Vous êtes sur la page 1sur 16

Département de droit privé

Filière : Sciences juridiques

M2

Module : Droit des sociétés

Travail de recherche portant sur :

La Gouvernance de la Société Anonyme :


Entre réformes ambitieuses et pratiques contestées

Réalisé par : Sous l´encadrement de :

ESSEBBAGH Oumaima (TN) Pr. EL OUFIR Chakib

AZIZ Hiba (TN)

GHACHI Khaoula (TN)

EL JAOUHARI Sara (TN)

BADIANE Fatou (TN)

Année universitaire :

2023-2024

1
Introduction :

La société anonyme (SA) est l’une des formes juridiques les plus répandues au Maroc. C´est une société
commerciale à raison de sa forme et quel que soit son objet. Son capital est divisé en actions négociables
représentatives d'apports en numéraire ou en nature à l'exclusion de tout apport en industrie. En tant
qu'archétype des sociétés de capitaux, elle est souvent choisie par les sociétés cotées en bourse et celles
impliquées dans des projets importants.1

En outre, la gouvernance ou gouvernement d´entreprise ou encore Corporate Governance est une notion qui
s’impose de plus en plus dans le paysage juridique des sociétés commerciales, et ce, au niveau mondial. Elle
englobe l'ensemble des règles régissant la gestion, la direction, et le contrôle des sociétés, déterminant les droits
et obligations des intervenants tels que les actionnaires et les dirigeants.

La gouvernance se positionne comme un fondement essentiel qui assure le bon fonctionnement de la société et
protège les intérêts de toutes les parties prenantes. En se basant sur les principes de démocratie, de transparence
et d'équité, elle cherche à préserver les droits des actionnaires tout en considérant également ceux des clients,
fournisseurs, des salariés et de toute entité ayant un lien avec la société.

Dans cette optique, le Maroc a mis en place une série de réformes visant à moderniser la réglementation du droit
des sociétés et renforcer la gouvernance de la SA, afin d´attirer les investisseurs nationaux et étrangers. Ces
efforts ont conduit à l´élaboration du Code Marocain de Bonnes Pratiques de Gouvernance d´Entreprise, et de la
loi 17-95 relative aux sociétés anonymes qui a été modifiée et complétée par un ensemble d´amendements.

Historiquement, l'évolution de la législation sur la gouvernance de la société anonyme a été marquée par des
modifications majeures. Tout d'abord, la loi n° 20-05 a rééquilibré les pouvoirs au sein des organes sociaux,
renforcé les droits des actionnaires et assoupli le volet pénal de la loi. Ensuite, la loi nº 78-12 a abordé la
problématique des conflits d'intérêts en accentuant la transparence autour des conventions réglementées et
libres, comme elle introduit la dématérialisation des procédures de dépôt des états de synthèse et du rapport du
commissaire aux comptes.

Quant à la loi 20-19 vise à améliorer la transparence et la gouvernance des sociétés anonymes, en introduisant
l'administrateur indépendant, de nouvelles conditions pour la cession des actifs et en élargissant la
responsabilité des dirigeants. Il est à noter que, plus récemment la loi n° 19-20 a encouragé la parité hommes-
femmes dans les organes de gestion et de contrôle des sociétés anonymes.

Ainsi, lors de la détermination du mode de gestion de la SA, les fondateurs ont la possibilité de choisir l´une des
deux structures suivantes : la première, de type classique « moniste » à conseil d’administration ; la deuxième,
de type « dualiste » à directoire et conseil de surveillance.

Les SA ont le libre choix entre ces deux modes de gestion, soit pour celles qui se créent, soit pour celles qui
existent déjà ; la société peut même adopter l’un d’eux lors de sa constitution, et décider de le changer par
l’autre au cours de la vie sociale, par une Assemblée Générale extraordinaire (AGE), en modifiant les statuts.

1
Pour certaines activités économiques, la loi impose la forme de société anonyme comme pour : les activités bancaires, les entreprises
de crédit immobilier, les entreprises d’investissement.
2
En termes de droit comparé, le deuxième type de gestion, caractérisé par un directoire et un conseil de
surveillance, représente une innovation inspirée de la législation française, elle-même influencée par le droit
allemand.

L'introduction de ce mode de gestion par le législateur français avait pour objectif d´intégrer les salariés,
notamment les hauts cadres, dans le directoire, contrairement au conseil d'administration qui est réservé aux
actionnaires.

Il est cependant étonnant qu’en France, plus de 99% des sociétés anonymes optent pour le modèle traditionnel
d'administration, tandis que moins de 1% adoptent le système avec directoire et conseil de surveillance. 2 Cette
préférence se retrouve également au Maroc, où la législation s'inspire du modèle français, et le conseil
d'administration demeure largement privilégié dans les sociétés anonymes.

Face à une réalité structurelle caractérisée par un capitalisme familial où les structures existantes favorisent un
mangement centralisé, et une résistance à toute ingérence extérieure. Fallait-il vraiment créer un nouveau type
de direction des sociétés anonymes ou s´agit- il, tout simplement, de suivre le mouvement de réforme relative à
la bonne gouvernance sans que cela corresponde à un besoin réel à cette forme de société ?

Afin de répondre à cette problématique, nous allons enchainer comme suit :

Plan :

I. La performance du conseil d’administration face aux exigences de la pratique

A. L’influence des sociétés de familles sur la gestion et la gouvernance de la SA


B. Le contrôle interne du conseil d’administration : une pratique marginalisée

II. La fonction d’administrateur : un flou juridique persistant

A. Refondation déficiente du métier d’administrateur


B. L’introduction de l’administrateur indépendant pour une gestion plus optimale

2
EL OUFIR Chakib, « Les sociétés commerciales », Université Mohamed V, Rabat Agdal 2019-2020. p.90
3
I- La performance du conseil d’administration face aux exigences de la pratique

En se conformant au mode choisi par les sociétés anonymes marocaines, le conseil d’administration est au cœur
de la gouvernance, il est responsable de la gestion d’une part avec toute l’influence qu’a la société familiale (a)
et d’autre part du contrôle qu’exerce ce dernier afin de prévaloir l’intérêt de la société (b).

A. L’influence des sociétés de familles sur la gestion et la gouvernance de la SA :


Afin de gestionner la société anonyme, deux modes s’offrent, le premier où la SA se trouve avec conseil
d’administration et le deuxième avec directoire et conseil de surveillance. L’entrée en vigueur de la loi 20-05
avec un apport majeur de redéfinir les pouvoirs du conseil d’administration et de son président ainsi que
dissocier les pouvoirs du président et du nouveau directeur général a fait un pas majeur vers une bonne
gouvernance de la société anonyme. Cependant, la loi est souple et n’oblige en aucun cas l’obligation d’adhéré
à un mode de gestion précis, ainsi la formule et les conditions de gestion sont définies dans les statuts de chaque
société.

Avant l’entrée en vigueur de la loi 20-05, le conseil rencontrai une attitude démissionnaire et effacée puisqu’il
n’exerce pas ces pouvoirs d’attribution et se contente d’approuver des décisions émanant du président. Plusieurs
facteurs s’accumulent afin de renforcer cette passivité qui touche le conseil d’administration.

Premièrement, et dans le cadre légal, il se trouve qu’il y a une confusion au niveau de la répartition des
pouvoirs ; comme le conseil d’administration, son président a également le pouvoir d’agir au nom de la société
et de régler les affaires qui la concerne, de ce fait un « conflit d’attribution des pouvoir »3 est constaté, certains
le qualifie comme une situation de concurrence or il est clair et précis qu’il y a autorité at avantage du président.

En raison de la supériorité hiérarchique du principe du conseil d’administration, il est fort probable de voir que
le président se limite à la gestion quotidienne de la société, alors que le conseil d’administration se concentre
sur la prise des décisions stratégiques et qui ont pour intérêt l’amélioration et la survie de la société.

D’autres auteurs pensent que cette confusion entre les pouvoirs du président et ceux du conseil d’administration
constitue un élément de souplesse et de flexibilité du droit de la société anonyme « dans la mesure où elle
permet d’ajuster le rôle de chaque organe aux situations d’espèce »4, aurait été la situation si les pouvoirs de ces
derniers se présentaient similaires, proches ou conjoints.

Même en termes d’exercice du pouvoir, le conseil ne siège que lorsqu’il est convoqué une fois par an pour la
préparation de l’assemblée générale annuelle, justement lorsqu’il s’agit des sociétés de famille qui constituent la
majorité des sociétés anonymes au Maroc, alors que le président exerce ces pouvoirs en permanence.

« La logique aurait voulu que le conseil décida et que le président exécuta. Mais la pratique montrait que
généralement, le président décidait et que le conseil s’inclinait »5.

L’entrée en vigueur de la loi n°20-05 n’a pas régler la situation et le règlement du conseil est loin de satisfaire
les attentes, du point de vue que les pouvoirs du conseil et du directeur général restent sensiblement proches.

Deuxièmement, une confusion au niveau des compétences légales est remarquée, conformément à l’article 39
de la loi 17-95 relative à la Société Anonyme : « la société anonyme est administrée par un conseil
d’administration », cela dit que le conseil a la possibilité de prendre des décisions, de négocier et d’effectuer un
3
Selon le professeur Philipe Merle.
4
M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, 15tme édition, Paris, Litec, 2002, p. 42.
5
P. Le Cannu, Droit des sociétés, 1er édition, Paris, Montchrestien, 2002, p. 475.
4
contrôle dans la société anonyme, et pas seulement, le conseil est chargé même du suivi et de l’encadrement des
dirigeants donc le conseil joue un rôle dans la gestion et dans la surveillance, il est en quelque sorte partie et
juge puisqu’il est appelé à évaluer une action émanant de lui-même.

Cette dualité légale attribuée au conseil d’administration lui fait obstacle et on constate qu’en pratique que ce
dernier n’est pas performant ni dans la prise de décision ni dans l’encadrement et l’évaluation de la discipline.
Comme on a révélé avant en ce qui concerne les pouvoirs de gestion, le président prime et pour la fonction
disciplinaire, elle est marquée par « la toute puissance des dirigeants et le peu d’indépendance des
administrateurs à leurs égard »6.

Troisièmement, on remarque une confusion au niveau du mode de fonctionnement du conseil, le principal outil
de travail du conseil réside dans ces délibérations, afin de délibérer il doit se réunir. En vertu de l’article 73 de
la loi 17-95 : « le conseil d’administration est convoqué par le président aussi souvent que la loi l’a prévu et que
la bonne marche des affaires sociales le nécessite ».

Par exception à cette règle le commissaire aux comptes peut convoquer le conseil pour défaillance du président
ou en cas d’urgence. Ainsi, le conseil est convoqué par le tiers des administrateurs ou par le directeur général si
ce dernier n’est pas réuni depuis plus de 2 mois. Sauf précision dans les statuts de périodes fixes de convocation
du conseil, le président peut moduler les convocations à son gré.

Or les 95% des sociétés anonymes au Maroc sont familiales et optent pour la formule à conseil
d’administration, en effet les praticiens en matière d’entreprises familiales recommandent l’existence d’une
gouvernance de l’entreprise et puis une gouvernance de famille.

Pour ce qui est de la gouvernance de l’entreprise, le conseil d’administration est le mécanisme de gouvernance
par excellence avec toutes les failles qu’il révèle, justement parce qu’une bonne gouvernance dans tel sorte de
sociétés est indésirable, les relations dans les sociétés familiales sont basées sur la confiance et parfois les
pratiques de bonnes gouvernance – à titre d’exemple les administrateurs externes- risque de faire disparaitre
cette confiance.

En effet l’un des défis majeurs que rencontre l’entreprise familiale est de trouver l’équilibre entre l’intérêt de
l’entreprise élément recherché par la gouvernance et celui de la famille. 7

En ce qui concerne le mode à directoire et conseil de surveillance, la pratique révèle qu’il est peu utilisé et pas
seulement au Maroc, on trouve la passivité de ce mode dans presque tous les pays qui se sont inspirés par
l’expérience allemande. Ce mode prévoit la distinction entre les fonctions de direction et le contrôle de cette
direction, se pose alors la question d’est ce que l’épargnant marocain serait prêt à renoncer juridiquement à la
maitrise de son capital ?8

Dans certaines situations le mode directoire et conseil de surveillance semble bien fonctionner notamment
lorsqu’il est question de protection de la société anonyme contre les OPA 9 et les abus du capitalisme financier
ainsi qu’en gestion des entreprises mixtes ou privatisées.

6
EL HASSANI SBAI (S.), Corporate Governance la Société Anonyme Marocaine Direction et Contrôle, Tome l, Rabat , Imprimerie
Dassila Maroc , 2018 , p.115
7
https://laquotidienne.ma/article/economie/l-entreprise-familiale-la-confiance-permet-de-reduire-les-couts-de-gouvernance
8
DRISSI ALAMI MACHICHI (M.), « Précarité de la réforme de la société anonyme», intervention lors du colloque sur le projet de
réforme de la société anonyme, implications et enjeux, Revue Marocaine de Droit et d'Economie de Développement,1996, п°37. р. 53.
9
L'Offre Publique d'Achat (OPA) se caractérise par la proposition pour les actionnaires d'une société X de racheter les actions auprès
des actionnaires d'une société Y, afin d'en prendre le contrôle.
5
B. Le contrôle interne du conseil d’administration : une pratique marginalisée

Le Conseil d'administration pour les praticiens est l'organe social le plus adapté pour la pratique du contrôle de
gestion. Il est le garant d'une gestion rationnelle fondée sur la recherche de l'intérêt supérieur de la personne
morale. L'importance de cette fonction sociale impose de conduire une réflexion sur la nature et les moyens du
contrôle exercé par le Conseil d'administration.

Quant à la nature du contrôle, dans le cadre de la redéfinition des pouvoirs du CA, la loi 20-05 a valorisé
l’aspect disciplinaire dans la fonction sociale du conseil, mais ne détermine pas clairement la nature du contrôle,
son périmètre et ses objectifs. Du fait que l’article 69 de la loi 17-95 tel qu’il est modifié par la loi 20-05 aborde
le contrôle du conseil d’administration de manière générale. Le silence de la loi à ce niveau nous pousse à
rechercher des réponses en dehors de la sphère législative.10

Concrètement, les auteurs intéressés par la thématique du CA s’accordent généralement sur l’idée que le
contrôle de ce dernier est un contrôle de gouvernance. Dans le cadre de cette approche, le Conseil
d’administration contrôle la gouvernance de la SA, c’est-à-dire, la gestion et la conduite de la société telle
qu’elle est opérée par la direction générale (le management). Cette action correspond à ce que les spécialistes
des sciences de la gestion appellent « le contrôle interne »11 qui contribue à prévenir les risques de ne pas
atteindre les objectifs que s'est fixée la société, et qui sont en réalité les objectifs assignés au management par le
Conseil d'administration.

Or dans la pratique, ce type de contrôle ne trouve son champs d’application fertile que dans les SA à mode
moniste dissocié. En contraste, dans les sociétés familiales adoptant le mode moniste, la gestion est soumise au
contrôle opéré par les seuls actionnaires à l’occasion des assemblées générales12. (contrôle occasionnel)

En tenant compte la prédominance des sociétés anonymes familiales, ce contrôle interne n'est pas largement
répandu dans la pratique. Afin d'adopter ce type de contrôle permanent, il aurait fallu effectuer un passage de la
société familiale à la société managériale c’est-à-dire (la séparation entre le contrôle de la société et la gestion
de celle-ci). Cette démarche nécessite une mutation essentielle du capitalisme moderne. 13

Parmi les moyens de contrôle adoptés par le conseil d’administration, on cite notamment :

La procédure de contrôle des conventions réglementées et des conventions interdites constitue pour le Conseil
d'administration le moyen de concrétiser son devoir de vigilance et de jouer son rôle de gardien ultime de
l’intérêt social.
Les conventions réglementées et les conventions interdites sont des conventions soumises à une procédure de
contrôle particulière, dont elles nécessitent l’accord préalable du conseil d’administration, ce contrôle à priori
renforce la transparence dans le fonctionnement de la société et constitue un moyen de lutte efficace contre les
agissements d’un dirigeant ou d’un actionnaire qui chercherait à privilégier ses intérêts propres au détriment de
ceux de la société, provoquant un éventuel conflit d’intérêts. C’est dans cette optique que la procédure
des conventions réglementées a été créée par le législateur.

10
EL HASSANI SBAI (S.), Corporate Governance la Société Anonyme Marocaine Direction et Contrôle, Tome l, Rabat, Imprimerie
Dassila Maroc, 2018, p.241
11
Cette définition émane du « Comitee Of Sponsoring Organisation, COSO », elle est reprise par la plupart des auteurs.
12
Selon S. Sylvestre « le contrôle interne », LPA 14 novembre 2003, n°228, p. 87.
13
EL HASSANI SBAI (S.), Corporate Governance la Société Anonyme Marocaine Direction et Contrôle, Tome l, Rabat, Imprimerie
Dassila Maroc, 2018, p 225 et 227
6
Dans le cadre des conventions réglementées, la loi 20-05 a apporté des modifications importantes qui
élargissent le domaine du contrôle par l'autorisation préalable du conseil d'administration non seulement aux
dirigeants (au sens large) mais aussi aux actionnaires de la SA elle-même détenant plus de 5% du capital ou des
droits de vote.

En effet, imposer une procédure de contrôle préalable dès le pourcentage de 5% soulève la question suivante :
c’est à partir de quel seuil de détention du capital peut naitre un conflit d’intérêt ?

La réponse est variable, en fonction du type de sociétés. Dans des sociétés très ouvertes, c’est-à-dire, les actions
sont négociées en bourse (capital dispersé), le seuil 5% correspond à un véritable pouvoir de décision, alors que
dans d’autres sociétés moins ouvertes, ce pourcentage ne présente pas grand-chose. Compte tenu de la faible
ouverture des sociétés marocaines ce taux est probablement trop exigeant pour elles, et peut dans la pratique
être contraignant et occasionner des procédures inutiles, alors qu’il ne présente pas d’intérêt significatif pour les
actionnaires.14

La deuxième extension réalisée par la loi 20-05 se situe dans la sphère des conventions interdites, là on fait
allusion à l’initiative d’un administrateur qui accorde des découverts, donne des cautions ou avals au nom de la
société. Ce sont des actes dangereux qui peuvent mettre en péril l'avenir de la société. Ce qui a mené le
législateur à aménager un dispositif plus radical, du fait que, ces contrats proscrits sont frappés de nullité même
en l'absence de conséquences préjudiciables.15

Quant aux conventions qui ne sont pas soumises à une procédure de contrôle spéciale, notamment les
conventions courantes conclues à des conditions normales sont celles effectuées par la société dans le cadre de
son activité ordinaire. Or dans la pratique ces conventions ne sont pas à l’abri des manipulations utilisées par
certains dirigeants pour éluder le contrôle légal à travers l’usage d’une qualification erronée afin de déclasser
une convention réglementée génératrice de conflits d’intérêts en une convention courante conclue à des
conditions normales. Ces conventions trouvent son terrain fécond dans les SA familiales où l’intérêt personnel
qui prime sur l’intérêt social.

Dans cette approche, la loi 78-12 vise à faire échec à ce comportement manipulatoire passé entre les dirigeants
et la société en raison du risque juridique élevé qu’il génère. Le législateur a imposé un contrôle informationnel
à postériori16 dont il a mis à la charge de l’intéressé (dirigeant ou actionnaire), une obligation d’information
postérieure à propos desdites conventions au bénéfice du président du conseil d’administration, qui à son rôle
doit transmettre l’information aux administrateurs et aux commissaires aux comptes dans un délai maximum de
60 jours à compter de la clôture de l’exercice. Dans ce sens, l’article 57 de la loi n°78-12 prévoit que les
conventions courantes conclues à des conditions normales, sauf lorsqu’en raison de leur objet ou de leurs
implications financières ne sont significatives pour aucune des parties, sont communiquées par l’intéressé au
président du conseil d’administration.

Si le nouveau régime des conventions courantes a le mérite d’apporter plus de transparence dans le
fonctionnement de la société et de permettre une meilleure information et protection des actionnaires, il
demeure toutefois lacunaire.

Tout d’abord, l’absence de définition des notions des « conditions normales » rend délicate la mise en œuvre de
ce nouveau régime par le président du conseil d’administration, lequel devrait distinguer une opération courante
14
https://fnh.ma/article/actualite-financiere-maroc/societe-anonyme-tour-de-vis-dans-le-controle-des-conventions-reglementees
consulté le 16/12/2023
15
EL HASSANI SBAI (S.), Corporate Governance la Société Anonyme Marocaine Direction et Contrôle, Tome l, Rabat, Imprimerie
Dassila Maroc, 2018, p 253, 254
16

7
de celle qui ne l’est pas et différencier les conditions normales de celles qui ne le sont pas, puisqu’il est
responsable de la diffusion de la liste de ces conventions aux administrateurs et aux commissaires aux comptes.

II. La fonction d’administrateur : un flou juridique persistant

Malgré les amendements successifs touchant la fonction de l’administrateur au sein des Sociétés Anonymes,
nous assistons à une refondation réputée encore déficiente de ce métier (A), quand bien même l’introduction de
l’administrateur indépendant est sans effet révolutionnaire sur la gestion optimale de la SA (B)

A. Refondation déficiente du métier d’administrateur :

« Pourquoi n'importe qui peut être directeur ou administrateur d'une société ? »17, en avance sur son temps,
Georges Ripert, s’interrogeant ainsi, a soulevé pertinemment la question de la professionnalisation de la
fonction de l’administrateur, qui, sa loyauté et sa bonne foi ne suffisent plus aujourd’hui à lutter contre les
sources d’inefficience de l’administration de la société. Désormais, on exige que « les administrateurs soient
présents, impliqués et générer de la valeur ajoutée à la réflexion et aux décisions de l’organe de gouvernance
pour être légitime et avoir la confiance des actionnaires … »18

Sans avoir à attendre une intervention législative peu probable, on a assisté à l’émergence de notions nouvelles,
dument consacrées par la « Soft Law », à savoir : les devoirs de compétence, de professionnalisme et
d’expertise des administrateurs, et ce en réponse à une demande émanant du milieu entrepreneurial.

La professionnalisation a bénéficié de l’adoption d’un certain nombre de mesures, qui sans avoir d’effet
révolutionnaire, traduisent cependant une réactivité appréciable face aux exigences de la gouvernance
d’entreprise. Des initiatives peuvent être relevées à deux niveaux :

Au niveau normatif, d’abord, nous signalons des distinctions entre le "droit mou", c’est-à-dire les normes
supplétives non contraignantes, faisant référence au Code Marocain de Bonnes Pratiques de Gouvernance
d’Entreprise, et la "hard law" où la loi 17-95 montre un intérêt limité. Malgré cela, des nouveautés législatives
introduites par les lois 20-05,78-12,20-19 et 19-20 semblent encourager davantage de détermination et
d'implication de la part des administrateurs, sans pour autant être suffisantes pour combler les failles de cette
fonction au sein des SA.

Le Code Marocain de Bonnes Pratiques de Gouvernance préconise la professionnalisation des administrateurs


en reprenant « les principales recommandations contenues dans différents codes de corporate governance tels
qu’adoptés par de nombreux pays et organisations internationales »19 , encourageant la perpétuation de leur
formation et insistant sur la nécessité d'une auto-évaluation du CA. Le code prône également l'établissement de
comités spécialisés, notamment un comité d'audit et un comité de rémunération et de nominations, ce qui
permettrai aux administrateurs le travail dans un cadre spécialisé de manière approfondie et experte sur des
questions sensibles.

La professionnalisation de l'administration sociale est un aspect qui ne suscite guère l'intérêt du législateur
marocain. En effet, à aucun moment, la loi 17-95 ne pose des conditions relatives aux profils des membres des

17
Ripert (G.), Aspects juridiques du capitalisme moderne, 1ère éd, LGDJ, 1946, p. 99
18
Code Marocain de Bonnes pratiques de gouvernance d’entreprises, Commission nationale gouvernance d’entreprise, mars 2008,
p.17
19
El Hassani sbai (S.), Corporate Governance La Société Anonyme Marocaine Direction et Contrôle, Tome l, Rabat , Imprimerie
Dassila Maroc, 2018, p.322
8
conseils d'administration, à l'exception des conditions de capacité et des règles d'incompatibilité prévus par les
lois en vigueur ou par les statuts.

Mis à part les derniers apports très modestes par la loi 78-12 incitant à une sélection plus sérieuse des
administrateurs, la question de la professionnalisation demeure en retrait dans la législation. Ainsi, aucune
mention n'est faite quant à leurs domaines de compétences, leurs qualités techniques, les savoirs qu'ils doivent
maitriser, de même, la question de la formation professionnelle pendant leurs mandats reste sans précision. On
retrouve le même silence au sujet de l'accomplissement de leurs fonctions, en effet, les conditions de
dévouement, la durée des mandats, et l'évaluation de la contribution restent sans clarification. De plus, la
rémunération des administrateurs n'est pas conditionnée par leur implication, laissant l'article 55 (amendé par la
loi 20-05) de la loi17-95 libre de répartir les jetons de présence sans exigence d'efficacité.

La loi 20-05 introduit une avancée majeure en autorisant la participation à distance des administrateurs aux
réunions du conseil, répondant ainsi à la nécessité de réactivité tout en éliminant les contraintes géographiques,
et améliorant l'efficacité décisionnelle. Cependant, l'article 50 exclut certaines réunions spécifiques du CA de
cette modalité, ce qui est critiqué comme une pratique contre-nature, offrant une opportunité potentielle
d'organiser des réunions fictives.

La loi 19-20 est venue pour remédier à cette faille en prévoyant «la possibilité, de plein droit, de participer à
distance par visioconférence à toute décision du conseil d’administration ou toute délibération de l’assemblée
générale des actionnaires, sauf clause contraire des statuts. »20

Au niveau institutionnel, la création de l'Institut Marocain des Administrateurs (IMA) « par la Commission
Nationale de Gouvernance d’Entreprise dans le cadre d'un partenariat public-privé, parrainé par 13 institutions
et entreprises... »21en 2009 a indéniablement eu un impact positif sur la formation des administrateurs, dotant
ces professionnels des connaissances et compétences nécessaires à l'exercice efficace et responsable de leurs
fonctions , cependant, des critiques émergent, notamment en ce qui concerne l'adaptation limitée des
programmes de formation aux besoins spécifiques des PME, prédominantes dans le pays. Un autre point
soulevé concerne l'absence d'un suivi continu des administrateurs après la formation, suggérant la nécessité
d'établir un système de suivi pour garantir la mise en pratique des acquis. De plus, il est relevé un manque de
sensibilisation aux enjeux de la gouvernance, avec une proposition d'initiatives telles que des campagnes
destinées au grand public et aux potentiels dirigeants afin de souligner l'importance de la gouvernance et
d'encourager l'engagement qualifié dans des rôles administratifs.

Les experts en gouvernance convergent unanimement sur l'impératif de compétence en vue de la nomination
d’administrateurs, nous poussant ainsi à s’interroger jusqu'à quel point la pratique marocaine accepte et
applique ces nouveaux principes directeurs de l'administration sociale ?

Notre analyse de la question nous a permis d'identifier deux séries de facteurs qui exacerbent le décalage entre
déclarations officielles et pratiques effectives des sociétés anonymes, entravant sa résorption. Ce hiatus
persistant résulte de manifestations récurrentes de mauvaise gouvernance constituant un aspect d'ordre pratique,
mêlées à des considérations structurelles du capitalisme marocain et compliquées par une attitude législative
ambivalente envers les impératifs de la gouvernance d'entreprise.

20
Cabinet BELHOUCINE,« Première analyse de la loi n° 19-20 modifiant et complétant la loi n° 17-95 relative aux sociétés
anonymes, et la loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en nom collectif simple, la société en commandite par actions, la
société à responsabilité limitée et la société en participation », LexisMA, 2021, p.7
21
AHDADOU (M.), AAJLY (A.), TAHROUCH (M.), « La gouvernance des entreprises au Maroc : évolution et défis », Revue des
études multidisciplinaires en sciences économiques et sociales, 2021, Vol 6 – Numéro 2, p.124-125
9
Des obstacles (d’ordre pratique) sont identifiés au cours d’une enquête de la CGEM mettant en lumière la
réticence des dirigeants à divulguer des informations de gouvernance, Malgré la rareté des études, deux
tendances majeures émergent : la prévalence de conseils familiaux dans les PME familiales, où la fonction
d'administrateur est souvent factice, déviant ainsi les règles juridiques de fonctionnement et d'organisation des
SA. Cette pratique engendre des CA de façade avec des administrateurs fictifs, entravant les principes de
gouvernance d'entreprise et la formation d'administrateurs professionnels et compétents. De même dans les
grandes sociétés, les choix des administrateurs sont majoritairement politiques, favorisant la fidélité plutôt que
la compétence. La nomination des administrateurs reste principalement une décision exclusive du président,
privilégiant souvent le capital, le relationnel ou les liens familiaux plutôt que des critères plus rationnels. Dans
ce sens, une enquête de l'IMA indique que bien que la compétence soit mentionnée comme critère de sélection,
le "courage de l'administrateur" est rarement cité, soulignant le maintien de la fidélité comme critère clé,
entraînant une passivité complaisante des conseils d'administration.

Pareillement, la concentration élevée des mandats chez des uns, leur cumul souvent non déclaré, et la présence
d'administrateurs réciproques induisent une faible diversité et objectivité. Les interconnexions entre les conseils
sont perçues comme favorisant la collusion et nuisant à la concurrence, sont toutes des caractéristiques qui
entravent la professionnalisation.

La législation marocaine, bien qu'inspirée de la loi NRE française, a choisi d'écarter certaines dispositions les
plus politiquement sensibles sur le cumul de mandats pour les administrateurs. La récente réforme introduite par
la loi 20-19 exige la divulgation des mandats, vise uniquement à renforcer la transparence. Actuellement, aucun
obstacle n'empêche un administrateur de multiplier comme il le souhaite des mandats sociaux, pratique
répandue, certes, elle n'est pas mauvaise en elle-même, car le fait pour un administrateur d'avoir une
implantation sociale plurielle lui permet d'être mieux informé, de même qu'elle lui permet de constituer et de
développer un réseau, mais potentiellement nuisible et malsaine pour l'intérêt social si elle dépasse un seuil
raisonnable. Des limitations légales sont donc nécessaires pour corriger cette tendance observée dans les
conseils d'administration des grandes sociétés marocaines.

De Plus, le faible taux de rotation des administrateurs et la cooptation fréquente soulèvent des préoccupations
quant à la capacité réelle d'un administrateur à exercer un contrôle efficace, à dénoncer, voire à révoquer un
dirigeant qui l'a choisi, qui l’a coopté au sein du CA. Ces pratiques entravent la création d'un marché des
administrateurs basé sur la compétence, compromettant ainsi l'efficacité de la représentation des actionnaires et
mettant en péril l'intérêt social des entreprises.

Au niveau structurel, le capitalisme marocain est fondamentalement familial, caractérisé par une économie
bancaire et des entreprises de petite taille. Cette structure favorise un management centralisé, opacité et une
résistance à toute ingérence extérieure. La forte concentration du capital et les participations croisées limitent
l'efficacité de la Corporate Governance. Face à cette réalité structurelle, le législateur marocain, bien que
revendiquant l'adhésion aux normes de la gouvernance d’entreprise, montre une attitude démobilisée et ne
promeut que des changements conservatistes.

Ainsi, « La SA a connu une récente réforme via la loi n° 19-20 dont l’objectif est la promotion de la parité dans
les organes de gestion et de contrôle. » 22 Cette nouvelle loi instaure des mesures en faveur de la parité homme-
femme au sein des CA et de surveillance, ainsi que des comités. Cependant, l'analyse révèle que ces mesures
contraignantes ne toucheront qu'un nombre restreint d'entreprises, principalement les sociétés anonymes cotées,
qui sont soumises à des quotas stricts. Pour les sociétés non cotées, l'obligation se limite à la "recherche" d'une
représentation équilibrée, sans sanctions spécifiques. La loi laisse place à l'interprétation subjective de l'effort de
recherche, ce qui réduit potentiellement son impact. En comparaison internationale, « en Norvège, les sociétés

22
NACIRI-BENNANI Zineb, « La loi n° 20-19 réformant la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes », LexisMA, 2021, p.3
10
n’atteignant pas les objectifs fixés peuvent être menacées de dissolution »23 . Par conséquent, bien que la loi
marocaine marque une avancée, son impact réel reste à voir, et des évolutions futures pourraient être nécessaires
pour étendre ces mesures à l'ensemble des sociétés anonymes.

Après avoir aborder en profondeur une évaluation de la professionnalisation du métier de l’administrateur au


sein des SA, le débat se tourne vers le droit d'information des administrateurs, reconnu explicitement par la loi
20-05 au Maroc. Ce droit devient un devoir lié à la responsabilité civile et pénale des administrateurs, les
engageant à jouer un rôle actif dans le processus d'information surveillant activement la direction de la société
prenant des décisions éclairées.

Cependant, des ambiguïtés persistent quant aux conditions, au contenu et aux moyens du droit d'information,
générant un flou juridique préoccupant. Les modalités d'application restent générales, laissant place à la
discrétion du président, ce qui pourrait compromettre la mission de surveillance des administrateurs. Le droit
d'information vise également à informer clairement et stratégiquement les actionnaires, nécessitant une
réflexion sur la nature et la fréquence des informations. L'ordre du jour des réunions du conseil d'administration
est considéré comme la principale source d'information, bien que la nouvelle disposition de l'article 73 reste
vague sur son contenu impératif. D'autres moyens formels, tels que le règlement intérieur et la charte des
administrateurs, ainsi que l'option pour le modèle dissocié de gouvernance, peuvent contribuer à assurer une
meilleure information des administrateurs. Enfin, il va sans dire que l'introduction d'administrateurs
indépendants dans les CA ouvre des perspectives prometteuses en matière d'information des administrateurs en
particulier et dans la gouvernance de la SA dans sa globalité.

B. L’introduction de l’administrateur indépendant pour une gestion plus optimale :

La loi n°20-19 vise à renforcer la gouvernance des sociétés anonymes, en introduisant le rôle clé de
l'administrateur indépendant. Ces administrateurs, dépourvus de liens avec la direction, sont requis dans les
sociétés faisant appel public à l'épargne depuis avril 2020. Cette initiative s'inscrit dans le contexte global
d'amélioration du climat des affaires. À l'échelle internationale, le concept d'administrateur indépendant, apparu
aux États-Unis en 1940, est devenu obligatoire pour les sociétés cotées en 1978.
En France, bien que non reconnu par la loi, le Code Afep-Medef le définit, tandis qu'au Maroc, les
recommandations de la Commission Nationale de Gouvernance d'Entreprise ont abouti à son obligation,
particulièrement dans les établissements de crédit depuis 2015 dans son article 35 de la loi 103-12. Cette
démarche vise à conformer le Maroc aux normes internationales de bonne gouvernance.
L’analyse de la loi 20-19 commence par une réflexion sur la signification attribuée à l'expression
"administrateur indépendant". Ensuite, nous mettrons en lumière le rôle assumé par ce nouveau participant au
sein de la société et enfin nous examinerons la pertinence d'une éventuelle réforme dans ce domaine.
- La notion d'administrateur indépendant suivant la loi 20-19

Tout d’abord, la désignation d'un administrateur en tant qu'indépendant est soumise à une série de critères
prévus par la loi visant à prévenir les conflits d'intérêts ou toute forme de dépendance. A ce titre, conformément
à l'article 41 bis de la loi 20-1924, les critères définissant un administrateur indépendant incluent de :

23
Simulator Online , « La parité homme – femme dans les sociétés anonymes à la lumière de la nouvelle loi Par Simulator
Online",Bassamat-Laraqui,2022 : https://bassamat-laraqui.com/la-parite-homme-femme-dans-les-societes-anonymes-a-la-lumiere-de-
la-nouvelle-loi-par-simulator-online/
24
article 41 bis, la loi 20-19 modifiant et complétant la loi 17-95

11
 Ne pas avoir été salarié ou membre des organes d'administration, de surveillance ou de direction de la
société au cours des 3 années précédant sa nomination.
● Ne pas avoir été représentant permanent, salarié, ou membre des organes d'administration de
surveillance ou de direction d'un actionnaire ou d'une société consolidée au cours des 3 dernières années.

● Ne pas avoir été membre des organes d'administration ou de surveillance ou de direction d'une société
détenue par la société, quelle que soit la part détenue, au cours des 3 dernières années.

● Ne pas être membre des organes d'administration, de surveillance ou de direction d'une société dans
laquelle la société détient un mandat au sein de l'organe d'administration ou de surveillance, ou dans
laquelle un membre actuel ou ancien des organes d'administration, de surveillance ou de direction de la
société détient un mandat.

● Ne pas avoir été ou représenté un partenaire commercial ou financier, ou exercé une mission de conseil
auprès de la société au cours des 3 dernières années.

● Ne pas avoir de lien familial jusqu’au deuxième degré avec un actionnaire, un membre du conseil
d'administration de la société ou son conjoint.

● Ne pas avoir été commissaire aux comptes de la société au cours des 6 années précédant sa nomination.

La loi ajoute en plus des conditions qui sont en grande partie celles de Bank al-Maghrib ci-dessus que cette
qualité est conférée à une personne qui n'occupe pas la position de président ou d'exécutif et qui n'a aucun lien
avec la direction de l'entreprise. Suite à ces différentes précautions, on peut en déduire, que l’un des objectifs
principaux recherché par le législateur est d'assurer que l'administrateur puisse exprimer librement son point de
vue au sein du Conseil d'administration dans le but de pouvoir mener à bien leur mission. Contrairement à
d'autres types d’administrateur déjà existant dont leur rôle et l'accomplissement de ce dernier au sein des
sociétés est toujours sujet de débat.
En outre, la nomination d'administrateur indépendant n’est obligatoire qu’au sein des sociétés cotées en bourse,
et est limitée à un tiers du nombre total des administrateurs. Toutefois ces membres suivent les mêmes critères
et procédures pour leur nomination, rémunération et révocation que les autres administrateurs 25. A ce titre, une
rémunération exceptionnelle peut être envisagée pour l’accomplissement des missions spéciales et temporaires.
En revanche, dans les autres sociétés, la désignation d'administrateurs indépendants demeure facultative. Si
cette nomination intervient, elle doit respecter les mêmes conditions que celles appliquées à l'ensemble des
sociétés faisant appel public à l'épargne.

25
https://fr.linkedin.com/pulse/la-notion-dadministrateur-ind%C3%A9pendant-en-droit-marocain-kamal-habachi

12
- Mise en lumière du rôle assumé par ce nouveau participant au sein de la société.

L’introduction d'administrateurs indépendants au sein des sociétés, notamment celles cotées en bourse, vise
à apaiser les investisseurs, les encourageant ainsi à maintenir leurs investissements en toute confiance. 26

Concernant l'exercice de leurs missions, ces administrateurs, distincts du management, jouent un rôle essentiel
dans le maintien de l'équilibre de la gouvernance et contribuent de manière cruciale au bon fonctionnement du
conseil d'administration. Leur mission première consiste généralement à sauvegarder les intérêts des
actionnaires, particulièrement dans les entreprises à capital dispersé, et à défendre les droits des actionnaires
minoritaires dans les sociétés dirigées par un actionnaire majoritaire.
En outre, la présence d'administrateurs indépendants améliore la qualité des délibérations au sein des conseils
d'administration du fait de leur autonomie par rapport aux dirigeants et actionnaires. Ces administrateurs
apportent une expertise supplémentaire dans des domaines stratégiques de l'entreprise. Leur établissement de
réseaux facilite les contacts commerciaux ou institutionnels, et ils introduisent une perspective nouvelle et
permet d’enrichir la vision stratégique des sociétés.
Par ailleurs, l'idée même de l'administration indépendante est celle d'administration objectifs, impartiaux mais
dont la connaissance de gestion, de la finance et de la comptabilité leur permet contrôler les dirigeants afin
d'approuver ou critiquer leur gestion27.
Ainsi, l'introduction de l'administrateur indépendant permet en réalité, de renforcer le Conseil d’administration
avec des profils capables de relever les défis de missions de plus en plus complexes.
- La pertinence d'une éventuelle réforme dans ce domaine.

Malgré l'attribution d'un statut juridique à l'administrateur indépendant, des lacunes subsistent dans la loi,
notamment en raison de son silence sur des aspects importants. En premier lieu, l'article 41 bis de la loi 20-19
impose la présence d'un administrateur pour les sociétés cotées en bourse, mais ne prévoit aucune sanction en
cas de non-respect de cette obligation. Il est pertinent de se demander si, en cas de non-respect, l'assemblée
générale serait considérée comme non conforme à la loi, et quel impact cela aurait sur la validité de ses
délibérations.28
À cet égard, si la loi bancaire a introduit une procédure formalisée pour surveiller le respect des conditions
énoncées par l'article 41 bis, en revanche, aucune disposition similaire n'est prévue dans la loi sur les sociétés
anonymes. La réglementation de Bank Al-Maghreb est plus pertinente, ainsi selon la directive du Wali, l'organe
d'administration de l'établissement de crédit doit veiller au respect des critères édictés lors de de la nomination
et un réexamen annuel de la qualification de l'administrateur indépendant est exigé aussi 29.
Par ailleurs, la législation marocaine se concentre sur des critères formels et néglige la prise en compte de la
compétence. Le législateur demeure également muet sur les qualifications, en particulier en ce qui concerne le
contrôle des compétences de l'administrateur indépendant et l'éventuelle obligation de formation de ce dernier.

26
El Hassani sbai (S.), Corporate Governance La Société Anonyme Marocaine Direction et Contrôle, Tome l, Rabat , Imprimerie
Dassilat Maroc, 2018, pp 37

27
idem pp 410
28
https://fr.linkedin.com/pulse/la-notion-dadministrateur-ind%C3%A9pendant-en-droit-marocain-kamal-habachi
29
Circulaire n°5W16 fixant les conditions et les modalités de désignation d’administrateurs ou membres indépendants, Rabat 10 juin
2016

13
Ainsi, il se pourrait que l'administrateur indépendant puisse être nommé sans pour autant détenir la compétence
technique.
En outre l'essence même du concept d'administrateur indépendant va de pair avec la compétence.
A ce titre, la réglementation de la banque centrale Bank al-Maghreb souligne l'importance de nommer un
administrateur indépendant doté des compétences requises dans des domaines tels que la banque, la gestion des
risques, le contrôle interne et la gouvernance, visant ainsi à valoriser le fonctionnement et la stratégie de la
société.
Il est également pertinent de noter aussi qu'en l'absence de comités de surveillance dédiés, ces administrateurs
indépendants exercent leurs fonctions sans être tenus de rendre des comptes. On peut même se demander si, en
cas de faute dans l'exercice de leurs fonctions, s’ils seraient sujets à des sanctions.
En raison de ces lacunes, de nombreuses dispositions non prises en compte dans la loi sur les sociétés anonymes
se manifestent. Cela soulève des interrogations quant à l'efficacité réelle de la mesure imposant des
administrateurs indépendants. L'intégration de cette nouveauté ne se limite pas simplement à une mise à jour du
cadre juridique des sociétés anonymes dans le but de concevoir des stratégies de marketing international pour
attirer rapidement les investisseurs et les agences de notation. Ces dernières accordent une importance
significative à la présence d'administrateurs indépendants dans l'évaluation de la gouvernance d'entreprise à
l'échelle mondiale.
En somme, pour bénéficier les avantages de cette réforme, il serait nécessaire que la loi accorde une plus grande
importance aux compétences plutôt qu'aux conditions formelles, permettant ainsi aux membres du conseil
d'évaluer les qualifications de l'administrateur indépendant avant sa nomination. Un exemple à suivre est celui
de la réglementation de Bank al-Maghreb, où un administrateur indépendant au sein du conseil d'administration
doit posséder des compétences et des expériences appropriées, notamment dans les domaines bancaire, gestion
des risques, contrôle interne et gouvernance.
D'autres aspects doivent également être pris en compte, notamment les conditions d'intervention des
administrateurs indépendants lors des assemblées générales d'actionnaires. De plus, il est nécessaire de clarifier
la limitation de la durée des mandats ces administrateurs indépendants de même un nombre maximal des
mandats, d'établir une limite d'âge, d'accorder le droit d'accès direct à l'information et de mettre en place un
code de déontologie pour les administrateurs indépendants30.

30
“La loi n° 20-19 réformant la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes” Lexis Nexis, pp 6

14
BIBLIOGRAPHIE :

Ouvrages :

 Cozian (M.), Viandier (A.) et Deboissy (F.), Droit des sociétés, 15éme édition, Paris, Litec, 2002.

 EL MERNISSI (M.), Traité marocain de droit des sociétés, The MENA collection, Paris, Lexis Nexis
2019

 EL HASSANI SBAI (S.), Corporate Governance la Société Anonyme Marocaine Direction et Contrôle,
Tome l, Rabat, Imprimerie Dassila Maroc, 2018

 Le Cannu (P.), Droit des sociétés, 1er édition, Paris, Montchrestien, 2002

Monographies et thèses :

 RIPERT (G.), Aspects juridiques du capitalisme moderne, 1ère éd, LGDJ, 1946.

Articles de revues :
 AHDADOU (M.), AAJLY (A.), TAHROUCH (M.), « La gouvernance des entreprises au Maroc :
évolution et défis », Revue des études multidisciplinaires en sciences économiques et sociales, 2021,
Vol 6 – Numéro 2, p.124-125

 Cabinet BELHOUCINE (A.), « Première analyse de la loi n° 19-20 modifiant et complétant la loi n° 17-
95 relative aux sociétés anonymes, et la loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en nom
collectif simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en
participation », LexisMA, 2021, p.7

 DRISSI ALAMI MACHICHI (M.), « Précarité de la réforme de la société anonyme », intervention lors
du colloque sur le projet de réforme de la société anonyme, implications et enjeux, Revue Marocaine de
Droit et d'Economie de Développement,1996, п°37. p.53

 NACIRI-BENNANI (Z.), « La loi n° 20-19 réformant la loi n° 17-95 sur les sociétés anonymes »,
LexisMA, 2021, p.3

 SYLVESTRE (S.) "Le contrôle interne", publié dans la revue La Semaine Juridique - Édition Générale
du 14 novembre 2003, n°228, p. 87

Cours polycopié :

 EL OUFIR Chakib, « Les sociétés commerciales », Université Mohamed V, Rabat Agdal 2019-2020.

15
Webographie :

 Simulator Online, « La parité homme – femme dans les sociétés anonymes à la lumière de la
nouvelle loi Par Simulator Online", Bassamat-Laraqui, 2022 :
https://bassamat-laraqui.com/la-parite-homme-femme-dans-les-societes-anonymes-a-la-lumiere-de-la-
nouvelle-loi-par-simulator-online/ Consulté : 12/12/2023

 LARIOUI (L.), L’entreprise familiale : « La confiance permet de réduire les coûts de gouvernance » :
https://laquotidienne.ma/article/economie/l-entreprise-familiale-la-confiance-permet-de-reduire-les-
couts-de-gouvernance Consulté le 16/12/2023

 https://fr.linkedin.com/pulse/la-notion-dadministrateur-ind%C3%A9pendant-en-droit-marocain-kamal-
habachi Consulté le 16/12/2023

 BOUKHRIS (H.): Le nouveau régime marocain des conventions libres dans les sociétés anonymes:
l’instauration d’une obligation d’information, date de publication, Juil. 04 2017,
https://www.twobirds.com/fr/insights/2017/global/africa-newsletter-june/le-nouveau-regime-marocain-
des-conventions-boukhris Consulté le 16/12/2023

16

Vous aimerez peut-être aussi