Max WEBER va s’intéresser à l’organisation sous l’angle du pouvoir et de l’autorité.
Autrement dit, il analyse les interactions individus-autorité en cherchant à dépasser la simple
vision mécaniste de l’organisation. -Son point de départ a été comment les individus obéissent aux ordres ? -Précisément, il s’intéresse à l’exercice de l’autorité au sein des organisations, c’est à dire, il réfléchit sur les fondements de l’autorité dans les organisations. -Pour mener son analyse, il s’inspire des remarques, des constats qu’il a faits dans les bureaux de l’armée. -En observant le travail des employés dans les bureaux de l’armée à la fin du XIXème siècle, il s’est posé la question suivante : Qu’est-ce qui fait que les individus, les soldats notamment obéissent de façon volontaire aux ordres ? La réponse se trouve pour lui dans l’autorité, qu’il distingue du pouvoir. Pouvoir : aptitude à forcer l’obéissance. Il renvoie à la capacité de forcer l’obéissance. Ce qui veut dire qu’il y a des moyens qu’on peut utiliser pour sanctionner, licencier. Autorité : attitude à faire observer volontairement les ordres : ceux qui les appliquent les croient légitime. Donc, elle se définit comme la capacité d’une personne à se faire obéir de façon volontaire. Weber va s’intéresser à cette obéissance volontaire aux règles et à cette possibilité de pouvoir légitimé l’autorité et l’obéissance aux hommes. Mieux, il va chercher à comprendre et décrire les logiques qui guident les actions des individus. Il va faire une recherche sur les organisations. Les résultats de ses recherches lui ont permis de classer les organisations en fonction de leur type d’autorité. Il distingue trois types d’organisation et donc d’autorité et de logiques qui les régissent. 1. L’organisation charismatique 2. L’organisation traditionnelle 3. L’organisation rationnelle ou légale L’organisation charismatique Elle basée sur le charisme d’un leader. La légitimité vient des qualités personnelles du leader qui a démontré, possédé des attributs supérieurs aux autres individus. Exple : les organisations politiques, religieuses, révolutionnaires. Ces organisations, sont souvent des formes d’organisations instables parce que la disparition du chef entraine parfois la disparition de ces organisations. L’organisation traditionnelle Elle découle d’une autorité traditionnelle. Dans ces organisations l’autorité est basée sur les usages, la croyance, la coutume. Le leader a hérité d’un statut. Le rôle est séparé de la personne. L’autorité se rattache aux rôles de la personne. Il donne l’exemple des entreprises familiales dans lequel il y a l’héritage, le passage de père en fils du pouvoir. Pour WEBER, elle ne constitue pas la forme d’organisation la plus optimale. C’est la raison pour laquelle, il propose une troisième forme autorité, à savoir la bureaucratie. L’organisation rationnelle ou légale C’est une forme d’organisation dont l’autorité va reposer sur l’existence de règles strictes et explicites et qui s’inspirent donc du droit. Selon WEBER, vu que ces règles vont être appliquées de façon équitable au personnel, il va les trouver légitime et il va obéir de façon volontaire. En effet, l’autorité du chef est légitimée par des règles et protections juridiques formalisées. Cette autorité se rattache non pas à la personne mais à la fonction. Les règles, les normes et les procédures sont impersonnelles. C’est le modèle rationnel. De cette autorité découle une organisation bureaucratique qui est la forme la plus efficace selon WEBER. Le modèle bureaucratique proposé par WEBER va reposer sur un ensemble de principes à savoir (6) : -Tout d’abord chaque emploi doit être défini de façon claire, avec des objectifs et des tâches précis pour chaque poste ; - La relation qui lie l’employé à l’organisation est de nature contractuelle et non personnelle ; - Le rôle des fonctions doit être primordial, c'est-à-dire, que c’est la fonction qui prime et non pas les individus, donc la domination du rôle des fonctions et non des individus ; - Les employés sont soumis à une discipline stricte, le respect strict des lois établies ; -Ce qui va donner une organisation fortement hiérarchique avec une séparation stricte des fonctions et transmission écrite des ordres ; - La sélection des candidats se fait par évaluation de leurs connaissances techniques, sur la base des tests. En des termes plus clairs, l’organisation bureaucratique se caractérise ainsi : – L’organisation est structurée autour de fonctions officielles qui sont reliées entre elles par des règles; – Les fonctions sont organisées en départements selon une hiérarchie qui répond à des règles et des normes auxquelles les membres sont formés ; – L’administration de l’organisation est séparée de la propriété des moyens de production ; – Les règles, les décisions et les actions sont conservées par écrit ; – L’autorité est liée à l’exercice d’une fonction, elle est impersonnelle. Les membres du groupe obéissent dans la limite des règles ; – Les employés du système bureaucratique et leur carrière répondent à des caractéristiques précises. Les dix caractéristiques des employés d’une bureaucratie wébérienne Les employés du système bureaucratique : 1. sont personnellement libres, n’obéissent qu’aux devoirs objectifs de leur fonction ; 2. dans une hiérarchie de la fonction solidement établie ; 3. avec des compétences de la fonction solidement établies ; 4. en vertu d’un contrat, donc (en principe) sur le fondement d’une sélection ouverte selon ; 5. la qualification professionnelle : dans le cas le plus rationnel, ils sont nommés (non élus) selon une qualification professionnelle révélée par l’examen, attestée par le diplôme ; 6. sont payés par des appointements fixes en espèces, la plupart donnant droit à la retraite (...) ces appointements sont avant tout gradués suivant le rang hiérarchique en même temps qui suivant les responsabilités assumées, au demeurant suivant le principe de la conformité au rang ; 7. traitent leur fonction comme unique ou principale profession ; 8. voient s’ouvrir à eux une carrière, un avancement selon l’ancienneté, ou selon les prestations de service, en encore selon les deux, avancement dépendant du jugement de leurs supérieurs ; 9. travaillent totalement séparés des moyens d’administration et sans appropriation de leurs emplois ; 10. sont soumis à une discipline stricte et homogène de leur fonction et à un contrôle. Les avantages du modèle bureaucratique de Weber Weber estime que cette forme d’organisation est la plus efficace dans les sociétés modernes. Un modèle qui se veut universel présentant de nombreux avantages : --Ce modèle impersonnel protège des préférences personnelles du leader ou des salariés ; -Les salariés, tout comme les utilisateurs de l’organisation ont la garantie d’être traités en fonction de règles précises et connues ; - Le formalisme protège donc de décisions arbitraires ou discriminatoires ; -L’organisation bureaucratique apporte une garantie d’équité ; -De plus, les bureaucraties se caractérisent par leur efficacité ; ces organisations ont la capacité de remplir leurs objectifs ; Les employés connaissent bien leur travail ; -La division du travail est clairement spécifiée, de même que les sphères d’autorité ; -Ce modèle garantit la compétence des employés, leur indépendance, ainsi que leur sécurité, mais aussi leur obéissance aux règles ; -Enfin, ces organisations ont un comportement prédictible, une qualité appréciable dans le monde des affaires. Weber se rapproche des auteurs classiques par sa description de la rationalisation de l’organisation. L’organisation bureaucratique se veut prévisible de par un contrôle des individus par des règles structurantes et le caractère impersonnel des relations. Les critiques de la bureaucratie À partir des années 1930, la bureaucratie wébérienne est critiquée et son efficacité remise en cause. Les auteurs les plus représentatifs sont Robert King MERTON, Phillip SELZNICK, Alvin GOULDNER, qui à travers des études de cas empiriques ont révélé les dysfonctionnements d’organisations bureaucratiques. Ils introduisent la dimension de l’acteur et les jeux individuels. Une dimension absente dans l’œuvre de Weber. Ils montrent que la rationalisation propre à la bureaucratie peut être source de dysfonctions. Adoptant une démarche systémique, ils considèrent que les comportements individuels dans les organisations ne s’expliquent pas tant par les motivations individuelles que par les systèmes de rôles à remplir. 1) La critique de Merton Les critiques de MERTON des organisations bureaucratiques ou de la bureaucratie sont les suivantes: -Les organisations bureaucratiques dévient de leurs objectifs; La rationalisation conduit à des effets inattendus, contraires à l’efficacité; L’exigence de contrôle de la hiérarchie conduit à privilégier des programmes types d’exécution et à limiter les relations individualisées. C’est ainsi que, Merton met à jour certains dysfonctionnements : - La bureaucratie aboutit au phénomène de déplacement des buts; -L’utilisation des règles pour prendre des décisions rigidifie les comportements et ne permet pas de rechercher des solutions alternatives à des situations individualisées. En effet du fait de sa lourdeur et de sa rigidité, ses objectifs de départ sont oubliés ; – Le phénomène de sous-optimisation : une des composantes de l’organisation en charge d’une mission particulière au service des buts de l’organisation perd de vue les buts de l’organisation pour s’attacher seulement à sa mission propre ; – Le développement de l’esprit de corps; La distinction des fonctions manifestes et latentes : les fonctions manifestes sont créées pour répondre à un but spécifique. Les fonctions latentes sont, par contre, des conséquences inattendues de l’action. Elles peuvent jouer à l’encontre des fonctions manifestes des organisations; 2) La critique de SELZNICK SELZNICK (1949) a pu observer les phénomènes de déplacement des buts et de sous- optimisation. Il montre que la délégation d’autorité a des conséquences inattendues en favorisant le développement de jeux d’acteurs internes. La délégation conduit à départementaliser et aboutit à des divergences d’intérêts entre les sous-groupes et l’organisation. Les objectifs de l’organisation deviennent secondaires pour les sous-groupes (certains programmes sont ainsi abandonnés). 3) La critique de GOULDNER Gouldner (1954) montre également les dysfonctionnements de l’entreprise bureaucratique. Il observe la gestion d’une entreprise américaine spécialisée dans l’exploitation et la transformation du gypse, au moment où celle-ci connaît un changement de pouvoir. Un jeune dirigeant succède à un dirigeant qui exerçait son autorité de façon traditionnelle, dans un climat laxiste. Il tente de mettre en place une organisation rationnelle, mais se heurte à de fortes résistances. Pour Gouldner, à côté de l’environnement physique ou technique, il faut considérer un environnement psychologique qui a une importance capitale dans les organisations, pour corriger les défauts de la bureaucratie rationnelle. Dans cette perspective, il définit 3 types de bureaucratie en fonction de l’environnement, du statut des règles dans une organisation: - La haute bureaucratie : les règles ne sont pas appliquées par la direction et ne sont non plus respectées par les employés, les conflits entre la direction et les employés sont quasi inexistants ; - La bureaucratie représentative : les règles sont établies en commun par compromis par la direction et les employés. Elles sont appliquées par la direction et respecter par les employés : le respect des règles est assuré par assentiment mutuelle implicite ; - La bureaucratie punitive : les règles appliquées par la direction sont respectées par les employés cette bureaucratie se caractérise par les tensions et les conflits entre la direction et les employés par l’application des règles et imposées par la direction et s’accompagnent souvent de sanctions.