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Toxiques domestique Dr S.

ADJAL

TOXIQUES DOMESTIQUES

I/Introduction
- Les intoxications aigues par les produits domestiques représentent plus de 25% de
l’activité des centres antipoison. Ce sont, presque toujours, des intoxications accidentelles.
- Les victimes, le plus souvent, sont de jeunes enfants.
- Les accidents domestiques sont définis comme « les accidents qui surviennent à la maison
ou dans ses environs immédiats ».
- Les produits domestiques ont de compositions très diverses et variables dans le temps.
Définition :
Ils sont considérés comme des produits d’entretien, des préparations prêtes à l’emploi telle
quelles ou après des opérations simples permettant aux individus soit de:
- donner, maintenir, ou améliorer un aspect agréable et/ou propre aux objets usuels.
- détruire, de masquer des odeurs ou d’assainir l’atmosphère ambiante des habitations ou des
maisons.
- détruire ou d’éloigner des insectes, tuer les animaux nuisibles.

II/Classification selon le mécanisme d’action

1-Caustiques :
Brûlant, corrosif (qui corrode ou attaque les chairs) en parlant des substances qui ont la
propriété de brûler ou de désorganiser, par leur action chimique, les matières animales.

Type Nature Nom chimique Usage domestique


Acides forts Acide chlorhydrique « esprit de sel » Détartrant, décapant
Acide sulfurique « vitriol » Electrolyte (batteries)
Acide nitrique Décapant
Acide fluorhydrique Antirouille
Caustiques Acide phosphorique Détartrant
forts Acides faibles Acide acétique Alimentaire
concentrés Acide oxalique Antirouille
Aldéhydes Formol Désinfectant
Bases fortes Soude caustique, potasse Détartrant, décapant
pH > 12
Caustiques Oxydants Hypochlorite de sodium Nettoyant, désinfectant
moyens Permanganate de potassium Antiseptique
Eau oxygénée Antiseptique

Acides : pH < 2
Lors d’ingestion en quantités faibles, les ions H+ provoquent une intense déshydratation et
une coagulation des protéines entraînant la mort cellulaire : nécrose de coagulation
Bases : pH > 12
Saponification des lipides  Nécrose de liquéfaction
Solubilisation de la kératine, hydrolyse du collagène et des protéines

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Oxydants :
Dénaturation des protéines (transformation des acides aminés en aldéhydes++)

1-a/Signes et symptômes :
Signes mineurs : - Douleur (oropharyngée, rétro-sternale, épigastrique ou abdominale)
- Hyper sialorrhée, dysphagie, éructations
- Lésions bucco pharyngées (brûlures, ulcérations).
Signes majeurs :
- Digestifs : contractures, régurgitations et les vomissements hémorragiques
- Détresse respiratoire, état de choc.
Biologie :
L’ingestion massive d’acides forts peut induire une acidose métabolique importante, et dans
les cas graves des troubles de coagulation (chute du TP, voire CIVD ou fibrinolyse), une
hémolyse, une hypocalcémie.
Télé thorax et ASP : à la recherche des signes : perforation œsophagienne ou gastrique,
Pneumopathie d’inhalation.

1-b/Conduite à Tenir:
Ingestion :
Gestes à Éviter Risque Ce qu’il faut Faire
Vomissement Aggraver les lésions  Récupérer l’emballage initial du produit
ingéré
Lavage Gastrique
 Alimentation parentérale stricte (mise au
Faire Borie (eau, lait) Vomissement repos du tube digestif)
Alimentation Orale  Anti sécrétoires
 Antiémétiques
Pansement digestifs Gênant la fibroscopie  Antibiothérapie anti anaérobie (cas grave)
Charbon Réaction exothermique :  Traitement digestive initiale dans les 24
aggraver les lésions heurs.
Antidotes  Traitement antalgique
Neutralisation  Endoscopie digestive initiale dans les 24
heurs.
Sondes gastrique à Reflux (RGO)  Dyspnée aigue :
aveugle  Corticothérapie
Inhalation
 Examen ORL
Perforation  Endoscopie trachéobronchique
Projection - Irrigation avec du sérum physiologique tiède pendant 20 mn
Oculaire - Consultation ophtalmologique en urgence

Inhalation - A forte dose, bronchospasme et œdème pulmonaire pouvant être retardé (6 à 24H)
 - Mise en repos position demi-assise, oxygénothérapie
 - Aérosols de B2-mimétique et/ou corticoïdes
 - Surveillance de 24H

Projection - Ôter les vêtements souillés


Cutanée - Laver immédiatement à grandes eau pendant 10 à 15 mn.
 - Consultation chirurgicale (brûlures 2 et 3ème degré)

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2-Détergents :
2-a/Classification :
Les tensioactifs, les plus utilisés, sont caractérisés par une partie lipophile et une partie
hydrophile. Ils renforcent l’action des détergents alcalins ou acides en diminuant la tension
superficielle de l’eau, facilitant le décrochage des salissures et en empêchant leur redéposition.
Ils sont représentés par :
*Ioniques : molécules qui s’ionisent en solution dans l’eau :
- Anioniques : lessives et produits de nettoyage
- Cationiques : pouvoir détergent faible ; désinfectants, adoucissants, assouplissants
- Amphotères : milieu alcalin : anioniques, milieu acide : cationiques
*Non ioniques : Pouvoir détergent élevé, faible pouvoir moussant

2-b/Toxicité des Produits moussants ou détergents :

2-b-1/Anioniques et non ioniques :


Ces détergents sont présents dans les produits pour vaisselle à la main, les nettoyants de surface
prêts à l’emploi (pour le sol, les sanitaires, les éviers), les lessives, les savons liquides, les gels
douches, les bains moussants et les shampooings.
Toxicité :
Ces détergents sont irritants et moussants, les anioniques sont les plus moussants et les non
ioniques, les plus irritants.
Ingestion :
L’ingestion accidentelle de faibles quantités provoque des nausées, des douleurs abdominales et
des diarrhées.
Des quantités plus importantes peuvent entraîner une inondation bronchique, par passage de la
mousse dans les poumons.
Conduite à tenir :
 Ne pas faire vomir et ne pas faire boire pendant 2 à 3 heures après l’ingestion.
 On peut conseiller de manger de la mie de pain ou des gâteaux secs pour absorber la mousse.
 Un pansement digestif peut être prescrit, si nécessaire.
 Le passage dans les voies respiratoires peut se traduire par des poussées hyperthermiques, de
la toux et des troubles respiratoires qui sont à surveiller et à contrôler par une radiographie
pulmonaire.
 Compenser les pertes hydriques (surtout chez l’enfant) en cas de diarrhées.
Projection oculaire :
 Risque d’ulcération conjonctivale et cornéenne en cas de contact prolongé.
 Lavage abondant à l’eau, immédiat et prolongé (10 à 15 mn),
 Si les signes d’irritation oculaire persistent plus de 30 mn après le lavage : examen
ophtalmologique.
2-b-2/Détergents Cationiques :
Ils sont présents dans les assouplissants textiles, les algicides pour piscine et certains
désinfectants de surfaces.

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Toxicité :
Ces produits sont Irritants et l’ingestion de quantités importantes de solutions concentrées peut
provoquer des lésions caustiques.
Dans le cas d’ingestion de produit concentré, la prise en charge est la même que pour les
produits caustiques.
3 -Solvants et Hydrocarbures :
De nombreux solvants sont utilisés dans la maison, pour le détachage du linge et des moquettes,
le décapage des peintures, le nettoyage des pinceaux...
Ils sont également présents dans les colles, les vernis.
Ces produits sont liposolubles et volatils, toxiques par inhalation, ingestion et contact cutané.
3-a/Ingestion :
3-a-1/Les solvants aliphatiques halogénés : comme le Trichloréthylène
-Très irritants pour le tube digestif et provoquent des douleurs abdominales, des diarrhées,
des brûlures digestives pouvant aller jusqu’à des irritations anales avec escarres fessières.
-Le risque essentiel est cardiaque avec troubles du rythme
3-a-2/Les hydrocarbures aromatiques : comme le benzène, le toluène et le
paradichlorobenzène  Toxicité neurologique.
3-a-3/Les solvants aliphatiques non substitués : comme l’essence, le pétrol... :
-Vomissements, des diarrhées et pour des quantités importantes, un état ébrieux.
-Le risque de régurgitation dans les poumons, avec apparition d’une pneumopathie fébrile

3-b/Inhalation : des vapeurs entraîne une irritation des sphères otorhinolaryngologique et


respiratoire. En cas de passage systémique, on peut observer une ivresse « pétrolique » puis, à
fortes doses, une dépression du système nerveux central avec somnolence et coma comme
lors d’absorption d’éthanol.

3-c/Contact cutané et oculaire : Irritations importantes.


3-d/Conduite à Tenir :
 Ne pas faire vomir, ne pas faire boire et pas de lavage gastrique

 Cutanée et oculaire : Décontamination

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III/Etude des principaux produits les plus incriminés

1) Eau de javel :
1-a/Composition : Solution aqueuse : Hypochlorite de Sodium (ClO-, Na+) + 4‰ NaOH
 stabilité de la solution. Commercialisée sous 3 titres différents :
• Diluée classique : 12° chlorométrique (2,6 %) (38 g/l de chlore actif).
• Concentrée : 48° chlorométriques (9,6 %) (152 g/l de chlore actif).
• En galets/pastilles : destinés à être dissous, ou associée avec des détergents.

1-b/Conduite à Tenir :
* Si quantité minime d'eau de javel diluée : < 5 ml/kg:
 diluer immédiatement avec 120 a 240 ml d’eau, sans dépasser 120 ml chez l’enfant.
 Donner un pansement gastrique (3 prises/jour pendant 3 jours).
 La neutralisation n’est pas indiquée (hyposulfite de Na).
*Si quantité importante d'eau de javel diluée > 5 ml/kg :
 Ne pas faire boire.
 fibroscopie œsogastroduodénale le plus rapidement possible.
→ Si pas de lésion à la fibroscopie donner un pansement gastrique.
→ Si lésion traiter comme si ingestion d'eau de Javel concentrée.
* En cas d'ingestion d'eau de javel concentrée :
La prise en charge de l’ingestion d’eau de javel concentrée est identique à celle des produits
caustiques.

- Les projections oculaires d’eau de javel entrainent une hyperhémie conjonctivale et une
douleur immédiate.
→Si contact prolongé : il faut effectuer un examen ophtalmologique (d’ulcération de la cornée).
Attention: (mélange dangereux)
 Eau de javel + acide → Cl2 → bronchospasme / œdème aigue lésionnel du poumon
 Eau de javel + ammoniaque → chloramine : gaz irritant pour les muqueuses
tracheobronchiques.

2) Produits de lavage :
2-a/Produits pour la lessive en machines :
- Tensioactifs anioniques ou non anioniques.
- Sels basiques de sodium (perborates – silicates -sulfates et /ou poly phosphates).
- Additifs divers : colorants, parfums, agents de blanchiments……
Toxicité : Pouvoir irritant modéré
2-b/Détergent pour la vaisselle en machines
- Tensioactifs anioniques et non-ioniques,
- Sels basiques de Na, Soude ou potasse.
Toxicité : Peuvent être à l’origine de lésions de l’appareil digestif
2-c/Lessives à la main :
Même composition que celle des produits pour la lessive à la machine mais la teneur en sels
basiques de sodium est plus faible
Toxicité : un peu moins irritants que les lessives pour le lavage à la machine

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2-d/Vaisselle à la main :
Tensioactifs anioniques et non anioniques + NaCl, parfums, colorants……,
Toxicité : peu toxiques, mais doués d’un pouvoir moussant. Ils sont irritants pour la
muqueuse digestive après ingestion avec risques de diarrhées.

3) Produits de nettoyage et d’entretien:


3-a/Décapants pour four :
Soude concentrés  Caustiques majeurs
3-b/Détachants :
Peuvent être : Simples détergents ou Produits pétroliers  Pneumopathie
ou Solvants chlorés  intoxications graves.
N.B : Les détachants et décapants ne doivent jamais être utilisés espace fermé, en présence
d’une flamme ou d’une source de chaleur (Présence de hydrocarbures chlorés : CCl4, HCCl3,
dichlorométhane..)  phosgène (COCl2) : hydrolysé dans l’organisme en acide
chlorhydrique. Le principal signe d’intoxication par le phosgène est la défaillance
cardiorespiratoire
3-c/Nettoyants pour vitres :
-Alcools, polyalcools, quelquefois des glycols, solvants pétroliers et des détergents
anioniques et non ioniques.
3-d/Déboucheur pour canalisation :
Soude  Caustiques majeurs
3-e/Antirouilles
Composés caustiques : acide fluorhydrique et fluorures, acide oxalique et oxalates.
Toxicité:
-Effet caustique local avec perforation digestif ou brûlure cutané.
-Les F- et les oxalates : chélateurs de calcium  hypocalcémie (troubles du rythme.)
-L’acide oxalique et ses sels  IR aigue par précipitation tubulaire d’oxalate de Ca.
Traitement:
Ingestion:
-Lavage gastrique ; non en cas d’hémorragies digestives.
-Surveillance de l’ECG et de la calcémie (on utilise du chlorure ou du gluconate de calcium).
-Traitement symptomatique des convulsions, troubles de la coagulation et de l’acidose…
Projections cutanées et oculaires: ulcérations, nécroses retardés…
Lavage abondant à l’eau; Applications successives de gel de gluconate de calcium afin de
neutraliser l’antirouille.
3-f/Cires et encaustiques :
À base de cires naturelles, minérales (paraffines) ou synthétiques (silicones).
Risque : solvants++ : White spirit, essences de térébenthine parfois le xylène.
3-g/Désodorisants :
Désodorisants liquides : Eau, parfum, propulseur (butane, propane, hydrocarbure fluorés ...)
Toxicité : nulle en dehors des cas d’inhalation volontaire du propulseur.
Désodorisants solides : Adsorbant inerte parfumé ou de paradichlorobenzène parfumé.
Toxicité : paradichlorobenzène.

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4) Produits de bricolage :
4-a/Protecteurs du bois :
Solvants ++ (HC pétroliers)  syndrome ébrio-narcotique et d’une pneumopathie.
4-b/Antigels : Ethylène glycol ++
4-c/Les Colles : Compositions très diverses
Ingestion : intoxication systémique : négligeable (faible quantité absorbée)
- Les solvants sont responsables d’intoxications aigues et chroniques chez les « sniffers »
- Contamination cutanée ou oculaire : il vaut mieux laisser sécher, laver à l’eau.
5) Produits phytosanitaires domestiques :
Principes actifs les mêmes que ceux utilisés en agriculture (OP, OC, carbamates,
pyrèthres), mais le risque est généralement moindre, car utilisé à des concentrations
beaucoup plus faible
-solvant ++ (notamment pétrolier)
-gaz propulseurs  irritations respiratoire.
Boules antimites : Paradichlorobenzène, rarement naphtalène.
Raticides : Antivitamine K très faiblement dosé. (Surveillance du TP, vit K).

IV/Prévention

1) Prévention passive et collective :


Elle est régie par la loi qui impose aux fabricants le respect d’une réglementation.
Les produits doivent être conformes à certaines normes concernant :
- Composition: produits moins dangereux
- Conditionnement : volumes plus réduits, bouchons spéciaux (à ouverture difficile pour les
enfants)
- Etiquetage approprié
- Mode d’utilisation
Un réseau de Toxicovigilance est chargé de la surveillance des effets indésirables provoqués
par l’utilisation de ces produits chimiques.

2) Prévention active et individuelle :


But : maîtriser les facteurs de risques, sensibiliser et responsabiliser le consommateur sur les
règles élémentaires d’utilisation des produits en toute sécurité

Campagnes d’information et de sensibilisation du grand public


Actions d’éducation et prévention : écoles, ..

-Ranger soigneusement les produits ménagers hors de portée des enfants


-Eviter le dessous de l'évier, préférer les placards situés au dessus de l'évier.
-Ne pas transvaser les produits ménagers dans un flacon alimentaire même étiqueté.
-Ne pas utiliser successivement 2 produits d'entretien car il y a un risque de réactions
chimiques avec dégagement de gaz toxiques.

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