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White Paper - IFRS9 Assurances - le mercredi 17 Janvier 2018

Ecrit par Zoher Jan Hiridjee

IFRS 9 pour les assureurs


IFRS 9 - Présentation de la norme
Le 24 juillet 2014, l’IASB a publié la version finale de la norme IFRS 9 « Instruments financiers », en
remplacement de la norme IAS 39 « Instruments financiers : comptabilisation et évaluation ».
La norme IFRS 9 est d’application depuis le 1er janvier 2018 pour toutes les sociétés cotées ou publiant
leurs comptes consolidés selon le référentiel IFRS. Son périmètre d’application est similaire à celui de
la norme IAS 39 et concerne tout type d’instruments financiers (en dehors des instruments financiers
exclus du champ de la norme IAS 39).

Les modifications apportées par la norme IFRS 9 portent sur les trois aspects suivants :
• Phase 1 : La classification des instruments financiers
• Phase 2 : L'évaluation des instruments financiers
• Phase 3 : La comptabilité des couvertures (hors macro-couverture)

Phase 1 : La classification et l’évaluation des instruments financiers


La principale amélioration apportée par la norme IFRS 9 concerne l’homogénéisation des règles de
classification et d’évaluation des instruments financiers, en partant du postulat déjà existant en IAS39
que la classification détermine la façon dont les instruments financiers seront ensuite évalués et
comptabilisés dans les états financiers consolidés de l’entreprise d’assurance.

Les points clés introduits par la norme IFRS 9 sont :

a) Une classification selon deux critères :


• Le modèle de gestion (business model)
• Les caractéristiques des flux de trésorerie des actifs financiers considérés

IFRS 9 définit deux modèles de gestion relatifs aux instruments financiers de dettes :
• Ceux présents au sein d’un modèle dont l’objectif est de les détenir avec l’intention exclusive
de percevoir les flux de trésorerie contractuels jusqu’à leurs échéances et le remboursement
du principal ;
• Ceux détenus au sein d’un autre modèle dont l’objectif est à la fois de les détenir avec l’intention
de percevoir des flux de trésorerie contractuels, mais aussi de pouvoir les vendre à tout
moment, avant leur échéance

En fonction de l’analyse combinatoire de ces deux modèles, la norme IFRS 9 impose trois critères
d’évaluations des instruments financiers en lieu et place des quatre proposés par la norme IAS 39 (que
sont pour rappels HTM, AFS, HFT, FVO), à savoir :
• Le coût amorti
Pour les compagnies d’assurance, la classification d’un instrument de dettes dans la rubrique « coût
amorti » donne lieu à une provision pour risque de crédit, qui tient compte :
- de l’intention de gestion (ou du business model) décidé par l’entité pour l’instrument
financier considéré,
- des caractéristiques des flux de trésorerie contractuels de l’instrument financier.
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Ecrit par Zoher Jan Hiridjee

Ainsi, à titre d’exemple, pour être traité en coût amorti, un titre obligataire classique doit être acquit
avec l’intention de départ de le détenir jusqu’à son échéance, et pour en percevoir ses flux de trésorerie
contractuels et le remboursement du principal (il sera ainsi classé dans les comptes à cette fin comme
« SPPI - Single Payment of Principal and Interests »).

Ces flux de trésorerie sont analogues à ceux d’un contrat de prêt de base (contrat « vanille »), pour
lequel les intérêts ne représentent que la contrepartie :
• De la valeur temps de l’argent,
• Du risque de crédit,
• D’autres risques (tel que le risque de liquidité),
• Des coûts (tels que les frais administratifs) liés à la détention d’un prêt,
• De la marge bénéficiaire.

Les modalités contractuelles donnant lieu à l’exposition à des risques ou à une volatilité des flux de
trésorerie sans lien avec ceux d’un contrat de type « vanille » (comme par exemple l’exposition d’un
flux de trésorerie aux variations du cours d’un instrument de capitaux propres), ne donnent pas lieu à
des flux de trésorerie contractuels de type « SPPI », et ne peuvent donc pas être considérés comme tel
sous le régime IFRS 9. Ils sont par conséquent classés automatiquement comme des instruments
financiers valorisés à leur juste valeur par capitaux propres ou par résultat.

• La juste valeur par capitaux propres


Les instruments financiers de dettes dits « non-SPPI » (c’est-à-dire qui ne répondent pas aux prérequis
présentés dans la rubrique ci-dessus) sont valorisés à la juste valeur par capitaux propres dans la
catégorie « OCI - Other Comprehensive Income ». Cette catégorie se décline en deux sous-catégories :
- Recyclable par résultat pour les instruments de dette : à chaque arrêté, les changements de
juste valeur sont comptabilisés en capitaux propres. Les gains et pertes y demeurent jusqu’à
leur décomptabilisation, date à laquelle ils sont transférés en résultat

- Non-recyclable par résultat pour les instruments de capitaux propres : les stocks de réserve
OCI constitués sous régime le IAS 39 ne sont pas recyclables en résultat, c’est-à-dire qu’ils ne
peuvent pas être ultérieurement transférés en résultat. Ainsi, en cas de vente d’un instrument
de capitaux propres post-FTA IFRS 9, aucun profit ou perte historique n’est comptabilisé lors
de la cession

• La juste valeur par résultat (FVTPL – Fair Value Through P&L), qui devient la catégorie par
défaut :
Par défaut, tous les instruments financiers qui ne répondent à aucune des règles ci-dessus listées sont
évalués à leur juste valeur par le biais du compte de résultat (FVTPL - Fair Value through P&L). On y
retrouve notamment les instruments de capitaux propres, etc.

D’un point de vue opérationnel et pour les compagnies d’assurance, cette phase d’analyse des
instruments financiers nécessite un important travail car elle suppose :

- De rentrer dans l’analyse des clauses contractuelles de chacun des instruments de dettes
figurant dans les portefeuilles d’actifs financiers.

- Cette analyse est complexifiée par le fait que, pour les gestions de portefeuilles externalisées,
l’information peut être difficilement accessible. Pour les gestions de portefeuilles internalisées,
la difficulté peut se situer dans la capacité à pouvoir récupérer les clauses contractuelles
(difficulté d’accès à l’information par exemple pour un titre coté sur un marché étranger) , et
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d’être en capacité de les analyser sous un prisme IFRS 9 à des fins de décisions de gestion, de
possibilité de classification et de documentation

- De bien comprendre les enjeux qu’impliquent la structure des portefeuilles d’instruments


financiers tant sur le plan de l’ALM que sur le plan de la volatilité du résultat et des fonds
propres de l’entreprise

- De choisir une stratégie d’allocation cible du portefeuille d’instruments financiers dont les
enjeux de déformations puissent être mis en perspective des objectifs du plan stratégique de
l’entreprise sur le plan Finance et Risque (par exemple alignés sur les travaux de l’ORSA).

Phase 2 : La dépréciation de l’instrument financier de dettes de type SPPI


La principale faiblesse identifiée quant à l’application de la norme IAS39 porte sur la reconnaissance
exclusive des « pertes encourues », et donc tardive de ces dernières.
Dans ce contexte, IFRS 9 impose un modèle unique de dépréciation, permettant une reconnaissance
fondée sur les « pertes attendues ».
Elle introduit à ce titre des concepts beaucoup plus proches des règles baloises bien qu’elle en conserve
de fortes spécificités, que des modèles de provisionnement existants dans les univers prudentiels
assurantiels Solvabilité I et II en Europe, tels que :
• l’ECL (Expected Credit Loss), basée sur une probabilité de défaut de l’émetteur (« Probability
of Default – PD ») et une évaluation de la perte encourue en cas de défaut de la part d'une
contrepartie (Loss-Given-Default rates (LGD) ;
• L’intégration du concept de « forward looking data » dans les modèles de risques, qui réclame
d’intégrer des données prospectives pour en apprécier les paramètres de défaut ;
• Le suivi et la prise en compte de la dégradation du risque de crédit (par exemple passage d’un
« Bucket 1 – Instruments financiers sains non sensibles » à un « Bucket 2 – Instruments
financiers sensibles ») tout au long de la vie de l’instrument financier.

Le dispositif de provisionnement basé sur une PD et une LGD notamment, apparaissant ainsi comme
un concept nouveau, nécessite une collecte significative de données et la mise en place de modèles
de calculs de dépréciations dont la propriété physique entre Finance et Risque reste encore à
déterminer.

De même, la convergence des modèles Finance/Risques assurantiels sur les instruments financiers
resterait un chantier à mener, l’autre possibilité serait de concevoir dans un premier temps des
dispositifs spécifiques IFRS 9, non contraints par les aspects prudentiels, puis d’envisager de
concevoir des modèles Finance/Risques, avec pour ambition de les faire converger dans le futur.

Phase 3 : La comptabilité de couverture (hors macro-couverture)

La norme IFRS 9 introduit un modèle pour la comptabilité de type micro-couverture qui aligne le
traitement comptable sur les activités de gestion des risques.
L’objectif est de représenter, dans les états financiers consolidés, l’effet des activités de gestion des
risques de l’entreprise qui utilise des instruments financiers pour gérer des risques et qui pourraient
affecter le résultat net.
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Ecrit par Zoher Jan Hiridjee

IFRS 17 et approche Overlay


▪ L’équilibre ALM est un enjeu central chez les assureurs. Il permet de s’assurer qu’à tout moment au
cours de la vie des contrats d’assurances, les placements (à l’actif) dans lesquels les primes
d’assurance ont été investies permettront de garantir (en devise, en valeur, en duration ainsi qu’en
rendement) les engagements pris par la compagnie d’assurance vis-à-vis de assurés (au passif)
• L’application de la norme IFRS 17 prévue à compter du 1er janvier 2021 va obliger les assureurs à
comptabiliser leurs passifs d’assurance en valeur de marché, par l’actualisation des futurs flux de
trésorerie relatifs aux contrats d’assurance au taux d’intérêt en vigueur, et en y incluant une marge
de risque
• Les règles de valorisation respectives des placements et des provisions techniques peuvent ainsi
générer des déséquilibres, qui seront susceptibles de se traduire par des variations significatives au
niveau du compte de résultat
• Dans le cadre normatif actuel (IAS39 et IFRS4 Phase 1), ces déséquilibres sont atténué s par les
assureurs au moyen de l’usage d’une comptabilité reflet, dite « participation aux bénéfices différés »
(ou « shadow accounting »)
▪ Ainsi, face à des placements majoritairement évalués à leur juste valeur en IAS 39, la « participation
aux bénéfices différée » permet d’ajuster les provisions techniques à hauteur d’une part significative
des plus ou moins-values latentes constatées à l’actif

▪ Le problème résulte du fait que cette comptabilité-reflet disparaîtra à compter du 1er Janvier 2021,
avec la mise en application de la norme IFRS 17

▪ L’enjeu consiste donc à réaliser de façon optimale une allocation d’actifs par modèle économique
telle que prévue par la norme IFRS 9 sans savoir comment se comporteront les passifs des contrats
avec participation aux bénéfices sous IFRS 17

▪ Dans ce contexte, la majorité des compagnies d’assurance de la place ont décidé de reporter la mise
en application de la norme IFRS 9 à la date d’application de la norme IFRS 17
En septembre 2016, l'IASB a publié Application d'IFRS 9, Instruments financiers et d’IFRS 4, Contrats
d’assurance (projet de modification d’IFRS 4).
• Les modifications offrent donc deux options aux compagnies d’assurance émettant des contrats
d'assurance entrant dans le champ d'application de la norme IFRS 17 :
• Option 1 : permettre aux compagnies d’assurance de reclasser en autres éléments du résultat global
certains montants de produits ou de charges comptabilisés en résultat net, issus d’actifs financiers
désignés ; c’est l’approche par superposition (dite approche Overlay)
• Option 2 : exempter temporairement l’application d’IFRS 9 pour les compagnies d’assurances dont
l’activité prédominante consiste à émettre des contrats entrant dans le champ d'application de la
norme IFRS 17

IFRS 9 - Impacts de mise en œuvre


Les éléments proposés par la norme IFRS 9 exigent aux compagnies d’assurance de revoir en détail
l’ensemble de leur portefeuille d’instruments financiers.

L’ampleur des impacts varie selon la taille, la nature des instruments financiers détenus, et des choix
d’allocations stratégiques. Les méthodes d’évaluations ont à elles seules d’importants impacts sur la
volatilité du compte de résultat ou des fonds propres, et in-finé sur le besoin en capital.

Bien que la norme IFRS 9 soit « comptable », elle induit des évolutions au niveau des organisations des
entreprises d’assurance, impliquant à la fois les fonctions Finance et Risques, par exemple sur des
chantiers de production des reporting comptables et réglementaires, etc.
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Afin d’ajuster l’ampleur du projet de mise en conformité aux effets potentiels induits, les
établissements doivent se lancer dans des exercices de simulation et dans des études d’impacts.

L’estimation du coût de mise en œuvre doit aussi prendre en compte le fait que de nouveaux processus
et de nouveaux contrôles sont requis, des modèles de calculs inédits à mettre en œuvre et,
potentiellement, de nouvelles données à collecter.

La question de la donnée, de sa qualité et de sa complétude, de son historique, de ses moyens, de son


délai de production, de son analyse et de son contrôle est aussi un enjeu majeur. En effet, toutes les
données requises ne sont pas disponibles de manière systématique au sein des Directions
Finance/Risques (à titre d’exemple, la disponibilité de la notation à l’origine des titres d’instruments
de dettes).

L’application de la norme IFRS 9, qui intervient après la mise en place de Solvabilité II, pose aussi
naturellement le sujet de la convergence de certains processus Finance/Risque, de la mise en œuvre
de systèmes d’informations mutualisés réduisant d’autant les incohérences potentielles entre les
univers et permettant de s’aligner avec des exigences réglementaires sur la qualité des données telles
que, par exemple, la norme BCBS 239.

Sur le plan opérationnel, l’application de la norme IFRS 9 va nécessairement conduire à des évolutions
des business models des compagnies d’assurance, ne serait-ce que par son impact sur le montant des
provisions sur les instruments financiers et donc sur la charge du risque.

Des simulations sont nécessaires pour éclairer les Directions des Groupes d’assurance sur les impacts
par métier, et ainsi permettre d’identifier les zones de forces et de faiblesses , avant de faire évoluer, le
cas échéant, les portefeuilles d’instruments financiers (cessions d’instruments financiers par exemple).

Enfin, un enjeu de communication financière aussi bien que de pédagogie existent afin de permettre
aux Groupes d’assurance d’apporter au marché (investisseurs, partenaires, assurés, réassureurs,
régulateur etc.), les explications nécessaires sur les évolutions, impacts et opportunités que
représentent la mise en place de la norme IFRS 9 sur les comptes consolidés des entreprises
d’assurances.

Rédigé par Zoher Jan – Breteuil Consulting SAS

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