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LEXIQUE

médecine/sciences 1998 ; 14 : 1108-12

SFG
Complémentation

a complémentation peut être types de noyaux et, dans un tel mycé- ait confrontation des allèles, il faut

L définie comme la résultante phé-


notypique sauvage de la confron-
tation de deux mutations récessives.
lium, il y a donc confrontation des
deux mutations. Ces auteurs ont ainsi
pu montrer que les mutations nic-1 et
que ces deux génomes s’expriment à
un même moment dans la même cel-
lule hôte. Cela peut être obtenu en
Deux mutations peuvent conduire au nic-2, toutes deux liées au sexe, mélangeant deux types de particules
même phénotype sans pour autant conduisent à un hétérocaryon de type phagiques au cours de l’infection.
affecter le même gène. Par exemple, sauvage. La complémentation ainsi Ainsi, Benzer a pu montrer, par des
dans une chaîne de biosynthèse observée dans des hétérocaryons, dans expériences de co-infection d’une
métabolique conduisant à la synthèse lesquels chacune des deux mutations souche K-12S d’Escherichia coli avec
du produit P à partir d’un substrat S est portée par un noyau différent, des mutants rII du phage T4 qui altè-
grâce à une succession de trois réac- exclut toute possibilité de recombinai- rent la production de particules pha-
tions enzymatiques catalysées par les son mitotique et suggère que les pro- giques, que la co-infection avec cer-
enzymes X, Y, Z, des mutations inac- duits des gènes concernés soient diffu- taines combinaisons de mutants peut
tivant les produits des gènes X, Y ou sibles dans la cellule. restaurer la production de particules
Z conduiront à l’absence de synthèse La complémentation peut aussi être phagiques. Les mutants rII ont été
du produit P et donc à la nécessité étudiée chez des organismes plus classés par ce test de co-infection en
pour la cellule de se le procurer dans complexes grâce à la reproduction deux groupes appelés A et B. Ces seg-
le milieu (auxotrophie). sexuée, par exemple chez la droso- ments fonctionnellement séparables
Ces mutations seront phénotypique- phile ou chez la souris. Dans ce cas, définissent donc des unités de fonc-
ment indiscernables. Le problème, chaque parent apporte un allèle, et tion qui ont été appelées cistrons.
pour le généticien, consistera donc à la confrontation phénotypique L’étude de la complémentation de
déterminer combien de fonctions dif- s’effectue dans la descendance mutations conduisant à un même
férentes, lorsqu’elles sont altérées, diploïde. L’un des tout premiers tests phénotype permettra de savoir si ces
peuvent conduire au phénotype de complémentation a été effectué mutations appartiennent à une
mutant. Il faut donc pour cela définir en 1949 par Green et Green [2] sur même « unité de complémentation »
des unités fonctionnelles. Le test de des mutants du locus lozenge de dro- ou cistron. Cette étude est appelée
complémentation permet la confron- sophile. Ces mutations affectent test de complémentation ou test
tation de deux allèles sans qu’il y ait l’aspect de l’œil de la drosophile et fonctionnel d’allélisme.
échange de matériel génétique. Ce sont donc facilement observables
test ne donne aucune information dans la descendance. Ces auteurs ont Le test de complémentation
sur la liaison génétique des muta- étudié trois mutations du locus
tions étudiées et est donc totalement lozenge. Ces mutations sont suffisa- Le principe de ce test est de confron-
différent du test de recombinaison ment distantes entre elles pour que ter en configuration trans (parfois
qui permet d’évaluer la liaison géné- des crossing-over soient obtenus avec aussi en configuration cis) dans un
tique entre deux mutations. une faible fréquence. Ces études ont même organisme, deux mutations
permis de montrer pour la première conduisant à un même phénotype.
Bref historique : de la confrontation fois que le phénotype (aspect de Ces mutations doivent être récessives
de deux mutations à la notion l’œil) résultant de la confrontation et leur fréquence de réversion ne
de cistron de ces mutations est différent selon doit pas être trop élevée. On dira
que les deux mutations sont portées, qu’il y a complémentation si la
La confrontation de deux mutations par le même chromosome (configu- confrontation conduit au rétablisse-
dans un même organisme peut s’effec- ration cis) ou par chacun des homo- ment du phénotype sauvage et non-
tuer à l’aide des cycles biologiques logues (configuration trans). complémentation dans le cas
naturels ou bien, lorsque cela n’est pas Seymour Benzer en 1955 [3] a, le contraire.
possible, grâce à différentes astuces premier, utilisé le test de complé- Les résultats du test sont interprétés
développées par les expérimentateurs. mentation (figure 1) pour définir de de la façon suivante. L’observation
Par exemple, dès 1944, Beadle et façon systématique des unités de d’une non-complémentation en trans
Coonradt [1] utilisèrent la possibilité fonction dans le génome du bactério- mais d’une complémentation en cis
d’obtenir la fusion végétative de deux phage T4. Dans cet organisme, (figure 1A) indique que les deux
souches mutantes de Neurospora crassa. chaque génome mutant est encap- mutations touchent le même cistron
Le mycélium résultant porte les deux sidé indépendamment. Pour qu’il y et suggère qu’elles affectent le même
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de multimères. Si les deux mutations
A Trans Cis affectent des régions différentes du
polypeptide, la région non mutée dans
NF NF
une des chaînes corrigerait la région
mutée de l’autre et le multimère pour-
rait se former. Plus récemment, il a été
NF F montré que, pour l’alcool déshydrogé-
nase de maïs [7], c’est la stabilité du
– +

U
multimère (plus que son assemblage)
qui pourrait être affectée dans chacun
B des mutants et qui serait rétablie lors
de la complémentation interallélique.
NF F NF NF Ces hypothèses selon laquelle les
mutations « complémentantes » affec-
F NF F F teraient l’assemblage ou la stabilité du
multimère sont en parfait accord avec
+ + les résultats de Hawthorne et Friis [8]
montrant que le phénotype de ce type
Figure 1. Représentation de l’interprétation du test de complémentation. Les de mutations peut généralement être

Q
mutations confrontées sont symbolisées par un cercle et par un rectangle. modulé par une variation de la pres-
Les traits horizontaux figurent les gènes (en plein ou en pointillé selon le sion osmotique ou un changement de
parent d’origine). F et NF signifient respectivement fonctionnel et non fonc- la température de culture. Une repré-
tionnel. Les configurations en cis ou en trans sont présentées respectivement sentation schématique de la complé-
dans les colonnes de droite et de gauche. Les signes – et + se rapportent au mentation interallélique est présentée
résultat du test de complémentation (– signifiant non-complémentation et + dans la figure 2. Les lecteurs qui sou-
complémentation). A. Les mutations sont portées par un même gène. B. Les haiteraient approfondir leur réflexion
mutations sont portées par deux gènes différents. sont invités à lire l’intéressante revue
de Fincham [9] sur ce sujet.
Outre ces cas « classiques » de com-

I
gène. La complémentation, à la fois locus ad-4 conduit à une restauration plémentation interallélique, citons le
en trans et en cis, indique que les de la prototrophie pour l’adénine. phénomène de transvection qui a été
mutations touchent deux cistrons dif- Cependant, cette complémentation observé principalement chez la droso-
férents et donc vraisemblablement interallélique conduit à une activité phile mais pourrait également exister
deux gènes différents (figure 1B). La adénylosuccinate lyase ne dépassant chez les mammifères (pour revue voir
correspondance entre gène et cistron pas 25 % de celle observée dans une [10, 11]). Chez la drosophile, des
sera discutée plus loin. souche sauvage, mais cette activité est mutations qui affectent en cis
Bien que cette interprétation des suffisante pour restaurer la prototro- l’expression d’un gène peuvent être
résultats du test de complémentation phie pour l’adénine. En consé- compensées par l’apport d’une

X
s’avère exacte dans la plupart des cas, quence, la complémentation interal- séquence stimulatrice (ou enhancer)
elle est parfois fausse. Quelques lélique peut apparaître complète ou en trans à condition qu’il puisse y
exemples sont décrits ci-dessous. incomplète selon le phénotype qui avoir appariement des chromosomes
est observé. Par la suite, Woodward homologues. Le modèle moléculaire
La complémentation interallélique [5] a montré que le fait de mélanger proposé pour expliquer ce phéno-
(ou complémentation allélique) in vitro des extraits de mycélium de mène est que l’activateur de trans-
mutants complémentants de N. crassa cription pourrait se fixer sur la copie
Il s’agit d’un phénomène qui a été permettait de restaurer l’activité intacte de la séquence stimulatrice et
observé chez de nombreux orga- enzymatique, suggérant que les pro- activer l’unité de transcription non
nismes et qui conduit à la complé- duits des gènes mutés pouvaient mutée portée par l’homologue appa- E
mentation en trans de mutations très interagir in vitro et conduire à une rié (figure 3).
liées et affectant la même activité « complémentation enzymatique ». Le test de complémentation étant un
enzymatique. La complémentation interallélique est test phénotypique, son interprétation
Un des premiers exemples décrits généralement interprétée comme le correcte dépend du fait que le phéno-
[4] concerne l’adénylosuccinate résultat d’une interaction entre sous- type observé est étroitement lié à la
lyase, une enzyme de la voie de bio- unités protéiques (le cas le plus simple mutation étudiée. Cette remarque
synthèse des purines chez Neurospora étant l’homo-multimère). Une théorie peut paraître triviale mais a été parfai-
crassa. Les mutants affectés pour de la complémentation interallélique tement illustrée par l’exemple récent
cette activité enzymatique sont inca- a été proposée par Crick et Orgel [6] d’une maladie humaine d’origine
pables de croître en absence d’adé- soutenant l’hypothèse selon laquelle génétique. Cette maladie autoso-
L

nine dans le milieu. La confrontation les mutations affectent la structure du mique récessive, l’ataxie télangiecta-
de certains mutants de N. crassa au polypeptide empêchant la formation sie, est héritée de façon monogé-
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lorsque deux mutations non liées
génétiquement (et donc vraisembla-
blement dans des gènes différents)
ne complémentent pas.
Le phénomène de non-complémen-
tation non allélique est générale-
Génotype Sauvage Mutant 1 Mutant 2 Mutant 1 + 2 ment interprété comme l’indication
d’une interaction physique entre les
produits des gènes mutés. Un des
Phénotype + – – +* cas les mieux documentés concerne
les gènes de tubuline chez la levure,
Figure 2. Visualisation schématique d’un cas de complémentation interallé- les gènes TUB1 et TUB3 codent pour
lique dans un gène codant pour une enzyme active sous forme homodimé- l’α-tubuline, tandis que le gène
rique. Dans cette représentation deux régions d’interaction sont nécessaires TUB2 code pour la β-tubuline.
à l’assemblage de l’enzyme fonctionnelle. Quatre combinaisons génoty- Stearns et Botstein [15] ont mis en
piques sont représentées : homozygote sauvage, homozygote mutant 1, évidence des cas de non-complé-
homozygote mutant 2 et hétérozygote mutant 1/mutant 2. Le phénotype mentation entre certains allèles de
observé pour chaque génotype est indiqué sous le génotype : « + » signifie un TUB1 et TUB2 et ont proposé deux
phénotype sauvage, « – » un phénotype mutant et « +* » indique un phéno- modèles pour rendre compte de la
type qualitativement sauvage mais quantitativement intermédiaire entre sau- non-complémentation (figure 4). On
vage et mutant.
sait que des hétérodimères d’ α- et
β-tubuline servent à la formation des
microtubules. Si chacune des muta-
nique. Les patients atteints d’ataxie, différents groupes de complémenta- tions conduit à un hétérodimère
qui présentent une hypersensibilité tion portaient exactement la même non fonctionnel, dans chacun des
aux radiations ionisantes, avaient été mutation. Dans ce cas, l’interpréta- simples hétérozygotes il y aura 50 %
placés dans quatre groupes de com- tion est la suivante : le phénotype uti- d’hétérodimères fonctionnels tandis
plémentation sur la base d’un test lisé pour l’établissement des groupes que dans le double hétérozygote il
dans lequel les cellules des patients de complémentation n’est pas une n’y en aura statistiquement que
étaient fusionnées entre elles. Les conséquence directe de la mutation 25 % (figure 4A). Dans ce modèle,
hybrides ainsi obtenus étaient testés et l’expression de ce phénotype c’est la quantité d’hétérodimère qui
pour leur sensibilité aux radiations dépend du contexte génétique de deviendrait limitante. Un autre cas
ionisantes. La complémentation était chaque patient [13, 14]. Ce type de de figure (parfois appelé complexe
considérée comme réalisée pour les « fausse complémentation » ne devrait poison) consiste à penser que la
hybrides ayant recouvré une sensibi- donc pas être observable dans un combinaison des deux mutations
lité normale aux radiations. Le clo- contexte isogénique. conduirait à un hétérodimère qui en
nage du gène ATM [13] a révélé que plus d’être non fonctionnel serait
les patients des quatre groupes de Non complémentation délétère pour la cellule, par
complémentation portaient des muta- entre mutations non liées exemple dans le cas de la tubuline
tions dans ce gène. La principale sur- (ou non complémentation en bloquant l’assemblage des micro-
prise est venue du fait que, dans cer- non allélique) tubules (figure 4B). Dans ce cas, il
tains cas au moins, il ne pouvait pas serait intéressant de connaître le
s’agir de complémentation intragé- On dit qu’il y a non-complémenta- résultat du test de complémentation
nique puisque des patients affectés à tion entre mutations non liées en cis (qui n’est généralement pas
effectué), En effet, contrairement
au résultat « classique » du test de
complémentation et quel que soit le
modèle envisagé, on s’attendrait à
retrouver le phénotype mutant si les
deux mutations sont apportées dans
une configuration en cis.
Dans la première hypothèse la non-
complémentation pourrait être non
spécifique de l’allèle, tandis que le
Élément Unité de deuxième modèle prédirait une spé-
régulateur transcription cificité d’allèle. Qu’en est-il ? En fait,
les deux cas modèles sont observés.
Figure 3. Modèle moléculaire de transvection. Les deux allèles capables de Par exemple, les cas de non complé-
complémentation sont représentés par des croix, l’un est dans l’élément mentation entre TUB1 et TUB2 évo-
régulateur et l’autre dans l’unité de transcription. (Adapté de [12].) qués ci-dessus sont spécifiques
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verse (voir lexique : « Le gène, un
A • Hypothèse de dosage conduisant à une limitation concept flou », à paraître dans un pro-
en hétérodimères fonctionnels chain numéro). On peut donc discu-
ter de la validité du test de complé-
tub1 TUB2
α α α α mentation pour définir l’unité
= 1/2 hétérodimères sauvages génique (unité d’information) selon
TUB1 TUB2 β β β β que l’on se place d’un point de vue
structural ou fonctionnel.

U
Nous avons vu que l’interprétation
α α α α des résultats du test de complémen-
TUB1 TUB2 tation souffre de multiples excep-
= 1/2 hétérodimères sauvages
TUB1 tub2 β β β β tions qui ont permis de montrer que
la notion « un gène/une enzyme »
n’est pas suffisante pour définir le
gène. Le test de complémentation
tub1 TUB2
α α α α définit des cistrons qui sont des uni-
TUB1 tub2
= 1/4 hétérodimères sauvages tés fonctionnelles et qui souvent
β β β β révèlent le caractère modulaire des
protéines : un polypeptide pouvant

Q
porter plusieurs domaines fonction-
B • Hypothèse de l'hétérodimère toxique nels et une fonction pouvant requé-
rir plusieurs polypeptides. Par
exemple, la complémentation inter-
α α α α
tub1 TUB2 allélique révèle des peptides à plu-
= hétérodimère toxique
TUB1 tub2 β β β β sieurs domaines, voire portant plus
d’une activité enzymatique (c’est le
cas par exemple du gène ADE5,7
chez Saccharomyces cerevisiae qui code
Figure 4. Modèles susceptibles de rendre compte du phénomène de non pour un polypeptide portant deux

I
complémentation entre mutations non liées. (Adapté de Stearns et Botstein.)
activités enzymatiques nécessaires à
la biosynthèse des purines). Dans ce
cas, le test de complémentation
révèle la complémentation des muta-
d’allèles [15]. Le fait que la non-com- complémentation sont en désaccord tions affectant une activité par les
plémentation puisse être observée avec la complémentation obtenue mutations affectant l’autre. Le phé-
avec certains mutants mais pas avec lors d’une fusion de cellules. Ces nomène de non-complémentation
d’autres (au moins aussi sévérement auteurs interprètent ces résultats en entre mutations non liées révèle que
affectés phénotypiquement) suggère suggérant que les complexes plusieurs gènes sont parfois néces-

X
que la non-complémentation ne « simple mutant » seraient instables saires à une activité enzymatique,
résulte pas uniquement de l’additi- et rapidement dégradés, ou bien soit, comme c’est le cas pour TUB1 et
vité phénotypique des deux muta- qu’ils ne pourraient pas se dissocier TUB2, parce que les produits de ces
tions et que ce phénomène ne se pour reformer in vitro le complexe gènes interviennent dans la forma-
réduit pas à l’équation « malade + sauvage. tion d’hétérodimères, soit, comme
malade = mort ». c’est le cas pour TUB1 et TUB3,
Par ailleurs, Stearns et Botstein [15] Complémentation et notion de gène parce que les deux gènes spécifient
ont montré qu’il pouvait exister des le même produit. Les cas de trans-
cas de non-complémentation non Historiquement, les expériences de vection remettent en question la
spécifique d’allèle entre TUB1 et complémentation ont considérable- notion de cis et trans dans la mesure E
TUB3. Plus récemment, un autre cas ment modifié notre approche de la où deux allèles portés par des homo-
de non-complémentation non spéci- notion de gène, remettant en cause logues différents peuvent être à cer-
fique d’allèle a été décrit dans le gène en tant qu’unité de muta- tains stades de la vie cellulaire
l’assemblage de la protéine majeure tion et la relation « un gène/une capables d’interagir physiquement.
du spermatozoïde de Caenorhabditis enzyme » proposée par Beadle et Ce phénomène souligne combien il
elegans [16]. Tatum. Les résultats du test de com- est important de considérer les
Le phénomène de non-complémen- plémentation devraient en théorie séquences régulatrices en cis dans la
tation entre mutations non liées a permettre de déterminer si deux définition de l’unité génique et nous
également été observé in vitro dans mutations sont dans un même gène rappelle que les gènes, si on veut les
le cas du complexe de réparation ou non. La situation est beaucoup définir de façon stricte, ne sont pas
L

par excision de nucléotides chez le plus complexe et la définition du dissociables des unités structurales
hamster [17]. Ces résultats de non- gène est toujours un sujet de contro- qui les portent : les chromosomes.
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Extension de la notion dans la cellule hôte et cette surex- RÉFÉRENCES
de complémentation pression peut affecter sa localisation
et abus de langage intracellulaire ou compenser une 1. Beadle GW, Coonradt VL. Heterocaryosis in
Neurospora crassa. Genetics 1944; 29: 291-308.
faible affinité pour le substrat. La
2. Green MM, Green KC. Crossing-over bet-
Le terme complémentation est fré- limite entre complémentation fonc- ween alleles at the lozenge locus in Droso-
quemment employé dans une accep- tionnelle et suppression phénoty- phila melanogaster. Proc Natl Acad Sci USA
tion plus large. On entend souvent pique par surexpression est donc 1949 ; 35 : 586-91.
parler de complémentation pour par- ténue. En résumé, si l’on considère 3. Benzer S. Fine structure of a genetic
ler de la restauration d’un phénotype la fonction du produit d’un gène region in bacteriophage. Proc Natl Acad Sci
USA 1955 ; 41 : 344-54.
sauvage dans une souche mutante comme sa « fonction biochimique » 4. Giles NH, Partridge CWH, Nelson NJ.
par introduction d’une copie de (kinase, activateur de transcrip- The genetic control of adenylosuccinase in
l’allèle sauvage porté par un vecteur. tion...), on peut parler de complé- Neurospora crassa. Proc Natl Acad Sci USA
Si le gène est exprimé sous contrôle mentation fonctionnelle. En 1957 ; 43 : 305-17.
de son propre promoteur et est pré- revanche, le terme de suppression 5. Woodward DO. Enzyme complementa-
tion in vitro between adenylosuccinaseless
sent à une seule copie par cellule, il y phénotypique est préférable si l’on mutants of Neurospora crassa. Proc Natl Acad
a effectivement complémentation considère la fonction du produit du Sci USA 1959 ; 45 : 846-50.
fonctionnelle dans le sens où l’on gène plus largement comme sa 6. Crick FHC, Orgel LE. The theory of
confronte un génome muté et un « fonction biologique ». Celle-ci peut inter-allelic complementation. J Mol Biol
1964 ; 8 : 161-5.
génome partiel (qui en fait ne en effet être très différente d’une cel-
contient que le gène porté par l’épi- lule à l’autre même si la fonction bio- 7. Schwartz D. The molecular basis for allelic
complementation of alcool dehydrogenase
some). Il y a alors confrontation chimique est interchangeable. mutants of maize. Genetics 1975 ; 79 : 207-12.
entre un génome muté dans un gène Lorsque le gène surexprimé spécifie 8. Hawthorne DC, Friis J. Osmotic-remedial
et un génome auquel il manque tous un produit de « fonction biochimique» mutants. A new classification for nutritional
les gènes sauf un (porté par l’épi- différente de celle du gène muté, il est mutants in yeast. Genetics 1964 ; 50 : 829-39.
some). On ne peut cependant pas abusif de parler de complémentation 9. Fincham JRS. Allelic complementation
reconsidered. Carlsberg Res Commun 1977 ;
parler de test de complémentation fonctionnelle puisque la surexpression 42 : 421-30.
dans la mesure où ces deux génomes permet juste de restaurer un phéno- 10. Tartof KD, Henikoff S. Trans-sensing
mutés ne conduisent pas à un même type sauvage en contournant l’effet de effects from drosophila to humans. Cell
phénotype. Si le gène « candidat la mutation d’origine, il s’agit là de 1991; 65 : 201-3.
complémentant » est exprimé sous suppression phénotypique [18] ■ 11. Wu CT. Transvection, nuclear structure,
and chromatin proteins. J Cell Biol 1993 ;
contrôle d’un promoteur fort ou est 120 : 587-90.
porté par un vecteur présent en plu- Bertrand Daignan-Fornier 12. Pirrotta V. Transvection and long-dis-
sieurs copies dans la cellule, la quan- tance gene regulation. BioEssays 1990 ; 12 :
tité de produit apportée ne corres- Responsable du Laboratoire de génétique 409-14.
pond plus à celle spécifiée des réseaux métaboliques, Cnrs UPR 13. Savitsky K, Bar-Shira A, Gilad S, Rotman
normalement par le génome. La sup- G, et al. A single telangiectasia gene with a
9026, IBCG, 1, rue Camille-Saint-Saëns, product similar to PI-3 kinase. Science 1995 ;
pression du phénotype n’est alors pas 33077 Bordeaux Cedex, France. 268 : 1749-53.
nécessairement due à une complé- 14. Buchwald M. Complementation groups:
mentation fonctionnelle [18]. En one or more per gene ? Nat Genet 1995 ; 11 :
conséquence, il faut d’abord s’assu- Remerciements 228-30.
rer que le gène « candidat complé- 15. Stearns T, Botstein D. Unlinked non-
L’auteur remercie vivement les Prs J.L. Rossi- complementation : isolation of new condi-
mentant » correspond bien à la fonc- tional-lethal mutations in each of the tubu-
gnol, F. Lacroute et M. Fellous de lui avoir fait
tion mutée avant de parler de partager leurs réflexions sur la notion de com- lin genes of Saccharomyces cerevisiae. Genetics
complémentation. plémentation et d’avoir, par leurs suggestions 1988 ; 119 : 249-60.
La notion de complémentation fonc- enrichissantes, activement contribué à l’élabo- 16. Varkey JP, Jansma PL, Minniti AN, Ward
tionnelle est même souvent étendue ration du manuscrit. S. The Caenorhabditis elegans spe-6gene is
required for major sperm protein assembly
à la suppression phénotypique d’une and shows second site non-complementa-
mutation par un gène provenant * GLOSSAIRE * tion with an unlinked deficiency. Genetics
d’un autre organisme et spécifiant Prototrophie : capacité d’un orga- 1993 ; 133 : 79-86.
un produit qui peut fonctionnelle- nisme à survivre en l’absence d’une 17. Van Vuuren AJ, Appeldoorn E, Odijk H,
Yasui A, Jaspers NGJ, Bootsma D, Hoeijma-
ment remplacer la produit muté. La substance (acide aminé, nucléo- kers JHJ. Evidence for a repair enzyme com-
« complémentation » par un gène tide…) en la synthétisant grâce à plex involving ERCC1 and complementing
hétérologue ne permet pas de son propre métabolisme. S’oppose à activities of ERCC4, ERCC11 and xero-
derma pigmentosum group F. EMBO J
conclure de façon sûre que, dans sa auxotrophie, incapacité de survivre 1993 ; 12 : 3693-701.
cellule d’origine, le gène « complé- sans l’addition dans le milieu 18. Thuriaux P. Suppression. Med Sci 1998 ;
mentant » joue exactement le même nutritif de certaines substances. 14 : 780-6.
rôle que celui joué par le gène muté Transvection : complémentation allé-
qu’il supprime phénotypiquement. lique dépendante de l’appariement
De plus, le produit du gène hétéro- TIRÉS À PART
des chromosomes.
logue est généralement surexprimé B. Daignan-Fornier.
1112 m/s n° 10, vol. 14, octobre 98

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