromosome. Les allèles d'un même gène chez un
hétérozygote occupent alors les emplacements correspondant sur chaque chromosome homologue.

1. Les allèles liés ont tendance à rester ensemble lors de la méiose.

Afin d'aborder la liaison allélique, il est nécessaire de connaître les allèles portés par les
chromosomes parentaux. On utilisera pour cela le slash : « /». Les allèles portés par un chromosome
seront notés ensembles à gauche du « / », et les allèles portés par le chromosome homologue seront
notés à droite du slash. Au cours du croisement AA BB x aa bb par exemple, le génotype du double
hétérozygote sera noté AB/ab dans la descendance, car les allèles A et B ont été hérités d'un
chromosome parental, et les allèles a et b ont été hérités de l'autre chromosome parental. Dans un

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tel génotype, les allèles A et B sont dits en configuration couplée, ou cis. De la même manière, les
allèles a et b sont également couplés. Parmi les quatre types de combinaisons gamétiques possibles,
les types A B et a b sont appelés combinaisons parentales car les associations alléliques sont les
mêmes que sur les chromosomes parentaux, et les types Ab et aB sont dits recombinants (figure
3.1 A).

Figure 3.1

Une autre configuration possible pour les paires alléliques A, a et B, b est Ab/aB. On dit alors que
les allèles A et B sont en répulsion, ou en configuration trans. Les types de gamètes parentaux et
recombinants sont maintenant inversés (figure 3.1 B). Les types A b et a B sont des gamètes
parentaux alors que les types A B et a b sont recombinants.

Le degré de liaison se mesure par la fréquence de recombinaison.

Lors de ses premières expériences sur la drosophile, Morgan trouva, sur chacun des nombreux
gènes lies à l'X, des mutations lui fournissant un matériel idéal pour étudier la liaison. L'un de ces
gènes, présentant les allèles w+ et w, est responsable de la couleur habituellement rouge des yeux,
ou de leur apparence blanche, un autre de ces gènes, possédant les allèles m+ et m, détermine la
taille des ailes : normales ou miniatures. Le croisement initial est présenté sur la figure 3.2.
Il s'agissait d'un croisement entre des femelles aux yeux blancs et aux ailes normales et des mâles
aux yeux rouges et aux ailes miniatures :
𝑤𝑚+ 𝑤 +𝑚
♀♀ × ♂♂
𝑤𝑚+ 𝑦

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Dans cette manière d'écrire le génotype, la barre horizontale remplace le slash. Les allèles inscrits
au-dessus de la barre sont ceux porté par un chromosome, et ceux inscrits au-dessous sont ceux
portés par l'autre chromosome, l'homologue. Chez les femelles, les deux chromosomes X sont
porteurs de w et de m+. Chez les mâles, le X porte w+ et m. (Le Y situé sous la barre représente le
chromosome Y chez le mâle). La figure 3.2 utilise les symboles schématiques couramment
employés en génétique de la drosophile. Un allèle sauvage est noté par un + placé à côté ou à la
place du nom de l'allèle. Le symbole + utilisé seul n'est pas ambigu, puisque les gènes d'un même
chromosome sont toujours écrits dans le même ordre. Si on utilise la notation +,
𝑤+ 𝑤𝑚+ +𝑚 𝑤+𝑚
équivaut à 𝑤𝑚+ et équivaut à
𝑤+ 𝑦 𝑦

Figure 3.2

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Les femelles F1 issues du croisement 1 possèdent le génotype w+/+m (équivalent à wm+/w+m).
Dans ce génotype, les allèles w+ et m+ sont en répulsion. Lorsque ces femelles furent croisées avec
des mâles w m/Y, la descendance notée « descendance 1 » fut obtenue. Dans chaque classe de
descendants, le gamète venant du parent femelle est noté dans la colonne de gauche et le gamète
venant du parent mâle apporte soit w m soit un chromosome Y. Ce croisement est équivalent à un
croisement test (test-cross). Les phénotypes de chaque classe de descendants révèlent alors la
composition allélique du gamète maternel.

Les résultats du croisement 1 présentent un important écart aux proportions théoriques de 1:1:1:1
pour chaque phénotype mâle, attendues en cas d'indépendance. Si les gènes d'un même
chromosome ont tendance à être transmis ensemble sans toutefois être complètement liés, alors on
peut observer ce type de déviation. Dans ce cas, les associations des caractères phénotypiques des
parents du croisement initial (phénotypes parentaux) se retrouvent à 428/664 (66,5 %) chez les
mâles F2. Les associations qui n'étaient pas présentes chez les parents (phénotypes recombinants)
se retrouvent à 216/644 (33,5 %). Les 33,5 % de chromosomes X recombinants sont appelés
fréquence de recombinaison. Cette fréquence doit être comparée aux 50 % attendus en cas
d'indépendance des locus.
Les chromosomes X recombinants w+m+ et w m sont le produit des crossing-over de la méiose des
femelles F1. Dans cet exemple, la fréquence de recombinaison entre les gènes liés w et m est de
33,5 %. Avec d'autres couples de gènes liés, la fréquence de recombinaison peut aller de 0 à 50 %.
Les gènes portés par un même chromosome peuvent s'associer de manière indépendante (fréquence
de recombinaison égale à 50) s'ils sont suffisamment éloignés, ce qui implique le principe suivant
:
Les gènes ayant un taux de recombinaison inférieur à 50 % sont portés par le même chromosome
(gènes liés). Deux gènes s'associant de manière indépendante, indiquée par une fréquence de
recombinaison de 50 %, sont soit portés par deux chromosomes non-homologues, soit
suffisamment éloignés sur un même chromosome.

La fréquence de recombinaison est la même pour les hétérozygotes en couplage ou en répulsion.


La recombinaison entre gènes liés se produit à la même fréquence, que les allèles soient en
répulsion (trans) ou en couplage (cis). Elle reste la même quel que soit l'arrangement des allèles.

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La fréquence de recombinaison varie d'un couple de gènes à l'autre.
• Le taux de recombînaison est une caractéristique d'un couple de gène.
• Le taux de recombinaison est le même chez les hétérozygotes en cis (couplage) et en trans
(répulsion).

Les mâles de drosophile ne recombinent pas.


Les expériences en génétique réalisées sur la drosophile ont indiqué que cet organisme a la
particularité de ne pas présenter de recombinaison chez les mâles. Bien que l'on ne sache pas
comment (ou pourquoi) les crossing-over sont inhibés. L'absence de recombinaison provoque une
liaison complète de tous les allèles portés par un même chromosome chez les mâles.

L'absence de crossing-over chez les mâles Drosophila est atypique. Chez la plupart des autres
animaux et plantes, la recombinaison a lieu chez les deux sexes, bien qu'à des fréquences qui
peuvent être différentes.

2. La recombinaison est le résultat des crossing-over entre allèles liés.

La liaison entre des gènes sur un chromosome peut-être représentée sous forme de carte génétique.
On place alors linéairement les gènes dans l'ordre sur le chromosome, en les séparant d'une distance
proportionnelle à leur fréquence de recombinaison. Une carte génétique est également appelée
carte de liaison ou carte chromosomique. Ce concept de carte génétique a tout d'abord été
développé en 1913 par Alfred H. Sturtevant, un élève de Morgan. Les premiers généticiens
comprirent que la recombinaison entre gênes se fait par échange de segments entre chromosomes
homologues, un mécanisme aujourd’hui appelé crossing-over. Chaque crossing-over se matérialise
physiquement par un chiasma, un chevauchement croisé, entre chromosomes homologues. Les
chiasma se produisent lors de la prophase I de méiose. Chaque chiasma provoque l'ouverture et le
réappariement de chaque chromatide, avec pour résultat l'échange entre elles du segment
correspondant. La théorie des crossing-over veut que chaque chiasma produise une nouvelle
association des marqueurs génétiques. Lorsqu'il n'y a pas de crossing-over, les allèles présents sur

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chaque chromosome conservent la même combinaison. Lorsqu'un crossing-over se produit, les
allèles externes des deux chromatides sont "interchangés" (recombinés).

L'unité de distance en cartographie génétique est appelée unité cartographique. Une unité
cartographique correspond à 1 % de recombinaison. Par exemple, on dit de deux gènes recombinant
à une fréquence de 3,1 % qu'ils sont distants de 3,1 unités de cartographie. Une unité cartographique
est aussi appelée un centimorgan (abrégé cM) en l'honneur de T.H. Morgan.
Exemple : Une distance de 3,1 unités cartographiques correspond à 3,1 centimorgans, et donc à un
taux de recombinaison de 3,1 % entre les gènes.
Sur 1 000 descendants, 31 sont des recombinants. En se basant sur cette estimation, on peut
exprimer la distance génétique entre w et dm de quatre manières strictement équivalentes :
• comme une fréquence de recombinaison (dans ce cas 0,035);
• comme un pourcentage de recombinaison, soit 3,5 %;
• comme une distance cartographique (3,5 unités cartographiques dans cet exemple);
• comme une distance en centimorgan, soit 3,5 centimorgans (3,5 cM).
Le chromosome est représenté par une ligne horizontale. À chaque gène est assignée une position
sur cette ligne qui dépend de sa distance génétique avec l'autre gène. Il n'y a dans cet exemple que
deux gènes, w et dm, séparé par une distance de 3,l centimorgans (3,l cM). Les cartes génétiques
sont le plus souvent réduites aux gènes d'intérêt.

Physiquement, une unité cartographique correspond à une longueur de chromosome sur laquelle,
en moyenne, un crossing-over a lieu toutes les 50 cellules entrant en méiose. Ce principe est illustré
par la figure 4.6. Si une cellule méiotique sur 50 présente un crossing-over, la fréquence de
crossing-over est de 1/50, soit 2 %. La fréquence de recombinaison entre les gènes est donc de 1
%. L'équivalence entre 2 % de crossing-over et 1 % de recombinaison peut être source d'une légère
confusion si on n'oublie que d'un crossing-over résultent deux chromatides recombinantes et deux
chromatides non-recombinantes (figure 3.3). Une fréquence de crossing-over de 2 % signifie que
des 200 chromosomes résultants de la méiose de 50 cellules, exactement 2 chromosomes (ceux
impliqués dans le crossing-over) sont recombinants pour les marqueurs génétiques enjambants ce
segment particulier du chromosome. Autrement dit, 2 % de crossing-over correspondent à 1 % de

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recombinaison car dans chaque cellule où se produit un crossing-over la moitié seulement des
chromatides sont recombinantes.

Figure 3.3

Dans le cas où des marqueurs génétiques sont présents le long du chromosome, comme les paires
d'allèles A, a et B. b de la figure 3.3, la recombinaison entre les gènes marqueurs n'a lieu que
lorsqu’un crossing-over se produit entre les gènes. La figure 3.4 illustre un cas où la recombinaison
se produit entre le gène A et le centromère plutôt qu'entre les gènes A et B. Le crossing-over a bien
pour conséquence l'échange physique d'un segment interne des chromatides. Mais, étant situé en
dehors de la région comprise entre A et B, tous les gamètes produits portent les combinaisons
alléliques AB ou ab. Il s'agit de chromosomes non-recombinants. La présence du crossing-over
n'est pas détectée car il n'a pas lieu dans la région comprise entre les deux marqueurs génétiques.

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Figure 3.4

Dans certains cas, la région comprise entre les deux marqueurs génétiques est suffisamment large
pour que deux (ou même davantage) crossing-over puissent se produire au sein d'une même cellule
méiotique. Une configuration possible pour un double crossing-over est donnée sur la figure 4.8.
Dans cet exemple, les crossing-over ont lieu tous deux sur la même paire de chromatides. Le
résultat est l'échange physique d'un fragment de chromosome situé entre les deux marqueurs, mais
le double crossing-over reste indétecté car les marqueurs eux-mêmes ne sont pas recombinés.
L'absence de recombinaison est due au fait que le second crossing-over annule l'effet du premier,
dans la mesure où la recombinaison entre A et B est concernée. Les chromosomes obtenus sont soit
AB soit ab, les deux étant non-recombinants.
Les doubles crossing-over entre deux gènes pouvant passer inaperçus (lorsque les chromosomes
produits ne sont pas recombinants), il existe une distinction importante entre la distance séparant
deux gènes évaluée par la fréquence de recombinaison et celle évaluée par unités cartographiques
:

• La distance cartographique entre deux gènes est égale à la moitié du nombre moyen de crossing-
over se produisant dans la région, par cellule méiotique. C'est une mesure des
crossing-over.

• La fréquence de recombinaison entre deux gènes indique le nombre de recombinaison


effectivement observé au cours d'une expérience particulière. C'est une mesure de la
recombinaison.

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La différence entre distance cartographique et fréquence de recombinaison est due aux doubles
crossing-over ne produisant pas de gamètes recombinants, comme dans le cas décrit figure 3.5.

Figure 3.5

Ils sont comptabilisés dans la distance cartographique mais ne contribuent pas à la fréquence de
recombinaison. Cette distinction n'est importante que lorsque la région est assez large pour que des
doubles crossing-over puissent avoir lieu. Si la zone entre les gènes est suffisamment restreinte
pour que seul un unique crossing-over puisse s'y produire par méiose, alors unités cartographiques
et fréquence de recombinaison sont identiques (puisqu'aucun crossing-over multiple ne viendra
annuler l'effet d'un précédant). C'est le pré-requis pour considérer qu'une unité de cartographie est
égale à 1 % de recombinaison :
Au sein d'un intervalle assez petit pour que les crossing-over multiples soient exclus (généralement
pas plus de 10 % de recombinai son), la distance cartographique est égale à la fréquence de
recombinaison car tous les crossing-over produisent des gamètes recombinants.

En outre, lorsque la région chromosomique séparant des gènes liés est si petite que des crossing-
over multiples ne peuvent se produire, les fréquences de recombinaison (et donc les distances
cartographiques) entre les gènes sont additives.

Cette propriété importante de la recombinaison, tout comme la logique utilisée en cartographie


génétique, est illustrée par l'exemple de la figure 3.6. Les gènes sont situés sur le chromosome X
de Drosophila : y pour le corps jaune, rb pour les yeux vermillon, et cv pour les nervures alaires

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croisées réduites. La fréquence de recombinaison mesurée expérimentalement entre les gènes y et
rb est de 7,5 %. Celle entre rb et cv est de 6,2 %. La carte génétique dépend du gène placé au milieu
(y, cv ou rb) et peut être n'importe laquelle des trois possibilités. La carte C, qui place y au milieu,
peut être exclue car elle suppose que la fréquence de recombinaison entre rb et cv soit plus grande
que celle entre rb et y, ce qui est en contradiction avec les données observée. Autrement dit, la carte
C peut être exclue car elle suppose une distance négative entre y et cv.

Figure 3.6

Les cartes A et B sont toutes deux cohérentes avec les fréquences de recombinaison observées.
Elles diffèrent dans leur prédiction de la fréquence de recombinaison entre y et cv. D'après le
principe d'additivité des distances cartographiques, la distance entre y et cv prévue par la carte A
est de 13,7 unités cartographiques, alors que la distance y-cv prévue par la carte B est de 1,3 unité
cartographique. En fait, la fréquence de recombinaison observée entre y et cv est de 13,7 %. La
carte A est donc correcte. Cependant, il existe en réalité deux cartes génétiques correspondant à la
carte A. Elles diffèrent uniquement par la position de y, à droite ou à gauche. L'une des cartes est
y-rb-cv. C'est celle représentée sur la figure 3.6 ; l'autre est cv-rb-y. Les deux manières de
représenter la carte génétique sont strictement équivalentes, car il n'existe pas moyen de savoir à
partir des données de recombinaison quel est de y ou de cv le plus proche du telomère. (D'autres
données indiquent qu'en fait y est le plus proche du télomère.)

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Une carte génétique peut être étendue grâce à ce type de raisonnement afin d'inclure tous les gènes
connus du chromosome. Ces gènes constituent un groupe de liaison. Le nombre de groupes de
liaison est le même que le nombre de chromosomes haploïdes de l'espèce. Le maïs (Zea mays)
par exemple possède dix paires de chromosomes et donc dix groupes de liaison.

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