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T E C H N I Q U E

Le syndrome
myofascial douloureux
Points Trigger Myofasciaux
1ère partie

1 - Historique
Au cours du siècle dernier, le progrès dans la compréhension de
la douleur myofasciale fut lent. Des noms différents furent utilisés
Jan De Laere
pour désigner la même pathologie et le SMD fut certainement
PHYSIOTHÉRAPEUTE
THÉRAPEUTE MANUEL
confondu avec d´autres états de douleur ou d´hypersensibilité
DIRECTION TMNO musculaires comme la myogélose, la fibrosite et le rhumatisme
(THÉRAPIE MANUELLE
NEURO-ORTHOPÉDIQUE) musculaire.

Sa collaboration, plus tard avec David


Simons, fut très fructueuse. Depuis une
dizaine d’années, c'est ce dernier qui, avec
d'autres personnes comme Siegfried Mense
et C-Z Hong donne au sein du International
Myopain Society (IMS) une impulsion
importante à l'objectivation du SMD.

2 - Terminologie
Le syndrome myofascial douloureux - SMD
(figure 1) est une perturbation fonctionnel-
le, douloureuse et réversible de l'appareil
locomoteur dont l'origine se situe et se
maintient dans un ou plusieurs points trig-
ger myofasciaux.

Syndrome Myofascial Douloureux

Douleur
Faiblesse musculaire
En 1938, Kellgren par son travail expéri-
mental mettait en évidence l'existence de
Restriction de mobilité
…le SMD est une perturbation
la douleur référée provenant des structures
dont l'origine se situe myofasciales. C'est Janet Travell, qui depuis Phénomènes neurovégétatifs
les années quarante et pendant toute sa vie
dans un ou plusieurs points
a oeuvré le plus pour faire accepter et Figure 1 :
trigger myofasciaux… reconnaître le concept des points trigger Syndrome myofascial douloureux
myofasciaux par le monde médical.
(SMD)

N°23 - PROFESSION KINÉSITHÉRAPEUTE 19


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Le syndrome myofascial douloureux


Points Trigger Myofasciaux
la suite d'une surcharge musculaire aiguë
Points Trigger Myofasciaux ou chronique, un traumatisme par exem-
ple, les nocicepteurs sont stimulés et des
substances neurovaso-actives sont libérées.
PTrM primaire PTrM associé
La dysfonction au niveau de la jonction
neuromusculaire provoque à l'état de repos
une libération excessive et continue d'acé-
PTrM latent PTrM secondaire tylcholine au niveau de la fente synapti-
que et cela engendre de nombreux petits
PTrM actif PTrM satellite
potentiels de plaque en l'absence de toute
stimulation nerveuse. Ces potentiels sont
infraliminaires et de trop faible amplitude
Figure 2 : Figure 3 : pour entraîner la contraction musculaire.
Points Trigger Myofasciaux - PTrM Plaque motrice et axone du neurone
moteur La dépolarisation maintenue de la mem-
brane post-synaptique de la fibre musculai-
Un point trigger myofascial ou point-déten- L'adénosine triphosphate (ATP) et le cal- re qui en résulte, peut être à l'origine d'une
te est une zone très sensible, douloureuse cium libre activent les têtes de myosine, libération continue et d'une résorption ina-
ou hyperirritable, d'une grandeur de quel- qui tirent alors sur les filaments d'ac- déquate des ions de Ca dans le réticulum
ques millimètres, localisée dans un muscle tine. Ce glissement raccourcit le sarco- sarcoplasmique local. Cela entraîne un
strié ou dans son fascia. Très souvent mère et entraîne la contraction musculaire. raccourcissement continu des sarcomères
présent sous forme latente, le point-gâchet- Normalement, le calcium libre est rapide- situés en-dessous de la plaque motrice
te provoque une raideur ou une restric- ment récupéré par le réticulum sarcoplas- terminale et finalement une contraction
tion de mobilité lors d'activités normales. mique. Le retour du calcium termine la locale permanente s'installe.
Une fois activé, il engendre une douleur, contraction de la fibre musculaire.
une faiblesse musculaire et parfois même Toutes ces actions demandent de l'éner-
d'autres symptômes tels : un tinnitus, un gie. La contracture des fibres musculaires
larmoiement ou une perte d’équilibre. Les 4 - Pathogenèse comprime les vaisseaux sanguins, dimi-
PTrM associés se développent dans le mus- nuant ainsi l'apport nutritif et d'oxygène,
Aujourd'hui, la recherche scientifique c'est ainsi que, s'opposant à la nécessité
cle agoniste se substituant au muscle qui
concernant la compréhension globale des d'énergie, une crise d'énergie locale s'ins-
contient le PTrM primaire, dans l'antago-
PTrM se développe au niveau internatio- talle. Cette crise conduit probablement de
niste s'opposant à la tension de ce muscle,
on les appelle dans ce cas PTrM secondai- nal. Dans l'hypothèse concernant la genèse nouveau à la libération de substances neu-
res. Dans un muscle situé dans la zone de des points-détente, l'hypoxie presque totale rovaso-actives qui influencent les fibres
douleur référée du PTrM primaire, il s'agit des cellules musculaires semble être au nerveuses locales et pourrait contribuer à
alors de PTrM satellites (figure 2). centre de toutes les actions (figure 4). A la libération excessive d'acétylcholine au

3 - Physiologie de l'action Lésion des fibres


musculaires
Rupture partielle du réticulum sarcoplasmique

musculaire
Dysfonction de la plaque motrice terminale

Chaque fibre musculaire (cellule muscu- Activation et sensibilisation Libération des substances
Dysfonction de
laire) renferme environ 1000 à 2000 myo- des nocicepteurs neurovasoactives
la pompe à calcium
fibrilles. Chaque myofibrille contient des
Déficit d´ATP
sarcomères, placés en série. Le sarcomère
Hypoxie
est l'unité contractile de base du muscle locale
Oedème local
squelettique, il est composé d'un grand
nombre de myofilaments, d'actine et de
myosine. L'influx nerveux arrive au niveau Stase veineuse Ischémie locale Cordon musculaire
PTr myofascial
de la terminaison axonale du neurone
moteur et déclenche la libération du neu-
Tonus musculaire
rotransmetteur, l'acétylcholine qui diffuse à augmenté
travers la fente synaptique. Il déclenche un Dysfonctions vasculaires
potentiel d'action musculaire qui se pro- périphériques
Facteurs
page le long de la membrane de la cellule d´entretien
Dy sfonctions articulaires
Neuropathies
musculaire et libère les ions de Ca, retenus
dans le réseau tubulaire du réticulum sar-
coplasmique (figure 3). Figure 4 : Pathogénèse des points trigger myofasciaux

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niveau de la plaque motrice. Cette cas-
cade de phénomènes crée un cercle vicieux
une stimulation mécanique par puncture
du PTrM, palpation transversale, contrac-
6 - Douleur référée
engendrant l'apparition d'un cordon mus- tion ou mise en tension. Cette réaction est ≥ Ressentie comme une douleur sourde,
culaire, d'une sensibilité exquise et locale la plus spécifique du syndrome myofascial mal localisée et profonde,
dans la zone trigger et d'épiphénomènes douloureux, mais en même temps la plus ≥ s e présente parfois sous forme de pares-
neurovégétatifs. A ce jour, la localisation du faible au niveau de l'intertesting. Elle ne thésies, de picotements, de sensations
PTrM dans le muscle et son activité électro- peut pas être confondue avec une réac- brûlantes : c'est le cas pour les muscles
myographique n'est pas encore élucidée. tion corporelle et/ou verbale du patient au platysme, trapèze partie inférieure et
Dernièrement, on a pu mettre en évidence, moment de la palpation et dépend de la sartorius,
grâce à des mesures électromyographiques, force et la durée de la palpation.
un signal spécifique qui pourrait devenir ≥ s ouvent unilatérale, du même côté que
un excellent moyen diagnostique. La thèse 4 > Douleur référée (anglais : « referred le PTrM,
soutenant que le signal électromyographi- pain ») : située plus ou moins à distance ≥p
 arfois bilatérale : pour les muscles
que trouve son origine dans la contraction selon un schéma correspondant au PTrM, droit de l'abdomen et sternal,
des fibres intrafusales innervées par le documentée dans les monographies de
sympathique, de David Hubbard, s'oppose Janet Travell et David Simons. Les zones
≥p
 arfois traversant la ligne médiane :
à celle de la plaque motrice terminale de pour les muscles sterno-cléido-mas-
de douleur référée sont, tout comme la
David Simons. toïdien (partie claviculaire) et oblique
localisation des PTrM, constantes chez un
externe de l'abdomen,
individu mais variables d'un individu à
l'autre. ≥ très éloignée et surprenante pour les
5 - Caractéristiques muscles sterno-cléido-mastoïdien (par-
5 > Restriction de la mobilité active et tie sternale), trapèze (partie supérieure),
cliniques des PTrM passive : en phase aiguë, la limitation du scalènes, dentelé supéro-postérieur et
Les symptômes peuvent varier d’une rai- mouvement est souvent liée à la perception petit fessier,
deur, une restriction de mobilité, un affai- de douleurs, qui induit chez le patient une
≥p
 eu éloignée pour les muscles masséter
blissement ou une fatigue musculaire, une appréhension à réaliser certains mouve- (figure 5), élévateur de l'omoplate et
déviation posturale jusqu'à une douleur ments. En phase chronique, elle est plutôt carré des lombes,
sévère et handicapante, qui affecte la qualité due aux adhérences intra- et/ou intermus-
de la vie du patient et qui l'oblige au repos. culaires. Des PTrM dans le muscle infra- ≥ r este locale autour du PTrM pour les
épineux limitent les mouvements d'ad- muscles rhomboïdes, deltoïde et pec-
Il arrive que l'on rencontre des symptômes
duction horizontale et de rotation interne tiné,
en relation avec un dysfonctionnement
neurovégétatif, comme la transpiration ou de l'articulation gléno-humérale et engen- ≥ s ur les membres, elle a plutôt tendance
les nausées. drent une douleur en fin de course. Des à se projeter de manière distale (85%),
PTrM dans le muscle subscapulaire limi-
Dans tous les cas, le thérapeute doit com- tent les mouvements d'abduction horizon- ≥ s ouvent référée vers une articulation
pléter son examen physique par une pal- mobilisée par le muscle qui contient
tale et de rotation externe de l'articulation
pation de dépistage afin de trouver des le PTrM,
gléno-humérale, ce qui mime parfaitement
signes supplémentaires, spécifiques du
SMD tels : la présence d'un cordon muscu-
l'épaule gelée. ≥p
 lus le PTrM est activé, plus la sur-
face de la zone de douleur référée est
laire, le déclenchement d'une contraction 6 > Faiblesse musculaire sans atrophie grande,
répétée des fibres musculaires localisée et primaire : surtout réflexe et provoquée par
d'une douleur à distance, dite référée. la douleur. Les muscles synergistes, ainsi ≥ la zone de douleur référée est souvent
que les antagonistes essayent d'aider le sensible ou douloureuse, elle peut pré-
Critères diagnostiques senter des points trigger myofasciaux
muscle affaibli, cela engendre souvent le
1 > Cordon musculaire (anglais : « taut développement de points trigger myofas- satellites et des phénomènes neurové-
band ») : bande de fibres musculaires en gétatifs, par exemple des adhérences
ciaux secondaires. Le muscle, contenant
tissulaires, une sudation ou une pilo-
tension sur toute la longueur du muscle. le PTrM primaire est plus fatigable et plus
motricité activée,
Il peut être détecté lors de la palpation sensible au froid ou aux changements
transversale du muscle, en relation avec météorologiques.
le PTrM. En fonction de la profondeur du
muscle, il n'est pas toujours évident de 7 > Insertions musculaires douloureuses:
palper cette bande tendue. Sa largeur varie la tension du cordon musculaire s'étend
de la taille d'un fil de nylon à celle d'un dans tout le muscle, jusqu'aux insertions
crayon. musculaires. Des phénomènes inflammatoi-
res s'installent, accompagnés d'une augmen-
2 > Douleur exquise : localisée dans le tation de sensibilité locale.
cordon musculaire au niveau du PTrM.
Elle correspond parfois partiellement ou 8 > Phénomènes neurovégétatifs locaux
totalement à la douleur décrite par le et à distance : actuellement, leurs méca-
patient et est provoquée par la mise en ten- nismes ne sont pas encore connus. Ces
sion du muscle, la contraction musculaire phénomènes sont très variés : pâleur, froi-
ou la palpation. deur, larmoiement, hypersécrétion, trans-
piration, réponse pilomotrice ou ptose. Figure 5 : Douleur référée au niveau
3 > Réaction de secousse musculaire lo-
calisée (anglais : « local twitch response ») : Il n'est pas nécessaire que tous les critères des molaires supérieures, présence de
contractions transitoires des fibres muscu- soient présents pour établir le diagnostic PTrM dans la couche superficielle et la
laires du cordon musculaire en réponse à du syndrome myofascial douloureux. partie haute du muscle masséter droit

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Le syndrome myofascial douloureux


Points Trigger Myofasciaux

Figure 7 : Figure 8a :
Test isométrique, Palpation a plat
abduction de du muscle
la hanche droite temporal
contre résistance droit

Figure 8b :
Figure 6 :
nels simples tels que : l'étirement muscu- Palpation par
Test de mise en tension, partie supérieure laire et l'isométrie et par la palpation du pincement du muscle
du muscle trapèze droit muscle que l'on suspecte. Il est, dans un pectoral droit
cas de dysfonction aiguë et mono-muscu-
≥ e lle n'est pas un critère diagnostique laire, assez simple à établir.
essentiel, mais elle permet le diagnos- Figure 8c :
Les examens radiologiques, ainsi que
tic différentiel entre un PTrM latent et Palpation par
les examens de laboratoire sont souvent
actif, car le point latent demande plus
« négatifs ». Les symptômes des PTrM grattage du muscle
de force de stimulation et de temps
sont souvent mal interprétés et faussement droit de l'abdomen
pour qu'un début de douleur référée attribués à une découverte radiologique
s'installe. fortuite.
La douleur référée ne se superpose ni à ≥ les points-détente de la peau, des cica-
l'innervation cutanée, ni à l'innervation 1 > l'anamnèse, trices, des ligaments, du périoste ou
nerveux,
segmentaire. Siegried Mense postule qu'il 2 > l'inspection,
existe des relations muettes entre les neu- ≥ l'enthésiopathie, la tendinite et la bursite,
3 > la démonstration fonctionnelle, ≥ l'arthrose et l'arthrite,
rones de la corne postérieure et les neu-
rones périphériques, elles s'activent lors 4 > les mouvements actifs et/ou passifs, ≥ la neuropathie,
d’une stimulation nociceptive.
5 > la mise en tension du muscle montre ≥u  ne maladie ou une dysfonction vis-
une raideur, une restriction de mobilité cérale,
7 - Etiologies et/ou une douleur (figure 6), ≥ le syndrome douloureux régional com-
≥ une surcharge musculaire aiguë, plexe,
6 > l'examen isométrique du muscle mon-
≥u ne surcharge musculaire chronique - tre une faiblesse musculaire sans atrophie ≥ la fibromyalgie, le syndrome de fatigue
travail à la chaîne, primaire et/ou une douleur (figure 7), chronique, la polymyalgie rhumatis-
male…,
≥ une élongation musculaire, 7 > la palpation à plat, par pincement ou
≥ la douleur myogène et les myopathies.
≥u n étirement musculaire chronique - par grattage du muscle (figures 8a, 8b et 8c)
stress postural, montre :
≥u
 n raccourcissement musculaire chro-
nique,
≥ un cordon ou un nodule musculaire,
≥ une douleur importante bien localisée
Conclusion
≥ un traumatisme direct sur le muscle. dans ce cordon, Après avoir expliqué et développé
≥ une reproduction de la douleur spécifi- toute la partie physiologique et dia-
Des facteurs tels que : l'asymétrie corporel- que du patient, gnostique, nous aborderons dans la
le, la disproportion squelettique, la carence deuxième partie de cet article (pro-
nutritionnelle, le froid, un traumatisme
≥ l'extension d'une douleur référée spéci- chain numéro) le traitement du syn-
fique du muscle,
important, le stress, les dysfonctions vis- drome myofascial douloureux. ■
cérale, articulaire ou neurogène, peuvent ≥ une « réaction de secousse musculaire
contribuer au développement d'un syn- localisée », Bibliographie en fin de deuxième
drome myofascial douloureux et entretenir ≥ des phénomènes neurovégétatifs locaux partie d'article
la présence de PTrM. et/ou référés.

9 - Diagnostic différentiel Pour en savoir plus :


8 - Méthodologie Formation des Points Trigger Myofasciaux
Le praticien doit différencier le syndro-
d'évaluation me myofascial douloureux de tout autre
ou autres formations en Thérapie
Manuelle : Jan De Laere,
ensemble de symptômes qui lui ressemble, delaere.physio@hotmail.com,
Le diagnostic du SDM ne peut être établi
ainsi que de toutes autres causes de dou- www.tmno.ch
que cliniquement, par des tests fonction-
leurs musculaires :

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