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EMC-Hématologie 2 (2005) 187–205

www.elsevier.com/locate/emch

Leucémie myéloïde chronique


Chronic myelogenous leukaemia
T. Leguay, F.-X. Mahon *
Service des maladies du sang, hôpital du Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, avenue de Magellan,
33600 Pessac, France et Inserm E0217

MOTS CLÉS Résumé La leucémie myéloïde chronique (LMC) est un syndrome myéloprolifératif rare
Leucémie myéloïde représentant 2 à 5 % des leucémies de l’enfant et 15 % des leucémies de l’adulte. Elle
chronique ; constitue un des modèles d’étude privilégiés de la leucémogenèse car les cellules
Leucémie ; tumorales sont caractérisées par un échange de matériel chromosomique : la transloca-
Chromosome tion t(9;22), qui entraîne la formation d’un chromosome 22 anormal, dénommé chromo-
Philadelphie ;
some Philadelphie (Ph). La translocation conduit à la formation du gène de fusion
Inhibiteur de tyrosine
kinase ;
BCR-ABL. Des expériences in vitro et in vivo ont démontré que la protéine Bcr-Abl, par son
Transcrit de fusion activité tyrosine kinase dérégulée, était responsable de la maladie. En l’absence de
bcr-abl traitement, la LMC évolue en 3 à 5 ans vers une leucémie aiguë rapidement mortelle. Les
traitements tels que l’hydroxyurée ou le busulfan ne modifient que très peu la survie des
patients. L’allogreffe de moelle osseuse permet de guérir les malades mais ne peut être
proposée qu’à un nombre limité de patients. L’interféron alpha (INF-a) a amélioré la
survie des patients répondeurs mais ces derniers sont peu nombreux et les effets
secondaires ont rendu son utilisation limitée. Aujourd’hui, l’imatinib mésylate, premier
inhibiteur de tyrosine kinase spécifique de la protéine Bcr-Abl, est devenu le traitement
de première intention de cette hémopathie, faisant de la LMC un exemple d’hémopathie
à thérapeutique ciblée. Des résultats à long terme de ce nouveau médicament découlera
l’attitude du clinicien vis-à-vis de la greffe allogénique de moelle osseuse qui est, jusqu’à
aujourd’hui, considérée comme le seul traitement curatif.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Chronic myelogenous leukaemia (CML) is a rare myeloproliferative disorder (5 to


KEYWORDS 15% of all cases of leukaemia). Nevertheless, CML was the first model to study leukemo-
Chronic myelogenous
genesis because leukaemic cells are characterised by a small chromosome 22 called the
leukaemia;
Philadelphia chromosome. This chromosome results from the reciprocal chromosome
Philadelphia
chromosome; translocation t(9 ;22). This cytogenetic abnormality leads to the chimeric BCR-ABL gene
Tyrosine kinase which is the molecular counterpart of the t(9;22). In vitro and in vivo studies have
inhibitor; demonstrated that BCR-ABL protein drives the leukaemic process. Usually, without any
bcr-abl transcript treatment, CML remains in a chronic phase for 3 to 5 years and then turns out in acute
leukaemia leading quickly to death. Treatments such as busulfan or hydroxydurea do not
prolong the survival. Allogenic stem cell transplantation (SCT) may cure the disease but is
available only for few patients. Recombinant alpha interferon improves the survival in
responding patients but the proportion of these patients is very low. Imatinib mesylate is
now the gold standard for CML treatment. It is also the first inhibitor of tyrosine kinase

Remerciements à Catherine Dumora pour son aide précieuse.


* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : Francois-Xavier.Mahon@umr5540.u-bordeaux2.fr (F.-X. Mahon).

1638-6213/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi: 10.1016/j.emch.2005.07.001
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developed in haematology. Imatinib mesylate is used as a model for targeted therapies.


Long-term follow up of patients treated by imatinib mesylate is necessary to redefine the
place of allogenic SCT in the future.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

La leucémie myéloïde chronique (LMC) est un syn-


drome myéloprolifératif rare dont l’incidence an-
nuelle est de 600 nouveaux cas en France. La pre-
mière description de la maladie remonte à la
première moitié du XIXe siècle sous le terme
d’ « hypertrophie de la rate et du foie, conduisant
au décès par suppuration du sang ».1 Le terme de
« leucémie granulocytique chronique » fut par la Figure 1 Chromosome Philadelphie. La translocation réciproque
suite utilisé pour décrire ces hyperplasies myéloï- t(9;22) entraîne la formation d’un chromosome 22 de taille plus
des comprenant une hyperleucocytose et une splé- petite appelé : chromosome Philadelphie ; ceci conduit à la
formation d’un gène de fusion spécifique BCR-ABL.
nomégalie évoluant vers une leucémie aiguë d’évo-
lution fatale. Les progrès cytogénétiques ont 210 kDa dans la leucémogenèse de la LMC a été
permis de caractériser précisément cette hémopa- démontrée secondairement par George Daley et
thie, puisque Peter C. Nowell et Hungerford ont al., qui ont reproduit chez la souris un syndrome
décrit, dès 1960, un chromosome de petite taille myéloprolifératif évoluant vers une leucémie
appelé : chromosome Philadelphie.2 L’étude par aiguë.11 La LMC est une maladie de la cellule sou-
banding a démontré que ce chromosome correspon- che hématopoïétique : le chromosome Ph et son
dait à un chromosome 22 raccourci sur son bras long équivalent moléculaire sont présents dans toutes
et qu’il s’y associait systématiquement un gain sur les lignées hématopoïétiques. L’atteinte incons-
le bras long du chromosome 9.3,4 Dix ans plus tard, tante des lymphocytes, en particulier T, peut s’ex-
la découverte du gène ABL, localisé sur le chromo- pliquer par deux mécanismes principaux : la trans-
some 9 en 9q34 a défini la nature exacte de ce location peut survenir à un stade plus ou moins
chromosome Philadelphie.5–7 L’étude de la région précoce de l’évolution de la cellule souche, in-
surajoutée sur le bras long du chromosome 9 a cluant ou pas la lignée lymphoïde ; les lymphocytes
conduit à la description d’un nouveau gène parte- ont une durée de vie beaucoup plus longue que les
naire appelé BCR pour breakpoint cluster region.8 autres lignées sanguines, et les lymphocytes péri-
En réalité, les bras longs des chromosomes 9 et 22 phériques présents au moment du diagnostic sont
échangent leur télomère, les points de fusion étant antérieurs à la transformation néoplasique.
au sein des gènes ABL et BCR. Cette anomalie est Il faut souligner que le réarrangement BCR-ABL
constamment présente dans les cellules des pa- peut aussi être détecté chez des sujets sains en
tients atteints de LMC.9 En effet, il se produit une utilisant des techniques très sensibles. La fré-
translocation chromosomique réciproque entre les quence de détection augmente avec l’âge et pour-
chromosomes 9 et 22 [t(9;22)] aboutissant à un rait correspondre à des translocations atteignant
nouveau gène appelé BCR-ABL (Fig. 1). Le gène des cellules déjà engagées, disparaissant par diffé-
néoformé est fonctionnel, puisqu’il est transcrit en renciation terminale. Ceci illustre probablement le
acides ribonucléiques (ARN) messagers, eux-mêmes rôle joué dans cette maladie par le système immu-
traduits en protéine Bcr-Abl. Les différentes protéi- nitaire, qui participe probablement à l’élimination
nes de fusion Bcr-Abl ont une activité tyrosine de ces cellules leucémiques.12,13
kinase plus ou moins importante.10 La protéine de
fusion de 210 kDa est majoritairement retrouvée
chez des patients atteints de LMC, tandis que la Épidémiologie
protéine de fusion de 190 kDa est, le plus souvent,
présente chez les patients atteints d’une leucémie La LMC représente 7 à 15 % des leucémies de
aiguë lymphoblastique à chromosome Philadelphie l’adulte, avec environ dix nouveaux cas par an pour
(LAL Ph+ ) (Fig. 2). un million d’habitants, soit 600 nouveaux cas par an
La responsabilité directe de la translocation en France. Cette affection touche préférentielle-
t(9;22) et de la protéine de fusion Bcr-Abl de ment les hommes, avec un sex-ratio proche de 2.
Leucémie myéloïde chronique 189

Figure 2 Chromosomes 9 et 22, gènes BCR, ABL et BCR-ABL avec les différents sous-types d’acide ribonucléique (ARN) transcrits en
fonction des points de cassure. Description schématique des différents points de cassure dans les exons des gènes BCR-ABL, expliquant
les différents sous-types d’ARN messagers transcrits.

Son incidence augmente avec l’âge pour atteindre Physiopathologie de la leucémie


trois cas par million d’habitants chez les sujets myéloïde chronique : gènes impliqués
âgés. L’âge médian au diagnostic se situe entre
et leurs conséquences cellulaires
30 et 50 ans. L’absence de registre national rend
cependant l’évaluation de son incidence approxi-
Gène ABL et sa protéine
mative.
L’oncogène Abelson (c-ABL) est localisé sur le chro-
mosome 9 en position 9q34. Son nom est dérivé de
son homologue viral, le gène Abelson (v-ABL), res-
Étiologies
ponsable d’une leucémie chez la souris.5 Il existe
deux variantes possibles pour le premier exon, 1a
Dans la grande majorité des cas, aucune étiologie et 1b, et les ARN messagers produits mesurent
n’est retrouvée. Cependant, l’exposition à des ra- respectivement 6 et 7 kb. Deux variétés de protéi-
diations ionisantes pourrait jouer un rôle favori- nes d’environ 145 kDa sont synthétisées en fonction
sant. Cette hypothèse, suggérée par l’augmenta- du premier exon, 1a ou 1b.15 La protéine contenant
tion de l’incidence de la LMC chez les survivants de l’exon 1b est « myristoylée » (c’est-à-dire modifiée
la bombe atomique d’Hiroshima, est confortée in par un groupement lipide de type acide gras saturé
vitro par l’augmentation de la fréquence de détec- sur un résidu glycine), ce qui entraîne sa localisa-
tion du réarrangement BCR-ABL après irradiation tion à la membrane plasmique. L’absence de ce
de lignées cellulaires initialement BCR-ABL négati- résidu glycine dans la forme 1a (majoritaire) en-
ves.14 traîne une localisation nucléaire prédominante.
190 T. Leguay, F.-X. Mahon

Figure 3 Représentation schématique de la protéine Abl. La forme 1b possède un groupement myristoyl (Myr), qui joue un rôle
important dans l’auto-inhibition de la protéine. NLS est un domaine de localisation nucléaire, DB (DNA binding) est un domaine de
fixation de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et AB (actin binding) de fixation de l’actine.

La structure de la protéine cellulaire Abl est dans le cytoplasme, la protéine Abl joue un rôle
hautement conservée. Comme la plupart des pro- important dans la croissance et la prolifération
téines induisant un signal intracellulaire, la pro- cellulaire, participant à la transduction du signal
téine Abl possède des domaines d’homologie SH initiée par certains récepteurs aux facteurs de
(Src homology) semblables à ceux de la protéine croissance.
Src. Le domaine SH3 est un régulateur négatif du
domaine SH2, qui est pour sa part un régulateur Gène BCR et sa protéine
positif du domaine SH1, support de l’activité tyro-
sine kinase de la protéine Abl (Fig. 3). Dans la partie Le gène BCR, positionné sur le bras long du chromo-
C-terminale de la protéine, il existe une séquence some 22, a été découvert en clonant la région
de localisation nucléaire (NLS pour nuclear locali- appelée major-breakpoint cluster region (M-BCR)
zation signal) ainsi que des domaines lui permet- où ont lieu la majorité des points de cassure dans la
tant de se fixer aux filaments d’actine et à l’acide LMC. Il s’étend sur 135 kb, comprend 23 exons et
désoxyribonucléique (ADN). permet la transcription de deux types d’ARN mes-
On peut remarquer que la protéine Abl est dotée sagers dont les poids moléculaires sont respective-
d’une dualité structurale et fonctionnelle, avec des ment de 4,5 et 6,7 kb et qui codent une protéine de
domaines de régulation qui lui permettent de jouer 160 kDa, d’expression ubiquitaire. Cette protéine,
un rôle à la fois dans le noyau et dans le cytoplasme de localisation cytoplasmique lorsque la cellule
de la cellule et de transiter entre les deux compar- n’est pas en cycle, est exprimée de manière péri-
timents. Son action dépend de sa localisation nu- chromosomique lors de la mitose, ce qui suggère
cléaire ou cytoplasmique.16 Dans le compartiment qu’elle joue un rôle dans le cycle cellulaire.17
nucléaire, Abl joue un rôle de régulateur négatif du La protéine Bcr est constituée de plusieurs do-
cycle cellulaire. Lors de la phase G0, Abl se lie à maines (Fig. 4). Dans la partie N-terminale, le
l’ADN et forme un complexe avec des protéines domaine 1B constitue une région importante
inhibitrices du cycle telles que pRb (protéine du puisqu’il permet la dimérisation de la protéine
rétinoblastome). Lors de la transition G1/S, la pro- Bcr-Abl conduisant à l’ouverture de l’activité ki-
téine pRb est phosphorylée et se dissocie d’Abl, ce nase, et le domaine 2B comprend deux sites de
qui permet son activation. Quand elle est localisée liaison aux domaines SH2 comme ceux portés par la

Figure 4 Représentation schématique de la protéine Bcr. La région 1B correspond aux 63 premiers acides aminés de Bcr et elle est
nécessaire à la dimérisation de la protéine.
Leucémie myéloïde chronique 191

protéine Abl et la protéine Grb2. La région centrale m-BCR (minor BCR), c’est-à-dire entre les exons
présente un domaine d’homologie avec les protéi- 1 et 2 de BCR. Elle produit une protéine chimérique
nes Dbl (facteur d’échange guanosine triphosphate de 190 kDa dont l’activité tyrosine kinase serait
[GTP]/guanosine diphosphate [GDP]). La partie plus intense que celle de la protéine de 210 kDa. Ce
C-terminale de Bcr, absente dans la protéine de variant moléculaire est majoritairement retrouvé
fusion Bcr-Abl, a une fonction GAP (GTPase- dans la leucémie aiguë lymphoblastique à chromo-
activating protein) pour les protéines G de type some Philadelphie. Un autre variant, qui comporte
Rac. Cette deuxième partie, qui n’intéresse pas la un gène BCR interrompu dans la l-BCR (micro-BCR),
protéine chimérique Bcr-Abl, joue en réalité un entre les exons 19 et 20, permet la synthèse d’une
rôle dans la bactéricidie des polynucléaires. Les protéine chimérique de 230 kDa. Cette dernière
fonctions réelles de la protéine Bcr sont, néan- forme moléculaire correspondrait à des hémopa-
moins, peu connues. thies d’évolution lente, marquées par une hy-
perleucocytose modérée à polynucléaires neutro-
Gène BCR-ABL et protéine de fusion philes, associées ou non à une thrombocytose19
(Fig. 5).
Les réarrangements les plus fréquemment retrou- La protéine Bcr-Abl de 210 kDa comprend les
vés au cours de la LMC sont les produits de fusion du trois domaines SH1, SH2, SH3 et tous les autres
gène ABL rompu entre les exons 1 et 2 et du gène domaines d’Abl. Du côté Bcr, le motif de dimérisa-
BCR rompu dans une région où les points de cassure tion est la partie la plus importante. Cette partie de
sont variables, appelée M-BCR (Major BCR). Cette Bcr conduit à la dimérisation de la protéine Bcr-Abl
région, qui correspond aux exons 12 à 16 du gène et à son autoactivation par transphosphorylation.
BCR, est subdivisée en cinq bandes, de b1 à b5, qui De plus, la perte de la partie N-terminale d’Abl
correspondent aux cinq exons impliqués (exons supprime son auto-inhibition. Ces deux modifica-
12 = b1, exon 13 = b2..., exon 16 = b5). La cou- tions protéiques expliquent l’activation perma-
pure au sein de cette région se produit préféren- nente de la tyrosine kinase de Bcr-Abl.
tiellement18 entre les exons b2 et b3 ou b3 et b4 La protéine tyrosine kinase Abl physiologique est
(Fig. 2). Ainsi se forment, respectivement, les pro- autorégulée de manière physique, c’est-à-dire par
duits de fusion b2a2 et b3a2. Les ARN messagers modification conformationnelle. Sa fusion à Bcr
ainsi produits codent tous deux une protéine chimé- modifie cette auto-inhibition et active en perma-
rique de 210 kDa. Cependant, la protéine codée par nence la kinase.
le variant b3a2 est plus fréquente et comprend
25 acides aminés de plus que celle du variant b2a2 ; Voies de signalisation intracellulaire
aucune étude n’a permis de démontrer une diffé- conduisant à la leucémogenèse
rence d’évolution clinique ou biologique entre ces
deux variantes. La phosphorylation d’un nombre très important de
Il existe d’autres variants de la translocation substrats est responsable des propriétés de la cel-
t(9;22), responsables, dans la majorité des cas, de lule leucémique, ce qui la distingue d’une cellule
phénotypes leucémiques différents. Il faut men- normale. En effet, l’autoactivation et la perte de la
tionner la fusion e1a2, issue d’une cassure dans la régulation de l’activité tyrosine kinase entraînent

Figure 5 Variants protéiques Bcr-Abl en fonction des points de cassure. Les différents points de cassure dans le gène BCR conduisent
à la synthèse de trois variants protéiques différents.
192 T. Leguay, F.-X. Mahon

Figure 6 Voies de signalisation cellulaire. La protéine Bcr-Abl active différentes voies de signalisation. Pour simplifier sont
représentées ici les principales. Cependant, de très nombreux substrats protéiques ont été identifiés comme étant directement ou
indirectement phosphorylés par l’activité kinase de Bcr-Abl.

l’activation, directe ou indirecte, et le recrute- phorylation des Jak kinases.25 De même, la voie des
ment de voies de signalisation impliquées dans les PI3 kinases peut, aussi, être activée26 via Grb2,
processus de prolifération, d’apoptose, de diffé- induisant un signal prolifératif et antiapoptotique
renciation et d’adhésion cellulaire. via Akt27 (Fig. 6).

Altérations des propriétés d’adhésion induites Inhibition de l’apoptose


par la protéine Bcr-Abl dérégulée Bcr-Abl bloque le relargage du cytochrome C par la
Les cellules tumorales immatures présentent une mitochondrie, ce qui induit l’inactivation de la voie
diminution de leur adhésion au stroma médullaire des caspases.28,29 Cet effet est dû en partie à la
et à la matrice extracellulaire.20 L’adhésion cellu- phosphorylation de la protéine proapoptotique Bad
laire est médiée par différentes familles de molé- ou à l’hyperexpression de la protéine antiapoptoti-
cules comme les intégrines. L’expression de ces que Bcl-2 via des voies de signalisation Ras- ou
molécules d’adhésion n’est pas modifiée mais leur PI3 kinase-dépendantes (Fig. 6). D’autres partenai-
fonction et le signal qu’elles induisent sont dérégu- res moléculaires, telles les protéines STAT ou en-
lés. Ainsi, la phosphorylation par Bcr-Abl de protéi- core la voie NFkB, interviennent dans l’inhibition
nes comme Crkl, la paxilline ou la talline, jouerait d’apoptose induite par BCR-ABL.
un rôle important dans cette dérégulation
(Fig. 6).21 Dégradation de protéines par le protéasome
La protéine Bcr-Abl, comme la protéine Abl, induit
Activation de signaux mitotiques la dégradation via le protéasome des protéines
L’autophosphorylation du résidu tyrosine 177 de la Abi-1 et Abi-2,30 inhibiteurs physiologiques de l’ac-
protéine Bcr-Abl permet la fixation de la protéine tivité kinase d’Abl. Elle induit aussi la dégradation
Grb-2 qui, liée à Sos, stabilise la forme activée de de protéines participant à la réparation de l’ADN,
Ras.22 Cependant, deux autres protéines, substrats ce qui pourrait expliquer en partie l’instabilité
de Bcr-Abl, peuvent aussi activer Ras : Shc se liant à génétique que présentent les cellules leucémiques
SH2 et Crkl se liant à SH3.23,24 Ras activée peut, via BCR-ABL positives.
les protéines Raf, Mek et Erf, activer à son tour
d’autres gènes induisant un signal prolifératif. Instabilité génomique ou génétique
Une autre voie, celle de Jak Kinase, joue aussi un
rôle important. En effet, Bcr-Abl peut activer, via Cette instabilité génétique est illustrée par la pro-
Grb-2, les protéines STAT sans passer par la phos- gression de la maladie vers les crises blastiques.
Leucémie myéloïde chronique 193

Elle peut être mise en évidence par les expériences Récemment, une équipe, en étudiant les voies
suivantes : la méthode des microsatellites et intracellulaires responsables de l’autorenouvelle-
l’étude de la perte d’hétérozygotie. Les microsa- ment cellulaire, a montré que les progéniteurs de
tellites sont des séquences d’ADN contenant un patients en phase blastique pouvaient s’autorenou-
nombre variable de répétitions de bases nucléiques veler, propriété qui normalement concerne exclu-
en tandem (VNTR)15. Ces séquences étant non co- sivement la cellule souche.40
dantes, elles subissent de manière définitive les
mutations induites par une instabilité génétique ;
elles en sont donc un miroir direct.31 La perte Présentation clinique
d’hétérozygotie reflète tout autant cette instabi-
lité. En effet, tout gène muté sur un seul de ses L’histoire naturelle de la LMC comprend trois pha-
allèles peut être désactivé, afin qu’il ne soit plus ses évolutives : une première phase dite « chroni-
transcrit. Dans ce cas, toute transcription et donc que », paucisymptomatique, suivie d’une deuxième
toute traduction protéique ne provient plus que phase, caractérisée par une accélération de la ma-
d’un seul allèle, ce qui définit la perte d’hétéro- ladie, et enfin une troisième phase, appelée
zygotie.32,33 Dans le cas de la LMC, on détecte cette « transformation aiguë », prenant l’aspect d’une
instabilité génétique qui se manifeste de manière leucémie aiguë secondaire, résistante ou réfrac-
accrue lors du passage de la phase chronique vers taire au traitement, conduisant au décès du pa-
les phases avancées (accélérée et blastique) de la tient. Il existe donc un passage progressif d’une
maladie.34 hyperproduction chronique d’éléments matures va-
La responsabilité directe de Bcr-Abl n’est pas riés à une prolifération rapide de cellules immatu-
entièrement démontrée. Cependant, une activité res (arrêt de la différenciation et emballement
mutationnelle plus intense a été récemment dé- d’un ou plusieurs sous-clones). Cette évolution est
montrée lors d’apparition de résistances à l’imati- partiellement expliquée par la physiopathologie de
nib mésylate dues à des mutations dans le domaine la maladie précédemment décrite. La phase chro-
tyrosine kinase. Enfin, de nombreuses protéines nique peut parfois passer inaperçue et les malades
oncogéniques peuvent coopérer avec Bcr-Abl et se présentent directement en phase accélérée ou
participer à la progression de la maladie, par exem- blastique.
ple les Src kinases, qui semblent jouer un rôle
important dans les transformations lymphoblasti- Phase chronique
ques.35 Autre exemple, le gène Evi-1 a été retrouvé
dans des crises blastiques, avec une dysmégacaryo- Cette première phase est d’installation progres-
poïèse. De même, de rares mutations du gène Ras sive ; elle dure en moyenne 4 à 5 ans. Les signes
ont été rapportées, corrélées avec les transforma- cliniques sont souvent insidieux et de nombreux
tions blastiques et l’apparition d’atteintes extra- patients sont asymptomatiques au moment du dia-
médullaires.36,37 L’amplification du gène c-myc ou gnostic, suspecté devant un hémogramme réalisé à
du gène BCR-ABL lui-même, est aussi, parfois, re- titre systématique (40 % des cas). Cependant, trois
trouvée dans les phases avancées de la maladie.38 grands syndromes peuvent se rencontrer :
Des gènes suppresseurs de tumeurs, tels p16 et • une altération de l’état général, liée à l’hyper-
Rb (gène du rétinoblastome), sont parfois inactivés métabolisme, associant asthénie, amaigrisse-
respectivement dans des crises lymphoblastiques ment et plus rarement une fébricule et des
ou mégacaryocytaires. Des anomalies du gène sueurs ;
p53 ont été détectées au cours des phases avancées • un syndrome tumoral, largement caractérisé par
de la maladie.39 une splénomégalie (50 %), parfois responsable
La translocation t(9;22) entraîne la synthèse d’une symptomatologie digestive ;
d’une protéine à activité tyrosine kinase accrue, • des signes de leucostase, avec en particulier un
induit une augmentation de la survie cellulaire par priapisme, sont aujourd’hui assez exception-
inhibition de l’apoptose et une prolifération cellu- nels.
laire avec maintien de la différenciation. Cepen-
dant, l’instabilité génomique observée, probable- Phase accélérée
ment responsable de l’apparition d’anomalies
cytogénétiques surajoutées et de l’activation de Elle correspond à la transition entre la phase chro-
divers gènes dont la coopération avec Bcr-Abl est nique et la phase blastique. Sa durée est de 12 à
indispensable, explique le passage de la maladie 18 mois en moyenne. Elle peut cependant être
vers une phase plus avancée (accélération ou crise quasi inexistante, la phase blastique étant alors
blastique). « explosive » (environ 20 % des cas). L’International
194 T. Leguay, F.-X. Mahon

Tableau 1 Critères clinicobiologiques d’accélération selon le registre international des greffes de moelle osseuse (IBMTR).
• Leucocytose difficile à contrôler avec un traitement conventionnel : hydroxyurée ou busulfan
• Doublement rapide du taux de leucocytes (5 j)
• Présence de plus de 10 % de blastes sanguins ou médullaires
• Présence de plus de 20 % de blastes + promyélocytes sanguins ou médullaires
• Présence de plus de 20 % de polynucléaires basophiles ou éosinophiles sanguins
• Anémie ou thrombopénie non due au traitement
• Thrombocytose persistante
• Anomalies cytogénétiques surajoutées
• Majoration brutale de la splénomégalie
• Développement d’une myélofibrose ou d’un chlorome
• Patient en phase chronique mais ayant présenté une crise blastique

Bone Marrow Transplantation Registry ( IBMTR) a lui seul d’évoquer le diagnostic.


défini des critères cliniques et biologiques de l’ac- • L’hyperleucocytose est franche, supérieure à 20
célération, qui précède de peu la phase blastique 109/l, majoritairement composée de polynu-
réfractaire à tout traitement (Tableau 1).41 cléaires neutrophiles, associée à une basophilie
et à une éosinophilie. La myélémie est cons-
Phase d’acutisation ou crise blastique tante et harmonieuse, sans hiatus de différen-
ciation, et la blastose est faible lors de la phase
Elle survient avec un délai médian de 4 ans et se chronique (< 5 %).
définit par la présence de plus de 20 % de blastes • L’anémie (normocytaire et normochrome) est
médullaires ou plus de 30 % de blastes et promyé- peu courante et modérée.
locytes sanguins ou médullaires. Elle s’accompagne • La thrombocytose est habituelle et souvent su-
en général d’une majoration des signes cliniques périeure à 500 000/mm3. Parfois très élevée,
d’accélération (altération de l’état général, splé- elle est rarement responsable d’incidents
nomégalie, anémie, thrombopénie, fibrose médul- thrombotiques par thrombopathie associée.
laire) et parfois d’une symptomatologie propre :
fièvre, hépatomégalie, adénopathies et douleurs Myélogramme
osseuses. Comme toute leucémie aiguë, elle est Il montre une moelle dont la richesse cellulaire est
possiblement accompagnée d’un syndrome tumoral augmentée, avec une hyperplasie granuleuse mar-
et de signes d’insuffisance médullaire. Des localisa- quée et une blastose médullaire inférieure à 10 %
tions blastiques extramédullaires peuvent égale- en phase chronique. On peut trouver, comme dans
ment se voir, notamment une atteinte méningée ou le sang, une basophilie, voire une éosinophilie. Les
des chloromes des tissus mous. mégacaryocytes sont souvent en nombre augmenté
Deux tiers des acutisations sont de phénotype et de petite taille. Inutile pour le diagnostic de
myéloblastique et un tiers est de phénotype lym- LMC, le myélogramme permet cependant de confir-
phoblastique. La probabilité d’obtenir une seconde mer la phase de la maladie et de réaliser le caryo-
phase chronique est faible et celle-ci est de courte type initial.
durée. Avec des chimiothérapies intensives, elle
est de 20 à 30 % pour les transformations myéloblas- Biopsie ostéomédullaire
tiques, avec une durée médiane de deuxième phase Inutile au diagnostic de LMC, elle affirme le dia-
chronique de 2 à 3 mois, et 60 à 80 % pour les gnostic de syndrome myéloprolifératif, caractérisé
transformations lymphoblastiques, avec une mé- par une hyperplasie du tissu hématopoïétique et de
diane de 6 à 9 mois. la lignée myéloïde en particulier, comblant la tota-
lité des espaces médullaires, avec disparition des
cellules adipeuses. Une fibrose réticulinique dis-
Diagnostic crète peut se voir, mais rarement dès le diagnostic.
L’apparition d’une fibrose fait partie des signes
Anomalies hématologiques orientant d’accélération de la maladie.
le diagnostic
Examens nécessaires au diagnostic
Hémogramme
L’hémogramme ou numération-formule sanguine Le critère fondamental du diagnostic est la pré-
(NFS) est l’examen le plus important car il permet à sence du gène de fusion BCR-ABL détecté par bio-
Leucémie myéloïde chronique 195

logie moléculaire. Autres syndromes myéloprolifératifs


• La reverse transcriptase polymerase chain reac-
tion (RT-PCR) met en évidence le transcrit de Splénomégalie myéloïde ou myélofibrose
fusion Bcr-Abl dans les cellules médullaires ou, primitive
plus facilement, à partir d’un prélèvement san- Elle se développe plus couramment chez des sujets
guin. Elle permet de définir le sous-type molé- âgés de plus de 60 ans. Elle se caractérise par une
culaire produit. Cet examen est aujourd’hui in- hyperleucocytose avec myélémie et surtout une
dispensable au diagnostic de LMC. L’examen érythroblastose sanguine aboutissant à l’érythro-
peut être techniqué à partir d’un prélèvement myélémie très caractéristique. La moelle est le
sur un simple tube à numération de type éthy- siège d’une fibrose plus ou moins importante, ren-
lène diamine tétra-acétique (EDTA), et même dant difficile la réalisation du myélogramme, et le
après 36 heures à température ambiante. chromosome Philadelphie n’est jamais retrouvé à
• Le caryotype, réalisé sur échantillon médul- l’analyse cytogénétique.
laire, met en évidence dans 95 % des cas la
présence du chromosome Philadelphie, classi- Thrombocytémie essentielle
quement présent dans toutes les cellules. Indis- Elle se caractérise par une thrombocytose impor-
tante avec hyperleucocytose modérée. C’est un
pensable au diagnostic, il permet aussi de
diagnostic d’élimination et les autres syndromes
détecter des anomalies cytogénétiques surajou-
myéloprolifératifs doivent être tout d’abord élimi-
tées et donc de préciser la phase de la maladie.
nés (pas de chromosome Philadelphie en faveur
C’est pour cette raison qu’il doit être effectué à
d’une LMC, pas de myélofibrose en faveur d’une
partir de cellules de la moelle osseuse.
splénomégalie myéloïde primitive, pas de masse
• L’hybridation in situ ou FISH visualise directe-
sanguine augmentée en faveur d’une polyglobulie
ment le gène de fusion BCR-ABL sur les noyaux,
vraie).
qu’il y ait translocation visible en cytogénétique
ou pas. L’avantage de cette technique est de Leucémie myélomonocytaire chronique (LMMC)
détecter les remaniements BCR-ABL sans chro- C’est probablement l’un des diagnostics différen-
mosome Philadelphie et d’être plus sensible que tiels les plus difficiles : il s’agit d’une entité
le caryotype. Elle ne permet pas, en revanche, frontière entre le syndrome myéloprolifératif et
de mettre en évidence des anomalies cytogéné- le syndrome myélodysplasique. Il existe une hy-
tiques additionnelles. Cependant, elle peut être perleucocytose avec myélémie dont l’élément ca-
utile pour rechercher une délétion du chromo- ractéristique est une monocytose (> 1 000/mm3).
some 9, reconnue comme facteur pronostique Des signes cytologiques de myélodysplasie sont éga-
péjoratif.42 lement présents. Le diagnostic de LMC peut être
exclu par l’absence de chromosome Philadelphie et
surtout par l’absence de transcrit de fusion BCR-
ABL en biologie moléculaire.
Diagnostic différentiel
Lors de la phase aiguë

Lors de la phase chronique Le problème diagnostique est celui des leucémies


aiguës lymphoblastiques (LAL) à chromosome Phila-
delphie. La LAL à chromosome Ph constitue le dia-
Avant la mise en évidence de la translocation gnostic différentiel possible d’une LMC en phase de
t(9;22) par analyse cytogénétique (caryotype) ou la transformation aiguë de phénotype lymphoïde. Si la
mise en évidence du transcrit de fusion Bcr-Abl en présence d’une splénomégalie et d’une myélémie
biologie moléculaire, les diagnostics différentiels associée à une basophilie oriente plutôt vers un
sont ceux d’une hyperleucocytose associée à une diagnostic de LMC acutisée, seul le caryotype réa-
myélémie. lisé lors de la rémission après chimiothérapie d’in-
duction permettra de trancher, en montrant dans
Myélémies réactionnelles le cas d’une LMC acutisée la persistance du chro-
Elles sont secondaires à une infection, souvent mosome Ph dans toutes les métaphases analysées.
grave, une corticothérapie ou des métastases mé-
dullaires. Elles sont caractérisées par l’absence de Facteurs pronostiques
blastes circulants et le faible nombre de promyélo-
cytes. De plus, on n’observe jamais de chromosome Sokal et al. ont défini, en 1984, des critères biolo-
Philadelphie. giques et cliniques séparant les patients en groupes
196 T. Leguay, F.-X. Mahon

pronostiques différents. Un calcul logarithmique


Tableau 3 Critères pronostiques dits de Hasford ou Euros-
complexe à partir de quatre facteurs pronostiques core.
indépendants (l’âge, la taille de la rate, le pourcen-
Indice = [(0,6666 âge) + (0,0420 rate) + (0,0584 blastes)
tage de blastes sanguins et le nombre des plaquet- + (0,0413 éosinophiles) + (0,2039 basophiles)
tes) permet pour chaque malade d’avoir une valeur + (1,0956 plaquettes)] × 1 000
appelée indice de Sokal (Tableau 2).43 Cet indice Âge : âge en années
permet de séparer la population des malades en Rate : taille en cm sous le rebord costal
trois groupes dont la médiane de survie est signifi- Blastes : pourcentage de blastes circulants
cativement différente : un groupe à faible risque Éosinophiles : pourcentage d’éosinophiles circulants
Basophiles : 0 si basophilie < 3 % et 1 dans les autres cas
avec un indice inférieur à 0,8 et une survie médiane
Plaquettes : 0 si taux de plaquettes < 1 500 109/l et 1 dans
de 60 mois, un groupe à risque intermédiaire avec les autres cas
un indice compris entre 0,8 et 1,2 et une survie
médiane de 44 mois et enfin, un groupe à haut
risque avec un indice supérieur à 1,2 et une mé- d’index strictement supérieur à 1 480, elle est de
diane de survie de 32 mois. Le score de Sokal a été 42 mois.
par la suite légèrement modifié pour les patients de
moins de 45 ans.44 Cet indice, bien qu’il ait été
défini à partir de résultats cliniques obtenus sous Traitements de la leucémie
hydroxyurée ou sous busulfan, est toujours utilisé, myéloïde chronique
au diagnostic, comme reflet de la masse tumorale
et du potentiel évolutif. Le traitement de la LMC a, durant de nombreuses
Hasford et al. ont montré, en 1998, chez années, évolué au gré des améliorations de la prise
1 303 patients, que l’indice de Sokal n’était pas en charge des patients et des découvertes théra-
suffisamment adapté au traitement par l’interféron peutiques. Il faut, tout d’abord, définir les critères
(INF)-a. Ils ont ainsi proposé un nouvel indice (In- de réponse hématologique et cytogénétique. En
dice de Hasford ou Euroscore) (Tableau 3) permet- effet, tous les traitements ont pu être comparés
tant de séparer, à nouveau, les malades en trois selon ces critères et la présence d’un marqueur
groupes statistiquement différents en ce qui moléculaire a rendu cette évaluation plus facile. En
concerne la survie globale.45 Cet indice est calculé dehors de la greffe de moelle allogénique, dont
à partir de l’âge, de la taille de la rate, du pourcen- l’indication reste assez limitée, la LMC a longtemps
tage de blastes circulants, de l’éosinophilie, de la été une pathologie sans traitement curatif, la chi-
basophilie et du taux de plaquettes. Trois groupes miothérapie n’étant qu’à visée symptomatique.
sont ainsi formés : dans le groupe à bas risque, avec Cependant, les années 1980 ont vu émerger de
un index inférieur ou égal à 780, la médiane de nouveaux traitements, comme l’INF-a, permettant
survie est de 98 mois ; dans le groupe à risque une amélioration de la survie globale des malades.
intermédiaire, d’index compris entre 780 et 1 480, La découverte récente des inhibiteurs de tyrosine
elle est de 65 mois ; dans le groupe à haut risque, kinase tels que l’imatinib mésylate a bouleversé la
prise en charge thérapeutique de cette maladie.
Tableau 2 Critères pronostiques dits de Sokal.
Score de Sokal : Critères de réponse
*Indice = exp {0,0116 (âge - 43,4) + 0,0345 (rate - 7,51)
+ 0,188 [(plaquettes/700) 2 - 0,563] +0,0887 (blastes -2,1)}
Les caractéristiques cliniques et biologiques de la
Âge : âge en années
maladie et surtout le marqueur, c’est-à-dire le
Rate : taille de la splénomégalie en cm du rebord costal
Plaquettes : taux de plaquettes en N 109/l
chromosome Ph et son équivalent moléculaire, per-
Blastes : pourcentage de blastes circulants mettent de définir les différents critères de ré-
Score de Sokal modifié pour les sujets de moins de ponse au traitement.
45 ans :
*Indice = exp {0,0255 (rate - 8,14) + 0,0324 (blastes - 2,22) Réponse complète hématologique (RCH)
+ 0,1025 [(plaquettes/700) 2 - 0,627] - 0,0173 (hématocrite Elle se définit comme la normalisation de la
- 34,2) - 0,2682 (sexe -1,40)}
Rate : taille de la splénomégalie en cm du rebord costal
NFS, c’est-à-dire une leucocytose inférieure à
Blastes : pourcentage de blastes circulants 9 000/mm3 avec une formule leucocytaire normale
Plaquettes : taux de plaquettes en N 109/l (absence de blastes, de promyélocytes, de myélo-
Hématocrite : hématocrite en % cytes et de métamyélocytes), associée à un taux de
Sexe : 1 pour le sexe masculin et 2 pour le sexe féminin plaquettes inférieur à 450 000/mm3 et à une dispa-
rition de tous les symptômes et signes cliniques de
Leucémie myéloïde chronique 197

la maladie, en particulier de la splénomégalie. Une myélosuppressives tardives. Ce médicament peut


réponse partielle (RPH) a été définie comme une aussi provoquer des aplasies médullaires, des fibro-
diminution de plus de 50 % des leucocytes jusqu’à ses pulmonaires, un taux important de stérilité,
une leucocytose inférieure à 20 000/mm3 ou bien une pigmentation cutanée et des cataractes.
une normalisation de la formule sanguine avec per- Aussi, le busulfan fut-il rapidement abandonné
sistance d’une splénomégalie ou d’éléments myé- lors de la découverte, dans les années 1970, de
loïdes immatures circulants ou d’une thrombocy- l’hydroxyurée. Prescrite à la posologie de
tose supérieure à 450 000/mm3. 40 mg/kg/j, elle permet l’obtention de rémissions
hématologiques complètes dans 39 à 53 % des cas.
Réponse cytogénétique C’est un inhibiteur de la ribonucléotide réductase,
Elle a été séparée en quatre sous-groupes selon la diminuant la synthèse d’ADN. Les effets indésira-
proportion de cellules portant le chromosome Phi- bles sont moins sévères et se caractérisent par une
ladelphie lors de l’analyse du caryotype médullaire macrocytose, une atrophie cutanée responsable
comprenant au moins 25 métaphases : 0 % de chro- d’ulcères, une aphtose et une photosensibilisation.
mosome Philadelphie pour la réponse cytogénéti- C’est seulement en 1993 qu’une étude randomisée
que complète (RCC), entre 1 et 35 % pour la réponse allemande a permis de démontrer la supériorité de
cytogénétique partielle (RCP), entre 35 et 95 % l’hydroxyurée sur le busulfan avec un allongement
pour la réponse cytogénétique minime ou mineure significatif de la médiane de survie.47 Une méta-
(RCm) et l’absence de réponse cytogénétique analyse récente a confirmé ces résultats.48
quand 100 % des métaphases analysées présentent Aujourd’hui, l’hydroxyurée n’est utile qu’en cas
le chromosome Philadelphie. Vient s’ajouter à ces d’hyperleucocytose symptomatique ou de throm-
quatre groupes une définition importante, celle de bocytose supérieure à 1 000 109/l. Elle est aussi
la réponse cytogénétique majeure (RCM), qui re- indiquée en cas d’espérance de vie limitée ou d’in-
groupe tous les patients ayant moins de 35 % de tolérance aux autres thérapeutiques, car elle est
cellules Philadelphie positives, c’est-à-dire la facile à utiliser.
somme des réponses complètes et partielles avec
plus de deux tiers de métaphases normales. Allogreffe de cellules souches
Avec les progrès de la biologie moléculaire, hématopoïétiques
c’est-à-dire la RT-PCR quantitative (RTQ-PCR), on
s’efforce actuellement de définir des critères de Seul traitement curatif, elle permet, grâce au
réponse moléculaire. La technique étant très sen- conditionnement (par cyclophosphamide et busul-
sible (10–5 à 10–6), on parle de réponse moléculaire fan) et à l’effet greffon versus leucémie (GVL),
majeure (RMM) lorsque le ratio BCR-ABL/ABL dimi- l’élimination des cellules leucémiques et la recons-
nue d’au moins 3 logarithmes décimaux sur une titution d’une hématopoïèse normale. Aujourd’hui,
période donnée ; c’est la raison pour laquelle il faut on recherche l’effet immunologique GVL car il est
plusieurs points de suivi dans le temps. La réponse particulièrement marqué dans cette maladie. C’est
moléculaire complète est définie comme l’absence pourquoi des recherches sont en cours pour évaluer
de détection du transcrit BCR-ABL par RTQ-PCR l’efficacité des greffes à conditionnement atténué,
avec une sensibilité de 10–5 à 10–6. Ainsi, en moins qui permettent de maintenir l’effet GVL tout en
de 20 ans, nous sommes passés de la réponse héma- diminuant la toxicité du conditionnement pré-
tologique, où toutes les cellules circulantes sont greffe.
encore leucémiques, à la réponse moléculaire où
seule une cellule sur 100 000 est détectée comme Allogreffe géno-identique
tumorale. Ceci témoigne de l’extraordinaire avan- Les résultats de ces allogreffes réalisées en phase
cée thérapeutique accomplie durant cette période. chronique, dans l’année du diagnostic, montrent un
taux de survie sans récidive à 5 ans d’un peu plus de
Hydroxyurée et busulfan 50 %. Les séries les plus récentes, monocentriques,
provenant de centres expérimentés, rapportent
Si le traitement initial, empirique et palliatif de la jusqu’à 60 % de survie sans récidive à 5 ans (sélec-
LMC consistait en la splénectomie, la première tion différente des patients, meilleure prise en
molécule utilisée fut le busulfan, à la dose de charge de la greffe).
0,1 mg/kg/j. Le busulfan a permis l’obtention de Le taux de rechute postallogreffe dans les
réponses hématologiques complètes dans 23 à 54 % meilleures conditions (greffe non T-déplétée, en
des cas46,47, mais de très rares réponses cytogéné- phase chronique, dans l’année du diagnostic) est de
tiques majeures ont pu être rapportées (1 à 2,5 %). 10 à 20 % dans les 4 ans suivant la greffe. Ces
Cette thérapeutique est connue pour ces propriétés rechutes peuvent être « rattrapées » grâce à une
198 T. Leguay, F.-X. Mahon

immunomodulation (injection de lymphocytes du Interféron-␣


donneur) afin d’entraîner un effet GVL ou après
l’arrêt d’une immunodépression préventive anti- Talpaz et al., en 1983, ont été les premiers à
GVH pour récupérer cet effet GVL. Un traitement montrer l’efficacité de l’INF-a leucocytaire puis
par INF-a, qui entraîne 20 à 40 % de RCC, ou encore recombinant dans la LMC.50 Cette cytokine permet
par imatinib mésylate peut être aussi proposé. d’obtenir des réponses hématologiques mais aussi
En conclusion, on peut dire que l’allogreffe des réponses cytogénétiques, définies selon les cri-
géno-identique constitue le traitement de choix tères cités précédemment.
pour les patients jeunes. En effet, les résultats du L’INF-a est une cytokine possédant une action
groupe européen montrent une survie sans maladie antiproliférative sur les cellules normales et tumo-
à 3 ans de 75 % pour les greffes géno-identiques en rales. L’INF « interfère » dans le système immuni-
première phase chronique. Malheureusement, les taire mais son mécanisme d’action dans la LMC
patients jeunes disposant d’un donneur intrafami-
demeure largement inconnu. Administré par voie
lial compatible représentent moins de 20 % des
sous-cutanée, il s’accompagne d’effets secondaires
patients.
gênants, pouvant conduire à une diminution de la
posologie (30 à 50 % des cas), voire à un arrêt du
Allogreffe phéno-identique
traitement (15 à 20 % des cas). Un syndrome pseu-
D’autres alternatives ont donc dû être développées
dogrippal et un syndrome dépressif avec asthénie,
et parmi elles l’allogreffe avec donneur non appa-
insomnie, perte de poids sont fréquents. Des mani-
renté. Comme dans le cas des greffes géno-
festations « immunologiques » d’expression varia-
identiques, de meilleurs résultats sont obtenus si la
ble constituent des effets indésirables classiques
greffe est réalisée chez un patient jeune, en phase
(hémolyse, thrombopénie, collagénose, hypothy-
chronique, dans l’année du diagnostic, sans déplé-
tion T. Dans cette optique, un score de risque de roïdie, atteinte rénale). On observe aussi des at-
l’allogreffe, dit score de Gratwohl,49 a été établi, teintes cardiaques avec des cardiomyopathies dila-
permettant d’évaluer à partir de critères simples et tées, des troubles hépatiques, des cytolyses et une
reproductibles le bénéfice attendu d’une telle pro- toxicité neurologique, qui imposent généralement
cédure thérapeutique. Ce score est basé sur l’ana- l’arrêt du traitement.
lyse rétrospective d’un grand nombre d’observa- La dose de 5 MU/m2/j est habituellement préco-
tions (Tableau 4). nisée. De rares études, aux résultats contestés,
semblent montrer qu’une dose inférieure pourrait
Greffe à conditionnement atténué être suffisante. Le schéma actuellement le plus
L’âge moyen des malades au diagnostic est supé- utilisé reste celui cité précédemment, en sachant
rieur à 50 ans. Des alternatives à la greffe classi- qu’en pratique, la dose réellement administrée
que, selon des procédures expérimentales, peuvent sera la dose tolérée par le malade.
être proposées chez les sujets âgés, dans le but de Actuellement, quelques firmes pharmaceutiques
diminuer la mortalité liée à la greffe tout en ont développé une forme retard d’INF-a en le com-
conservant l’effet immunologique antileucémique binant à du polyéthylène glycol (PEG). Le rythme
(GVL). C’est la raison pour laquelle de très nom- d’administration de cette forme « PEG- INF-a » est
breuses équipes proposent la greffe à conditionne- d’une fois par semaine, mais l’efficacité et la tolé-
ment atténué, dont les résultats sont prometteurs. rance ne sont toujours pas définies.

Tableau 4 Score de Gratwohl et résultats obtenus à long terme après allogreffe selon ce score.
Score 0 1 2
Stade 1e phase chronique Phase accélérée Transformation aiguë
Âge < 20 ans Entre 20 et 40 ans > 40 ans
Sexe donneur/receveur Identique ou homme/femme Femme/homme
Donneur Géno-identique Non apparenté
Diagnostic-greffe < 1an > 1an
Score Nombre de patients Survie sans Survie globale Mortalité liée Rechute
maladie à la greffe
0-1 634 60 % 72 % 20 % 23 %
2 881 47 % 62 % 31 % 32 %
3 867 37 % 48 % 46 % 31 %
4 485 35 % 40 % 51 % 28 %
5-7 275 18 % 20 % 72 % 35 %
Leucémie myéloïde chronique 199

Les grandes règles d’utilisation pratique de Certains auteurs ont défini des facteurs prédic-
l’INF-a sont les suivantes : tifs précoces de réponse (permettant d’adapter le
• début du traitement en monothérapie par INF-a traitement le cas échéant). Ainsi, il a été montré
(sauf dans les cas de leucostase où l’hydroxyu- que l’obtention d’une RCH à 3 mois était un facteur
rée peut être initialement associée pour réduire prédictif d’une bonne réponse à l’INF-a.55,56
plus rapidement le volume tumoral) ;
• instauration du traitement à dose progressive Intensification thérapeutique et autogreffe
jusqu’à une dose moyenne de 5 MU/m2/j, le but
étant d’obtenir une RCH avec des leucocytes Comme nous l’avons vu précédemment, seuls 20 %
entre 2 000 et 5 000/mm3 et des plaquettes des malades peuvent bénéficier d’une allogreffe de
entre 50 000 et 100 000/mm3 ; cellules souches hématopoïétiques. L’intensifica-
• prévention et diagnostic précoces des effets tion thérapeutique avec autogreffe de moelle ou de
secondaires : prévention du syndrome pseudo- cellules souches périphériques a pu dès lors repré-
grippal par l’administration de l’INF-a au cou- senter une voie alternative.
cher, précédée d’une prise de paracétamol, Si un effet bénéfique a pu être montré chez des
prévention des nausées par antiémétiques, trai- patients non répondeurs à l’interféron et ayant de
tement des syndromes dépressifs par antidé- mauvais facteurs pronostiques, par exemple un
presseurs, diminution de la dose de 25 % si score de Sokal élevé, aucun effet sur la survie n’a
toxicité de grade II persistante (GB < 2 000/ pu être démontré et les nouveaux traitements tels
mm3 ou plaquettes < 50 000/mm3) ; que les inhibiteurs de tyrosine kinase ont conduit à
• arrêt du traitement si toxicité de grade III ou IV abandonner pour le moment cette thérapeutique.57
(reprise parfois possible à 50 % de la dose, sous
surveillance).
De nombreuses études ont prouvé l’efficacité de Imatinib mésylate
l’INF-a en soulignant sa capacité d’induire des ré-
ponses cytogénétiques. Leurs résultats sont assez Mécanismes d’action
variables, les chiffres moyens étant les suivants : 60
à 80 % de RCH ; 40 à 60 % de réponses cytogénéti- L’imatinib appartient à une nouvelle classe de mé-
ques ; 20 à 40 % de RCM ; environ 10 % de RCC dicaments : les inhibiteurs de tyrosine kinase.10,11
durables et une survie médiane de 60 à 65 mois. Les groupements chimiques phénylaminopyrimidi-
Cinq grandes études, de 1993 à 1995, ont montré le nes ont servi de base à la synthèse de très nom-
bénéfice de l’interféron par rapport à la chimiothé- breux dérivés capables d’inhiber les protéines-
rapie.46–48,51,52 kinases. Parmi les différents dérivés, le CGP57148 B
Le groupe français d’étude de la LMC a montré (cyba geigy product) a démontré une capacité d’in-
que l’adjonction de la cytarabine, à la dose de hibition importante sur l’activité tyrosine kinase
20 mg/m2/j,10 jours par mois, à l’INF-a d’Abl et sur celle des récepteurs au platelet-
(5 MU/m2/j) allonge la survie des patients et amé- derived growth factor (PDGF) et au stem cell factor
liore la réponse cytogénétique par rapport à ceux (SCF).58 En 1996, Druker et al. ont montré que cette
traités par l’INF-a seul (taux de survie à 3 ans : 85 % molécule était capable d’inhiber spécifiquement la
contre 79 % ; taux de RCC à 12 mois : 41 % contre prolifération de lignées cellulaires murines et hu-
24 %).53 Ces résultats n’ont pas été confirmés par maines transformées par BCR-ABL.59 Le
l’étude randomisée autrichienne, menée selon un CGP57148 B, renommé par la suite STI571 (signal
schéma très similaire.54 transduction inhibitor 571), agit par inhibition
La variabilité des résultats entre les différentes compétitive de l’adénosine triphosphate (ATP) au
études peut s’expliquer par des différences dans la niveau du site catalytique de la protéine kinase.
distribution des groupes de risque, la dose d’INF-a L’analyse structurale a permis d’expliquer sa spé-
délivrée, la motivation des patients et des méde- cificité.60 L’étude en cristallographie du complexe
cins, les critères de réponse et d’adaptation du ABL-inhibiteur a en effet montré qu’il existait, au
traitement, la fréquence des études cytogénéti- sein du domaine catalytique d’ABL, une poche
ques. Quoi qu’il en soit, malgré ces différences, on constituée d’acides aminés dont certains, relative-
a pu mettre en évidence des facteurs favorisant la ment conservés, sont impliqués dans les interac-
réponse au traitement : le début précoce du traite- tions avec l’ATP, et d’autres, non conservés (mais
ment après le diagnostic, un score pronostique variant peu au sein d’un même sous-groupe de
faible ou intermédiaire, une dose d’INF-a suffisante kinases), se lient à l’inhibiteur. La formation du
(5MU/m2/j), le maintien des globules blancs à complexe kinase-inhibiteur n’est possible que dans
moins de 3 000/mm3 et des plaquettes à moins de une conformation inactive de la protéine
100 000/mm3. (Fig. 7).61–63
200 T. Leguay, F.-X. Mahon

(14,5 % de RCC ; p < 0,001).53 Dans cette étude, la


probabilité de survie sans maladie était également
plus élevée chez les patients traités par imatinib
que chez les autres (96,7 % versus 91,5 %
p < 0,001). Cette étude a été récemment actuali-
sée et le suivi à 24 mois des patients traités par
l’imatinib seul montre que la probabilité de RCC est
de 94 %.70 De plus, cette étude a démontré la
supériorité de l’imatinib en termes de tolérance et
de qualité de vie.71 Compte tenu du taux important
de réponse cytogénétique obtenue après imatinib,
le meilleur moyen pour apprécier son efficacité est
la réponse moléculaire, c’est-à-dire la diminution
quantitative du marqueur Bcr-Abl évaluée par RT-
Figure 7 Mécanisme d’action de l’imatinib. L’imatinib entre en PCR en temps réel.72 Les essais de phase II ont
compétition avec l’adénosine triphosphate (ATP) au niveau du également été actualisés, avec pour l’étude
domaine tyrosine kinase d’Abl. Le blocage du site catalytique concernant les patients en phase chronique résis-
conduit à une inhibition de la phosphorylation des substrats
cibles.
tants à l’INF, un suivi médian de 40 mois avec 65 %
de RCM. La probabilité de survie globale à 36 mois
Résultats des essais cliniques dans le groupe de mauvais pronostic est de 88 %.73
En revanche, l’effet du médicament chez les pa-
Les deux premiers essais cliniques de phases I et II tients en phase blastique est au mieux transitoire,
ont commencé en 1998 et ont été publiés en 2001. avec une survie médiane de 6 mois chez 786 pa-
L’un concernait des patients atteints de LMC en tients analysés du programme étendu.74 La propor-
phase chronique, résistants à l’INF-a (non- tion de patients initialement non répondeurs ou
répondeurs ou échappant secondairement), traités échappant secondairement au traitement confirme
par imatinib avec escalade de doses ; 83 patients in vivo l’existence de mécanismes de résistance à la
ont été inclus dans cet essai, 54 d’entre eux ont molécule.
reçu une dose quotidienne supérieure ou égale à
Conduite pratique du traitement
300 mg/j et 98 % de ces patients ont présenté une
réponse hématologique complète dès le premier Les effets non hématologiques les plus communé-
mois de traitement, durable pour 92 % d’entre eux ment retrouvés sont les suivants : nausées, vomis-
(suivi moyen de 265 jours) ; de plus, 31 % de ces sements, diarrhées, myalgies, arthralgies, gynéco-
patients ont présenté une réponse cytogénétique mastie, rash cutané et cytolyse hépatique. Leur
majeure.64 Le deuxième essai a inclus 58 patients fréquence et surtout leur intensité restent cepen-
présentant soit une LMC en transformation aiguë dant dose-dépendantes. Certains effets secondai-
(38 de phénotype myéloïde, dix de phénotype lym- res étonnants par leur nature ou leur intensité sont
phoïde), soit une leucémie aiguë lymphoblastique remarquables. Quelques patients présentent une
avec chromosome Ph+ (dix patients). Si le taux de repigmentation paradoxale des cheveux,75 d’autres
réponse initiale (hématologique ou médullaire) présentent des dépigmentations cutanées, qui peu-
était de 70 %, seuls 12 % d’entre eux, de phénotype vent s’expliquer par l’inhibition du récepteur c-kit.
myéloïde, se sont maintenus en rémission.65 Ces Les œdèmes, en particulier palpébraux, méritent
résultats ont été confirmés par trois essais de phase d’être soulignés. Ils sont provisoires mais sont par-
II multicentriques.66–68 Ceci a permis de définir les fois très impressionnants.
doses de STI571 efficaces pour traiter la LMC en Les effets secondaires hématologiques sont, gé-
phase chronique (400 mg/j) et la LMC en phase néralement, dose-dépendants et imposent dans
d’accélération (600 mg/j) et d’enregistrer la molé- certains cas l’arrêt temporaire puis la diminution
cule comme médicament sous le nom d’imatinib de la posologie, voire l’arrêt définitif du traitement
mésylate en 2001. Pour démontrer l’efficacité de s’ils perdurent. En effet, selon l’étude de phase I,64
ce médicament chez les patients de novo, un essai 9 % des patients recevant une dose comprise entre
randomisé de phase III (étude Iris), a été mis en 25 et 140 mg/j présentent une neutropénie de
place en 2000 et publié en 2003.69 Au moment de la grade 1 ou 2 et 4 % de grade 3 ou 4, mais 24 % des
publication, le suivi médian était de 19 mois. Cette patients recevant une dose comprise entre 600 et
étude a permis de démontrer la supériorité de 1 000 mg/j présentent une neutropénie de grade
l’imatinib (76,2 % de RCC) sur l’association de réfé- 3 ou 4 imposant l’arrêt du traitement jusqu’à amé-
rence d’interféron et de cytarabine à faible dose lioration des chiffres de polynucléaires.
Leucémie myéloïde chronique 201

Les patients doivent être suivis régulièrement en gène BCR-ABL lui-même ou encore du gène MDR
consultation (après 1, 3, 6 et 12 mois pour la (gène de résistance multiple aux drogues) ont été
première année en l’absence d’événements indési- mis en évidence.77,78 Ces mécanismes de résistance
rables). La surveillance biologique initiale doit à l’imatinib sont différents selon qu’il s’agit de
comporter une NFS, des tests hépatiques (aspartate lignées cellulaires ou de cellules provenant de pa-
aminotransférases [ASAT], alanine aminotransféra- tients. En effet, en analysant des cellules prove-
ses [ALAT]), un dosage de la créatininémie et de nant de patients, il a été montré que des résistan-
l’uricémie. Le bilan est hebdomadaire le premier ces à l’imatinib acquises pouvaient être aussi dues
mois puis répété une fois par mois. Cette sur- à une mutation ponctuelle de l’acide aminé 315 si-
veillance a pour objectif de dépister la survenue de tué dans le domaine tyrosine kinase d’ABL.79 Il a
cytopénies (neutropénie et/ou thrombocytopénie), également été observé, chez un patient devenu
d’une éventuelle toxicité hépatique et de pertur- résistant, une mutation ponctuelle A/G en position
bations hydroélectrolytiques possiblement induites 255 du domaine tyrosine kinase d’ABL (située dans
par le traitement. Le suivi de l’efficacité du traite- le domaine de liaison à l’ATP) conduisant à la
ment repose sur l’examen clinique (disparition de substitution d’un acide glutamique par une ly-
la splénomégalie et des symptômes en rapport avec sine.80 Depuis, de nombreuses équipes ont rapporté
la maladie), la normalisation de la NFS et la dispa- différentes mutations dans le domaine tyrosine ki-
rition du chromosome Philadelphie sur le caryotype nase pouvant potentiellement expliquer la résis-
médullaire. Ce dernier examen sera effectué à 6 et tance à l’imatinib mésylate.
12 mois puis tous les 6 mois jusqu’à obtention de la Les mutations peuvent être classées en quatre
RCC. Les résultats récents de l’étude Iris69,72 indi- types : celles modifiant les sites de liaison de
quent que la surveillance de la maladie résiduelle, l’imatinib, celles modifiant la structure même de la
en biologie moléculaire par RT-PCR quantitative, protéine tyrosine kinase, celles qui touchent la
constitue un élément majeur d’évaluation de la boucle P (phosphate de transfert de l’ATP) et celles
réponse au traitement pour les patients traités en de la boucle d’activation (boucle A) (Fig. 8).
première intention par l’imatinib mésylate. La ré- Une étude publiée par Branford et al. a montré
ponse moléculaire majeure, c’est-à-dire une dimi- que les mutations d’acides aminés composant la
nution de 3 log de la charge « Bcr-Abl », obtenue « boucle P » sont associées à un pronostic plus
dans les 12 premiers mois de traitement, est asso- sombre.81 La mutation 315 individualisée a aussi un
ciée à une survie sans événement de 100 % à pronostic défavorable, comme cela a été démontré
2 ans.72 En conséquence, il est indispensable de récemment par une étude française multicentri-
disposer d’une mesure quantitative du transcrit que.82 Les patients présentant une mutation d’un
BCR-ABL au diagnostic puis au minimum à 1 an de de ces cinq acides aminés ont une survie médiane
traitement. Une quantification trimestrielle au diminuée.
cours de la première année de traitement est sou- Les critères de résistance à l’imatinib sont défi-
haitable pour observer la cinétique de décrois- nis par l’absence de réponse hématologique à
sance. Une fois la RCC obtenue et si possible confir- 3 mois, l’absence de réponse cytogénétique à
mée, la surveillance du caryotype doit rester 12 mois ou la rechute moléculaire, c’est-à-dire
annuelle afin de dépister la survenue d’anomalies l’augmentation du taux de transcrit Bcr-Abl en bio-
caryotypiques surajoutées. La recherche de muta- logie moléculaire de plus de 2 logs sur deux exa-
tions du domaine tyrosine kinase de BCR-ABL n’est mens consécutifs effectués à 1 mois d’intervalle,
disponible que dans un nombre limité de laboratoi- ou un taux persistant supérieur à 10–2.
res en France. Il est cependant possible de disposer
de cette recherche dans des situations particuliè-
res. Les données actuellement disponibles sur les
arrêts de traitement (principalement liés à des
effets secondaires) ne sont pas suffisantes pour
recommander l’arrêt du traitement, y compris chez
les patients répondeurs.

Résistances à l’imatinib

À partir de lignées leucémiques, des cellules résis-


Figure 8 Représentation des liaisons entre l’imatinib et le do-
tantes à l’imatinib ont été générées in vitro.76 En maine kinase d’Abl. L’imatinib se lie à Abl uniquement lorsque la
utilisant ces clones résistants, des mécanismes de boucle d’activation est dans une configuration inactive.
résistance multiples tels que l’amplification du D’après 62.
202 T. Leguay, F.-X. Mahon

D’autres mécanismes de résistance indépen- 2. Nowell PC. A minute chromosome in human chronic granu-
dants de BCR-ABL sont possibles. Certains d’entre locytic leukemia. Science 1960;132:1497.
eux ont été identifiés, par exemple l’implication de 3. Rowley JD. Letter: A new consistent chromosomal abnor-
mality in chronic myelogenous leukaemia identified by
Src kinases telles que Fyn.83
quinacrine fluorescence and Giemsa staining. Nature 1973;
243:290–3.
4. Yunis JJ. The chromosomal basis of human neoplasia.
Conclusion Science 1983;221:227–36.
5. de Klein A, van Kessel AG, Grosveld G, Bartram CR, Hage-
La LMC est une hémopathie maligne rare mais dont la meijer A, Bootsma D, et al. A cellular oncogene is translo-
leucémogenèse a été particulièrement bien étudiée, cated to the Philadelphia chromosome in chronic myelocy-
permettant des avancées thérapeutiques majeures. tic leukaemia. Nature 1982;300:765–7.
En près de 40 ans, ces diverses améliorations ont 6. Heisterkamp N, Stephenson JR, Groffen J, Hansen PF, de
permis d’obtenir des rémissions cliniques, puis bio- Klein A, Bartram CR, et al. Localization of the c-ab1 onco-
gene adjacent to a translocation break point in chronic
logiques, puis cytogénétiques et maintenant molécu- myelocytic leukaemia. Nature 1983;306:239–42.
laires. L’imatinib mésylate a transformé la prise en
7. Bartram CR, de Klein A, Hagemeijer A, van Agthoven T,
charge des patients par son efficacité et par sa Geurts van Kessel A, Bootsma D, et al. Translocation of
facilité d’utilisation. Sa place vis-à-vis de l’allo- c-ab1 oncogene correlates with the presence of a Philadel-
greffe est à la base de nombreuses discussions entre phia chromosome in chronic myelocytic leukaemia. Nature
experts. Cependant, bien que sa prescription et sa 1983;306:277–80.
délivrance soient faciles, que son efficacité soit im- 8. Groffen J, Stephenson JR, Heisterkamp N, de Klein A,
Bartram CR, Grosveld G. Philadelphia chromosomal break-
portante et que ses effets secondaires soient limités,
points are clustered within a limited region, bcr, on chro-
le suivi nécessite une prise en charge hématologique mosome 22. Cell 1984;36:93–9.
dans un service spécialisé, car il importe d’obtenir le 9. Shtivelman E, Lifshitz B, Gale RP, Canaani E. Fused trans-
plus rapidement possible une réponse moléculaire, cript of abl and bcr genes in chronic myelogenous leukae-
en adaptant les doses si nécessaire, ou de détecter mia. Nature 1985;315:550–4.
au plus vite les cas de résistance. Cette surveillance 10. Lugo TG, Pendergast AM, Muller AJ, Witte ON. Tyrosine
est la condition d’une prise en charge optimale afin kinase activity and transformation potency of bcr-abl
d’améliorer la survie à long terme. Une récente oncogene products. Science 1990;247:1079–82.
réunion d’experts a édité des recommandations pour 11. Daley GQ, Van Etten RA, Baltimore D. Induction of chronic
myelogenous leukemia in mice by the P210bcr/abl gene of
le suivi des patients, aussi bien au niveau cytogéné-
the Philadelphia chromosome. Science 1990;247:824–30.
tique que moléculaire. Nous nous en sommes, dans
12. Biernaux C, Loos M, Sels A, Huez G, Stryckmans P. Detec-
ce qui précède, largement inspirés.84 Enfin, tion of major bcr-abl gene expression at a very low level in
d’autres inhibiteurs de tyrosines kinases plus puis- blood cells of some healthy individuals. Blood 1995;86:
sants, ciblant aussi Bcr-Abl, ont été développés et 3118–22.
sont en cours d’évaluation. Il semble que la molé- 13. Bose S, Deininger M, Gora-Tybor J, Goldman JM, Melo JV.
cule ayant le plus d’avance soit celle qui porte le The presence of typical and atypical BCR-ABL fusion genes
nom de code BMS354825, car les essais de phase I in leukocytes of normal individuals: biologic significance
and implications for the assessment of minimal residual
ont montré une efficacité non négligeable chez des
disease. Blood 1998;92:3362–7.
patients résistants à l’imatinib. L’avenir du traite-
14. Deininger MW, Bose S, Gora-Tybor J, Yan XH, Goldman JM,
ment de la LMC comportera probablement des asso- Melo JV. Selective induction of leukemia-associated fusion
ciations, comme c’est la règle dans d’autres domai- genes by high-dose ionizing radiation. Cancer Res 1998;58:
nes tels que la virologie. De nombreuses questions 421–5.
demeurent sans réponse, en particulier celle qui 15. Thijsen S, Schuurhuis G, van Oostveen J, Ossenkoppele G.
concerne la durée du traitement. En d’autres ter- Chronic myeloid leukemia from basics to bedside. Leuke-
mes, on ne sait pas actuellement si ces inhibiteurs mia 1999;13:1646–74.
peuvent éliminer complètement les cellules sou- 16. Hantschel O, Superti-Furga G. Regulation of the c-Abl and
Bcr-Abl tyrosine kinases. Nat Rev Mol Cell Biol 2004;5:33–
ches leucémiques, ce qui nous renvoie à la question
44.
relative au déclenchement de la maladie, c’est-à-
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