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« Un matin », E.

Verhaeren
Projets de lecture possibles :
En quoi cette promenade matinale s’apparente-t-elle à un voyage à la fois initiatique et poétique ?
Comment la communion avec la nature devient-elle une source d’inspiration, un « enivrement »
poétique ?

I. Une promenade singulière et fondamentale : d’une expérience physique à une expérience


métaphysique

A. D’un univers familier à un univers inconnu


Départ sur des « routes coutumières » ; déterminant possessif « mes grand’routes » (v.1) pour
aboutir aux lieux inconnus (« je ne sais où », v.5, « mon guide : le hasard », v.19) . S’interroger sur
la valeur du présent de l’indicatif : actualité ? duratif ? Itératif ? → expérience extérieure qui
s’intériorise progressivement.
B. Rejet des contingences du monde
Le dénuement devient une condition essentielle de cette expérience. Le poète ne possède rien de
matériel (« Je suis parti clair et léger, / Le corps enveloppé de vent et de lumière », v. 3-4)→ forme
d’abstraction physique ; il se confond avec les éléments auxquels il déclare son amour (« […]
d’aimer l’air et la terre,/ […] de mêler le monde et tout/ A cet enivrement de vie élémentaire », v. 9-
12). Le monde régi par les lois humaines est rejeté : « Que m’importent droits et doctrines » (v.7).
C. Entre marche et arrêt
Insistance sur le déplacement dans chaque strophe (« je suis parti », v.3 ; répétition de « je vais »,
v.5 ; « je marche », v.9 ; « les pas », v.13 ; « je repars », v.18) ; marche ponctuée par des pauses
méditatives et contemplatives. Alternance alexandrins/octosyllabes qui mime ce déplacement.
Mouvement lié à un enthousiasme poétique (vocabulaire de la joie, interjection emphatique « ô » et
modalité exclamative au vers 13). Le promenade est une source de joie physique et poétique.

II. Ethos d’un poète en symbiose avec la nature

A. Retour à une nature primitive


Parcours qui va des lieux domptés par l’homme (« champs et vergers », v.2) à des lieux sauvages et
mystérieux (« l’herbe sombre », v.14, « les chênes versent leurs ombres », v.15). Évocation de la
nature dans ses premiers temps : « O les pas voyageurs et clairs des anciens dieux ! » (v. 13) →
l’Age d’Or, nature généreuse et abondante. C’est le retour à cette « vie élémentaire » qui permet
d’accéder à « l’enivrement » poétique (v.12).
B. Fusion avec la nature
Etat d’abstraction qui offre un accès privilégié à la nature, permet de fusionner avec elle (« mêler le
monde et tout », v.11 ; « Je m’enfouis dans l’herbe sombre », v.14). Cette fusion va jusqu’au contact
charnel qui rappelle celui avec une femme (« je baise les fleurs sur leurs bouches de feu », v.16 ;
« Les bras fluides et doux des rivières m’accueillent », v.17 + rimes embrassées ) : des sensations à
la sensualité. Cette fusion va jusqu’à l’ingestion de la nature (« je mâche les feuilles », v.20).
C. Révélation poétique grâce à la nature
Eloge de la nature, cette alma mater dont le contact devient fondamental pour le poète. Célébration
de cette source de joie et de bonheur. L’expérience de cette promenade matinale s’apparente à un
voyage initiatique : le poète passe d’une expérience singulière à un état de bonheur permanent (une
seule occurrence du passé composé « je suis parti », v.3 ; le reste du poème est au présent de
l’indicatif → le temps est suspendu, s’éternise). La poésie permet de fixer ce moment de révélation,
de transfiguration d’une promenade matinale en une expérience transcendante.

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