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Performance logistique au Maroc : L’art d’avoir toujours raison

NACHOUI Mostafa : Enseignant chercheur, Faculté des Lettres et Sciences


Humaines Ben Msik, Casablanca

Logistics performance in Morocco: The art of always being right

Abstract
In this article, I try to analyze the current situation of the Moroccan logistics performance
following three visions: that of the World Bank; The Moroccan authorities and the vision of a
researcher like me, intruder in a field of study that is not initially his.
Each one of the three parts I’m analyzing will be developing its own art of always being right,
as Schopenhauer said.
In fact, the Moroccan authorities boast of their efforts to set up and develop an efficient
logistics sector, building the necessary infrastructures, setting up enforcement, monitoring and
good governance bodies, and concluding partnerships with various actors and stakeholders.
Faced with these efforts, the World Bank, through the publication of its logistics performance
index ( LPI), is constantly reclassifying Morocco on a global scale since 2012, giving its
justifications.
Based on these two facts, my contribution as a researcher is to identify the inadequacies of the
Moroccan logistical policy, which is the source of Morocco's downgrades at the international
level.
Keywords: Morocco, Logistics performance, development

Résumé :
Dans cet article, j’essaie d’analyser la situation de la performance logistique marocaine selon
trois visions : Celle de la Banque Mondiale ; des autorités marocaines et d’un chercheur intrus
comme moi dans un domaine qui n’est pas initialement le sien.
De ces trois parties, chacune développe son art d’avoir toujours raison, comme disait
Schopenhauer.
En effet, les autorités marocaines vantent leurs efforts consentis pour mettre en place et
développer un secteur logistique performant, en construisant les infrastructures nécessaires,
mettant en place des organismes d’application, de veille et de bonne gouvernance, et
concluant des partenariats avec les différents acteurs et intervenants.
Face à ces efforts, la Banque Mondiale, à travers la publication de son indice de performance
logistique, ne cesse de reclasser le Maroc à l’échelle mondiale depuis 2012, en donnant ses
justifications.

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‫‪Entre les deux se situe notre contribution de chercheur qui essaie de détecter les insuffisances‬‬
‫‪de la politique logistique marocaine, source des déclassements du Maroc au niveau‬‬
‫‪international.‬‬

‫ٍيخض‬

‫أداء اىي٘جسر‪ٞ‬ل تاىَغزب ‪ :‬فِ ٍِ ٕ٘ دائَا اىَحق‬


‫أطثح ذصَ‪ ٗ ِٞ‬ذحس‪ ِٞ‬ج٘دج أداء األّشطح اىي٘جسْ‪ٞ‬ن‪ٞ‬ح ٍؼط‪ ٚ‬اسرزاذ‪ٞ‬ج‪ ٜ‬ىَاه ٗ ٍسرقثو اىرَْ‪ٞ‬ح اىس٘س‪٘ٞ‬اقرظاد‪ٝ‬ح ىيذٗه ٗ‬
‫مذىل ٍؼط‪ ٚ‬ج‪٘ٞ‬اسرزاذ‪ٞ‬ج‪ ٜ‬ىزتظ اىَجاالخ اىرزات‪ٞ‬ح اىَحي‪ٞ‬ح ٗ اىجٖ٘‪ٝ‬ح تص‪ٞ‬اراخ اىرجارج اىؼاىَ‪ٞ‬ح‪.‬‬

‫الشؼ٘را ٗ إدراما ٍْٔ تإَٔ‪ٞ‬ح ٕذا اىَؼط‪ ٚ‬اىجذ‪ٝ‬ذ’ تادر اىَغزب إى‪ ٚ‬ذَْ‪ٞ‬ح ٗ ذط٘‪ٝ‬ز ػزضٔ اىي٘جسر‪ٞ‬ن‪ ٜ‬اىشَ٘ى‪ ٜ‬ذذر‪ٝ‬ج‪ٞ‬ا‬
‫اسرجاتح ىَرطيثاخ ٗ ذطيؼاخ اىَرذخي‪ ٗ ِٞ‬اىفاػي‪ ِٞ‬اى٘طْ‪ ٗ ِٞٞ‬اىذٗى‪ ِٞٞ‬ف‪ٕ ٜ‬ذا اىَجاه‪.‬‬
‫ػي‪ٕ ٚ‬ذا األساس’ ٗ ٍْذ تذا‪ٝ‬ح اىقزُ اى٘احذ ٗ اىؼشز‪ ’ِٝ‬أطيق اىَغزب ػذج ٍشار‪ٝ‬غ تْ‪ٝ٘ٞ‬ح ىرط٘‪ٝ‬ز اىْقو اىَرؼذد األَّاط‬
‫تؼذج جٖاخ حاضْح ىرحس‪ٗ ِٞ‬ى٘ج‪ٞ‬رٔ ٗٗط٘ى‪ٞ‬رٔ ٗ رتطٔ تاىشثنح اىذٗى‪ٞ‬ح ػثز اىَ٘اّئ ٗ اىٖذف ذق٘‪ٝ‬ح ذْافس‪ٞ‬ح اقرظادٓ ٗ‬
‫إدٍاجٔ تسيسيح اىق‪ ٌٞ‬اىذٗى‪ٞ‬ح‪.‬‬
‫ىرحس‪ ِٞ‬ج٘دج سيسيرٔ اىي٘جسر‪ٞ‬ن‪ٞ‬ح’ اشرغو اىَغزب ػي‪ ٚ‬ػْظز‪ ِٝ‬أساس‪َٕ ِٞٞ‬ا ٍحاٗىح اٍرالك ٗذجذ‪ٝ‬ذ آى‪ٞ‬اخ اىَْظٍ٘ح‬
‫اىي٘جسر‪ٞ‬ن‪ٞ‬ح ػي‪ ٚ‬اػرثارَٕا اىَذخو اىزئ‪ٞ‬س‪ ٜ‬ىضَاُ اىْضج اىي٘جسر‪ٞ‬ن‪.ٜ‬‬
‫ٍِ ْٕا األَٕ‪ٞ‬ح اىر‪ ٜ‬أػطإا اىفاػيُ٘ ٗ اىَرذخيُ٘ اىؼٍَ٘‪ ٗ ُ٘ٞ‬اىخ٘اص ىرحس‪ ِٞ‬اىثْ‪ٞ‬ح اىرحر‪ٞ‬ح ٗ رتظ ػقذ اىسيسيح‬
‫اىي٘جسر‪ٞ‬ن‪ٞ‬ح ‪.‬‬
‫اٍرالك ٗذجذ‪ٝ‬ذ اىَْظٍ٘ح اىي٘جسر‪ٞ‬ن‪ٞ‬ح ٍزذثطاُ ٍثاشزج تج٘دج ذن٘‪ ٗ ِٝ‬ذإٔ‪ٞ‬و اىَ٘ارد اىثشز‪ٝ‬ح ػيَا تاُ اىَغزت‪ ٜ‬شقاف‪ٞ‬ا ال‬
‫‪ٝ‬يرزً تاى٘قد ت‪َْٞ‬ا اىي٘جسر‪ٞ‬ل ٕ٘ أٗال ٗ أخ‪ٞ‬زا االىرزاً تاى٘قد ٗ اىَ٘اػ‪ٞ‬ذ ٗ ٕ٘ ٍا‬
‫ىٔ ذأش‪ٞ‬زاخ سيث‪ٞ‬ح ػي‪ ٚ‬اىرْظ‪َٞ‬اخ اىي٘جسر‪ٞ‬ن‪ٞ‬ح ٗ تاىخظ٘ص ػي‪ٍ ٚ‬سر٘‪ ٙ‬ضثظ أج٘د ىَ‪ٞ‬اد‪ ِٝ‬ذاٍ‪ ٗ ِٞ‬ذرثغ ش‪ٞ‬اراخ اىسيغ ٗ‬
‫اىَؼيٍ٘اخ‪.‬‬
‫ٕذٓ اىَؼط‪ٞ‬اخ ٗ غ‪ٞ‬زٕا دفؼد اىَغزب ىيؼَو تنو ٍا ف‪ٗ ٜ‬سؼٔ ىرحس‪ ِٞ‬ج٘دج قطاع اىي٘جسر‪ٞ‬ل’ ت‪َْٞ‬ا اىثْل اىؼاىَ‪ ٜ‬ضو‬
‫‪ٝ‬ذحزجٔ ف‪ ٜ‬اىرزذ‪ٞ‬ة اىؼاىَ‪ٍْ ٜ‬ذ ‪ .2102‬ف‪ٍ ٜ‬ا ‪ٝ‬خض أداء اىي٘جسر‪ٞ‬ل‬
‫ف‪ٕ ٜ‬ذا اىَقاه’ أحاٗه ذحي‪ٞ‬و ٗضؼ‪ٞ‬ح قطاع اىي٘جسر‪ٞ‬ل تاىَغزب ٍِ خاله ٍْظار شالشح أطزاف ٕ‪ ٜ‬اىثْل اىؼاىَ‪ٗ ٜ‬‬
‫اىسيطاخ اىَغزت‪ٞ‬ح ٗ ٍْظ٘ر‪ ٛ‬اىخاص مثاحس‪.‬‬
‫مو ٍِ ٕذٓ األطزاف اىصالز ذقذً فْٖا ف‪ ٜ‬إظٖار أّٖا اىظائثح ف‪ ٜ‬ذق‪ٍ ٌٞٞ‬سر٘‪ ٙ‬ذط٘ر قطاع اىي٘جسر‪ٞ‬ل تاىَغزب‪ ٗ .‬مَا قاه‬
‫ش٘تْٖاٗر’ ف‪ ٜ‬خضٌ اىجذه ت‪ ِٞ‬األطزاف’ مو طزف ىٔ فْٔ ف‪ ٜ‬إظٖار أّ ٕ٘ اىَحق دائَا ؟ فَِ ٕ٘ اىَحق ف‪ ٜ‬ذق‪ٌٞٞ‬‬
‫ٍسر٘ىاداء اىي٘جسر‪ٞ‬ل تاىَغزب؟‬

‫اىنيَاخ اىَفاذ‪ٞ‬ح ‪ :‬اىَغزب’ ٍؤشز أداء اىي٘جسر‪ٞ‬ل’ اىرَْ‪ٞ‬ح اىَسرذاٍح‬

‫‪Introduction‬‬
‫‪Le développement et la performance des activités logistiques sont devenus une donne‬‬
‫‪stratégique pour l’avenir et le devenir du développement socio-économique des pays, mais‬‬
‫‪aussi, une donne géostratégique pour l’ancrage des territoires locaux et régionaux aux‬‬
‫‪circuits commerciaux mondiaux. Conscient de l’importance de cette nouvelle donne, le‬‬
‫‪Maroc s’est mis en œuvre en développant une offre logistique intégrale et évolutive,‬‬
‫‪répondant aux attentes des acteurs et intervenants nationaux et internationaux.‬‬
‫‪Depuis le début du 21è siècle, le Maroc s’est lancé dans la construction d’une infrastructure‬‬
‫‪de transport multi modal, sélective, selon les régions, accessible, et connectée au réseau‬‬
‫’‪international, via des ports, espérant par là renforcer la compétitivité de son économie et s‬‬
‫‪ancrer à la chaine de valeurs mondialisée.‬‬
‫‪Pour optimiser sa chaine logistique, le Maroc a compris que l’appropriation et l’innovation‬‬
‫‪sont les deux entrants clés pour assurer une maturité logistique, d’où l’intérêt porté par les‬‬

‫‪38‬‬
acteurs et intervenants, publics et privés à l’amélioration des infrastructures et des maillons de
la chaine logistique.
L’appropriation et l’innovation sont directement liées à la formation et qualification de la
personne. Or la personne marocaine est culturellement a temporelle, alors que la logistique et
justement le juste à temps. Cette incompatibilité doit être résolue, car elle impacte fortement
les organisations logistiques, en particulier l’intégration incontournable et progressive du
développement durable dans la stratégie des organisations, ainsi que la nécessité de mieux
maîtriser les domaines sûreté/sécurité /traçabilité des flux…).
Ainsi, le Maroc fait des efforts pour améliorer sa performance logistique, alors que les
rapports de la banque mondiale ne cessent de le reclasser à l’échelle mondiale depuis 2012.

1 : Etat de l’art

Les développements rapides dans le domaine de la logistique, suite aux innovations


technologiques, informationnelles, gestion, marketing et autres, ont rendu les activités
logistiques au cœur des politiques de développement et des échanges internationaux. Maitriser
la chaine logistique c’est prouver l’efficacité économique et la performance de l’appareil de
production et de distribution et réussir la compétitivité sur les marchés mondiaux.
Selon Huxiang Zhao, président de la Fédération internationale des associations de transitaires
et assimilés « Il n’y a pas d’échanges sans logistique et une logistique défaillante rime souvent
avec des performances commerciales médiocres…. L’efficacité logistique est conditionnée à
l’intégration d’un grand nombre de facteurs tout au long des chaînes d’approvisionnement. ».
La multiplicité des facteurs entrant dans la chaine logistique à conduit la Banque Mondiale à
développer l’indice de performance logistique présenté dans les différents rapports bisannuels,
intitulés en anglais : « Connecting to Compete: Trade Logistics in the Global Economy », qui
regroupent des informations essentielles pour définir les indices de performance logistique, à
partir des quelles sont classés les pays.
La classification des pays qui change d’un rapport à l’autre, parfois grandement, soulève
chaque fois des critiques, ce qui nous emmène à dire est-ce que le rang donné à un pays
correspond à la réalité du développement et de la performance de son secteur logistique?
Dans cet article, j’essaie d’analyser la situation de la logistique marocaine selon trois
visions : Celle de la Banque Mondiale ; des autorités marocaines et d’un chercheur intrus
comme moi dans un domaine qui n’est pas initialement le sien.
De ces trois parties, chacune développe son art d’avoir toujours raison, comme disait
Schopenhauer.

1.1 : Indice de performance logistique


A partir de 2007, la Banque Mondiale entame la publication d’un rapport tous les deux ans,
intitulé en anglais “Connecting to Compete : Trade Logistics in the Global Economy”.

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Ces rapports déterminent l'indice de performance logistique de chaque pays et les classent en
fonction de leur performance logistique au niveau du commerce extérieur.
Ce classement évalue la performance logistique de 160 pays dans leurs échanges
commerciaux avec le reste du monde en passant notamment en revue plusieurs indicateurs de
performance, pour définir l’indice globale de performance logistique. Cet indice repose sur
une enquête mondiale réalisée par plus de 800 spécialistes de la logistique et regroupant les
résultats obtenus dans sept domaines. Il s’agit des régimes douaniers, des coûts logistiques
(notamment les taux de fret), la qualité des infrastructures, la capacité à suivre et localiser les
chargements, le respect des délais
Cet indice varie de 1 à 5 (la note la plus élevée représente la meilleure performance).
L’indice de performance logistique englobe les activités de transport, les technologies de
l´information, l´entreposage, la massification des flux, la distribution, le paiement, les
procédures de douane. Cet indice apprécie aussi la ponctualité et la sécurité des expéditions,
ainsi que la qualité des agents publics et privés travaillant dans ces secteurs. Un accent
particulier est mis sur le rapport coût/délai des acheminements, la fluidité des procédures
administratives (douanes, normes sanitaires, phytosanitaires) et l´efficacité des services
portuaires et aéroportuaires.

1.2 : Classement du Maroc

Sur la base des indicateurs de performance logistique (LPI), le Maroc a été classé en 2007 au
113ème rang mondial sur un total de 156 pays, ce qui était un mauvais score.
Passant à la 94ème place en 2010, ce qui était jugé un bon score, mais en comparaison avec
d’autres pays moins avancés que la Maroc, cela a suscité des interrogations. La Tunisie
classée 60è, la Roumanie 51è, la Bulgarie 55è, le Soudan 64ème et la Mauritanie au 67ème
rang.

En 2012 le Maroc sera classé au 50ème rang, enregistrant ainsi une très bonne amélioration
de sa performance logistique. Mais depuis 2012, le Maroc ne cessa de reculer dans le
classement mondial, passant du 62ème rang en 2014, avec un score moyen de 2,9 (Le Maroc
n'apparaissait pas dans le classement bisannuel de 2014) et au 86ème rang en 2016, avec un
score de 2,67 points sur une échelle qui va de 1 à 5.
Avec ce score revu constamment à la baisse depuis 2012, le Maroc figure ainsi au 11e rang
parmi les pays arabes, derrière les Émirats arabes unis (13e au niveau mondial), le Qatar
(30e), le Bahreïn (44e), Oman (48e), l’Égypte (49e), l’Arabie Saoudite (52e), le Kuwait (53e),
la Jordanie (67e), l’Algérie (75e) et le Liban (81e). À l’échelle du continent africain, le Maroc
se positionne 12e devancé par l’Afrique du Sud (20e), le Kenya (42e), l’Égypte (49e), le
Botswana (57e), l’Ouganda (58e), la Tanzanie (61e), le Rwanda (62e), l’Algérie (75e), la
Namibie (79e), le Burkina Faso (81e) et le Mozambique (84e).
Face aux rapports de la Banque Mondiale qui déclassent constamment le Maroc, comment les
pouvoirs concernés et les chercheurs marocains intéressés réagissent. Autrement dit, on se
demande, qui a raison ou a l’art d’avoir toujours raison des trois parties prenantes ?

2: L’art d’avoir raison de la Banque Mondiale

2.1 : Thèses de la Banque Mondiale

Selon la Banque Mondiale, deux sources d’informations permettent d’attribuer des notes : une
enquête internationale auprès des professionnels de terrain (transitaires et transporteurs), qui

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fournissent des éléments sur les pays dans lesquels ils opèrent et avec lesquels ils
commercent ; et des données quantitatives sur la performance des principales composantes
des chaînes d’approvisionnement (délais, coûts, procédures à l’importation et à
l’exportation…).
Selon José Guilherme Reis, chef de service au pôle mondial d’expertise en commerce et
compétitivité du groupe de la Banque mondiale. « L’indice de performance logistique permet
aux décideurs d’avoir une vision concrète de l’efficacité de leur pays par rapport aux autres en
termes d’acheminement des biens entre les frontières et d’accès aux chaînes logistiques
internationales ». Il rajoute : « Ils peuvent ainsi repérer les maillons faibles et réaliser tout
l’intérêt de chaînes d’approvisionnement fluides. »
Selon Jean-François Arvis, spécialiste principal au pôle mondial d’expertise en commerce et
compétitivité du groupe de la Banque mondiale et coauteur du rapport. « Depuis les débuts de
la parution de cet indice, nous avons pu prouver aux décideurs le rôle crucial de la logistique,
indépendamment du niveau de revenu d’un pays »
Selon Jeffrey Lewis, directeur du département des politiques économiques, de la dette et du
commerce à la Banque mondiale, « L’indice de performance logistique est un outil concret de
sensibilisation qui encourage les améliorations… Il nous permet d’évaluer les contraintes dans
un large éventail de pays. »

De son coté Daniel Saslavsky, spécialiste des échanges commerciaux et coauteur du rapport,
se félicite de l’apport des rapports en disant : « L’indice de performance logistique contribue à
sensibiliser les esprits et constitue souvent le point de départ d’un dialogue sur les
politiques…. Avec cet outil et d’autres, nous contribuons à l’avancement de réformes en
constante évolution. ».
2.2 : Les arguments de la Banque Mondiale

Selon la Banque Mondiale, la progression dans les indicateurs de performance logistique au


Maroc entre 2007 et 2012 est en relation direct avec l’entrée en service du complexe portuaire
Tanger Med inauguré en 2007 ; à la politique volontariste des grands chantiers (construction
de routes, autoroutes, ports, aéroports, voie ferrée…) mis en place au milieu de la décennie
précédente ; au contrat-programme logistique 2010-2015 signé en avril 2010 entre la CGEM
et le gouvernement et à l’approbation par le gouvernement du projet de décret n° 2-12-175
pour l’application de la loi n° 59-09 portant création de l’Agence marocaine de
développement de la logistique.

En effet, en termes de connectivité maritime, le Maroc est passé de la 77ème place mondiale
en 2007 à la 21ème en 2010 et au 17ème en 2012, ce qui avait donné une amélioration de sa
performance logistique supérieure à la moyenne dans le groupe de 45 pays à revenu
intermédiaire.

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Au niveau macro-logistique, c’était l’infrastructure portuaire de Tanger Med qui avait donc
joué un grand rôle dans l’amélioration de l’indice de la performance logistique marocaine.

La régression en 2014 ou plutôt son absence dans le classement est justifié par les retards
enregistrés dans la mise en œuvre de la stratégie de développement logistique, le manque
d’efficacité des procédures à la frontière et la qualité des services logistiques.

Selon les équipes de Robert Zoellik, le Maroc n’a pas encore récolté les avantages des
mesures récentes visant à développer la logistique en interne, notamment le volet camionnage
et entreposage, et ce, malgré la mise en œuvre d’une réforme qualifiée d’exemplaire pour ce
qui est de la douane et des ports.
Dans un pays comme le Maroc où les coûts logistiques sont des plus élevés, «ce n’est souvent
pas la distance entre les partenaires commerciaux, mais la fiabilité de la chaîne logistique qui
est le principal facteur de renchérissement de ces coûts», souligne le spécialiste du transport
et fondateur du projet LPI, Jean-François Arvis, cité dans le communiqué de la BM.

Dans le détail, les experts de la Banque Mondiale considèrent que l’essor de la logistique au
Maroc fait face à plusieurs contraintes, notamment les coûts prohibitifs de la traversée du
Détroit, la cherté des tarifs de prestations portuaires, le déficit en plateformes spécialisées qui
a pour conséquence d’accroître la désorganisation de la circulation des flux des marchandises,
et le zèle dans les procédures de contrôle des normes à l’import.

Néanmoins, ce recul justifié par des experts internationaux avait donné l’alerte aux acteurs et
intervenants marocains de corriger les insuffisances du système logistique national et son
environnement immédiat, et cibla les domaines auxquels le Maroc devra fournir plus
d’efforts et progrès lui permettant de gagner des points dans les classements prochaines et
faire bénéficier son économie de ces progrès.
Malheureusement le classement de 2016 n’a fait qu’enfoncer le clou en confirmant encore
plus la régression du Maroc dans sa performance logistique au niveau mondiale.

Selon les auteurs du rapport de 2016, le recul du Maroc dans le classement mondial est du au
mauvais fonctionnement des services douaniers (Les rendements des services douaniers
sont passés du 73ème en 2014 à 124ème en 2016) ; à la capacité de suivi et de traçabilité
des consignations (122e en 2016) ; à la qualité des infrastructures (90e) ; des services
compétences (91e), ainsi que la fréquence avec laquelle les expéditions arrivent au
destinataire dans les délais prévus (83e).
En plus de ces indicateurs, d’autres donnes influent sur la performance logistique marocaine,
comme la saisie retentissante de 40 tonnes de cannabis à Algésiras 2015 et autres saisie aux

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ports de Casablanca et Agadir…qui ont beaucoup nui à la réputation et à la fiabilité de la
chaîne de contrôle portuaire, et le retard de la mise en place de l’accord de facilitation des
changes, qui a été finalisé en Janvier 2014 par l’Organisation Mondiale du Commerce
(OMC), qui définit des normes pour des procédures douanières plus rapides et plus efficaces
et prévoit des dispositions pour l’assistance technique et la formation dans ce domaine.

Sur le plan des compétences, le rapport précise que « le Maroc ne connait pas une grave
pénurie de personnel de direction. Cependant, des difficultés à trouver des travailleurs sur les
niveaux inférieurs, tels que les chauffeurs de camion et les commis d'entrepôt, sont toujours
d'actualité dans le pays».
D’après ces justificatifs, on voit bien que les auteurs des rapports ont objectivement raison,
tout en ayant tort aux yeux des autorités marocaines.

3 : L’art d’avoir raison de l’Etat marocain

Le coté officiel marocain réfute, sans le dire ouvertement, les preuves et l’affirmation de la
Banque Mondiale en ce qui concerne l’indice de performance logistique, tout en étayant par
ses propres preuves sa raison bien qu’il ait objectivement tort quant au fond du sujet lui-
même . Il a raison bien qu’il ait objectivement tort, comme la Banque Mondiale qui a
construit sa raison bien qu’elle ait objectivement tort.

On peut en effet avoir objectivement raison quant au fond du sujet lui-même, tout en ayant
tort aux yeux des autres, et parfois même à ses propres yeux.

La vérité objective d’une supposition et la validité de celle-ci au plan de l’approbation des


opposants sont deux choses bien distinctes. C’est à cette dernière que se rapporte la logique de
l’art d’avoir toujours raison.

Concrètement, la position géographique du Maroc très avantagée au carrefour de l’Europe,


Afrique et Moyen Orient et à 14 Km de la péninsule Ibérique. Ajoutons à cela les nombreux
traités de libre échange et de partenariat avec les différents pays et organisations. Ces atouts et
bien d’autres qui favorisent son intégration au système monde et la convergence de ses
intérêts avec la chaine des valeurs mondiaux, lui imposent de développer entre autres son
secteur logistique dans tous ses états.

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Conscient que la logistique est devenue primordiale et essentielle pour augmenter sa capacité
à établir des liens entre les entreprises, les fournisseurs et les consommateurs dans un monde
où la prévisibilité et la fiabilité deviennent plus importantes que les coûts, le Maroc s’est lancé
depuis le début du 21è siècle dans une réforme de sa chaine logistique, par une politique
volontariste et évolutive.

3.1 : Politique logistique du Maroc

Nous citerons certains des grands faits marquants réalisés ou projetés dans le cadre de la
politique logistique marocaine.

Au début de l’an 2000, le Maroc a produit son schéma national d’aménagement du territoire,
proposant entre autres, la création des plates formes logistiques dans les différentes régions du
Maroc.

Suite à cette proposition, il a lancé en 2006 une étude sur la faisabilité de mise en place de
plates-formes logistiques multimodales de fret au Maroc, achevée au début 2007, localisant
les pôles logistiques régionaux et la proposition de réalisation de deux plates-formes
logistiques pilotes de Zénata et Ain Taoujdate.

En 2007, il a réalisé une étude concernant la stratégie de développement des zones d’activités
économiques dans la région du grand Casablanca, dégageant les zones d’activités dans les
zones à urbanisation non réglementaires et non aménagées et les plate-formes logistiques
multi-flux du grand Casablanca.

En 2007, le démarrage du port de Tanger Med et l’équipement de son hinterland en


infrastructure de transport multimodal et zones d’activités.
En 2010, lancements du plan quinquennal nommé contrat-programme logistique 2010-2015
et la stratégie nationale portuaire à l’horizon 2030.

En 2012, création de l’Agence marocaine de développement de la logistique. Une agence qui


doit accompagner la mise en œuvre de la stratégie nationale logistique et veiller à
l’application et la mise en œuvre de la stratégie du contrat programme logistique 2010-2015
adoptée en 2010.

En 2013, la mise en place de l’Observatoire Marocain de la Compétitivité Logistique, qui


constitue un élément du dispositif de gouvernance de la stratégie nationale logistique en tant
qu'instrument de mesure de la performance des systèmes logistiques et outil de veille sur le

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secteur, reflétant une image globale et objective des supply chains du Maroc et des progrès
réalisés dans le secteur de la logistique en général.

Du 25 au 27 novembre 2015, le Maroc abrita le premier Congrès africain des transports et de


la logistique (CATL), sous le thème : Pour la création d’écosystèmes logistiques régionaux.

Ce Congrès s’est inscrit dans la détermination et la dynamique du Maroc de participer au


développement des transports et de la logistique entre les pays africains, dans l’objectif de
créer des opportunités d’affaires pour développer l’activité, de réduire les coûts logistiques
dans le continent, qui atteignent le double de ce qui est pratiqué dans d’autres régions du
monde et promouvoir les investissements dédiés pour améliorer la performance logistique
des pays africains partenaires.

A partir du 1er Juillet 2016, la mise en application de la convention SOLAS dans les ports
marocains ouverts au commerce international, relative à la sauvegarde de la vie humaine en
mer et qui concerne les déclarations de la masse brute d'un conteneur empoté, dont les
conséquences sur la sécurité du navire, du personnel à bord et du personnel à terre seraient
extrêmement néfastes.

A compter du 16 janvier 2017, la mise en application de la dématérialisation du Manifeste et


de la déclaration des droits de port sur marchandises et passagers, avec une période
transitoire de 30 jours pendant laquelle, le dépôt physique reste accepté.

Cette décision fait suite au Dahir 1-07-129 du 30 Novembre 2007, portant promulgation de la
Loi n 53-05 portant sur l’échange électronique de données juridiques et eu égard à la nécessité
d’assurer un déploiement généralisé du guichet unique national du commerce extérieur
PORNET et considérant les impératifs de fluidification et de simplification des échanges de
données relatives au traitement des escales.

Cette décision vient accompagner la démarche de l’ANP pour simplifier et dématérialiser les
processus de commerce extérieur et de transit portuaire afin de renforcer la compétitivité des
ports et fluidifier les interactions au sein de la communauté portuaire.

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C’est dans ce sillage que le port Tanger Med avec sa connectivité forland et les infrastructures
de son interland très attractif, ne cessent d’attirer les gros investisseurs internationaux,
comme c’est le cas du groupe Renault Nissan et l’inauguration le 20 Mars 2017 de la cité
Mohamed VI Tanger Tech, fruit d’un partenariat sino-marocain, qui sera construite sur une
période de 10 ans, avec un investissement initial de 1 milliard de dollars, sur 2000 hectares,
qui intégrerai 200 compagnies chinoises opérant dans des secteurs variés, comme la
fabrication automobile, l’industrie aéronautique, les pièces de rechange d’aviation,
l’information électronique, le textile et une plate-forme du e-commerce et de production du
matériel de télécommunications, dans une zone franche logistique ouverte sur l’Asie,
l’Europe et l’Afrique.

Ces infrastructures vont jouer certainement sur la prochaine classification du Maroc en ce qui
concerne l’indice de performance logistique.

3.2 : La stratégie logistique marocaine

Déclinée en cinq axes, Elle vise à:


1) Doter le pays d’infrastructures logistiques performantes à travers la mise en place d’un
réseau national de zones logistiques, d’une superficie de près de 3300 ha à l’horizon 2030,
réalisé progressivement dans le cadre de schémas régionaux mobilisant du foncier en majorité
public et conçus en concertation avec les acteurs locaux sur la base des besoins actuels et
prévisionnels de ces territoires ;
2) Accélérer la modernisation cohérente du secteur à travers des plans d’actions sectoriels
d’optimisation des flux logistiques

3) Des actions favorisant l’émergence de logisticiens intégrés et performants

4) Un plan national global de développement des compétences en logistique

5) Le renforcement de la gouvernance du secteur, via la mise en place d’instances dédiées


(l’AMDL et l’Observatoire Marocain de la Compétitivité Logistique – OMCL).
La mise en œuvre des mesures et actions relatives à ces axes s’opérera progressivement et en
plusieurs phases, avec des objectifs ambitieux à court et moyen termes, pour un déploiement
complet à l’horizon 2030.

46
3.3 : Le contrat-programme logistique 2010-2015

Signé en Avril 2010 entre la CGEM et le gouvernement, il est censé être l’outil d’application
de la stratégie logistique nationale, la mise en place et l’aménagement d’un réseau national
intégré de 70 zones logistiques multi-flux (ZLMF) sur une superficie de 2080 ha en 2015 et
3300 ha en 2030, pour des investissements à hauteur de 63 milliards de dirhams.

Carte 1 : Les zones logistiques multi-flux marocaines

47
Carte 2 : Les zones logistiques multi-flux de Casablanca

48
Dans le cadre de l’exécution de la stratégie nationale logistique, le contrat programme entre
l’Etat et le secteur privé prévoit la conclusion de :
Contrats d’application horizontaux et sectoriels relatifs à la formation ainsi qu’à
l’amélioration des chaines logistiques relatives aux flux des produits énergétiques, produits
agricoles, distribution nationale, matériaux de construction et au flux import/export.
L’objectif, optimiser les échanges internationaux par l’accompagnement de la croissance des
exportations agricoles, textiles et industrielles et optimiser les importations céréalières et
énergétiques et leur distribution, ce qui ancrera plus le Maroc à la chaine de valeur du
commerce international.
3.4 : Evaluation de la politique logistique marocaine
En ce qui concerne l’évaluation officielle de la politique logistique marocaine, elle peut être
consultée dans le rapport d’évaluation réalisée à la demande de l’Agence Marocaine de
Développement de la Logistique (AMDL) en 2015, en voici un résumé.

La Stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique, élaborée en


partenariat avec le secteur privé représentée par la Confédération Générale des Entreprises du
Maroc (CGEM), en 2010 vise à améliorer la productivité logistique et comprend :
i) Un mécanisme de mise à disposition de sols relevant de la domanialité publique qui
favorise leur utilisation rapide et à faible coût ;

49
ii) Des dispositions fiscales et d’aides à l’accueil des entreprises qui placent le Maroc dans
une position plus favorable face à l’Espagne, la France et le Royaume-Uni ;
iii) D’autres aspects concrets de la politique d’aménagement et d’urbanisme, comme
l’établissement des documents de planification urbaine ou les conditions opérationnelles de
promotion, de construction et d’exploitation de Zones Logistiques Multi-Flux.
La Stratégie nationale de développement de la compétitivité logistique s’appuie sur le
développement d’un réseau national de Zones Logistiques Multi-Flux (ZLMF) et la mise à
niveau du secteur avec l’optimisation des structures de la chaîne logistique, le développement
de logisticiens performants et l’amélioration des compétences logistiques.
Le contrat-programme s’est fixé l’objectif de former et qualifier 61 000 personnes dans plus
de 20 filières spécialisées à l’horizon 2015 : 800 managers, 1 500 ingénieurs et 12 950
techniciens spécialisés.

Les impacts attendus de la mise en œuvre de cette stratégie se déclinent comme suit :
i) La baisse de la part des coûts logistiques dans le PIB national ;
ii) L’accélération de la croissance du PIB à travers l’émergence d’un secteur logistique
compétitif avec des acteurs logistiques intégrés et des plateformes de services performants ;
iii) La contribution au développement durable, à travers la réduction des nuisances (baisse du
nombre de tonnes/Km, réduction des émissions de CO2 et décongestion des routes et villes).
D’après ces justificatifs, on voit bien que l’autorité marocaine a objectivement raison, tout en
ayant tort aux yeux des experts de la Banque Modiale.

4: Raison du chercheur

Le chercheur universitaire essaie d’analyser le développement et la performance logistique


dans une vision dite systémique. Autrement dit, la logistique dans tous ses états, prise comme
étant le système nerveux de la globalisation actuelle, qui change rapidement et
continuellement. En effet, le monde de la logistique est passé très rapidement d’une
logistique globale aux logistiques intégrées, fragmentées, urbaines, intelligentes, vertes ...,
automatisées et robotisées… On parle actuellement d’une quatrième révolution logistique,
appelée révolution logistique 4.0, en parallèle avec la quatrième révolution industrielle,
appelée elle aussi industrie 4.0.

Avec ces évolutions rapides, les paramètres d’évaluation des performances logistiques qui
s’appuient sur les données provenant d’enquêtes menées auprès des professionnels de la
logistique, sont de plus en plus complexes. Ainsi, l’indice de performance logistique peut
servir de point de référence, mais il ne doit pas être considéré comme un outil de diagnostic
exhaustif.

Dans cet article, on va se contenter de certains indices logistiques, pour étayer notre art
d’avoir notre raison en ce qui concerne l’évaluation de la performance logistique marocaine.

50
4.1 : Les zones logistiques multi-flux
On constate que les 70 zones logistiques multi-flux proposées par le schéma logistique
marocain peinent de se concrétiser. Il y en a même qui sont abandonnées comme la plate
forme d’Ain Taoujdate.
Une des rares ZLMF, à savoir la plate forme de Zénata, programmée depuis 2007 et qui
devait s’étendre sur 300 Ha, n’est encore réalisée qu’en partie. La première tranche a été
aménagée par la Société nationale des transports et de la logistique (SNTL) sur une superficie
de 28 hectares, dont 36.000 m² d'entrepôts exploités par le privé depuis l’été 2011 et une
deuxième tranche de 10 entrepôts de 6.000 m² est livrée depuis 2014 aux opérateurs privés.
Photo : Plan d’ensemble de la plate-forme de Zénata

Selon des industriels opérants dans le domaine, la Société nationale des transports et de la
logistique (SNTL), société privée de l’État, profitant de son statut et bénéficiant du soutien
technique de la Banque européenne d’investissement (BEI) à travers son instrument de
partenariat et d’investissement euro-méditerranéen (FEMIP), malgré son accès à une réserve
foncière publique à des prix très avantageux, dont une partie est concédée à sa joint-venture
formée avec Damco, filiale du leader mondial du transport logistique maritime Maersk, n’a
livré que des entrepôts aménagés ne répondant que très partiellement aux besoins des
opérateurs privés.

En attendant les zones logistiques multiflux (ZLMF) qui peinent à se concrétiser, les
opérateurs privés, essentiellement des multinationales et peu de nationaux se mettent à
développer des plateformes logistiques, ou plutôt des entrepôts.
Conséquence, plusieurs entrepôts et plates-formes logistiques voient le jour un peu partout,
surtout à Casablanca, en dehors de toute régulation. La spéculation bat son plein et l’offre est

51
en train de dépasser la demande. Conséquence, les plate formes logistiques marocaines
peuvent être décrites comme fragmentées, granulaires ou le secteur informel est important,

ce qui a même mené à la faillite de certains opérateurs organisés et structurés ; comme par
exemple la plate forme de matériaux de construction à Zénata.
4.2 : Les zones logistiques dans les documents d’urbanisme
En consultant certains documents d’urbanisme, comme les schémas directeurs, plans
d’aménagement et autres, on constate qu’ils :
i) N’ y a pas spécifiquement de zones logistiques dédiées.
ii) S’il y en a, ils les assimilent à des zones industrielles, alors que les zones logistiques sont
avant tout des aires de réception, d’entreposage et de distribution, par contre les zones
industrielles sont des lieux de production et de transformation;
iii) Du fait que les zones logistiques sont des lieux d’éclatement, elles nécessitent des
localisations spécifiques, en relation directe avec les axes de transport multimodal, ce qui
n’est pas le cas dans la plupart des localisations.

iiii) L’absence de reconnaissance juridique et administrative de l’activité logistique et son


assimilation avec l’activité industrielle posent problème dans l’élaboration des documents
d’urbanisme.

4.3 : Le contrat-programme logistique et L’Agence marocaine de développement de la


logistique

Sur le papier, le contrat-programme logistique 2010-2015 est ambitieux et répond à de réels


besoins. En application, il a connu d’abord deux années de retard par rapport à son calendrier
initial, puisqu’il a fallu attendre que les lois organiques régissant l’Agence marocaine de
développement de la logistique – AMDL soient votées au parlement. Ensuite, les parties
prenantes y ont adhéré différemment.
En ce qui concerne l’Agence marocaine de développement de la logistique, le gouvernement
avait approuvé le projet de décret n° 2-12-175 pour l’application de la loi n° 59-09 portant
création de l’Agence marocaine de développement de la logistique.
Cette loi votée en juillet 2011, permet finalement à l’AMDL d’acquérir des biens immobiliers,
de développer et gérer des zones d’activités logistiques, ce que ne prévoyait pas le contrat-
programme. En plus, l’agence n’a tenu son premier Conseil d’administration que le 19
novembre 2013.

Constat est le retard pris dans son application, notamment la mise en marche tardive de
l’AMDL. Grâce à son statut d’établissement public doté de la personnalité morale et de
l’autonomie financière, cette agence dispose des capacités à agir avec toutes les parties
prenantes publiques et privées pour l’identification des sites logistiques, leur aménagement et
leur promotion. De ce fait, son rôle serait d’assurer l’élaboration du schéma national intégré
des zones logistiques ; accompagner la mise en œuvre de la stratégie nationale logistique et

52
veiller à l’application du contrat programme logistique 2010-2015 adoptée en 2010,
comprenant les 10 contrats d’application et de 36 mesures.

Commentant la composition et le rôle de l’AMDL, le Président de l’association marocaine de


la logistique, Mustapha EL KHAYAT constate ; « Au lieu de n’être qu’un arbitre, l’Agence
peut aujourd’hui devenir opérateur et la présence de représentants des professionnels dans
son Conseil d’administration ne fait qu’ajouter à la confusion . », et le secrétaire général de
l’Amlog qui déplore la constitution de l’Agence qui n’augure rien de bon pour la situation de
la concurrence du secteur logistique marocain. « C’est en complète contradiction avec la
stratégie qui s’inscrit dans une logique de passage d’un système de rente à une économie de
marché », ajoute-t-il.
4.4 : Formation dans les métiers du transport et de la logistique
Les métiers du transport et de la logistique présentent au Maroc des perspectives
professionnelles certaines. Les possibilités de carrière sont très diverses : de la logistique de
distribution comprenant le transport routier, maritime, aérien et ferroviaire ; à la logistique
industrielle impliquant la gestion des stocks en entreprise, l’entreposage de marchandises, le
Supply Chain Management, etc. ; en passant par les opérations d’import/export qui ont trait à
la gestion des opérations de transit et de douane. La multitude des segments d’une part, et la
diversité des acteurs impliqués dans les processus liés à la logistique d’autre part, sous-
tendent naturellement une palette très large de compétences requises.
Selon les professionnelles du secteur, la formation en logistique connaît certes des
améliorations diversifiées, mais non maîtrisée, voire même offre une pléthore
d’établissements d’enseignement supérieur publics et privés qui ont lancé de nouvelles
formations en logistique.
S’il est difficile d’évaluer les réalisations, tout de même, les professionnels s’accordent sur le
fait que les compétences techniques et managériales restent le principal point faible du
secteur.
Les formations de niveau bac+2, +3 ou les licences professionnelles délivrées par les
universités, restent souvent non professionnalisantes, loin de répondre aux besoins spécialisés
et croissants de tous les niveaux et spécialités (caristes, manutentionnaires, gestionnaires
d’entrepôts, pilotes de flux, réceptionnaires logisticiens, transporteurs qualifiés, chaînes de
froid et spécialistes en transport et gestion des flux de matières dangereuses…).
Malgré des profils supposés être en adéquation avec les métiers de l’entreprise, la
performance opérationnelle n’est pas au rendez-vous. Pour Mohamed Benouda, Directeur à la
SNTL, les formations actuelles ne sont pas tout à fait adaptées au niveau de maturité des
entreprises marocaines. Il est inutile d’intégrer dans les programmes de formation des théories

53
complexes et trop élaborées. Plus encore, les entreprises marocaines manifestent une réticence
à recruter les jeunes diplômés préférant nettement les profils justifiant de 2 ou 3 années
d’expérience.

Assurément, il y a une crise de confiance qui s’installe entre les entreprises et le système de
formation dans les métiers de la logistique, du fait du niveau très bas, voire mauvais des
formés. Résultat, de nombreuses PME ont de ce fait développé des programmes de formation
en interne, dispensés par des cadres en poste au sein de l’entreprise en faveur de leur
personnel.
Autre divergence se manifeste au niveau des pratiques de la Supply Chain Management
(SCM) au Maroc. En effet, la SCM qui peut améliorer la gestion logistique est confrontée à
deux courants de pensée qui s’affrontent. Certains plébiscitent « the one best way » ou un set
de « best practices » qui sont une sélection de pratiques opérationnelles exemplaires. Les
autres estiment que la théorie de la contingence explique mieux la performance
opérationnelle, c’est-à-dire que les pratiques à suivre dépendent d’un contexte stratégique.
La théorie de la contingence stipule que toutes les pratiques ne se valent pas et que le contexte
dans lequel elles s’exercent ne peut être occulté de l’équation. L’approche contingente de la
relation pratique performance s’oppose donc à la notion du « one size fits all » ou le
paradigme du « best practice », c’est-à-dire que les meilleures pratiques sont souhaitables
dans toutes les situations.
Enfin, la mise à niveau des compétences à travers le plan national de formation dans les
métiers de la logistique (cadres, techniciens, opérateurs spécialisés) qui devait toucher
environ 60.000 personnes à l’horizon 2015, n’a pas été atteint, d’autant plus que les
formations existantes sont peu structurées et non coordonnées, ce qui répond plus à une
logique d’opportunité, plutôt qu’à un plan coordonné répondant aux besoins réels du secteur.

Dans tout cela, le maillon faible de la chaîne logistique demeure la personne marocaine.
Culturellement et d’habitude, le marocain est a temporel, aucune considération du temps,
alors que la logistique est justement le juste à temps.

4.5 : Les coûts logistiques au Maroc


Le contrat-programme prévoit que les coûts logistiques rapportés au produit intérieur brut
(PIB) passeront de 20% en 2010 à 15% à l’horizon 2015, et le PIB augmentera de 3 à 5
points.
A commencer par la réduction des coûts logistiques, notamment des produits de grande
consommation et des matériaux de construction, dont le rapport aux prix finaux (coût relatif
des facteurs logistiques) devait être ramené à 15%, soit à un niveau comparable aux ratios
observés en Europe, contre plus de 20% en 2010 (pour certains produits, ce ratio était même
de 25%). En effet, selon les professionnels du secteur, les chiffres définitifs de 2015 nous
donnent entre 18% et 19%, ce qui est loin de l’objectif fixé.
L’autre indicateur clef de performance qui enregistre une évolution timorée, est celui d’un
gain de 3 à 5% du PIB à l’horizon 2015 (soit 0,5 à 0,8 point de pourcentage de PIB
annuellement) et ce, grâce à l’augmentation de la valeur ajoutée induite par la baisse des coûts
logistiques et l’émergence d’un secteur logistique compétitif avec des acteurs logisticiens
intégrés et des plateformes de services performants. Là encore, force est de reconnaitre que la
contribution du contrat-programme à l’accélération sensible du PIB n’a pas eu lieu. Ainsi, le
secteur logistique qui doit peser plus de 10% du PIB selon les critères de la Banque Mondiale,
ne représente actuellement que 6 à 6,5%.

54
4.6 : La logistique et le développement durable
Il s’agit ici d’un enjeu déterminant pour la logistique de façon générale et qui devrait se
reporter à terme sur l’externalisation logistique.

Selon la treizième édition de l’étude annuelle consacrée aux prestataires logistiques par
Capgemini, le Georgia Institue of Technology, Oracle et DHL, si 98 % des responsables
logistiques interrogés, c'est-à-dire 1644 responsables logistiques au total en Amérique du
Nord, en Europe, en Asie Pacifique et en Amérique Latine, considèrent que «la mise en place
d’une chaîne logistique respectueuse de l’environnement est un facteur essentiel dans la
réussite de l‟entreprise2», ils ne sont plus que 46% à déclarer prendre en compte ce critère
dans le processus de sélection du prestataire. La prise de conscience est donc bien réelle, mais
elle ne se traduit pas encore concrètement dans les faits.
2: CAPGEMINI (2008),

C’est dans cette direction que les décideurs publics, les chercheurs universitaires, les
prestataires logistiques et les industriels doivent coordonner leurs efforts afin de déterminer la
source et les effets des émissions de CO2. Une telle prise de conscience des différentes parties
prenantes pourrait aboutir à une refonte globale des processus, notamment en terme de :
Conception des réseaux
Modes de transports choisis
Choix des équipements
Processus métier
 Choix des localisations
Comportements des utilisateurs….
C’est une donnée primordiale car aujourd’hui même le consommateur particulier se sent
concerné par ces problématiques environnementales. L’entreprise qui prendra donc
conscience de façon réelle de cette problématique et qui l’appliquera à sa structure aura un
avantage concurrentiel certain, notamment en terme d’image de marque.
Au Maroc, la stratégie logistique nationale pourra t’elle contribuer au développement durable
du pays en réduisant les nuisances induites par le transport de marchandises (émissions de
CO2, décongestion du trafic, etc.) ?
En tout cas, le projet de la baisse des émissions CO² de 35% à l’horizon 2016 et une
décongestion des routes et des villes n’est pas bien mené. L’exemple le plus concret se
constate à Casablanca.
Pour garder et améliorer la compétitivité logistique du port de Casablanca ; remédier à la
congestion de la circulation routière, notamment au niveau du porte 3, et ouvrir le port sur la
ville… plusieurs projets de réaménagement sont projetés et en cours, dont la construction
d’un nouveau chantier naval, l’aménagement d’un port de pêche, le développement d’un
terminal de croisières et le projet Wessal Casablanca-Port, qui consiste à rendre le port de
Casablanca un port urbain. ( Voir cartes ci-dessous)

55
56
Photo : projet Wessal Casablanca-Port

Dans le cadre de l’extension de l’hinterland du port de Casablanca et sa liaison avec les


réseaux des ZLMF du grand Casablanca et celles des autres régions et
pour remédier à la congestion de la circulation routière, notamment au niveau du porte 3, les
responsables ont eu l’idée de la construction d’une nouvelle route sur le domaine maritime,
partant du port pour rejoindre la plate forme de Zénata.

La construction de cette nouvelle route, démarrée en 2016 entraina l’élévation d’un mur de
près de 6 mètres, ce qui a empêché la circulation des vents entre l’Océan et la terre. Du coup,
le littoral, sorte d’oulja, connait une sur- pollution entre Roches Noires et Ain Sebaa. En plus
on a dilapidé la belle plage d’Ain Sebaa et la route qui devait atteindre la plage Paloma sera
déviée au niveau de la plage d’Ain Sebaa.
Voila une nouvelle infrastructure routière qui peut fluidifier certes la circulation sur cet axe,
mais qui accentuera encore plus la pollution, alors qu’on parle de la logistique verte,
environnementale, de développement durable. (Voir Carte).

57
Carte n Projet de la construction de la nouvelle route

Le projet d’élargissement à 2x 3 voies sur 6 km de la route régionale n 322 entre Ain Sebaa et
la plate forme de Zénata, programmé depuis 2011 n’est toujours pas réalisé. En plus le projet
de la nouvelle ville de Zénata prévu pour loger 250 000 ne va pas améliorer la fluidité de la
circulation entre le port et la plate forme de Zénata, ce qui posera surement en cause la
compétitivité et la performance de la logistique, tant souhaitées et le développement durable.
4.7 : L’offre de prestations logistiques au Maroc

Si on se place au niveau de l’offre de prestations logistiques au Maroc, on constate qu’elle est


principalement l’œuvre des transporteurs routiers, ferroviaires, maritimes, des freight
forwarders, des sociétés de messageries express issues du transport aérien, des sociétés de
messageries express issues des postes, des sociétés issues d’activités connexes. Parfois, ce
sont des filiales d’entreprises issues d’industriels ou de distributeurs.

Le marché est réparti entre trois types d’opérateurs :


1. Des opérateurs étrangers, comme DHL/ Exel ; SNTL-Damco ; Gefco, Dachser (Ex-
Graveleau), ID Logistics Maroc ; Géodis, M&M ; MORY International…
2. Des opérateurs nationaux : La Voie Express ; SDTM ; Marotrans-Logismar, ONCF ;
TIMAR…
3. Des opérateurs louant leurs plateformes pour le compte de logisticiens ou de clients. Ces
opérateurs n’exercent pas l’activité logistique proprement dite.

Les prestations offertes sont : l’entreposage, la gestion du stock, la préparation des


commandes, le transport, le recouvrement, le conseil, les services informatiques associés, la
messagerie. Pour la plupart installés dans les grandes villes (Casablanca, Tanger, Agadir, Fès
et Marrakech),
Dans le domaine de l’offre de prestations logistiques au Maroc, le secteur des
transports terrestres présente l’une des grandes faiblesses : 90% des entreprises sont
individuelles et disposent d’un ou deux camions. 10 à 15% des entreprises disposent d’une
gestion rationnelle et d’une comptabilité.

58
Au niveau territorial, 73% des entreprises marocaines de transport sont domiciliées à
Casablanca, suivie par Tanger et Agadir, avec 5,5% chacune, le reste partagé entre les villes
de villes de Kenitra, Rabat et Marrakech.
CETMO 21
La quasi-totalité (98%) des entreprises mène des opérations de transport uniquement sur le
marché intérieur ; seules 2% se consacrent au transport international de marchandises par
route. Leur nombre s’élève à environ 250 pour un parc d’un millier de véhicules et leur part
de marché dans le TIR est aujourd’hui d’environ 14%, tandis que les transporteurs espagnols
et français ont une part de marché de près de 50% (1)

1, Les données sont tirées de l’étude secteur logistique sur la rive sud de la Méditerranée
occidentale.
Constat : Au Maroc, l’offre de prestations logistiques est faible, peu diversifiée et dominée
par l’informel. Les entreprises, offrant une palette complète de services logistiques, sont en
majorité des filiales de groupes européens et ont, le plus souvent, comme clients des
entreprises multinationales.

4.8 : L’externalisation logistique et les 4PL


Avec la mondialisation les schémas logistiques sont devenus de plus en plus complexes.
Manager l’ensemble des acteurs tout au long de la supply chain et devenu un défi de taille
pour certaines entreprises. Ainsi, l’externalisation logistique s’impose aux entreprises.

Il existe des degrés variables d’externalisation des activités logistiques qui ont évolué au fur et
à mesure des évolutions technologiques et managériales, dont Les « 1PL » ou « First Party
Logistics » ; Les « 2PL » ou « Second Party Logistics » ; Les « 3PL » ou « Third Party
Logistics » ou encore Les « 4PL » ou « Fourth Party Logistics »

Les prestations de type 4PL sont apparues assez récemment, pour faire face à la
complexification des chaînes logistiques, engendrées en partie par l’apparition et le
développement du E-Commerce.

Le « 4PL » est donc un prestataire qui aura pour mission la coordination des différents acteurs
intervenants tout au long de la chaîne logistique d’une entreprise. Aussi connu sous le terme «
intégrateur », l’apparition de cet acteur a été largement favorisée par l’essor des NTIC ainsi
que d’internet.

Le 4PL est de fait un « intégrateur de Supply Chain, qui assemble et manage des ressources,
des capacités et des technologies au sein de son organisation avec les infrastructures de
partenaires tiers, afin de proposer à son client la solution logistique la mieux adaptée 1». Le
cabinet Accenture définit pour sa part les 4PL comme « un intégrateur qui assemble ses
propres ressources, capacités et technologies et celles d‟autres prestataires pour concevoir et
piloter des Supply Chains complexes2 ». Le 4PL est donc un pilote de la chaîne logistique
globale, mais qui effectue ces opérations non pas en propre, mais avec les infrastructures de
partenaires tiers, en manageant donc différents prestataires.

1 Dow N. Bauknight, John R. Miller, The Evolution of Supply Chain Outsourcing, 1999
2 Définition par le Cabinet Accenture, 1996

59
Cette forme de prestation pourrait être schématisée sous la forme suivante
:

Le 4PL a donc à manager différents types de prestataire (2 PL ou 3PL) afin de proposer au


client la meilleure prestation possible.
Cette forme de prestation, peut conduire, si elle est bien menée, à une maturité logistique,
permettant au Maroc de regagner des places dans les classements futures, dans la performance
logistique.
La notion de maturité logistique est donc un état d’esprit global ; d’une vision et d’un recul
sur ses processus, la prise de conscience qu’aura celle - ci à comprendre la place importante
prise par la logistique aujourd’hui, à l’avantage concurrentiel que ce la représente.

4.9 : Le passage portuaire

Du fait que le commerce international marocain est à 96 % maritime, l’intégration de la


performance de la Douane dans l’indice de performance de logistique de la Banque mondiale
(IPL) atteste de son rôle essentiel
En janvier 2014, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a finalisé un « accord de
facilitation des échanges » qui définit des normes pour des procédures douanières plus rapides
et plus efficaces et prévoit des dispositions pour l’assistance technique et la formation dans ce
domaine.

C’est ainsi que la Douane marocaine a entamé des mesures de facilitation des échanges et
d’implémentation de systèmes d’informations modernes pour fluidifier les flux commerciaux
et répondre aux attentes des entreprises, cherchant par la à optimiser les processus au
maximum afin de réduire les coûts, réduire les délais et augmenter les flux associés aux
chaînes logistiques internationales.
De cette double exigence est né le cadre SAFE qui se traduit par la mise en place de nouvelles
normes douanières dans le but de parvenir à un accord gagnant-gagnant avec le secteur privé.
Il s’agit alors de l’élaboration d’un système de standards internationaux qui permet
d’identifier les organisations garantissant un haut degré de sécurité et qui se confirment
conforment à la réglementation internationale. Ces partenaires reçoivent des privilèges
opérationnels qui leur procurent un avantage concurrentiel tangible. Le cadre SAFE est
composé de deux piliers importants. Le pilier Douane-Douane, plus axé sur la sécurité alors

60
que le pilier Douane-Entreprise est plus axé sur la facilitation des échanges. Le deuxième
pilier est composé de plusieurs normes dont celles relatives au statut d’Opérateur économique
agréé (OEA).

Le label OEA est accordé aux opérateurs de la chaîne logistique internationale qui
accepteraient de se conformer au cahier de charges prévu par les directives de l’OMD et
retranscrit dans les législations nationales.
La conformité aux exigences de ce label permettrait aux opérateurs concernés de
bénéficier de plusieurs avantages qui se traduiraient concrètement par des effets
positifs sur la croissance de ces entreprises.
Les pays membres de l’OMD qui ont adhéré à ce programme n’ont pas tous mis en œuvre
l’OEA de la même façon. On trouve ceux qui ont procédé à la mise en oeuvre directe de
l’OEA en incitant leurs opérateurs de la chaîne logistique internationale à accepter des audits
pour vérifier leur capacité à accéder au label et ceux qui ont préféré y aller progressivement
en mettant en place des programmes intermédiaires qui auront l’avantage de renforcer la
capacité de leurs opérateurs à accéder au label OEA6.

Au Maroc, avant de se lancer dans la mise en place du programme d’OEA, l’Administration


des Douanes a prévu une étape préliminaire pour sensibiliser, préparer et tester le déploiement
du dit projet.
Cette étape appelée « catégorisation des entreprises » est un programme de facilitation des
procédures douanières qui se décline en deux types d’agrément : l’agrément A et l’agrément
B. Ces labels doivent témoigner de la performance réalisée par l’entreprise dans le domaine
économique et financier, managérial, sécuritaire et de gouvernance.
En cinq de mise en application, près de 1 000 entreprises ont procédé à l’implémentation des
nouvelles normes douanières. Ce qui parait peu.
Plusieurs raisons expliquent ce phénomène.
1) Il n y a pas un grand effort de communication autour de ce programme, car un grand
nombre d’entreprises l’ignorent.
2) L’accès à ce programme parait difficile pour beaucoup d’entreprises, du fait qu’il
comprend des conditions comme la bonne santé financière, être en règle avec l’État à tous les
niveaux en particulier les impôts, ou encore disposer d’un bon historique de transactions avec
la Douane.
Conséquence : selon les auteurs du rapport de 2016, le recul du Maroc dans le classement
mondial est du au mauvais fonctionnement des services douaniers (Les rendements des
services douaniers sont passés du 73ème en 2014 à 124ème en 2016).
Est-ce qu’il faut attendre la sonnette d’alarme de la Banque Mondiale pour accélérer
les réformes ?

Sans doute, c’est ce qui se passe au Maroc, en procédant à la dématérialisation du


Manifeste et de la déclaration des droits de port sur marchandises et passagers compter du 16
janvier 2017, alors que le Dahir 1-07-129 remonte au 30 Novembre 2007, portant
promulgation de la Loi n 53-05 portant sur l’échange électronique de données juridiques et eu
égard à la nécessité d’assurer un déploiement généralisé du guichet unique national du
commerce extérieur PORNET et considérant les impératifs de fluidification et de
simplification des échanges de données relatives au traitement des escales.

61
Cette décision entrée en vigueur à compter du 16 janvier 2017, avec une période transitoire
de 30 jours pendant laquelle, le dépôt physique reste accepté, vient accompagner la démarche
de l’ANP pour simplifier et dématérialiser les processus de commerce extérieur et de transit
portuaire afin de renforcer la compétitivité des ports et fluidifier les interactions au sein de la
communauté portuaire.

Dans cet objectif, l’administration des Douanes compte jouer un rôle crucial et ambitieux
dans la compétitivité des entreprises marocaines à travers trois objectifs majeurs :

• Transférer aux opérateurs économiques une partie de la charge de travail liée aux contrôles
en les incitant à observer certaines conditions de sécurité, dans le but de bénéficier des
avantages accordés.
• Changer l’image de la Douane gendarme en une image de la Douane partenaire en
remplaçant la relation de défiance par une relation de confiance et de transformer les usagers
de la douane en de véritables partenaires.
• Participer à la facilitation des échanges au niveau international et devenir un acteur sérieux
du développement.
4.10 : La logistique maroco-africaine
Le Maroc qui s’oriente de plus en plus vers l’Afrique subsaharienne, est devant la réalité des
insuffisances de liaison maritime, routière, ferroviaire avec les pays africains; des limites des
prestataires marocains, et d’un marché logistique fragmenté et d’une taille souvent réduite du
marché africain, si on prend les pays individuellement, ce qui impacte lourdement les
relations commerciales maroco-africaines et ne permet pas de développer le transport
maritime conteneurisé.
Concernant les prestations logistiques, selon la treizième édition de l’étude annuelle consacrée
aux prestataires logistiques par Capgemini, le Georgia Institue of Technology, Oracle et
DHL : Les prestataires logistiques jouent un rôle clé dans l’intégration, la viabilité et la
sécurité de la chaîne logistique», Dans ce ca, en observant l’état des logisticiens marocains
qui souffrent principalement de deux maux :

1) une santé financière peu reluisante – voire précaire pour bon nombre d’entre eux – qui
inhibe sérieusement le développement et freine leurs investissements productifs
2) un faible degré d’intégration et une taille relativement limitée, ce qui les empêche de tirer
pleinement des économies d’échelle et proposer des offres couvrant l’intégralité de la chaîne
logistique.
Et le marché de la logistique qui est fragmenté entre
i) Un marché des firmes multinationales structuré et organisé;
ii) Un marché intérieur formel minoritaire, soumis aux règlementations
d’implantation et de fonctionnement ;
iii) Un marché informel dominant, non réglementé et incontrôlé.

62
Les doléances des industriels exportateurs marocains, notamment dans l’agro-alimentaire ne
manquent pas. Ils se plaignent des prestataires marocains qui ne couvrent pas ou couvrent
insuffisamment toute la chaine logistique, allant de la collecte de marchandises à la sortie de
leurs usines marocaines, jusqu’à la livraison par palettes à leurs importateurs/distributeurs
africains, en passant par les prestations d’overseas et de stockage dans les ports africains mal
équipés et gérés…
Pour bon nombre de PME marocaines, ils sont contraint de se rabattre sur des solutions
classiques d’export en containers entiers (sans groupage), ce qui induit des coûts

d’exportation élevés et réduit donc, la compétitivité de l’industrie marocaine sur le marché


mondial. Pour remédier à une telle faiblesse, des associations de producteurs (telle
l’Association Marocaine de l’Industrie Marocaine) ont imaginé la mise en place d’une
plateforme d’exportation qui permettra une mutualisation des coûts.

Conclusion

Dans cette étude, consacrée à l’évaluation de la performance logistique au Maroc, on a essayé


de présenter l’état d’art de cette logistique et trois points de vue différents, de trois parties
différentes, ou chacune présenta sa version et son art d’avoir toujours raison.
La partie de la Banque Mondiale, reconnait les efforts du Maroc pour améliorer sa
performance logistique, mais le reclasse par rapport à d’autres pays qui font mieux que lui et
justifie son jugement.
La partie officielle marocaine, réfute officieusement la thèse de la Banque Mondiale qui
présente le vrai comme faux et objective sa version pour distinguer le faux du vrai ; et la
partie recherche qui essaie d’argumenter par preuves le vrai et le faux.

Cette conclusion atypique, non concluante est inspirée de la dialectique éristique de


Schopenhauer, remaniée de notre façon pour l’ajuster à notre cas.
Dans le cas de la performance logistique marocaine, chacune des trois parties prétend avoir
objectivement raison quant à l’évaluation de la performance logistique marocaine, tout en
ayant tort aux yeux des autres, et parfois même à ses propres yeux.
Quand une partie réfute la preuve de l’autre, et que cela équivaut à réfuter l’affirmation elle-
même, qui peut cependant être étayée par d’autres preuves – auquel cas, bien entendu, le
rapport est inversé en ce qui concerne son adversaire ; elle a raison bien qu’il ait
objectivement tort. Le vrai doit paraitre faux et le faux vrai.
Avec l’obstination à défendre une thèse qui nous semble déjà fausse à nous même, souvent,
nous sommes d’abord fermement convaincus de la vérité de notre affirmation, mais voilà que
l’argument de notre adversaire semble la renverser ; si nous renonçons aussitôt à la défendre,
nous découvrons souvent après coup que nous avions tout de même raison ; notre preuve était
fausse, mais notre affirmation pouvant être étayée par une bonne preuve.
Même quand l’argument de l’adversaire semble juste et concluant, nous devons l’attaquer,
certains que sa justesse n’est qu’apparente et qu’au cours de nos confrontations, nous
trouverons un argument qui viendra le renverser ou confirmer notre vérité d’une façon ou
d’une autre.
De cette façon, et par la perversité de la volonté des parties prenantes, celui qui débat ne se
bat pas pour la vérité mais pour sa thèse, et procède par toutes les voies, par tous les moyens
possibles d’avoir toujours raison.

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Chacun cherchera donc généralement à faire triompher sa proposition, même lorsqu’elle lui
parait pour le moment fausse ou douteuse. Quant aux moyens pour y parvenir, ils lui seront
fournis dans une certaine mesure par ses aptitudes personnelles à la ruse et à la médiocrité.
Celui qui sort vainqueur du débat doit bien souvent sa victoire non pas tant à la justesse de
son jugement quand il soutient sa thèse, qu’à l’astuce et à l’adresse avec lesquelles il l’a
défendue.
Dans les règles de ce combat, on ne doit pas tenir compte de la vérité objective parce qu’on
ignore la plupart du temps ou elle se trouve. Souvent on ne sait pas soi-même si l’on a raison
ou non, on croit souvent avoir raison alors qu’on se trompe et souvent les trois parties croient
avoir raison car la vérité est au fond du puits.

Bibliographie sélective
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