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com/science/article/pii/S266647982200146X
Manuscript_fa7e1730aeb5f11433824c5880353e4d

L’ECG à la loupe

Tachycardie à QRS larges chez un patient électro-entrainé


Wide QRS complex tachycardia in a patient with a cardiac pacemaker

Claude Kouakam – Institut cœur Poumon, CHU Lille


claude.kouakam@chru-lille.fr

Conflit d’intérêts : Aucun en rapport avec la publication de cet article

© 2022 published by Elsevier. This manuscript is made available under the Elsevier user license
https://www.elsevier.com/open-access/userlicense/1.0/
Un patient de 84 ans est adressé aux urgences cardiologiques en février 2022 pour des épisodes de
palpitations et lipothymies depuis quelques jours. Il a comme antécédents :
- une cardiopathie ischémique (avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) préservée)
révélée par un infarctus inférieur en 1995 ;
- une primo-implantation de pacemaker en 2015 pour un BAV 2 2/1
- une fibrillation atriale paroxystique puis permanente anticoagulée au long cours en raison d’un risque
thromboembolique élevé (score de CHA2DS2-VASc à 6/9).
Son ordonnance habituelle associe : apixaban 2.5 mg x 2/j, bisoprolol 2.5 mg x 2/j, rosuvastatine 10
mg/j et pantoprazole 20 mg/j. Il n’a pas d’autres comorbidités et tolère bien son traitement. Il est
autonome et vit à domicile.
Le patient ne décrit pas de douleurs thoraciques.
Son examen clinique à l’entrée est sans particularité. Il n’y a pas de signes de décompensation
cardiaque ni de focalisation neurologique. Le murmure vésiculaire est symétrique sans râles. Il n’y a
pas de signes de thrombose veineuse profonde.
La pression artérielle (PA) est normale à 134/83 mmHg et le test d’hypotension orthostatique est
négatif sur 5 minutes. Le bilan biologique est sans particularité, avec un test PCR Covid négatif, un
ionogramme sanguin normal, une créatinine à 15 mg/l (clairance Cockcroft à 45 ml/min), des
troponines augmentées à 79 ng/l, un NT-proBNP à 1417 pg/ml et une TSH à 3.30 µUI/L.
L’échocardiographie à l’admission retrouve des paramètres stables avec une FEVG à 55 – 60% et une
dilatation bi-atriale importante (oreillette gauche 44 cm² et oreillette droite 47%). La valve mitrale est
discrètement remaniée, il n’y a pas de valvulopathie aortique.
L’électrocardiogramme réalisé aux urgences est le suivant (figure 1).

Figure 1 : ECG réalisé à l’admission aux urgences cardiologique

Comment l’interprétez-vous ?
Emettez-vous une hypothèse diagnostique pour expliquer les symptômes du patient au vu de cet ECG ?
Si oui, que faites-vous pour essayer de l’’étayer ?

Interprétation de l’ECG
L’ECG des urgences montre un rythme électro-entraîné ventriculaire à 69 bpm avec un aspect de retard
gauche (stimulation à l’apex du VD) et des QRS stimulés à 160 ms. L’activité atriale n’est pas visible car
le patient est en fibrillation atriale. Les spikes de stimulation ventriculaire sont bien visibles dans toutes
les dérivations, avec une bonne capture. Il n’y a pas de stigmates d’hyperexcitabilité ventriculaire.
Ce tracé ECG semble témoigner d’un bon fonctionnement du pacemaker et ne permet pas d’expliquer
les symptômes du patient. Le test à l’aimant est également rassurant. Le pacemaker doit malgré tout
être contrôlé pour s’assurer de l’absence de dysfonctionnent pouvant expliquer les lipothymies (défaut
de stimulation intermittent ?). La recherche de trouble du rythme ventriculaire dans les mémoires du
pacemaker doit également être systématique du fait des antécédents de cardiopathie ischémique. En
effet, en raison de la fibrillation atriale devenue permanente et du BAV, l’hypothèse d’une tachycardie
supraventriculaire avec réponse ventriculaire rapide est impossible.1

Peu après son admission le patient va présenter une récidive de palpitations qui a pu être documentée
par un électrocardiogramme 12-D (figure 2).

Figure 2 : ECG en tachycardie enregistré au moment de la récidive d’un épisode de palpitations

Quel est votre diagnostic ?

Réponse
Le tracé ECG est celui d’une tachycardie régulière à QRS spontanés larges (180 ms) chez un patient en
fibrillation atriale permanente et en BAV. Les spikes de stimulation ne sont plus visibles (contrairement
à l’ECG d’entrée) et l’origine ventriculaire de cette tachycardie est confortée par la présence de critères
évocateurs comme l’aspect de retard gauche associé une largeur de QRS > à 160 ms.2

ll s’agit d’une tachycardie ventriculaire à 130 bpm à la faveur d’une poussée ischémique chez un
patient coronarien connu et chez lequel le contrôle coronarographique n’a pas retrouvé d’évolutivité
coronarienne significative au niveau du stent de la coronaire droite de même qu’au niveau du réseau
gauche.
Compte tenu de l’âge, de la bonne fonction systolique ventriculaire gauche et du trigger probablement
ischémique, nous avons opté pour un traitement antiarythmique de première intention. Le traitement
bêtabloquant a été majoré à 10 mg/j et associé à un traitement par amiodarone 200 mg/j, sans récidive
tout le reste de l’hospitalisation.
L’évaluation fonctionnelle et l’interrogatoire des fonctions mémoires du stimulateur cardiaque seront
assez informatifs lors de la consultation de contrôle du pacemaker programmée 3 mois plus tard.

Références :

1. Jastrzebski M, Hart R, Czarnecka D. Wide QRS complex tachycardia in a patient with complete heart
block: what is the mechanism? J Cardiovasc Electrophysiol 2016; 27: 765-7
2. Brugada P, Brugada J, Mont L, Smeets J, Andries EW. A new approach to the differential diagnosis
of a regular tachycardia with a wide QRS complex. Circulation 1991; 83: 1649-59

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