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20/11/2023 14:59 Essai sur l’équilibre de la convention de non-concurrence - Chapitre 1.

L’équilibre contractuel lors des effets de la convention …

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universitaires
de
Perpignan
Essai sur l’équilibre de la convention de non-
concurrence | Marc Gomy

Chapitre 1.
L’équilibre
contractuel lors
des effets de la
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convention de non-
concurrence entre
les parties
p. 152-202

Texte intégral
1 245- Le principe de la force obligatoire du contrat, s’il
garantit le maintien de l’équilibre contractuel, n’en est pas
pour autant un obstacle infranchissable. Le domaine
juridique présentement étudié ne se soustrait pas à cette
vérité puisque l’on constate une intensité inégale de la force
obligatoire de la convention de non-concurrence (Section
1).
2 Mais c’est sans aucun doute l’attitude des parties face à leurs
engagements qui représente de façon systématique et
beaucoup plus brutale une menace pour ce qui a été édifié
dans le contrat. L’inexécution de la convention de non-
concurrence constitue en effet une rupture de l’équilibre
contractuel (Section 2).

SECTION 1. L’INTENSITÉ INÉGALE DE LA


FORCE OBLIGATOIRE DE LA
CONVENTION DE NON-CONCURRENCE
3 246- Le principe de la force obligatoire du contrat a pour
fonction d’assurer une certaine sécurité aux parties en
conférant à leur volonté un caractère qui se veut immuable.
4 Si les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à
ceux qui les ont faites, l’alinéa 2 de l’article 1134 du Code civil
prévoit dans le même temps que le contrat peut être révoqué
par le consentement mutuel des parties. En conséquence, il
est possible d’assister à une remise en cause de l’existence de
la convention de non-concurrence par la volonté des parties
(Sous-section 1).

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5 Par ailleurs, le principe de la force obligatoire s’impose au


juge qui se doit de respecter l’équilibre de la convention de
non-concurrence (Sous-section 2).
6 En dernier lieu, il conviendra d’examiner une hypothèse
particulière où la force obligatoire de la convention de non-
concurrence se trouve également en jeu, celle du
retentissement de la disparition du contrat principal sur
l’efficacité de la convention de non-concurrence (Sous-
section 3).

SOUS-SECTION 1. LA REMISE EN CAUSE DE LA


CONVENTION DE NON-CONCURRENCE PAR LA
VOLONTÉ DES PARTIES
7 247- L’inapplication de la clause de non-concurrence du fait
de la volonté des parties n’est pas chose rare. Le phénomène
se rencontre essentiellement en droit du travail en raison de
la prévision par la convention collective d’une indemnité de
non-concurrence.
8 En donnant à la clause un caractère synallagmatique la
contrepartie a pour conséquence majeure de rendre le salarié
créancier et l’employeur débiteur. Il y a rééquilibrage des
intérêts en présence, la convention de non-concurrence ne
bénéficiant plus au seul employeur. Dans ces conditions, on
peut comprendre que ce dernier hésite à maintenir
l’interdiction si sa justification est mince ou inexistante.
Cette réflexion peut le conduire à écarter l’application de la
clause. Car c’est bien la présence d’une contrepartie
financière qui pousse l’employeur à renoncer et lorsque la
convention de non-concurrence est dépourvue de cette cause
spécifique la remise en cause de l’interdiction est très rare. Il
convient dès lors de s’interroger sur la nature de la
renonciation : celle-ci doit-elle être unilatérale ou bilatérale ?
9 248- À la vérité, il n’existe pas, à proprement parler, de
renonciation bilatérale. La renonciation constitue en effet un
acte de volonté unilatéral seulement possible lorsqu’il ne
peut nuire qu’à celui qui le fait. On renonce à un droit, non à
un contrat. En présence d’une convention de non-
concurrence synallagmatique, la renonciation, sous-
entendue unilatérale, d’une partie n’est pas admissible. Seul
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un consentement mutuel permet de révoquer la convention


de non-concurrence (Paragraphe 1). Cependant, une
renonciation à celle-ci (Paragraphe 2) reste possible sous
certaines conditions.

PARAGRAPHE 1. LA RÉVOCATION DE LA CONVENTION


DE NON-CONCURRENCE
10 249- La révocation par consentement mutuel est une
résiliation amiable ou conventionnelle qui ne détruit le
contrat que pour l’avenir1. Mais, s’agissant de la clause de
non-concurrence post-contractuelle, le terme de convention
révocatoire, qui s’applique à la suppression des effets d’un
contrat non encore exécuté, est préférable à celui de
résiliation. La résiliation implique que le contrat ait
commencé à être exécuté alors que l’obligation de non-
concurrence n’a pas encore produit ses effets quand les
parties manifestent leur intention de s’en libérer.
11 Un mutuus dissensus est donc nécessaire pour la révocation
de la clause de non-concurrence. Or, pendant très
longtemps, la jurisprudence sociale a reconnu à l’employeur,
en contradiction avec le droit des contrats, la possibilité de
renoncer à la clause de non-concurrence accompagnée d’une
compensation en dehors de toute disposition
2
conventionnelle à cet égard .
12 250- Une telle jurisprudence est difficilement justifiable. Si,
en effet, il est possible de renoncer à un droit, on ne peut en
revanche renoncer à une obligation, ce qui est le cas ici ; en
renonçant à se prévaloir de l’existence de l’interdiction de
concurrence l’employeur renonce par la même occasion à
son obligation de payer l’indemnité promise. Cela revient « à
permettre à un débiteur de se libérer unilatéralement de sa
propre obligation »3.
13 L’explication de cette jurisprudence est à trouver dans
l’affirmation selon laquelle la clause de non-concurrence est
stipulée dans l’intérêt de l’employeur, justification fallacieuse
puisque la présence d’une indemnité de non-concurrence
détermine également un intérêt du côté du salarié. Il est vrai
que l’employeur était en ces temps seul juge de la légitimité
de son besoin de prévoir une telle disposition, l’intérêt
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légitime ne constituant pas alors une condition de validité4.


Stipulant de façon discrétionnaire une interdiction de
concurrence il semblait normal que l’employeur puisse
décider unilatéralement de sa disparition.
14 251- La Cour de cassation campait depuis si longtemps sur
cette position que le revirement de sa jurisprudence, opéré le
17 février 19935, représenta un événement inattendu.
Revenant aux principes du droit des contrats qu’ils
n’auraient jamais dû abandonner, les juges ont décidé que
« l’employeur ne pouvait renoncer à l’exécution de la
clause ». Le pourvoi, quant à lui, reposait sur une
argumentation éprouvée selon laquelle «il résulte de la
jurisprudence que l’employeur peut, à la fin du contrat,
renoncer à se prévaloir de la clause de non-concurrence ;
que cette renonciation unilatérale reste possible, même si la
clause prévoyait une contrepartie pécuniaire au profit du
salarié, dans la mesure où, comme en l’espèce, la clause n’en
demeure pas moins stipulée au profit du seul employeur ».
Les juges réfutent cette explication. La prévision d’une
indemnité de non-concurrence donne à la convention de
non-concurrence un caractère synallagmatique, ce qui
permet d’écarter la justification de la jurisprudence ancienne
pour laquelle l’interdiction était stipulée au profit de la seule
entreprise; elle est «instituée, non seulement dans l’intérêt
de l’employeur, mais également dans celui du salarié»6.
Ainsi, un véritable équilibre objectif est restauré dans le
domaine de la renonciation.
15 On ne peut qu’approuver ce revirement jurisprudentiel car il
est en accord avec la théorie générale des obligations.
Toutefois, celle-ci permet dans le même temps aux parties de
convenir d’une renonciation à la clause de non-concurrence
au profit de l’une d’elles, ce qui réduit singulièrement la
portée de cet arrêt. En pratique, c’est à l’employeur que le
contrat de travail réservera cette faculté.

PARAGRAPHE 2. LA RENONCIATION À LA CONVENTION


DE NON-CONCURRENCE
16 252- Selon le droit commun, une convention ne peut être
résiliée par la volonté d’une seule partie. Il est cependant
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envisageable de prévoir une résiliation unilatérale au profit


de l’un des cocontractants7. Cette possibilité n’est pas sans
poser d’interrogations au regard de la jurisprudence qui
exige désormais que l’employeur obtienne l’assentiment du
salarié pour renoncer à une clause de non-concurrence
assortie d’une compensation.
17 Lorsqu’on sait que les conventions collectives prévoient
presque toujours une faculté unilatérale de renonciation au
bénéfice de l’employeur8 que le contrat de travail règlemente
parfois lui aussi, il est vraisemblable que l’utilité de la
jurisprudence soit réduite. Toutefois, s’agissant du droit
contractuel collectif, le revirement de position des juges
devrait avoir pour conséquence d’éliminer les dispositions
consacrant une renonciation unilatérale de l’employeur qui
s’avèrent à présent plus défavorables pour le salarié que le
droit commun9.
18 Mais il sera toujours loisible aux parties d’inclure dans le
contrat un droit de résiliation unilatérale dont l’employeur
pourra disposer à sa guise. Parfaitement valable au regard de
la théorie générale des obligations, la mise en œuvre de ce
droit paraît peu opportune si l’on veut bien considérer
l’économie du contrat de travail qui révèle un déséquilibre
contractuel au profit de l’employeur.
19 Par ailleurs, comme le fait très justement remarquer M.
Serra, « la sauvegarde effective de l’intérêt du salarié ne
sera réalisée que si l’accord de ce dernier à la renonciation
par l’employeur à la clause de non-concurrence doit être
exprimée au moment où l’employeur peut effectivement
renoncer à la clause de non-concurrence, c’est-à-dire dans
un délai très proche de la rupture du contrat de travail, le
salarié disposant alors d’éléments précis sur ses
perspectives professionnelles »10.
20 253- Dans ces conditions, ne serait-il pas préférable que la
loi vienne, soit interdire toute renonciation unilatérale, soit
la réglementer11 ? À cet égard, le droit belge admet que
l’employeur ne puisse plus renoncer à la clause de non-
concurrence après un délai de quinze jours à partir du
moment de la cessation du contrat12. Le droit allemand pour

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sa part adopte une solution originale et plus protectrice des


intérêts de l’employé. La renonciation unilatérale de
l’employeur doit intervenir avant l’expiration des relations
contractuelles ; elle prive immédiatement d’effet
l’interdiction alors que l’obligation au versement de
l’indemnité de non-concurrence ne s’éteint qu’après un délai
d’une année à partir de la notification de l’employeur13.

SOUS-SECTION 2. LE RESPECT PAR LE JUGE DE


L’ÉQUILIBRE DE LA CONVENTION DE NON-
CONCURRENCE
21 254- On admet que le juge n’a pas le pouvoir de modifier ce
que la volonté des parties a clairement exprimé, la force
obligatoire du contrat s’imposant à lui. Cependant, il s’est
développé en jurisprudence une pratique originale
consistant, dans certaines circonstances, à réviser la clause
de non-concurrence et donc à bouleverser l’équilibre
contractuel (Paragraphe 1).
22 De façon beaucoup plus traditionnelle, l’obscurité du contrat
fait obligation au juge de l’interpréter, ce qui lui permet de
reconstituer l’équilibre contractuel voulu par les parties
(Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1. LA RÉVISION JUDICIAIRE DE LA


CONVENTION DE NON-CONCURRENCE,
BOULEVERSEMENT DE L’ÉQUILIBRE CONTRACTUEL
23 255- Selon le droit commun, la sanction des conditions de
validité de la convention de non-concurrence réside dans
l’annulation. Pourtant, la jurisprudence en droit du travail a
choisi, entre la nullité de la stipulation et son maintien, une
voie intermédiaire consistant à réviser la convention afin de
valider celle-ci dans des limites plus étroites.
24 Dans un premier temps, il conviendra de montrer la nature
exacte de la révision judiciaire (I). Dans un second temps, il
sera intéressant d’anticiper les éventuelles transformations
de cette pratique. Il s’agira en effet de concevoir l’avenir de la
révision judiciaire au regard des évolutions
jurisprudentielles récentes (II)
I - LA NATURE DE LA RÉVISION JUDICIAIRE

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25 256- La description du mouvement jurisprudentiel (A) ainsi


que son analyse (B) permettront de cerner la véritable
nature de la révision judiciaire.
A - LA DESCRIPTION DU MOUVEMENT JURISPRUDENTIEL
26 257- Les premières révisions judiciaires de conventions de
non-concurrence se sont rencontrées très tôt en
jurisprudence. Se fondant plus ou moins implicitement sur
des considérations d’équité, certaines décisions ont sauvé de
la nullité des interdictions excessives en réduisant leur
portée à des proportions jugées raisonnables.
27 C’est ainsi que la Cour de cassation elle-même approuvait la
révision d’une clause de non-concurrence illimitée quant au
lieu opérée par la Cour d’appel qui avait fixé l’étendue
géographique de la prohibition au département de la Seine14.
Mais la jurisprudence était incertaine.
28 La Chambre civile cassait en effet quelques années plus tard
l’arrêt de la Cour d’appel qui avait réduit au chef-lieu du
département du Rhône une clause de non-concurrence sans
limitation territoriale15. Malgré la réitération de l’interdiction
pour le juge de modifier la convention de non-concurrence16
une jurisprudence contestataire continuait à prospérer17.
29 258- Cette jurisprudence contradictoire allait contribuer à
donner naissance à une deuxième génération de révisions
judiciaires dont le point de départ peut être fixé le 16
novembre 1958, date à laquelle la Cour de cassation donnait
un nouveau fondement juridique à la technique de la
réduction de la convention de non-concurrence. A cette
occasion, les juges ont approuvé la décision d’une cour
d’appel qui avait déclaré valable un engagement de non-
concurrence, illimité quant au temps, au moins pour les trois
départements dans lesquels le salarié avait exercé son
activité concurrentielle18. La nullité partielle est donc
possible lorsque le salarié a violé son obligation de non-
concurrence, la validation intervenant alors comme une
sanction du comportement fautif de celui-ci. On a parlé à
juste titre de « validité-sanction » 19. La portée de
l’interdiction modifiée épouse ainsi parfaitement l’étendue
de la violation de la convention.

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30 La révision concerne aussi bien la portée géographique de


l’interdiction20 que sa durée21 ou la nature des activités
prohibées22. Cette pratique judiciaire n’est plus désormais
remise en cause par la Cour de cassation. Au contraire, cette
dernière a reproché à certaines décisions d’avoir annulé une
clause excessive23, la réduction prenant alors un caractère
impératif pour les juges du fond.
B - L’ANALYSE DU MOUVEMENT JURISPRUDENTIEL
31 259- La doctrine se montre assez partagée dans son
appréciation de la révision judiciaire des conventions de
non-concurrence.
32 260- Les tenants de la révision ont fait remarquer, ce qui
n’est pas faux, que l’instauration par les parties, au moment
de la formation du contrat de travail, des limites dans
lesquelles l’interdiction est enfermée, était entachée d’un
certain aléa, les circonstances ayant justifié la clause ayant
pu évoluer ou disparaître lors de l’extinction du contrat. Le
temps qui s’écoule entre la stipulation de l’obligation de non-
concurrence et son entrée en vigueur constitue, à n’en pas
douter, un facteur d’incertitude que les parties ne sont en
mesure de conjurer que par la modification de la clause ou le
choix de ne la prévoir qu’en fin de contrat.
33 Les partisans de la révision ont encore fait valoir que celle-ci
était respectueuse de l’intention des parties. Ce n’est pas tant
sur la portée exacte de la convention de non-concurrence
que la volonté des contractants s’est manifestée que sur
l’existence même de l’interdiction24. Dans ces conditions,
annuler la clause serait pour ces auteurs inacceptable,
l’attitude délibérée du salarié de violer l’interdiction,
autrement dit sa mauvaise fois, n’étant pas sanctionnée.
34 Par ailleurs, tout en admettant que la révision judiciaire
profite à l’employeur, il est observé que le salarié en retire un
certain avantage : « on pourrait s’interroger sur la réaction
des juges si le choix qui s’offrait à eux consistait à admettre
‘en bloc’ la validité de la clause (et de ses modalités, sans
pouvoir les modifier) ou en prononcer la nullité. Face à cette
alternative, les juges n’hésiteraient-ils pas davantage à
dénoncer les excès de la clause ? »25.

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35 261- L’ensemble de ces arguments visant à justifier la


pratique de la révision-réduction n’est pas totalement dénué
de fondement. Toutefois, il manque une base juridique solide
qui permettrait de concilier la réduction avec le principe que
le juge ne peut modifier une clause claire et précise.
36 Bien entendu, la première objection qui vient à l’esprit pour
critiquer la révision judiciaire consiste à opposer à cette
dernière le principe de l’autonomie de la volonté et avec lui
deux autres principes qui en découlent, ceux de la liberté
contractuelle et de la force obligatoire du contrat. Pourtant,
l’argument n’est pas décisif, le dogme de l’autonomie de la
volonté ayant subi dans le droit moderne de multiples
atteintes et spécialement dans le domaine des conventions
de non-concurrence. Est-il encore possible d’invoquer la
liberté contractuelle lorsqu’elle ne suffit plus à valider une
interdiction et que le juge s’en remet non plus à l’intention
des parties mais à la légitimité de l’intérêt qui a poussé le
créancier de non-concurrence à prévoir une telle
stipulation26 ? Est-il encore concevable de se référer à la
force obligatoire du contrat alors que l’interprétation
finaliste mise en œuvre par les tribunaux flirte avec la
réfaction de la clause de non-concurrence en faisant dire aux
parties ce qu’ils n’ont pas dit expressément27. En réalité, c’est
sur des terrains différents que doit se porter la critique.
37 Tout d’abord, c’est avec pertinence que l’on a relevé que la
pratique de la révision judiciaire revenait « à déterminer la
validité d’une convention non au moment de sa conclusion
mais à celui de son inexécution »28. On peut même ajouter
qu’il est peu orthodoxe de faire dépendre la licéité d’une
obligation du comportement, fautif ou non, de son débiteur
lors de son application.
38 Plus encore, la jurisprudence de la Cour de cassation porte
atteinte de manière très grave à la liberté de concurrence
dont dispose le salarié à la rupture du contrat de travail. En
effet, la position des juges revient à mettre à la charge du
salarié une obligation de non-concurrence implicite pour
l’après-contrat puisque la clause est réduite et non annulée29.

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39 D’évidence la révision-réduction révèle des effets pervers30.


Toutefois, la jurisprudence récente n’impose-t-elle pas de se
poser la question de l’opportunité d’une telle pratique en des
termes différents ?
II - L’AVENIR DE LA RÉVISION JUDICIAIRE AU REGARD DES
ÉVOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES RÉCENTES
40 262- Après l’adoption du critère de l’intérêt légitime et de
celui de proportionnalité, ne convient-il pas de repenser les
données du problème relatif à la révision judiciaire des
conventions de non-concurrence ?
41 Depuis 1992 le juge doit déclarer illicite toute clause de non-
concurrence qui ne présente pas d’utilité particulière pour
l’employeur31. La décision qui a instauré l’exigence d’un
intérêt légitime est intéressante parce que les faits de
l’espèce montrent que le salarié s’était engagé
immédiatement après la rupture du contrat de travail chez
une entreprise concurrente, dans la même ville où exerçait
son ex-employeur. Conformément à la jurisprudence
classique sur la révision judiciaire, toutes les conditions
étaient réunies pour qu’une réduction de l’interdiction
s’opérât. Pourtant, en faisant de l’intérêt légitime un élément
de validité, la Chambre sociale annulait par la même
occasion la clause de non-concurrence dans son intégralité
sans procéder à une quelconque révision. Par conséquent,
l’exigence d’un intérêt légitime ne peut qu’aller dans le sens
d’une régression de la pratique de la validité-sanction.
42 Reste toutefois l’hypothèse où la clause présente une certaine
utilité pour l’employeur mais dont les limitations
outrepassent le réel besoin de protection de l’entreprise.
C’est alors au critère de proportionnalité qu’il faut se référer
afin d’en déterminer exactement les influences sur la
pratique judiciaire de la révision. Ce critère, dégagé par une
décision de la Chambre commerciale du 4 janvier 199432
aura-t-il pour conséquence de stimuler ou d’inhiber la
révision des conventions de non-concurrence ? Il est permis
de douter que de tels effets, positifs ou négatifs, puissent se
produire.
43 Le critère de proportionnalité permet de rechercher
l’adéquation entre la protection de l’intérêt légitime du
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créancier de non-concurrence et les limitations imposées par


la clause. C’est donc l’intérêt légitime qui sert de mesure à la
dimension de l’interdiction. Il en va différemment lorsque le
juge procède à la réfaction de l’engagement car la réduction
se base sur l’étendue de la violation de la clause de non-
concurrence. C’est le comportement du salarié qui détermine
directement la proportion dans laquelle l’interdiction reste
valable alors que le critère de proportionnalité s’attache à
concilier dans un rapport d’équivalence l’intérêt du créancier
et l’impact de la clause de non-concurrence sur son débiteur.
44 Ces deux techniques ne se situant pas sur le même terrain et
ne relevant pas d’une philosophie identique, on ne voit pas
comment l’une pourrait influencer l’autre. Mais cette analyse
n’épuise pas la question. Il reste à se demander si le critère
de proportionnalité ne va pas transformer la pratique de la
validité-sanction en une véritable validation par réduction.
45 263- En effet, jusqu’à présent, la mise en œuvre de la
révision judiciaire ne se déclenche que dans l’hypothèse où le
salarié a violé l’interdiction de concurrence. Or, ne peut-on
pas imaginer de généraliser cette technique en l’appliquant
chaque fois que les limitations de la clause de non-
concurrence s’avèrent disproportionnées au regard du réel
besoin de protection de l’employeur ?
46 Il est difficile d’apporter une réponse définitive, la
jurisprudence sur les conventions de non-concurrence
donnant des exemples d’innovations tout à fait inattendues.
Cependant, en toute rigueur, il est hasardeux pour l’heure de
déduire de la consécration du critère de proportionnalité
l’instauration d’une véritable validation par réduction telle
qu’elle a été souhaitée par certains auteurs33. La seule
question qui mérite d’être posée est la suivante : quelle doit
être la sanction d’une clause de non-concurrence
disproportionnée, la réduction ou la nullité ?
47 L’arrêt de la Chambre commerciale du 4 janvier 1994 ne
permet pas de répondre. La problématique reste finalement
identique à celle rencontrée pour l’actuelle révision
judiciaire. Doit-on réduire à la proportion valable la clause
de non-concurrence, ce qui laisserait au juge la possibilité de

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refaire le contrat en dehors de la volonté des parties, ou doit-


on annuler la clause de non-concurrence disproportionnée
en respectant les principes classiques de la force obligatoire
du contrat et de la liberté contractuelle, ainsi que la liberté
de concurrence du salarié au moment de la rupture du
contrat de travail ?
48 En conformité avec l’analyse antérieure relative à
l’opportunité du maintien de la révision judiciaire, il
convient également de se prononcer contre la pratique de la
validation par réduction qui reposerait sur le critère de
proportionnalité.
49 264- Quant aux droits européens, ils ne sont pas en règle
générale favorables à la révision de la clause de non-
concurrence, et lorsque certains admettent la réduction, on
est alors loin de la pratique judiciaire française.
50 C’est aux Pays-Bas et en Suisse que la réduction apparaît la
plus remarquable. Selon le droit néerlandais, le juge a la
faculté de « déclarer nulle en tout ou partie une telle
convention, en se basant sur le fait que cette convention nuit
au salarié d’une manière inéquitable en comparaison avec
la défense des intérêts de l’employeur »34. Ce sont des
conditions similaires prévues par l’article 340-a du Code des
Obligations qui permettent au juge helvétique de réduire
l’excès de l’interdiction qui porte atteinte aux perspectives
économiques du salarié « contrairement à l’équité ».
51 Le droit allemand diffère quelque peu en ce que la
prohibition excessive est systématiquement réduite aux
limites légales imposées par l’article 74-a du Code de
commerce. Ainsi, la clause n’est pas annulée mais se trouve
uniquement inopposable dans la mesure de l’excès35.

PARAGRAPHE 2. L’INTERPRÉTATION DE LA
CONVENTION DE NON-CONCURRENCE,
RECONSTITUTION DE L’ÉQUILIBRE VOULU PAR LES
PARTIES
52 265- Le principe de la force obligatoire du contrat interdit au
juge de modifier la convention de non-concurrence en se
substituant à la volonté clairement exprimée des parties.

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Toutefois, lorsque l’intention des contractants se révèle


ambiguë, le juge dispose d’un pouvoir d’interprétation.
53 D’après l’article 1156 du Code civil « on doit dans les
conventions rechercher qu’elle a été la commune intention
des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens
littéral des termes ». Les aspects de l’interprétation de la
clause de non-concurrence sont nombreux et variés36.
Cependant, ce n’est pas tant le caractère hétéroclite de
l’interprétation qui fait difficulté que la délicate
reconstitution de l’équilibre contractuel tel qu’il a été
envisagé par les parties au moment de la formation de la
convention de non-concurrence.
54 En effet, il convient de relever ce que la recherche de la
commune intention des contractants a d’artificiel. Le plus
souvent les parties n’ont pas su ce qu’elles désiraient
précisément. Et lorsque leur volonté est déterminée, n’ont-
elles pas envisagé de manière divergente le sens à donner à
la clause équivoque ? Il est difficile de concevoir une
intention commune alors que les parties ont des intérêts
antagonistes. La convention de non-concurrence étant
stipulée au bénéfice de son créancier -surtout dans le cas où
aucune contrepartie pécuniaire n’a été prévue- la commune
intention des parties apparaît comme une quête bien
illusoire.
55 Malgré ce, le travail du juge doit s’accomplir. C’est
essentiellement le contenu de la prestation de non-
concurrence (I) qui est sujet à interprétation. Il ne faut
cependant pas négliger les conditions de la renonciation (II).
I - LE CONTENU DE LA PRESTATION DE NON-CONCURRENCE
56 266- Concernant le contenu de la prestation de non-
concurrence le pouvoir d’interprétation du juge s’est
manifesté sous deux formes différentes : l’interprétation
restrictive (A), plutôt ancienne et désormais minoritaire, et
l’interprétation téléologique (B), adoptée majoritairement à
l’heure actuelle par la jurisprudence.
A - L’INTERPRÉTATION RESTRICTIVE
57 267- Dans un premier temps, la jurisprudence a opté pour
une interprétation restrictive des clauses de non-
concurrence appuyée en cela par la doctrine majoritaire37.
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Cette interprétation trouve sa raison d’être dans l’idée qu’un


engagement de non-concurrence a un effet négatif sur la
liberté économique individuelle. Constituant une dérogation
à la liberté du commerce et de l’industrie et à la liberté du
travail, considérées toutes deux comme étant d’ordre public,
l’interdiction doit être interprétée de manière restrictive par
les Tribunaux. Ainsi est-ce l’opinion de la doctrine ancienne :
« il est de règle que l’interprétation de ces sortes de clauses
doit être restrictive »38. Cette analyse se retrouve également
dans de récents écrits : l’interprétation restrictive s’impose
«en ce qu’elle apporte dérogation au principe de liberté du
travail »39.
58 Le juge doit s’en tenir à une analyse littérale des termes de la
convention. Aussi a-t-il été admis que le chef du rayon bazar
d’un supermarché pouvait se réembaucher dans le secteur du
petit commerce traditionnel sans pour autant enfreindre la
clause de non-concurrence rédigée en termes généraux qui
lui interdisait d’exercer une activité similaire à celle de son
ex-employeur40. De la même façon, la Chambre sociale de la
Cour de cassation a jugé que l’ancien salarié d’un
groupement d’achat de produits d’épicerie était en droit
d’entrer au service d’une société anonyme vendant de
l’épicerie en gros alors que la clause de non-concurrence
prévoyait une interdiction de réembauchage dans un autre
groupement d’achat41.
59 En dehors des relations de travail, l’interprétation restrictive
a été également mise en œuvre pour une clause qui faisait
défense à un vendeur de fonds de commerce de boulangerie-
pâtisserie traditionnelle de s’intéresser directement ou
indirectement à cette activité et qui lui laissait en
conséquence la possibilité de fabriquer de manière
industrielle une marchandise préemballée et la vendre à des
dépositaires42. On peut enfin citer une décision de la
Chambre commerciale du 22 janvier 1991 qui, après avoir
posé la nécessité d’une interprétation restrictive à propos
d’une stipulation qui restreint le droit au travail, considère
qu’une clause de non-concurrence qui interdit au vendeur
d’un fonds de commerce de ne pas créer ou s’intéresser

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directement ou indirectement à un commerce semblable ne


l’empêche pas « faute d’exclusion expresse, l’exercice d’une
activité salariée dans un fonds de commerce concurrent »43.
60 268- Bien que contraire aux dispositions de l’article 1156 du
Code civil44, cette jurisprudence peut trouver son fondement
légal, sans que cela soit mentionné dans les décisions, dans
l’article 1162 du Code civil selon lequel « dans le doute, la
convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en
faveur de celui qui a contracté l’obligation ». On considère
que l’interprétation doit être favorable au débiteur45. Ce
principe repose sur l’idée que «celui qui s’engage est réputé
dans une situation d’infériorité par rapport à celui qui
stipule, de sorte qu’une interprétation favorable au premier
est perçue comme de nature à rétablir l’équilibre»46.
L’interprétation devient alors une technique servant au
rétablissement d’un équilibre conforme à l’équité et non plus
un moyen visant à reconstituer un équilibre voulu par les
parties.
61 Il est toutefois difficile de désigner le débiteur et le créancier
lorsque la convention de non-concurrence revêt un caractère
synallagmatique en présence d’une contrepartie pécuniaire,
chaque partie étant à la fois créancier et débiteur. A la vérité,
il convient de dépasser le terme même de stipulant
mentionné par l’article 1162 et de se référer à la notion de
rédacteur du contrat. Ainsi, cet article devient « un
instrument privilégié d’interprétation des contrats
d’adhésion »47, utilisé par la jurisprudence contemporaine.
Dans ces conditions, le contrat de non-concurrence doit
s’interpréter en faveur de l’adhérent, qu’il soit salarié,
franchisé ou concessionnaire.
62 Cette conception a le mérite de tenir compte de l’infériorité
économique existant entre les parties et d’en tirer les
conséquences qui s’imposent au niveau de l’interprétation.
En interprétant strictement la clause de non-concurrence on
rend directement son rédacteur responsable de son
obscurité, de son imprécision, chose qui n’est pas injustifiée.
En revanche, il ne serait pas opportun d’étendre cette
analyse aux contrats « équilibrés » tels que la cession de

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fonds de commerce. Ce n’est donc pas à l’atteinte à la liberté


du travail ou à la liberté du commerce et de l’industrie que
l’on doit se référer pour légitimer une interprétation
restrictive -auquel cas toutes les interdictions seraient
concernées- mais à l’économie du contrat principal qui a
permis l’éclosion de la convention de non-concurrence.
63 Si une partie conséquente de la doctrine se montre favorable
à une interprétation restrictive de la clause de non-
concurrence, surtout lorsqu’elle concerne le salarié, il faut
noter qu’en revanche une jurisprudence majoritaire y est
hostile. Il est vrai que cette méthode d’interprétation ignore
totalement les intérêts du créancier de non-concurrence. Les
tribunaux ont ainsi opté pour une autre méthode
d’interprétation.
B - L’INTERPRÉTATION TÉLÉOLOGIQUE
64 269- L’interprétation téléologique laissant de côté l’analyse
littérale prônée par l’interprétation restrictive s’attache à la
finalité des conventions de non-concurrence. Celles-ci ayant
pour fonction d’assurer la protection de la clientèle de leurs
créanciers ou le savoir-faire par eux détenus, la portée que le
juge assigne à l’interdiction doit assurer cet objectif.
65 Au-delà des termes employés, il s’agit pour les tribunaux, en
se basant sur la commune intention des parties48, de donner
à la convention de non-concurrence une pleine efficacité, et
ce aussi bien en matière sociale qu’en matière commerciale
et civile.
66 270- Dans le contrat de travail, la convention de non-
concurrence prévoit fréquemment que le salarié ne pourra
s’engager dans un « emploi similaire » ou qu’il ne pourra se
« réembaucher dans une entreprise concurrente ».
L’interprétation finaliste des juges conduit à admettre
« qu’une clause interdisant à un salarié d’accepter un
emploi similaire dans une entreprise concurrente lui
interdit également d’occuper le même emploi dans une
entreprise créée par lui, le mot ‘emploi ‘ ayant le sens
général de fonction et n’impliquant pas nécessairement
l’embauche par une tierce personne »49. De la même façon,
le salarié ne devra pas créer ou exploiter une entreprise
concurrente50.
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67 271- En matière de contrat de cession de fonds de commerce,


il est de jurisprudence constante que la clause qui fait
défense au cédant de « créer ou exploiter un fonds similaire»
ou de «s’intéresser à un fonds de commerce similaire » lui
interdit également de s’embaucher dans ce même fonds51.
68 C’est donc l’efficacité de la protection du créancier de non-
concurrence qui justifie l’interprétation téléologique.
Toutefois, si celle-ci débouche nécessairement sur un
élargissement de la portée des conventions de non-
concurrence, elle ne saurait être qualifiée d’extensive en
raison des limites qui lui sont assignées.
69 272- Tout d’abord, l’extension du contenu de l’obligation de
non-concurrence ne doit pas conduire le juge à façonner une
interdiction qui irait au-delà de l’intérêt du créancier à
préserver sa clientèle. Autrement dit, il est nécessaire que la
clause de non-concurrence, telle qu’elle est interprétée par
les juges, réponde strictement aux besoins de protection du
créancier. L’intérêt légitime constitue donc une limite à
d’éventuelles extensions abusives de la part des tribunaux.
Ainsi, dans le cas où le cédant d’un fonds de commerce est
tenu de « ne pas s’intéresser directement ou indirectement à
un fonds similaire » les juges considèrent généralement que
celui-ci ne pourra s’embaucher chez un concurrent52.
Cependant, cette solution n’a rien d’absolu comme le
démontre par exemple une décision de la Chambre
commerciale du 8 décembre 1992 selon laquelle « l’activité
du vendeur en qualité de salarié dans un fonds concurrent
était en soi insuffisante pour caractériser le manquement de
celui-ci à son obligation »53. Les faits de l’espèce révélaient
en effet que la nouvelle activité du cédant ne présentait
aucun risque de détournement de clientèle. On comprend
donc le rôle joué par la notion d’intérêt légitime en tant que
limite à l’interprétation téléologique à laquelle procèdent les
tribunaux.
70 273- Par ailleurs, la possibilité qu’il doit rester au débiteur de
non-concurrence d’exercer normalement sa profession
représente un deuxième frein à la libre extension de
l’interdiction puisqu’il est admis que la clause de non-

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concurrence ne saurait attenter de façon trop importante à la


liberté du travail. Une illustration peut être trouvée dans une
espèce où un salarié avait souscrit une convention de non-
concurrence au profit d’une société appartenant à un groupe
de sociétés. Il s’agissait en effet de savoir si l’interdiction
l’engageait uniquement envers la société avec qui il avait
contracté ou envers l’ensemble des sociétés du groupe.
71 C’est la première option qu’a choisie la Chambre sociale de la
Cour de cassation dans un arrêt du 22 mai 1995 : la société
créancière de non-concurrence ne pouvait assigner le salarié
devant la juridiction prud’homale pour l’exercice d’activités
en concurrence avec une autre société du groupe54. Solution
satisfaisante car en reconnaissant l’autonomie juridique de la
société par rapport au groupe elle respecte l’effet relatif du
contrat et apparaît la plus protectrice pour le salarié. Il
semble bien que l’examen de la possibilité laissée au salarié
d’exercer normalement sa profession ait conduit les juges à
restreindre dans l’espace la portée de l’interdiction55.
72 274- Ce n’est donc pas à une interprétation extensive que se
livrent les tribunaux mais bien à une interprétation finaliste
qui recherche la protection maximum du créancier dans le
respect de la liberté économique du débiteur, respect assuré
par deux critères de validité de la clause de non-concurrence,
celui de l’intérêt légitime et celui de l’exercice normal de la
profession. Ce faisant, les juges tentent d’atteindre, dans la
mesure du possible, à l’équilibre le plus satisfaisant de la
convention de non-concurrence, ce qui mérite l’approbation.
II - LES CONDITIONS DE LA RENONCIATION À LA
CONVENTION DE NON-CONCURRENCE
73 275- L’étude des conditions dans lesquelles s’opèrent la
renonciation recouvre trois questions : la forme de la
renonciation (A), le moment où elle s’exerce (B) et
l’hypothèse de la renonciation partielle (C).
A - LA FORME DE LA RENONCIATION
74 276- De façon quasi systématique il est admis que la
renonciation à une clause de non-concurrence doit être
expresse56. « La renonciation à un droit ne se présume pas
et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque
la volonté de renoncer »57.

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75 À cet égard, on a pu se demander si la mention « libre de


tout engagement » figurant sur le certificat de travail pouvait
valoir renonciation de l’employeur à la clause de non-
concurrence58. La réponse ne peut qu’être négative si l’on fait
une juste analyse de cette formule qui, selon l’article L. 122-
16 « constate simplement l’expiration de la convention »59. Il
faut donc conclure à l’inefficacité de la mention « libre de
tout engagement » quant à la preuve d’une renonciation60.
Par ailleurs, le caractère non équivoque de la manifestation
de volonté n’impose pas l’existence d’un écrit61 dans la
mesure où la convention collective et le contrat restent
silencieux sur ce point62.
B - LE MOMENT DE LA RENONCIATION
76 277- On sait que la renonciation par l’employeur à une
interdiction de concurrence compensée par une contrepartie
financière ne peut être réalisée sans l’accord du salarié à
moins que le contrat ne réserve à l’employeur une faculté
unilatérale de renonciation63. Mais que le consentement du
salarié soit ou non requis le problème demeure de
déterminer à quel moment le droit à la renonciation pourra
s’exercer dans le silence de la convention collective et du
contrat de travail. Pour ce faire, il faut distinguer selon que le
préavis est exécuté ou ne l’est pas.
77 278- Dans le cas où l’employeur dispense le salarié
d’exécuter le préavis un arrêt important de la Chambre
sociale rendu le 27 septembre 1989 a estimé que la
convention de non-concurrence liait ce dernier « dès son
départ effectif de l’entreprise » ; en conséquence, la
renonciation « devait intervenir au moment du licenciement
du salarié pour lui permettre, le cas échéant, d’entrer,
pendant la durée du préavis, au service d’une entreprise
concurrente »64. Bien que les juges manifestent un souci
louable de protéger les intérêts du salarié en permettant à
celui-ci d’être fixé le plus tôt possible sur la mise en jeu de la
convention de non-concurrence, c’est-à-dire au moment du
licenciement ou de la démission65, leur solution se concilie
mal avec le principe posé par l’article L. 122-8 du Code du
travail selon lequel « l’inobservation du délai-congé n’a pas,
dans ce cas, pour conséquence d’avancer la date à laquelle
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le contrat prend fin ». Affirmer que le salarié puisse


concurrencer son employeur pendant la durée du préavis
revient alors à nier l’obligation de non-concurrence de plein
droit qui pèse sur tout salarié pendant son contrat de travail.
Pour être en accord avec la loi sans pour autant léser les
intérêts du salarié, il conviendrait de concevoir que le droit à
la renonciation s’exerce à la date de la rupture du contrat de
travail et que pendant la période de préavis non exécuté le
salarié soit tenu à son obligation de non-concurrence de
plein droit66.
78 279- Différente est l’hypothèse où le préavis est exécuté. La
jurisprudence considère que « la renonciation aurait dû
intervenir dès la date à laquelle le préavis avait cessé de
s’exécuter »67. Cette solution est critiquable en ce qu’elle
ignore l’objet du préavis qui consiste à permettre au salarié
de se mettre, pendant une certaine période, en quête d’un
nouvel emploi68. Or, comment le salarié pourrait-il envisager
dans les meilleures conditions son avenir professionnel s’il
est maintenu dans l’incertitude sur sa réelle capacité de
concurrence69 ? La doctrine propose que la date de
renonciation intervienne au plus tard au moment de la
rupture du contrat de travail, c’est-à-dire lors de la
notification du licenciement ou au jour de la démission70.
C - LA RENONCIATION PARTIELLE
79 280- Lorsque cette possibilité n’est pas prévue par le contrat
ou la convention collective71 peut-on accepter une
renonciation partielle de l’obligation de non-concurrence par
son créancier ? La Cour de cassation ne l’a pas admis dans
une espèce où l’employeur avait fait part de son intention de
réduire la durée de l’interdiction de deux à un an, ce qui avait
pour conséquence directe de diminuer de moitié la
contrepartie financière mensuelle. L’employeur était en effet
« tenu au respect des stipulations contractuelles »72, les
juges confirmant ainsi le caractère indivisible de l’obligation
de non-concurrence.

SOUS - SECTION 3. LE RETENTISSEMENT DE LA


DISPARITION DU CONTRAT PRINCIPAL SUR

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L’EFFICACITÉ DE LA CONVENTION DE NON-


CONCURRENCE
80 281- Il est impératif de ne pas terminer cette section relative
à l’intensité de la force obligatoire de la convention de non-
concurrence sans évoquer les effets de l’anéantissement du
contrat principal sur l’efficacité de celle-ci. Qu’il s’agisse de
résolution ou de résiliation du contrat principal, une seule
question méritera d’être posée, celle de la force des liens
unissant la convention de non-concurrence et l’acte juridique
qui lui sert de support. Car c’est au regard du degré
d’autonomie de la clause que se mesure l’influence de la
disparition du contrat principal. Ainsi les solutions seront
différentes selon que l’on sera en présence d’une clause de
non-concurrence ou d’un contrat de non-concurrence.
81 La problématique de la résiliation du contrat (Paragraphe
2) est quelque peu différente de celle de la résolution des
relations contractuelles (Paragraphe 1) parce que dans le
premier cas de figure entrent en ligne de compte des
considérations d’un autre ordre : le caractère fautif de la
rupture ainsi que des incertitudes attachées à la
détermination du moment de la rupture.

PARAGRAPHE 1. LA RÉSOLUTION DU CONTRAT


PRINCIPAL
82 282- La résolution, qui représente l’anéantissement
rétroactif de toutes les dispositions conventionnelles, amène
à se poser, du point de vue de son influence sur l’existence de
l’interdiction, une question capitale : le contrat principal et la
convention de non-concurrence sont-ils divisibles ou
indivisibles ? L’intérêt d’une telle interrogation se dégage
avec évidence. Dans l’hypothèse où la clause de non-
concurrence est unie à son support juridique par un lien
d’indivisibilité, celle-ci subira le même sort que l’ensemble
des dispositions du contrat, autrement dit elle disparaîtra.
Par contre, si la clause de non-concurrence et le contrat
principal se révèlent divisibles, le caractère autonome de la
clause la sauvera de l’anéantissement.

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83 Le problème de l’autonomie ayant déjà été exposé dans cette


étude à propos de la contrepartie pécuniaire, il n’est nul
besoin d’y revenir de manière détaillée. Tout juste faut-il
rappeler la distinction essentielle à laquelle on doit procéder
et qui constitue un excellent instrument pour résoudre la
question. Il s’agit de faire le départ entre les clauses de
non¬concurrence qui aménagent une obligation de non-
concurrence d’origine légale et celles qui tirent leur origine
de la seule volonté contractuelle73.
84 Les premières s’avèrent nécessaires à l’économie du contrat
à tel point qu’en l’absence de stipulation des parties,
l’existence d’une obligation de non-concurrence est
présumée. C’est le cas de la clause de non-concurrence
souscrite par le salarié pendant la durée du contrat de travail
ou bien celui de la clause de non-rétablissement à la charge
du cédant de fonds de commerce. L’origine légale de
l’obligation constituant en quelque sorte une présomption
irréfragable de l’aspect déterminant de la clause dans l’esprit
des parties74, il est possible de conclure à un lien
d’indivisibilité. Dans ces conditions, la résolution du contrat
principal a pour conséquence de faire disparaître la clause de
non-concurrence.
85 En revanche, les clauses qui ont une origine purement
contractuelle ne sont pas vitales pour le contrat principal.
Leur absence ne remettrait pas en cause l’exécution des
relations contractuelles. A ce titre, elles ne constituent pas
une condition impulsive et déterminante75, ce qui permet de
les qualifier d’autonomes par rapport à leur support
juridique. On peut alors les qualifier de contrats de non-
concurrence. Il en est ainsi de la convention de non-
concurrence mise à la charge du salarié pendant la période
post-contractuelle ou celle souscrite par le franchisé pour le
temps suivant la rupture du contrat de franchise. La
résolution du contrat principal ne constitue pas une menace
pour ces conventions.
86 283- L’application de ce critère de divisibilité a en outre
l’avantage d’apporter un fondement juridique satisfaisant
aux souhaits d’une certaine partie de la doctrine de ne pas

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voir disparaître, du fait de la résolution du contrat, certaines


interdictions de concurrence telles que celle à laquelle le
salarié est soumis après la rupture du contrat de travail.
Ainsi, a-t-il été remarqué que «lorsqu’on est en présence
d’un contrat à exécution successive dont les effets se sont
développés dans le temps et que la nature de ce contrat a
permis à l’un des contractants d’établir des relations avec la
clientèle appartenant à l’autre partie ou a conduit à confier
à l’une des parties des éléments attractifs de clientèle -
contrat de travail, de location-gérance de fonds de
commerce ou encore de franchise- il ne paraît pas
souhaitable que la résolution du contrat interdise toujours
le jeu de la clause de non-concurrence prévue pour l’après-
contrat »76
87 284- Au vu de ces arguments, on est en droit de critiquer la
décision de la première Chambre civile de la Cour de
cassation, rendue le 6 mars 1996, qui refuse la demande
d’exécution d’une convention de non-concurrence post-
contractuelle insérée dans un contrat d’association entre
deux médecins ayant duré près de cinq ans avant d’être
résolu77. Pourtant, la convention de non-concurrence ne
s’avérait pas vitale pour l’économie des relations
contractuelles ; il s’agissait en réalité d’un contrat de non-
concurrence autonome par rapport au contrat de
collaboration. Dans ces conditions, la résolution du second
ne pouvait avoir d’influence sur l’existence du premier.

PARAGRAPHE 2. LA RÉSILIATION DU CONTRAT


PRINCIPAL
88 285- L’incidence de la résiliation du contrat principal sur
l’efficacité de la clause de non-concurrence est une question
des plus importantes tant par la multiplicité des décisions
rendues à ce sujet que par la richesse du débat doctrinal.
89 Deux points doivent être examinés : la détermination du
moment de la résiliation du contrat principal (I) et
l’incidence des circonstances de la rupture du contrat
principal sur le maintien de la convention de non-
concurrence (II).

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I - LA DÉTERMINATION DU MOMENT DE LA RÉSILIATION DU


CONTRAT PRINCIPAL
90 286- Ce n’est que pour les conventions de non-concurrence
post-contractuelles -qui sont toutes des contrats de non-
concurrence- que l’expiration du contrat constitue une date
importante ; c’est à cet instant que le délai de l’interdiction
commence à courir et que l’éventuelle indemnité de non-
concurrence doit être versée.
91 La détermination du moment de la rupture des relations
contractuelles a posé quelques problèmes s’agissant du
contrat de travail lorsque le préavis n’est pas travaillé. En
effet, dans l’hypothèse où le préavis est travaillé, les relations
contractuelles se poursuivent de manière inchangée, c’est
l’expiration du préavis qui marquera la rupture du contrat.
En conséquence de quoi, le salarié est tenu de son obligation
de non-concurrence de plein droit tant que dure la période
du délai-congé, la clause de non-concurrence prenant
naissance quant à elle à la fin du préavis78.
92 En revanche, la question de l’entrée en vigueur de la clause
de non-concurrence prévue pour l’après-contrat de travail en
cas de préavis non travaillé n’a pas reçu une réponse aussi
nette. Pourtant, on sait que d’après l’article L. 122-8 du Code
du travail la dispense par l’employeur de l’exécution du
délai-congé n’avance pas la date d’expiration du contrat. Les
relations contractuelles continuent donc à produire leurs
effets et la loi impose clairement de considérer que
l’obligation de non-concurrence implicite subsiste jusqu’à la
fin du préavis, la clause de non-concurrence post-
contractuelle prenant le relais dès ce moment.
93 Or, la jurisprudence de la Cour de cassation manque
singulièrement de cohérence à ce sujet. Une décision très
contestée79 de la Chambre sociale rendue le 19 juillet 1983 a
admis qu’un salarié démissionnaire dispensé de l’exécution
du préavis était soumis à une clause de non-concurrence
pour l’après-contrat dont le point de départ a été fixé au jour
de la démission et non, comme il se devait, à l’expiration du
préavis.
94 La Cour de cassation revenait cependant un an plus tard sur
sa jurisprudence en décidant que « la clause de non-
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concurrence a pris effet à la fin dudit contrat, c’est-à-dire à


l’expiration du délai de préavis de trois mois »80. Mais, le 27
septembre 1989, les juges prennent une position opposée,
réitérée depuis81, en affirmant que « dans le cas où le salarié
est dispensé d’exécuter son préavis, la clause de non-
concurrence le lie dès son départ effectif de l’entreprise »82.
95 Cette dernière analyse est très critiquable. Elle est en totale
contradiction avec l’article L. 122-8 du Code du travail, ce
qui la rend injustifiable. Par ailleurs, elle conduit « au
chevauchement de deux obligations de non-concurrence,
celle qui résulte de plein droit du contrat de travail et celle
qui trouve sa source dans la clause de non-concurrence »83.
ce qui n’est guère satisfaisant. Peut-on y voir, comme il a été
proposé, une volonté des juges de réduire la durée des
interdictions de concurrence84 ? Dans ce cas, on ne pourrait
admettre que le désir de protéger le débiteur de non-
concurrence, aussi louable soit-il, s’accompagne d’une
violation aussi nette de la loi.
II - L’INCIDENCE DES CIRCONSTANCES DE LA RUPTURE DU
CONTRAT SUR LE MAINTIEN DE LA CONVENTION DE NON-
CONCURRENCE
96 287- L’un des enjeux majeurs qui s’est offert à la doctrine et
à la jurisprudence a été de déterminer l’influence sur
l’obligation de non-concurrence post-contractuelle d’une
rupture fautive du contrat principal par le créancier de cette
obligation.
97 La difficulté est bien évidemment écartée si les parties
s’accordent sur les conditions d’application de la convention
de non-concurrence. Ainsi peuvent-elles envisager que
l’interdiction de concurrence entrera en vigueur dans
l’hypothèse d’une démission du salarié85 ou au cas où la
rupture lui serait imputable86. Ce type de précision reste
cependant minoritaire. La plupart du temps, en effet, la
convention de non-concurrence conçue en termes généraux
prévoit son application quelles que soient les causes de
résiliation du contrat ou même reste silencieuse sur ce point.
Comment faut-il interpréter la clause ? Doit-elle être
maintenue en toute hypothèse ?

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20/11/2023 14:59 Essai sur l’équilibre de la convention de non-concurrence - Chapitre 1. L’équilibre contractuel lors des effets de la convention …

98 Les juges n’ont eu à se prononcer que sur l’interdiction de


concurrence stipulée à l’occasion d’un contrat de travail. Ils
ont conclu à l’absence d’incidence des circonstances de la
rupture du contrat sur le maintien de la convention de non-
concurrence (A). Cette solution a été vivement contestée par
la doctrine. Pourtant il conviendra de montrer qu’elle se
justifie (B).
A - L’ABSENCE D’INCIDENCE DES CIRCONSTANCES DE LA
RUPTURE DU CONTRAT SUR LE MAINTIEN DE LA
CONVENTION DE NON-CONCURRENCE
99 288- Il est des cas de rupture qui appellent peu de
discussions. La clause de non-concurrence doit être exécutée
si la rupture du contrat est consécutive à une faute du salarié
ou à sa démission. En revanche, dans l’hypothèse d’une
rupture abusive de l’employeur, les décisions émanant des
tribunaux ne constituent pas un ensemble uniforme. Après
avoir opté un temps pour l’inefficacité de la clause de non-
concurrence, la position jurisprudentielle s’est modifiée dans
le sens du maintien de l’interdiction quelles que soient les
circonstances de la rupture des relations contractuelles.
100 289- La solution originaire des juges fut de considérer la
clause inapplicable en présence d’un contrat de travail
rompu de manière abusive par l’employeur87. Toutefois,
depuis 1974, l’abus commis par l’employeur dans la rupture
du contrat ne délie plus le salarié de son obligation de non-
concurrence88. Cette solution a été et reste toujours
fortement contestée par une majorité de la doctrine. Il est
vrai que d’une manière générale elle se trouve en retrait par
rapport au droit comparé européen. Ainsi, en Allemagne89,
en Belgique90, au Danemark91, au Luxembourg92, aux Pays-
Bas93 et en Suisse94, la clause de non-concurrence n’oblige
pas le salarié licencié sans juste motif ou lorsque celui-ci
rompt le contrat en raison du comportement fautif de
l’employeur. Malgré ce, il convient de montrer que la
position des tribunaux français se trouve fondée.
B - LA JUSTIFICATION DE LA SOLUTION
101 290- Une pluie de critiques s’est abattue sur l’analyse
prétorienne. Bien que formant un ensemble hétéroclite, elles
peuvent être classées en deux grandes rubriques : les unes
s’attachent aux conséquences néfastes de la solution, les
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autres recherchent plutôt un fondement juridique précis


permettant de réfuter l’actuelle analyse des juges.
102 Une partie des critiques se place sur le terrain des
conséquences de la solution jurisprudentielle. On fait
remarquer, ce qui n’est pas faux, qu’en plus de la perte
injustifiée de son emploi s’ajoute pour le salarié une
restriction conventionnelle de ses possibilités de
réembauchage. La clause de non-concurrence constitue une
aggravation de son renvoi abusif95. Ce sont donc des
considérations d’équité qui poussent les auteurs à remettre
en cause l’analyse des tribunaux. Elles sont toutefois
insuffisantes à fonder une solution. C’est pour cette raison
que la doctrine cherche généralement la technique juridique
susceptible de conforter leur opinion. Plusieurs arguments
ont été fournis pour expliquer que le salarié se trouve délié
de son engagement lorsque la rupture du contrat de travail
est imputable à l’employeur.
103 291- On a tout d’abord estimé que le comportement fautif de
l’employeur lors de la rupture constituait pour le salarié un
motif valable d’invoquer l’exception d’inexécution en lui
permettant de s’abstenir de respecter l’interdiction de
concurrence96. C’est d’ailleurs le fondement juridique adopté
par une décision du tribunal de Seine qui admis que « la
règle d’après laquelle l’inexécution, par un contractant, des
obligations qui découlent pour lui du contrat souscrit, délie
en principe l’autre de ses propres obligations, sauf cas de
stipulation contraire ou absence de connexité entre les
obligations respectives... L’inexécution de son contrat par
l’employeur libère, en effet, l’employé de l’interdiction à lui
contractuellement imposée de s’intéresser à une entreprise
similaire »97. La mise en jeu du mécanisme de l’exception
d’inexécution présuppose l’existence d’un lien d’indivisibilité
entre le contrat de travail et la clause de non-concurrence, ce
qui reste à démontrer.
104 292- Dans le même ordre d’idée, il a été avancé que le non
respect des obligations de l’employeur au moment de la
rupture des relations contractuelles était à même de
légitimer la résolution du contrat de travail et, par voie de

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conséquence, l’extinction de la clause de non-concurrence.


Cette analyse a également été retenue par les tribunaux :
« les effets de la clause d’interdiction ne peuvent subsister
après la rupture du contrat que si cette rupture a été licite,
c’est-à-dire si la partie qui a donné congé n’a pas commis
d’abus dans l’exercice de son droit de mettre fin au contrat ;
dans le cas contraire, le manquement de l’une des parties
fait disparaître la cause des obligations de l’autre et, par
suite, ces obligations elles-mêmes»98. On le constate, la
problématique est identique à celle du cas précédent : la
solution est directement fonction de la conception que l’on se
fait de la nature du lien existant entre le contrat de travail et
la clause de non-concurrence.
105 En effet, la question fondamentale qu’il convient de se poser
est de savoir si la clause de non-concurrence peut être ou
non distraite du contrat de travail. La réponse a déjà été
apportée dans cette étude à propos du problème de la
contrepartie pécuniaire99. Si les parties ne se sont pas
prononcées sur le lien unissant les deux actes juridiques, la
distinction entre obligation de non-concurrence d’origine
légale et obligation de non-concurrence d’origine volontaire
constitue un élément primordial d’élucidation.
106 S’agissant de la convention de non-concurrence amenée à
jouer lors de la rupture du contrat de travail, sa qualification
d’obligation de non-concurrence d’origine volontaire lui
confère une autonomie par rapport à son support juridique.
On est donc en présence d’un contrat de non-concurrence.
La clause ne constitue pas la condition impulsive et
déterminante ayant poussé les parties à s’engager dans les
relations de travail. Elle est donc autonome par rapport au
contrat principal100. Dès lors, il est facile d’apporter une
réponse satisfaisante aux arguments de la doctrine qui prône
l’application de la résolution ou de l’exception d’inexécution.
Contrat de travail et contrat de non-concurrence
représentant deux actes juridiques distincts, ces mécanismes
n’ont pas vocation à intervenir puisque l’interdépendance
des obligations, essentielle à leur déclenchement, fait
absolument défaut101.

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107 293- D’autres arguments ont été avancés par la doctrine afin
de repousser la solution dégagée par les tribunaux. Il a été
constaté que « si le chef d’entreprise a résilié
irrégulièrement le contrat à durée indéterminée, cela veut
dire que le rapport de travail n’aurait normalement pas dû
s’éteindre et que, en conséquence, l’obligation de non-
concurrence n’aurait pas dû naître. Le salarié licencié
abusivement ou contraint à démissionner ne peut donc être
tenu d’assumer son engagement»102. Mais n’est-ce pas
énoncer une évidence chronologique ? L’obligation de non-
concurrence est une obligation sous condition suspensive.
L’arrivée du terme est constituée par l’extinction du contrat.
Ce contrat n’aurait pas dû prendre fin, dit-on, cela est vrai. Il
n’aurait pas dû expirer à une date aussi avancée mais ceci
n’affecte pas la validité du contrat de non-concurrence. Tout
juste peut-on remarquer que la rupture fautive a avancé le
moment de l’entrée en vigueur de l’interdiction.
108 294- Enfin, on a milité en faveur de l’inapplicabilité de la
convention de non-concurrence dans le cas d’une rupture
fautive du contrat de travail en faisant appel à la notion de
pénalité civile « infligée à l’employeur sous la forme de la
perte d’un droit contractuel »103. Ce fondement de droit
invoqué peut paraître surprenant parce que rare
d’utilisation. Ne masque-t-il pas l’absence d’argument
consistant ? Plus juridiquement, la technique employée est
difficilement justifiable. On fait remarquer en effet que « le
manquement commis par l’employeur à ses obligations a
délié le salarié de son propre engagement »104. N’est-on pas
alors très proche de l’exception d’inexécution, procédé
condamné plus haut ?
109 295- À la vérité, il ne paraît pas exister de fondement
orthodoxe sur le plan juridique permettant de justifier
l’inapplication de la convention de non-concurrence dans
l’hypothèse d’une rupture fautive du contrat de travail.
Cependant, il n’en est pas moins vrai que la solution de droit
positif peut sembler inéquitable, choquante.
110 Il ne fait pas de doute que le comportement fautif de
l’employeur doit être sanctionné. D’une manière classique il

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doit l’être au titre de la rupture abusive du contrat par


l’allocation de dommages-intérêts. Toutefois, la présence
d’une convention de non-concurrence post-contractuelle
accentue l’injustice de la rupture fautive. Il semble donc
opportun de réparer ce «surplus d’injustice» constitué par la
mise en jeu de l’interdiction au moment de la cessation des
relations contractuelles.
111 Pour les raisons déjà évoquées, la disparition de
l’interdiction ne représente pas un moyen adéquat pour
sanctionner le comportement de l’employeur. En revanche,
l’augmentation de dommages-intérêts constitue sans nul
doute la réparation la mieux adaptée à la faute de
l’employeur. La jurisprudence s’est engagée une seule fois
dans cette voie en majorant l’indemnité versée par
l’employeur au titre du licenciement abusif tout en
maintenant l’exécution de l’interdiction de concurrence105.
Cette solution a la mérite de conserver l’équilibre des intérêts
des parties à la convention de non-concurrence alors que
l’abus du créancier de non-concurrence dans la rupture du
contrat principal se trouve sanctionné.

SECTION 2. L’INEXÉCUTION DE LA
CONVENTION DE NON-CONCURRENCE,
RUPTURE DE L’ÉQUILIBRE
CONTRACTUEL
112 296- L’inexécution de la convention de non-concurrence
recouvre deux situations bien distinctes.
113 Il peut s’agir, en premier lieu, de la violation de l’interdiction
de concurrence. Comme toute obligation de ne pas faire
l’obligation de non-concurrence est une obligation de
résultat qui contraint le débiteur à une abstention. Dès lors,
peu importe qu’il soit constaté un acte concurrentiel
consommé. « Ce qui constitue essentiellement la
transgression de l’obligation de non-concurrence réside
dans le fait pour son débiteur de se mettre en situation de
concurrence avec le créancier de non-concurrence dans les
limites d’espace et de temps prohibées et cela en exerçant

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une activité concurrente pour son propre compte ou pour le


compte d’autrui »106.
114 En second lieu, il peut s’agir du non-respect de l’engagement
de payer une contrepartie financière à l’obligation de non-
concurrence. L’inexécution sera alors caractérisée par
l’absence de versement de ladite contrepartie.
115 297- Quoiqu’il en soit, l’équilibre de la convention de non-
concurrence se trouve directement menacé dans l’hypothèse
où l’une des parties ne respecte pas son engagement. Le
contractant victime de cette inexécution dispose d’un arsenal
de sanctions dont la finalité ne se révèle pas unitaire :
certaines contraignent une partie à l’exécution
(Paragraphe 1) tandis que d’autres n’obligent pas à
l’exécution (Paragraphe 2).
116 La pratique montre que les techniques sanctionnatrices sont
rarement utilisées isolément ; leur complémentarité
constitue un gage d’efficacité pour celui qui est amené à les
mettre en œuvre.

PARAGRAPHE 1. LES SANCTIONS


CONTRAIGNANT À L’EXÉCUTION
117 298- Il se présente deux hypothèses d’inexécution dans le
relation de non-concurrence auxquelles est susceptible de
s’appliquer un ensemble adéquat de sanctions : l’inexécution
de l’obligation de non-concurrence (I) et l’inexécution de
l’obligation au paiement d’une indemnité de non-
concurrence (II). Ce sont les actions en justice relatives à la
première hypothèse qui s’avèrent les plus fréquentes.

I - LES SANCTIONS DE L’INEXÉCUTION DE


L’OBLIGATION DE NON-CONCURRENCE
118 299- Quelle peut être la sanction la plus efficace d’une
inexécution d’une obligation sinon celle visant à contraindre
son débiteur à l’exécuter ? Cependant, en ce qui concerne
l’obligation de non-concurrence, obligation de ne pas faire, le
Code civil ne paraît pas favorable à une telle éventualité.
119 En effet, aux termes de l’article 1142 « toute obligation de
faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts,

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en cas d’inexécution de la part du débiteur ». Le fondement


de cette règle est à trouver dans la protection de la liberté
individuelle. On ne saurait contraindre par la force une
personne à s’abstenir d’accomplir un acte.
120 À s’en tenir au texte de l’article 1142 l’exécution forcée ne
peut s’appliquer à l’obligation de ne pas faire. Toutefois, la
portée de l’interdiction ne doit pas être exagérée. Ce qu’il
convient d’éviter est l’emploi de moyens violents afin
d’imposer l’exécution de l’obligation. Dès lors que celle-ci est
obtenue sans violence faite au débiteur il n’est nulle raison
d’écarter cette contrainte directe que représente l’exécution
forcée en nature (A).
121 Par ailleurs, il existe des sanctions qui posent moins de
problèmes parce qu’elles ne sont pas enclines à attenter à la
personne du débiteur : ce sont les contraintes indirectes à
l’exécution (B).
A - L’EXÉCUTION FORCÉE EN NATURE DE L’OBLIGATION DE
NON-CONCURRENCE
122 300- L’article 1143 du Code civil ajoute encore à la relativité
du principe posé par l’article 1142 : «Le créancier a le droit
de demander que ce qui aurait été fait par contravention à
l’engagement soit détruit... » Ce texte ne doit pas seulement
s’entendre d’une destruction matérielle telle que la
démolition d’ouvrage. L’interprétation libérale qui en est
faite par la jurisprudence a permis de l’appliquer à
l’inexécution d’une obligation de non-concurrence. L’idée
consiste à effacer la situation créée en violation de
l’interdiction de concurrence pour revenir ainsi au statu quo
ante.
123 Pour y parvenir deux types de sanctions sont à la disposition
du créancier : soit il agit, au fond, en demande d’une
exécution en nature (1°), soit il saisit le juge des référés
d’une telle demande (2°).
1°) L’action au fond en demande d’une exécution en nature
124 301- La réparation en nature demandée par le créancier de
l’obligation de non-concurrence est à même de combler ses
aspirations premières : mettre un terme à l’activité exercée
par le débiteur au mépris de l’interdiction, qu’il s’agisse
d’une profession libérale, commerciale ou subordonnée.

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Ainsi a-t-il été ordonné la fermeture du fonds de commerce


installé en contravention d’une clause de non-
rétablissement107, ou la cessation de l’emploi d’un salarié
chez un concurrent108.
125 L’exécution forcée en nature de l’obligation de non-
concurrence ne rencontre donc aucun obstacle particulier.
Cependant, on a pu se demander, et la question ne se
cantonne pas aux clauses de non-concurrence mais concerne
toutes les obligations de ne pas faire, si les dispositions de
l’article 1143 constituaient un droit pour le créancier ou une
simple possibilité dont la mise en œuvre dépendrait de la
seule volonté du juge.
126 La conception primitive de la jurisprudence voulait que le
juge dispose d’une liberté de choix entre l’exécution par
équivalent et l’exécution en nature. La reconnaissance de ce
pouvoir judiciaire discrétionnaire reposait sur la double
considération d’une part, que l’allocation de dommages-
intérêts est de principe, l’exécution en nature étant
l’exception, et, d’autre part, sur des arguments de texte selon
lesquels le créancier « a le droit de demander » la
destruction et plus loin, qu’ « il peut se faire autoriser »109,
ceci étant compris comme une absence d’obligation pour le
juge de prononcer l’exécution en nature.
127 Les tribunaux ont à l’heure actuelle une analyse différente
puisqu’ils considèrent que le juge n’a plus la liberté de
refuser d’ordonner l’exécution en nature de l’obligation de
non-concurrence110. On admet désormais que la destruction
est obligatoire et que le juge n’a pas à évaluer la gravité de
l’inexécution111.
2°) L’action devant le juge des réfères en demande d’une exécution
en nature
128 302- L’interruption de la violation de l’interdiction de
concurrence constitue une priorité pour le titulaire d’une
clientèle, interruption que l’action au fond en demande d’une
exécution en nature tend à obtenir. Toutefois la lenteur des
procédures ne permet pas d’aboutir à des solutions
satisfaisantes. De la rapidité de la cessation de l’activité
développée frauduleusement par le débiteur dépend
l’efficacité de la sanction. Pour parvenir à un tel objectif la
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saisie du juge des référés est apparue au créancier de non-


concurrence comme le moyen le plus approprié. Partant,
cette voie de droit constitue un remarquable instrument de
rétablissement de l’équilibre de la convention de non-
concurrence.
129 303- C’est sur la base de l’article 809 du nouveau Code de
procédure civile112 que la juridiction des référés est en
mesure d’ordonner les mesures conservatoires ou de remise
en état qui s’imposent, même en présence d’une contestation
sérieuse, dans l’optique de mettre fin à un trouble
manifestement illicite, toute la question étant de définir cette
dernière notion.
130 Lorsque le juge se trouve face à une convention de non-
concurrence dont l’existence ou la licéité est douteuse, il ne
peut se permettre de prendre des mesures pour faire cesser
la violation de l’interdiction113. Il en a été ainsi dans une
espèce où il existait une contestation sérieuse sur la validité
d’une clause de non-concurrence dont la portée quant au lieu
et quant aux activités se trouvait empreinte d’une trop
grande incertitude114.
131 À l’inverse, lorsque la validité ou l’existence de la clause de
non-concurrence ne saurait être sérieusement contestée, le
juge des référés est compétent pour ordonner des mesures
destinées à interrompre la concurrence illicite exercée par le
débiteur de l’obligation. L’ordonnance peut enjoindre à un
ancien franchisé de mettre fin à la vente de produits en
concurrence avec le franchiseur115, ou à un ancien salarié de
cesser de travailler pour une société concurrente et de
participer financièrement à celle-ci116.
132 304- Il peut être également utile pour le créancier d’agir à
l’encontre du tiers complice de la violation de l’obligation de
non-concurrence117. Ainsi, la formation de référé du conseil
de prud’hommes a la possibilité de faire défense à un
employeur d’embaucher le salarié débiteur de non-
concurrence dans les départements prévus par la clause118.
133 La capacité de la procédure de référé à répondre à des
situations urgentes explique son remarquable essor ces

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dernières années en matière de convention de non-


concurrence119.
B - LES CONTRAINTES INDIRECTES À L’EXÉCUTION DE
L’OBLIGATION DE NON-CONCURRENCE
134 305- Il convient, à cette place, d’appréhender des techniques
qui ne visent pas directement l’exécution de l’obligation de
non-concurrence mais dont l’aspect comminatoire pousse le
débiteur à s’exécuter. Il s’agit d’une part, de l’astreinte et de
l’exception d’inexécution (1°), et d’autre part, de la clause
pénale (2°).
1°) L’astreinte et l’exception d’inexécution
135 306- La technique de l’astreinte permet de condamner le
débiteur à payer une somme d’argent dont le montant
correspond au nombre de jours de retard dans l’exécution.
C’est un instrument qui est rarement mis en œuvre
isolément. Il est au contraire compris comme un
complément de l’exécution forcée en nature120.
136 307- Par ailleurs, en vertu de la technique de l’exception
d’inexécution, une partie à la convention de non-
concurrence a la possibilité de suspendre son obligation si
l’autre partie ne respecte pas la sienne. L’objectif est de faire
pression sur le débiteur pour qu’il exécute ses engagements.
137 Cette faculté suppose tout d’abord que les obligations soient
corrélatives, ce qui implique que l’on se trouve en présence
d’un contrat synallagmatique de non-concurrence. Doivent
de ce fait être éliminées toutes les clauses de non-
concurrence qui ne comportent pas de contrepartie à la
prestation de non-concurrence.
138 Ce moyen de pression est subordonné ensuite à une
simultanéité dans l’exécution des deux obligations
corrélatives. Cette condition se trouve-t-elle remplie
s’agissant des conventions de non-concurrence ?
139 Elle ne l’est pas lorsque le paiement de la contrepartie
pécuniaire s’est accompli avant que n’entre en jeu
l’obligation de non-concurrence. Comment le contractant qui
a déjà exécuté son obligation pourrait-il mettre en œuvre
l’exception d’inexécution121 ? C’est le cas de l’employeur qui a
affecté une partie du salaire au paiement de l’indemnité de
non-concurrence. Les versements prennent fin à la rupture

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du contrat de travail alors que c’est précisément à ce


moment là que la convention de non-concurrence produit
ses effets.
140 En revanche, l’exception d’inexécution est envisageable dans
l’hypothèse où le règlement de la contrepartie pécuniaire
s’effectue par versements fractionnés s’étalant sur toute la
période de non-concurrence. On est en effet en présence de
deux obligations à exécution successive.
141 L’exception d’inexécution est également théoriquement
possible lorsque la contrepartie pécuniaire doit être payée en
une ou plusieurs fois. Tant que la totalité du paiement n’est
pas effectuée et que les deux obligations sont susceptibles de
s’exécuter simultanément, le créancier de l’obligation au
versement de l’indemnité de non-concurrence peut avoir
recours à cette technique en suspendant l’exécution de son
obligation de non-concurrence, tandis que le créancier de
l’obligation de non-concurrence a la possibilité d’ajourner le
versement de la contrepartie pécuniaire. C’est précisément
un cas que la jurisprudence a eu à connaître en quelques
occasions. Il a été jugé que l’installation d’un fonds de
commerce en violation d’une clause de non-concurrence
donne la faculté au cessionnaire de suspendre le paiement
du prix122.
142 308- Il convient cependant d’émettre des réserves quant à
l’efficacité d’une telle technique appliquée aux clauses de
non-concurrence dans l’hypothèse d’une violation de la
prestation de non-concurrence : l’ajournement provisoire du
paiement de la contrepartie financière ne permet pas de
répondre d’une manière satisfaisante à un acte de
concurrence illicite déjà consommé tel que la création d’un
fonds de commerce ou d’un cabinet civil. L’exécution de
l’obligation de non-concurrence ne pourra être obtenue que
par la fermeture de l’établissement. Dans ces conditions,
l’exception d’inexécution ne peut se concevoir que comme
une étape vers la rupture définitive du lien contractuel, c’est-
à-dire la résolution de la convention de non-concurrence.
2°) La clause pénale
143 309- Le rôle indemnitaire de la clause pénale pourrait la
faire figurer au côté de la réparation judiciaire123. Cependant,
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on considère traditionnellement qu’elle a une fonction


comminatoire. «La clause pénale est une menace. La
menace d’avoir à acquitter une pénalité déterminée pour le
cas où l’on n’exécuterait pas comme convenu son obligation.
C’est la crainte d’une peine qui doit conduire le débiteur à
remplir correctement son engagement »124. Dès lors, elle
mérite sa place au sein des contraintes indirectes à
l’exécution de l’obligation de non-concurrence.
144 310- Avant d’aborder le problème de la révision judiciaire de
la clause pénale accessoire à une convention de non-
concurrence (b) il convient au préalable de poser la question
de la validité de principe de la clause pénale (a).
a) La question de la validité de principe de la clause pénale
145 311- Ce problème mérite d’être traité en deux temps.
Certains auteurs ont mis en doute la validité de la clause
pénale lorsqu’elle est accessoire à des contrats dont la nature
participe d’une inégalité économique entre les parties (*).
Parallèlement, il n’est pas inutile de s’interroger sur l’aspect
plus spécifique de la validité de la clause pénale applicable à
une convention de non-concurrence (**).
*) La validité de la clause pénale au regard de la nature du
contrat principal
146 312- Le caractère sanctionnateur de la clause pénale et son
indépendance vis-à-vis du préjudice causé par l’inexécution
la fait appartenir, sans nul doute, à la catégorie des peines
privées125. L’aspect arbitraire d’une telle stipulation n’est pas
à démontrer. Acceptable dans certains contrats, il se
manifeste en revanche avec une force plus inquiétante dans
d’autres où les parties ne sont pas sur un pied d’égalité.
147 Dans ce dernier type de convention la clause pénale est
toujours stipulée au profit du contractant économiquement
le plus fort. Celui-ci aménage ainsi le domaine de
l’inexécution du contrat en faisant en sorte que la sanction
de l’inexécution soit beaucoup plus marquée si elle provient
de la partie en situation de dépendance que si elle est de son
fait. Car le danger ne réside pas tant dans les effets de la
clause pénale elle-même mais plutôt dans l’utilisation
unilatérale de cette stipulation126. C’est pour cette raison que
le parti du législateur a été pris d’instaurer une révision
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judiciaire de la peine qui contribue à atténuer les


déséquilibres. Cela étant, la validité de la clause pénale a été
contestée sur le terrain particulier du droit du travail.
148 313- La prétention se base sur l’article L. 122-42 du Code du
travail qui prohibe les « amendes ou autres sanctions
pécuniaires » contraires au règlement intérieur. La Cour de
cassation a été amenée à se prononcer sur cette question
sous l’empire de l’article 22-b ancien du Code du travail
selon lequel « il est interdit à tout employeur de sanctionner
par des amendes les manquements aux prescriptions d’un
règlement intérieur ». Elle a considéré que la clause pénale
ne pouvait être qualifiée d’amende127. La modification
apportée par la loi nouvelle étendant le champ d’application
de l’interdiction aux sanctions pécuniaires a relancé la
controverse. Pourtant, elle ne devrait pas changer les
données du problème.
149 L’assimilation de la clause pénale à une sanction pécuniaire
ne semble pas possible. Certes, du point de vue de la fonction
de ces deux notions un certain rapprochement peut
s’effectuer : de par sa fonction comminatoire la clause pénale
s’apparente à une peine privée, donc à une amende ou une
sanction pécuniaire. Cependant, la comparaison ne saurait
être poussée plus loin. Il a en effet été remarqué que
« l’amende réprime une faute disciplinaire tandis que la
clause pénale sanctionne une faute contractuelle »128. Le
critère de distinction peut donc être trouvé dans la nature de
la règle qui est sanctionnée ; règle disciplinaire pour
l’amende, règle contractuelle issue du contrat de travail pour
la clause pénale.
150 Ainsi, la clause pénale accessoire à une convention de non-
concurrence ne saurait être qualifiée d’amende ou de
sanction pécuniaire au sens de l’article L. 122-42, l’obligation
de non-concurrence étant une obligation découlant du
contrat de travail qui est étrangère à la discipline de
l’entreprise129. C’est l’opinion actuelle de la jurisprudence qui
admet que « l’article L. 122-42 du Code du travail interdit
les sanctions pécuniaires dans la mesure où elles pourraient
constituer pour un employeur un moyen détourné de

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réduire la rémunération normalement due au salarié, au


prétexte de fautes quelconques dans l’exécution du contrat
de travail, mais qu’elle est sans effet sur la validité des
clauses pénales sanctionnant des obligations contractuelles
précises telles que l’obligation de non-concurrence »130. C’est
là bien l’adoption du critère de la nature de la norme
sanctionnée.
151 314- Toutefois, un autre critère a été avancé, celui du
moment de l’exécution de l’obligation de non-concurrence
susceptible de se voir appliquer la clause pénale. Ainsi y
aurait-il une distinction à faire entre, d’une part, l’obligation
de non-concurrence de plein droit développant ses effets
pendant le contrat de travail, que l’article L. 122-42 aurait
vocation à régir, et, d’autre part, l’obligation de non-
concurrence post-contractuelle qui serait exclue du champ
d’application de ce texte131. Cette proposition, faut-il le dire,
est discutable. On ne voit pas en quoi le montant de
l’exécution de l’obligation de non-concurrence constituerait
un élément décisif. Par ailleurs, cette solution se révèle de
peu d’utilité, tout d’abord parce que rares sont les clauses
pénales sanctionnant l’obligation de non-concurrence de
plein droit, et qu’ensuite l’effet pervers de la fixation des
dommages-intérêts conventionnels se montre avec acuité
pour la seule clause de non-concurrence post-contractuelle,
hypothèse pour laquelle l’article L. 122-42 n’aurait aucune
prise.
**) La validité de la clause pénale accessoire à une
convention de non-concurrence
152 315- Si la question de la validité de la clause pénale s’est
posée en doctrine, celle plus spécifique de la validité de cette
stipulation applicable à une convention de non-concurrence
n’a pas été soulevée par les auteurs. Pourtant le danger n’est-
il pas grand pour un débiteur de non-concurrence à l’avenir
professionnel partiellement compromis par l’interdiction de
se voir menacer par une clause pénale ? Car il faut garder à
l’esprit que les clauses de non-concurrence sont
habituellement rédigées en termes généraux et donc sujettes
à interprétation. L’incertitude qui s’attache à leur étendue,

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essentiellement quant aux activités prohibées, contribue à


multiplier des situations dans lesquelles le débiteur de non-
concurrence a violé l’interdiction sans faire preuve d’une
mauvaise foi particulière mais parce que les contours de
l’obligation se révèlent imprécis.
153 L’objectif ne doit pas tendre pour autant vers la nullité des
clauses pénales accessoires aux conventions de non-
concurrence mais des moyens de remédiation sont
envisageables. Il est possible par exemple que la loi vienne
fixer une somme forfaitaire maximale que la peine ne saurait
dépasser tel que cela existe en Belgique132.. On peut encore
donner le pouvoir au juge de réduire le montant des
dommages-intérêts convenus.
b) La révision judiciaire de la clause pénale accessoire à une
convention de non-concurrence
154 316- Le principe de l’intangibilité de la clause pénale a perdu
de sa valeur, fortement contesté qu’il a été par la loi du 9
juillet 1975 qui a donné au juge la faculté de réviser la
pénalité prévue par les parties. La révision relève de
l’appréciation souveraine des juges du fond mais ceux-ci
doivent motiver leurs décisions. Il ont donc été amenés à
dégager des critères permettant cette révision (*). Par
ailleurs, le champ de la réduction n’est pas à l’entière
discrétion du pouvoir judiciaire. Elle est comprise dans
certaines limites qui représentent l’étendue de la révision
(**).
*) Les critères de la révision
155 317- Deux situations donnent la possibilité de revoir le
montant de la clause pénale : lorsque celui-ci est
manifestement excessif ou dérisoire133 et lorsque l’obligation
principale est exécutée partiellement.
156 318- Tout d’abord, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 1152
du Code civil il est dans les pouvoirs du juge de « modérer ou
augmenter la peine qui avait été convenue si elle est
manifestement excessive ou dérisoire ». En règle générale,
l’excès manifeste se déduit de la disproportion flagrante
entre la somme prévue par les contractants et le préjudice
causé, mais en droit du travail, un des domaines d’élection
de la révision, les tribunaux préfèrent se référer à des
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données plus subjectives telles que la situation économique


du salarié, sa bonne foi, l’importance des indemnités perçues
par celui-ci lors de la rupture134.
157 Cette appréciation in concreto a conduit ainsi les juges à
modérer le montant de la clause pénale au motif que
l’interdiction n’était pas assortie d’une contrepartie
pécuniaire135, la situation économique précaire, du fait de la
clause de non-concurrence, se révélant ici capitale. Dans le
même esprit, l’absence de mauvaise foi du salarié a paru un
élément suffisant pour réduire la peine, le salarié n’ayant été
embauché que pendant trois jours par une société
concurrente alors que la clause pénale convenait d’une
indemnité égale à deux ans du dernier salaire136. Ici, c’est le
respect de la quasi-totalité de l’obligation de non-
concurrence par son débiteur qui a déterminé aux yeux des
juges la solution de la réduction.
158 319- Par contre, il serait impropre de faire jouer l’article 1231
du Code civil qui envisage la révision de la clause pénale
lorsque l’obligation principale a été partiellement exécutée.
L’inexécution partielle n’est pas possible pour une obligation
de ne pas faire au caractère indivisible137. Dès lors est-il
surprenant de constater qu’un arrêt récent d’une cour
d’appel ait pu utiliser l’argument de l’exécution partielle afin
de diminuer la peine convenue en cas de violation de la
clause de non-concurrence138. Il aurait été préférable de
justifier la révision par la bonne foi du salarié même si la
solution n’en eût été pas différente dans ses conséquences.
159 320- De l’analyse de la jurisprudence en droit du travail il
ressort que les tribunaux adoptent, dans leur grande
majorité, une méthode subjective afin de modérer la peine
contractuelle. A cet égard, la loi belge consacre une solution
quelque peu différente en ce qu’elle invite à réaliser un
compromis entre l’appréciation concrète et l’appréciation
abstraite. L’alinéa 10 de l’article 65 §2 de la loi du 3 juillet
1978 prévoit en effet que « le juge peut réduire le montant
de l’indemnité fixée conventionnellement, en tenant compte
notamment du dommage causé et de la durée réelle de la
période pendant laquelle la clause a été respectée »139.

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**) L’étendue de la révision


160 321- L’intervention des tribunaux se justifie par la différence
qui existe entre le forfait et le préjudice réellement subi par
le créancier de non-concurrence. Seules les clauses pénales
manifestement excessives sont susceptibles de réduction et
non celles qui s’avèrent simplement excessives. En
conséquence de quoi la réduction exercée par le juge ne
devrait pas, en toute logique, aller en deçà de ce seuil d’excès
manifeste. A ce sujet on a pu écrire que « le principe selon
lequel le seuil d’excès manifeste constitue la condition
primaire de l’intervention judiciaire doit avoir pour
corollaire nécessaire que ce même seuil marque les limites
de cette intervention »140. C’est ce que la doctrine a appelé le
système de la révision à butoir141.
161 322- Aussi est-on surpris de constater que certaines
décisions ramènent le montant de la peine au niveau de la
valeur du préjudice réellement subi par le créancier de non-
concurrence. Cette méthode de la libre révision142 a été
adoptée notamment par la Cour de Paris qui a estimé « que
si la clause pénale, par son caractère forfaitaire assure au
créancier une indemnité globale qui doit dissuader le
débiteur de se dérober à l’exécution de ses engagements, il
est admis qu’elle peut être réduite à la réparation du
préjudice subi, si elle paraît manifestement excessive... »143.
Cette solution est très contestable car elle nie totalement le
caractère comminatoire de la clause pénale144.
162 Tout aussi surprenante est la décision de la Chambre sociale
du 16 juillet 1991 qui, en constatant que le créancier n’a
souffert d’aucun préjudice, supprime la peine convenue par
les parties145. Cet arrêt, qui réduit là aussi la clause pénale à
une simple indemnité, se trouve fort heureusement isolé.
D’ailleurs, peu de temps après, la Chambre sociale revenait
sur sa position, dans une espèce qui concernait précisément
une clause de non-concurrence, en posant comme principe
que l’absence de préjudice supporté par le créancier de non-
concurrence n’empêchait pas le juge de maintenir une
peine146.

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163 Se montre encore critiquable pour les mêmes motifs, la


jurisprudence qui réduit le montant du forfait que doit payer
le débiteur de non-concurrence au franc symbolique147.
164 323- Reste que, malgré certaines incohérences constatées, le
pouvoir judiciaire de réduire la peine établie par les parties
participe du souci manifesté par les tribunaux de
rééquilibrer le contrat au profit du débiteur de la clause
pénale dans les contrats d’adhésion tels que le contrat de
travail. Cette tendance à protéger le contractant le plus faible
économiquement ne doit cependant pas dériver vers une
ignorance pure et simple de l’existence de la clause pénale.
Ainsi, dans un contrat de bière, contrat pouvant être qualifié
de contrat d’adhésion, le juge ne possède-t-il pas la faculté de
supprimer la clause pénale au motif que le débitant de
boissons se trouve en situation de dépendance à l’égard des
brasseurs148.

II - LES SANCTIONS DE L’INEXÉCUTION DE


L’OBLIGATION AU PAIEMENT DE L’INDEMNITÉ DE NON-
CONCURRENCE
165 324- Il est rare que le créancier d’une obligation au
versement de l’indemnité de non-concurrence en demande
l’exécution forcée. La raison peut en être trouvée dans la
préférence du créancier de se délier de l’interdiction qui pèse
sur lui plutôt que de requérir l’exécution en nature de la
dette en argent, la liberté économique retrouvée grâce à la
rupture de la convention de non-concurrence constituant la
plupart du temps une perspective plus favorable.
166 Par ailleurs, la technique de l’exception d’inexécution est
totalement inadaptée en l’espèce. Que signifie en effet pour
le créancier de l’obligation au paiement de la contrepartie
pécuniaire la suspension provisoire de l’exécution de
l’obligation de non-concurrence sinon sa violation pure et
simple ? La mise en jeu de l’exception d’inexécution conduit
donc à une situation irréversible, et l’on voit mal l’autre
partie exécuter son obligation de payer. La suspension
provisoire de l’obligation de non-concurrence n’ayant
aucune signification, c’est la solution de la résolution de la
convention de non-concurrence qui sera choisie149.
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PARAGRAPHE 2. LES SANCTIONS NE


CONTRAIGNANT PAS À L’EXÉCUTION
167 325- A côté des techniques qui visent à contraindre le
débiteur à exécuter son obligation, existent des sanctions
dont l’objectif n’est pas l’exécution mais la réparation de
l’inexécution. Il convient d’envisager d’une part, la
réparation judiciaire (I), et d’autre part, la technique de la
résolution (II).

I - LA RÉPARATION JUDICIAIRE
168 326- La réparation judiciaire consiste en une allocation
d’une somme d’argent destinée à compenser le préjudice
subi par le créancier du fait de l’inexécution de l’obligation à
la charge du débiteur. Lors d’une action au fond le juge
attribue des dommages-intérêts (A) à titre de réparation s’il
conclut à la responsabilité contractuelle du débiteur. Par
ailleurs, il est loisible au créancier de s’adresser au juge des
référés dans le but d’obtenir une provision (B).
A - Les dommages-intérêts
169 327- Il sera successivement examiné les conditions de
l’allocation des dommages-intérêts (1°) et le montant de
ceux-ci (2°).
1°) Les conditions de l’allocation des dommages-intérêts
170 328- Les conditions requises afin que des dommages-
intérêts soient alloués au débiteur de non-concurrence sont
classiquement au nombre de trois : un dommage, une faute
et un lien de causalité entre les deux.
171 329- Concernant le dommage, celui-ci se traduit
essentiellement par une perte de clientèle laquelle prend le
plus souvent la forme d’une diminution des ventes ou du
chiffre d’affaires. Mais le préjudice peut être autre que
matériel. Ainsi a-t-il été pris en compte le préjudice moral
résultant de la violation de l’obligation de non-
concurrence150.
172 Qu’il ait un caractère moral ou matériel le dommage doit
impérativement exister. La réparation ne pourra avoir lieu si
le créancier de non-concurrence ne rapporte pas la preuve
du préjudice causé par la violation de l’interdiction. Ceci
constitue une simple application du droit commun de la
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responsabilité dont un exemple peut être trouvé dans la


décision de la Cour de cassation qui n’a pas démenti la
solution des juges du fond qui ayant démontré «l’inexistence
d’un préjudice en ont conclu légitimement que les
dommages-intérêts demandés n’étaient pas justifiés »151.
173 330- Outre l’existence du dommage, il convient pour le
créancier de non-concurrence de prouver celle de la faute
contractuelle. La tâche s’avère assez aisée. En effet, dès que
le débiteur de non-concurrence exerce une des activités
prohibées dans la zone visée par la clause il commet une
faute susceptible d’engager sa responsabilité civile.
L’obligation de non-concurrence constituant une obligation
de résultat, la faute se trouve réalisée par la seule
inexécution de cette même obligation. Il importe peu que
l’acte concurrentiel soit consommé, l’unique fait de se mettre
en situation de concurrence suffit à caractériser la faute.
174 Ce principe a été appliqué par la Cour de cassation,
censurant une décision de la Cour d’appel qui avait estimé
que l’obligation de non-concurrence n’avait pas été
transgressée «car un acte de concurrence consommé
suppose la réalisation d’une transaction incluant l’acte de
vente et exclut tout ce qui est pollicitation, promesse,
publicité, l’infraction à la clause de non-concurrence
supposant l’existence d’un préjudice actuel et certain, ce qui
exclut le fait d’une vente non exécutée »152.
175 La faute contractuelle découlant directement de l’inexécution
de l’obligation de non-concurrence, le débiteur est présumé
fautif. Il suffit au créancier de prouver d’une part, l’existence
de l’interdiction, ce qui n’est pas difficile en présence d’un
écrit, et, d’autre part, l’inexécution de l’obligation de non-
concurrence.
176 331- La preuve de l’existence du dommage et de la faute n’est
pas suffisante sans la réunion d’un troisième élément
conditionnant la responsabilité contractuelle, à savoir le lien
de causalité entre la faute et le dommage. C’est sans aucun
doute le plus délicat à établir. Comment prouver que c’est
bien la transgression de l’obligation de non-concurrence qui
a été à l’origine de la baisse du chiffre d’affaires ou des ventes

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alors que la clientèle est par nature une valeur incertaine,


fugitive, obéissant à des fluctuations qu’il n’est pas aisé
d’expliquer ? En ce sens, il a été observé qu’il était «difficile
d’établir avec certitude un lien de cause à effet, un rapport
de causalité entre la violation de l’obligation de non-
concurrence et la perte de clientèle, celle-ci pouvant résulter
de la conjoncture économique, d’une mauvaise gestion,
d’une concurrence autre que celle développée par le débiteur
de non-concurrence... »153. C’est pour cette raison que « le
juge se satisfait d’un rapport de causalité vraisemblable qui
est trouvé dans la constatation d’une coïncidence entre la
violation de l’obligation de non-concurrence et la
diminution du chiffre d’affaires réalisé par le créancier de
non-concurrence »154.
2°) Le montant des dommages-intérêts
177 332- Aux termes de l’article 1174 du Code civil « les
dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de
la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé... », toute la
difficulté résidant dans l’évaluation chiffrée de cette perte et
de ce gain.
178 Il est en effet impératif de déterminer la perte de clientèle
occasionnée par l’exercice illicite par le débiteur de non-
concurrence de l’activité concurrentielle interdite, mais
également les gains que le créancier de non-concurrence
était en droit d’espérer et qu’il n’a pu réaliser du fait de la
violation de la clause. Le juge se doit donc d’établir le
préjudice passé et futur, procédé mis en œuvre par la
jurisprudence, et notamment dans une espèce où la Cour de
cassation a approuvé la Cour d’appel d’avoir estimé que
« cette réparation doit comprendre non seulement les pertes
déjà subies par l’entreprise créancière de non-concurrence,
du fait de la concurrence du débiteur de non-concurrence,
mais encore l’estimation des risques de pertes que cette
concurrence peut lui occasionner pour l’avenir »155.
179 Le préjudice passé et futur permet de saisir la réparation
dans toute sa globalité. « Pour que la réparation soit
intégrale, il convient de retenir une conception dynamique
du dommage concurrentiel qui correspond à une analyse de
la clientèle envisagée comme étant représentative des
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relations d’affaires qui existent et qui seraient susceptibles


d’exister dans le cadre d’une activité professionnelle
déterminée »156. Suivant cette conception la Cour de
cassation a pu évaluer à une année le manque à gagner de
l’employeur, l’interdiction ayant une durée d’un an, ainsi que
la perte globale de bénéfices qui en découlent pendant cinq
ans157.
180 Afin de chiffrer le préjudice revenant au créancier de non-
concurrence le juge prend pour base de calcul le volume
d’affaires réalisé par le débiteur de non-concurrence du fait
de son activité concurrentielle interdite158. Cette évaluation
est plus ou moins difficile selon la situation de ce dernier.
181 Lorsque l’activité est exercée de manière indépendante il
s’avère relativement aisé d’appréhender le chiffre d’affaires.
Il n’en va pas de même si l’activité est développée au sein
d’une entreprise comme c’est le cas pour un salarié, un
associé, un dirigeant, le juge ayant la délicate tâche de
déterminer la part de chiffre d’affaires de la société
correspondant à l’activité du débiteur de non-concurrence.
Par exemple, dans une espèce où un salarié avait fondé une
société concurrente les juges ont assimilé l’activité de la
société avec celle du salarié en relevant le rôle prépondérant
joué par le débiteur de non-concurrence qui réunissait en
même temps les fonctions de gérant et de principal agent
commercial159. Le préjudice souffert par le créancier de non-
concurrence correspondait ici au préjudice causé par la
société.
182 Toutefois, la solution n’est pas toujours aussi évidente, ce qui
explique que les parties préfèrent généralement fixer elles-
mêmes, de manière forfaitaire, les dommages-intérêts au
moyen d’une clause pénale160.
B) LA PROVISION ACCORDÉE PAR LE JUGE DES RÉFÉRÉS
183 333- Le juge des référés possède la faculté d’accorder une
provision au créancier dans la mesure où l’obligation
inexécutée n’est pas sérieusement contestable. Quelques
applications peuvent être recensées qui relèvent toutes du
droit du travail.
184 Un employeur s’est vu attribuer une provision à valoir sur
une clause pénale accessoire à une clause de non-
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concurrence sur le fondement de l’article R. 516-31 du Code


du travail aux termes duquel « la formation de référé peut
toujours prescrire les mesures conservatoires ou de remise
en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage
imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement
illicite. Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas
sérieusement contestable, elle peut accorder une provision
au créancier... ». Les juges ont estimé que « l’obligation de
non-concurrence, limitée dans le temps, dans l’espace et
quant à la nature des activités interdites, n’étaient pas
sérieusement contestable »161. En revanche, une demande
identique a été refusée à un employeur qui n’apportait aucun
élément permettant au juge d’évaluer le quantum du
préjudice subi162.
185 Par ailleurs, le salarié a la possibilité de se prévaloir de ces
dispositions afin de réclamer le versement d’une provision
dans l’hypothèse où l’employeur ne respecte pas son
engagement de payer l’indemnité de non-concurrence dès
lors que la formation de référé du conseil de prud’hommes a
constaté « d’une part, que la validité de la clause de non-
concurrence prévue n’est pas contestée, d’autre part, que
l’employeur n’a pas déchargé le salarié de l’obligation de
respecter la clause de non-concurrence et que la seule
présence du salarié au siège social d’une société
concurrente, en l’absence de toute constatation d’une
participation effective de ce salarié à l’activité de la société
ne saurait être considérée comme une contestation sérieuse
de l’obligation de l’ancien employeur de s’acquitter de la
contrepartie financière »163.

II - LA RÉSOLUTION
186 334- En cas de violation de la clause de non-concurrence,
l’une des parties a la possibilité de rompre les relations
contractuelles. L’étendue de cette rupture sera directement
fonction de la force des liens unissant la clause et le contrat
qui la reçoit. On assistera ainsi à la résolution du contrat (A)
ou à la seule résolution de la convention de non-concurrence
(B).
A - LA RÉSOLUTION DU CONTRAT
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187 335- Devant l’inexécution de l’obligation de non-concurrence


le créancier est en droit de demander, sur le fondement de
l’article 1184 du Code civil, la résolution judiciaire du
contrat. Faut-il encore pour ce faire que l’inexécution soit
suffisamment grave pour légitimer une telle sanction. Qu’en
est-il à cet égard de la clause de non-concurrence ? La
réponse sera fonction de l’intention des parties de faire d’un
tel engagement un élément déterminant du contrat.
188 336- Aucun doute n’est possible lorsque la clause de non-
concurrence a pour objet d’aménager une obligation de non-
concurrence d’origine légale. La clause est alors de l’essence
du contrat, elle est indispensable à son fonctionnement. C’est
le cas de l’interdiction de concurrence stipulée au profit de
l’acquéreur d’un fonds de commerce. Il a été jugé que la
violation de l’engagement du vendeur de ne pas détourner la
clientèle du fonds cédé représentait un motif assez grave de
résolution du contrat de cession, la clause de non-
concurrence constituant une obligation déterminante sans
laquelle l’acquéreur n’aurait pas contracté164. Dans le même
ordre d’idée, le salarié qui violerait la clause aménageant
l’obligation de non-concurrence de plein droit qui pèse sur
lui pendant la durée du contrat de travail entraînerait un
licenciement pour faute grave.
189 337- Par ailleurs, il est loisible aux parties d’affecter à
l’inexécution de l’obligation de non-concurrence une clause
résolutoire dont la mise en jeu ne réclame pas l’intervention
du juge. Le cas s’est présenté à propos d’un contrat de
cession de clientèle civile où le cédant, exerçant la profession
de comptable s’était engagé à ne pas « reprendre à son profit
ou détourner au profit d’un tiers la clientèle par elle
présentée à l’acquéreur ». L’inexécution de l’obligation de
non-concurrence a été considérée par le juge comme causant
un préjudice au cessionnaire en le privant de la chance
d’acquérir une partie de la clientèle du cédant ce qui
justifierait l’application de la clause résolutoire165.
B - LA RÉSOLUTION DE LA CONVENTION DE NON-
CONCURRENCE
190 338- Si dans l’hypothèse, soit d’une manifestation
particulière de volonté des contractants, soit d’une clause
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visant à préciser les contours d’une obligation de non-


concurrence de plein droit, la résolution s’étend à l’ensemble
du contrat, il en va différemment lorsque l’obligation de non-
concurrence est d’origine volontaire. Elle n’est alors que
l’accessoire d’un contrat et ne constitue pas dans l’esprit des
parties une condition déterminante de leur consentement au
contrat principal. Dans ce cas, l’interdépendance des
obligations faisant défaut166, la résolution de l’ensemble du
contrat n’a pas vocation à s’appliquer ; seule l’existence de la
clause de non-concurrence se trouve affectée.
191 339- En définitive, la résolution de la seule convention de
non-concurrence concerne l’hypothèse où une contrepartie
financière a été convenue par les parties donnant à
l’engagement un caractère synallagmatique. Il s’agit alors
d’un contrat de non-concurrence. Ainsi est-il admis que
l’employeur est dispensé du versement de l’indemnité de
non-concurrence lorsque le salarié n’a pas respecté
l’interdiction167. Lorsque c’est l’employeur qui ne respecte
pas son obligation au paiement de la contrepartie pécuniaire
les juges reconnaissent au salarié la possibilité de se libérer
de son obligation de non-concurrence. Pourtant, la
jurisprudence n’a pas toujours été en ce sens.
192 Précisément, la Cour de Paris a décidé, dans un arrêt du 21
octobre 1988, que « le non-paiement par l’employeur de la
contrepartie financière ne dégageait pas de son obligation
la salariée qui pouvait alors intenter une action en
paiement de l’indemnité convenue »168. De façon identique il
a été indiqué, quelques temps plus tard, par la même cour
que « le non-paiement de l’indemnité compensatrice et a
fortiori le retard dans le paiement ne sauraient de même
dispenser le salarié de respecter la clause de non-
concurrence dont l’existence n’est pas subordonnée à l’octroi
d’une contrepartie pécuniaire »169.
193 Cette jurisprudence n’est pas convaincante car elle ne fait
jouer la résolution que pour l’employeur et ne respecte donc
pas le caractère synallagmatique de la convention de non-
concurrence. Aussi convient-il de saluer l’arrêt de la Cour de
cassation du 3 octobre 1991 qui revient à une solution plus

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orthodoxe. En l’espèce, une attachée commerciale, ayant


souscrit une clause de non-concurrence d’un an qui
prévoyait le versement d’une indemnité mensuelle pendant
la durée de l’interdiction, s’était engagée, quelque temps
après sa démission, chez un concurrent en réponse à
l’attitude de son ex-employeur qui refusait de verser
l’indemnité convenue. Selon la Cour de cassation « la Cour
d’appel, qui ne s’est pas prononcée sur la validité de cette
clause et qui a apprécié l’importance du manquement de
l’employeur à son obligation contractuelle a pu décider
qu’en raison de cette inexécution, la salariée s’était trouvée,
elle même, libérée de l’interdiction de concurrence »170. Si
cette solution est globalement approuvée171, l’explication qui
en est donnée par la doctrine n’est pas unitaire.
194 On a tout d’abord invoqué le mécanisme de l’exception
d’inexécution afin de justifier la position adoptée par la Cour
de cassation172. L’inexécution par l’employeur de son
obligation de payer la contrepartie financière autoriserait le
salarié à suspendre son obligation de non-concurrence. En
réalité il paraît impossible de fonder l’arrêt du 3 octobre 1991
sur cette technique. Est-il concevable de suspendre
provisoirement l’exécution de l’obligation de non-
concurrence sans la violer purement et simplement ? En
raison de sa nature d’obligation de ne pas faire, l’obligation
de non-concurrence ne se prête pas à la mise en jeu de
l’exception d’inexécution. Ne pouvant être suspendue, chose
impossible, mais violée, il convient de se tourner vers un
fondement juridique différent, mieux adapté aux
circonstances, celui de la résolution.
195 On sait qu’en l’absence de clause résolutoire ou de résolution
prévue par la loi le contrat ne saurait être en principe résolu
de plein droit. Selon l’article 1184 du Code civil « la
résolution doit être demandée en justice ». Toutefois, la
jurisprudence admet depuis fort longtemps une résolution
unilatérale du fait du créancier173. Il s’agit notamment de
l’hypothèse où l’urgence commande la rupture de l’une des
parties. « Ce n’est pas seulement la gravité de la faute
commise par le cocontractant qui peut justifier la résolution

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unilatérale, ce sont aussi les conséquences qui résulteraient


d’une attente du prononcé par les juges de l’anéantissement
du contrat »174. Ce cas de figure correspond exactement à la
situation dans laquelle se trouve le créancier de la
contrepartie financière qui se voit contraint de rompre
immédiatement la convention de non-concurrence, faute de
pouvoir attendre la décision du juge dont la longueur du
délai d’intervention rendrait inutile une résolution judiciaire,
la durée de l’interdiction de concurrence étant alors expirée
ou sur le point de l’être.
196 Dans ces conditions, il est préférable de justifier l’arrêt
controversé du 3 octobre 1991 par la technique de la
résolution plutôt que par celle de l’exception d’inexécution175.

Notes
1. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil. Les obligations. 6ème éd.
1996, n° 451.
2. Soc. 27 sept. 1989, Bull.civ. V., n° 545 ; Soc. 4 juin. 1975, Bull.civ. V, n
301.
3. Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et civile,
op. cit, n° 130 ; dans le même sens : M. Bronnert, op. cit, p 160 et s.
4. Cf. Supra, n° 113 et s.
5. Soc. 17 fév. 1993, D. 1993. 347, note Y. Serra.
6. Soc. 17 fév. 1993, préc ; cf. également : Versailles, 28 oct. 1994, D.
1995. Somm. 259, obs. Y. Serra ; Paris, 7 mars. 1995, D. 1996. Somm.
245, obs. Y. Serra ; Paris, 10 avr. 1997, D. 1997. Somm. 101, obs. Y. Serra.
7. Cependant, l’employeur ne peut se réserver de façon discrétionnaire le
choix de la mise en œuvre de la convention de non-concurrence avant la
fin du contrat de travail. L’existence de l’obligation de non-concurrence
est alors soumise à la seule manifestation de volonté de l’employeur; on
est donc en présence d’une condition purement potestative (Soc. 12 avr.
1995, D. 1996. Somm. 246, obs. Y. Serra. La solution de cet arrêt se base
également sur une disposition de la convention collective qui n’autorisait
l’employeur à prendre une décision unilatérale que pour supprimer
l’interdiction et non pour la faire naître).
8. Cf. Infra, n° 488.
9. En ce sens : Y. Serra, note sous Soc. 17 fév. 1993, préc.
10. Y. Serra, préc.
11. Cf. Infra, n° 600.

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12. Article 65 §1 de la loi du 3 juillet 1978.


13. Article 75-a du Code de commerce.
14. Req. 24 fév. 1862, S. 1862.I.241.
15. Civ. 2 mai. 1868, DP. 1869.I.277.
16. Civ. 10 avr. 1945, Gaz. Pal. 1945.I. 204
17. Tr. Com. Seine, 26 nov. 1952, S. 1953. 4 .24 ; Paris, 15 oct. 1954, Gaz.
Pal. 1955.I. 191.
18. Civ. 16 nov. 1958, Bull.civ. IV, n° 1043.
19. M. Bronnert, op. cit, p. 43.
20. Soc. 29 avr. 1980, Bull.civ. V, n° 282 ; Soc. 26 fév. 1970, Bull.civ. V,
n° 116 ; Soc. 2 fév. 1966, Bull.civ. IV, n° 109.
21. Soc. 7 juill. 1977, Bull.civ. V, n° 377.
22. Soc. 21 mai. 1974, Bull.civ. V, n° 300 ; Soc. 9 avr. 1971, Bull.civ. V, n°
549.
23. Soc. 4 mars. 1970, Bull.civ. V, n° 155.
24. G.H. Camerlynck, Droit du travail, Tome 1, 2ème éd, n° 233 ; J.
Amiel-Donat, Les clauses de non-concurrence en droit du travail, op. cit,
n° 105.
25. J. Amiel-Donat, Les clauses de non-concurrence en droit du travail,
op. cit, n° 105.
26. Cf. Supra, n° 114 et s.
27. Cf. Infra, n° 269 et s.
28. Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et
civile, op. cit, n° 296.
29. Cf. Y. Serra, op. cit, n° 296.
30. Contre cette pratique, cf. également : G. Lyon-Caen, J. Pélissier et A.
Supiot, op. cit, n° 263.
31. 1 Soc. 14 mai. 1992, préc.
32. 2 Com. 4 janv. 1994, préc.
33. Cf. Ph. Simler, op. cit, n° 220.
34. Article 1637.x du Code civil.
35. W. Grosse-Waechter et J.Y. Simon, La clause de non-concurrence en
droit allemand et en droit social alsacien-mosellan, Semaine sociale
Lamy. 1994, n° 715, p. 3.
36. Ne seront pas évoqués ici les problèmes liés à la période d’essai qui
ont déjà fait l’objet de développements lors de l’étude relative à l’intérêt
légitime : cf. Supra, n° 140 et s.

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37. Cf. G. Lyon-Caen (Les clauses restrictives de la liberté du travail,


préc.) pour qui il faut distinguer les clauses de non-rétablissement en
droit commercial des clauses de non-réembauchage en droit du travail.
Cette terminologie doit cependant être écartée ; elle est en effet
dangereuse en ce qu’elle pourrait faire croire à une différence de contenu
entre les deux stipulations. Or, en pratique, dans les deux cas on
empêche le débiteur de se réembaucher et de se réinstaller à son propre
compte.
38. Vachaumard, op. cit, p. 53. Pour une même opinion, cf : M. Despax,
note sous Dijon, 18 juin. 1969, D. 1969.692 ; G. Lyon-Caen, Les clauses
restrictives de la liberté du travail, préc, n°41.
39. B. Teyssié, Droit du travail. Relations individuelles du travail, Litec.
2ème éd. 1992, n° 651.
40. Soc. 13 janv. 1982, D. 1983.162.
41. Soc. 2 mai. 1974, Bull.civ. V, n° 258 ; cf. également : Paris, 4 déc.
1995, D. 1997. Somm. 102, obs. Y. Serra.
42. Com. 2 mai. 1984, JCP. éd.G. 1984. IV .218 ; cf ; également : Com. 3
juin. 1922, D. 1922. 5 concernant un locataire-gérant d’un fonds de
commerce.
43. Com. 22 janv. 1991, D. 1991.IR.53, JCP. éd.E. 1991.I. 458, n° 89, obs.
J. Azéma.
44. Les articles 1156 à 1164 du Code civil ne constituent pas des normes
impératives ni supplétives, mais plutôt des directives pour
l’interprétation des contrats.
45. Ce principe est repris par d’autres articles tels que l’article 1602 ou
l’article 1187. L’article L. 132-1 du Code de la consommation qui précise
que les clauses « s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus
favorable au consommateur ou au non professionnel » a en revanche
une valeur obligatoire.
46. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, op. cit, n° 426.
47. Ph. Simler, Contrats et obligations. Interprétation des contrats, JC1.
Civil, Fasc. 30, n° 57.
48. Sur le caractère artificiel de la notion, cf. Supra, n° 265.
49. Soc. 5 janv. 1984, D. 1984. IR.443, obs. Y. Serra.
50. Soc. 8 janv. 1965, Bull.civ. IV., n° 15 ; Soc. 20 janv. 1960, Bull.civ. IV,
n° 62. À propos d’un employé d’un expert en automobile il a été jugé que
l’interdiction de «s’installer ou d’entrer au service d’un autre expert »
s’entendait d’une interdiction d’être membre d’une société civile
professionnelle : Soc. 19 mars. 1987, D. 1988. Somm. 214, obs. Y. Serra.
51. Cf. par ex : Com. 23 avr. 1985, D. 1985. IR.479, obs. Y. Serra ; Rouen,
27 oct. 1972, D. 1973. Somm. 44.

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52. Cf. par ex : Com. 23 avr. 1985, préc.


53. Com. 8 déc. 1992, D. 1993.603 ; dans le même sens : Versailles, 14
juin. 1991, D. 1992. Somm. 349, obs. Y. Serra.
54. Soc. 22 mai 1995, D. 1996. 325, note Y. Picod. Cette solution est à
rapprocher d’un autre arrêt de la Chambre sociale rendu le 27 mars 1996
(D. 1997. Somm. 105, obs. Y. Picod) dont les faits de l’espèce révèlaient
qu’un salarié démissionnaire d’une société envers laquelle il avait
souscrit une clause de non-concurrence assortie d’une indemnité
pécuniaire, s’était engagé dans une société non concurrente appartenant
à un groupe de sociétés, puis dans une seconde société faisant également
partie du même groupe mais développant des activités concurrentielles à
rencontre du créancier de non-concurrence. Il s’agissait donc de
déterminer si le salarié avait violé son obligation dès son entrée dans la
première société. Là encore les juges ont reconnu l’autonomie juridique
de la société par rapport au groupe en relevant que le salarié avait été
embauché par deux sociétés distinctes. Dans ces conditions, celui-ci était
en droit de demander le paiement de l’indemnité de non-concurrence
pour le temps où l’interdiction avait été respectée, c’est-à-dire pendant la
période d’emploi dans la première société non concurrente. En revanche,
l’autonomie entre deux sociétés d’un même groupe n’a pas été retenue
dans un arrêt très discutable de la Chambre sociale rendu le 21 juillet
1997 (Sem. soc. Lamy. 1997, n° 849, p. 12) qui admet que «la clause
interdisant, avant l’expiration d’un certain délai, au salarié quittant une
entreprise d’entrer dans une autre entreprise exerçant une activité
similaire ne s’applique pas dès lors que les deux entreprises ne sont pas
en situation réelle de concurrence mais appartiennent au même groupe
économique et que le passage de l’une à l’autre est le résultat d’une
entente entre lui et ses deux employeurs successifs ».
55. En ce sens : Y. Picod, obs. sous Soc. 22 mai. 1995, préc.
56. Les tribunaux reconnaissent très rarement valable la renonciation
tacite : Soc. 11 mars. 1964, Bull. civ. IV, n° 233.
57. Soc. 13 oct. 1988, Bull. civ. V, n° 493 ; cf. aussi : Soc. 30 mai. 1990,
JCP. éd. G. 1990. IV. 286 ; Soc. 12 juillet. 1989, Bull. civ. V, n° 519.
58. Sur cette question, cf. les développements de M.Y. Serra, La non-
concurrence en matière commerciale, sociale et civile, op. cit, n° 133 et s.
59. Paris, 15 fév. 1985, D. 1985. IR. 477, obs. Y. Serra.
60. Versailles, 9 oct. 1995, D. 1996. Somm. 245, obs. Y. Serra ; Paris, 24
sept. 1986, D. 1987. Somm. 266, obs. Y. Serra ; Soc. 26 fév. 1970, Bull.
civ. V, n° 149.
61. Soc. 9 juill. 1985, D. 1986. IR. 340, obs. Y. Serra.
62. Le contrat peut prévoir que la renonciation s’opère par écrit : Paris, 6
mai. 1982, D. 1983. IR. 49, obs. Y. Serra.

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63. Cf. Supra, n° 251 et s.


64. Soc. 27 sept. 1989, D. 1990. 101, note Y. Serra ; cf. également : Soc. 8
janv. 1969, Bull. civ. V, n° 2.
65. Cf. Infra, n° 286.
66. En ce sens : Y. Serra, note sous Soc. 27 sept. 1989, préc.
67. Soc. 4 déc. 1991, Bull. civ. V, n° 551, D. 1992. Somm. 351, obs. Y.
Serra.
68. Cf. G. Lyon-Caen, J. Pélissier et A. Supiot, op. cit, n° 462.
69. En ce sens : D. Corrignan-Carsin, La contrepartie pécuniaire de la
clause de non-concurrence, préc, p. 593 ; Y. Serra, obs. sous Soc. 4 déc.
1991, préc.
70. D. Corrignan-Carsin, préc ; Y. Serra, préc.
71. Rares sont les conventions collectives qui envisagent ce cas de figure.
Cf. cependant : Convention collective nationale des activités de
production des eaux embouteillés et boissons rafraîchissantes sans
alcool. Annexe II. Personnel d’encadrement. L’article 8 prévoit que
l’employeur peut réduire la durée de la convention de non-concurrence.
72. Soc. 13 juill. 1988, Bull. civ. V, n° 444.
73. Sur cette distinction, cf. Supra, n° 231 et s.
74. Sur la relation entre la condition impulsive et déterminante et la
notion d’indivisibilité, cf. Supra, n° 229 et 237.
75. Ceci n’est valable qu’en l’absence de manifestation de volonté de la
part des contractants. Il en irait autrement si les parties décidaient de
faire de la clause de non-concurrence une condition sine qua non de
l’existence du contrat principal.
76. Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et
civile, op. cit, n° 358 ; dans le même ordre d’idée : F. Terré, P. Simler et
Y. Lequette, , n° 633 ; C. Paulin, La clause résolutoire, LGDJ. 1996, n°
98 ; M. Savelli, L’exercice illicite d’une activité professionnelle, PUAM.
1995, n° 109 et s où l’auteur établit une distinction qui rejoint finalement
le critère de divisibilité, entre obligations de non-concurrence dont
l’exécution se déroule pendant la durée du contrat et clauses de non-
concurrence destinées à jouer après la rupture des relations
contractuelles, seules ces dernières pouvant faire l’objet d’une demande
d’exécution en cas de résolution du contrat principal.
77. Civ. 6 mars. 1996, Bull. civ. V, n° 118 ; D. 1997. Somm. 97, obs. Y.
Serra.
78. J. Amiel-Donat, Les clauses de non-concurrence en droit du travail,
op. cit, n° 81 ; Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale,
sociale et civile, op. cit, n° 148.
79. Soc. 19 juill. 1983, D. 1984. IR. 138, obs. Y. Serra.
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80. Soc. 17 oct. 1984, D. 1985. IR. 387, obs. Y. Serra.


81. Soc. 19 juin. 1991, Bull. civ. V, n° 311, D. 1992. Somm. 52, obs. Y.
Serra, Besançon, 14 nov. 1995, D. 1997. Somm. 101, obs. Y. Serra.
82. Soc. 27 sept. 1989, préc.
83. Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et
civile, op. cit, n° 149.
84. H. Blaise, La clause de non-concurrence dans le contrat de travail, BS
Lefebvre. 1983. 451.
85. Soc. 16 déc. 1964, Bull. civ. IV, n° 853.
86. Paris, 7 oct. 1988, D. 1989. Somm. 268, obs. Y. Serra.
87. Soc. 3 déc. 1943, D.A. 1944. 30 ; Com. 27 fév. 1950, Bull. civ. III, n°
170 ; Soc. 24 fév. 1955, Bull. civ. V, n° 65.
88. Soc. 24 janv. 1974, Bull. civ. V, n° 65.
89. Article 74 du Code de commerce.
90. Pour l’ouvrier : article 65 §2 alinéa 9 de la loi du 3 juillet 1978. Pour
l’employé : article 85 §1 de la même loi.
91. Article 18 de la loi de 1971 sur les employés (FUL).
92. Article 13 du Texte coordonné du 1er juin 1981.
93. Article 1637x du Code civil.
94. Article 340 du Code des obligations.
95. Cf. A. Brun, L’évolution du régime de la concurrence irrégulière dans
les rapports de travail, préc, p. 366. ; M. Bronnert, op. cit, p. 145.
96. F. Saramito, préc, p. 424.
97. T. civ. Seine, 15 avr. 1959, JCP. éd. G. 1960. IV. 7.
98. Soc. 3 déc. 1943, préc.
99. Cf. Infra, n° 229 et s.
100. Sur l’analyse complète de l’indivisibilité, cf. Supra, n° 227 et s.
101. On relèvera bien sûr la contradiction de la jurisprudence qui ne
mène pas l’analyse de l’autonomie à son terme. Si les circonstances de la
rupture du contrat principal n’influencent pas le maintien de la clause de
non-concurrence, solution justifiée au regard de l’indépendance de ces
deux actes juridiques, on ne comprend pas pourquoi la validité de la
clause n’est pas subordonnée à l’octroi d’une contrepartie spécifique. Cf.
Supra, n° 220 et s.
102. M. Bronnert, op. cit, p. 146.
103. A. Brun, L’évolution du régime de la concurrence irrégulière dans
les rapports de travail, préc, p. 366.
104. A. Brun, préc, p. 366.
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105. Soc. 6 nov. 1974, Bull. civ. V, n° 520. Les conventions collectives
prévoient également des dispositions qui augmentent l’indemnité de
non-concurrence, cf. Infra, n° 477.
106. Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et
civile, op. cit, n° 351.
107. Com. 20 janv. 1981, Bull.civ. IV, n° 41 ; Soc. 24 janv. 1979,
D.1979.619, note Y. Serra ; Civ. 21 fév. 1862, DP. 1862.I.185.
108. Soc. 6 déc. 1967, Bull.civ. IV, n° 408 ; Soc. 12 nov. 1987, Bull.civ. V,
n° 646 ; Soc. 16 oct. 1958, Bull.civ. IV, n° 1043.
109. B. Starck, H. Rolland et L. Boyer, Obligations, Tome 2 : Contrat. 5
ème éd. 1995, n° 1420 ; Ph. Simler, JC1. Civ. Art. 1136 à 1145, Fasc.10, n°
160. Dans cette optique, l’article 1143 se combine avec l’article 1144 selon
lequel « le créancier peut aussi, en cas d’inexécution, être autorisé... ».
110. Soc. 24 janv. 1979, D. 1979.619, note Y. Serra ; Com. 20 janv. 1981,
JCP.(E) 1981.9585, obs. J. Azéma.
111. Civ. 28 janv. 1972, Bull. civ. III, n° 39 ; Civ. 18 fev. 1981, Bull. civ. III,
n° 38. Cette jurisprudence est généralement approuvée par la doctrine :
B. Starck, H. Rolland et L. Boyer, op. cit, n° 1423 ; Contra, Y. Serra, La
non-concurrence en matière commerciale, sociale et civile, op. cit, n°
393, pour qui « le caractère systématique d’une telle jurisprudence
apparaissant pour le moins inopportun dans un domaine où
l’appréciation du juge s’avère souvent indispensable pour prendre en
considération la gravité de la violation de l’obligation de non-
concurrence ».
112. Les textes correspondant à l’article 809 sont l’article R.516.31 du
Code du travail pour le référé prud’homal et l’article 873 pour le référé
commercial.
113. Le juge a toujours la possibilité de ne pas ordonner de telles
mesures : Paris, 5 juin. 1996, D. 1997. Somm. 103, obs. Y. Serra.
114. Paris, 9 déc. 1994, D.1995.Somm.258, obs. Y. Serra ; dans le même
sens : Paris, 8 janv. 1993, D.1994.Somm.219, obs. Y. Serra.
115. Paris, 23 oct. 1986, D.1988. Somm. 178, obs. Y. Serra.
116. Versailles, 12 janv. 1988, D.1989. Somm.267, obs. Y. Serra.
117. Pour une étude globale de la tierce complicité dans la violation de
l’obligation de non-concurrence : cf. Infra, n° 377 et s.
118. Paris, 24 janv. 1983, D. 1984. IR. 421 ; dans le même sens : Paris, 15
sept. 1988, D. 1989. Somm 267, obs. Y. Serra ; Soc. 25 oct. 1990, JCP.
1990. IV. 416.
119. Outre l’hypothèse de cessation d’un trouble manifestement illicite,
l’intervention du juge des référés peut être requise pour prévenir un
dommage imminent. Par définition il n’y a pas inexécution de

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l’engagement de non-concurrence mais des éléments factuels font


pressentir la survenance d’une violation de l’interdiction. Cela a été le cas
d’un salarié débiteur de non-concurrence qui avait créé une société
concurrente non encore entrée en activité : Lyon, 29 juin. 1989, D. 1990.
Somm. 80, obs. Y. Serra.
120. Cf. par ex : Versailles, 20 avr. 1995, D. 1996. Somm. 247, obs. Y.
Serra, où la cessation du contrat de travail est ordonnée sous astreinte à
propos de la violation d’une convention de non-concurence insérée dans
un contrat de cession de parts sociales.
121. Il ne lui reste qu’à demander la résolution de la convention de non-
concurrence accompagnée de la restitution des sommes versées au titre
de l’indemnité de non-concurrence.
122. Nancy, 20 fév. 1959, D. 1959. 233 ; Req. 20 juill. 1928, D.P.
1929.I.136.
123. Cf. Infra, n° 326 et s.
124. G. Paisant, Rép. civ. Dalloz, V° Clause pénale, n° 18.
125. La peine privée se distingue essentiellement de la simple réparation
en ce que la réparation doit être ajustée au dommage alors que la peine
ignore cette exigence.
126. Ne sont-ce pas ces craintes qui ont poussé la loi dans les relations
professionnels-consommateurs à plafonner le montant de la pénalité
contractuelle ? Ainsi en est-il par exemple pour le contrat d’assurance
(Article L. 113-10 alinéa 1er du Code des assurances) ou pour la vente
d’immeubles à construire (article L. 261-14 et L. 261-16 du Code de la
construction et de l’habitation).
127. Soc. 25 nov. 1970, Bull.civ. V, n° 651. En sens contraire : Colmar, 11
janv. 1964, JCP. éd. G. 1965.2.14267, D. Soc. 1965.459, note G. Lyon-
Caen.
128. D. Mazeaud, Les clauses pénales en droit du travail, Dr. soc. 1994.
351.
129. Cf. dans ce sens, Y. Serra, La non-concurrence en matière
commerciale, sociale et civile, op. cit, n° 384 ; D. Mazeaud, préc.
130. Paris, 26 sept. 1986, D. 1987. Somm. 269, obs. Y. Serra.
131. J. Deprez, Les clauses pénales dans les relations de travail et leur
révision par le juge, BS Lefebvre. 1985. 267.
132. Pour le représentant de commerce la loi du 3 juillet 1978 prévoit
dans son article 106 que « l’indemnité forfaitaire prévue au contrat en
cas de violation de la clause de non-concurrence ne peut dépasser une
somme égale à trois mois de rémunération ». Pour l’ouvrier et l’employé
cette même loi précise que le montant de la clause pénale est fixé au
double de l’indemnité de non-concurrence versée (article 65 §2 alinéa 10

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et article 86 §1). Il est toutefois prévu que le montant de la peine puisse


être augmenté ou diminué.
133. Les juges ont rarement à apprécier le caractère dérisoire de la clause
pénale. Cependant, le créancier de non-concurrence a la possibilité d’agir
dans le but d’obtenir l’augmentation du montant de la peine: Soc. 22
juill. 1986. D. 1988. Somm. 215, obs. Y. Serra, où un employeur obtient
une majoration à hauteur du préjudice subi. La loi belge du 3 juillet 1978
donne également le pouvoir au juge d’accorder à l’employeur créancier
de non-concurrence une réparation supérieure (article 65 §2 alinéa 10).
134. En ce sens, cf. D. Mazeaud, Les clauses pénales en droit du travail,
préc, p. 352.
135. Paris, 27 nov. 1990, arrêt inédit cité par Y. Serra, La non-
concurrence en matière commerciale, sociale et civile, op. cit, n° 388.
136. Paris, 14 janv. 1983, D. 1983. IR. 420, obs. Y. Serra.
137. Cette solution est ancienne : Civ. 3 fév. 1937. D.H. 1938. Somm. 11.
138. Versailles, 10 oct. 1994, D. 1995. Somm. 207. Outre le fondement
énoncé de l’exécution partielle les juges se sont basés sur l’article 1152 du
Code civil et non comme on aurait pu le penser, sur l’article 1231 du Code
civil relatif aux exécutions partielles.
139. Quant à l’alinéa 4 de l’article 1637 X du Code civil néerlandais, il
envisage simplement la réduction sans en préciser les conditions.
140. B. Boccara, La réforme de la clause pénale : conditions et limites de
l’intervention judiciaire, JCP. éd. G. 1975.I. 2742.
141. B. Boccara, précité ; F. Pasqualini, La révision des clauses pénales,
Defrénois. 1995. 780.
142. Le système de la libre révision permet au juge de réduire le forfait à
sa guise sans pour autant aller en-dessous de la valeur du préjudice
souffert par le créancier. Il se distingue du système de l’adaptation prôné
notamment par M. Boubli (La mort de la clause pénale ou le déclin du
principe de l’autonomie de la volonté, Journ. not. 1976. 1. 945) en vertu
duquel le juge a l’obligation d’adapter la réparation au préjudice
effectivement subi.
143. Paris, 18 janv. 1983, D. 1983. IR. 420. Parmi les tenants de la
méthode de la libre réduction on peut citer M. Chabas pour qui « le juge
doit jouir de la liberté la plus complète pour réduire la peine...mais
pourvu qu’il ne descende pas au-dessous de la valeur du préjudice ». (La
réforme de la clause pénale, D. 1976. 229)
144. Cf. Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et
civile, op. cit, n° 389 ; dans le même sens, G. Paisant, préc, n° 82.
145. Com. 16 juill. 1991, D. 1992. 365, note D. Mazeaud selon lequel la
suppression de la clause pénale est due à « un excès de logique
indemnitaire ».
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146. Soc. 11 dec. 1991, Rev. jur. dr. aff. 1992, n° 322. Cet arrêt n’est pas
unique. Cf. par ex : Soc. 21 mars. 1978, Bull.civ. V, n° 218 ; Soc. 19 mars.
1987, D. 1988. Somm. 214, obs. Y. Serra.
147. Soc. 3 mai. 1989, Bull. civ. V, n° 325 ; cf. aussi. Com. 13 mars. 1979,
Bull. civ. IV, n° 99.
148. Com. 16 juill. 1991, préc.
149. Cf. Infra, n° 338.
150. Com. 2 mars. 1970, Bull.civ. IV, n° 79 ; cf. aussi Soc. 17 janv. 1979,
Bull.civ. V, n° 42.
151. Req. 25 juin. 1936, D.H. 1936. 380
152. Soc. 27 juin. 1984, D. 1985. IR. 155, obs. Y. Serra.
153. Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et
civile, op. cit, n° 374.
154. Y. Serra, op. cit, n° 374.
155. Soc. 23 juin. 1971, Bull.civ. V, n° 466.
156. Y. Serra, La non-concurrence en matière commerciale, sociale et
civile, op. cit, n° 379.
157. Soc. 10 oct. 1984, D. 1985. IR. 388, obs. Y. Serra.
158. Cf. J. Amiel-Donat, Les clauses de non-concurrence en droit du
travail, op. cit, n° 138 ; Y. Serra, La non-concurrence en matière
commerciale, sociale et civile, op. cit, n° 377 et s.
159. Soc. 6 nov. 1984, Bull. civ. V, n° 409.
160. Cf. Supra, n° 309 et s.
161. Soc. 9 déc. 1987, D. 1989. Somm. 267, obs. Y. Serra.
162. Versailles, 12 janv. 1988, D. 1989. Somm. 267, obs. Y. Serra.
163. Paris, 24 nov. 1994, D. 1995. Somm. 210, obs. Y. Serra.
164. Aix, 11 janv. 197, Bull. Aix. 1977/1. 98
165. Paris, 21 oct. 1983, D. 1984. Somm. 446, obs. Y. Serra.
166. Le lien d’accessoire à principal est un lien de dépendance unilatérale
et non un lien de dépendance bilatérale. Cf. Supra, n° 242 et s.
167. Soc. 22 mai. 1984, Bull. civ. V, n° 211.
168. Paris, 21 oct. 1988, D. 1989. Somm. 263, obs. Y. Serra.
169. Paris, 11 fév. 1991, D. 1992. Somm. 52, obs. Y. Serra.
170. Soc. 3 oct. 1991, Bull. civ. V, n° 389.
171. Pour une approbation de cette jurisprudence : D. Corrignan-Carsin,
La contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, RJS. 1992.
597 ; S. Choisez, La contrepartie financière de la clause de non-

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concurrence d’un contrat de travail, préc, p. 688 ; Y. Serra, obs. sous


Paris, 11 fév. 1991, préc.
172. D. Corrignan-Carsin, préc.
173. M. Storck, Contrats et obligations, Résolution judiciaire, JC1.Civ.
Fasc. 49-1, p. 26.
174. M. Storck, préc, p. 27.
175. En ce sens, S. Choisez, préc. C’est également par la technique de la
résolution qu’il convient d’expliquer un arrêt plus récent : Soc. 4 juin.
1996, D. 1997. Somm. 100, obs. Y. Serra.

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Référence électronique du chapitre


GOMY, Marc. Chapitre 1. L’équilibre contractuel lors des effets de la
convention de non-concurrence entre les parties In : Essai sur l’équilibre
de la convention de non-concurrence [en ligne]. Perpignan : Presses
universitaires de Perpignan, 1999 (généré le 20 novembre 2023).
Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/pupvd/1581>.
ISBN : 9782354121976. DOI :
https://doi.org/10.4000/books.pupvd.1581.

Référence électronique du livre


GOMY, Marc. Essai sur l’équilibre de la convention de non-concurrence.
Nouvelle édition [en ligne]. Perpignan : Presses universitaires de
Perpignan, 1999 (généré le 20 novembre 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pupvd/1564>. ISBN : 9782354121976.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pupvd.1564.
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