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Kinesither Rev aaaa;vv(nnn):x–y


Dossier

Modulation et dérèglements
neurophysiologiques des voies de la
douleur
Modulation and neurophysiological deregulation of pain
pathways

Thomas Osinski a a
26, rue de Thymerais, 78570 Andrésy, France
Audrey Lallemant b b
SSR neurologie-neurochirurgie, CHU Bicêtre, 78, rue
Thomas Russo c du Général-Leclerc, 94270 Le Kremlin-Bicêtre,
France
c
255, rue Saint-Honoré, 75001 Paris, France

Reçu le 2 novembre 2016 ; accepté le 28 janvier 2017

RÉSUMÉ MOTS CLÉS


Introduction. – La douleur est une sensation désagréable perçue dans une région du corps. Elle Douleur
est la principale cause de consultation en physiothérapie et a un fort impact individuel social Neurophysiologie
lorsqu'elle devient chronique. Des études ont montré que savoir expliquer la neurophysiologie de Sensibilisation centrale
la douleur aux patients a un effet bénéfique sur leur récupération. Nous résumons les données Sensibilisation périphérique
neurophysiologiques permettant d'appréhender le phénomène de la nociception et de la douleur.
Méthode. – Nous avons entrepris une revue narrative de la littérature sur le domaine de la KEYWORDS
douleur, la sensibilisation périphérique et centrale, sur les modifications des systèmes de Pain
perceptions et modulation de la douleur dans le cas de douleurs chroniques. Neurophysiology
Résultats. – La douleur est une perception consciente modulable. Suite au processus d'inflam- Central sensitization
mation induit par une atteinte tissulaire les nocicepteurs périphériques deviennent sensibilisés Peripheral sensitization
(abaissement du seuil de perception, activité spontanée accrue, production de molécules pro-
inflammatoires). Ce phénomène rend compte de l'état d'hyperalgésie primaire. Suite à une
activité intense et/ou prolongée des afférences nociceptives, les neurones de la corne dorsale de
la moelle épinière peuvent être sensibilisés (abaissement du seuil de perception, activité
spontanée accrue, augmentation du champ récepteur). Ce phénomène explique pour partie
les phénomènes d'hyperalgésies secondaire et tertiaire, ainsi que l'allodynie. D'autres modifi-
cations supra-segmentaires ont été rapportées dans diverses pathologies douloureuses chro-
niques (perte de substance grise, altération des connexions intracérébrales, modifications de
l'activité électrique cérébrale). Ces modifications, spécifique aux présentations cliniques, sont
suspectées de participer au maintien du phénomène de douleur chronique.
Discussion. – Cet article résume une partie de la littérature scientifique sur le phénomène de la
douleur et apporte des données utiles à l'éducation des patients afin d'améliorer leur prise en
charge. Auteur correspondant :
Niveau de preuve. – Non applicable. T. Osinski,
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 26, rue de Thymerais,
78570 Andrésy, France.
Adresse e-mail :
osinski.thomas@gmail.com

SUMMARY
Introduction. – Pain is an unpleasant sensation experienced in a given region of the body. It is the DOIs des articles originaux :
main reason for consulting in physiotherapy and, when chronic, has considerable impact on the http://dx.doi.org/10.1016/j.
individual's social life. Research showed that being able to explain the neurophysiology of pain to kine.2017.02.133
http://dx.doi.org/10.1016/j.
patients can help their recovery. The present article summarizes the neurophysiological data that
kine.2017.01.009
enable understanding of the phenomena of pain and nociception. http://dx.doi.org/10.1016/j.
Method. – We performed a systematic literature review on the topics of pain, peripheral and kine.2017.02.132
central sensitization, perceptual system modification, and the modulation of pain in case of http://dx.doi.org/10.1016/j.
chronicity. kine.2017.02.130

http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
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Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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Results. – Pain is a conscious perception and can be modulated. Tissue damage may lead to inflammation that can sensitize
peripheral nociceptors (lowered perception threshold, increased spontaneous activity, release of proinflammatory molecules).
This phenomenon of peripheral sensitization explains the state of primary hyperalgesia. Following intense and/or repeated
peripheral nociceptor activation, spinal dorsal horn neurons may become sensitized (lowered perception threshold, increased
spontaneous activity, increased receptor field). This phenomenon of central sensitization can also partly explain secondary and
tertiary hyperalgesia and allodynia. Other suprasegmental alterations have been reported in diverse chronic pain pathologies
(loss of gray matter, and changes in brain connectivity and electrical activity); these are specific to clinical presentation, and are
thought to be involved in maintaining chronic pain.
Discussion. – This article summarizes some of the literature on pain and provides useful data for patient education and improved
treatment.
Level of proof. – Not applicable.
© 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Note de la rédaction
éléments : l'environnement social, l'état psychologique du
Cet article fait partie d'un ensemble indissociable, coor- patient et de sa biologie. Il importe donc de comprendre, grâce
donné par Michel Gedda et Nathan Risch, publié dans aux neurosciences de la douleur, pourquoi parfois nous res-
ce numéro sous forme d'un dossier nommé « Douleurs : sentons une intense douleur pour de petits traumatismes,
nouvelles compréhensions sur ces réalités inexplic- voire sans traumatisme, alors que parfois des maladies graves
ables » et composé des articles suivants : qui mettent notre corps en danger ne provoquent aucune
 Gedda M, Risch N. Douleurs : nouvelles compréhen- douleur.
sions sur ces réalités inexplicables. Kinesither Rev Dans cet article, nous aborderons les différents phénomènes
2017;(17):186. de sensibilisation périphérique, centrale et les dérèglements
 Risch N, Pointeau F, Poquet N. Nociception. Kine- neurophysiologiques décrits dans certaines pathologies.
sither Rev 2017;(17):186.
 Osinski T, Lallemant A, Russo T. Modulation et
dérèglements neurophysiologiques des voies de la
douleur. Kinesither Rev 2017;(17):186. LA SENSIBILISATION PÉRIPHÉRIQUE
 Rousseau L, Bacelon M. Facteurs psychosociaux,
douleur et kinésithérapie. Kinesither Rev 2017; Définition
(17):186.
 Acapo S, Seyrès P, Savignat É. Définition et évalua- Dans la taxonomie de l'IASP, la sensibilisation périphérique
tion de la douleur. Kinesither Rev 2017;(17):186. correspond à une augmentation de la réactivité des neurones
 Maître JH, Crouan A. Approches thérapeutiques de nociceptifs (nocicepteurs) et à une diminution de leur seuil
la douleur en kinésithérapie. Kinesither Rev 2017; d'excitabilité, en réponse à une stimulation dans leur champ
(17):186. récepteur [1]. Cette définition indique que nos nocicepteurs
sont des capteurs adaptables qui peuvent parfois être plus ou
moins faciles à exciter.
Un neurone sensibilisé a tendance à émettre plus facilement
des potentiels d'action, traduisant une diminution du seuil
INTRODUCTION d'excitabilité, il devient alors plus efficace pour détecter un
stimulus. Il a également tendance à émettre des potentiels
Selon la définition de l'International Association for the Study of d'action plus nombreux lorsqu'il est stimulé.
Pain (IASP), la douleur est « une sensation désagréable et une Cette augmentation de la réactivité résulte du phénomène de
expérience émotionnelle en réponse à une atteinte tissulaire sensibilisation périphérique. Ce phénomène est dit périphé-
réelle ou potentielle ou décrite en ces termes ». La douleur rique car il consiste en une modification du comportement des
n'est pas un signal fiable pour juger de l'intégrité de notre corps neurones en périphérie, c'est-à-dire au niveau des tissus.
et de son devenir, c'est une perception qui dépend de plusieurs Cette sensibilisation apparaît suite à une agression, ou

Tableau I. Définitions et différentiation de l'hyperalgésie et l'allodynie.


Hyperalgésie Allodynie
Douleur augmentée en réponse à un stimulus qui, Douleur suite à un stimulus qui, en temps normal, ne déclenche pas de douleur
en temps normal, est perçu comme douloureux
Ces termes sont des termes cliniques et ne correspondent pas à des mécanismes neurophysiologiques précis. L'hyperalgésie
correspond plus à une augmentation de la réponse douloureuse lors d'une stimulation nociceptive à un seuil supraliminaire,
alors que l'allodynie correspond à une réponse douloureuse lors d'une stimulation à un seuil non douloureux habituellement. De plus,
on observe dans l'allodynie un changement dans la qualité des sensations. Un mode de sensation thermique, tactile ou autre
va basculer vers une réponse douloureuse. Dans l'hyperalgésie, seule la sensation douloureuse va être amplifiée

Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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Figure 1. Illustration de l'hyperalgésie et de l'allodynie. La courbe « réponse normale » (trait plein noir) représente la relation entre l'intensité
d'un stimulus et l'intensité de la réponse douloureuse. Après sensibilisation, on observe que la courbe est décalée vers la gauche (courbe
pointillée). Dans l'hyperalgésie (en rouge) l'intensité du stimulus atteignant le seuil douloureux produit une douleur plus intense. Dans
l'allodynie (en orange), une intensité de stimulus inférieure au seuil douloureux produit des douleurs.

certaines stimulations, et a pour finalité de protéger les tissus et agit sur les nocicepteurs pour modifier leur fonctionne-
lésés et non lésés [2]. ment [3,4].
Cliniquement, la sensibilisation périphérique participe majori- La principale modification fonctionnelle des neurones sensi-
tairement à l'hyperalgésie dite « primaire ». L'hyperalgésie se bilisés est qu'ils ont tendance à déclencher plus facilement des
définie selon l'IASP, comme une augmentation de la sensibilité potentiels d'action, ce qui rend la transduction des informations
à la douleur. Ainsi, une stimulation initialement perçue comme nociceptives chimiques, thermiques et mécaniques plus
légèrement douloureuse a tendance à paraître moyennement efficace.
ou sévèrement douloureuse [1] (Tableau I, Fig. 1). Ce phéno- Nous nous intéresserons maintenant aux mécanismes neu-
mène d'hyperalgésie primaire correspond à une douleur plus rophysiologiques principaux, liés aux médiateurs de l'inflam-
intense au niveau du site de la sensibilisation (Fig. 2). Dans la mation, qui sous-tendent la sensibilisation périphérique.
vie courante, on vit ce phénomène lorsqu'on mange du piment :
une molécule contenue dans le piment, la capsaïcine, a la
capacité de sensibiliser les nocicepteurs présents dans la La sensibilisation indirecte : les modifications
bouche. Le chili con carne, que l'on sert chaud, donne une post-traductionnelles des canaux ioniques
sensation intense de brûlure douloureuse après avoir croqué On parle de modifications post-traductionnelles car ces modi-
l'un des fameux piments mexicains, alors que jusque-là le plat fications se produisent sur les canaux ioniques préexistants
semblait simplement un peu chaud. dans la membrane plasmique du nocicepteur, donc, déjà tra-
duits dans les processus de transcription/traduction des pro-
téines [3]. Ils mettent en jeu principalement la bradykinine, les
Événements neurophysiologiques PGE2 (prostaglandine), le glutamate, la sérotonine et l'hista-
mine. Ces médiateurs se fixent sur des récepteurs spécifiques
du nocicepteur, distincts des canaux ioniques. Ils déclenchent
L'inflammation causée par une lésion tissulaire est le des cascades signalétiques mettant en jeu les seconds mes-
processus majeur agissant sur la plasticité du sagers AMP cyclique (AMPc) et Ca2+ [5]. Ces seconds mes-
système nerveux périphérique, responsable de la sagers activent des protéines kinases A et C (PKA, PKC), ainsi
sensibilisation périphérique. que des « extra cellular signal-regulated kinases » (ERKs) [6].
L'action de ces kinases aboutit à la phosphorylation et au
L'inflammation est une interaction complexe entre les cellules changement de conformation des canaux ioniques transduc-
endothéliales endommagées, les globules blancs, les plaquet- teurs et des canaux voltages dépendants, responsables de la
tes, les efférences sympathiques et les nocicepteurs. En polarisation/dépolarisation de la membrane plasmique du
réponse à un dommage tissulaire, tous ces acteurs libèrent nocicepteur. Les conséquences neurophysiologiques de ces
des médiateurs inflammatoires, comme les prostaglandines phosphorylations aboutissant à l'hyperalgésie sont :
E2 (PGE2), les leukotriènes, les cytokines, la bradykinine, le  un abaissement du seuil d'ouverture des canaux se tradui-
facteur de croissance nerveuse (NGF), le glutamate, les ions H sant par l'ouverture des canaux pour un stimulus d'intensité
+, l'ATP, etc. Une partie de ces substances est neuro-active moindre ;

Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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 une augmentation de la réponse des canaux aux stimuli


supraliminaires conduisant à une augmentation du flux
d'ions lors de l'ouverture ;
 une diminution de la période réfractaire des canaux sodium.
Le nocicepteur se retrouve donc dans un état d'hyperexcita-
bilité [3,4,6–10]. La sensibilisation des nocicepteurs par les
médiateurs de l'inflammation est induite en quelques minutes.
Ces phosphorylations entraînent donc une modification rela-
tivement rapide de la sensibilité à la douleur. La sensibilisation
périphérique ne semble concerner que la situation aiguë où
l'inflammation domine, mais, comme nous le verrons, elle peut
être responsable de modifications à long terme, compatibles
avec la douleur chronique [11,12].

Les modifications de l'expression génique au


niveau du corps cellulaire du nocicepteur
Lorsque les stimuli nociceptifs ou l'inflammation persistent, les
conséquences des évènements au niveau des terminaisons
libres se propagent jusqu'au corps cellulaire des nocicepteurs,
au sein du ganglion rachidien. Cela induit des changements
dans la transcription des gènes codant pour différentes pro-
téines impliquées dans la sensibilisation périphérique. On peut
alors observer des modifications de l'expression des gènes
codant la production des canaux ioniques, des récepteurs
spécifiques aux médiateurs de l'inflammation et des média-
teurs eux-mêmes.
Ces modifications de transcription vont en général dans le
sens d'une augmentation de la transcription, et donc de la
production de canaux ioniques récepteurs nociceptifs, de
canaux sodium voltage-dépendants et de médiateurs partici-
pant à la sensibilisation. Pour exemple, à l'état de base, 17 %
des fibres C expriment le récepteur VR1, un récepteur ther-
mique et mécanique ; ce taux peut augmenter jusqu'à 100 %
en cas d'inflammation [13].
Des mécanismes complexes sous-tendent ces modifications
transcriptionnelles. Une neurotrophine, le Nerve Growth Fac-
tor (NGF) semble être particulièrement impliquée dans ce
phénomène. Au cours d'une lésion ou d'une inflammation,
la synthèse de NGF s'accroît sous l'effet des cytokines. Le
NGF se fixe à un récepteur à forte affinité (TrkA), sur la
membrane plasmique du nocicepteur. Le complexe est ensuite
internalisé vers le corps cellulaire dans le ganglion rachidien.
S'en suit une cascade d'évènements qui jouent un rôle majeur,
en augmentant la transcription, la synthèse et la libération
périphérique et centrale de neuropeptides (substance P et
CGRP) qui sont responsables de l'inflammation neurogène
(voir infra). Le NGF-TrkA favorise la synthèse de canaux
récepteurs et de canaux sodiques voltage-dépendants aug-
mentant l'excitabilité du nocicepteur [7,14].
Une autre molécule joue un rôle majeur dans les modifications
de l'expression génétique : il s'agit du « médiateur central de la
réponse immunitaire » (NF-kB). Ce facteur de transcription est
activé par un grand nombre de médiateurs de l'inflammation
comme la bradykinine, le Ca2+, l'ATP, le glutamate, le NGF, le
TNFa, etc. Il entraîne la transcription et la production de
nombreux récepteurs spécifiques aux médiateurs de

Figure 2. Le site de lésion est représenté par la croix, le cercle qui


l'entoure indique une zone théorique d'hyperalgésie primaire. Le
carré orange représente l'aire d'hyperalgésie secondaire. Le
rectangle rouge représente une zone d'hyperalgésie tertiaire.

Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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l'inflammation, de cytokines, et d'enzymes participant à la Le CGRP est responsable d'une vasodilatation favorisant
production de prostaglandines [7,13]. l'inflammation. La substance P augmente la perméabilité capil-
laire, entraînant une extravasation de plasma et de l'œdème,
La conséquence de tous ces évènements et provoque la dégranulation des mastocytes. Cette dégranu-
neurophysiologiques est une augmentation de lation libère de l'histamine qui participe à la sensibilisation des
l'excitabilité du nocicepteur. nocicepteurs (voir supra) [7,19,20].

Cela est dû à la présence d'un plus grand nombre de canaux Ces libérations d'histamine provoquent un
récepteurs qui réagissent aux stimuli nociceptifs, un plus grand élargissement de la zone d'hyperalgésie primaire, dite
nombre de canaux ioniques favorisant la dépolarisation et la en « tache d'huile », en participant à la sensibilisation
production accrue de médiateurs sensibilisant les canaux périphérique des fibres nociceptives, non stimulées
ioniques. Ces mécanismes de modification de l'expression à l'origine par le stimulus nociceptif [16,20].
génétique jouent donc un rôle très important dans le maintien
et la chronicisation de la sensibilisation périphérique. L'inflammation neurogène entraîne donc une augmentation de
la concentration des médiateurs de l'inflammation dans la
zone lésée ce qui va maintenir l'état de sensibilisation des
L'activation des nocicepteurs silencieux nocicepteurs et par conséquent, le phénomène d'hyperalgésie
Les nocicepteurs silencieux sont des fibres C normalement primaire.
insensibles aux stimuli mécaniques et/ou thermiques [15].
D'après Le Bars et Willer, les nocicepteurs « silencieux »
représentent 10 à 20 % des fibres C dans la peau, les viscères
Le rôle des systèmes immunitaire et sympathique
et les articulations. Ils ne répondent d'ordinaire à aucun sti- Comme nous l'avons vu, le rôle des nocicepteurs périphéri-
mulus, mais sont « réveillés » au cours des processus inflam- ques dans le développement de la sensibilisation et de la
matoires ou, artificiellement, par la capsaïcine. Ils participent douleur chronique est essentiel. Mais il importe de souligner
ainsi de façon très significative aux phénomènes d'hyperalgé- également le rôle du système immunitaire dans ce processus.
sie et d'allodynie (Tableau I, Fig. 1) [16]. L'activation de ces Les cellules immunitaires présentes à la périphérie du système
nocicepteurs silencieux est légèrement plus tardive que celle nerveux et au niveau du ganglion rachidien jouent un rôle
des nocicepteurs classiques mais leur état d'excitation semble majeur en modulant la réponse initiale à une lésion et le
se prolonger plus longtemps [17]. développement de la douleur [14].
Selon Kleggetveit et al., les nocicepteurs silencieux présentent
une forte activité spontanée, comparée aux nocicepteurs Les systèmes nerveux et immunitaires ne sont pas
« classiques ». L'activité spontanée de ces nocicepteurs silen- indépendants comme on pouvait le croire auparavant :
cieux pourrait être responsable des douleurs neuropathiques ils agissent de concert et s'influencent l'un et l'autre.
spontanées caractérisant les patients atteints de neuropathies
périphériques [18]. En présence d'une lésion tissulaire ou d'une infection, la libé-
De plus, la propension des nocicepteurs silencieux à émettre ration de signaux de danger aboutit à l'activation coordonnée
des décharges prolongées, sous des conditions inflammatoi- des neurones périphériques et des cellules immunitaires, avec
res, suggère qu'ils sont fortement impliqués dans les douleurs une communication bidirectionnelle complexe. Cette interac-
inflammatoires chroniques [17]. Cependant, les mécanismes tion met en jeu principalement les neutrophiles, les mastocy-
précis qui sous-tendent l'activation de ces nocicepteurs sont tes, les lymphocytes et les macrophages. La clé de la
encore mal connus et doivent être explorés pour pouvoir communication entre les deux systèmes est basée sur les
développer une médication adaptée [17,18]. cytokines.
Le système nerveux périphérique agit sur le système immu-
nitaire de diverses manières [20] :
Le phénomène d'inflammation neurogène  dans les premiers stades de l'inflammation, le système
L'inflammation neurogène est un mécanisme supplémentaire nerveux périphérique libère des neuropeptides (substance
qui participe à l'installation et au maintien de la sensibilisation P ou NGF par exemple) vers les mastocytes et les dendro-
périphérique. L'inflammation neurogène est un terme général, cytes résidents dans les tissus qui initieront la réponse
utilisé pour décrire les effets de la libération locale de média- immunitaire ;
teurs inflammatoires comme la substance P et le Calcitonine-  durant la phase effectrice de l'inflammation, les cellules
Gene-Related Peptide (CGRP), par les terminaisons nerveu- immunitaires (neutrophiles macrophages, lymphocytes T,
ses afférentes [19]. etc.) sont attirées sur le site de la lésion, notamment par
En effet, après une stimulation nociceptive, en plus de l'influx la libération de médiateurs par le nocicepteur.
nerveux orthodromique se propageant de la périphérie vers le De son côté, le système immunitaire participe largement à l'ins-
système nerveux central, les potentiels d'action (PA) au sein tallation de la sensibilisation périphérique, comme nous
des nocicepteurs peuvent également être transmis par voie l'avons évoqué dans les parties précédentes. En effet, les
antidromique, c'est-à-dire vers la périphérie et non plus en cellules immunitaires activées et/ou attirées par l'inflammation
direction du corps cellulaire des neurones. Cette activité anti- et le système nerveux périphérique, vont libérer des PGE2, le
dromique entraîne la synthèse et la libération, dans les tissus NGF et surtout des cytokines, qui sont des molécules clés
interstitiels, de neuropeptides comme la substance P et le dans la sensibilisation périphérique.
CGRP, qui auront de nombreuses actions autocrines et Parmi ces cytokines, le Tumor Necrosis Factor a (TNFa), et les
paracrines sur les cellules endothéliales, épithéliales et interleukines 1b 17 et 8 (IL1b, IL8) sont pro-inflammatoires.
immunitaires. Elles participent à la sensibilisation des nocicepteurs en

Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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Figure 3. Résumé des différents mécanismes de la sensibilisation périphérique. Un stimulus nociceptif stimule par action directe les canaux
ioniques transducteurs et peut être à l'origine d'une lésion tissulaire accompagnée d'une réaction inflammatoire. Cette dernière est
à l'origine de la sensibilisation périphérique, via différents mécanismes. Des médiateurs inflammatoires entrainent des modifications post-
traductionnelles sur les canaux ioniques transducteurs, au travers de l'activation des protéines kinases PKA, PKC et ERKs. Certaines
cytokines et le NGF agissent au niveau du noyau cellulaire du nocicepteur, induisent des modifications transcriptionnelles favorisant la
production de nouveaux canaux ioniques transducteurs et voltage-dépendants. Le nocicepteur se retrouve dans un état d'hyperexcitabilité.
Parallèlement, l'inflammation est responsable de l'activation de nocicepteurs silencieux qui renforcent la réponse nociceptive. Enfin
l'inflammation neurogène est responsable de la production de substances algogènes et pro-inflammatoires par voie antidromique au sein du
nocicepteur.

entraînant des modifications post-traductionnelles mais éga- stimulation du système nerveux sympathique mais en cas de
lement transcriptionnelles en favorisant la synthèse du NGF lésion nerveuse, on peut observer un couplage entre les
par exemple. L'augmentation, induite par les cytokines, de la nocicepteurs et les fibres sympathiques. Les nocicepteurs
libération périphérique de ces neuropeptides, entraîne l'acti- deviennent alors sensibles aux catécholamines. Ce couplage
vation d'autres cellules immunitaires, ce qui provoque une est responsable du phénomène dit, de « maintened sympa-
rétroaction positive favorisant l'inflammation et la sensibilisa- thetic pain », que l'on retrouve dans certains cas de douleurs
tion périphérique. Finalement, il a été montré que les macro- chroniques.
phages peuvent pénétrer au sein du ganglion rachidien et Plusieurs mécanismes sont impliqués [14,22] :
renforcer l'hyperalgésie via la libération de TNFa. Nous  le bourgeonnement de fibres sympathiques dans le ganglion
comprenons clairement pourquoi le système immunitaire et rachidien. La libération de la cytokine IL-6 serait à l'origine de
les cytokines sont des cibles majeures des thérapies anti- ce bourgeonnement. Il en résulterait une augmentation
inflammatoires et antalgiques modernes (Fig. 3) [7,14,21]. directe de la communication entre les deux types de neu-
Le système nerveux sympathique semble également jouer un rones, qui contribuerait au maintien de la douleur neuropa-
rôle important dans la sensibilisation périphérique, de par ses thique chronique. Ceci est un bon exemple de l'interaction
interactions avec les nocicepteurs et le système immunitaire. entre le système nerveux périphérique, sympathique et le
En temps normal, les nocicepteurs ne sont pas activés par une système immunitaire ;

Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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 un couplage chimique ou électrique au niveau périphérique, Pour lutter contre la chronicisation il est essentiel de mieux
par bourgeonnement des fibres sympathiques et augmenta- comprendre ses mécanismes afin de prévenir son développe-
tion du nombre de récepteurs sensibles à l'adrénaline sur les ment et son maintien.
nocicepteurs.
En résumé, la sensibilisation périphérique est un phénomène
complexe qui fait entrer en jeu le système nerveux périphé- Événements neurophysiologiques
rique, le système immunitaire et le système autonome. Les La sensibilisation centrale apparaît suite à l'activation accrue
médiateurs de l'inflammation provoquent, par divers mécanis- des fibres afférentes nociceptives (Ad et C) qui provoque, au
mes, une augmentation de la réactivité des neurones noci- niveau spinal, une cascade d'événements conduisant à l'aug-
ceptifs et une diminution de leur seuil d'excitabilité. Ces mentation de l'excitabilité des neurones situés dans les cou-
mécanismes permettent au corps de rapidement réagir, de ches superficielles et profondes de la corne dorsale de la
s'adapter en cas de danger, et de cicatriser efficacement des moelle épinière [33]. Le phénomène connu sous le nom de
potentielles lésions. « wind up » est essentiellement exprimé par les neurones
médullaires spino-thalamiques situés dans la corne dorsale de
la moelle, et dépend en partie de l'activation de leurs récep-
LA SENSIBILISATION CENTRALE teurs. Le wind up a été décrit pour la première fois par Lorne
Mendell [34] lors d'enregistrements extracellulaires de neuro-
Définition nes de la corne dorsale de moelle chez le chat.
Le wind up est passager et n'excède pas la période de stimu-
lation. La sommation temporelle des afférences nociceptives
D'après l'IASP, la sensibilisation centrale correspond sur les neurones de deuxième ordre (cf. article précédent de
à « une augmentation de la réponse des neurones du ce dossier) induit une augmentation progressive de leur
système nerveux central à des stimuli d'intensité réponse après chaque stimuli, ce qui traduit de l'état de sen-
normale ou sous liminaire » [23]. sibilisation de ces derniers [35].
Cependant, le recrutement répété des fibres C et la stimulation
Cette définition indique que la transmission de l'information prolongée des récepteurs NMDA produit une potentialisation
nociceptive est plus efficace suite à l'augmentation de l'exci- synaptique à long terme. Ces altérations fonctionnelles sont
tabilité neuronale, au renforcement de l'efficacité de la trans- essentielles dans le maintien de la sensibilisation centrale [36].
mission synaptique et à la levée d'inhibition au sein des circuits À long terme la sensibilisation centrale s'accompagne de
nerveux nociceptifs. plasticité neuronale et d'un changement morpho-fonctionnel
La sensibilisation centrale apparaît à la suite de stimulations d'autres catégories cellulaires (cellules gliales en particulier).
nociceptives particulièrement intenses, répétées ou prolon- Nous nous intéresserons aux mécanismes neurophysiologi-
gées, en condition physiologique ou en situation pathologique ques principaux, qui interviennent dans la mise en place et le
lors d'une inflammation prolongée ou d'une lésion nerveuse maintien de la sensibilisation nociceptive centrale.
[24].
Cliniquement, la sensibilisation centrale peut prendre plu- D'après Basbaum et al. le phénomène de
sieurs formes [25,26] telles que : sensibilisation centrale comporte trois composantes
 une amplification de la sensation douloureuse en réponse
principales : une sensibilisation en lien avec la
à des stimuli répétés identiques (wind up) ; neurotransmission glutamergique au niveau des
 des douleurs plus intenses et diffuses qui recouvrent une
récepteurs NMDA, une altération des systèmes de
zone bien plus étendue que la zone de lésion primaire modulation (désinhibition) et une activation de la
(hyperalgésie secondaire et tertiaire) ; microglie [37].
 une douleur pour des stimulations initialement non doulou-
reuses (allodynie) ;
 la persistance ou mémoire de la sensation douloureuse
après arrêt de la stimulation. Développement de la sensibilisation centrale :
La sensibilisation centrale est l'expression de phénomènes
transmission glutamatergique et modification de
neurophysiologiques d'une hyperexcitabilité et d'une hyperac-
tivité des neurones médullaires spino-thalamiques. Ce phé- la perméabilité des canaux ioniques
nomène d'hypersensibilité peut persister sur une longue L'activation des récepteurs (NMDA) comme celle d'autres
période après son activation. Dans ce cas, la douleur ne joue récepteurs glutamatergiques, l'augmentation de leur densité
plus un rôle d'alarme mais traduit une dérégulation du système membranaire, et les modifications de la perméabilité des
et devient donc pathologique. Un état sensibilisation du sys- canaux ioniques sont des éléments primordiaux dans la mise
tème nerveux central est décrit dans plusieurs douleurs chro- en place et le maintien de la sensibilisation centrale [38,39]. La
niques [27]. transmission du message périphérique à la voie centrale
Pour la Haute Autorité de la Santé (HAS), une douleur est s'effectue via la libération par les fibres Ad et C de peptides
chronique lorsqu'elle est persistante ou récurrente « au-delà dans la synapse (substance P, neurokinines, calcitonin gene-
de ce qui est habituel pour la cause initiale présumée, notam- related peptide [CGRP] et de neurotransmetteurs excitateurs
ment si elle évolue depuis plus de 3 mois » ; et présente une dont le Glutamate) (Fig. 4). Celui-ci se lie à plusieurs récep-
« réponse insuffisante au traitement » [28]. Les douleurs teurs tels que l'amino-3-hydroxy-5-méthyl-4-isoxazole propio-
chroniques ont un fort impact sur la qualité de vie des patients nate (AMPA) ou le N-méthyl-D aspartate (NMDA), sur les
et représentent aussi un important coût financier pour les neurones post-synaptiques dans la corne dorsale de la moelle
sociétés [29–32]. épinière [40].

Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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Figure 4. Sensibilisation des neurones nociceptifs de la corne dorsale de la moelle épinière (d'après Dickenson 1997). À l'état
physiologique, les récepteurs NMDA de ces neurones sont bloqués par des ions magnésium. Une stimulation prolongée des afférences
nociceptives (fibres C) déplacera ces ions et permettra une entrée massive de calcium intracellulaire à l'origine d'une hyperexcitabilité
neuronale (wind up). À long terme, ces changements abaisseront le seuil de sensibilité neuronale (hyperalgésie) et/ou conduiront à des
réponses non nociceptives (allodynie).

Les récepteurs NMDA sont en temps normal bloqués, de Développement de la sensibilisation centrale :
manière voltage-dépendante, par des ions Magnésium. Une altération des systèmes de modulation de la
sensibilisation du neurone de deuxième ordre par la substance transmission des messages nociceptifs
P ou le CGRP, change le voltage de ce neurone et par consé-
quent libère le récepteur NMDA de son ion Magnésium [41]. De nombreuses études mettent en lumière la contribution des
Ces canaux ioniques voltage-dépendants, laissent alors pas- changements de tonus inhibiteur dans la moelle épinière au
ser différents ions (Na+, Ca2+). L'entrée intracellulaire du développement de la sensibilisation centrale. Cependant,
calcium provoque une cascade de mécanismes intracellulai- l'altération des systèmes de modulation, qui impliquent des
res, dont l'activation des protéines kinases (PKC et PKA) qui mécanismes multiples et complexes, font encore l'objet de
modifient la NO synthase à l'origine de la synthèse d'oxyde plusieurs hypothèses.
nitrique (NO), et la cyclo-oxygénase de type 2 (COX 2) à l'ori-
gine de la synthèse de prostaglandines centrales. Le NO et les L'un des mécanismes évoqué est un phénomène de
prostaglandines diffusent dans les éléments présynaptiques désinhibition segmentaire par réduction de la
ou dans les cellules gliales et provoquent une augmentation de concentration en GABA dans la corne dorsale [43].
la libération présynaptique de glutamate entretenant ainsi une
boucle de rétrocontrôle positif qui contribue au développement La destruction ou l'inhibition d'interneurones inhibiteurs gaba-
de l'hyperexcitabilité centrale [42]. nergiques par un mécanisme d'excito-toxicité induit par la

Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur


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Figure 5. Développement de la sensibilisation centrale (D'après Basbaum, 2009 et Vergne-Salle, 2014). (1) Sensibilisation médiée par les
récepteurs NMDA/glutamate. (2) Sesinhibition. (3) Activation microgliale.

libération importante de glutamate est également évoqué olygodendrocytes présentent, en plus d'une activité immuni-
[41,44]. Des études plus récentes évoquent une réduction taire, un rôle dans la communication neuronale. La microglie
du tonus inhibiteur spinal exercé par l'Acide Gamma-Amino exprime des récepteurs au glutamate, CRGP, BDNF, à la
Butyrique (GABA) et la glycine, voire même une inversion de substance P, ainsi que des récepteurs purigéniques. Ces
fonction des circuits inhibiteurs cabaergiques et glycinergi- récepteurs font de la microglie un ensemble de cellules sensi-
ques en circuits excitateurs [45]. Une altération des co-trans- bles aux substances sécrétées par les nocicepteurs dans la
porteurs Potassium-Chlore (KCC-2) qui contrôlent la moelle épinière [49]. Lors d'une activation répétée des fibres
concentration de chlorure (Cl-) intracellulaire via les canaux C, de la substance P est libérée en grande quantité au niveau
ioniques des récepteurs de GABA et glycine conduirait à un de la corne dorsale, ce qui a pour conséquence une activation
changement de gradient de concentration de chlorure [46]. Les chronique de la neuroglie médullaire [50].
ions chlorure (Cl-), au lieu d'entrer via les canaux ioniques et Suite à une lésion neurologique périphérique, la microglie se
hyperpolariser la membrane neurale, sortiraient, induisant multiplie, change de forme (ex : augmentation de taille du
ainsi une dépolarisation du neurone. Le résultat de ce phé- soma) et change de physiologie (ex : expression d'antigène
nomène est une diminution de l'inhibition, ce qui a pour effet, la à la surface cellulaire). Autre changement important, une fois
dépolarisation des membranes cellulaires post-synaptiques, activée : la microglie développe la capacité de libérer dans
rendant ainsi ces neurones plus facilement excitables l'espace extracellulaire des molécules pro-inflammatoires (ex :
[33,42,47]. Ces phénomènes, qui conduisent à l'augmentation TNF ; NO, etc.) [49].
de l'excitabilité neuronale et à la levée d'inhibition au sein des Un cercle vicieux s'engage alors : la microglie activée par les
circuits nerveux nociceptifs, renforcent la transmission de nocicepteurs libère des substances pro-inflammatoires main-
l'information nociceptive et jouent donc un rôle majeur dans tenant une inflammation qui sensibilise les nocicepteurs, ce
le développement de la sensibilisation (Fig. 5). qui rend ces derniers plus prompts à activer la microglie.
À noter toutefois que les travaux de recherche, limités aujour-
d'hui aux modèles animaux et non validés sur des modèles
Développement de la sensibilisation centrale : rôle
humains, ont montré une variabilité de l'activité gliale. D'après
des cellules gliales Pohl [24], leur degré de contribution au développement de
La neuroglie a longtemps été vue comme un simple tissu de douleur pathologique dépend du type de douleur. Celui-ci
soutien pour le système neuronal. Avec l'avancée des neu- serait plus important dans le cas de douleurs neuropathiques
rosciences, le rôle de la neuroglie dans l'immunité du SNC associées à des lésions des nerfs périphériques que celles
s'est éclairci [48]. Les astrocytes, les microglies et les liées aux phénomènes inflammatoires périphériques.

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habitués à manger des fraises rouges et des yaourts dits


« à la fraise rouge ». Le cerveau a donc associé le neurone
activé par la vision du rouge avec celui du goût de fruit rouge.
Par conséquent, l'activation du neurone de la vision du yaourt
rouge provoque l'activation de celui du goût de fruits rouges,
même s'il n'y a aucun fruit rouge dans le yaourt. Astuce bien
connue de l'industrie agroalimentaire que vous pouvez tester
sur des amis1.
Lors du phénomène de sensibilisation centrale, un renforce-
ment de la transmission synaptique est décrit. Par conséquent,
la remontée des informations nociceptives est facilitée, il fau-
dra alors des stimulations moins intenses pour permettre une
même perception.

LES EFFETS DU MAINTIEN DE LA


SENSIBILISATION CENTRALE SUR LE SYSTÈME
NERVEUX CENTRAL
Modifications corticales
L'activité du cerveau observée chez une personne qui ressent
Figure 6. Schéma du principe de la Loi de Hebb. L'abscisse de la douleur a fait émerger la théorie de matrice de la douleur.
représente le temps entre la décharge d'un neurone théorique A et Cette matrice serait un réseau d'aires cérébrales dont l'activité
un autre B. L'ordonnée représente la force de l'association entre synchrone signerait un vécu douloureux. Cette théorie, bien
ces deux neurones dans le sens A vers B. En rouge est que discutée récemment [54], a mené à étudier la neuroplas-
représentée une courbe théorique de potentialisation de la synapse ticité du système nerveux central induite par la douleur.
A vers B, plus le neurone A décharge juste avant le neurone B,
plus la connexion entre les deux neurones dans ce sens se
renforce. La courbe verte symbolise la dépression synaptique entre
Modification du cortex somesthésique
ces deux neurones, plus le neurone B décharge juste avant le Au niveau cérébral, le corps est représenté, dans le cortex
neurone A, plus la connexion entre ces deux neurones va s'affaiblir somesthésique, par ce qu'on appelle « l'homonculus ». Une
dans le sens A vers B. altération de cette représentation corticale du membre dou-
loureux est suspectée de participer au maintien de la douleur
[55].
Maintien de la sensibilisation centrale : plasticité Mais les modifications corticales ne sont pas constantes et
homogènes entre les pathologies douloureuses. Dans les
cellulaire et remodelage tissulaire
douleurs d'origine neuropathique, le SDRC-1, les douleurs
du membre fantôme ou les neuropathies trigéminales, on
Plasticité synaptique retrouve une diminution de la représentation de la zone dou-
La remontée d'une information de la périphérie vers le système loureuse au niveau du cortex somesthésique [55–58]. Inver-
nerveux central se fait grâce à une synapse entre les neurones sement, dans les douleurs lombaires ou la fibromyalgie, on
de premier et deuxième ordres. L'efficacité de cette synapse retrouve un étalement de la représentation de la région lom-
à transmettre l'information du premier au deuxième neurone baire. Cependant, ces réorganisations ne sont pas toujours
est un élément important des perceptions sensorielles. En corrélées à la présence de douleur [56,58].
1949, Hebb a émis l'hypothèse d'une plasticité synaptique De plus la méthode d'évaluation du degré de cette réorganisa-
postulant, que l'activité corrélée dans le temps et l'espace tion n'est pas homogène entre les études et peut expliquer de
de neurones inter-connectés pouvait entraîner des modifica- potentiels résultats contradictoires [59,60].
tions cellulaires au niveau des synapses. Ces modifications
seraient la base cellulaire d'une mémorisation. Les changements d'organisation du cortex somato-
L'apprentissage associatif implique une coactivation des élé- sensoriel semblent être un signe de douleur
ments pré- et post-synaptiques, résultant en une propriété de neuropathique avec désafférentation, mais ne
« renforcement » de l'activité synaptique. Si un neurone A est semblent pas se retrouver dans le cadre de douleurs
activé de façon répétée quelques millisecondes avant un non-neuropathiques [56].
neurone B, alors leur synapse se renforcera dans le sens A
vers B. À l'inverse, si le neurone B est activé de façon asyn-
chrone avec le neurone A, la force de la synapse diminuera Modification du cortex moteur
dans le sens A vers B (Fig. 6). L'intérêt de cette associativité
est son maintien au cours du temps. La synapse conserverait Outre des modifications au niveau du cortex somesthésique,
de cette manière une « trace » du passage de l'information, des altérations dans le cortex moteur ont été mises en
formant l'un des tout premiers éléments de la mémorisation
d'un événement [51–53]. Au quotidien cela se traduit par
1
exemple, par les synesthésies gustatives. Nous sommes cf. vidéo https://www.youtube.com/watch?v=MZRbXvDvD88.

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Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
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évidence. Chez les patients avec des douleurs de l'épicondyle douleur est associée à une diminution du volume de matière
latéral, la représentation des muscles épicondyliens latéraux grise principalement au niveau du cortex cingulaire, préfrontal,
est plus médiale et plus excitable que chez des sujets sains moteur et prémoteur.
[61]. La bonne nouvelle est que ces modifications disparaissent
Un état d'hyperexcitabilité du cortex moteur est aussi présent dans le temps une fois que la douleur a cessé depuis au moins
chez les patients fibromyalgiques (FM) [62]. Des données un an [69]. Une revue systématique sur la fibromyalgie a tenté
expérimentales indiquent qu'une perte d'inhibition inter-hémi- d'éclaircir les modifications du SNC en lien avec la douleur
sphérique entre les cortex moteurs de volontaires sains, est dans cette pathologie. Globalement il est retrouvé une atrophie
corrélée à la sensibilité clinique de ces volontaires [63]. Chez dans le cortex préfrontal, le cortex cingulaire antérieur, l'insula,
les personnes amputées, cette réorganisation dans les cortex le thalamus, le pons, le précuneus gauche et les gyri para-
moteurs a aussi été corrélée à l'intensité des douleurs du hyppocmapines [70].
membre fantôme et aux capacités de bouger le membre D'autres études indiquent en plus une augmentation du
amputé [64]. volume de matière grise dans le cortex orbitofrontal gauche,
le cervelet gauche, et S1 bilatéralement [71,72]. Chez les
Modification des connexions intracérébrales patients lombalgiques chroniques comparativement à des
sujets sains non douloureux, on retrouve une diminution de
Les données issues des techniques de diffusion par IRM la densité de la matière grise dans le cortex préfontral dorso-
indiquent que les modifications d'activité du cerveau dans le latéral, le thalamus, et le cortex cingulaire moyen, sans que
cadre de douleurs chroniques s'accompagnent de modifica- ces modifications ne soient corrélées à des scores d'anxiété et
tions des connexions intracérébrales. Chez les sujets sains, le dépression [73].
noyau accubens est principalement connecté à l'insula, alors
que chez les douloureux chroniques, il l'est principalement au Cette diminution globale du volume de matière grise
cortex préfrontal médial. De plus, la force de cette association de 0,5 % est équivalente à 10 à 15 années de
est corrélée à la quantité de douleur lombaire décrite par les vieillissement, ces altérations se retrouvent
patients [65]. principalement au niveau thalamique et du cortex
dorsolatéral préfrontal [66].
Modification de la trophicité cérébrale
Les patients ayant des migraines avec aura épisodiques
comparativement à des sujets sains ont une diminution du
Les modifications du fonctionnement cortical dans la volume de matière grise au niveau du thalamus droit dans la
douleur chronique s'accompagnent d'une atrophie de tête du noyau caudé droit, le gyrus précentral droit, le cortex
différentes aires corticales et sous-corticales [65]. cingulaire postérieur droit, le gyrus frontal bilatéral, le gyrus
temporal moyen bilatéral, le lobe pariétal inférieur gauche et
Ces changements se retrouvent dans différentes pathologies l'insula gauche. À cela s'ajoute une augmentation du volume
(lombalgie, fibromyalgie, SDRC, gonarthrose, céphalée, dou- au niveau du cunéus droit. Les modifications dans le gyrus
leur menstruelle) [65]. frontal moyen gauche sont corrélées à la durée de la maladie
Il semble que l'état clinique des patients (durée et intensité de [74].
la douleur) influence la morphologie cérébrale, car ces fac-
teurs et leurs interactions sont corrélés avec les changements
morphologiques du cerveau [65]. Ces modifications sont spé-
cifiques aux différentes pathologies douloureuses chroniques Hyperactivité de la neurosignature de la douleur
[66]. Il importe de souligner que ces modifications sont réver- Dans plusieurs pathologies douloureuses chroniques, des
sibles lorsque les patients sont moins douloureux, les anoma- perturbations dans l'activité neuronale de base du cerveau
lies structurelles du cerveau se normalisent [67]. ont été retrouvées. Ces modifications correspondent à une
Outre ces changements locaux, il a été démontré dans le augmentation de l'activité dans le réseau par défaut (Default
cadre d'un SDRC que le volume global de matière grise du Network), particulièrement dans l'insula et le cortex cingulaire
néocortex des patients atteints était inférieur à celui des sujets antérieur [65].
sains [65]. Une revue systématique, avec méta-analyse Le réseau neuronal par défaut (RND) est le réseau d'activité
compilant les données de 10 études incluant 240 patients corticale au repos qui se désactive lors de la réalisation d'une
atteints de douleurs neuropathiques comparés à 263 sujets tâche précise. La comparaison entre des sujets sains et des
sains non douloureux, indique que les patients neuropathiques patients lombalgiques, arthrosiques ou atteints d'un SDRC
présentent une diminution du volume de matière grise au montre que le RND est plus important chez les patients dou-
niveau de l'insula antérieure et du thalamus de manière bila- loureux chroniques comparativement aux autres groupes.
térale, du gyrus frontal supérieur droit, du gyrus postcentral En plus de cette activité basale plus importante, les sujets
gauche. Ils présentent aussi une augmentation du volume de douloureux présentent une connectivité altérée dans le RND.
matière grise dans le gyrus frontal médial droit et dans le cortex En effet, le cortex médial préfrontal (CMPF) est, chez les
insulaire postérieur droit [68]. patients douloureux, moins connecté avec le précunéus que
Plusieurs pathologies douloureuses différentes induisent des chez les sujets sains, mais plus connecté au cortex insulaire.
modifications spécifiques dans l'architecture cérébrale, même Ces modifications sont d'autant plus importantes que la dou-
si le réseau de la douleur et sa modulation se retrouvent leur est intense et varie avec l'état clinique. On trouve une
systématiquement impliqués. Une étude a observé dans la diminution de l'association CMPF et Insula chez les patients
population générale les différences entre personnes doulou- fibromyalgiques qui reçoivent un traitement les soulageant
reuses et non douloureuses. Encore une fois la présence de efficacement, et au contraire une augmentation de cette

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Figure 7. Figure extraite de Baliki 2014, cartes cérébrales montrant la représentation spatiale moyenne du réseau en mode défaut du
cerveau de différents groupes de patients. Le groupe LC correspond aux personnes lombalgiques chroniques, le groupe SDRC aux
patients atteints d'un Syndrome Douloureux Régional Complexe, OA les patients arthrosiques. On constate que les patients LC et SDRC
ont une diminution de l'activité du CPFM accompagnée, d'une augmentation d'activité du précunéus et des lobes pariétaux par rapport aux
sujets sains.

connexion chez les lombalgiques lors d'un nouvel épisode (RNM), le noyau réticulé gigantocellulaire et le noyau réticulé
douloureux [75] (Fig. 7). para-gigantocellualire latéral [80]. La stimulation ou l'inactiva-
Chez des patients arthrosiques, comparés à des sujets sains, tion des neurones MRV non sélectifs peut supprimer ou amé-
on retrouve lors d'une tâche douloureuse une hyperactivité au liorer la nociception, en fonction du contexte fonctionnel [81].
niveau du thalamus, du cortex cingulaire antérieur, du cortex Chez les patients souffrant de douleurs temporo-mandibulaires,
somesthésique et du cortex frontal. Cette hyperactivité signe la comparativement à des sujets sains non douloureux, on retro-
présence d'une sensibilisation du système nerveux central uve des altérations au niveau de la corne dorsale et au niveau
[76]. Chez les FM et les lombalgiques chroniques, comparés de la SGPA et du Raphe Magnus [82]. Chez les patients fibro-
à des sujets sains non douloureux lors d'une stimulation myalgiques, comparativement à des sujets sains non doulou-
d'intensité fixe, on observe une augmentation d'activité dans reux, on retrouve une diminution du volume du tronc cérébral
le cervelet, l'insula, le cortex cingulaire antérieure et postérieur, avec des modifications au niveau de l'aspect gauche de la
le lobe pariétal inférieur, S1 et S2. Le schéma d'activation du medulla oblongata, du pons et du noyau précunéal gauche,
cerveau de patients FM est le même que les personnes [71] et du striatum [72]. Les patients avec des douleurs neuro-
saines, mais il s'active de façon plus intense pour un même pathiques présentent une diminution du volume de matière grise
stimulus [70]. au niveau du thalamus bilatéralement, en parallèle des modi-
fications corticales [68].
Modifications sous-corticales
Les modifications diffuses qui sont décrites chez les
Dans le tronc cérébral patients avec des douleurs chroniques, en plus d'être
différentes selon les étiologies, sont aussi différentes
L'intégration nociceptive au niveau de la corne dorsale est un en fonction de la clinique des patients.
élément central dans les phénomènes douloureux aigus ou
chroniques. La corne dorsale reçoit des informations de la En effet les modifications complexes dans l'architecture du
périphérie, comme vu plus haut, mais aussi des structures système nerveux central sont différentes entre les patients qui,
supra-segmentaires. L'une des structures supra-spinales en plus de leurs douleurs, décrivent des déficits de la sensi-
essentielles est la substance grise périaqueducale (SGPA) bilité alors qu'ils n'ont pas de lésion neurologique, par rapport
[77]. Il est maintenant évident que le contrôle descendant à des patients avec uniquement de la douleur objectivée [83].
peut-être facilitateur ou inhibiteur [78]. Ces deux modalités,
facilitatrice ou inhibitrice, empruntent deux voies différentes au
niveau médullaire, les funiculi ventraux ou ventrolatéraux pour
la facilitation et le funiculus dorsolatéral pour l'inhibition. Au niveau segmentaire
L'ensemble de ces voies prend origine au niveau de ce qu'on La sensibilisation centrale est à la base un événement médul-
appelle la Moelle Rostro-Ventrale (MRV) [79]. L'équilibre entre laire, qui implique principalement les neurones à large champ
l'inhibition et la facilitation est dynamique et peut être modifié récepteur dynamique (LRD) de la couche V de la corne dor-
dans différents états comportementaux, émotionnels et patho- sale, il entraîne des altérations supra-segmentaires, mais
logiques. La SGPA est fortement interconnectée avec l'hypo- aussi au niveau segmentaire. La sensibilisation prolongée
thalamus et les structures limbiques du cerveau antérieur, y de la corne dorsale de la moelle épinière s'accompagne aussi
compris l'amygdale, qui représentent le circuit cérébral médian d'une perte de substance. En effet, l'hyperexcitabilité neuro-
de la douleur. Elle envoie sa projection descendante principale nale provoque une dégénérescence des interneurones inhi-
vers la MRV, qui peut être considérée comme la sortie du biteurs qui participent à l'allodynie [78].
système de modulation de la ligne médiane de la douleur. La En parallèle une réorganisation fonctionnelle des différentes
MVR inclut le noyau sérotoninergique du raphé magnus lames de la corne dorsale apparaît. En effet, en temps normal

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Tableau II. Diagnostics médicaux suggérant la présence de sensibilisation centrale, d'après Nijs et Coronado
(Coronado et al., 2014 ; Nijs et al., 2010).
Diagnostic médical La sensibilisation centrale est une La sensibilisation centrale
caractéristique de ce trouble est présente dans un sous-groupe
Lombalgie chronique X
Troubles chroniques associés au « whiplash » X
Troubles (sub)aigus associés au « whiplash » X
Troubles temporo-mandibulaires X
Syndrome myofacial douloureux X
Osteoarthrose X
Arthrite rhumatoïde X
Fibromyalgie X
Syndrome de fatigue chronique X
Céphalées chroniques X
Syndrome du côlon irritable X
Syndrome sous-acromial X

la couche I comprend principalement des afférences nocicep- pratique clinique. La sensibilisation périphérique se retrouve
tives des nocicepteurs Ad, et est en lien avec l'homéostasie du généralement dans les situations aiguës, correspondant à une
corps. Or, lors d'une sensibilisation centrale les afférences non situation inflammatoire.
nociceptives Ab ont tendance à se projeter des ramifications On peut retrouver les 5 signes cardinaux classiques que sont
vers les couches superficielles de la corne dorsale et à syn- l'œdème local, une augmentation de la température locale, la
thétiser de la substance P [78]. Ce mécanisme est une rougeur, la douleur et la perte de fonction de l'organe
seconde explication à la survenue d'allodynie dans le cas concerné.
d'une sensibilisation centrale. Cependant, la présence de sensibilisation périphérique ne se
De plus, les neurones LRD une fois sensibilisés répondent limite pas à la situation inflammatoire. Elle se manifeste éga-
à des afférences préalablement subliminales, ce qui participe lement dans de nombreuses pathologies connues, notamment
au phénomène d'allodynie mais aussi au phénomène d'hyper- dans le domaine musculo-squelettique, qu'elles soient aiguës
algésie secondaire. À l'inverse de l'hyperalgésie primaire, ou chroniques. Elle peut être impliquée par exemple dans des
l'hyperalgésie secondaire est décrite à distance de la lésion pathologies locales comme l'ostéo-arthrose, le syndrome
primaire. sous-acromial, la lombalgie ou dans les situations post-opé-
Une troisième forme d'hyperalgésie est décrite expérimenta- ratoires. Elle se manifeste également conjointement à la sen-
lement. Suite à une injection intradermale de capsaicine les sibilisation centrale dans le syndrome myofacial douloureux,
sujets décrivent une hyperalgésie et une allodynie du côté contro- avec la présence de trigger points. Cliniquement, la sensibi-
latéral à l'injection, alors que les deux premiers types d'hyper- lisation périphérique s'accompagne d'une hyperalgésie locale
algésie sont toujours homolatéraux à la stimulation [84] (Fig. 2). dite primaire au niveau du site de douleur, mais pas à distance.
Pour résumer, la sensibilisation centrale est un phénomène La structure devient hypersensible et a tendance à provoquer
neurophysiologique complexe au cours duquel les neurones des douleurs plus tôt et plus intenses lors de sa mise en
de deuxième ordre deviennent plus sensibles, les contrôles contrainte. C'est, par exemple, ce que l'on expérimente lors
inhibiteurs descendant deviennent moins performants et le des courbatures, ou lors de tests de mise en tension neurale
système nerveux central se modifie (perte de substance, acti- en présence d'une neuropathie comme la sciatalgie [2,85–87].
vité basale modifiée, hyperexcitabilité). Ce phénomène La situation de sensibilisation centrale est plus complexe, mais
conduit cliniquement à des douleurs disproportionnées tant est identifiée dans un grand nombre de pathologies [27]. L'une
sur leur intensité que leur localisation, très étalées et clinique- de ses caractéristiques principales est une diminution géné-
ment incohérentes. Il importe de noter que l'ensemble de ces ralisée du seuil douloureux, en opposition avec la diminution
modifications ne sont pas fixes et qu'un retour à la normale a locale en cas de sensibilisation périphérique. En effet, la
été observé. sensibilisation centrale s'accompagne d'une hyperalgésie
secondaire qui recouvre une zone plus étendue que de la
zone douloureuse et s'accompagne d'une allodynie. C'est
ce que nous avons tous expérimenté lors d'un coup de soleil
CONSIDÉRATIONS PRATIQUES ET CLINIQUES DE lorsque l'on ne supporte plus le port du tee-shirt. On retrouve
LA SENSIBILISATION PÉRIPHÉRIQUE ET également ce phénomène chez les patients gonarthrosiques
CENTRALE qui ont un seuil de douleur abaissé très largement autour du
genou et pas uniquement au niveau de l'articulation, mais
Les situations de sensibilisation, qu'elles soient périphériques aussi au niveau de l'articulation controlatérale. La sensibilisa-
et/ou centrales, sont très fréquemment rencontrées en tion centrale est susceptible de jouer un rôle, parfois principal

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Tableau III. Symptômes en relation avec la sensibilisation centrale, d'après Nijs (Nijs et al., 2010).
Symptômes Caractéristique de la Pourrait être associé à
sensibilisation centrale la sensibilisation centrale
Hypersensibilité à la lumière vive X
Hypersensibilité au touché X
Hypersensibilité au bruit X
Hypersensibilité aux pesticides X
Hypersensibilité aux pressions mécaniques X
Hypersensibilité aux médicaments X
Hypersensibilité à la température (haute ou basse) X
Fatigue X
Troubles du sommeil X
Sommeil non réparateur X
Difficultés de concentration X
Sensation de gonflement (ex dans les jambes) X
Fourmillements X
Engourdissement X

dans certaines pathologies, généralement chroniques  abaissement des seuils de douleur à la pression sur des
(Tableau II). sites à distance du site symptomatique ;
Un groupe de spécialistes a établi des critères qui permettent  douleur pour une pression de 4 kg/cm2 ou moins indique une
d'évoquer la sensibilisation centrale chez un patient, au cours hypersensibilité ;
de l'interrogatoire et de l'examen clinique [88]. Un certain  augmentation de la sensibilité au toucher, grâce à la palpa-
nombre de caractéristiques subjectives en rapport avec la tion manuelle sur des sites à distance du site
douleur du patient doivent faire évoquer la présence de sen- symptomatique ;
sibilisation centrale :  augmentation de la sensibilité aux vibrations sur des sites
 un comportement de la douleur non mécanique, dispropor- à distance du site symptomatique ;
tionné et imprévisible, en réponse à de multiples facteurs  augmentation de la sensibilité à la chaleur sur des sites
aggravants/soulageants non spécifiques ; à distance du site symptomatique ;
 une douleur qui persiste au-delà des délais attendus de  augmentation de la sensibilité au froid sur des sites à dis-
guérison ou de réparation des tissus ; tance du site symptomatique ;
 une douleur disproportionnée par rapport à la nature et  non augmentation ou diminution des seuils de douleur à la
l'importance de la blessure/pathologie ; pression avant et après des exercices ;
 une distribution de la douleur diffuse et non anatomique ;  altération des sensations de fin d'amplitude articulaire ;
 un historique d'échec des prises en charges (médicales,  augmentation bilatérale de la sensibilité aux tests neurody-
chirurgicales, thérapeutiques) ; namiques de provocation du plexus brachial.
 une association forte de facteurs psychosociaux mal adap-
tatifs (ex : émotions négatives, croyances erronées, mau-
vais comportement face à la douleur, difficultés sociales/ L'hypersensibilité du système nerveux central
familiales ou liées au travail, etc.) ; s'accompagne d'un dysfonctionnement général des
 pas de réponse aux AINS et/ou une meilleure réponse aux différents systèmes du cerveau.
médicaments antiépileptiques/antidépresseurs ;
 l'apparition de douleurs spontanées (indépendantes d'un Le patient décrit alors une sensibilité accrue aux odeurs, à la
stimulus) et/ou paroxystiques ; lumière ou au bruit. Nijs et al. ont résumé les symptômes en
 une douleur associée à une forte incapacité fonctionnelle ; relation avec la sensibilisation centrale [89] (Tableau III).
 une douleur à tendance constante/ininterrompue ; Les situations de sensibilisations périphériques et centrales
 des douleurs nocturnes avec un sommeil perturbé ; sont donc régulièrement rencontrées en pratique clinique et
 une douleur associée à d'autres dysesthésies (ex : sensa- font partie intégrante de bon nombre de pathologies, dont
tion de brûlure, froid, paresthésies) ; certaines très fréquentes comme la lombalgie chronique.
 une hyperpathie ou une douleur de forte intensité et irrita- Comme nous l'avons vu, la sensibilisation périphérique ou
bilité (facilement provoquée, mettant beaucoup de temps centrale est identifiable grâce à des éléments spécifiques liés
à céder). à l'interrogatoire du patient et à son examen clinique. Il faut
Nijs et al. proposent également des tests et signes cliniques noter que ces deux types de sensibilisation ne s'excluent pas
simples permettant de suspecter la présence de sensibilisa- l'un l'autre. En toute logique, l'état de sensibilisation périphé-
tion centrale [89] : rique précède l'installation de la sensibilisation centrale [2]. La

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Pour citer cet article : Osinski T, et al. Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur.
Kinesither Rev (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2017.02.131
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Modulation et dérèglements neurophysiologiques des voies de la douleur


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