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Ohadata D-24-05

LA RESPONSABILITÉ DU COMMISSAIRE AUX


COMPTES DANS UNE SOCIÉTÉ ANONYME EN DROIT
DE L’OHADA
Par

Presley NDUMBU VILUKA


Diplômé d’études supérieures en Droit
Doctorant en droit économique et social à l’Université de Kinshasa
Chef de travaux et Avocat près la Cour

Email : presleyndumbu1@gmail.com

Article sélectionné par le Conseil scientifique - Association Henri Capitant


https://www.henricapitant.org
Résumé
Le contrôle de la société anonyme est une préoccupation constante du droit des sociétés
commerciales. Merveilleux instrument créé par le capitalisme moderne pour collecter l’épargne
en vue de la fondation et de l’exploitation des entreprises telle que la décrivait le doyen Ripert
en son temps, la société anonyme met en commun plusieurs acteurs dont les intérêts souvent
divergents deviennent des enjeux de pouvoirs. Il apparait à l’observation que l’un de ces enjeux
de pouvoir est celui de la gestion et la direction de la société tandis que l’autre est son contrôle.
La gestion de la société est le fait des organes de gestion qui sont chargés d’appliquer la
politique édictée par les actionnaires lors des assemblées générales et de leur rendre compte.
Et l’on a constaté un certain nombre d’abus de la part de ces dirigeants et il est apparu nécessaire
de renforcer leur contrôle afin de garantir l’efficacité de leur action mais aussi d’éviter tout
abus. Ce contrôle pour la société anonyme est dévolu à plusieurs organes dans l’ordre interne
et dans l’ordre externe. Il s’agit notamment du conseil d’administration et du commissaire aux
comptes. D’où l’intérêt d’analyser la responsabilité du commissaire aux comptes dans une
société anonyme en droit de l’OHADA car sa présence demeure une exigence légale.
Mots clés : Responsabilité, commissaires aux comptes, société, anonyme et OHADA

Summary
The control of the public limited company is a constant preoccupation of commercial company
law. A marvellous instrument created by modern capitalism to collect savings with a view to
founding and operating companies, as described by Dean Ripert in his time, the public limited
company brings together several actors whose often divergent interests become power issues.
It appears from observation that one of these power issues is that of the management and
direction of the company, while the other is its control.
The management of the company is the task of the management bodies, which are responsible
for applying the policy laid down by the shareholders at the general meetings and for reporting
to them.
A certain number of abuses have been observed on the part of these managers and it appeared
necessary to strengthen their control in order to guarantee the effectiveness of their action but
also to avoid any abuse. This control for the public limited company is devolved to several
bodies in the internal and external order. These include the board of directors and the auditor.
Hence the interest in analysing the responsibility of the auditor in a public limited company
under OHADA law, whose presence remains a legal requirement.
Key words: Responsibility, auditors, company, anonymous and OHADA.

2
INTRODUCTION

La société anonyme est une société dans laquelle les actionnaires ne sont responsables des dettes
qu’à concurrence de leurs apports et dont les droits des actionnaires sont représentés par des
actions1.
Aucune entreprise, quelle que soit son importance, n’est à l’abri d’une défaillance pouvant
entrainer des difficultés économiques, voire la faillite. La dimension qu’atteint aujourd’hui la
société anonyme est telle que sa disparition porterait préjudice non seulement aux dirigeants et
aux actionnaires, mais aussi aux partenaires, en l’occurrence les salariés, les fournisseurs, bref
toute personne qui participe à la vie économique de l’entreprise.
Afin de préserver leur intérêt dans la société et par conséquent celui de tous les partenaires, les
actionnaires de la société anonyme ont traditionnellement pour mission de contrôler la gestion
de l’entreprise effectuée par les organes dirigeants. De plus, ces vérifications individuelles
entraveraient le fonctionnement de la société en obligeant les dirigeants à se prêter à, de
multiples contrôles2.
C’est dans le but de remédier à ces insuffisances, et conscient de l’importance particulière que
revêt l’institution du commissariat aux comptes dans l’entreprise, le législateur OHADA n’est
pas resté indifférent. Ainsi, le législateur africain, afin de se mettre au même niveau mondial et
d’assainir le monde africain des affaires, a pris conscience de cette nécessité en protégeant les
sociétés par l’action des commissaires aux comptes au travers de nombreuses dispositions de
l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique. Il a donc, dans les articles 694 à 734 de cet Acte uniforme, minutieusement
réglementé cette profession et nettement précisé la fonction de commissaire aux comptes,
renforçant ainsi le niveau de compétence requis pour l’exercice de la profession et par
conséquent le contrôle externe de la société.
En plus des dispositions de l’Acte uniforme, on a, en ce qui concerne la République
Démocratique du Congo, la loi n°15/002 du 12 février 2015 portant création et organisation de
l’Ordre national des experts-comptables et le règlement intérieur des experts-comptables telle
que modifiée par la loi n°18/017du 9 juillet 2018.
La gestion d’une société commerciale est confrontée à plusieurs situations qui convergent vers
un carrefour des intérêts parfois opposés. Ceci n’intéresse pas que les actionnaires. Ainsi, la
nécessité d’exercer un contrôle rigoureux et technique, réalisé par des experts s’impose3.
En effet, dans une société anonyme, en dehors du contrôle interne, le législateur OHADA a
renforcé le contrôle externe par celui des commissaires aux comptes. Le champ d’investigation
des commissaires aux comptes est élargi en plus des missions classiques de certification, de
régularité et de la sincérité des états financiers de synthèse, de dénonciation au ministère public
des faits délictueux découverts, il leur est désormais confié la mission de contrôler le respect de
l’égalité entre actionnaires et surtout de déclencher l’alerte. Désormais faire obstacle aux
fonctions du commissaire aux comptes constitue une infraction pénale.

1
Article 385 de l’AUSCGIE du 30 Janvier 2014.
2
V. VIDAL D, Le commissaire aux comptes dans la Société anonyme (Evolution du contrôle légal, aspects
théorique et pratiques), Paris, LGDJ, 1985, p.26.
3
BRUNOW L, L’exercice du contrôle dans les sociétés anonymes, mémoire de DEA, Droit, Université de Lille
II, 2003, p.53.

3
La mission des commissaires aux comptes avait évolué sensiblement, c’est-à- dire qu’ils sont
chargés de dénoncer les irrégularités et des inexactitudes4. Ce qui ne sera jamais agréable aux
dirigeants malhonnêtes de la société. Les commissaires aux comptes peuvent être arbitrairement
chassés même si le législateur dans l’Acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et
groupement intérêt économique a voulu les protéger en disant que « les commissaires ne
peuvent être révoqués que pour cause légitime ... ». Alors, comment faut-il apprécier la
légitimité de cette cause? Y a-t-il d’autres mécanismes qui faciliteraient les commissaires aux
comptes ?
Il va sans dire que les commissaires aux comptes sont devenus progressivement l’élément
essentiel dans l’administration de la société anonyme. Dans leurs agissements, les commissaires
aux comptes peuvent commettre des infractions ou être auteurs des préjudices. De ce fait, les
commissaires aux comptes sont susceptibles d’encourir diverses responsabilités. Pour cela,
nous nous sommes posé les questions suivantes qui devaient, du reste, nous guider tout au long
de ce travail.
-Quelle est la nature juridique du lien qui unit le commissaire aux comptes à la société?
-Quelles sont leurs obligations, les méthodes d’exercice de leurs missions?
La mission du commissaire aux comptes serait permanente et comporterait des obligations
envers les actionnaires. En contrepartie, les commissaires aux comptes jouiraient de deux
prérogatives telles que le droit d’informations et le pouvoir d’investigations qui leur
permettraient d’exercer leur mission dans de conditions satisfaisantes5.
I. CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE SUR LES COMMISAIRES
COMPTES

La notion de « commissaires aux comptes » impose, outre la définition des termes, de démontrer
le commissaire aux comptes en droit des sociétés commerciales et de groupement d’intérêt
économique de l’OHADA ainsi que la place qu’elle occupe au sein de la société.
Dans l’exposé de motif sur le contrôle des sociétés anonymes, le législateur OHADA s’est
limité à dire qu’il a renforcé le contrôle de gestion externe de la société anonyme, ce contrôle
est exercé par des commissaires aux comptes désormais, en principe seuls experts comptables
agréés, sans toutefois définir le concept « commissaire aux comptes».
D’après Yves GUYON, « le commissaire aux comptes est un professionnel chargé de contrôler
la comptabilité de la société, de la certifier et, plus généralement, de vérifier que la vie sociale
se déroule dans des conditions régulières»6.
De même, le lexique des termes juridiques, définit le commissaire aux comptes comme « une
personne, physique ou morale, chargée par le législateur de contrôler de façon très stricte, la
régularité de la gestion comptable des sociétés anonymes et certains autres groupements et de

4
DE CORDT Y, « le contrôle des comptes : un acte fondamental de transparence », in Le nouveau visage du
contrôle des comptes et du révisorat d’entreprises, Bruxelles, Bruylant, 2007, p.1.
5
BARISEBYA, La responsabilité des commissaires aux comptes d’une société anonyme en droit rwandais,
Université Libre de Kigali, Faculté de Droit, Département de droit économique et social, 2008, p.4.
6
GUYON Y, Droit des affaires : entreprises en difficultés, redressement juridique et faillite, 7ème édition, Paris,
Economica, 1998, p.86.

4
tenir informer les organes de directions et les actionnaires des faits dont elle a eu connaissance
et des irrégularités qu’elle a relevées dans la gestion comptable de la société »7.
Cette dernière définition nous paraît la plus complète et permet de distinguer le commissaire
aux comptes qui a une mission d’audit légal, de l’auditeur externe chargé de faire une mission
d’audit contractuel.
Cette définition montre aussi que les commissaires aux comptes ont des obligations et des droits
au sein d’une société qu’ils contrôlent.
A. Commissaires aux comptes en droit OHADA

Le contrôle de la société anonyme est exercé par un ou plusieurs commissaires aux comptes,
qui sont nécessairement des comptables agréés par l’Ordre des Experts-comptables de l’Etat à
défaut d’existence d’un tel ordre, il faut se référer à la liste des comptables dressée par la
commission8.
Le législateur OHADA impose à chaque société anonyme la nomination d’un commissaire aux
comptes et d’un suppléant. Une exception toutefois faite pour les sociétés faisant appel public
à l’épargne, pour laquelle deux commissaires aux comptes et deux suppléants doivent être
désignés9.
Le premier commissaire aux comptes et son suppléant sont nommés dans les statuts ou par
l’assemblée générale constitutive pour deux exercices sociaux. La durée de ce mandat est portée
à six exercices, en cas de nomination du commissaire aux comptes et de son suppléant par
l’assemblée générale ordinaire en cours de vie sociale.
De manière exceptionnelle, la désignation du commissaire aux comptes peut se faire par voie
judiciaire. C’est le cas lorsque l’assemblée générale omet d’en élire un.
Le commissaire aux comptes exerce, au cours de l’exercice comptable, une mission permanente
de contrôle sur les valeurs et les documents comptables de la société. A cette fin, il a la
possibilité de se faire communiquer sur place tous contrats, livres, documents comptables et
registres des procès-verbaux de la société contrôlée. Il peut même récolter toutes informations
utiles auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour le compte de ladite société.
Durant cette mission permanente de contrôle, il est en droit de se faire assister ou représenter
par des experts ou collaborateurs de son choix, dont il donne le nom à la société.
De manière plus ponctuelle, il est appelé à exercer deux types de contrôle. Il s’agit, d’une part,
de certifier que les états financiers de synthèse de la société sont réguliers et donnent une image
fidèle de la situation financière et patrimoniale de la société et, d’autre part, de s’assurer du
respect de l’égalité entre actionnaires.
Le commissaire aux comptes joue ainsi un rôle essentiel de protection de contrôle dans la
société, permettant d’éviter une présentation inexacte de la situation économique de la société10.
A côté de ce devoir de contrôle, le commissaire aux comptes est tenu, sous peine de sanction
pénale, de dénoncer au ministère public tout fait délictueux dont il a eu connaissance dans

7
Albert Jean-Luc, Dominique Asquinazi, Louis d’Avout et autres, Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris,
2017-2018, p.434
8
Les articles 694 à 696 de l’AUDSCGIE du 30 janvier 2014.
9
idem
10
Robert A, Responsabilité des commissaires aux comptes : civile, pénale, administrative disciplinaire, Paris,
Dalloz, 2008, pp 7-13.

5
l’exercice de sa mission, sans toutefois que cette dénonciation engage sa responsabilité. Le
commissaire aux comptes, par ce devoir d’information, protège non seulement les intérêts
privés des actionnaires, mais également l’intérêt général représenté par l’Etat.
Enfin, le mandat du commissaire aux comptes prend fin en cas de démission, empêchement ou
décès. Ses fonctions sont alors exercées par le suppléant jusqu’à ce que cesse l’empêchement
ou expire le mandat du commissaire aux comptes.
Le mandat commissaire aux comptes peut également être révoqué. Cette révocation se fait
obligatoirement par voie judiciaire. La demande émane soit des actionnaires lorsque ces
derniers représentent le dixième au moins du capital social, soit du ministère public pour juste
motif. Toutefois, le conseil d’administration ou l’administrateur selon le cas, de même que
l’assemblée générale ordinaire, sont admis à introduire pareille demande en cas de faute ou
d’empêchement du commissaire aux comptes.

B. Cadre théorique sur le statut des commissaires aux comptes

On invoquera sous ce point, la nature juridique de la fonction du commissaire aux comptes, la


désignation du commissaire aux comptes, régimes des incompatibilités, modalités d’exercice,
et cessation des fonctions du commissaire aux comptes.
1. Nature juridique de la fonction du commissaire aux comptes

Au départ, les commissaires aux comptes étaient considérés comme des mandataires de
l’Assemblée Générale des actionnaires. C’est la conception traditionnelle qui voit dans les
rapports entre commissaire aux comptes et la société, la situation de nature contractuelle11. Mais
cette qualification ne peut être admise dans la mesure où ils ne sont pas chargés d’accomplir
des actes juridiques au nom de la société; ils effectuent plutôt des opérations de vérification.
L’analyse contractuelle finit par se révéler dans son ensemble inefficace à la réalité. On
s’accorde pourtant à lui reconnaître un mérite au moins : « Celui d’assimiler les commissaires
aux comptes aux membres des autres professions libérales »12:
Il faut souligner cependant que l’analyse contractuelle a cédé place à la conception
institutionnelle développée par Yves GUYON. Pour lui, comme les relations entre le
commissaire aux comptes et la société sont fixées par la loi, le contrôle des comptes prend
l’aspect institutionnel, et le commissaire devient une institution au même titre que l’Assemblée
Générale des actionnaires et le Conseil d’Administration13.
En somme, la mission des commissaires a un caractère d’intérêt général de telle sorte que ceux-
ci ne peuvent plus être réputés agir pour le compte des seuls actionnaires.
2. Désignation des commissaires aux comptes.

Cette désignation obéit aux conditions de fond et celles de forme.


a. Condition de fonds.

11
GUYON YVES, Droit des affaires. Tome I : Droit commercial général et droit des sociétés, 12eme édition, Paris,
Economica, Coll. Droit des affaires et de l’entreprise, 2003, p.80.
12
RICOEUR P, Le juste, Tome 1, Paris, édition, Esprit, 1995,p.45.
13
SAWADOGO, F.M, Droit des sociétés commerciales en difficulté, Bruxelles, Brulyant, 2002, p.97.

6
Du point de vue du fond, la nomination des commissaires aux comptes revient à l’Assemblée
générale comme il ressort de l’article 695 de l’acte uniforme sous examen. Ce sont, en principe
les actionnaires qui désignent le commissaire, puisqu’il exerce sa mission principalement dans
leur intérêt. Mais ce choit n’est pas entièrement libre.
En RDC, la loi n°15/002 du 12 février 2015 portant création de l’ordre national des experts-
comptables tel que modifiée par la loi n°18/017 du 9 juillet 2018 confirme le principe posé par
l’Acte uniforme14. Ainsi, un expert-comptable inscrit sur le tableau d’un pays étranger, même
faisant partie de l’espace OHADA, ne pourra devenir commissaire aux comptes en République
Démocratique du Congo qu’en associant avec un expert-comptable congolais régulièrement
inscrit en vue de créer une société d’experts-comptables.
En effet, au regard de l’article 39 de la loi bancaire dispose que le commissaire aux comptes
désigné dans les banques ou établissements financiers doit figurer sur la liste régulièrement
arrêtée par la Banque Centrale, ce qui garantit peut-être sa qualification technique15.
D’autre part le commissaire aux comptes ne doit pas être uni à la société par des liens qui
risquent de porter atteinte à son indépendance. La loi a donc prévu de nombreuses causes
d’incompatibilité.
b. Condition de forme

Du point de vue de la forme, la désignation est en principe faite par l’Assemblée Générale
ordinaire. Il est en effet normal que le commissaire soit désigné par les actionnaires, puisque
ceux-ci sont les principaux bénéficiaires des contrôles qu’il va opérer.
Pour Yves GUYON16, cette procédure n’offre aucune garantie d’indépendance suffisante du
fait que l’Assemblée soit généralement dominée par les dirigeants. Ce sont eux qui proposent
la désignation ou le renouvellement du commissaire. De ce qui précède, il ressort que cette
anomalie est difficile à éviter, à moins d’instaurer un contrôle judiciaire systématique des
désignations.
Il faut noter que dans les cas où le législateur impose la désignation de plusieurs commissaires
aux comptes, ceux-ci ne peuvent accepter le mandat que s’ils appartiennent à des cabinets
distincts.
3. Régimes des incompatibilités

La fonction de commissaire aux comptes revêt un caractère libéral. Pour garantir au


commissaire aux comptes une totale indépendance et sa crédibilité, l’exercice de certaines
activités est incompatible.
a. Incompatibilités générales

Selon l’article 697 de l’AUSCDGIE, les fonctions de commissaire aux comptes sont
incompatibles :
- Avec toute activité ou tout acte de nature à porter atteinte à son indépendance ;

14
SAKATA M. G, Société anonyme (Droit de l’OHADA et Droit complémentaire congolais), Volume 1, PUK,
Kinshasa, 2019, p.197.
15
La loi n°003 du 02 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit, in JORDC, n°
spécial, mai 2002, pp30-55.
16
GUYON YVES,

7
- Avec tout emploi salarié. Toutefois, un commissaire aux comptes peut dispenser un
enseignement se rattachant à l’exercice de sa profession ou occuper un emploi
rémunéré chez un commissaire aux comptes ou chez un expert-comptable ;
- Avec toute activité commerciale, qu’elle soit exercée directement ou par personne
interposée.

b. Incompatibilités spéciales

Il existe des situations qui peuvent porter atteinte à l’indépendance du commissaire aux comptes
telles que l’étroitesse des liens personnels entre ce dernier et la société soumise à contrôle.
Ainsi, l’article 698 dispose que ne peuvent être commissaires aux comptes :
- Les fondateurs, les actionnaires, bénéficiaires d’avantages particuliers, dirigeants
sociaux de la société ou de ses filiales, ainsi que leur conjoint ;
- Les parents et alliés, jusqu’au quatrième degré inclus, des personnes visées au
paragraphe précédent ;
- Les personnes qui, directement ou indirectement, ou par personne interposée,
reçoivent, soit des personnes citées au premier tiret, soit de toute société visée au
troisième tiret, un salaire ou une rémunération quelconque en raison d’une activité
permanente autre que celle de commissaire aux comptes ; il en est de même pour les
conjoints de ces personnes ;
- Les sociétés c de commissaires aux comptes dont l’un des associés, actionnaires ou
dirigeants se trouve dans l’une des situations visées aux tirets précédents ;
- Les sociétés de commissaires aux comptes dont soit l’un des dirigeants, soit
l’associé ou l’actionnaire exerçant les fonctions de commissaire aux comptes, à son
conjoint qui se trouve dans l’une des situations prévues aux tirets précédents.

L’article 699 prévoit une « période de mise en au frigo 17» de cinq ans prenant cours à la
cessation de ses fonctions pendant laquelle le commissaire aux comptes et/ou l’associé d’une
société de commissaires aux comptes ne peuvent accepter aucun mandat d’administrateur,
administrateur général, administrateur général adjoint ou dirigeant social des sociétés qu’ils ont
contrôlées.
Pendant la même période de « viduité », il ne peut exercer de mission de contrôle ni dans les
sociétés possédant le dixième du capital de la société contrôlée par lui, ni dans les sociétés dans
lesquelles la société contrôlée par lui possède le dixième du capital, lors de la cessation de sa
mission de contrôle de commissaire aux comptes
Après avoir exercé des fonctions de gestion et d’administration au sein de la société, un
dirigeant social peut conserver des contacts ou liens avec elle. Pour ne pas compromettre le
sérieux que requiert le contrôle reconnu au commissaire aux comptes, il est lui interdit pendant
un délai de cinq ans après la cessation des fonctions d’être nommé commissaire aux comptes
dans ladite société.

17
De Wolf H, « la loi corporate governance », RDC, 2002,p.656, cité par SAKATA, op. cit, p.199

8
De même, il ne peut être nommé commissaire aux comptes dans les sociétés possédant dix pour
cent du capital de la société dans laquelle il exerçait sa fonction ou dont il possédait dix pour
cent du capital lors de la cessation de sa fonction18.
4. Cessation normale des fonctions

Sous ce point nous allons parler sur l’arrivée du terme, le décès et l’empêchement, ainsi que la
démission.
a. L’arrivée du terme

Concrètement, les fonctions du commissaire prennent fin par l’arrivée du terme, c’est à dire au
bout de six ans en général19. En cas de refus de renouvellement, le commissaire aux comptes
peut solliciter d’être entendu par l’assemblée générale. Une telle possibilité offerte au
commissaire aux comptes témoigne « dans une certaine mesure son indépendance par rapport
aux organes de gestion 20». Le non renouvellement n’est pas une sanction et ne constitue pas
une faute, ni un abus imputable à la société et à ses dirigeants.
b. Décès et empêchement

Le cas du décès du commissaire aux comptes, assimilable à celui de la dissolution de la société


chargée du contrôle ne pose pas de problème dans le sens où il met évidemment fin à l’exercice
des fonctions.
En revanche, l’empêchement du commissaire ne met pas automatiquement fin à ses fonctions.
En effet, si l’empêchement est temporaire, le commissaire suppléant intervient, le titulaire
pouvant reprendre ses fonctions après la prochaine Assemblée Générale qui approuve ses
comptes.
c. Démission

La démission du commissaire aux comptes, qui met également fin à ses fonctions peut
intervenir pour diverses raisons.
En effet, le commissaire a le droit de démissionner lorsqu’il se trouve empêché d’accomplir sa
mission soit pour une raison d’ordre juridique, comme la survenance d’une incompatibilité, soit
pour un motif d’ordre matériel, notamment la maladie.
Le commissaire peut également démissionner pour convenances personnelles, notamment s’il
ne peut pas obtenir des honoraires suffisants ou si ses relations avec les dirigeants se dégradent.
Cependant, il ne faut pas que cela soit préjudiciable à la société, ou que cela soit accompli par
malice ou même par simple légèreté.
d. Révocation

Exceptionnellement, les fonctions du commissaire aux comptes peuvent prendre fin de manière
prématurée par révocation en cas de faute reconnue dans son chef ou en cas d’empêchement.
La révocation est nécessairement judicaire c’est-à-dire seul le tribunal y est compétent.
Les titulaires du droit de saisir aux fins d’une procédure en révocation sont :

18
L’article 700 de l’AUDSCGIE
19
Article 705 de l’AUDSCGIE
20
Commentaire sous l’article 707 de l’AUDSCGIE in Traité et Actes uniformes annotés, édition 2015, 2016,
p.627.

9
- Un ou plusieurs actionnaires représentant le dixième du capital social ;
- Le conseil d’administration ou l’administrateur général ;
- L’assemblée générale ;
- Le ministère public.

La révocation est demandée devant le tribunal, statuant à bref délai, par les personnes citées ci-
dessus contre le commissaire aux comptes et contre la société. Le commissaire aux comptes
incriminé a le droit de faire appel contre la décision du tribunal dans le délai de quinze jours à
compter de la signification du jugement21.
De ce qui précède, la révocation ne peut intervenir pour n’importe quel motif ou « a fortiori, ad
nutum ». La relève des fonctions du commissaire aux comptes est soumise donc à des conditions
strictes afin de garantir leur indépendance.
e. Récusation

Un commissaire aux comptes, y compris celui désigné par décision de justice, peut faire l’objet
d’une récusation mettant fin à ses fonctions. La récusation est demandée devant le tribunal,
statuant en bref délai, par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le dixième du
capital ou par le ministère public contre le commissaire aux comptes et contre la société22. La
demande en récusation doit être présentée dans le délai de trente jours à compter de la date de
l’assemblée générale ayant procédé à la désignation du commissaire aux comptes mis en
cause23.
La demande doit être sur un juste motif qui est appréciée par le tribunal, lequel dispose du droit
de rejeter la demande. Le commissaire aux comptes incriminés a le droit de faire appel contre
la décision du tribunal dans un délai de quinze jours à compter de la signification24.
II. PREROGATIVES ET MISSIONS DU COMMISSAIRE AUX COMPTES

Comme nous l’avons déjà évoqué ci-haut, la mission du commissaire aux comptes est
permanente, et comporte des obligations envers les actionnaires. En contrepartie, les
commissaires aux comptes jouissent de deux prérogatives telles que le droit d’informations et
le pouvoir d’investigations qui leur permettent d’exercer leur mission dans des conditions
satisfaisantes.
A. Prérogatives du commissaire aux comptes

Pour pouvoir exercer dans les meilleures conditions leurs différentes tâches, les commissaires
aux comptes sont dotés par la loi d’un droit d’information et d’importants pouvoirs
d’investigations.
1. Droit d’information.

D’après Y. GUYON, « les commissaires aux comptes ont un droit d’information qui rappelle,
en plus, celui que la loi reconnaît aux actionnaires ». Ils doivent donc être convoqués en toutes

21
SAKATA M. G, op.cit,p.202.
22
Article 730 de l’AUDSCGIE
23
Article 732 de l’AUDSCGIE
24
SAKATA M. G, op.cit, p.202.

10
les Assemblées d’actionnaires et reçoivent, à cette occasion, les mêmes informations que ces
derniers25.
En outre, ils sont convoqués aux réunions du Conseil d’Administration (ou directoire) qui
arrêtent les comptes de l’exercice écoulé. Le commissaire n’est plus seulement un censeur, qui
vérifie et éventuellement constate une irrégularité. Il doit aussi guider les dirigeants puisqu’il
est lui-même un organe de la société. La collaboration ne se limite d’ailleurs pas à ce contact
préalable. Le commissaire doit porter à la connaissance des dirigeants les résultats de son
examen définitif des comptes, avant de présenter son rapport à l’Assemblée Générale.
2. Pouvoir d’investigation

En France, par exemple, les commissaires aux comptes doivent aussi poursuivre leurs
recherches dans les comptes de personnes physiques ou morales distinctes de la société
contrôlée, mais ayant des intérêts liés à celle-ci.
En vertu de l’article 705 al.1 de la Loi sur les Sociétés Commerciales, les commissaires ont un
pouvoir illimité de contrôle sur toutes les opérations de la société. Ils peuvent prendre
connaissance, sans déplacement, de tous les documents sociaux et requérir des administrateurs
et des préposés toutes explications complémentaires.
B. Missions du commissaire aux comptes

En réalité, les commissaires aux comptes ont pour mission principale de contrôler les comptes
de l’exercice. Mais la loi leur attribue, dans des cas nombreux, des missions particulières qui
sont le prolongement nécessaire de ce rôle principal.
1. Missions principales de contrôle

La mission principale des commissaires consiste à vérifier la pertinence de la régularité et de la


sincérité des comptes de l’exercice tels qu’ils ont été arrêtés par les dirigeants et tels seront
soumis à l’approbation de l’Assemblée des actionnaires. La nature de contrôle exercé par les
commissaires aux comptes tient à ses caractères.
Le législateur de l’OHADA a institué la fonction de commissaires aux comptes en vue d’assurer
la surveillance du Conseil d’administration. Comme souligné plus haut, cette fonction a été
confiée aux professionnels indépendants ayant la qualité d’experts comptables.
L’objet essentiel de la fonction de commissaire aux comptes est, à l’exclusion de toute
immixtion dans la gestion, de vérifier les valeurs et les documents comptables de la société et
de contrôler la conformité de sa comptabilité aux règles en vigueur26.
De même, il vérifie la sincérité et la concordance des états financiers de synthèse, des
informations données dans le rapport de gestion du conseil d’administration et dans des
documents sur la situation financière et les états financiers de synthèse de la société en nom
collectif, etc.
a. Caractères de contrôle

 Le contrôle est global

25
GUYON YVES, op.cit, 265.
26
Article 712 de l’AUDSCGIE

11
Le contrôle est global en ce sens qu’il n’est plus limité à celui des comptes, mais s’étend à la
régularité des actes qui touchent la vie juridique de la société ou du groupement. Le contrôle
est comptable, financier et juridique.
 Le contrôle est impératif

Le contrôle est impératif en ce sens que toutes les Sociétés Anonymes sont de pleins droits
assujettis par l’acte uniforme au contrôle d’un ou plusieurs commissaires aux comptes selon
l’article 702 de l’AUDSCGIE. En droit français l’entrave à l’exercice de ces missions est
pénalement sanctionnée.
 Le contrôle est permanent

Le contrôle est permanent en ce sens que le commissaire peut intervenir à tout moment pour
mener ses investigations dès lors que son comportement n’est pas anormalement gênant pour
la société contrôlée.
 Le contrôle est objectif

Le contrôle est objectif dans la mesure où le commissaire aux comptes doit s’assurer que les
comptes sociaux sont réguliers et sincères et donnent une image fidèle du résultat des opérations
de l’exercice écoulé ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société à la fin de
chaque exercice.
b. Mission de contrôle de la régularité, de la sincérité et de l’image fidèle des comptes.

 Contrôle de la régularité.

La régularité est la conformité aux différentes dispositions législatives et réglementaires


générales et plus particulièrement celles applicables à la comptabilité.
Il est question principalement pour le commissaire aux comptes de relever le non-respect
d’obligations classiques imposées par le droit des sociétés telles que la convocation des
Assemblées, la publication des comptes, l’établissement de documents prévisionnels.
 Contrôle de la sincérité

La sincérité est l’expression claire de la situation sociale, sans déguisement ni détours. Elle
consiste à préciser les règles qui ont été suivies dans l’établissement des documents comptables
en attirant l’attention sur les résultats, parfois inhabituels, auxquels elles peuvent aboutir.
2. Missions particulières

La loi ne charge pas seulement le commissaire de certifier les comptes27 et les informations
communiquées aux actionnaires. Il lui donne également des missions diverses, qui n’ont pas
toujours un aspect uniquement comptable ou financier. Ces missions particulières sont de quatre
ordres notamment, mission d’information, mission spéciale de contrôle, mission de suppléance
mission d’alerte.
a. Mission d’information

Y. GUYON affirme que la mission normale des commissaires n’est pas d’informer les
actionnaires, mission qui revient aux dirigeants. Les commissaires aux comptes se contentent

27
Article 710 de l’AUDSCGIE du 30 janvier 2014.

12
de contrôler les informations fournies par les dirigeants et d’attirer l’attention des actionnaires
sur certains faits de nature à fausser les comptes28.
D’après Ph. MERLE, J. MONEGER et T. GRANIER, le commissaire aux comptes, en leur
qualité de technicien, ont de multiples obligations d’information envers les dirigeants sociaux
et à l’égard des actionnaires. Il doit en outre, révéler les faits délictueux qu’il constate à
l’occasion de l’exercice de sa mission au Procureur de la République29.
Enfin, la mission d’information dont sont investis les commissaires emporte une obligation de
dénonciation, au procureur de la république, des faits délictueux dont il a eu connaissance
pendant le moment d’accomplissement de sa mission. Cette obligation a un caractère général.
Elle s’applique à tous les faits significatifs et délibérés en relation avec la vie de la société et la
mission du commissaire, y comprises les infractions qui ne causent pas un dommage à la
société, notamment les délits fiscaux ou douaniers. La méconnaissance de cette obligation
entraînera fa responsabilité civile et pénale du commissaire aux comptes défaillants.
Notons que la responsabilité du commissaire ne peut pas être engagée par cette révélation. Cette
immunité est surtout utile lorsque le commissaire dénonce à tort un fait qui n’est pas délictueux,
causant ainsi un dommage à la société. Elle suppose la bonne foi du commissaire et cesserait
donc de jouer en cas de révélation sciemment inexacte et sans doute même de faute lourde.
b. Mission spéciale de contrôle

Le commissaire aux comptes au-delà de sa mission générale de vérification des comptes doit
aussi s’assurer que les modifications des statuts s’opèrent dans des conditions régulières. Cette
intervention est particulièrement importante en cas d’augmentation du capital. Plus
généralement, le commissaire doit contrôler la régularité de l’ensemble de la vie sociale.
Signalons également que la loi ou le statut peut aussi charger le commissaire aux comptes de
s’assurer que l’égalité entre associés a été respectée, que les administrateurs ou les membres du
conseil de surveillance sont bien des actionnaires, que les distributions des dividendes
s’effectuent dans des conditions normales etc.
c. Mission de suppléance

Dans le chef des commissaires, la mission de suppléance consiste à convoquer l’Assemblée


Générale. L’acte uniforme reconnaît à tout actionnaire de dénoncer aux commissaires les actes
des administrateurs qui lui paraissent critiquables. Les commissaires en font part à l’Assemblée
et s’ils estiment que les critiques sont fondées et urgents, ils la convoquent immédiatement.
d. Mission d’alerte

Au cours de la vie sociale, la situation financière peut se dégrader à tel point que la société se
trouve menacée de cessation de paiement. En une telle occurrence, la logique recommande que
le commissaire consciencieux, ne doive pas rester les mains croisées en attendant une
hypothétique dénonciation de la part d’un quelconque actionnaire ou administrateur30.
La mission d’alerte n’est pas l’apanage du seul commissaire aux comptes.

28
GUYON YVES, op.cit, p.s423
29
MONEGER J et GRANIER T, Le commissaire aux comptes, Paris, Dalloz, 1995, p.88.
30
Article 153 de l’AUDSCGIE du 30 Janvier 2014.

13
Le législateur communautaire a également reconnu aux actionnaires cette prérogative.
Toutefois, il convient de préciser que si l’alerte constitue un devoir pour le commissaire aux
comptes, elle demeure facultative pour les actionnaires31.
III. MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITE DU COMMISSAIRE AUX
COMPTES

A l’exercice de ses fonctions, le commissaire aux comptes peut voir sa responsabilité engagée.
Elle le sera au niveau civil, au niveau pénal et disciplinaire.
A. Responsabilité civile du commissaire aux comptes

Les commissaires aux comptes sont responsables tant à l’égard de la société que des tiers, des
conséquences dommageables des fautes et négligences commises dans l’exercice de leurs
fonctions tant par eux- mêmes que par les experts ou collaborateurs par lesquels ils se font
assister ou représenter.
1. Fondement et nature de la responsabilité du commissaire aux comptes

a. Fondement

La responsabilité des commissaires aux comptes est régie par l’article 725 de l’AUDSCGIE qui
dispose « le commissaire aux comptes titulaire du mandat est civilement responsable, tant à
l’égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables, des fautes et négligences
qu’il commet dans l’exercice de ses fonctions ». Donc, la responsabilité des commissaires est
intimement liée à l’étendue de leur mission.
b. Nature

Aux termes de l’article 725 de l’AUDSCGIE, le commissaire aux comptes est le mandataire
des actionnaires et que la responsabilité qui pèse sur lui à leur égard s’apprécie comme en
matière de mandat tel qu’organisé par le code civil. II peut en revanche, être tenu à l’égard des
tiers selon le droit commun de la responsabilité délictuelle. C’est d’ailleurs la position de droit
anglais, belge et américain (USA).
Ainsi, la responsabilité du commissaire résulte de l’inexécution des obligations fixées par la loi
et non celles qui auraient été stipulées dans un contrat. C’est parce qu’il n’a pas respecté les
normes professionnelles normalement consciencieuses et prudentes que le commissaire engage
sa responsabilité à l’égard de ceux qui ont subi un dommage en relation avec le manquement
constaté. Cette position, qui est d’ailleurs aussi la nôtre, compte à chercher la responsabilité des
commissaires aux comptes comme celle de la plupart des professions libérales.
2. Condition d’existence de la responsabilité civile des commissaires aux comptes

Trois conditions sont nécessaires pour engager la responsabilité civile du commissaire aux
comptes. La première condition est celle de la faute, la deuxième condition est celle de préjudice
subi par le demandeur et la troisième est l’existence d’un lien de cause à effet entre la faute du
commissaire et le préjudice allégué.
a. La faute

31
Pougoué P-G, Sociétés commerciales et groupement d’intérêt économique, Bruxelles, Bruylant, 2002, p.163.

14
Les fautes ou manquements des commissaires aux comptes pourraient susciter une mise en
cause de la responsabilité civile, la faute civile s’avérant aisément évidente dans ces différentes
hypothèses.
Commet une faute, la personne qui accepte de se faire nommer commissaire aux comptes alors
qu’elle sait être frappée d’incompatibilités ou d’interdictions prévues aux articles 697, 698, et
700 de l’AUDSCGIE et 53 de la loi du 12 février 2015 sur la création et l’organisation de
l’ordre des experts comptables telle que modifiée et complétée à ce jour. Or, les délibérations
auxquelles un commissaire aux comptes, frappé d’incompatibilité, a pris part ou les rapports
rédigés par un tel commissaire aux comptes sont frappés de nullité (art.701), il y a donc lieu
d’engager sa responsabilité.
Constitue également une faute lors de l’exercice des fonctions, le fait pour un commissaire aux
comptes de ne pas déceler les malversations, détournements et autres fraudes ou de ne pas
l’avoir fait plus tôt. Etant donné que l’on se trouve sous une obligation de moyens, le
demandeur à l’action doit montrer que le commissaire aux comptes n’a pas mené ses
investigations comme le ferait un professionnel moyennant diligent et raisonnable, soit qu’il
n’a procédé à aucun sondage soit que les sondages opérés ont été insuffisants32.
De même, le commissaire aux comptes ne peut invoquer l’excuse selon laquelle la société
contrôlée a en son sein un expert-comptable pour tenter de justifier l’insuffisance de ses
diligences.
Commet également une faute, le commissaire aux comptes qui, par malice ou légèreté
blâmable, démissionne brusquement de son mandat sans que cela ne soit justifié par
l’impossibilité de poursuivre ou d’achever sa mission.
b. Existence d’un dommage

La seconde condition de l’existence de la responsabilité civile du commissaire aux comptes est


celle du préjudice subi par le demandeur. Conformément au droit commun de la responsabilité
civile, qui énonce qu’une faute ne suffit pas à définir un cas de responsabilité; le préjudice doit,
de plus, être invoqué par le demandeur et être juridiquement réparable33.
c. Lien de causalité entre la faute et le dommage

La troisième condition est l’existence d’un lien de cause à effet entre la faute du commissaire
et le préjudice allégué. Quelles que soient les insuffisances de contrôle, le commissaire n’est
civilement responsable dès lors que le demandeur ne peut justifier que son préjudice est en
relation de causalité juridiquement utile.
Dans la même jurisprudence, le juge disait que le commissaire a laissé le dirigeant avoir un
sentiment de liberté totale dont ils ont largement « abusé »; du même coup, il a privé les
créanciers d’une chance de réduction de la perte qu’ils ont éprouvée, l’organe de contrôle ayant
justement pour but de prévenir les errements des dirigeants, de les réprimer et de leur permettre
d’amender leur comportement, autant de carences fautives.
B. Responsabilités pénales

32
SAKATA M. TAWAB G, op.cit, p.221
33
Le Tourneau Ph., Droit de la responsabilité et des contrats, Paris, Dalloz, 2008-2009, n° s, pp 3255-3256.

15
Si la responsabilité civile a pour finalité la réparation du préjudice causé à autrui, la
responsabilité pénale et la responsabilité disciplinaire organisent la sanction de l’auteur du
comportement répréhensible. Notre droit est assez lacunaire à cet égard.
1. Responsabilité pénale

a. Principe de la responsabilité pénale

De lege lata, les fautes ou manquements des commissaires aux comptes pourraient susciter une
mise en cause de la responsabilité civile, la faute civile s’avérant aisément évidente dans ces
différentes hypothèses. Quant à la sanction pénale, en l’absence des textes spécifiques, il faudra
se tourner vers quelques dispositions du droit commun : faux en écriture, abus de confiance,
vol, escroquerie, révélation de secret professionnel.
De lege ferenda, des dispositions légales devraient ériger en infractions pénales certains actes
des commissaires aux comptes, notamment le fait de donner ou confirmer des informations
mensongères sur la société ou des indications inexactes dans le rapport destiné à (‘Assemblée
générale, voire le fait de ne pas révéler au parquet les faits délictueux dont ils ont eu
connaissance dans l’accomplissement de leur mission.
b. Conditions de la responsabilité pénale

La responsabilité pénale est dominée par des principes sacrés : pas d’infraction sans texte, pas
de peine sans texte (nullum crimen, nulla poena, sine loge)34, dans l’acte uniforme spécialement
les articles 897 à 900, ainsi que dans la loi particulière que celle n°15/002 du 12 février 2015
portant création et organisation de l’ordre national des experts-comptables. D’une manière
générale, l’établissement d’une infraction suppose la réunion de trois conditions : l’élément
légal, l’élément matériel, l’élément moral (intentionnel).
Le commissaire peut être sanctionné pour des infractions qu’il commet personnellement ou
pour celles auxquelles il participe ou dont il facilite la réalisation. Il est respectivement auteur
principal de l’infraction, complice ou coauteur.
c. Responsabilité disciplinaire

Les commissaires aux comptes devraient appartenir à un corps bien organisé et régi par des
dispositions assorties de règles disciplinaires. Dans ce cas, les fautes commises dans l’exercice
de leur mission les exposeraient à des procédures disciplinaires.
1. Conditions de la responsabilité disciplinaire: la faute déontologique

Tout manquement aux devoirs de la profession peut justifier une sanction dont la sévérité sera
fonction de la gravité de la faute.
La faute disciplinaire est une notion qui est tantôt juridique (parce qu’elle peut trouver sa source
dans une norme de conduite légale), tantôt morale (parce qu’il est nécessaire d’obéir aux règles
de l’honneur et de la probité). Ainsi, la faute disciplinaire est très large et permet de sanctionner
un éventail de comportement.
Ainsi, l’article 64 de la loi du 12 février 2015 telle modifiée à ce jour, dispose « tout
manquement aux obligations professionnelles, à la dignité, à la probité, à l’honneur et à la
délicatesse ainsi qu’au règlement édictée par l’Ordre constitue une faute disciplinaire ».

34
SITA MUILA ANGELIQUE, Droit pénal général congolais, Harmattan, Paris, 2019, p.8.

16
Il en découle que la faute professionnelle peut découler, soit d’un manquement à l’exercice de
la profession ou de la mission, soit d’un comportement contraire à la probité et à l’honneur.
D’une manière générale le commissaire aux comptes sera issu de l’ordre des experts
comptables. Il lui faudra accomplir sa mission avec délicatesse, avec probité et compétence.
C’est une mission particulièrement lourde et étendue au niveau des sociétés anonymes, car elle
vise la surveillance de toutes les opérations de la société.
2. Mise en œuvre de la responsabilité disciplinaire

Au niveau disciplinaire, tout agissement contraire aux lois, règlements et règles


professionnelles ou toute négligence grave, ou tout fait contraire à la probité ou à l’honneur par
le commissaire aux comptes constituent une faute disciplinaire.
Les sanctions disciplinaires peuvent aller de l’avertissement à la radiation.
Il nous semble enfin de compte que l’efficacité des contrôles que doivent assurer les
commissaires, dépend autant et dans une large mesure de l’organisation professionnelle de
ceux-ci, et on constate ainsi qu’en France, ou en Belgique par exemple les mesures prise sur le
plan disciplinaire constituent une réelle garantie quant à l’efficacité de la mission des
commissaires.
Signalons qu’en Afrique, les pays membres d’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique
du Droit des Affaires (OHADA) sont arrivés à ce stade, tel est le cas de la République
Démocratique du Congo.

17
CONCLUSION

Le commissaire aux comptes engage sa responsabilité civile ou pénale pour les fautes ou
infractions commises à l’occasion de ses fonctions. Comme nous venons de le voir, il peut
également voir sa responsabilité engagée en cas de simple faute déontologique: Il s’agit d’une
responsabilité disciplinaire.
Les sociétés commerciales et les sociétés anonymes en particulier, de par leur envergure, sont
devenues des éléments importants dans la vie économique de tous les pays et par conséquent
dans l’économie mondiale.
La dimension qu’atteignent de nos jours les sociétés anonymes fait que leur survie est nécessaire
à l’équilibre économique et social, car celles-ci font intervenir dans leur fonctionnement
plusieurs partenaires que sont, entre autres, les fournisseurs, les clients, les banques, les
investisseurs.
L’institution du commissariat aux comptes a donc pour vocation un contrôle des comptes
sociaux, dans le but de sauvegarder les sociétés.
En Afrique, l’assainissement et le développement du monde des affaires voulus par le
législateur OHADA ne peuvent se faire sans la présence au sein des sociétés de cet auditeur
légal qu’est le commissaire aux comptes. Le législateur a donc rigoureusement réglementé cette
profession, dans le souci de lui faire jouer pleinement son rôle35.
Chargé traditionnellement de la vérification des comptes de la société, le commissaire aux
comptes a connu une modernisation de sa fonction aux fins de perfectionnement de son action.
Le contrôle du commissaire devient donc permanent, c’est-à-dire qu’il s’exerce à tout moment
et au-delà du simple contrôle des comptes. L’auditeur légal s’est ainsi vu confier par le
législateur des missions à connotation de moins en moins comptable, et qui porte sur la vie
juridique de la société.
La finalité de la mission du commissaire aux comptes est de contribuer à la fiabilité de
l’information financière et par là même occasion, concourir à la sécurité de la vie économique
et sociale, tant pour les besoins de gestion et d’analyse interne à l’entreprise que pour les besoins
de l’ensemble des partenaires ou les tiers intéressés par celle-ci.

35
Voir les articles 694 à 734 de l’AUDSCGIE

18
BIBLIOGRAPHIE
I. TEXTES JURIDIQUES

1. Loi du 30 juillet 1888 sur les contrats et obligations conventionnelles.


2. Acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et groupement d’intérêt
économique du 30 Janvier 2014
3. Loi n°15/002/ 12 février 2015 portant création et organisation de l’Ordre des Experts-
comptables tel que modifiée par la loi n°18/017 du 9 juillet 2018.
4. La loi n°003 du 02 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de
crédit, in JORDC, n° spécial, mai 2002

II. OUVRAGES

1. Albert Jean-Luc, Dominique Asquinazi, Louis d’Avout et autres, Lexique des termes
juridiques, Dalloz, Paris, 2017-2018.
2. BENABENT, A., Droit civil des obligations, 9 éd., Paris, Mont chrétien, 2003.
3. BRUNOW L, L’exercice du contrôle dans les sociétés anonymes, mémoire de DEA,
Droit, Université de Lille II, 2003.
4. CHEVALIER, L’expert-comptable et la mission de vérification, Québec, Mc Graw-HilI
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5. DE CORDT Y, « le contrôle des comptes : un acte fondamental de transparence », in
Le nouveau visage du contrôle des comptes et du révisorat d’entreprises, Bruxelles,
Bruylant, 2007.
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2003.
8. GUYON, Y., Droit des affaires: entreprises en difficultés, redressement juridique,
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9. Le Tourneau Ph., Droit de la responsabilité et des contrats, Paris, Dalloz, 2008-2009,
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10. LUKOMBE NGHENDA, L., Droit congolais des sociétés, Kinshasa, PUC, 1999.
11. MONEGER J et GRANIER T, Le commissaire aux comptes, Paris, Dalloz, 1995.
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13. RICOEUR P, Le juste, Tome 1, Paris, édition, Esprit, 1995.
14. Robert A, Responsabilité des commissaires aux comptes : civile, pénale, administrative
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2002.

19
17. SITA MUILA ANGELIQUE, Droit pénal général congolais, Harmattan, Paris, 2019.
18. V. VIDAL D, Le commissaire aux comptes dans la Société Anonyme (Evolution du
contrôle légal, aspects théorique et pratiques), Paris, LGDJ, 1985.

20

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