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Ohadata D-04-23

L'EXECUTION PROVISOIRE A L'ERE DE L'OHADA

(Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires)


Par Henri TCHANTCHOU Juge aux Tribunaux de Yokadouma
et Alexis NDZUENKEU Juge aux Tribunaux de Tibati

SOMMAIRE

Introduction

1. Des lueurs de clarté dans le nouveau droit de l'exécution provisoire


A- Le régime de droit commun: l'exécution provisoire facultative
1. En matière civile et commerciale
2. En matière sociale
B- Le régime exceptionnel: l'exécution provisoire de plein droit
1. Exécution provisoire de droit en raison de la nature de l'affaire
2. Exécution provisoire de droit en raison de la juridiction saisie
3. Exécution provisoire des décisions du juge chargé de l'exécution

II. Des points d'opacité dans le nouveau droit de l'exécution provisoire


A- La problématique de l'exécution provisoire des sentences arbitrales en OHADA
1. L'arbitrabilité de l'exécution provisoire
a) l'exécution provisoire dans l'arbitrage traditionnel
b) l'exécution provisoire dans le système d'arbitrage de la CCJA
2. Le recours contre l'exécution provisoire de la sentence arbitrale
a) malaise dissipé dans la détermination du juge de l'exequatur
b) malaise persistant dans l'office du juge chargé du contrôle de l'exécution
provisoire
B- La compétence embrouillée des juridictions nationales dans la remise en cause de
l'exécution provisoire
1. Les défenses à exécution devant les cours d'appel sont-elles en sursis?
a) la naissance du problème
b) l'état d'une question lancinante
2. Le sursis à exécution est-il menacé de caducité?
a) la suspension définitive de l'arrêt portant sur les défenses à exécution
b) le sursis à l'exécution immédiate des décisions de dernier ressort
Conclusion

1
INTRODUCTION

1.- Once du droit difficile à saisir et impossible à dompter 1 véritable énigme 2 rappelant étrangement le
mythe de Sisyphe 3, la question de l'exécution provisoire des décisions de justice se trouve depuis
longtemps au centre d'une célèbre discussion qui a survécu aux réformes successives de la matière. La
doctrine camerounaise désabusée en était presque arrivée à ne plus voir dans cette institution que la
malheureuse incarnation d'un échec juridique permanent.
L'exécution provisoire, on le sait, a été conçue comme une faveur exceptionnelle permettant au
plaideur triomphant d'anticiper dans certains cas sur le terme définitif du procès et d'obtenir l'exécution
de la décision qui lui est favorable, par dérogation à la règle générale de l'effet suspensif tant des délais
que de l'exercice effectif de certaines voies de recours.

2.- Au Cameroun la matière s'articulait, avant l'avènement de l'OHADA, autour d'un système
relativement compliqué mais connu 4.
En matière pénale, il était admis que les peines étaient d'exécution immédiate dans l'ex-
Cameroun occidental, tandis que l'exécution provisoire était plutôt exceptionnelle dans l'ex-Cameroun
oriental5 , Cet état de choses n'appelle pas d'observation particulière dans le cadre de la présente étude,
puisque la Criminal Law ne fait en principe pas partie du domaine de l'harmonisation défini par l'article
2 du Traité de Port-Louis.
N'en fait pas plus partie la matière administrative, où les décisions du juge ne peuvent être
assorties de l'exécution provisoire que dans des conditions très restrictives.
En matière sociale et dans l'attente de l'Acte uniforme relatif au droit du travail, réitérons
simplement l'appel pour une réforme législative qui mettrait fin à l'antagonisme des articles 146 du code
du travail et 3 (l)-c de la loi n° 92/008, aggravé par l'impertinence de l'article 1 (2) du décret n°
931754/PM du 15 décembre 1993.
La matière civile et commerciale quant à elle offrait simplement de quoi s'affliger. Prenant
certainement en compte le caractère exceptionnel de l'exécution provisoire, le législateur camerounais, à
la suite de son homologue colonial, s'était certes employé à en fixer le cadre à travers différents textes

1
Alexandre ANABA MBO, « La nouvelle juridiction présidentielle dans l'espace OHADA : l'endroit et l'envers
d'une réforme multiforme », Rev. cam. dr. aff., n° 3, 2000, p. 31.
2
Selon l'expression du Professeur Jean-Marie TCHAKOUA, in Juridis Périodique n° 25, p. 60.
3
Voir, sur cette allégorie, Henri TCHANTCHOU, «Sursis ou défenses à exécution? L'exécution provisoire
revient... », Juridis Périodique, n° 27, p. 87.
4
Sur l’historique et les différentes formes d’exécution provisoire, voir Henri TCHANTCHOU, L’exécution
provisoire des décisions de justice au Cameroun, mémoire A.J., ENAM., juillet 1999.
5
Voir, en ce sens, Henri TCHANTCHOU, mémoire précité, pp. 10 s.

2
plus ou moins heureux, et dont le plus récent est la loi n° 92/008 du 14 août 1992, modifiée par celle n°
97/018 du 07 août 1997. Mais le système institué par ce texte manquait de clarté, et était loin de procurer
entière satisfaction.

3.- Le droit uniforme OHADA n'a pas apporté de solution indiscutée à la matière. Le législateur
communautaire n'a certainement pas jugé opportun de consacrer un Acte uniforme à la question de
l'exécution provisoire. Il a plutôt choisi de l'évoquer dans des dispositions disparates dont on sait qu'elles
se substituent directement et obligatoirement aux normes de droit interne ayant le même objet, en vertu
de l'article 10 du Traité OHADA. Mais en même temps, la législation uniforme admet la survie des
règles de droit national qui ne lui sont pas contraires, de sorte qu'il est permis de s'interroger sur le
nouveau régime de l'exécution provisoire des décisions de justice au Cameroun.

4.- Ici comme ailleurs, la coordination des normes supranationales avec les règles de droit interne ne va
pas toujours sans difficulté 6. Et de fait, la conjonction de ces deux catégories de normes fait aujourd'hui
du droit camerounais de l'exécution provisoire une matière tout en nuances. A bien y regarder cependant,
tout n'est pas que confusion car à l'analyse, le nouveau régime de l'exécution provisoire présente bien
quelques éclaircies à côté des zones d'ombre que l'on peut relever. Cette différenciation suggère l'idée
d'une présentation simple de la matière, où le plus commode précèderait le moins évident.

1. DES LUEURS DE CLARTE DANS LE NOUVEAU DROIT DE L'EXECUTION


PROVISOIRE

5.- L'assertorique de l'exécution provisoire se ramène pour l'essentiel aux cas d'ouverture. Aujourd'hui
comme hier, en effet, le principe est celui d'une exécution provisoire facultative et judiciaire, l'exécution
provisoire légale de droit demeurant exceptionnelle7. Aussi la distinction classique, sorte de summa
divisio entre les cas d'ouverture facultatifs (A) et les hypothèses d'exécution provisoire de plein droit (B)
reste-t-elle d'actualité.

6
Voir, sur la question, CCJA, avis n° 00l/200l/EP du 30 avril 2001, Recueil 2003, pp. 74 s. ; Djibril ABARCHI,
«La supranationalité de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires », ohada.com. ;
Alexis NDZUENKEU, note sous c.A. Ngaoundéré, arrêt n° 04/CIV du Il nov. 1999, Revue Juridique et Politique
des Etats Francophones, 2003-4, pp. 491 - 506.
7
Jean VINCENT et Serge GUINCHARD (Procédure civile, Précis Dalloz, 27e éd., 2003, n° 1286-1) relèvent à ce
sujet que «l'automaticité est regrettable dans les choses de la justice », et soulignent qu'au sein de la communauté
européenne seule l'Italie a rendu exécutoires de plein droit les décisions de première instance.

3
A. Le régime de droit commun: l'exécution provisoire facultative

6.- Il convient de l'envisager dans son régime général (1) avant de relever les spécificités liées au
contentieux social (2).

1. En matière civile et commerciale


La loi procède ici à une énumération tantôt inclusive, et tantôt exclusive des hypothèses d'octroi
facultatif de l'exécution provisoire. De la sorte, le possible côtoie l'impossible.

7.- L'exécution provisoire peut être rendue impossible parce qu'elle est formellement proscrite par la loi,
ou parce qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. La prohibition peut donc être formelle ou
implicite, légale ou jurisprudentielle. On relèvera, sans prétendre à l'exhaustivité, le cas des dépens, des
astreintes, et de l'état des personnes.
En effet, l'exécution provisoire ne peut jamais être ordonnée pour les dépens8. C'est que le
règlement des dépens n'ayant jamais un caractère urgent, il n'y a aucune raison, en ce qui les concerne,
de mettre obstacle à l'effet suspensif des voies de recours. Cette prohibition est inscrite dans l'article 60
du code de procédure civile et commerciale (CPCC).
Par ailleurs, en raison de son caractère essentiellement révisable, il a été jugé que la condamnation
à une astreinte n'était pas susceptible d'exécution provisoire9. C'est pourquoi le juge des référés saisi en
liquidation d'astreinte ne peut faire droit à la demande, sa décision étant de plein droit exécutoire par
provision. La pratique de la liquidation dite provisoire (et non ferme) devant ledit juge est donc absurde,
car l'astreinte en elle-même n'est en principe jamais ferme, mais toujours comminatoire et donc
provisoire.
De même, sont exclues du champ d'application de l'exécution provisoire du fait de leur nature
irrévocable les décisions portant sur l'état des personnes, notamment les jugements portant divorce,
séparation de corps, filiation.

8.- En ce qui concerne les cas positifs d'exécution provisoire facultative, la loi n° 92/008 du 14 août 1992
prévoit que le tribunal peut, en cas de décision contradictoire ou réputée telle, ordonner l'exécution
provisoire nonobstant appel, en cas de créance alimentaire, de créance contractuelle exigible, d'expulsion

8
Voir, dans ce sens, Pierre MIMIN, Le style des jugements, Litec, Paris, 4e éd., 1962, n° 160.
9
Aix, 15 fév. 1937, D.H. 1937, 211 ; contra, TPI Mfoundi, jgt n° 220/cm du 10 janv. 1996, ASAH Philippe ci
ETAMEF; Réné SAVATIER, «L'exécution des condamnations au paiement d'une astreinte », D. 1951, chron, 10

4
fondée sur un titre foncier conférant des droits non contestés, ou sur un bail écrit assorti d'une clause
résolutoire accomplie; de réparation des dommages corporels, pour les dépenses justifiées nécessitées
par les soins d'urgence.
Mettant fin à une querelle ayant divisé doctrine et jurisprudence10, le nouvel article 4 (1) de la loi
sus citée décide que cette énumération est limitative, car «lorsque l'exécution provisoire n'est pas de
droit et qu'elle a été prononcée en dehors des cas prévus..., la cour d'appel, sur la demande de la partie
appelante, ordonne les défenses à exécution provisoire de la décision ».
Cette limitation qui semble nette en matière civile et commerciale l'est beaucoup moins en matière
sociale où il ne paraît pas exagéré de dire que le législateur s'est fourvoyé.

2. En matière sociale

9.- Des difficultés ont surgi relativement à la combinaison des articles 3 (1) - c de la loi 92/008 du 14
août 1992 et 146 de la loi 92/007 datant du même jour et portant code du travail, ensemble le décret
d'application de ce dernier texte.
L'article 3 (1) -c de la loi n° 92/008 modifiée prévoit que le tribunal saisi peut, par dérogation à
l'effet suspensif des voies de recours ordinaires et en cas de décision contradictoire ou réputée
contradictoire, ordonner l'exécution provisoire en matière de salaires non contestés.
L'article 146 du code du travail dispose quant à lui que « le jugement peut ordonner l'exécution
immédiate nonobstant opposition ou appel, et par provision avec dispense de caution jusqu'à une somme
qui est fixée par voie réglementaire. Pour le surplus, l'exécution provisoire peut être ordonnée à la
charge de fournir caution,. elle pourra cependant jouersans limite nonobstant toute voie de recours et
sans versement de caution lorsqu'il s'agira des salaires et des accessoires de salaires non contestés
reconnus comme dus ».
Et l'article 1er du décret n° 93/754/PM du 15 décembre 1993 fixant la somme maximale en matière
d'exécution d'un jugement par provision avec dispense de caution énonce:
Alinéa 1:« la somme maximale pour l'exécution avec dispense de caution d'un jugement rendu par
une juridiction statuant en matière sociale est fixée à six cent mille (600000) francs»
Alinéa 2 : «les dispositions de l'alinéa 1 sont applicables, nonobstant opposition ou appel»

10.- Au-delà d'une mauvaise rédaction de l'article 1 (2) du décret de 1993 sus mentionné, qui ferait croire

10
Sur cette controverse, lire André AKAM AKAM, «La réforme de l'exécution provisoire au Cameroun», Revue
Juridique Africaine, 1995, pp. 173 s.; Hemi TCHANTCHOU, «Sursis ou défenses à exécution ? L'exécution
provisoire revient... », Juridis Périodique n° 27, pp. 89 s.

5
que l'exécution provisoire des condamnations en dessous de 600000 F. prononcées par le juge social
s'opère de plein droit, il faut dire que la conciliation des articles 3 (1) -c de la loi 92/008 et 146 du code
du travail n'est guère aisée.
La plus grande difficulté dans l'interprétation de ces textes consiste à saisir les subtilités que le
législateur introduit entre les notions d'exécution provisoire et d'exécution immédiate11, d'une part, et
entre les diverses hypothèses où l'exécution provisoire peut être ordonnée, d'autre part. La loi sur
l'exécution provisoire n'envisage la mesure que pour les salaires non contestés, sans limitation de
montant et pour les seuls jugements contradictoires ou réputés contradictoires; le code du travail lui, a un
domaine plus large et n'exclut pas les jugements de défaut, parle plutôt de l'exécution immédiate par
provision, inclut toute condamnation du juge social, prévoit la faculté de subordination de la mesure à
une caution au-delà de la somme de 600000 F., décide que l'exécution provisoire des salaires et
accessoires de salaire non contestés et reconnus dus peut être ordonnée pour le tout et sans caution
préalable...
Dans la logique de l'énumération limitative des hypothèses de l'article 3 de la loi 92/008, une partie
de la doctrine a soutenu que toute exécution provisoire prononcée en dehors dudit article, le fût-elle en
matière sociale, est illégale sans que le juge puisse valablement invoquer les dispositions du code du
travail pour justifier sa décision.
Les juges ne l'ont cependant pas suivie. Réaffirmant l'applicabilité de l'article 146 du code du
travail qu'elle essaie d'harmoniser avec l'article 3 (1) -c sus évoqué, la jurisprudence pose que la loi
92/008 institue un régime général auquel le texte particulier du code du travail déroge sur des points
spécifiques. Il en est résulté qu'en matière sociale l'exécution provisoire peut être ordonnée pour tous les
chefs de demande, sans caution jusqu'à 600 000 F. et sous caution au-delà de cette somme, sauf, en ce
qui concerne la caution, pour le cas des condamnations au paiement des salaires et accessoires de
salaires non contestés et reconnus comme dus.

B. Le régime exceptionnel: l'exécution provisoire de plein droit

11.- Nous ne reviendrons pas sur les distinctions entre exécution provisoire de plein droit, exécution
provisoire d'office, exécution provisoire judiciaire de droit, exécution immédiate, sur minute…12
Signalons simplement que l'exécution provisoire de plein droit se rapporte au cas où la mesure est

11
Voir, sur la question, Henri TCHANTCHOU, mémoire précité, pp. 32 s.
12
Ibidem.

6
automatiquement attachée à la décision rendue, indépendamment de la volonté du juge ou des parties13.
C'est pourquoi on la désigne souvent sous l'appellation d'exécution provisoire légale de droit.

Les textes traitant de l'exécution provisoire de plein droit sont des plus épars. De façon générale,
on peut dire que la loi attache l'effet d'une exécution provisoire de plein droit à certaines décisions de
justice en considérant simplement le genre de l'affaire (1) ou la nature de la juridiction saisie (2). Depuis
quelque temps, le contentieux de l'exécution et des saisies et le juge désigné pour en connaître combine
ces deux critères pour établir un système assez particulier de l'exécution provisoire (3).

1. Exécution provisoire de plein droit en raison de la nature de l'affaire

12.- Dans certains cas, la délicatesse des intérêts en présence rend l'exécution provisoire incompressible.
Le législateur retire alors tout pouvoir d'appréciation au juge et aux parties. L'urgence et le péril sont
fortement présumés. Il en est ainsi des jugements octroyant une pension alimentaire pour l'épouse
abandonnée et les enfants à sa charge (art. 76 Ordo n° 81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de
l'état civil et fixant diverses dispositions relatives au mariage), des jugements ordonnant des mesures
provisoires conservatoires ou nécessaires à la bonne administration de la justice (ex: jugements sur la
récusation des experts, art. 116 C. P.C.C.) et, en général, des jugements avant dire droit.
En pratique cependant, il est parfois difficile de déterminer la notion de mesures provisoires
exécutoires de plein droit. En matière de divorce et de séparation de corps par exemple, l'article 238 (4)
du code civil dispose que les mesures provisoires prises par le juge conciliateur sont exécutoires par
provision. Mais qu'en est-il desdites mesures prises au cours de l'instance ou dans le jugement vidant la
saisine du tribunal?
A la suite d'un débat digne d'intérêt, la jurisprudence française, combinant les articles 238 et 240
du code civil, a consacré la distinction suivante: les décisions relatives aux mesures provisoires rendues
en cours d'instance par le magistrat conciliateur ou par le tribunal sont exécutoires de plein droit par
provision; celles qui sont contenues dans le jugement qui statue au fond sur le divorce ou la séparation
de corps et qui sont les conséquences de cette décision ne sont pas exécutoires de plein droit: dans ce cas
elles sont soumises au droit facultatif de l'exécution provisoire, à moins qu'elles ne soient comprises dans
une décision exécutoire de par sa nature par provision14. Ce raisonnement mérite d'être approuvé,
singulièrement dans sa dernière branche puisqu'en droit camerounais l'exécution provisoire des

13
Jean VINCENT et Serge GUINCHARD, Procédure civile, Précis Dalloz, 27e éd., 2003, n° 1287.
14
R. BOUIBES, «De quelques problèmes soulevés par l'exécution provisoire nonobstant appel dans les matières
accessoires à une question d'état », JCP 1981.1.1617.

7
jugements sur le fond en matière d'état des personnes nous paraît impossible.

13.- Par ailleurs, il est affirmé que les décisions de la juridiction compétente relatives au règlement
préventif sont exécutoires par provision; il en est également ainsi de celles rendues en matière de
redressement judiciaire et de liquidation des biens, à l'exception bien compréhensible des décisions
homologuant le concordat ou prononçant la faillite personnelle (art. 23 et 217 de l'Acte uniforme portant
organisation des procédures collectives d'apurement du passif).

2. Exécution provisoire de plein droit en raison de la juridiction saisie

14.- Le bénéfice de l'exécution provisoire est souvent attaché à certaines décisions de par leur seule
nature. L'exécution provisoire s'opère indépendamment de la volonté du juge ou des parties. Peu importe
même que le jugement dont s'agit soit contradictoire, réputé contradictoire ou de défaut.
Ces hypothèses sont nombreuses, et les justifications variées. Mais elles semblent se ramener aux
juridictions présidentielles, et concerner notamment les ordonnances de référé et les ordonnances sur
requête.

15.- Selon l'article 185 CPCC en effet, les ordonnances sur référé seront « exécutoires par provision,
sans caution, si le juge n'a pas ordonné qu'il en serait fourni une ». Dans le silence de la loi, on admet
que la caution peut être réelle ou personnelle, pour garantie d'une partie ou de toutes les mesures à
exécuter. Ce régime se justifie par l'urgence et le caractère provisoire desdites ordonnances qui ne
préjudicient pas au principal, pas plus qu'elles n'ont autorité ici.

16.- Les ordonnances sur requête quant à elles peuvent être contentieuses ou gracieuses15. Outre
l'ordonnance constatant la non-conciliation et autorisant les époux à assigner en divorce, on note
aujourd'hui, dans la catégorie des ordonnances sur requête contradictoires, celles ordonnant la mise sous
séquestre d'objets mobiliers corporels saisis ou l'immobilisation d'un véhicule terrestre à moteur compris
dans une saisie, ou encore celles prises pour désigner un gérant à l'exploitation dans une procédure de
saisie des récoltes sur pied (art. 103, 113, 149 et 233 AUPSRVE).

15
Voir, sur la controverse et l'évolution autour de cette distinction, Pierre ESTOUP, La pratique des procédures
rapides, Litec, Paris, 2e éd., 1998, nOs 238 s. ; Jean VINCENT et Serge GUINCHARD, op. cit., n° 169 - 170.

8
Le principe reste cependant que les ordonnances sur requête sont, par définition, des décisions
rendues non contradictoirement. Elles sont délivrées dans le silence de son cabinet par le magistrat
compétent saisi d'une requête. Elles sont exécutoires de plein droit par provision, très souvent même au
seul vu de la minute.
Les ordonnances sur requête n'ont pas l'autorité de chose jugée. Quand bien même elles seraient
rendues contradictoirement, elles ne lieraient pas le juge du fond. Rendues hors la présence du défendeur
virtuel, elles peuvent être rapportées, selon le cas, par le juge des référés ou par le juge chargé du
contentieux de l'exécution.

3. Exécution provisoire des décisions du juge chargé de l'exécution

17.- Malgré des poches de résistance relevées récemment par M. Teppi Kolloko Fidèle16, c'est un lieu
commun aujourd'hui en droit camerounais que « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou
toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire... » n'est ni
le juge des référés, ni un tribunal statuant au fond, mais un juge autonome que l'on désigne volontiers
juge de l'exécution, et qui tient sa compétence de l'article 49 de l'Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (AUPSRVE)17. Nous avons pu, en son
temps, mettre en relief la spécificité de ce juge au regard de la particularité même du régime de
l'exécution provisoire de ses décisions.

Il peut paraître malaisé de qualifier l'exécution provisoire instituée par l'AUPSRVE, et de dire si
celle-ci est facultative ou alors de plein droit. En effet, l'article 49 dudit Acte prévoit que les décisions du
juge de l'exécution sont, sauf décision contraire spécialement motivée dudit juge, exécutoires par
provision. Cette exécution provisoire résulte ainsi de la nature de la juridiction saisie, bien que le juge
compétent garde la faculté de paralyser la mesure. Par contre, l'article 172 AUPSRVE traitant du
contentieux spécifique de la saisie attribution, dévolu sans doute à la compétence du juge de l'article 49,
dispose plutôt que le délai et l'exercice de l'appel sont suspensifs d'exécution, sauf décision contraire

16
Président du Tribunal de Première Instance de Bafoussam, ordonnances de référé n° 39 du 26 janv. 2001 ; 81 du
21 sept. 2002 ; TPI Bafoussam, jugement civil n° 102 du 21 sept. 2001 : Juridis Périodique, n° 55, juil.-sept.
2003.
17
Alexis NDZUENKEU, observations sous TPI Douala, Réf., Ordo n° 392 du 26 fév. 2003 ; TPI Garoua, Réf.,
Ordo n° 091R du 16 janv. 2002; TPI Yaoundé-Ekounou, Réf., Ordo n° 31 du 07 nov. 2002: Juridis Périodique, n°
57, janv.-mars 2004, pp. 48 s.; «Les nouvelles règles de compétence juridictionnelle en matière de saisies
mobilières », Annales de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l'Université de Dschang, tome 6,
2002, à paraître; Hemi TCHANTCHOU, «Le contentieux de l'exécution et des saisies dans le nouveau droit OH
ADA ), Juridis Phindiaue n° 46. avr.-iuin 2001. 1)1).98 s.

9
spécialement motivée du juge. En se référant à l'article 49, on est tenté de dire qu'il s'agit d'une exécution
provisoire en principe de plein droit, alors que la formulation de l'article 172 fait penser à une exécution
provisoire facultative pour le juge.

Mais, tout bien considéré, il apparaît que ce dernier texte, comme du reste le pénultième dans
l'ordre de l'Acte uniforme, procède seulement à des aménagements particuliers dictés par la spécificité de
la saisie attribution de créances, et que le droit commun de l'exécution provisoire des décisions du juge
de l'exécution demeure celui résultant de l'article 49 AUPSRVE 18.

18.- D'autre part, la loi uniforme est restée muette sur les conditions de congédiement de la mesure. Le
juge a-t-il la latitude de remettre d'office en cause l'exécution provisoire dont s'agit ou doit-il
nécessairement laisser aux parties la faculté de soumettre cette occurrence aux débats pour se prononcer?
A notre sens, seul le plaideur succombant qui y a intérêt peut présenter la demande de non
exécution provisoire, pour déterminer le juge à statuer. Et _a partie qui sent le vent tourner sera d'autant
plus inspirée à le faire qu'une poignante confusion s'est installée dans le système de remise en cause de
l'exécution provisoire.

II- DES POINTS D'OPACITE DANS LE NOUVEAU DROIT DE L'EXECUTION PROVISOIRE

19.- La plus grande zone d'ombre dans l'institution de l'exécution provisoire se trouve dans son système
de remise en cause (B). L'arbitrage encouragé comme mode alternatif de règlement des différends
contractuels offre cependant l'occasion de relever d'autres points de difficulté (A).

A. La problématique de l'exécution provisoire des sentences arbitrales en OHADA.


20.- Le droit OHADA de l'arbitrage s'articule autour d'un droit commun consacré à l'arbitrage ad hoc) ou
institutionnel, d'émanation privée, qu'il est aujourd'hui convenu d'appeler arbitrage traditionnel, d'une
part, et d'un droit spécifique organisant un système d'arbitrage autonome sous l'égide de la Cour
commune de justice et d'arbitrage (CCJA), d'autre part19. Dans l'un et l'autre systèmes se pose la question
de l'arbitrabilité de l'exécution provisoire que nous examinerons (1) avant d'envisager, lorsque la mesure
existe, les voies de recours possibles (2).

18
Signalons l'opinion dissidente de M. Alexandre ANABA MBO (article précité, p. 35), qui n'y voit que des «
contradictions regrettables» entre les articles 49 et 172 AUPSRVE.
19
Voir, sur la question, Paul-Gérard POUGOUE, Jean-Marie TCHAKOUA et Alain FENEON, Droit de
l'arbitrage dans l'espace OHADA, PUA, Yaoundé, 2000, n° 21 - 27, pp. 20 -24.

10
1. L'arbitrabilité de l'exécution provisoire

21.- La question de l'arbitrabilité de l'exécution provisoire dans le système OHADA se pose de façon
objective: une décision arbitrale peut-elle être assortie de l'exécution provisoire en OHADA? Les parties
sollicitant un règlement amiable de leur différend peuvent-elles compromettre sur le principe de
l'exécution provisoire?
La seconde interrogation participe de l'essence même de l'arbitrage en tant que système de justice
conventionnelle à assiette conventionnée; il ne fait pas de doute que les parties litigantes peuvent décider
de faire rentrer ou non la possibilité de l'exécution provisoire dans le champ de leur contentieux. La
première, qui trouve aisément sa réponse dans l'arbitrage traditionnel (a), devient plus que problématique
dans l'arbitrage CClA (b).

a) L 'arbitrabilité de l'exécution provisoire dans l'arbitrage traditionnel


22.- Le droit commun de l'arbitrage relève principalement de l'Acte uniforme OHADA du Il juin 1999
relatif au droit de l'arbitrage (AUA), complété par les textes nationaux applicables, qu'ils soient
Antérieurs ou postérieurs à l'Acte20; et, lorsqu'il est institutionnel, des règlements des organismes
concernés.

23.- Aux termes de l'article 24 AUA, « les arbitres peuvent accorder l'exécution provisoire à la sentence
arbitrale, si cette exécution a été sollicitée, ou la refuser par une décision motivée ».
L'article 34.3 du règlement d'arbitrage du Groupement Inter Patronal du Cameroun (GICAM)
prévoit quant à lui que le « tribunal peut prononcer, s’il l'estime justifié ... même d'office, l'exécution
provisoire de la sentence, nonobstant toutes voies de recours auxquelles les parties n'ont pu renoncer»
La possibilité d'exécution provisoire d'office instituée dans l'arbitrage GICAM est-elle contraire à
l'exigence de demande préalable par les parties consacrée par l'AUA? Une doctrine autoriséé21 répond
par l'affirmative, ce qui exclut la possibilité pour l'arbitre d'assortir, de sa propre autorité, sa sentence de
l'exécution provisoire.
En tout état de cause, le principe est que l'arbitre saisi d'une demande d'exécution provisoire doit
l'ordonner ou, exceptionnellement, motiver son refus; il s'agit donc d'une exécution provisoire facultative
dont les cas d'ouverture et l'opportunité sont laissés à l'appréciation des arbitres.
20
Gaston KENFACK DOUAJNI, «L'état actuel de l'OHADA », connnunication présentée devant le Conseil des
Ministres réuni les 17 et 18 octobre 2003 à Libreville (Gabon), in Rev. cam. arb., n° 22, juil.-sept. 2003, spéc. p.5.
21
Paul-Gérard POUGOUE et alii, , ouvrage précité, n° 232, p. 210.

11
24.- Traditionnellement, une décision arbitrale a besoin, pour bénéficier de la force exécutoire, d'une
onction judiciaire appelée exequatur. Aussi le prononcé de l'exécution provisoire n'autorise-t-elle
bénéficiaire de la sentence à en poursuivre l'exécution forcée que pour autant que son titre aura été
exequaturé.
L'article 28 (1) AUA dispose que le recours en annulation contre une sentence arbitrale assortie de
l'exécution provisoire n'en suspend pas l'exécution. Dès lors, le bénéficiaire d'une telle sentence peut en
poursuivre, à ses risques et périls, l'exécution même forcée. Il devra cependant, en cas de modification
ultérieure de la sentence, réparer intégralement le préjudice causé par l'exécution précoce, « sans qu'il y
ait lieu de relever de faute de sa part ».

b) L 'arbitrabilité de l'exécution provisoire dans le système d'arbitrage de la CCJA


25.- Le système arbitral spécifique de la CCJA est organisé par le Titre IV du Traité de Port-Louis du 17
octobre 1993, ainsi que le Règlement d'arbitrage de la CCJA22. Ces textes sont restés muets sur la
possibilité d'octroi de l'exécution provisoire et sur l'effet suspensif ou non du recours en contestation de
validité de la sentence arbitrale.

26.- Certes, on peut aisément concevoir que malgré son caractère original, le recours en contestation d_
validité, unique voie de recours ordinaire ouverte contre les sentences arbitrales, produit un effet
suspensif d'exécution. Au demeurant, l'article 30.3 du Règlement d'arbitrage de la CCJA prévoit que
l'exequatur n'est pas accordé à la sentence si une contestation de validité est introduite contre elle. Mais
l'on sait que l'objectif de l'exécution provisoire est précisément de conjurer cet effet suspensif. Deux
questions d'importance interpellent alors instamment le processualiste.
D'une part, qu'arrivera-t-il si la requête en contestation de validité, bien qu'introduite dans le délai
légal (2 mois à dater de la notification de la sentence) est déposée après la délivrance de l'exequatur? On
peut bien se trouver en présence de deux parties dont l'une requiert l'exequatur en s'abstenant de notifier
la sentence (obligation ne lui en est pas faite) et l'autre, qui a même formé sans succès opposition à
l'ordonnance d'exequatur, ne choisit que ce moment pour engager la procédure de contestation de
validité, théoriquement recevable.
MM. Paul-Gérard Pougoué, Jean-Marie Tchakoua et Alain Fénéon distinguent selon que

22
22 Christophe IMHOOS et Gaston KENFACK DOUAJNI, «Le règlement d'arbitrage de la CCJA »,
RDAI/IBLJ,n° 7. 1999. DD. 825 s.

12
l'exequatur délivré est susceptible d'opposition ou pas:
- dans la première hypothèse, ils affirment que l'ordonnance d'exequatur étant exécutoire par
provision, parce que c'est une ordonnance, l'exécution ne sera pas suspendue et qu'en pareille
circonstance la voie de contestation de validité est fermée23. Le créancier de l'exécution qui mobilise son
titre engagera sa responsabilité au cas de rétractation ultérieure de l'exequatur accordé;
- dans la seconde hypothèse où l'exequatur n'est plus susceptible d'opposition, ces auteurs pensent
qu'il n'y a plus de recours possible et que l'exécution doit être poursuivie, car « la voie de contestation de
validité vise la sentence avant tout exequatur »24.
D'autre part et dans le silence des textes, est-il permis aux arbitres d'ordonner l'exécution
provisoire de leurs sentences? Répondre positivement reviendrait à affirmer deux choses: l'une serait de
réaffirmer que le délai et l'exercice du recours en contestation de validité sont suspensifs; l'autre tendrait
à reconnaître aux arbitres le pouvoir de neutraliser ce principe suspensif et donc de permettre la
délivrance de l'exequatur qui conférerait à la sentence la force exécutoire en dépit du recours dont elle
est frappée.
La première affirmation ne pose pas de problème, comme déjà signalé ci-dessus, en tout cas aussi
longtemps que la sentence n'est pas exequaturée. La seconde heurte de front les dispositions de l'article
30.3 du Règlement d'arbitrage de la CClA, qui interdisent au président de la Cour commune de délivrer
l'exequatur lorsque la juridiction supranationale est saisie d'une demande en contestation de validité.
C'est pourquoi revenant un peu sur le raisonnement analogique qui l'avait conduit à affirmer qu'il est
probable que l'exercice du recours en contestation de validité est suspensif d'exécution sauf exécution
provisoire25, le Professeur Paul-Gérard Pougoué constate qu'une éventuelle exécution provisoire
prononcée par les arbitres serait sans portée pratique et qu'à tout considérer, il faut comprendre que le
système d'arbitrage de la CClA n'admet pas la possibilité d'exécution provisoire26.

2. Le recours contre l'exécution provisoire de la sentence arbitrale

27.- Si l'on reconnaît que l'exécution provisoire n'a pas été voulue dans le système d'arbitrage de la
CCJA, il faudrait admettre que la question des voies de recours ouvertes contre la mesure concerne

23
Ouvrage précité, n° 307 in fine, p. 284
24
L'expression est de Jean-Pierre ANCEL, «Le contrôle de la sentence arbitrale », communication au colloque de
Yaoundé sur « L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique », p. 6.
25
Paul-Gérard POUGOUE, «Le système d'arbitrage de la CCJA », communication au colloque de Yaoundé sur
« L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique », p. 16.
26
Ouvrage précité, n° 307, p. 283.

13
uniquement le système classique d'arbitrage. En la matière, le malaise récemment entretenu dans la
détermination du juge de l'exequatur (a) rejaillit sur l'office du magistrat chargé du contrôle de
l'exécution provisoire (b).

a) Malaise dissipé dans la détermination du juge de l'exequatur


28.- A la différence de l'arbitrage spécifique de la CCJA, pour lequel le président de ladite Cour est
expressément désigné pour délivrer l'exequatur des sentences régulières, l'article 30 AUA relatif à
l'arbitrage traditionnel dispose que « la sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en
vertu d'une décision d'exequatur rendue par le juge compétent dans l'Etat partie ».
Ne discutons pas de l'opportunité de la compétence territoriale refusée en droit camerounais au
juge du lieu où la sentence est rendue, ni de celle accordée au juge du locus executionis ou même, le cas
échéant, du domicile du défendeur227.
Ratione quantitatis, la demande d'exequatur s'apparente à une demande indéterminée qui, en tant
que telle, n'est pas expressément dévolue à une juridiction particulière, dans notre système de droit
national tout au moins28.
Sur le plan matériel, la loi communautaire ne précise pas le juge compétent pour accorder
l'exequatur, et en laisse donc le soin aux différents législateurs nationaux. Le Professeur Pierre Meyer
relève qu'avant l'AUA, cette compétence était tenue en Côte d'Ivoire par le président du tribunal de
première instance statuant en matière de référé, et au Sénégal par le président du tribunal régional
statuant par ordonnance sur requête, mais souvent en référé lorsqu'il s'agissait d'un arbitrage de droit
international privé29.
Au Cameroun, l'article 593 du code de procédure civile et commerciale confiait cette mission au
président du tribunal de première instance et, exceptionnellement, lorsque les parties avaient compromis
sur l'appel, au président de la cour d'appel. Ces magistrats statuaient par voie d'ordonnance sur requête.
Avec l'Acte uniforme, M. Kenfack Douajni avait souhaité que cette compétence fût confiée au juge des
référés30. Plus affirmatif, M. Tchagam Valère avait écrit que « le juge compétent au Cameroun sera... le
président du tribunal de première instance statuant en matière de référé »31. En dépit de ces vœux, la

27
Voir la loi n° 2003/009 du 10 juillet 2003 désignant les compétences visées à l'Acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage et fixant leur mode de saisine, Juridis Périodique, n° 55, juil.-sept. 2003, p. 58.
28
Paul-Gérard POUGOUE, Venant TCHOKOMAKOUA et François ANOUKAHA, commentaire de la loi n°
89/019 du 19 décembre 1989, Juridis Info n° 2, p. 10.
29
Pierre MEYER, commentaire sous article 30 AUA, in OHADA, Traité et Actes uniformes commentés et
annotés, Juriscope, 2e éd., 2002.
30
Gaston KENFACK DOUAJNI, «L'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage dans le cadre du Traité OHADA
», Rev. cam. arb., n° 5, p. 8.
31
Maxime Valère TCHAGAM TCHIADJE, Le rôle du juge étatique dans l'arbitrage OHADA, mémoire A.J.,

14
doctrine majoritaire approuvait la jurisprudence des tribunaux de première instance dont les présidents
continuaient à accorder l'exequatur par voie d'ordonnance sur requête.
Plus qu'à son habitude, le législateur camerounais s'est démarqué de la léthargie ambiante des Etats
parties32 pour voter la loi n° 2003/009 du 10 juillet 2003, qui met fin aux atermoiements. Désormais, dit
l'article 4(2) de la loi, « le juge compétent visé à l'article 30 de l'Acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage est le président du tribunal de première instance du lieu où l'exécution de la sentence est
envisagé ou, le cas échéant, celui du domicile du défendeur ».

b) Malaise persistant dans l'office du juge chargé du contrôle de l'exequatur

29.- L'article 28 AUA attribue au juge saisi en annulation de la sentence, compétence pour statuer sur le
contentieux de l'exécution provisoire. Le juge visé à l'article 28 est connu en droit camerounais depuis la
loi n° 2003/009 du 10 juillet 2003 : il s'agit de la cour d'appel.
S'il est maintenant certain que la Cour pourra ordonner un « sursis» ou des « défenses» à
l'exécution provisoire, l'on ignore en revanche si sa motivation sera inspirée par des arguments de
légalité ou des considérations d'opportunité. Le législateur africain ne donne aucune orientation. Le juge
d'appel contrôlant l'exécution provisoire décidée par les arbitres va-t-il se prononcer en s'inspirant des
causes d'annulation et des conditions de refus de l'exequatur prévues par les articles 26 et 31 AUA? Si
l'exequatur est déjà accordé, s'appuiera-t-il sur les cas d'ouverture du recours en annulation? La réponse
affirmative fera que le contentieux parallèle de l'exécution provisoire, d'application urgente, se révèle
plus que parasitaire et néfaste pour le principal du litige en annulation.

30.- Il y a même plus. Une situation bien particulière et incommodante peut se présenter: il se peut qu'un
recours en annulation valant recours contre exequatur (art. 32 AUA) soit exercé contre une sentence
exécutoire par provision, dont la demande d'exequatur est encore pendante devant le juge compétent.
Plus concrètement, un plaideur porte devant la cour d'appel un recours en annulation de la sentence
arbitrale alors que l'adversaire, excipant de l'exécution provisoire, saisit ou avait saisi le président du
tribunal de première instance d'une demande d'exequatur.

ENAM. juillet 2000. D. 23.


32
Cette inaction a été décriée par M. KENFACK DOUAJNI dans sa communication précitée au Conseil des
Ministres de l'OHADA.

15
Tirant argument de l'article 32 AUA, le Professeur Meyer33 soutient que l'exercice du recours en
annulation emporte dessaisissement du juge saisi de la demande d'exequatur. Cette conclusion est
pertinente en ce qui concerne une sentence arbitrale non assortie de l'exécution provisoire. Elle aura par
contre la fâcheuse conséquence de paralyser de facto la mobilisation de la sentence exécutoire par
provision et partant, la jouissance du bénéfice de l'exécution provisoire. De la sorte, la sentence arbitrale
assortie de l'exécution provisoire et celle non exécutoire par provision seront traitées sur un pied
d'égalité dès qu'il y a recours en annulation. Pourtant, le législateur a expressément déclaré à l'article 28
AU A qu'il ne souhaitait pas que le recours en annulation suspende par lui-même l'exécution d'une
sentence arbitrale exécutoire par provision.
Pour cette raison, il nous semble que le juge de l'exequatur, qui n'est pas juge de l'exécution
provisoire, doive statuer quand bien même 1a décision exécutoire par provision aurait déjà été déférée
devant la cour d'appel, juge désormais chargé des contentieux de l'annulation, du contrôle de l'exequatur,
et de l'exécution provisoire.
Au demeurant, le dessaisissement évoqué suppose que le juge saisi de la demande d'exequatur
soit informé de l'existence de l'action en annulation, information que seule peut lui fournir la partie qui a
intérêt à paralyser l'exécution. Cela nécessite que cette dernière soit citée devant le juge de l'exequatur,
ce qui commande une procédure contradictoire, laquelle n'est pas prévue en la matière; car, nous l'avons
déjà souligné, le juge de l'exequatur est le président du tribunal de première instance saisi, selon les
termes même de la loi 2003/009, par voie de requête ou par "motion ex-parte". Il rend ainsi une
ordonnance consécutive à une procédure non contradictoire par essence. Dans cette mesure, il va sans
dire que le magistrat saisi de la demande d'exequatur ne sera jamais appelé par le requérant à se dessaisir
de la sollicitation pour cause de recours en annulation.

31.- Toutes ces considérations finalement alambiquées sont autant de motifs d'insatisfaction qui
assombrissent quelque peu le nouveau droit de l'exécution provisoire en OHADA. A bien d'égards, les
raffinements se terminent simplement en problèmes. Le système de remise en cause de l'exécution
provisoire conforte ce constat.

B- La compétence embrouillée des juridictions nationales dans la remise en cause de

33
Commentaire sous article 28 AUA, in OHADA, Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 2e
éd., 2002.

16
l'exécution provisoire

32.- Nous avons déjà dit que l'objectif de l'exécution provisoire est de pallier les inconvenances de l'effet
suspensif des voies de recours. La mesure permet au créancier de l'exécution de rentrer dans son droit en
attendant l'issue des recours engagés. S'il venait à succomber des suites du recours et que la décision s'en
trouve modifiée, il serait appelé à restituer la partie adverse qui a subi l'exécution dans ses droits.
Des querelles s'étaient élevées sur les fondements et l'étendue de la responsabilité du gagnant qui,
profitant de l'exécution provisoire, avait causé du tort à l'autre partie. L'AUPSRVE a tranché en décidant
que « l'exécution [provisoire} est poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre
est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution, sans qu'il y
ait lieu de relever de faute de sa part» (article 32).
Mais il existe des hypothèses dans lesquelles l'exécution de la décision infirmée ou annulée par la
suite peut avoir créé des conséquences irrémédiables: l'exécutant à crédit est dans l'impossibilité de
procéder aux restitutions, les préjudices résultant de l'exécution ne peuvent objectivement recevoir
réparation. Il peut même se trouver que l'exécution provisoire ait été illégalement et inopportunément
prononcée. La responsabilité de toute l'institution judiciaire peut ainsi se trouver en cause. C'est pourquoi
le perdant aura intérêt à éviter dans certains cas l'exécution provisoire, et la justice est bien inspirée à en
conserver le contrôle.

33.- Hormis le cas original des décisions du juge de l'exécution envisagé ci-dessus34, le contrôle et la
remise en cause de l'exécution provisoire relèvent de la juridiction des cours d'appel et de la Cour
suprême. On parle de défenses à exécution devant la cour d'appel (1) et de sursis à exécution devant la
Cour suprême (2), selon une terminologie consacrée en droit camerounais35.

1. Les défenses à exécution devant les cours d'appel sont-elles en sursis?

34.- «La maladie vient au galop, mais elle s'en va à petits pas». Ainsi pourrait-on caricaturer à ce jour
l'état du droit des défenses à exécution dans l'espace OHADA. Rappelons la genèse du problème (1)
avant d'évaluer la thérapeutique en cours (2).

34
Voir n° 17 - 18, supra.
35
Pour une élucidation des nuances sémantiques attachées à ces notions, voir Henri TCHANTCHOU, «Sursis ou
défenses à exécution? L'exécution provisoire revient... », Juridis Périodique, n° 27, 1996, pp. 87 s.

17
a) La naissance du problème

35.- Tout allait relativement bien sur le principe des défenses à exécution jusqu'au jour où, donnant une
lecture à la fois pionnière et courageuse des articles 32, 336 et 337 AUPSRVE, M. Alexandre Anaba
Mbo interpella la conscience judiciaire sur la sortie du droit positif des textes nationaux organisant
l'exécution provisoire et donc les défenses à exécution36.
Les juges ont ignoré cette doctrine, et des réactions extrajudiciaires de tous bords ont fusé. Il était
notamment reproché à cette opinion de ne pas distinguer exécution provisoire et exécution forcée, car
«l'exécution provisoire s'oppose à l'exécution définitive, tout comme l'exécution forcée s'oppose à
l'exécution volontaire ou amiable... », l'exécution provisoire pouvant être forcée ou amiable.
Une querelle vertigineuse s'était ainsi installée. Les uns et les autres s'accordaient cependant sur un
point: la coordination des dispositions du droit uniforme portant sur les voies d'exécution avec les textes
nationaux antérieurs réglementant l'exécution provisoire n'était guère aisée. Devant les divergences
doctrinales, on attendait l'intervention des autorités communautaires et surtout la position de la CClA,
juridiction suprême en charge de l'interprétation commune du droit uniforme.

36.- Et puis, vint le 11 octobre 2001 l'arrêt n° 002/2001, très connu sous le nom "arrêt époux Kamib ".
Les faits de l'espèce étaient d'une simplicité qui contraste avec la densité des interrogations qu'elle a
suscitées. Dans une affaire qui les opposait à la Société Générale de Banques en Côte d'Ivoire, les époux
Kamib avaient obtenu du tribunal de première instance d'Abengourou la condamnation de la Banque au
paiement de sommes d'argent, avec exécution provisoire à hauteur d'un certain montant. Le président de
la cour d'appel d'Abidjan ayant ordonné la suspension de l'exécution provisoire dudit jugement sur le
fondement de textes nationaux, son ordonnance est déférée à la censure de la CClA, qui l'annule.
Cet arrêt d'assemblée plénière, en principe de principe, énonce une solution peu soutenable
théoriquement, mais surtout irréaliste et inadmissible en pratique. L'un des principaux attendus est ainsi
libellé: « Attendu que l'ordonnance attaquée, qui a eu pour effet de suspendre l'exécution forcée
entreprise [...) a, dès lors, violé l'article 32 de l'Acte uniforme susvisé (A UVE) et encourt de ce fait
cassation ».
Ainsi se trouvait consacrée la thèse de ceux qui avaient jusque-là soutenu que l'article 32
AUPSRVE signait l'arrêt de mort des défenses à exécution provisoire, sous la réserve légale du sursis à

36
36 Alexandre ANABA MBO, «La nouvelle juridiction présidentielle dans l'espace OHADA: l'endroit et l'envers
d'une réforme multiforme », Rev. cam. dr. aff. n° 3, pp. 9 s, spéc. pp. 31 -34.

18
l'adjudication des immeubles dont la saisie est engagée sur la base d'un titre exécutoire par provision.
Mais la critique s'est faite plus nombreuse, acerbe, virulente et persistante37, un auteur n'hésitant
pas à qualifier l'arrêt Karnib de singulièrement insolent38. Ces attaques se sont avérées constructives, car
il ne fait point de doute qu'elles sont à l'origine de l'amorce de sortie de crise résultant d'un recul récent
de la jurisprudence Karnib.

b) L'état d'une question lancinante

37.- Dans ses brèves réflexions sur l'arrêt Karnib, M. Onana Etoundi39 commence par circonscrire le
domaine de la question de l'inapplicabilité des défenses à exécution, qu'il a voulu limiter aux seules
décisions du juge de l'urgence statuant en vertu,de l'article 49 AUPSRVE. Il constate alors que l'arrêt
dont s'agit est formel quant à l'inapplicabilité des défenses à exécution et présente une critique en trois
points.
D'abord, l'auteur semble approuver la décision de la CCJA si l'exécution provisoire suspendue
avait été de droit ou était attachée à une décision du juge de l'exécution40. Pour lui, les défenses à
exécution restent de vigueur, mais seulement pour les cas d'exécution provisoire facultative.
Ensuite, il soutient que le verbe «pouvoir» conjugué dans l'article 32 AUPSRVE induit une faculté
non seulement pour le créancier de l'exécution, mais aussi pour les juges, un raisonnement par
hypothèses selon lequel l'exécution provisoire pourrait parvenir ou non à son terme41.
Enfin, il déplore l'inadaptation socio-juridique et économique de la jurisprudence Karnib, qui
renforce les pouvoirs du juge statuant en premier ressort dans ce domaine.

38.- Si les derniers arguments sont pertinents, le premier ne l'est qu'en apparence, car «tout en
consacrant expressément l'exécution provisoire dans certaines dispositions de l'AUPSRVE, le législateur
OHADA s'est en effet gardé d'en fixer le régime général. Ce faisant, il a implicitement, mais
nécessairement laissé aux différents législateurs nationaux le soin d y procéder. De la sorte, c'est à notre
système de droit national qu'il faut se reporter pour la détermination tant des titres exécutoires par
37
IPANDA,« L'arrêt époux Karnib, une révolution? Question d'interprétation », Rev. cam. dr. aff. n° 10, pp. 41 s. ;
Sterling MINOU, «Regard sur l'arrêt Karnib », id., pp. 27 s. ; Félix ONANA ETOUNDI, De l'inapplicabilité des
défenses à exécution provisoire des décisions rendues dans les matières OHADA », id., pp. 11 s. ; Sylvain
SOUOP, «Pour qui sonne le glas de l'exécution provisoire? », note sous l'arrêt Kamib, Juridis Périodique, n° 54,
pp. 102 s.
38
IPANDA, op. cit.
39
Article précité, p. 11.
40
Dans le même sens, Paul EYIKE DALLE,« Du juge des référés au juge de l'exécution », inédit.
41
Il est rejoint sur ce point par d'autres auteurs dont Sylvain SOUOP, note précitée.

19
provision42 que des conditions et moyens de paralysie de l'exécution provisionnelle, en l'occurrence les
défenses à l'exécution provisoire »43. C'est dire que les pouvoirs de suspension de l'exécution provisoire,
que le président de la cour d'appel tient des textes nationaux, ont survécu à la réforme OHADA et
doivent s'exercer à l'égard des décisions rendues par tous les juges du premier degré, sans qu'il y ait lieu
de distinguer selon qu'elles sont exécutoires de plein droit ou seulement assorties d'une exécution
provisoire facultative44, ni même selon qu'elles émanent d'une juridiction ordinaire ou du juge spécifique
désigné par l'article 49 AUPSRVE.

39.- Pour les décisions rendues par les juridictions du premier degré autres que le juge de l'exécution, il
est certain que l'article 32 AUPSRVE n'a pas entendu proscrire tout recours contre la mesure d'exécution
provisionnelle. Ce texte se confine en effet à trancher un vieux débat qui avait cours sur les
conséquences de l'exécution forcée d'un jugement non définitif ultérieurement infirmé45. Il pose que le
gagnant provisoire, qui témérairement entreprend une exécution forcée, le\ fait à ses risques et périls46; il
s'expose à voir sa responsabilité engagée même en dehors de toute faute, si la décision dont il s'est
prévalu venait à être modifiée.
Au demeurant, les juges camerounais s'en sont tenus à cette conception. Aussi les cours d'appel
ont-elles continué sereinement leurs audiences de défenses à exécution, octroyant ou rejetant la mesure
sans jamais asseoir leurs décisions sur le raisonnement de l'arrêt époux Karnib47.

39 bis.- Certainement consciente de la fragilité de la base de l'arrêt Karnib et sensible aux cris d'orfraie
que cette décision a provoqués en doctrine, la CCJ A a commencé à lâcher du lest. Par son arrêt n°
013/2003 du 19 juin 2003 (SOCOM SARL ci SGBC), elle se déclare incompétente à statuer sur le

42
Sous la réserve des décisions du juge de l'exécution, dont on a vu que l'exécution provisoire découlait
directement du droit communautaire lui-même.
43
Alexis NDZUENKEU, Le contentieux des saisies mobilières au Cameroun depuis la réforme OHADA,
mémoire de DEA en Droit- Université de Yaaoundé II, mai 2001 n° 135 s.
44
L'interprétation a contrario de l'article 4 (2) de la loi n° 92/008 modifiée autorise en effet la cour d'appel à
suspendre même l'exécution provisoire de droit, si la demande de défenses à exécution présentée par l'appelant n'a
pas « un caractère manifestement dilatoire ». On peut, certes, discuter de la pertinence de cette disposition par
laquelle le législateur reprend d'une main ce qu'il avait donné de l'autre, en ruinant au passage une part importante
de l'économie de la distinction entre l'exécution provisoire facultative et l'exécution provisoire de droit. Mais ce
débat interpelle, en l'état de notre droit positif, seulement des considérations d'opportunité et de choix de politique
législative, et non de juridicité...
45
Voir, à ce sujet, André MAYER-JACK, «Les conséquences de l'exécution d'un arrêt ultérieurement cassé »,
JCP 1968.1.2202.
46
André TOULEMON, «La responsabilité du plaideur triomphant et téméraire », JCP 1968.1.2182.
47
C.A. Yaoundé, arrêts n° 80/DE du 16 janv. 2004, Voundi Ondoua c/ Eboko Ngindje, inédit; 120/DE du 05 mars
2004, Sté Bubinga S.A. c/ Pokam Feze, inédit; 14/DE du 19 mars 2004, SOCOPAO c/ SCI Frères Réunis, inédit.

20
pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt portant défenses à exécution, l'arrêt querellé n'ayant pas « eu
pour objet de suspendre une exécution forcée déjà engagée, mais plutôt d'empêcher qu'une telle
exécution puisse être entreprise sur la base d'une décision assortie de l'exécution provisoire et frappée
d'appel ». Autrement dit, la Cour aurait censuré l'arrêt déféré, l'exécution forcée eût-elle été engagée.
La prémonition de M. Sterling Minou s'est donc réalisée. Cet avocat faisait remarquer au
lendemain de l'arrêt Karnib qu'il était simplement impossible pour le juge des défenses de suspendre
l'exécution entamée d'un titre exécutoire par provision et qu'en l'absence de tout commencement
d'exécution les défenses seraient recevables.
Il apparaît ainsi qu'avec l'arrêt du 19 juin 2003 l'acceptation de l'office du juge des défenses à
exécution sera le prix de la course: la requête du perdant diligent qui aura saisi la cour d'appel avant tout
commencement d'exécution sera recevable, au contraire de celle du plaideur malheureux qui aura laissé
le créancier amorcer l'exécution48.

39 ter.- A vrai dire, cette solution, qui à notre sens demeure distante de l'esprit de l'article 32 AUPSRVE,
est une fuite en avant. Elle risque d'engager des joutes supplémentaires sur la notion de commencement
d'exécution: le commencement est-il juridique ou matériel ? La notification-commandement marque-t-
elle un commencement d'exécution 749 Faudrait-il nécessairement qu'une saisie soit pratiquée pour
parler de commencement d'exécution 49 ?Qu' adviendra-t-il lorsque la saisine du juge des défenses et le
commencement d'exécution seront concomitants, le débiteur se trouvant par exemple en diligence au
greffe pendant que l'huissier est en train de saisir entre les mains d'un banquier, de tout autre tiers ou
même dans ses bureau et domicile ?
Avec l'arrêt SOCOM SARL ci SGBC, le droit à la procédure des défenses dépendra finalement de

48
Se pose alors la question de savoir si la Haute Cour communautaire a entendu insinuer qu'une fois l'exécution
forcée engagée, la requête aux fms de défense (qui vise un sursis aux poursuites d'exécution) s'apparente à une
difficulté d'exécution relevant de la compétence exclusive du juge de l'exécution. Si telle était sa conception, on
pourrait tout aussi bien lui opposer que « suspendre l'exécution provisoire d'un jugement n'est pas à proprement
parler trancher une difficulté d'exécution, mais priver une décision revêtue de l'autorité de chose jugée d'un effet
voulu par son auteur ». Le juge de l'exécution ne pouvant par ailleurs paralyser l'exécution provisoire d'un
jugement dès lors qu'il est dépourvu du pouvoir de remettre en cause dans son contenu ou dans son principe le
titre exécutoire servant de fondement aux poursuites (V., dans ce sens, Alexis NDZUENKEU, mémoire précité,
nOs 193 - 196), l'arrêt du 19 juin 2003 aboutit en définitive à prohiber toute mesure de continence contre
l'exécution provisoire du titre judiciaire une fois les poursuites d'exécution commencées.
49
49 Dans l'arrêt Karnib, la Haute juridiction communautaire a jugé que l'exécution forcée était déclenchée par la
signification d'un commandement de payer, au rebours de la solution consacrée par une jurisprudence ancienne,
qui ne voit dans le commandement qu'un acte préparatoire à l'exécution (Cass. civ., 2 mai 1854, D.P. 1854, 1,
227; Cass. req. 8 fév. 1933, S. 1933, l, 131 ; Civ. 1ère 15 déco 1958, Bull. civ. I, 563). Sur la nature juridique du
commandement, Alexis NDZUENKEU, note sous C.A. Ngaoundéré, arrêt n° 04/CIV du 11 novembre 1999,
BICEC c/ Me Kamwa François et Me Youssoufou Ibrahim, in Revue Juridique et Politique des Etats
Francophones, 2003-4, pp. 491 - 506, spéc. n° 20 - 22.

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qui a pu obtenir le premier la copie (grossoyée ou expédiée selon le cas) de la décision exécutoire par
provision. Cela relève des opérations courantes de greffe, et non. de la technicité juridique. C'est dire
qu'en l'état actuel de la jurisprudence de la CCJA, le sort d'un plaideur peut être tributaire de l'humeur ou
des manœuvres de l'agent du greffe qui sera inspiré à délivrer en priorité le jugement à tel plaideur plutôt
qu'à tel autre.

40.- S'agissant des ordonnances rendues par le juge du contentieux de l'exécution, nous avons démontré
qu'elles sont en principe de plein droit exécutoires par provision50, sauf les aménagements introduits par
l'Acte uniforme lui-même. Certains auteurs51 ont soutenu que l'exécution provisoire attachée à ces
décisions échappait au contrôle de la cour d'appel, ce qui, on l'a vu52, est largement discutable. On ne
saurait même tirer argument de la spécificité du juge de l'exécution, juge exclusif des difficultés
d'exécution, pour éluder la compétence de la cour d'appel en la matière sauf à assimiler la suspension de
l'exécution provisoire au règlement d'une difficulté d'exécution, ce qui, on l'a également souligné, est
semblablement critiquable. Au surplus, faire défense à la cour d'appel de se prononcer sur l'exécution
provisoire attachée aux ordonnances du juge du contentieux de l'exécution reviendrait à transférer
indirectement à celui-ci, juge du premier degré, une prérogative dont la loi elle-même a investi la cour
d'appel en matière de contrôle de l'exécution provisoire. La décision sur l'exécution provisoire,
insusceptible de recours - alors même que l'ordonnance du juge de l'exécution est sujette à appel - serait
en fait rendue en premier et dernier ressort. On conçoit difficilement une telle solution, qui à la vérité
instituerait une véritable dérogation à la règle du double degré de juridiction.
Nous ne pouvons donc qu'approuver M. Daniel Mekobe Sone53 et les chefs des cours d'appel54
d'avoir admis que la loi n° 92/008 du 14 août 1992" était applicable aux décisions du juge du contentieux
de l'exécution.
Deux situations méritent alors d'être distinguées:
- si le juge de l'exécution a refusé ou neutralisé l'exécution provisoire, la cour ne peut, en l'état
actuel du droit camerounais, revenir sur la mesure pour l'ordonner55 ;

50
N° 17 - 18, supra.
51
Paul EYIKE DALLE, op. cit. ; Felix ONANA ETOUNDI, op. cit.
52
Voir n° 38, supra, spéc. note 44.
53
«L'application de l'Acte uniforme OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution
», exposé présenté à la réunion des chefs de cours d'appel tenue à Yaoundé du Il au 13 juillet 2001, inédit.
54
Conclusions de la réunion des chefs des cours d'appel des Il, 12 et 13 juillet 2001, inédit.
55
Henri TCHANTCHOU, «Le contentieux de l'exécution et des saisies dans le nouveau droit OHADA », Juridis
Périodique, n° 46, 2001. p. 105.

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- si par contre le juge a assorti son ordonnance de l'exécution provisoire, le plaideur malheureux
peut solliciter devant la cour d'appelles défenses à exécution. Il en sera de même lorsque l'ordonnance ne
fait aucune mention de l'exécution provisoire, la décision étant de plein droit exécutoire par provision
(sous la réserve légale de celle statuant sur une saisie attribution de créances).

2. Le sursis à exécution est-il menacé de caducité?

41.- La question du sursis à exécution devant la Cour suprême procède de deux recours: le recours sur
pourvoi d'ordre contre l'arrêt portant sur les défenses à exécution (a), d'une part, et les demandes de
sursis à l'exécution immédiate des arrêts de fond faisant l'objet d'un pourvoi (b), d'autre part.

a) La suspension définitive de l'arrêt portant sur les défenses à exécution

42.- Il faudrait rappeler qu'en ce qui concerne les matières OHADA, la position actuelle de la CCJA veut
que la possibilité des défenses à exécution ne soit ouverte que lorsque l'exécution forcée du titre
exécutoire à titre provisoire n'est pas entreprise.
Et lorsque la cour d'appel a statué, l'article 4 (7) de la loi camerounaise n° 92/008 du 14 août 1992
dispose que la décision accordant ou rejetant les défenses à l'exécution provisoire ne peut faire l'objet
que d'un pourvoi d'ordre. Ce pourvoi d'ordre, exceptionnellement suspensif en la matière, est prévu à
l'article 6 (b) de l'ordonnance n° 72/06 du 26 août 1972 selon lequel tout acte juridictionnel devenu
définitif et entaché de violation de la loi peut, d'ordre du Garde des Sceaux, être déféré à la Cour
suprême du Cameroun par le procureur général près ladite Cour. La cassation intervenue à la suite d'un
tel pourvoi produit des effets à l'égard de toutes les parties.

43.- Le jeu de l'accord ou du rejet entre les défenses et le sursis à l'exécution provisoire prend la forme
d'un diagramme de Wenn :
- si la cour d'appel accorde les défenses, et la Cour suprême le sursis à l'exécution de l'arrêt de
défenses, l'exécution provisoire attachée au jugement doit être mobilisée. Il en sera de même en cas de
rejet des défenses et rejet de la demande de sursis;
- l'exécution provisoire du titre d'instance sera par contre paralysée lorsqu'il y aura rejet des
défenses à exécution et accord du sursis, ou lorsque la cour d'appel accordera les défenses et la Cour
suprême rejettera la sollicitation de sursis.
Pour faire l'économie de ce travail de logique mathématique et considérant les impératifs de temps,

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la Cour suprême, lorsqu'elle casse et annule l'arrêt de défenses, ne manque pas de se prononcer sur la
légalité ou l'opportunité de l'exécution provisoire. Elle statue ainsi même dans des hypothèses où l'octroi
des défenses à exécution relève d'une appréciation des faits et circonstances de la cause. Parce qu'elle
juge ainsi le fond de l'exécution provisoire, on a pu se poser la question de savoir si la Cour suprême
était à l'occasion devenue un deuxième ou un troisième degré de juridiction56.
Par cette technique de cassation sans renvoi, La Cour suprême locale se rapproche de ses sœurs
d’Abidjan qui elles, apparaissent souvent comme de véritables juridictions de fond57.

b) Le sursis à l'exécution immédiate des décisions de dernier ressort

44.- Les décisions non susceptibles d'appel rendues par les juridictions camerounaises sont
immédiatement exécutoires. Il en est ainsi parce que le pourvoi n'est pas suspensif d'exécution58.
Cette exécution immédiate, antérieure à l'exercice ou à l'issue du pourvoi, peut donc être qualifiée
de provisoire en ce sens qu'une cassation ultérieure du jugement peut déboucher sur la modification des
droits des parties. Le perdant en dernier ressort, provisoire, peut ainsi subir des dommages souvent
irréversibles. Aussi l'exécution hic et nunc peut-elle s'avérer inopportune, périlleuse ou fâcheuse. C'est
pourquoi le sursis à exécution, système de remise en cause de l'exécution immédiate, a été conçu. Son
régime actuel varie selon que l'on se situe au plan national ou régional.
Au niveau local, l'article 5 (1) de la loi n° 92/008 du 14 août 1992 est clair et non équivoque: « la
partie qui succombe en appel ou devant une juridiction statuant en premieret dernier ressort et qui a
formé un pourvoi devant la Cour suprême peut, par simple requête au président de ladite Cour, faire
suspendre l'exécution de la décision attaquée».
Dans les matières OHADA et au niveau régional, l'article 16 du Traité de Port-Louis énonce que la
saisine de la CCJA n'affecte pas les procédures d'exécution, ce qui est la traduction du principe classique
selon lequel le pourvoi en cassation ne suspend pas l'exécution des décisions rendues en dernier ressort.
En revanche, les textes communautaires ne se prononcent pas explicitement sur la possibilité de solliciter
auprès de la Cour ou de son président le sursis à l'exécution des décisions rendues en dernier ressort par
les juridictions nationales d'instance ou d'appel, lorsque celles-ci sont frappées de pourvoi devant la
Haute juridiction communautaire. Le Professeur Paul-Gérard Pougoué en a déduit que les règles internes
relatives au sursis à l'exécution étaient inapplicables59.
56
Pour une étude approfondie sur la question, Hemi TCHANTCHOU, mémoire précité, pp. 75 s.
57
En cas de cassation, la Cour suprême de Côte d’Ivoire et la CCJA évoquent et statuent sur le fond.
58
Des exceptions existent cependant en matière pénale et d'état des personnes.
59
Paul-Gérard POUGOUE, Présentation générale et procédure en OHADA, P.u.A., Yaoundé, 1999, p. 16.

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45.- S'il est vrai que le droit africain dans sa quête de célérité judiciaire manifeste une défiance
compréhensible pour les procédures tendant à paralyser l'efficacité des titres exécutoires, il est tout de
même étonnant qu'il ait gardé le silence sur la possibilité de surseoir à l'exécution immédiate des
décisions faisant l'objet d'un pourvoi devant la CCJA. Il eût été judicieux de conférer ce pouvoir à un
magistrat de cette Cour, son président peut-être, en lui insufflant l'esprit de n'user de cette faculté qu'avec
la plus grande circonspection.
Cette omission est d'autant plus troublante que l'article 46 du Règlement de procédure de la CCJA
a prévu qu'une ou plusieurs demandes de sursis à l'exécution forcée peuvent être présentées au président
de la Cour, contre les décisions de celle-ci.
Pour dire vrai, le droit OHADA n'a pas bien fait d'abandonner l'opportunité de l'exécution forcée
d'une décision de dernier ressort susceptible ou objet de pourvoi devant la CCJA à la seule volonté du
gagnant national. Il méconnaît ce faisant la crainte légitime que peut inspirer au plaideur malheureux,
l'exécution de la décision par un gagnant provisoire vicieux ou même notoirement insolvable.
En attendant une intervention législative ou un éclairage jurisprudentiel sur la question, l'on songe
déjà à l'embarras que pourrait causer un plaideur astucieux qui, saisissant à dessein la Cour suprême
locale d'un pourvoi, présenterait une demande de sursis au président de ladite Cour en espérant que ce
magistrat, tirant argument de l'existence du pourvoi, statuerait sur la demande de sursis, quitte à ce que la
Cour se déclare incompétente sur le fond d'initiative ou sur déclinatoire des parties, et renvoie la
demande de cassation devant la CCJA en application de l'article 15 du Traité OHADA.

CONCLUSION

46.- Pour être limitée à la matière civile et commerciale, l'apport des Actes uniformes OHADA au
droit camerounais de l'exécution provisoire des décisions de justice n'en est pas moins significatif. Il
confirme la complexité de la matière et, surtout, révèle que l'exécution provisoire est aujourd'hui
irréductible à un archétype. S'abreuvant désormais à des sources communautaires complétées par des
normes de droit interne dont la coordination avec les premières ne va pas toujours sans difficulté, le
nouveau régime de l'exécution provisoire demeure, à maints égards, insaisissable et à tout le moins
composite.

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